Parce que l’histoire qui nous est racontée bien que
« fictionnelle » reste populaire à la fois, profondément et communément ancrée dans le Réel…Des amours fanés, des destins brisés, une bien triste et crue réalité qui habite potentiellement le cœur des Hommes et rythme les vies de tout un chacun. Quant à la frustration… Elle décrit l’état mental de notre « héros » : Daniel. Creusée d’insatisfaction, sa vie se caractérise par un déséquilibre entre son désir, vivre pour et par la Musique, sa concrétisation (mort-née et auto sabordée), et sa consécration (plus qu’improbable). Dans un monde où tout individu est conditionné par sa place dans la société, Daniel lui même, se définit comme un type ordinaire, banal mais hermétique à l’évolution vers un petit mieux. Ainsi, la frustration qu’engendre sa situation va le conduire petit à petit à anéantir les choses qu’il a feint de « construire » sa vie durant et vampirisant, phagocytant son entourage, ses proches et en particulier sa femme Safia. Notre histoire commence au point culminant de sa frustration. Moment où Daniel arrive à un point de non-retour et bascule dans une incontrôlable descente aux « enfers ». 24 heures durant lesquelles, à l’instar de Paul dans le film After Hours de Martin Scorcese, sa vie va progressivement et irréversiblement virer au cauchemar. Les jours s’enchaînent et se ressemblent pour Daniel, 30 ans, qui est passé par une multitude de petits boulots avant d’être, pour l’instant, chauffeur-livreur pour une société de transport (type UPS…). Son seul échappatoire dans ce quotidien morose c’est sa « musique », comme il pense en « jouer » (un bidouillage binaire puérile et cacophonique sur un vieil ordinateur Atari et un petit clavier Casio). Passion qu’il peine à satisfaire, paralysé devant l’ampleur de ses ambitions, sa passivité maladive et par les responsabilités qu’exige ses obligations professionnelles et familiales. Il a connu sa femme il y a 10 ans, au lycée. Une fille positive, attentive, prévenante, aimante qui espère, bon grés malgré, s’épanouir entre sa vie privée et son modeste métier (vendeuse conseillère cosmétique…). Ce soir, elle demande à Daniel de lui rendre un petit service : accompagner son frère Nass à l’aéroport. Selon Daniel, c’est un emmerdeur de première, doublé d’un trader aux dents longues. A contre cœur, il part le récupérer dans son milieu dont il se sent totalement et « injustement » exclu. A l’entrée de la soirée Daniel se fait évincer par le service de sécurité jusqu'à ce que le beau-frère l’aperçoive et le fasse entrer. S’ensuit alors une habituelle prise de bec entre les deux hommes où chacun va de son jugement sur la façon d’être de l’autre… Après l’altercation, Daniel plante là Nass et décide de rentrer chez lui. Il y retrouve Safia qui, la contrariant dans ses plans, lui préparait en cachette un dîner en « amoureux » aux chandelles. Elle apprend que Daniel et Nass se sont encore querellés. Ne polémiquant pas, une fois de plus, elle bloque et parque Daniel dans la cuisine prétextant avoir à mettre une petite touche finale à une surprise qu’elle lui réserve dans le salon. En effet lors du repas elle s’apprête à lui annoncer une grande nouvelle, son souhait intime se concrétise enfin : ILS vont être parents, Safia est enceinte. Mais avant même qu’elle n’ait pu finir de tamiser l’ambiance, depuis le salon, elle entend la sonnerie de la porte d’entrée et reconnaît la voix de Stef, l’ami de Daniel. Comme d’habitude presque machinalement Daniel peu attentionné file sans se retourner et quitte l’appartement pour une virée nocturne entre potes. Dans le regard de Safia, la rupture semble consommée. Stef, Mo’ et Daniel roulent, improvisant un itinéraire à travers la ville. Sans forcément se dire un mot, ils rêvassent, fument, dessinent sur la buée des vitres de la voiture et se projettent la vie des passants qui croisent leur route, errant comme des fantômes dans les rues, s’arrêtent dans une station de service… Après leur road trip, ses amis le ramènent chez lui. Une fois rentré, Daniel retrouve l’appartement étrangement désert. L’absence de sa femme se « matérialise » en une simple lettre, posée sur la table dressée. Un peu trop tard il réalise et comprend mieux Safia lors de son retour précipité et entend enfin les mots Il ouvre l’enveloppe tombe sur une échographie et commence à lire la lettre: un état des lieux désastreux d’une vie passée à s’imaginer plein de « si » seulement… Safia ne sera plus jamais « sienne ». Triste, épuisé et rongé par la colère mêlée aux remords, il roule en direction de la maison de sa belle mère, s’imaginant les pires scénarii sur les raisons et les conséquences de son départ (amant, crime passionnel, suicide…). Une fois arrivé, il hésite, frappe à la porte… La mère de Safia l’entrouvre mais la lui referme calmement au nez. Dehors Daniel recule et commence depuis la rue à hurler le prénom de sa femme qui finit par lui ouvrir à son tour. Tant bien que mal, elle lui demande simplement d’essayer de comprendre que ça fait dix ans qu’elle a le sentiment d’être inexistante dans sa vie. Son départ n’a fait que souligner cette impression de manque et elle a suffisamment sacrifiées de choses pour sauver une vie de couple à sens unique… La porte se referme une nouvelle fois mais sur un pan de sa vie. Daniel roule et s’arrête sur les hauteurs de la ville. Il est avachi dans sa fourgonnette, une bouteille de rhum à la main, ressassant des pensées contradictoires. Un coup de téléphone le sort soudainement de sa torpeur… Safia ?... C’est encore Stef qui lui propose de les rejoindre, lui et Mo’, au Fantasia un Strip-bar de la ville. Daniel décline, leur exposant ses démêlés sentimentaux de sa toute récente rupture puis hésite un instant avant de se laisser convaincre en espérant se changer les idées… Ses amis ne sont plus là lorsqu’il arrive, il s’installe alors au comptoir. Verre après verre, il observe distraitement et froidement une succession de filles aux jambes galbées se déhancher. Perdu dans ses divagations, il finit par projeter sur l’une d’elle toute la frustration de sa relation ratée, de cet amour gâché avec Safia et lui jette son verre au visage. Manu militari, le service de sécurité expulse violement Daniel par l’issue de secours du Strip-bar… Groggy, il reprend ses esprits, étalé de tout son long la face contre terre sur les pavés suintants dans une ruelle. Il déambule dans les rues, titubant encore sous l’effet de l’alcool, des coups physiques et psychiques … L’aube commence à pointer alors qu’il erre dans un piteux état, sous les regards inquiets ou indifférents des passants qu’il croise. La haine monte démesurément en lui. Daniel se retrouve devant un café tout juste ouvert où une dizaine de clients sont attablés, où parmi eux, une superbe jeune femme patiente. Il décide alors de s’asseoir à ses côtés, qu’elle le veuille… ou non. Malgré la réticence pourtant courtoise de la fille, Daniel insiste lourdement jusqu’à ce que son petit ami « armoire à glace » sorte des toilettes pour remettre plus vertement Daniel à sa place. Blessé, sa fierté piquée à vif, il suit le couple dans la rue et engage sournoisement une violente altercation. Daniel, d’un coup de barre de fer trouvée sur un chantier au passage, tente en vain de frapper le type et se fait coucher au sol, les lèvres en sang, un énième échec de plus au palmarès de la soirée. En réaction et dans un sursaut de brutalité, il pousse l’homme qui bascule entre deux voitures se faisant percuter de plein fouet par un camion débouchant à vive allure… A quelques dizaines de mètres de l’impact, le corps gît sans vie. En état de choc, la fille sanglote et hurle sur le trottoir, des sirènes retentissent et Daniel reste paralysé, hagard, haletant et hébété près du corps. En un clin d’œil Daniel a ôté la vie d’un homme et fait basculer la sienne à jamais. Rien de ce qui est arrivé cette nuit là n’était dans ses projets. Désormais enfermé entre quatre murs, prisonnier une fois de plus de ses erreurs, il reste seul avec sa conscience contraint de revoir indéfiniment le film de sa vie, qui n’aurait du être qu’un plan simple…