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GALIEN NE PAS SE CHAGRINER “LES BELLES LETTRES PARIS COLLECTION DES UNIVERSITES DE FRANCE (TION GUILLAUME BUDE: publi sous le patronage de ! ASSOC! GALIEN TOME IV NE PAS SE CHAGRINER ‘TE ETABLI ET TRADUIT PAR Veronique BOUDON-MILLOT — er Jacques JOUANNA Directrice de recherche au CNRS Membre de Vinstitut AVEC LA COLLABORATION DE ROBELLI Maitre de conférences a Université de Reims ANTOINE PIE -ARIS BELLES LETTRES 2010 Conformément aux statuts de V’ Association Guillaume Budeé, ce volume a été soumis & Vapprobation de la commission tech- nique, qui a chargé M. Anargyros Anastassiou et Mme Alessia Guardasole d’en faire la révision et d’en surveiller la correction en collaboration avec Mme Véronique Boudon-Millot et M. Jacques Jouanna. ‘Tous droits de traduction, de reproduction et adaptation réservés pour tous les pays. © 2010. Société dédition Les Belles Lettres 95 boulevard Raspail, 75006 Paris wwu.lesbellestettres.com ISBN : 978-2-251-00556-0 ISSN ; 0184. NOTICE Le traité de Galien, intitulé en grec Mepi dAvunnotac (Ne pas se chagriner) si on suit au plus prés le texte du manuscrit!, était jusqu’a présent considéré comme entie- rement perdu. Seul le titre grec du traité nous était connu, sous la variante [lepi GAvmiac (Sur l’absence de cha- grin), grace au témoignage de Galien lui-méme dans son De libris propriis (Sur ses propres livres) ov il est cité au nombre de ses ouvrages de philosophie morale en préci- sant qu’il était composé d’un seul livre?. Ce traité sera désigné dans la suite par un titre latin De indolentia, usage international étant, dans le cas de Galien, de pri- vilégier les titres latins des ceuvre: La redécouverte d’un manuscrit de Galien conservé dans le monastére des Vlatades 4 Thessalonique par un jeune chercheur de l’équipe CNRS/Paris IV de Médecine grecque, Antoine Pietrobelli, éléve d’abord de Jacques Jouanna pour le DEA (Dipléme d’études approfondies) 1. Pour les formes fautives du titre dans le manuscrit et pour le titre originel [epi G&vmnoias qu’elles recouvrent, préférable a TMepi Ghoniac, voir comm. au Titre, infra, p. 27 sq. 2. Galien, De libris propriis, c. 15.1 (V. Boudon-Millot, Paris, CUF, 2007, p. 169, 17 ; Kiihn 19, 45). Voir aussi J. Iberg, « Uber die Schriftstellerei des Klaudios Galenos », Rheinisches Museum 52, 1897, p. 611-612 sur le De indolentia 3. Pour le confort du lecteur, les titres des cuvres de Galien en latin seront accompagnés dans la Notice d'une traduction francaise premiére fois qu’ils sont cités. En revanche dans le commentaire ils seront cités qu’en latin. vill NOTICE lors de la dern re année de son enseignement a la Sor- bonne, puis de Véronique Boudon-Millot pour la thése*, a permis & Véronique Boudon-Millot et Jacques Jouanna lors d’un voyage 4 Thessalonique de faire ensemble un premier inventaire détaillé du microfilm du manuscrit ot Véronique Boudon-Millot, grace a sa parfaite connais- sance du traité Sur ses propres livres dont elle terminait lédition, a pu identifier sur place aux folios 10’-14" un texte non répertorié dans le catalogue d’Eustratiadés®, le texte du De indolentia, malgré le titre corrompu dans le manuscrit, identification qui se trouva confirmée au retour de Thessalonique par la comparaison avec les rares citations que l’on avait du traité dans Ia tradition en arabe ou en hébreu®. Elle en a présenté l’édition princeps dans les Mélanges en l’honneur de Jacques Jouanna, qui avait été consulté sur certains points et avait proposé plusieurs conjectures’. Devant l’importance de la découverte, il a été décidé de faire une édition critique et commentée dans la Collection des Universités de France pour pai achever l’intervention de |’équipe franc: sur ce nou- veau traité. La présente édition, tout en retenant les acquis de l’édition princeps aussi bien pour le texte et l’apparat c tique que pour la traduction et les notes, apporte des 4. Les conditions de la redécouverte du manuscrit sont bien expo- Ses par Antoine Pietrobelli Iui-méme au début de son article sur le Viatadon intitulé « Variation autour du Thessalonicensis. Vlatadon 14: un manuscrit copié au xénon du Kral, peu avant la chute de Constantinople », Revue des Etudes Byzantines 68, 2010 (cf. Conspec tus Siglorum, p. LXXX). 5. Sur ce catalogue, voir Notice, infra, p. LXIV et n. 46. 6. Pour ces témoignages indirects, voir Notice, infra, tradition indi recte, p. LXX-LXXIV. 7. V. Boudon-Millot, « Un traité de Galien miraculeusement retrouvé, Le Sur Uinutilité de se chagriner : texte grec et traduction frangaise » dans V. Boudon-Millot, A. Guardasole, C. Magdelaine (eds), La science médicale antique. Nouveaux regards. Etudes réunies en Uhonneur de Jacques Jouanna, Paris, Beauchesne, 2007, p. 73-123 (cf. Conspectus siglorum, p. LXxVil). PLACE DU TRAITE Ix modifications qui résultent de la rédaction par Jacques Jouanna d’un commentaire critique continu a partir d’un réexamen du CD-rom du manuscrit et d’une réflexion personnelle sur l’établissement du texte et son interpréta- tion. Tl a été aussi le rédacteur de la Notice pour conser- ver 4 l’édition sa cohérence, en utilisant ce qui avait été déja bien dit dans introduction de l’editio princeps. Antoine Pietrobelli, désormais docteur, a été associé au projet en tant que découvreur du manuscrit et excellent connaisseur du Viatadon auquel il vient de consacrer une étude approfondie®. Tout en étant une ceuvre collective, le travail de chacun est clairement distingué?. I. PLACE DU TRAITE DANS LA PHILOSOPHIE ETHIQUE DE GALIEN Pour classer ce traité dans l’ceuvre de Galien, il vaut mieux partir des divisions que Galien a opérées lui-méme dans son ceuvre que des distinctions modernes plus ou moins arbitraires que l’on peut faire. Au c. 15 du De libris propriis Galien regroupe sous le titre de philoso- phie éthique vingt-six traités. De tous ces traités un seul était conservé jusqu’a présent, le premier de la liste, le Ilepi tov diwv Exdoto TV Kai GpLaptHLatoOV TIS dtayvaoeas dbo, « Sur le diagnostic des passions et des erreurs propres & chacun en deux volumes ». Nous en possédons désormais deux : en plus du premier de la 8. L'étude est citée ci-dessus, n. 4, et elle sera utilisée dans la pré- sentation du manuserit, Notice, infra, p. LXI-LXVI 9. Notamment dans l’apparat critique, les corrections au texte sont bien identifiées par le nom des auteurs (voir Index siglorum). Dans le commentaire, les notes provenant de I’ed. princeps sont clairement dis tinguées du reste. Dans la Notice, la partie sur Vincendie est due pour Vessentiel & ed. princeps de méme que la partie sur le manuscrit (avec des compléments venant de Pietrobelli) ; la partie sur la tradition arabe est reprise a l’ed. princeps. Antoine Pietrobelli a fait une ultime collation du manuscrit. x NOTIC liste, on posséde celui qui vient en quatrigme position, /e epi dAunnoias év « Ne pas se chagriner, un volume ». De ce titre on peut rapprocher pour le sujet un autre traité perdu qui vient plus loin dans la liste, le epi tapapw- Oiag év « Sur la consolation, un volume ». De ce rap- prochement que |’on peut faire, il résulte que Galien, pour sa part, ne faisait pas rentrer le De indolentia dans le genre de la consolation. Galien ne s’adresse pas a une personne dans le malheur qu’il faut consoler, mais explique a son interlocuteur pourquoi il ne se chagrine pas tout en étant dans le malheur. Bien que la question de ne pas se chagriner soit commune aux traités tradition- nels sur la consolation, genre en vogue sous l’empire"®, il vaut mieux conserver au De indolentia son originalité propre. II est un traité de philosophie éthique centré sur une passion fondamentale de |’me, le chagrin, que homme doit éviter le plus possible dans toutes les circonstances de la vie pour accéder a la sagesse ou s’en rapprocher. Ce traité de morale se présente sous la forme épisto- laire''. Comme il est dit dans l’ed. princeps (p. 76) : « Le début du De indolentia n’est pas sans rappeler le début d’un autre traité de Plutarque, De la tranquillité de l’dme (464 B), ott le philosophe de Chéronée s’adresse de méme a son correspondant Paccius qui lui a demandé de Péclairer sur le sujet : “ C’est trop tard que j’ai regu ta lettre par laquelle tu m’invitais a técrire sur la tran- quillité de ame... ” COyé cov thy émtotoAjy éxo- odpny év } napeKddsic mepi edOvpiiac coi tL ypa- 10. Voir ed. princeps, p. T5 et n. 8. En grec, le texte le plus proche dans Ie genre de la consolation est Plutarque, La consolation @ Apollo- nios (101 B-122 A). L1, Sur la forme De indotentia, voir Vi pistolaire chez Galien et particuligrement dans le onique Boudon-Millot, « Galien de Pergame et la pratique épistolaire : & quelles conditions une médecine par corres- pond: est elle possible ? », in P. Laurence et F. Guillaumont (éd.), Les écritures de la douleur dans !’épistolaire, Actes du VI° Colloque international de Tours (27-28 novembre 2008) sur « L’épistolaire antique et ses prolongements européens », Leuven, Peeters (a paraitre). PLACE DU TRAITE XI gijvat). Les deux traités de Galien et de Plutarque entre- tiennent en outre des rapports étroits en citant les mémes. anecdotes mettant en scéne Zénon et Aristippe!* ». Mais Poriginalité de Galien reste que la lettre n’est pas une simple introduction a un traité de morale ou le correspon- dant est trés peu présent, comme c’est le cas chez Plu- tarque!’, mais une véritable lettre ot la personnalité de spondant se découvrent au auteur et aussi de son corr fil de la lecture. Commengant comme une lettre, elle termine aussi comme une lettre, ce qui n’est pas le cas du traité de Plutarque, Sur la tranquillité de l’ame. Cette grande différence dans l’art de |’exposition tient aussi a la question posée par le correspondant. Chez Plutarque, la question porte sur une question de morale en général, PedOvpia ; chez Galien, c’est une question personnelle sur l’GAurnnoia de Galien. Méme si les deux thémes sont trés proches, I’sd0vpia étant une fagon positive de dési- gner ce que I’GAvryoia exprime d’une fagon négative, la tonalité de la lettre est totalement différente, 4 cause du caractére personnel de la question et de la réponse. Le De indolentia est, en effet, une réponse 4 la lettre d’un correspondant dont le contenu essentiel est donné dés la premiére phrase au § 1, 2, 3-5 : « J’ai regu ta lettre dans laquelle tu me demandais de t’indiquer quel exer- cice, quels discours ou quelles conceptions m’avaient préparé a ne jamais me chagriner ». Puis on apprend trés vite que cette lettre regue par Galien est motivée par l’étonnement de son correspondant qui a appris que Galien ne s’était pas chagriné alors qu’il avait subi des pertes considérables lors de l’incendie de Rome de 192 12. Sur 467D et Galie Aristippe, comparer Plutarque, ibid. 469 C-D et Galie! (voir comm. § 41, 13, 22 et § 42, 14, 5-7). 13. Le destinataire de la lettre, Paccius, mentionné dans la formule de salutation (« Plutarque 4 Paccius salut |») ne réapparait qu’une autre fois en 468 E (« cher Paccius »). non, comparer Plutarque, Sur la tranquillité de Vame , De indolentia § 48 (voir comm. § 48, 15, 22 sq.) ; sur , ibid. § 41 et 42 XU NOTICE oti avait bralé, entre autres, le dépét de la Voie sacrée ott Galien avait mis ce qu'il avait de plus précieux. La grande originalité du traité vient donc de ce que Galien a consacré une longue premiére partie de sa lettre au bilan des pertes qu’il a subies. C’est une facon pour lui de mettre en valeur indirectement les mérites de sa conduite dans la mesure ow il n’a pas cédé au chagrin. Mais c’est aussi pour nous un document exceptionnel du point de vue historique par une foule de détails & la fois sur l’in- cendie de Rome et sur Galien lui-méme. Ce n’est que dans la seconde partie, que Galien répondra a la question posée par son correspondant. C’est dans cette seconde partie que la question philosophique du chagrin est abor- dée directement. Mais, méme dans cette partie de philo- sophie éthique, la personnalité de Galien reste trés pré- sente, puisqu’il doit expliquer pourquoi et comment il a accédé a cette maitrise du chagrin, tout en terminant par d’importantes précisions sur les limites de cette maitrise du chagrin. Ce qui f lui-méme constamment présent. L’étude peut toutefois se dérouler en abordant successivement chacune des deux parties. Néanmoins, on commencera par présenter le des- tinataire de la lettre, en rassemblant des indications judi- cieusement réparties dans |’ensemble du traité. ait Punité de la lettre, c’est Galien il. Il faut arriver a la fin de la lecture de Ia lettre pour pou- voir reconstruire a l’aide de touches successives ce mys- térieux correspondant qui jusqu’a la fin restera anonyme. Dés le début de la lettre on comprend que c’est un admirateur de Galien qui est frappé par son aptitude A ne jamais se chagriner (§ 1, 2, 5). Or, avant méme de dispo- ser du De indolentia, on connaissait déja deux autres per- sonnes qui admiraient Galien pour cette méme raison. LE DESTINATAIRE DE LA L TRE XL Elles apparaissent dans l’autre traité de philosophic morale conservé dont il a déja été question, le De pro- priorum animi cuiuslibet affectuum dignotione et cura- tione (Sur le diagnostic et la thérapeutique des passions propres a l’dme de chacun) (cité dans la suite de la Notice : De propriorum animi). Le premier admirateur qui apparait si l’on suit l’ordre de lecture du traité est un jeune homme (c. 6) : « Un jeune homme de mon proche entourage était importuné par des futilités. S’en étant un soir rendu compte, il se présenta chez moi au petit matin et me raconta qu’il était resté éveillé toute la nuit en pen- sant a cette affaire : il s’était alors rappelé que les plus grandes choses ne m’importunaient pas autant que lui les futilités. Il voulait savoir comment j’étais parvenu a ce résultat'*, » Et l’on recueille un peu plus loin (c. 8) des indications supplémentaires sur ce jeune homme : « Je sais, disais-je, que tu possédes une fortune double de la mienne et que tu es estimé dans notre cité ; de sorte que je ne vois pas quelle raison tu aurais d’éprouver du cha- grin, sinon Vinsatiabilité!>. » C’est donc un jeune homme riche qui était estimé & Pergame auquel Galien va répondre et donner des conseils. Une fois que Galien a rapporté les conseils qu’il lui a prodigués, le personnage disparait. Le second personnage qui apparait dans ce méme traité est apparemment d’Age mir. Il était miné par le chagrin parce qu’il était esclave de nombreuses passions (gour- mandise, amour, gloire), sans étre assez riche pour les satisfaire (c. 10 de Boer 36, 2-7 ; Kiihn 5, 54, 6-11): « Comme cet homme m’avait vu sur une longue durée, chaque jour avec un visage serein (pa1dpdv a comparer a De indolentia § 3, 3, 1 sq. potdpov), alors qu’il avait conscience d’étre malheureux, il me demanda de lui enseigner comment il pourrait lui-méme ne pas se chagri- 14. de Boer 25, 15-20 ; Kuhn 5, 37, 4-10. 15. de Boer 30, 16-18 ; Kiihn 5, 45, 1-4. XIV NOTICE ner (6mM@<¢ Gv abtd¢ jn} &vi@to) ». Galien lui répondit qu’il faudrait de nombreuses années. La visite se termina trés vite. L’homme partit en riant : « Il n’y a rien de plus inhumain que toi ! ». Le destinataire de la lettre, bien qu’il pose une que tion analogue a celle du premier admirateur de Galien que nous avons rencontré, ne peut pas étre confondu avec lui. D’abord, bien que la question soit analogue, elle n’obéit pas aux mémes motivations. Alors que les deux personnages rencontrés dans le grand traité de morale sont venus poser la question a Galien, parce qu’ils souf- ent tous deux des manifestations de la passion du cha- grin, dans De indolentia, la question est motivée unique- ment par I’étonnement devant la conduite admirable de Galien lors d’un malheur sans précédent. On découvre ensuite que le destinataire a séjourné un moment a Rome, alors que Galien y était déja depuis un certain temps. La il avait déja pu admirer de ses propres yeux l’imperturba- bilité de Galien au moment d’une attaque de la longue peste ot Galien avait perdu la majeure partie de ses esclaves 4 Rome, et il avait pu apprendre qu’avant son arrivée Galien avait déja manifesté sa maitrise du chagrin lors de la perte & trois ou quatre reprises d’une partie de ses biens (§ 1-2). Mais le destinataire a maintenant quitté Rome et il a appris par plusieurs informateurs ce qui est arrivé a Galien (cf. § 3, 2, 16-3, 1 menboOat 8é Tivos dyyerArOvtov cot, § 7, 4, 6 enboVar, § 10, 5, 3 sq. membo0a1). Dans la suite de la premiére partie de la lettre, on n’apprend rien d’essentiel sur le destinataire, sinon que Galien fait courtoisement référence a son savoir (§ 14, 6, 16 dc oiaOa ; § 24a, 9, 15 dc oicAa). Ce n’est que dans la seconde partie que les renseignements deviennent plus précis : au § 51 on découvre le rensei- gnement essentiel sur relations avec Galien. Il a été « en relation avec lui et éduqué avec lui dés |’enfance » (16, 19 sq. £€ apyiig cvvavactpagsis Kai ovpoidev- Qeig hiv). Galien et son correspondant n’étaient pas des TTRE LED) PINATAIRE DE LA L xv condisciples ordinaires. Ils ont été vraisemblablement élevés dans deux familles amies ; le méme renseigne- ment est repris au § 57 ott Galien insiste sur la qualité de P’éducation qu’ils ont regue (18, 18-20 dpioty mat- dcia... ob matdeveic obv fjpiv). L’information est triple. Le destinataire est originaire de Pergame comme Galien. Il a le méme Age ou a peu prés le méme Age que lui ; il a regu la méme excellente éducation. On peut en déduire, sans grand risque d’erreur, que le destinataire a envoyé sa lettre de Pergame et que ses informateurs ont été des personnes venues de Rome a Pergame aprés |’in- cendie. La figure du destinataire se complete a la fin de la lettre par son portrait moral (§ 79b, 24, 12-14) : Galien fait un éloge bref mais remarquable. On connaissait la qualité de l'éducation de son correspondant élevé avec lui, mais Galien ajoute la qualité de sa nature, c’est-a-dire de son origine familiale (sans plus ample précision), et surtout le comportement moral qui résulte de ces deux facteurs : la tempérance dans le régime alimentai comme dans l’habillement et la maitrise de la passion amoureuse. Certes il n’y a pas une égalité totale entre G taine distance de lui dans la premiére partie de la lettre en Vinvitant a l’'admirer et méme paradoxalement a s’affli- ger (§ 20, 8, 11) de ce qui lui est arrivé, méme s’il a fait courtoisement allusion 4 son savoir de philologue (§ 14, 6, 16). C’est surtout dans la seconde partie de la lettre, a partir du moment ott il a évoqué leur enfance commune que Galien devient plus proche. Il donne maintenant a son destinataire le conseil de limiter dans l’exercice quo- tidien pour se prémunir contre le chagrin (§ 56, 18, 15 sq.) et lui épargne pour finir les conseils qu’il a réservés a d’autres, étant donné ses qualités morales (§ 79b, 24, 12-14). Et pour clore la lettre Galien lui fait un double cadeau : non seulement la lettre, mais un autre essai moral qu’il vient de composer sur la passion de la richesse (§ 84, 26, 2 sq.). alien et son correspondant. Il l’a maintenu a une c XVI NOTICE Dés la présentation du destinataire, on découvre l'art de Galien qui procéde par touches subtiles et prog sives dans une lettre pleine de mouvement et de vivacité. Nous sommes trés loin du genre moral épistolaire d’un Plutarque dans Sur la tranquillité de V'dme. s- Il. LA DECOUVERTE PROGRESSIVE DU BILAN DES PERTES DANS L’INCENDIE ET LES MERITES CROISSANTS DE L’ATTITUDE DE GALIEN 1. Structure de la premiere partie de la lettre (§ 1-37) a. Le début de la lettre de Galien consiste 4 présenter le contenu de la lettre de son correspondant avant de lui donner des nouvelles qu’il ne connait pas. Cette présenta- tion indirecte est remarquablement longue : elle va du {I § 1 au § 9. Du point de vue de la modalité du discours, ce qui domine, ce sont les verbes déclaratifs & la deuxitme personne du singulier gouvernant des propositions infini- tives (§ 1, 2, | mapeKdAetc ; 2,6 Epng ; § 2, 2, 11 ENS; § 3, 2, 16 Enc ; § 6, 4, 1 EPs), ou méme des infini- tifs seuls dépendant d’un verbe déclaratif A la deuxiéme personne sous-entendu (§ 4, 3, 3 Oavpdtetv ; § 7, 4, 6 TlenboOar ; § 8, 4, 14 Oappsiv). Qw’apprenons-nous dans cette présentation du contenu de la lettre de son correspondant, outre la présentation du destinataire ? C’est d’abord la question qui sera l'objet du traité tout entier (§ 1, 2, 2 sq.) : comment se fait-il que Galien n’ait jamais éprouvé de chagrin dans sa vie, mal- gré les malheurs qu’il a pu subir ? C’est ensuite la jus fication de la question par la mention de malheurs passés oti Galien ne s’est pas a avec naturel, non pas dans l’ordre chronologique, mais dans un ordre subjectif correspondant a la psychologie du correspondant. Il commence par un malheur qu’il a vu lui-méme quand il était 4 Rome : la perte de la majeure LA PREMIERE PARTIE DE LA L TRE XVI partie des esclaves que Galien avait & Rome, lors d’une attaque de la peste. Il poursuit par un malheur passé, antérieur au précédent, dont il avait entendu parler quand il était 4 Rome. Mais il en vient trés vite au malheur pré- sent qui est beaucoup plus important que les deux pré dents (§ 2, 2, 12 Td 5& viv) : la perte que Galien a subie lors du grand incendie de Rome de tout ce qu’il avait entreposé dans sa réserve de la Voie sacrée. C’est le fait que le correspondant a appris par un porteur de nouvelles venu de Rome que Galien ne manifesta aucun chagrin continua ses occupations habituelles qui a suscité son étonnement admiratif et est la cause déclenchante de la lettre (§ 3, 2, 16-3, 2). C’est d’abord indirectement par ce que le correspon- dant a appris que commence le bilan des pertes qui va occuper toute la premiére partie de la lettre (§ 4 sqq., 3, 3 sqq.) avant que Galien ne prenne le relais en apportant de nouvelles précisions ou informations par rapport 4 ce que savait son correspondant. Ce bilan n’est pas un document comptable, mais il est orgar et développé en fonction de ce qui, subjectivement, a suscité |’admiration du cor- respondant et aussi de ce qui, objectivement, est plus ou moins irremplagable. C’est la raison pour laquelle les pertes en argent ou en argenterie sont rapidement évo- quées au début (§ 4 début, 3, 3-6) et distinguées des autres pertes qui sont plus importantes (§ 4 suite § 6, 4, 5). Ces pertes comprennent trois catégor livres, les médicaments, les instruments, avec une di tinction entre les objets perdus qui peuvent étre éventuel- lement remplacés et ceux qui ne peuvent |’étre que di cilement ou pas du tout. L’attitude admirable de Galien est renforcée par contraste avec ce que l’on apprend sur les réactions d’autres victimes de pertes dans l’incendie et en particulier d’un grammairien dont les ceuvres ont bralé et qui en est mort de chagrin (§ 7, 4, 6-8). Ce qui fc tastrophe générale, c’est la les rce Pampleur de la c: rise devant un malheur totalement inattendu, car ce

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