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EDITORIAL D OSSIER
Le dispositif ultramarin
d’accès à Sciences Po Bordeaux
Le concours décentralisé
Vincent Hoffmann-Martinot
Bon courage !
À peine éteintes les lumières des fêtes
d’ outre-mer
Sciences Po Bordeaux a expérimenté avec succès en 2006 un concours d’entrée décentralisé en
Guyane. Dans la foulée, des épreuves ont été organisées à la Réunion, en Martinique et en
(elles ont été allumées, pour Sciences
Po Bordeaux, dès le début de Guadeloupe. Aujourd’hui, des conventions ont été signées pour étendre le dispositif
novembre pour nos 60 ans), les ren- ultramarin à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie. Tous les territoires d’outre-
dez-vous s’accumulent sur notre agen-
da institutionnel. Ce qui n’empêche mer sont donc concernés par cette initiative de Sciences Po Bordeaux qui s’inscrit dans la
pas qu’il est encore temps de nous
présenter, mutuellement, tous nos politique d’égalité des chances pour l’entrée dans l’établissement. En faisant tomber les
meilleurs vœux pour l’année 2009. barrières de la distance et de l’argent, l’Institut offre à des étudiants méritant qui n’auraient
Plus que jamais, en cette nouvelle jamais pu matériellement venir passer le concours en métropole l’opportunité d’accéder à
année, le titre de notre magazine cor-
respond à notre ambition. Comment l’Institut d’études politiques de Bordeaux. Pascal Jan, cheville ouvrière de cette action, nous
nous développer ? Quels choix opérer explique les tenants et les aboutissants de ce projet. Des données chiffrées et des témoignages
pour les dix prochaines années ?
Quelle « expansion » ? Et donc, fonda- d’étudiants originaires d’outre-mer confirment son efficacité. Lire notre dossier à partir de la page 3
mentalement, quelle extension
choisir ? Une partie des débats orga-
nisés lors de notre Soixantième anni-
versaire a porté sur cette question,
dans les exposés de nos différents
invités mais aussi dans les discussions
plus « informelles » avec telle ou telle
ou personnalité, lors des pauses cafés
et déjeuners. Au point, naturellement,
que les échos de ces discussions ont
raisonné au-delà de nos murs. Ne
nous en plaignons pas, bien au
contraire : cela montre que notre
devenir importe. Simplement, il arrive
parfois dans certains échanges voire
dans quelques polémiques, pour ne
pas parler des conflits, qu’on perde de
vue la cause des choses pour se focali-
ser sur les effets. Or, pour reprendre la
célèbre dichotomie sartrienne, ce qui
préside bien souvent à la constitution
des faits c’est la conjugaison entre une
cause occasionnelle et un souci pro-
fond.
Extension Page 1
Chronique C HRONIQUE
EDITORIAL
SUITE… Le féminisme islamique
intéressent ; dans notre internationali-
sation ; dans la qualité de vie proposée
à tous ceux qui fréquentent l’institu-
tion, tant socialement que culturelle-
en questions…
ment, etc. Mais cette même préoccu-
pation fondamentale porte aussi sur
notre inscription pleine et entière
dans le paysage universitaire bordelais
de recherche
auquel nous tenons particulièrement
et, au-delà, dans l’ensemble de la cité Parler de « la » condition de « la » femme musulmane est en soi infondé
qui nous environne.
et réducteur. Pour autant, alors que les Nations Unies ont fait de la
Quant à la cause occasionnelle (il
serait plus juste d’employer le pluriel), promotion de l’égalité des sexes et de l’autonomisation de la femme une de
évoquons-en trois parmi d’autres, sans
hiérarchie. On soulignera d’abord que
leurs priorités, force est de constater le retard significatif qu’accuse le
nous ne pouvons nous satisfaire d’un monde arabo-musulman en la matière. Dénonçant l’impérialisme
taux de sélection qui nous place au
premier rang des Instituts d’Etudes culturel occidental, conservateurs et islamistes ont érigé la femme
Politiques français avec un pourcenta-
ge de places offertes aux candidats musulmane en symbole d’une identité menacée. Entre universalité et
entre 5 et 7% sur les cinq dernières
années. C’est un mécanisme absurde
spécificités culturelles, certaines musulmanes refusent de trancher et
aux conséquences sociales parfaite- prônent une troisième voie : le « féminisme islamique ».
ment injustes. Il est donc clair qu’il
nous faut plus d’espace ! On précisera
ensuite qu’une réflexion globale sur
l’avenir de l’Université de Bordeaux, L’alliance de ces termes semble pour le Le GIERFI tente de synthétiser des aspi- du sociologue Mohamed Mouaqit sur
dans le cadre de l’Opération Campus, moins paradoxale. En effet, comment rations formulées par des groupes et le féminisme islamique est à ce titre tout
et plus précisément sur le devenir des concilier l’impératif universel d’égalité personnalités diverses comme Nadia à fait intéressante : celui-ci ne peut se
sciences de l’homme et de la société prôné par le féminisme et le respect Yassine ou Khadija Moufid. Or, s’il s’agit définir comme un féminisme d’impul-
sur l’ensemble du site universitaire, ne
saurait se faire sans qu’un établisse-
d’un dogme religieux fondé sur une logique de deux figures emblématiques de la sion mais de réaction. Il n’a pas été à
ment comme le nôtre occupe toute sa patriarcale ? mouvance islamiste, il n’en reste pas l’origine du changement (la réforme
place dans un tel débat. On souligne- La question du référentiel est au centre moins qu’elles appartiennent à deux asso- du code de la famille) mais cherche à
ra enfin que lorsque des opportunités des interrogations autour de ce phé- ciations, respectivement Insaf et Orco- le légitimer a posteriori. Le discours sur
foncières et financières se présentent, nomène qui vient brouiller le fe , qui ont adopté des posi- la libération des femmes sert à légiti-
où qu’elles se situent et d’où qu’elles dualisme classique « progres- tions tout à fait différentes sur mer le référentiel religieux et non l’in-
proviennent, il serait irresponsable de sistes vs réactionnaires ». la réforme du code de la famil- verse : c’est sans doute la différence
ne pas y réserver un accueil sinon
immédiatement positif du moins
Le Maroc constitue un cas le. L’Insaf l’a approuvée sur le fondamentale avec le féminisme laïc.
effectivement attentif. intéressant. Les débats autour fond parce que la démarche
de la réforme du code de la consistait à chercher dans l’is- Le flou du concept n’empêche cepen-
Des engagements très clairs de sou- famille en 2003 ont en effet lam les sources de l’émanci- dant pas le succès des mouvements qui
tien et de financement ont été pris, permis de révéler la force du pation. Elle a ainsi salué des le composent. Cette démarche de relec-
oralement, lors des récents échanges féminisme islamique mais aussi mesures telles que la restric- ture du Coran constitue en soi un acte
qui ont eu lieu sur nos potentialités
de développement. Je sais que nous
son extrême diversité et son tion de la polygamie, la cores- de libération et suscite un réel enthou-
pouvons faire confiance aux plus flou conceptuel. ponsabilité des époux ou la siasme. De plus, le pragmatisme des fémi-
hautes autorités politiques locales et suppression de la tutelle mari- nistes musulmanes a le mérite de tou-
régionales qui ont toujours témoigné C’est à ce travail de théorisation que tale obligatoire. A l’inverse, les posi- cher certaines catégories de femmes,
leur bienveillance vigilante à notre se consacre Asma Lamrabet, présiden- tions de l’Orcofe ont été très réservées, jusque là peu sensibles aux discours des
égard. J’ai demandé, début janvier, te du GIERFI et auteur de l’ouvrage Le la logique défendue étant ici celle d’une élites intellectuelles féministes, trop éloi-
que l’on mette en chantier une étude Coran et les femmes, une lecture de lecture correcte et non pas moderne du gnés de leur quotidien.
globale de faisabilité pour envisager
sereinement toutes les hypothèses de
libération (2007). L’émancipation des Coran.
notre extension future. C’est ainsi que femmes est conçue comme émancipa- Le rejet d’un féminisme laïc constitue Devant un tel succès, les tenantes d’un
nous aurons un véritable outil d’aide tion spirituelle, via la réappropriation des donc le plus petit dénominateur com- féminisme laïc doivent redynamiser leur
à la décision. textes sacrés. On se situe dans une logique mun à ces différents mouvements dont mouvement. Sur le fond, un véritable
d’Ijtihad , dont le travail d’interpréta- la pluralité tend à être masquée par le défi leur est posé : comment le fémi-
Cette réflexion collective qui vient ne
tion du texte fonctionne à partir de l’évo- concept de « féminisme islamique ». nisme peut-il faire face aux défis du mul-
sera pas uniquement « immobilière »,
elle devra d’abord être entièrement lution du contexte. ticulturalisme ?
inscrite dans le projet global de l’éta- Ainsi, les statuts juridiques des femmes Par ailleurs, on est en droit d’interroger
blissement d’autant que d’autres dos- dans le monde arabe, basés sur des inter- les limites de cette association féminis- Marième N’DIAYE
siers s’ouvrent ou vont s’ouvrir paral- prétations patriarcales, ne rendraient pas me/islam. Bien que récusant les prétentions Doctorante au CEAN
lèlement : le contrat quadriennal justice à l’islam. Pour autant, la solution universalistes du féminisme, les fémi- Monitrice à Sciences Po Bordeaux
2011 – 2014 ; l’évaluation de ne se situerait pas dans l’instauration nistes islamiques ne s’en approprient
l’IGAENR dans le cadre de la loi
de textes à prétention universelle, qui pas moins le concept et en occultent la 1. Groupe International d’Etude et de Réflexion sur
LRU et de notre demande d’une Femmes et Islam, créé le 24/10/08 à Rabat.
autonomie plus importante, etc. Les n’apporteraient pas de solutions genèse. Or, si le débat sur l’ethnocen- 2. « Effort intellectuel réalisé en vue de formuler un
occupations ne vont donc pas man- concrètes aux femmes musulmanes car trisme peut se poser, on ne peut cepen- avis juridique dans le cas où les sources de référence
restent silencieuses », site du GIERFI,
quer, au cas où nous en aurions éloignés de leurs réalités. dant nier l’ancrage historique du fémi- http://gierfi.wordpress.com/.
douté, cette année 2009. Raison de La dimension post-coloniale du mou- nisme et de ses valeurs dans la modernité 3. Organisation pour la rénovation de la conscience
plus pour nous souhaiter, collective- vement transparaît clairement : les voies occidentale. Cela n’implique aucunement féminine.
ment, « Bon courage » ! d’émancipation sont plurielles. S’il exis- de devoir y adhérer mais interroge sur
te des valeurs communes, il n’y a pas la réappropriation d’un concept qui s’en
Vincent Hoffmann-Martinot de modèle unique. trouve dénaturé et brouillé. La réflexion
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Dossier D OSSIER
suite de la page 1
Le dispositif ultramarin
d’accès à Sciences Po Bordeaux
Pascal JAN, au-delà des mers.
Le concours décentralisé
« Faire tomber les barrières
d’ outre-mer
de l’argent et de la distance »
Pascal Jan, professeur de droit à Sciences Po Bordeaux en
collaboration avec Anne Gaudin, est chargé du dispositif ultramarin.
Il nous explique l’objectif, les vertus et les difficultés de cette initiative
d’ouverture du recrutement de Bordeaux à des étudiants d’outre-mer.
Pourquoi le dispositif ultramarin L’organisation de plusieurs bénéficions du soutien des
a été créé par Sciences Po Bor- concours décentralisés à des rectorats locaux qui se
deaux et quelles en sont ses milliers de kilomètres pose forcé- chargent de recruter des
vertus ? ment des problèmes matériels. professeurs agrégés et des
Ce dispositif s’inscrit dans la lignée Quels sont-ils ? maîtres de conférence qui
de la politique de diversification de La distance constitue effectivement assurent la notation des
recrutement des étudiants de l’Insti- l’obstacle majeur, surtout en phase copies de toutes les
tut, dans le prolongement du dispo- d’amorçage du dispositif. Il faut aller épreuves, sauf celle de
sitif « Sciences Po Bordeaux, Je le peux à la rencontre des collectivités locales, culture générale. Ce choix
parce que je le veux » (1). Ici, il ne dialoguer avec la communauté édu- n’est pas anodin. Il prou-
s’agit pas d’une ouverture liée à une cative et les lycéens, tisser des liens ve la qualité des enseignants
typologie d’établissements ou de et ancrer la convention dans la réali- locaux, conforté par les résul-
publics, mais à des territoires situés té. Pour le concours proprement dit, tats des élèves. Leur taux
loin de Bordeaux. L’organisation de nous sommes confrontés au problè- de réussite est légèrement
ces concours ultramarins correspond me du décalage horaire. Nous avons supérieur à la moyenne
à la vocation de Sciences Po de favo- opté, à une exception près, pour une nationale (2). Non pas
riser l’égalité des chances tout en main- formule de « mise en loge ». Plutôt encore une fois parce qu’il
Pascal Jan, chargé du dispositif ultramarin.
tenant une qualité de recrutement. que de commencer le concours en bénéficie d’une grille de
Les candidats des Antilles et de Guya- pleine nuit (du fait du décalage horai- notation particulière, mais
ne passent exactement le même re puisque les épreuves débutent à parce que les candidats ultramarins la barrière de la distance et de l’ar-
concours que les candidats de métro- 8h du matin heure de Bordeaux), nous sont plus motivés. Ce dispositif prou- gent. Résultat : l’Institut a accueilli
pole, avec un barème de notation de avons préféré regrouper, isoler et sur- ve qu’il existe en outre-mer de bons peu ou prou en deux ans autant
même nature. Il ne s’agit donc pas veiller les candidats dans un pensionnat enseignants et de bons élèves. Or, ces d’élèves d’outre-mer que depuis
d’un concours basé sur la discrimi- et repousser de quelques heures le derniers, trop souvent, n’osaient pas la création de l’école. Ce chiffre
nation positive comme à Sciences Po début des épreuves. Pour le reste, nous se présenter. Nous avons fait tomber pose d’ailleurs plus Suite en page 4 >>>
Paris ou Lille, mais d’un concours rigou-
reusement identique à celui de Bor-
deaux, mais décentralisé. DES CHIFFRES ELOQUENTS
Quels ont été les premiers dépar- Voici, territoire par territoire, le nombre de candidats et de reçus aux concours
ultramarins de Sciences Po Bordeaux.
tements d’outre-mer à avoir béné-
ficié de ce dispositif ? BAC 0 (2008)
Les relations entre les Antilles et Bor-
Départements Présents Reçus liste Inscrits 1 Reçus liste Inscrits 2 Total Inscrits Rappel reçus
deaux sont ancestrales, puisque ces
universités dépendaient jadis du rec- principale complémentaire 1+2 2007
torat de Bordeaux qui s’appelait même Guadeloupe 4 0 0 0 0 0 0
« Académie de Bordeaux et Antilles- Martinique 37 1 0 3 2 2 2
Guyane ». L’expérimentation a porté
Guyane 8 0 0 2 0 1 1
en 2006-2007 sur la Guyane. Devant
les bons résultats obtenus, le projet La Réunion 12 0 0 0 0 0 3
a été étendu à la Réunion, la Marti- Total 61 1 0 5 2 3 6
nique et la Guadeloupe en 2007-2008.
BAC+1 (2008)
Aujourd’hui, des conventions sont en
cours pour élargir le dispositif à la Départements Présents Reçus liste Inscrits 1 Reçus liste Inscrits 2 Total Inscrits Rappel reçus
Polynésie française et à la Nouvelle- principale complémentaire 1+2 2007
Calédonie. Ainsi, tous les départements
Guadeloupe 9 2 2 2 0 3 0
d’outre-mer seront concernés. Le
concours porte principalement sur Martinique 15 0 0 2 1 1 1
l’entrée à Bac 0, celle qui nous semble Guyane 4 1 0 0 0 0 1
la plus significative en termes de La Réunion 2 0 0 0 0 0 0
démocratisation de l’accès à Sciences
Total 30 3 2 4 1 4 2
Po Bordeaux.
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D OSSIER
Le dispositif ultramarin
d’accès à Sciences Po Bordeaux
Le concours décentralisé
d’outre-mer La possibilité
suite de la page 3
... largement la question des condi-
tions des étudiants d’outre-mer en
métropole (3).
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Dossier D OSSIER
Itinéraire
d’un enfant
A 24 ans, Francis Rodrigues possède un parcours de vie
atypique, dont la trajectoire va prendre une tournure
doué
étonnante à partir de 2004. Dans ce contexte, sa réussite
au concours d’entrée de Sciences Po Bordeaux depuis la
Guyane s’avère tout simplement exceptionnelle.
Jusqu’à sa majorité, Francis au campus universitaire à Cayen-
Rodrigues a vécu une vie ordinai- ne, seul candidat noir parmi une
re au Brésil, son pays d’origine. Elle dizaine de candidats blancs, la plu-
a été ponctuée par l’obtention du part apparament originaire de Kou-
diplôme équivalent au baccalau- rou, célèbre pour son CSG (ne pas
réat français, puis d’une admission confondre… ici il s’agit du Centre
à une faculté brésilienne. A 19 ans, Spatial Guyanais). Pour payer son
alors qu’il vit avec sa maman, celle- inscription au concours, il a fait venir
ci lui demande de l’accompagner de l’argent du Brésil. Pour prépa-
pour un long voyage missionnai- rer les épreuves, il prend l’habitu-
re bénévole à travers le Brésil, le de de se coucher tôt et de se lever
Venezuela et le Guyana. Cette au milieu de la nuit. Ses révisions
démarche spirituelle imposée portent sur le programme de ter-
conduit Francis à vivre un dénue- minale avec, en prime, d’inlassables
ment matériel total et à dépendre lectures d’ouvrages de culture géné-
des autres pour subsister au quo- rale. Le choix du Portugais, sa
tidien. « J’en ai beaucoup voulu à ma langue natale, lui confère un 18/20
mère. Aujourd’hui, avec le recul, je lui à l’épreuve de langue. Combiné
en suis reconnaissant. Malgré les dif- aux notes des autres épreuves, ce
ficultés, j’ai profité de ce voyage et résultat lui ouvre les portes de l’Ins- terface entre le Brésil et la France Guyane et des alentours, nouer des
vécu une parenthèse qui me sera utile titut. « C’était mon premier concours et le Mercosur et l’Europe avec l’es- partenariats locaux et mettre en avant
dans ma vie personnelle et professionnelle pour une école en France » explique poir de participer en 2009 à l’an- les filières intégrées pour les étudiants
». En Guyane française, à l’âge de t-il dans un français parfait, presque née de la France au Brésil. Sans le bilingues car le dispositif le mérite ».
22 ans, seul et sans le sou, le jeune académique. Une réussite qui force concours ultramarin de Sciences Po Francis Rodrigues en est la preuve
homme apprend notre langue de le respect. Aujourd’hui étudiant au Bordeaux, Francis Rodrigues n’au- vivante !
A à Z en fréquentant des biblio- sein de la filière franco-portugai- rait jamais franchi les portes de l’éco-
thèques et en prenant des cours se, Francis, qui a obtenu une le. Une raison qui fait de lui le pre- * en candidat libre : épreuves de 1ère, scolarité en
gratuits de perfectionnement chambre et une bourse universi- mier ambassadeur du dispositif en lycée : épreuves de terminale.
auprès d’une association. Après s’être taire, peaufine son projet profes- Amérique du Sud. « Il faut en faire
renseigné auprès de l’université loca- sionnel. Il entend jouer un rôle d’in- la promotion auprès des étudiants de
le, il décide de préparer puis de
passer les épreuves du baccalau-
réat français en candidat libre*. Ses
résultats sont spectaculaires, avec
15, 5 sur 20 de moyenne généra- Convention ENA/Sciences Po Bordeaux sur la diversité
le. Dans la foulée, une professeur
d’une classe de prépa littéraire
parle du concours d’entrée à
Bernard Boucault, directeur de
Sciences Po Bordeaux. Il consulte
l’ENA et Vincent Hoffmann-
le site internet de l’Institut, découvre
la Filière intégrée franco-portu- Martinot, ont signé, le 14
gaise (FIFPO) et s’inscrit au concours janvier 2009, une convention
quelques jours seulement avant la entre l’Ecole et Sciences Po
date fatidique. Bordeaux, portant sur la
diversité du recrutement des
élèves de l’Ecole Nationale
Il ne savait pas que d’Administration. Il faut
c’était impossible, rappeler que le directeur de
l’ENA, Bernard Boucault, est
alors il l’a fait… diplômé de l’Institut de
Bordeaux (promo 1968).
Francis Rodrigues s’est retrouvé
début juillet 2008 à 3h du matin
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R ECHERCHES
François DUBET :
« Garder vivante
la vocation de la sociologie »
Après avoir dispensé au premier semestre un cours d’ouverture en Quatrième
année de Sciences Po Bordeaux intitulé « Intégration ou cohésion sociale » et
François DUBET : Je ne crois guère
avoir été invité à intervenir dans une des tables rondes du 60ème anniversaire au thème de la contagion. Mais il
de l’Institut, François Dubet, professeur de sociologie à l’Université Victor est vrai que les pays de l’Europe du
Sud, dont la France, présentent des
Ségalen-Bordeaux II, répond aux questions d’Extension[S]. Cet entretien caractéristiques communes : taux élevé
de chômage et de précarité des jeunes,
s’inscrit également dans les rapprochements qui s’amorcent, au sein de forte perte d’utilité des études supé-
rieures de masse, faible confiance
l’Université de Bordeaux, entre les différents pôles de recherche des Sciences dans les institutions. Tout se passe
comme si ces pays avaient « exter-
de l’Homme et de la Société. nalisé » les problèmes d’emploi sur
les jeunes et comme s’ils n’avaient
Extension[S] : A partir du milieu formation d’un clivage interne à la que j’observais alors se sont nette- pas eu la capacité de réformer leurs
des années 80, une part importan- société française déplaçant la ques- ment durcis. Il me semble évident systèmes éducatifs en établissant un
te de vos travaux a porté sur la jeu- tion sociale vers la question urbai- que la logique de ghetto s’est ren- clivage profond entre les formations
nesse et sur la « galère ». En quoi, ne. En revanche, j’ai écrit La galère forcée et que les inégalités urbaines d’élite et l’enseignement universi-
selon vous, ces dernières questions au moment où ce mécanisme se sont creusées. Longtemps subi, taire de masse. Les gouvernements
essentielles ont-elles évolué ces s’amorçait avec le déclin des ban- le ghetto est aujourd’hui « produit » ont donc de bonnes raisons d’être
vingt-cinq dernières années ? lieues rouges, l’installation d’un chô- par les jeunes des quartiers eux-mêmes inquiets. Imaginons que se développe,
mage de masse et la crise des méca- qui exacerbent des identités locales au même moment, des émeutes de
François DUBET : Il y a des choses nismes institutionnels et politiques et ethniques qui sont les seules dont banlieues comparables à celles de
qui n’ont pas changé et que La galè- qui incluaient le monde populaire ils disposent. De ce point de vue, l’automne 2005, et des mouve-
re (1), modestie mise à part, a eu le dans la société industrielle. Or, aujour- les catégories ethniques et locales ments étudiants et lycéens identiques
mérite de mettre en évidence. C’est d’hui, les jeunes émeutiers des ban- deviennent dominantes dans l’ex- à ceux de 2006 contre le CPE, il est
la formation d’enclaves d’exclusion, lieues sont les fils des « galériens » périence des jeunes et ils les mobi- clair que la situation serait parfai-
le développement de la « rage », que j’étudiais voici vingt-cinq ans lisent comme une forme de résis- tement incontrôlable et qu’il n’y aurait
des émeutes et, plus largement, la et, de manière générale, les processus tance et de contrôle social tout même pas assez de policiers pour
autant qu’ils les subissent. Leur le faire. Il y aurait la rencontre pro-
confiance dans les institutions a bablement violente des jeunes de
beaucoup faibli, les écoles brûlent, classes moyennes craignant le déclas-
les bons élèves quittent les quartiers sement et la précarité, et des jeunes
et sont même invités à le faire et on de banlieues déjà exclus. Il n’est pas
n’imagine mal qu’une marche civique nécessaire d’imaginer un complot
François Dubet, né à Périgueux en de l’ultra gauche pour croire à ce
« black, blanc, beur » naisse des
1946, professeur de sociologie, est quartiers comme ce fut le cas au scénario. Mais au-delà du risque poli-
membre de l’Institut Universitaire de début des années quatre-vingts après tique lui-même, d’autant plus grand
France et enseigne à l’Université Vic- les émeutes des Minguettes. Autre- qu’il ne me semble pas y avoir d’al-
tor-Ségalen-Bordeaux 2 ainsi qu’à l’Eco- ment dit, ce que je décrivais il y a ternative politique crédible en la matiè-
le des Hautes Etudes en Sciences vingt-cinq ans s’est cristallisé et ins- re, le problème vient de ce que ces
Sociales. Co-fondateur du CADIS tallé dans le paysage social français. mouvements portés par l’angoisse
(Centre d’Analyse et d’Intervention Ce durcissement me semble d’au- et la frustration ne sont pas favo-
Sociologique) avec Alain Touraine et tant plus durable que les politiques rables à des réformes « raison-
Michel Wiewiorka en 1981. Spécia- de la ville n’ont pas été des succès, nables » et que, par un étrange para-
liste des mouvements sociaux, il ins- que les politiques scolaires sont doxe, on colmate les brèches plutôt
crit sa recherche scientifique dans extrêmement timides et rien n’in- que de prendre le risque du chan-
une méthode particulière nommée dique que les habitants des quar- gement. Il se développe une sorte
« intervention sociologique » et va tiers difficiles sortiront du chômage de « radicalisme conservateur » en
contribuer à approfondir cette et de la pauvreté dans les années appelant d’autant plus à des rup-
démarche en définissant lui-même qui viennent. Ajoutons que l’ins- tures fondamentales qu’il refuse, en
une notion spécifique qui est celle trumentalisation politique des pro- réalité, toutes les réformes qui pour-
blèmes des banlieues ajoute aux dif- raient sembler possible. Ceci peut
de la sociologie de l’expérience, titre
ficultés quand, à chaque élection, peser lourd dans le paysage poli-
d’un de ses ouvrages publié en 1994. Ayant effectué plusieurs missions tique des années qui viennent.
on s’efforce de blâmer les victimes.
d’expertise et de responsabilité au sein du Ministère de l’Education natio-
nale, il connaît parfaitement bien les questions se rapportant à l’ensei- Extension[S] : Ce qui s’est passé en Extension[S] : Dans un monde
gnement. Parmi ses dernières publications on notera « Déclin de l’insti- Grèce en décembre 2008 a, semble- « liquide », pour employer le voca-
tution » (Seuil, 2002), « L’Ecole des chances : qu’est-ce qu’une école juste t-il, profondément inquiété bulaire de Zigmunt Bauman, à quoi
? » (Seuil, 2004) ; « Injustices » (Seuil, 2006) ; « L’expérience sociologique d’autres gouvernements euro- sert la sociologie ?
» (La Découverte, 2007) et « Faits d’école » (2008). François Dubet par- péens, dont celui de la France, au
ticipe par ailleurs avec Pierre Rosanvallon et d’autres intellectuels français point qu’on a parlé d’une possible François DUBET : Pour dire les
au groupe de recherche « La République des Idées ». « contagion ». Qu’en pensez-vous ? choses simplement, je ne crois guère
6 Page Extension
Recherches R CEHCRHO
ENRC
I QHUEES
au thème de la « société liquide », cheurs tout en étant plus crédible. mie de l’école catholique dont elle suppose que l’école fonde son auto-
c’est-à-dire à la disparition des socié- J’ai d’ailleurs écrit un gros livre consa- voulait occuper la place. Ce fut évi- rité sur des procédures plus démo-
tés au profit d’un monde dominé cré à cette question (Injustices, Seuil, demment un progrès, mais ce modè- cratiques, au centre comme dans
par le seul marché, par le narcissis- 2006). le, que je nomme le programme ins- les établissements, et surtout qu’el-
me individuel et par des commu- titutionnel, n’a pas résisté à ce que le soit en mesure d’exercer son auto-
nautés défensives. Le problème doit Extension[S] : Vous évoquez dans Weber appelait la rationalisation et rité au nom des principes de justi-
être posé autrement. Nous quittons vos plus récents travaux la décons- le désenchantement du monde, à ce qu’elle mobilise. Au fond l’école
insensiblement l’image d’un monde truction de l’institution scolaire. la massification scolaire et au déve- républicaine doit devenir véritable-
social défini comme une société Quelles conséquences peut-on loppement même de l’emprise de ment laïque en assumant une his-
dans laquelle l’intégration systé- envisager d’un tel processus ? l’école sur la société. Dès lors se pose toire qu’elle a elle-même engagée.
mique, celle des fonctions et des une question des plus classiques : Mais ces propos bien simples ont
positions, est associée à une inté- François DUBET : En France, l’éco- qu’est-ce qui doit fonder la légiti- du mal à être entendus dans un pays
gration sociale, à l’intégration sub- le et bien d’autres institutions ont mité des institutions quand elles ne qui a été construit par son école et
jective des acteurs. C’est l’image de opéré un transfert de la légitimité reposent plus sur des principes sacrés qui a souvent le sentiment de se
la société qui a été défendue par catholique vers la légitimité répu- et des valeurs communes ? perdre en se transformant.
toute une tradition sociologique blicaine, légitimité non religieuse
allant de Durkheim à Bourdieu qui mais tout aussi sacrée. Autorité Comme je ne crois pas aux retours
en propose une version critique et tenant à des principes transcen- de l’histoire, sinon sous forme de (1) : « La Galère : jeunes en survie »,
relativement rigide. Nous entrons dans dants, vocation des maîtres, formations farce ou de tragédie aurait dit Marx, Fayard, 1987. L’un des ouvrages les
un monde social défini en termes de sanctuaires, croyance dans le la réponse est aussi des plus clas- plus connus de François Dubet. Dis-
de cohésion sociale, une société qui rôle libérateur de la discipline ont siques. Quand les dieux, fussent-ils ponible en collection de poche
transfert les contraintes vers les indi- construit l’école de la République républicains, sont morts, il ne « Points-Actuels », mai 2008.
vidus, dans laquelle l’égalité des comme une sœur jumelle et enne- « reste » que la démocratie. Ceci
chances se substitue à la solidarité,
un monde dominé par les thèmes
du capital social et de la confiance,
un monde où le benchmarking fonde LIVRE
la décision plus que ne le font les
valeurs communes… En fait les
sociétés nationales ne sont pas la
société affirmant l’intégration crois-
sante d’une culture nationale, d’une
LE SILENCE DES FEUILLES
souveraineté politique nationale
entière et d’une économie elle aussi (« Les arbres se taisent », Francine Burlaud)
nationale.
On sort de ce livre, lu d’un trait, d’un aussi capables de vraies saloperies. En
Face à cette évolution largement pro- souffle, d’une matinée, dans un état deux pages initiales, taillées comme une
voquée par la globalisation des second. Peut-être parce que sans le planche de story-board, l’auteur nous
échanges des biens, des hommes
comprendre d’emblée, on s’est trou- les présente dans un tableau figé.
et des cultures, la tendance d’une
grande partie de la sociologie est vé totalement aimanté par la polarité Rideau ! Et c’est là que tout commence...
de décrire la vie sociale au niveau du style.
le plus micro possible, soit avec l’in- C’est un cocktail de Claude(s) : Cha-
dividualisme méthodologique, ver- C’est une histoire de femmes, mise en brol pour l’atmosphère délicieusement
sion civilisée de l’utilitarisme, soit scène par une femme, la narratrice. décadente d’une bourgeoisie crépus-
avec l’interactionnisme. Je crois que D’abord on croise Juliette, la blonde culaire ; Sautet pour la peinture tendre-
la sociologie doit résister à la ten- professeur libournaise, épouse modè- amère de portraits sensibles qui nous
tation de dissoudre la vie sociale dans
les échanges individuels et les régu- le, BCBG, « Bordelaise quoi !», mariée montre les femmes comme il aimait
lations locales. A travers la notion à un « polytechnicien-brillant-qui-voya- peindre Romy. On s’accroche au texte
d’expérience sociale j’ai essayé de ge-tout-le-temps-tellement-il-fait-des- qui sent soudain la charogne pourrie
garder vivante la vocation de la affaires ». Elle se rompt le cou dans la des rues africaines et prend alors les
sociologie consistant à emboiter les tour de la Mélinière, vaste demeure accents de Yambo Ouologuem dont
épreuves individuelles dans les bourgeoise qu’en cette terre mauria- le « Devoir de violence » revient d’un
épreuves collectives. Ne serait-ce cienne on ne peut qu’appeler « châ- trait de plume, avec un détour par une
que parce qu’il existe des formes de
teau ». Juliette laisse deux petites filles, « ferme sur les collines du Ngong » de
domination objective, que parce
que la critique sociale en appelle à Sixtine et Apolline, si blondes, si vivantes, Karen Blixen, du côté du pays Masaï Francine a incontestablement du talent
des critères généraux, il faut que la si bien élevées, l’une ne pleure jamais, et de Mombasa. et nous en sommes très fiers ! D’au-
sociologie propose une description l’autre est une fontaine. Et puis il y a tant que nous ne sommes pas les seuls
raisonnée des sociétés et des façons Bashka qui vient de Kiev, la gouver- C’est étrange, habité, nerveux, lent et puisque les douze jurés du Prix Litté-
dont elles « tiennent ». Elle doit lier nante, babouchka exilée qui vénère la brutalement violent comme ces dou- raire d’Aquitaine lui ont attribué leur
les expériences aux mécanismes télévision, et sa copine Alphonsine avec leurs qui fouaillent le ventre de la nar- « Prix 2008 » le 21 novembre dernier.
sociaux. C’est en cela qu’elle est utile qui elle se saoule, un petit peu, beau- ratrice. C’est un très beau premier Gageons que l’on reparlera encore de
dans des sociétés qui ne cessent de
se définir et de se produire elles- coup, pendant leurs parties de crapettes. roman, inspiré et lourd. Noir sans être l’auteur des « Arbres se taisent » dans
mêmes. Sur ce plan, je me sens donc Et puis il y a la mère, Garance Alice de sombre. Comme une toile de Soulages. les années à venir et qu’elle saura, de
un sociologue « classique » bien que Clôt Charnin (née Buanes), une sno- Plein de désirs et de secrets. Comme nouveau, faire parler son talent. C’est
les réponses « classiques » ne fonc- binarde impayable, un peu chaude, qui un manoir anglais. tout le bien qu’on lui souhaite !
tionnent plus. Quant au rôle critique finira avec un Libanais épousé en J.P.
de la sociologie, j’ai la plus grande secondes noces. Au milieu de tout cela Il a été écrit par une jeune auteur que
méfiance à l’égard des « poses » s’agitent des hommes. Ils n’ont ni les Sciences Po Bordeaux connaît bien Francine BURLAUD, Les arbres se tai-
critiques. Il me semble plus juste et
bons ni les beaux rôles. Côme, Tous- parce qu’elle en est sortie diplômée et sent, Pleine page, 2007, 191 pages,
plus sérieux de dire quelle est la cri-
tique des acteurs eux-mêmes, ce qu’ils saint, Alex, Antoine et les autres… Ils qu’elle y enseigne la Culture générale 14 €
pensent être juste et injuste, et la sont égoïstes, distants, lointains, mais depuis plusieurs années, parallèlement
capacité d’indignation des acteurs jamais totalement détestables. Des aux cours de français qu’elle dispense
n’est pas inférieure à celle des cher- mecs... Un peu cons, pas trop. Mais au lycée Elie-Faure de Lormont.
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Un parcours au crible U N PA R C O U R S A U C R I B L E
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Les rencontres S CIENCES PO / SUD OUEST
Une journée
Le programme des Rencontres Sciences Po / sionnant, avec des intervenants de très haut niveau
Sud Ouest pour la 25ème saison est toujours (Jean-François Dartigues ; Alain Ehrenbert ; Michel
aussi riche de son éclectisme et de ses sur- Le Moal et Pier-Vincenzo Piazza). On ne souligne-
ra jamais suffisamment l’impérieuse obligation qui
prises.
est faite désormais, pour tout esprit ouvert et curieux
des enjeux du monde futur, de s’intéresser aux
Si le mois de décembre a été marqué par une pas-
questions scientifiques et techniques. Parce que,
sionnante table ronde sur les « Génocides au XXème
d’une certaine façon, tout cela nous ramène à la
siècle » réunissant trois des meilleurs spécialistes
politique. Ce que Lionel Jospin, ancien premier
de la question (Yves Ternon sur le génocide armé-
ministre, dont la présence aux « Rencontres » était
nien ; Bernard Bruneteau sur la question génoci-
attendue depuis plusieurs années, a rappelé, à sa
daire pendant tout le siècle et Tal Bruttmann sur
manière, dans un grand oral de choix, le 22 jan-
la Shoah) – voir ci-contre l’article sur le « voyage A J-1 de la prestation de serment du « président élu », le
vier 2009.
à Auschwitz » de cinq étudiants ayant préparé 19 janvier 2009, le professeur Lorenzo Morris, « chairman »
cette table ronde, le 14 janvier passé, à l’initiative A venir et à ne pas manquer : Pierre ROSANVAL-
LON (5 février, 17h – 19h) ; Syvie GUILLEM (19 du département de science politique de l’Université Howard
du « Mémorial de la Shoah - janvier a permis (la plus ancienne des « universités noires » américaines,
d’inaugurer un nouveau rendez-vous qui sera mars, 17h – 19h) et Françoise HERITIER (9 avril,
17h – 19h). Sans omettre une « Rencontre » décen- créée à Washington DC en 1867), a fait une conférence sur
désormais annuel. Conscients que les recherches l’Amérique d’Obama. Quelques minutes avant cette gran-
scientifiques d’aujourd’hui posent les problèmes tralisée en Pays-Basque sur la question des fron-
tières le 5 mars. de leçon, il était l’invité exceptionnel de TV7 pour le « talk
de la société de demain, les animateurs des « Ren- show » quotidien de la télévision locale bordelaise, « C’est
contres », aussi bien à Sud Ouest qu’à Sciences On rappellera, en toute simplicité, au public poten-
vous qui le dites », qui, pour l’occasion, avait placé ses camé-
Po Bordeaux ont imaginé qu’une première table tiel, que si un ou des invités aux « Rencontres »
ras dans la bibliothèque de Sciences Po Bordeaux (entretien
ronde consacrée aux « Neurosciences » ouvrait ne « passent pas à la télé », ils peuvent être, pour
réalisé par Christophe Chavaneau et Franck Poirot).
particulièrement bien cette expérience. Débat pas- autant, tout à fait passionnants…
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Retour sur P L U S VA L U E S
La logistique
des badges et
sacoches
Amphi Montesquieu,
tribune officielle
L’ensemble
Sagittarius
parrainé
par le
Crédit
Mutuel du
Sud Ouest
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Plus values P L U S VA L U E S
Grande leçon
de Jean-Marc
Monteil
Respiration Gospel
des étudiants du
BDA
Drôles de Dames
(l’équipe organisatrice)
Restaurant éphémère
salles Mabileau-Merle
Grande leçon
d’Arnold
Migus
Hervé
Cassagnabère à la
synthèse
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Trajectoire T RAJECTOIRE
Nicolas Martin
en plein vol
Aujourd’hui lieutenant-colonel à la délégation à
l’information et à la communication du ministère de
la Défense, Nicolas Martin a profité d’un
détachement de l’Armée de l’Air pour intégrer
Sciences Po Bordeaux et obtenir un master. Une
période de sa vie où il passait allègrement du cockpit
d’un Mirage 2000 aux bancs de l’Institut.
Math Sup et Spé, ingénieur en aéro- lifie de riche et d’agréable pour lui et
nautique, ancien élève de l'Ecole de sa famille. A Bordeaux, il a apprécié
l'air (l'Ecole des officiers de carrière de une école à taille humaine où il s’est
l'armée de l'air) et du collège interar- fait de nouveaux amis, dont le Docteur
mées de défense puis mais aussi navi- Thomas Mollet, un des trois « papys » de conserver ses qualifications en volant se et la sécurité, le coeur de métier est
gateur officiers systèmes d’armes de la promo, surnom donné à ceux qui sur Mirage 2000N une à deux fois par et reste les opérations. Ceux qui pour-
(NOSA) (1). Nicolas Martin présente un reprenaient leurs études. Quant à la mois. raient être tentés d’entrer dans les
parcours brillant. Une trajectoi- formation en elle-même, il estime qu’el- armées sans avoir clairement cela à l’es-
re au service de l’Armée le apporte de la méthode et de l’ou- Entre guerre et paix prit feraient fausse route. Le message
verture d’esprit pour aborder des de l’institution est clair, encore faut-il
questions complexes. « Sciences Un entraînement qui se justifie par qu’il soit relayé et entendu. Cette affir-
Po est un passeport reconnu l’éventualité d’une mobilisation en cas mation ne nuit pas au recrutement des
pour un officier qui a acquis essen- de conflit. « Les décisions d'engagement jeunes diplômés, au contraire. » L’offi-
tiellement une culture technique et restent toujours du pouvoir politique issu cier diplômé de Sciences Po Bordeaux
librement choisie. « Quand on s'enga- opérationnelle sur le terrain, et qui sera des urnes : de l'exécutif mais aussi du apprécierait dans le futur un poste à
ge, c'est qu'on croit à un certain idéal, amené à évoluer en duxième partie de Parlement qui, depuis la dernière réfor- l’étranger pour mettre en pratique la
à certaines valeurs. C'est parfois par carrière ». Diplômé en 2005, Nicolas me constitutionnelle, doit se prononcer formation acquise à L’institut, dans les
tradition familiale. Pour ma part, c'est Martin a rejoint Paris et ses Etats-majors sur le renouvellement de mandat de forces instances de l’OTAN ou à l’UE. Une autre
un choix personnel. » (…) « L'attrait après un stage au ministère des Affaires françaises engagées en opérations exté- forme d’ascension dans une carrière en
du vol a été central dans mon choix de étrangères. Après avoir notamment rieures. Une fois la décision prise au niveau plein vol…
l’Armée de l’Air, surtout sur des avions travaillé au Secrétariat général de la politique, le militaire obéit » précise Nico- (1) Le NOSA (Navigateur officiers système d'armes)
de chasse à la pointe de la technolo- défense nationale -un service du Pre- est responsable de la navigation, du radar, de la pré-
las Martin, qui clarifie l’ambivalence du paration de l'armement et des systèmes de protec-
gie. J’avais l’assurance de faire un mier ministre- il occupe maintenant à positionnement du militaire. « Après la tion de l'avion contre les missiles. En clair, le NOSA
métier pas comme les autres. » Nico- temps plein une fonction d’informa- fin de la guerre froide, on a pu croire est celui qui prépare le tir du missile ASMP (terme
technique pour désigner « la » bombe. Nicolas Mar-
las Martin a vécu une première partie tion et de communication au sein de tirer rapidement les « dividendes de la tin était affecté sur la base de Luxeuil (Haute-Saône)
de carrière particulièrement exaltante l’Armée, en qualité de chef du bureau. paix » et confiner les armées à des mis- au sein de l'Escadron de chasse Lafayette dans les
forces aériennes stratégiques qui mettent en ?uvre la
en escadron opérationnel avant de Il « pilote » le mensuel Armées d’Au- sions d’assistance. Cela a pu contribuer composante aéroportée de la dissuasion nucléaire.
prendre le commandement d’une esca- jourd’hui anime une grande partie du à ce que les médias et l’opinion publique (2) Devenu API (Analyste en Politique Internationale)
drille. Une seconde partie de carrière site Internet du ministère (www.defen- perdent un peu de vue que le métier NB : pour info
s’annonçant, cette fois-ci à l’état-major, se.gouv.fr), édite des lettres électroniques des militaires est celui des armes. Si la C’est toujours le pilote qui « appuie » sur le bouton,
il s’est intéressé à Sciences Po Bordeaux ou produit des sujets audiovisuels, protection des populations en France quelque soit l’armement tiré (on largue des bidons
vides, on tire des bombes ou des missiles) ;
en guise de phase de transition. « notamment pour la WebTv du minis- ou à l'étranger demeure une priorité ASMP : missile nucléaire Air-Sol Moyenne Portée
Quand j'ai appris que j'avais l'oppor- tère. Dans le même temps, il continue réaffirmée dans le livre blanc sur la défen- (bientôt remplacé par l’ASMP-A, A pour Amélioré).
tunité de faire Sciences Po dans le cadre
d'un détachement, j'ai tout fait pour
y parvenir. J’ai toujours eu, moi le scien-
tifique, une réelle aspiration pour les
sciences humaines. Je souhaitais aussi
me donner des cartes supplémentaires
pour la suite de ma carrière au sein du Directeur de la publication : SCIENCES PO BORDEAUX
ministère de la Défense pour y prati- Vincent HOFFMANN-MARTINOT 11, Allée Ausone - Domaine universitaire
quer les relations internationales ». Comité de lecture : 33607 PESSAC - CEDEX
Vincent HOFFMANN-MARTINOT, Didier CHABAULT,
Tél. : 05 56 84 42 52 - Fax : 05 56 37 45 37
Une double casquette Emmanuel NADAL, Jean PETAUX
www.sciencespobordeaux.fr
Coordination : Jean PETAUX
j.petaux@sciencespobordeaux.fr
Rédaction en chef :
L’officier intègre donc en 2003 la pro-
Jean-Michel LE CALVEZ, « Person’Alizé »
motion de 4e année du parcours GPS « Les instituts ont pour mission de donner à des étudiants,
Edition : Pascal BERNAGAUD, « Com’unique » qu’ils se destinent ou non à la fonction publique, une culture
(2) dirigé par Gilles Bertrand. Pendant
Maquette & Mise en page : Thierry PIERS administrative générale. Ils le feront avec l’esprit d’indépendance
ces deux années, le lieutenant-colonel
Nicolas Martin continue les vols d’en- Photos : Laurent WANGERMEZ et de désintéressement qui sont le propre de l’université ».
traînements pendant les vacances sco- Impression : Imprimerie Laplante, Mérignac Ordonnance N°45-2283 du 9 octobre 1945,
laires. Une étape dans sa vie qu’il qua- N°ISSN : 1635-3102 portant création des Instituts d’Etudes Politiques.
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