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Résumé Une vie

Roman écrit par Guy de Maupassant, son premier, publié en 1883.


Ce tableau de la condition féminine au XIXe siècle rapporte les événements affectant le destin de
Jeanne. Cette histoire nous montre en détail les étapes successives de la déchéance de cette jeune
aristocrate entre 1819 et 1848. Tout s'effrite peu à peu, dans cet univers sans espoir. Une vision
pessimiste, du monde et d'une société marquée par le Code civil et l'inégalité des sexes. Une réflexion
sur la marche de l'Histoire qui s'inscrit dans la lignée de fictions historiques, très répandues au
XIXe siècle.À 17 ans, Jeanne quitte le couvent de Rouen où elle vit cloîtrée depuis l'âge de 12 ans.
Son père, le baron Le Perthuis des Vauds, possède une propriété sur la côte normande (les Peuples)
où Jeanne a passé son enfance.Elle retrouve ce lieu avec plaisir et rencontre le vicomte Julien de
Lamare dont elle tombe profondément amoureuse. Le vicomte demande alors sa main à son père qui
accepte. La nuit nuptiale nous fait découvrir Julien sous un autre aspect que celui de vicomte aux
belles manières pour nous apparaître sous celui d'un homme à la sexualité brutale. Ils partent en
Corse pour leur voyage de noces et, très vite, Julien se montre irascible et avare. De retour à la
résidence familiale, la vie de Jeanne est monotone, elle s'ennuie.Julien abandonne le lit conjugal, se
montre perfide et vaniteux, Jeanne ne le considère plus que comme un étranger.Un soir, elle
découvre sa domestique, Rosalie, dans le lit de son mari. Prête à se suicider, Jeanne sombre dans un
profond état de prostration. Un docteur venu la consulter lui apprend alors qu'elle attend un enfant. Sa
grossesse se déroule tristement et elle accouche dans de terribles souffrances ; déçue par le mariage,
Jeanne témoigne un amour excessif à son fils, Paul.Quelques temps après, Jeanne surprend de
nouveau son mari dans les bras d'une autre femme, mais se sent d'autant plus trahie qu'il s'agit de la
comtesse de Fourville, une de ses amies.Peu après, sa mère meurt et Jeanne trouve dans les papiers
de la défunte des lettres prouvant que sa mère a entretenu une relation adultère avec un ami de la
famille. Paul, lui, connaît de graves problèmes de santé et Jeanne craignant de se retrouver seule
voudrait un autre enfant.Le comte de Fourville, s'étant rendu compte de la relation qu'entretenait sa
femme avec Julien, les tue tous les deux. Entre temps, Jeanne accouche d'une fille morte née.Paul,
sa seule consolation, grandit, aimé de tous, et poursuit des études très médiocres. Il fugue à Londres
et se contente d'écrire à sa mère en lui promettant régulièrement son retour et en profitant pour lui
demander de l'argent..Jeanne ayant pardonnée à Rosalie, celle-ci retourne aider son ancienne
maîtresse et découvre son épouvantable situation financière qui la force à vendre la demeure
familiale. Avec Rosalie, elle se retire dans une modeste demeure tandis que Paul annonce son
mariage avec une femme de piètre condition.Cloîtrée dans sa solitude, Jeanne ressasse
continuellement ses vieux souvenirs. Un jour, apprenant que la femme de Paul est gravement malade,
Jeanne accepte de prendre soin de leur petite fille sur qui elle déverse toute son affection si
longtemps retenue.
Autre résumé
Personnages principaux
Jeanne Personnage principal de l'histoire, elle représente probablement la vision qu'avait Maupassant
des femmes à l'époque. Jusqu'à 12 ans, elle vit avec ses parents sur la côte normande, puis est
enfermée jusqu'à ses 17 ans dans un couvent.« […] tenue là sévèrement enfermée, cloîtrée, ignorée
et ignorante des choses humaines. […]»Sa sortie du couvent est pour elle une véritable résurrection,
durant toutes ces années d'ignorance, elle n'a fait que rêver de sa vie future. Cependant, passée sa
nuit nuptiale, commencent alors les désillusions. Sa vie n'est dès lors plus qu'une longue chute triste
et morne ; au fur et à mesure que progresse le roman, Jeanne se retourne de plus en plus vers son
passé. Elle est passive, rêveuse et fataliste.« […] Oui c'était fini d'attendre. Alors plus rien à faire,
aujourd'hui, ni demain, ni jamais.[ …] »Elle tente jusqu'au bout du roman de nier son présent pour
pouvoir exister :« […] Et parfois elle oubliait qu'elle était vieille, qu'il n'y avait plus rien devant elle...
[…] »Son comportement peut se résumer comme inadapté à la réalité, tout comme l'est celui de Mme
Bovary dans le roman du même nom écrit par le guide littéraire de Maupassant.
Paul Après sa naissance, Jeanne reporte sur lui tout l'amour que Julien lui a refusé et devient une
mère surprotectrice.« […] Elle se donna tout entière à son fils […] ».Du coup, Paul devient un tyran
obtenant ce qu'il désire quand il le désire et se voit détesté par son géniteur pour avoir volé le centre
d'intérêt général.Son goût prononcé pour les fêtes et pour le jeu lui occasionne des dettes de plus en
plus importantes et il part s'installer à Paris au grand désespoir de sa mère avec qui il ne gardera
qu'un contact épistolaire.Il est mou et passionné, passion qui lui vaut de s'engager dans des
entreprises folles et infructueuses qui accéléreront la déchéance familiale.Maupassant nous laisse
quand même une lueur d'espoir quand à l'avenir de la famille lorsque Paul lègue sa fille à Jeanne.
Rosalie C'est la sœur de lait et la servante de Jeanne. Après avoir surpris son mari la trompant avec
Rosalie, Jeanne et sa famille éloignent Rosalie de la demeure familiale. Elle y reviendra après 25
années d'absence. Rosalie est alors devenue « plus forte » que sa maîtresse qui nous apparaît
autoritaire, active, rigoureuse et surtout, elle vit dans la réalité, tout ce qui fait défaut à Jeanne. C'est
elle qui citera, dans la dernière phrase du roman après avoir ramené la fille de Paul :« La vie n'est
jamais si bonne ni si mauvaise qu'on le croit ».C'est le seul personnage positif du roman, et qui ne soit
pas trop critiqué par l'auteur ; alors que les nobles sont incapables de profiter de leur vie, Rosalie voit
la sienne s'améliorer après son départ de la maison du baron grâce au travail qu'elle fournit.
Commentaires et analyses

UNE VIE CHAPITRE I

Jeanne dans ce chapitre I, heureuse, vient de revenir aux peuples avec ses
parents et de retrouver sa chambre avec son père. Elle se couche mais ne
parvient pas à dormir. « L’impatience de son esprit » la tient
éveillée ;Maupassant compose un tableau de Jeanne à la fenêtre, seule devant
le spectacle de la nuit : Elle contemple son pays et rêve d’amour.Elle se trouve
au seuil d’une existence nouvelle, sortie du couvent la veille, elle n’est pas
encore rentrée dans la vraie vie. Maupassant nous présente Jeanne et son pays
en une sorte d’union intime et en même temps nous amène à découvrir la
valeur symbolique qu’il donne à son paysage normand.

I JEANNE ET SON PAYS


1)Une géographie réelle

Les effets de réel sont nombreux ; Nous sommes en Normandie, dans le pays de Caux
avec une topographie réelle (Rouen, Yport, Etretat…).Le paysage est précisément décrit,
les arbres sont nommés (Ormes et peupliers avec leur nom local de peuples). Ensuite les
ajoncs(au bord de l’eau) et finalement la « falaise de 100 mètres, droite, blanche,
baignant sont pied dans les vagues » .La comparaison « jaune comme du beurre »
renvoie aux spécialités locales.Pourtant ce paysage n’est pas simplement réaliste comme
une photographie : Il est coloré et animé par un tempérament et une sensibilité.

2)Un paysage vivant

Ce paysage est animé par des verbes d’actions : Deux arbres « se dressaient », la côte « s’abattait », « baignant
son pied… », donnant une perception intime du paysage à travers les 5 sens de Jeanne.
C’est Jeanne qui « ouvrit sa fenêtre et regarda ». La vue est sollicité par le spectacle
nocturne. Le toucher est suggéré par les expression « nus pieds », « nus bras », l’odorat
perçoit les parfums « toutes les senteurs d la terre ». On entend les rafales de vent et
même on perçoit le goût « salin » et les « saveurs fortes ».La jeunesse de Jeanne est en
harmonie avec les « feuilles naissantes du printemps ».

Cette focalisation interne de la description favorise l’identification avec Jeanne et donc permet de
percevoir la valeur symbolique du paysage.

II UN PAYSAGE SYMBOLIQUE

1)Un pays d’enfance.


Nous avons la vision d’un paradis protégé, rassurant, organisé. C’est le domaine des parents tutélaires,
protecteurs : clos, « garanti des ouragans du large par cinq rangs d’ormes antiques ». « Cet espèce de parc était
borné », »cet enclos », »est gardé de tous côtés ».
Non seulement nous voyons avec les yeux de Jeanne mais nous sommes dans sa mémoire de petite fille où tout
paraît grand « La jeune fille reconnaissait tout ce pays aimé jadis dans sa première enfance ».
Elle voit un « large gazon », arbres géants, longues avenues et peupliers démesurés. Elle se souvient même des
noms des deux familles.

Mais au delà de ce paradis lumineux, simple, paisible on entrevoit le monde menaçant et néanmoins plein
d’attraits.

2)Un au-delà menaçant

De même que sa chambre s’achève sur la représentation des malheurs de Pyrame et thysbee, note paysage
décrivant le domaine s’achève sur l’extérieur du microcosme qui est redoutable.
C’est un monde sauvage et violent, jamais en repos ou se déchaînent tous les ouragans de la vie.
Jeanne se trouve encore dans son cocon et rêve de le quitter pour rejoindre le monde adulte malgré les pièges
qu’il comporte.
Jeanne est donc vue comme spectatrice. Mais c’est aussi à travers elle que le paysage est perçu et son
domaine décrit. Maupassant nous fait un portrait, nous fais même entrer dans le personnage, dans sa
mémoire en nous suggérant son passé et ses rêves d’avenir.
La description réaliste n’exclut pas la dimension symbolique ; au contraire elle la renforce par l’union
établie entre le paysage et le personnage.

Chapitre 1
« La baronne peu à peu s’endormait […] d’une façon superbe et touchante »

Notre passage se situe dans le premier chapitre. L’héroïne et ses parents se trouvent dans la calèche qui
les conduit de Rouen au manoir des Peuples. Maupassant veut peindre « l’humble vérité » en décrivant
une famille de la petite noblesse normande à laquelle il appartient lui même. Il dresse le tableau de toute
une classe social déclinante.
En suivant le point de vue d’un narrateur omniscient, nous découvrons
un tableau de famille émouvant avec toutes les apparences du bonheur.
Mais ce même narrateur nous propose en même temps une analyse sans
pitié d’une décadence annoncée.

I L’APPARENCE DU BONHEUR
1)Une famille unie

Nous partageons un moment d’intimité heureuse, naturelle, spontanée. L’entente


dans la famille est perceptible à chaque détails : le baron et la baronne
s’entendent très bien sur tous les plans. Le baron marque sa tendresse à sa
femme («pose doucement »). Il lui fait confiance. Jeanne, heureuse d’être sortie
du couvent, éclate en une « fusée de rire ». Le baron appelle sa femme « ma
chère amie ». Ils partagent les même goûts simples, la bonté les unie. « Ils
s’entendaient sur ce point de façon superbe et touchante ». Ils partagent aussi la
même attitude vis-à-vis de l’argent, ce qui les rapproche encore.

2)Une famille prospère et sans soucis

Le champs lexical de l’abondance souligne l’harmonie, la confiance (« or, billets


de banque,… »). Chacun des personnages vit dans l’illusion d’une richesse
inépuisable, dans le petit monde clos de la calèche et de la famille. Ils sont
inconscients des menaces qui pèsent et du monde qui change autour d’eux. Le
narrateur réussit à nous faire percevoir leur bonheur, et en même temps par des
effets d’annonces, nous montre leurs illusions et leur situation réelle.
II UN BONHEUR MENACE
1)Le portrait de la baronne

Un portrait sans indulgence de la baronne dont l’obésité est soulignée de toutes


les manière : la métaphore filée de la mer est renforcée par de nombreuses
hyperboles « ondulation, vague, pleine mer, noyé,… ». On s’inquiète de ce poids
menaçant qui l’empêche de respirer. Le ronflement fait sourire mais on devine
l’hypertrophie qui la tuera. En même temps qu’un portrait physique, le narrateur
présente un portrait moral de la baronne : laissé aller, passivité, inconscience…
Avec le sommeil de la baronne est évoqué la noblesse endormie, incapable
d’évoluer et de gérer son patrimoine.

2)Une ruine annoncée

Le baron, tout aussi aveugle que la baronne, lui remet l’argent qu’elle est
incapable de retenir (elle le fait tomber).Ils jouissaient d’un héritage important
(31 fermes) mais c’était la neuvième vendue. Le patrimoine est déjà écorné. « Ils
possédaient cependant encore environ 20000 livres de rentes en terres ».
Personne ne se rend compte de la disparition de l’argent. Même leur bonté est ici
une faiblesse « un trou sans fond toujours ouvert ». La métaphore de l’eau qui
montre la baronne liquéfiée se prolonge ici avec l’argent liquide qui coule sans
fin : « cela coulait, fuyait, disparaissait ». Cette gradation à rythme ternaire ,
cette nouvelle métaphore de l’eau suggère que l’argent « tari » dans leurs mains.
Cela s’apparente à une forme de bêtise : ils sont tout les trois dépensier, sans
discernement, et ne s’en aperçoivent pas.

Ainsi Maupassant dans cette scène apparemment anodine de la calèche nous peint non seulement ses
personnages mais aussi leur bonheur illusoire et en même temps nous propose de percevoir à travers eux
le comportement et le destin de toute une classe sociale menacée, celle de la petite noblesse provinciale.

Maupassant, Une vie (1883)


Chapitre 6. "La mort sociale"
Explication
Au retour de son voyage de noces, l’indifférence de Julien à son égard et
la monotonie de sa vie de couple plongent Jeanne dans la tristesse. Elle
espère être distraite par de nouvelles connaissances. Avec ses parents
et Julien, elle rend visite aux Briseville, leurs voisins nobles.
I - La fin d’un monde
A. Le décor
C’est celui du passé. Les Briseville n’ont manifestement plus les moyens
d’entretenir leur demeure : " La sonnette ne marchait plus ". Le " vaste salon
inhabité, tout empaqueté en des linges " suggère une vie enfuie, celle d’une société
condamnée à disparaître. L’opposition des teintes (" haut plafond noirci " /
" linges ") donne un aspect irréel, fantomatique à la pièce.
B. Les propriétaires
Maupassant fait la satire d’une représentation. En effet, les Briseville se mettent en
scène. Les mots " découvrant le vicomte et la vicomtesse de Briseville " donnent
l’impression que la porte s’est ouverte d’elle-même, faisant apparaître des acteurs
(annoncés par leur titre) sur la scène. Ils veulent produire la meilleure impression
sur leurs hôtes (" son beau vêtement d’apparat ", " redingote pompeuse ", " saluait
avec un ploiement des genoux "), mais, vieux et surannés, handicapés par leur
physique (" ses dents déchaussées "), ils heurtent l’œil et l’oreille (" serré ",
" maigrelets et sautillants ", " sa voix aigrelette "). Le cérémonial semble se gripper
(" cérémonieux et embarrassés ").
La satire dénonce aussi leur mode de vie. En fait, les Briseville sont imbus d’eux-
mêmes, objets de leur propre admiration (" luisaient comme luisent les choses dont
on prend grand soin "), persuadés de représenter l’élite du pays (" leurs parents
nobles semés par toute la France "). L’oisiveté et la futilité de leur existence sont
soulignées par plusieurs antithèses : " ils s’occupaient sans cesse " / " écrivant
beaucoup ", " passant leurs journées " / " en des occupations microscopiques ",
" causant majestueusement / des affaires les plus insignifiantes ". Absolument
dénués de générosité, ils se condamnent à rester prisonniers des convenances et de
leur rang (" si petits, si propres, si corrects "). La métaphore des " conserves de
noblesse " sanctionne l’absurdité de leur existence de morts-vivants.
II - L’échec de la rencontre
A. Le malaise des personnages
Le froid qui règne dans la maison résulte probablement d’économies de chauffage.
Cependant, il prend également une dimension symbolique, représentant l’effet que
produisent les Briseville. Ainsi, c’est la baronne, personnage fragile et sentimental
par excellence, qui souffre le plus de la température. Maupassant décrit comment le
milieu glace progressivement les personnages : " pénétrait les os, enrouait les
gorges " ; " toussait maintenant sans avoir cessé tout à fait d’éternuer ". Cette
situation révèle la fracture de la famille : le baron, attentif à sa femme, et Jeanne
(" d’involontaires frissons d’angoisse ", " Mais Jeanne s’était levée ", l’antériorité
du plus-que-parfait soulignant la vivacité de son mouvement, comme un réflexe de
défense) sont pressés de partir, à la différence de Julien. La phrase " Il fallut
attendre " laisse entendre le supplice des personnages.
B. Le néant de la conversation
Elle se termine avant d’avoir commencé : " Après les premiers compliments de
bienvenue et les politesses de voisinage, personne ne trouva plus rien à dire " (noter
l’intensité de " personne " et de " rien "). La conversation dès lors devient pure
rhétorique, le langage est mécanique (" de part et d’autre ", " des deux côtés ") et ne
transmet rien. Maupassant souligne l’absurdité de la situation : " sans raison ".
Confinant au ridicule, le discours dit même le contraire de la réalité : " ces
excellentes relations ", " C’était une ressource de se voir " (l’ironie du verbe " voir "
est frappante). Le seul discours direct est employé significativement pour la seule
parole des Briseville guidée par un minimum de désir : ils ne veulent pas rester
seuls, craignant de disparaître. La gradation " une phrase, un mot à dire " exprime
ensuite l’agonie du dialogue. La ressource sûre du temps fournit un bref répit. Enfin
Jeanne, par une dernière question, montre la distance qui la sépare de ces nobles
égocentriques : toute communication est impossible.Le réalisme se rapproche ici du
fantastique pour mieux exprimer l’angoisse qui saisit Jeanne lors de sa visite. Elle
est véritablement confrontée à la mort sociale qui la menace, elle qui vient
d’épouser Julien.

Maupassant, Une vie (1883)


Chapitre 6. "Premières illusions perdues"
Explication
Au début du chapitre 6, à peine son voyage de noces terminé, Jeanne sent la
tristesse l’envahir. La vie qui s’annonce ne répond pas à ses désirs.

I - La fin du rêve (trois premiers paragraphes)


La tournure " Mais voilà que " indique le caractère brusque de la révélation pour Jeanne, tout
comme la métaphore " fermait la porte ". La répétition du nom " réalité " met en valeur
l’opposition entre " des premiers jours " et " quotidienne " : la vie de Jeanne se fige dans la
répétition stérile et l’ennui. Par contraste, la répétition du préfixe " in " rappelle la liberté
délicieuse du rêve. Le style indirect libre intervient, à partir de " Oui ", jusqu’à " ni jamais ".
" Oui " indique que Jeanne répond à sa propre question, confirmant ses craintes.
Le deuxième paragraphe exprime le découragement, par la construction nominale de la
première phrase, la gradation " aujourd’hui, ni demain, ni jamais ", la métaphore de
l’ " affaissement ".
Le troisième paragraphe sert de transition entre les deux espaces. Le premier contact de
Jeanne avec l'extérieur s’effectue d’abord par le toucher de la vitre. La vue ne lui fournit pas
non plus de stimulation satisfaisante : " après avoir regardé quelque temps ".
II - Le souvenir du printemps (quatrième paragraphe)
La nature a été le refuge de Jeanne, et la complice de sa joie, au printemps, c’est-à-dire au
début de l’histoire. Mais sa vie s’est transformée, à l’image du paysage. Le style indirect libre
permet de vivre sa désillusion de l’intérieur. Son étonnement, mêlé de douleur, est perceptible
par les questions rhétoriques, par la répétition de l’adjectif indéfini " même ", par le
démonstratif " cette ". Le souvenir de Jeanne exalte les couleurs vives du printemps, à travers
le bouquet des métaphores, exprimées par une suite de relatives : " flambaient ",
" saignaient ", " rayonnaient ". On note en outre les papillons " jaunes ", l’hypallage de " la
gaîté ensoleillée des feuilles ", qui suggère la profusion et l’éclat, et la métaphore de la
" poésie verte du gazon ", qui assimile la nature à l’enchantement des sens. Les papillons
apportent une grâce bucolique, non seulement par leur couleur, mais aussi par leur
déplacement fluide et léger : " comme au bout de fils invisibles ". On remarque le champ
lexical de la joie : " gaîté ", " frétillaient ", " fantasques ", " griserie ". Toute l’animation du
paysage est réduite à néant par l’arrivée de l’automne.
III - La mélancolie de l’automne (cinquième paragraphe)
Des personnifications accentuent la tristesse de cette vision : " la maigreur grelottante des
peupliers " répond aux " feuilles mortes ", expression lexicalisée qui trouve ici une nouvelle
vigueur. Les arbres agonisent : " branches grêles ", " peupliers presque nus ", " agitaient
encore quelque feuillage ". L’allongement des avenues donne une impression de vide. Tout
est uni et morne. Le vent est présent, ainsi que la pluie, au sens propre puis au sens figuré ;
elle enferme le paysage dans des lignes verticales (" les continuelles averses d’automne ",
" comme une pluie incessante "). L’hyperbole " triste à faire pleurer " indique le sentiment
ressenti par Jeanne : la pluie et les pleurs se confondent, dans la douleur. La régularité de la
dernière phrase exprime de façon lancinante la mélancolie du spectacle. L’accumulation
finale des quatre verbes à l’imparfait ralentit le rythme pour suggérer le désespoir d’une
agonie interminable.
L’automne donne à Jeanne le sentiment de la fuite du temps. Mariée dès sa sortie du couvent,
elle ne se sent pas aimée par son mari, et a peur de vieillir sans trouver le bonheur.
Chapitre 9
« Quand il n’y eut plus qu’un amas […] ni joie, ni bonheur. »

Nous sommes à la fin du chapitre 9, la baronne vient de mourir, Jeanne reste


seule pour la veiller, emplie de chagrin et de souvenirs. Elle vient de trouver
la correspondance amoureuse de sa mère et son infidélité, tout comme elle a
découvert celle de son mari au début du chapitre. Tout cela contribue au
sentiment de perte irrémédiable dans le deuil et la désillusion.

Afin de mieux nous faire percevoir l’écoulement du temps, Maupassant


construit cette scène comme un diptyque, qui renvoie à la scène de la
fenêtre du chapitre 1 (en mai 1819 : seulement 2 ans se sont écoulés
entre les 2 scènes). Ce contraste entre les 2 scènes est encore accentué
par une utilisation ironique de la nature

I LE ROLE DE LA MEMOIRE
1)La mémoire de Jeanne

Elle réduit en cendres le passé de sa mère et le sien : elle a brûlé les lettres
familiales et amoureuses.
Nous l’entendons pousser une « plainte désolée » au discours direct « Oh ! ma pauvre maman ».
Puis elle se torture et nous suivons ses réflexions, sa pensée au discours indirect
libre « la connaissance de l’affreux secret n’amoindrirait-elle pas son amour
filial ? » puis « comme c’était loin ! ».Enfin nous entrons dans ses pensées
amères au discours indirect : « se demandant s’il était possible que, sur cette
terre[…] il n’y eut ni joie ni bonheur ».Ces choix progressifs de discours, nous
éloigne peu à peu de Jeanne, avec le discours direct nous partageons son chagrin
ensuite ses divagations sur la résurrection de sa mère sont mises à distance, puis
sa pensée plus générale (presque philosophique), sa réflexion sur la vie, nous est
transmise indirectement comme si le narrateur et nous même pouvaient aussi la
partager.Nous partageons aussi son souvenir de la première soirée aux peuples,
selon la manière de Maupassant de nous associer à la mémoire du personnage. Il
crée ainsi son diptyque en renforçant l’unité de l’œuvre et nous fait parcourir
l’épaisseur temporelle d’une durée subjective.

2)La mémoire du lecteur

Nous gardons en mémoire la première scène et Maupassant nous guide en


construisant ces scènes symétriquement et de façon contrastée.Nous sommes la
nuit avec Jeanne, devant la fenêtre ouverte, au printemps : dans la première
scène, elle est debout, dans la seconde, elle retourne s’asseoir, accablée.Ici ses
pensées sont endeuillées, déchirantes, au lieu d’être joyeuses, pleines d’espoir.
Dans notre première scène, elle rêvait d’amour conjugal, ici elle perd même son
amour filial, l’amour conjugal étant déjà perdu.Maupassant nous rend
directement sensible la perception du temps, nous pensons comme Jeanne :
« comme c’était loin, comme tant était changé, comme l’avenir lui semblait
différent ! ». Elle a déjà perdue beaucoup d’illusions, son mari, au lieu d’être le
prince charmant se révèle être avare, brutal, infidèle. Sa mère est morte, au lieu
de laisser un souvenir de Sainte (selon l’abbé Picot), elle est une femme
méprisable, infidèle, tout n’est que tromperie et mensonge (« non ce n’était pas
possible ». Elle ne peut aimer sa mère infidèle)

A travers la perception, la sensibilité et la morale de Jeanne, Maupassant nous


fait partager sa conception pessimiste du monde.
II LE ROLE DES CONTRASTES IRONIQUES

1)Le dedans et le dehors

Les deux espaces forment un contraste : à l’intérieur de la chambre règne


l’obscurité, la mort, le deuil. Dans le foyer on ne voit plus « qu’un amas de
cendres » qui renvoie symboliquement aux cendres du cœur de Jeanne, aux
illusions détruites : celles du passé (lettres), celles du présent (mort de mère) et
même celles de l’avenir. L’espoir est perdu : « ni joie ni bonheur ». Dedans
s’écoulent les larmes et monte la plainte de Jeanne. Dehors, « la nuit
s’efforçait », « c’était l’heure fraîche qui précède le jour », la lune « navrait la
mer ». Dehors, le monde est lumineux, beau, jeune, joyeux et même amoureux,
c’est le printemps.Seul ici le ciel est joyeux et amoureux, cette aurore radieuse
surprend Jeanne comme une ironie désespérante.

2)Une ironie désespérante

L’indifférence de la nature, souligne par contraste le désespoir de Jeanne. Dans la


première scène du chapitre 1, il y avait accord entre la nuit printanière et la
jeune fille. Les beautés de la nature, ses plaisirs formaient avec la joie de Jeanne
une harmonie parfaite et illusoire. Maintenant l’aurore est si joyeuse, si
amoureuse qu’elle paraît une ironie navrante, une blessure, une moquerie, une
cruauté supplémentaire pour cette femme en deuil.Cette scène forme un
diptyque avec celle du Chap. 1 : elles s’éclairent l’une l’autre, par
contraste et permettent à Maupassant, en racontant une vie, de nous
faire percevoir sa conception de la vie, du temps qui passe, de la mort
qui frappe et des illusions qui se perdent.

UNE VIE, CHAPITRE X


Le chapitre X d’Une Vie est l’un des plus riches en événements. L’abbé Picot,
prêtre accommodant vient d’être remplacé par l’abbé Tolbiac, jeune prêtre
violent, intolérant, voire fanatique.

Il a découvert la liaison de Julien avec Mme de Fourville. Il demande à Jeanne


de les dénoncer ; celle-ci refuse. Il est déjà furieux lorsqu’il arrive sur le groupe
d’enfants autour de la chienne en train de mettre bas.

Notre scène avait été annoncée par celle des amoureux à qui le prêtre avait
lancé des pierres « comme on fait aux chiens ».

Dans cette scène de la chienne en gésine, Maupassant reprend le thème de l’accouchement qu’il avait déjà
traité avec Rosalie et Jeanne. Il lui donne un caractère encore plus réaliste et par différents procédés lui
donne un rôle symbolique dans l’œuvre.
I UNE SCENE REALISTE
1)Un sujet réaliste

Avant Flaubert et Maupassant le corps avec ses besoins, ses faiblesses et ses maladies n’avait pas été décrit dans
le détail dans la littérature.Ici c’est le contraire : rien ne nous est épargné des détails ignobles et répugnants.
Nous assistons à un spectacle réel, habituel, à la campagne, mais Maupassant lui donne
un relief particulier.
Comme une scène de théâtre elle commence à l’arrivée de Tolbiac et finit par sa sortie
fracassante, qui correspond à son expulsion par le baron. Elle est présentée comme un
spectacle et dans l’esprit du lecteur renvoit aux deux autres accouchements 2)Une
technique réaliste

-Le narrateur commente la scène avec un regard extérieur en apparence et ne se permet


pas de jugement moral.-Il se permet deux phrases de commentaire : « c’était un jeu pour
eux »-Le lecteur est placé devant la scène dans la position de Jeanne et des enfants.-Les
effets de réel donnent l’impression que le narrateur raconte ce qu’il voit. Il rend la scène
familière et proche par un vocabulaire simple (toutou, galopin). Enfin il nous fait
entendre au style direct des paroles des enfants : « en v’la encore un ! ».-Nous sommes
de plus en plus près Jusqu’à cde que l’on ne voit plus que l’abbé et la chienne puis
uniquement le corps, les mamelles et les pieds du prêtre.-Le seul jugement qui apparaît
est celui des personnages ; Jeanne s’est sauvée, le baron gifle l’abbé.C’est en effet le
baron qui porte le jugement de Maupassant et du lecteur.

Notre narrateur omniscient n’intervient pas, ne juge pas l’abbé mais réussi à faire saisir au lecteur le rôle
et le sens de cette scène contrastée.
II LE ROLE DE LA SCENE

1)Un contraste signifiant.


Maupassant organise da scène en deux temps, de façon antithétique, lui donnant un sens.
a)Une scène campagnarde, naturelle, simple, joyeuse, « pure » qui nous amène à la voir presque comme les
enfants. Ils sont intéressés par le spectacle de la vie, comme une « leçon de choses ». La joie domine, avec la
vie… La chienne est humanisée par le vocabulaire, les sentiments ainsi que les chiots nouveau-nés par contraste
avec l’abbé qui en les piétinant se transforme en bête fauve.
b)Dans le second paragraphe, tout forme antithèse. L’abbé se déchaîne devant se spectacle impur pour lui. Il est
dégoûté par la procréation, l’amour, l’accouchement et en vient presque à les haïr. Sa violence est suggérée
comme une folie : Il frappe d’abord les enfants, s’attaque ensuite à la chienne. Enfin une succession des verbes
montre la gradation dans la violence (pliant, pilant….). Cette violence est encore mise ne valeur par la faiblesse
de la chienne attachée, en gésine, incapable de se défendre.
Enfin le baron intervient, comme pour soulager le lecteur en exprimant l’opinion des gens normaux. Le baron si
doux d’habitude arrive à gifler l’abbé.
Par cette organisation du passage et ces effets de contraste, Maupassant nous amène à partager ses vues sur
certains membres du clergé et leur intolérance.
Nous sommes très loin de al neutralité du narrateur.
2)Le rôle dans l’œuvre

-L’humanisation de la chienne nous touche mais aussi nous fait comprendre comment les femmes sont
persécutées par la religion stupide en lutte contre les lois de la nature. C’est le cas de Jeanne persécutée par
Tolbiac.-La mort des chiots annonce la mort de l’enfant de Jeanne.-Le fanatisme de l’abbé aura des
conséquences dramatiques sur la vie des autres personnages.Montré ici comme assassin, il sera plus tard
l’instigateur d’un crime : le meurtre du val de Vaucottes .-Maupassant dénonce en passant certains prêtres
fanatiques ayant une fausse morale qui leur fait mépriser les valeurs de la vie, qui détruisent et répande la haine
et qui sont d’ailleurs haïs par tous les paysans et le baron.as Maupassant a sa manière dans cette scène lutte
contre les préjugés moralisateurs et rigoristes à la fois sur un plan artistique comme Courbet qui montre
que l’on peut tout peindre et sur le plan du récit puisqu’il réussit sans intervenir à montrer les ravages
d’une certaine intolérance religieuse.
Maupassant, Une vie (1883)
Chapitre 14. "Une naissance salvatrice"
Explication
Après avoir définitivement quitté les Peuples, Jeanne reçoit une lettre de Paul, en délicate
situation : sa femme est mourante et il ne peut subvenir aux besoins de son nouveau-né.
Rosalie va chercher l’enfant à Paris. Le troisième jour, Jeanne reçoit " un seul mot de (sa
servante) annonçant son retour par le train du soir. Rien de plus. " Elle l’attend sur le quai
de la gare.
I - L’opposition de Jeanne et de Rosalie
A. L’action
C’est Rosalie qui, depuis la mort du baron, veille sur Jeanne et pallie ses faiblesses. Elle
remplace sa maîtresse, incapable de faire le voyage. Dans le texte, l’émotivité de Jeanne la
paralyse : " elle craignait de tomber tant ses jambes étaient devenues molles ".
Au contraire, Rosalie, malgré la fatigue du voyage (" me v’là revenue, c’est pas sans peine "),
ne laisse rien paraître : " avec son air calme ordinaire ".
B. Le dialogue
Sous le coup de l’émotion, Jeanne s’exprime difficilement : " balbutia ", " murmura ", " et
n’ajouta rien ". Elle reste silencieuse lorsque Rosalie lui donne l’enfant, ainsi qu’à la fin du
texte. Rosalie, elle, s’exprime tranquillement : " dit ", " répondit ", " reprit ". A la fin,
l’impératif " finissez " montre son autorité.
C. Le sentiment
Sous des dehors frustes (elle annonce les trois événements successifs -la mort, le mariage et la
présence de la petite- sans ménager Jeanne), Rosalie est dévouée à sa maîtresse,
reconnaissante envers sa famille, et participe à sa joie (" contente et bourrue "). Elle plaint
sans doute Jeanne pour son destin, d’où la consolatrice phrase finale (" répondant sans doute à
sa propre pensée "). En revanche, Jeanne a été tellement déçue qu’elle n’est plus guère
sensible au malheur d’autrui. Seule sa petite fille l’intéresse, Maupassant soulignant
auparavant que la mort de la mère lui procure une " joie perfide ".
II - Le sens du dénouement
A. La ferveur de la vie retrouvée. Une nouvelle fois, c’est au printemps que la vie semble
sourire à Jeanne. Des métaphores soulignent les couleurs dont s’orne le paysage, rempli de
fleurs : " l’or des colzas en fleur ", " le sang des coquelicots ". L’hyperbole " inondant de
clarté " indique l’intensité de la lumière. L’adjectif " tachées " fait penser au tableau d’un
peintre. La vivacité des hirondelles (" comme des fusées "), les " sèves " qui germent donnent
l’impression d’une renaissance. Le spectacle est d’autant plus doux que la vitesse de la
carriole berce ses occupants.A l’unisson du paysage, l’enfant qui vient de naître ranime la vie
de Jeanne : son influence bénéfique est signalée par les expressions " une tiédeur douce ",
" une chaleur de vie ", " la chaleur ". Le réchauffement physique et moral est exprimé par le
champ lexical du mouvement : " traversant ", " gagna ", " pénétra ". La fragilité de l’enfant est
attendrissante : " la frêle créature, frappée par la lumière vive ". La réaction de Jeanne est
d’autant plus spectaculaire que Maupassant la fait attendre : l’enfant est d’abord invisible dans
le linge, avant que sa chaleur ne rappelle sa présence et n’amène Jeanne, dans une apothéose
d’émotion, à découvrir sa figure. B. La continuation d’une vie ; Jeanne passe dans cette
scène de l’apathie à l’exaltation. S’agit-il d’une renaissance, d’une revanche sur le sort, ou
d’un énième et vain espoir ? Le narrateur souligne la violence de Jeanne : " (elle) se mit à
l’embrasser furieusement, la soulevant dans ses bras, la criblant de baisers ". Cet amour
rappelle déjà celui, possessif et hystérique, qu’elle vouait à Paul. Le nouveau-né, traité comme
un objet, offre un nouveau support à sa tendresse idéale. L’expression " la fille de son fils "
évoque le penchant de la baronne et de Jeanne pour la généalogie, propice aux illusions de
bonheur. L’hyperbole de l’ " émotion infinie " n’est pas non plus sans faire penser aux rêves
nourris plus tôt dans le roman. Quant à la conclusion de Rosalie, concentré de sagesse
populaire, elle consacre l’insignifiance d’une vie.Avec cette fin larmoyante destinée à plaire
au public, Maupassant revient à la convention qu’il a plutôt bien évité dans l’œuvre, et qu’il
dénonçait justement dans l’esprit romanesque de ses personnages. Mais on peut lire ces
dernières lignes avec le regard ironique auquel le narrateur nous a accoutumés précédemment.
Lettres à un jeune poete
Une seule chose est nécessaire: la solitude. La grande solitude intérieure. Aller en soi-
même, et ne rencontrer, des heures durant, personne - c'est à cela qu'il faut parvenir.
Etre seul comme l'enfant est seul quand les grandes personnes vont et viennent, mêlées à
des choses qui semblent grandes à l'enfant et importantes du seul fait que les grandes
personnes s'en affairent et que l'enfant ne comprend rien à ce qu'elle font. S'il n'est pas
de communion entre les hommes et vous, essayez d'être prêt des choses: elles ne vous
abandonneront pas. Il y a encore des nuits, il y a encore des vents qui agitent les arbres
et courent sur les pays. Dans le monde des choses et celui des bêtes, tout est plein
d'évènements auxquels vous pouvez prendre part. Les enfants sont toujours comme
l'enfant que vous fûtes: tristes et heureux; et si vous pensez à votre enfance, vous revivez
parmi eux, parmi les enfants secrets. Les grandes personnes ne sont rien, leur dignité ne
répond à rien.

Conseils d'un aîné


Franz Kappus n'a pas vingt ans lorsqu'il décide d'écrire à son aîné, auteur certes jeune (Rilke a
27 ans) mais jouissant déjà d'une certaine notoriété. Ce sont d'abord les doutes de ce jeune
élève officier que l'on entend à travers cette correspondance. Le jeune épistolier s'adresse au
poète comme à un confident susceptible de l'aider à surmonter l'alternative qui le tenaille: la
carrière militaire ou les risques de la poésie. Rilke répond au désarroi de son puîné en ces
termes : « Vous demandez si vos vers sont bons. C'est à moi que vous posez la question. Vous
en avez interrogé d'autres auparavant. Vous les envoyez à des revues. Vous les comparez à
d'autres poèmes, et vous vous inquiétez si certaines rédactions refusent vos essais. Or
(puisque vous m'avez autorisé à vous conseiller), je vous invite à laisser tout cela. »[1]La
correspondance se consacre très peu aux problématiques techniques de la création poétique.
Le maître poète renvoie sans cesse son élève à lui-même afin de l'aider à « passer » vers le
monde adulte et d'advenir à soi-même : « Mais l'apprentissage est toujours une longue
période, une durée à part », peut-on lire dans la septième lettre.[2]

La poésie comme recherche d'une vérité intime [modifier]

« Rentrez en vous-même. Cherchez la raison qui, au fond, vous commande d'écrire. […]
Creusez en vous-même jusqu'à trouver la raison la plus profonde. […] Et si de ce
retournement vers l'intérieur, de cette plongée vers votre propre monde, des vers viennent à
surgir, vous ne penserez pas à demander à quiconque si ce sont de bons vers. »Le succès des
Lettres à un jeune poète tient certainement à cette dimension quasi universelle de la réflexion
du poète. Rilke explore la raison intime qui détermine les choix d'existence que tout un
chacun peut découvrir en soi. La création artistique apparaît, sous la plume de Rilke, comme
l'acceptation de ce que l'on est véritablement. La poésie apparaît comme saisie authentique du
monde, comme expression d'une expérience vécue et assumée: expérience de la solitude, de
l'amour, de la tristesse, de la mélancolie, du conformisme et de l'anticonformisme.Ainsi peut-
on lire dans sa dernière lettre : « Dans toute situation réelle, on est plus proche de l'art, plus
voisin de lui que dans les irréelles professions semi-artistiques qui, en faisant croire qu'elles
touchent à l'art de près, en nient pratiquement l'existence et l'agrément, comme fait par
exemple le journalisme tout entier et presque toute la critique et les trois quart de ce que l'on
nomme littérature et qui veut être nommé ainsi. Je me réjouis, en un mot, de voir que vous
avez évité de tomber dans ces pièges et que vous restez vaillant et solitaire au milieu d'une
dure réalité. »

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