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La Mésopotamie

La Mésopotamie (du grec Μεσοποταμία / Mesopotamía, de μεσο / meso « milieu, entre » et

ποταμός / potamós, « fleuve » : désigne le pays « entre deux fleuves ») est une région du
Moyen-Orient située entre le Tigre et l'Euphrate. Elle correspond pour sa plus grande part à
l'Irak actuel.

Elle comprend au nord (nord-est de la Syrie et le nord de l'Irak actuels) une région de
plateaux, qui est une zone de cultures pluviales, et au sud, une région de plaines où l'on
pratique une agriculture qui repose exclusivement sur l'irrigation.

Le sens du mot Mésopotamie a évolué au fil du temps. Au sens classique des Grecs et des
Romains, la Mésopotamie désigne la partie du nord appelée aussi Djézireh depuis la conquête
arabe (vers 634 ap. J.-C.), pour la zone humide et irriguée on trouve le mot Sawâd dans les
textes d'origine arabe. Chez Arrien, qui écrit une Anabase d'Alexandre le Grand, on trouve
pour la première fois le terme de Mésopotamie. Le terme vient d'une expression qui existe
dans les langues locales, et que l'on trouve en akkadien sous la forme de Birīt Nārim
"Intervalle du fleuve" (de birīt, « intervalle » et nārim, « fleuve ») ou Māt Birītim « Pays de
l'intervalle » (de māt, « Pays » et birītim, « intervalle »). En araméen, il existe sous la forme
de Beyn Nahrīm "entre les fleuves" (de beyn « entre » et nahrein « fleuve »), expression qui
désigne dans tous les cas, la partie haute de l'Euphrate.

Actuellement, le terme « Mésopotamie » est généralement utilisé en référence à l'histoire


antique de cette région, pour la civilisation ayant occupé cet espace jusqu'aux derniers siècles
avant l'ère chrétienne ou au sixième siècle avant l'ère musulmane.

Géographie

Extension du Croissant fertile


La notion essentielle est celle de Croissant fertile. Il s'agit de la zone où l'irrigation n'est pas
nécessaire pour l'agriculture. Ces terres sont humides , faciles à cultiver. Ce croissant est
délimité par l'isohyète 250 mm. Concrètement, cette zone se trouve entre le Zagros, le Taurus
et les côtes méditerranéennes et du Golfe Persique. C'est dans cette zone qu'a lieu la
révolution néolithique.

On y inclut la région qui se situe au sud, entre les fleuves du Tigre et de l'Euphrate (en Irak
actuel). Mais dans cette région, il est nécessaire de recourir à l'irrigation car les précipitations
n'y sont pas assez importantes.

Le terme d'Assyrie est très couramment employé pour désigner le nord de la Mésopotamie.
Parallèlement, le terme de Babylonie désigne le sud de la Mésopotamie, c'est-à-dire la plaine
mésopotamienne. En effet, à partir de la moitié du IIe millénaire av.j.c, la région connaît deux
entités politiques, dont l'une a pour capitale Assur — c'est l'Assyrie — et l'autre qui a pour
capitale Babylone — c'est la Babylonie.

Le nord de la Mésopotamie est un vaste plateau désertique, tandis que le sud est une immense
plaine alluviale très fertile où, de plus, la présence de nombreux bras de fleuve et de
marécages permettait l'irrigation. Cette situation idéale en fit un des grands foyers de
civilisation.

Géographie physique

Les grandes unités régionales

On distingue cinq grands types d'unités régionales : les plateaux de la haute Mésopotamie, la
plaine de la basse Mésopotamie, les régions montagneuses et les régions steppiques ou
désertiques.

Les plateaux de Haute Mésopotamie [modifier]

Ces plateaux s'étendent juste au sud d'Assur et descendent du Nord au Sud. Les vallées sont
encaissées, ce qui contribue à compartimenter la région. Ces plis montagneux coupent la
région d'Est en Ouest. Ces plis sont le Djebel Abd el Aziz et le Djebel Sinjar, qui sont deux
plis élevés. Le deuxième a gardé le nom qu'il avait dans l'Antiquité, à savoir Saggar (Sinjar
dans l'Antiquité), ce qui signifie « la barrière ».

Au nord, on parle de Haute Jéziré, ce qui est synonyme de « Haute Mésopotamie », et au sud
de Basse Jéziré. Entre ces deux zones, les conditions de vie sont différentes. Le nord est plus
arrosé et ce fut une grande zone de passage. Au contraire, le sud est plus difficile pour
l'homme et est une zone de transition avec la steppe.

Les plaines de Basse Mésopotamie


Les plaines ne sont pas encaissées. Toute la région qui va de l'actuelle Bagdad (Agade), qui se
situe à 37 mètres d'altitude, jusqu'au golfe Persique, est une plaine très faiblement inclinée
vers le sud.

Il s'agit d'une plaine alluviale formée par les alluvions du Tigre et de l'Euphrate. Le processus
d'alluvionnement continue toujours. La côte actuelle est plus au sud par rapport à
l'emplacement qu'elle occupait dans l'Antiquité. Les fleuves ne sont pas encaissés mais ils
s'exhaussent (en contre-haut de la plaine), ce qui entraîne lors des crues de fréquents
débordements et des changements du cours des fleuves. Tout au sud se trouve une zone de
marais : les Hawr, qui ont un rôle important en été car ils restituent une partie des eaux du
fleuve.

Histoire récente

Cette zone de marais s'étendait sur une superficie de 20 000 km² dans les années 1970, mais
elle avait été détruite à 90 % en 2001 suite aux opérations de drainage massif décidées par
Saddam Hussein. Cette décision avait été prise afin de combattre les chiites irakiens qui y
avaient trouvé refuge après l'échec de leur soulèvement au début des années 1990. En 2004, le
Programme des Nations unies pour l'environnement lance un programme de restauration de
l'environnement; fin 2006, celui-ci a restauré 10 000 km² environs et 100 000 personnes sont
revenues y habiter1.

Les montagnes

Il s'agit d'un plissement d'âge tertiaire avec une unité morphologique de type jurassien. Au sud
de la côte méditerranéenne, se trouve le mont Galilée ; un peu au nord se trouve les mont-
Liban et Anti-Liban, qui culminent à 3 000 mètres, et encore plus au nord, le Jebel Ansariye.
Tout au nord de cette côte, se trouve l'Amanus.

Au nord, on trouve le Taurus et l'Anti-Taurus, ainsi que les monts Arméniens, qui culminent
aux environs de 5 000 mètres. À l'est, se trouve le Zagros, qui culmine à plus de 3 000 mètres.
Ces montagnes ont des répercussions sur l'hydrographie, car l'eau vient des montagnes, qui
constituent aussi des réserves de bois et de minéraux.

Les steppes et les déserts

Il s'agit des endroits où les précipitations sont inférieures à 200 mm par an, et par conséquent
où il est impossible de cultiver. Les zones de steppes ont des précipitations comprises entre
100 et 200 mm par an. En dessous de 100 mm, on parle de désert. Les steppes s'étendent
autour de la vallée du moyen Euphrate. C'est un espace discontinu. On y trouve à certains
moments de l'année des prairies temporaires qui peuvent être exploitée par des pasteurs pour
l'élevage. Elles peuvent être traversées sans trop de difficultés. En akkadien, le terme Namû
désigne à la fois la steppe, les populations de la steppe, ainsi que les animaux qui s'y trouvent.
Le désert quant à lui n'est pas exploitable. À la période qui nous intéresse, il porte le nom
akkadien de Madbanu. On y trouve néanmoins des oasis, comme celle de Tadmer, en Syrie,
qui correspond à la ville de Palmyre. Les populations qui vivent dans le désert sont désignées
par le terme de Arbaiu (qui a donné Arabe entre autres), terme qui désigne plus le mode de vie
des oasis qu'un type ethnique.

Climat et hydrographie

Le climat

Il n'y a pas de différence majeure avec le climat actuel. Les principaux changements ont été
induits par l'homme notamment avec le problème de la déforestation.

On trouve deux zones climatiques. Près de la Méditerranée il y a un climat méditerranéen,


dont les caractéristiques sont des précipitations concentrées l'hiver, des hivers doux et des étés
chauds et secs. Ailleurs, le climat est de type continental (méditerranéen dégradé), avec des
précipitations l'hiver. La pluviométrie est une donnée fondamentale. Plus on va dans les terres
et plus elles diminuent. Concernant les températures, partout les étés sont chauds. Au nord, la
température moyenne en été (juillet) est de 30° C; au sud, vers Bassorah, la moyenne est de
38° C, avec des pointes à 50° C.

En hiver, il y a des différences sensibles. En Haute Mésopotamie, les moyennes des


températures hivernales ne sont pas très élevées (environ 5° C) et il y a entre 30 et 40 jours de
gel avec des possibilité de chutes de neige. En Basse Mésopotamie, à Bassorah, la moyenne
en janvier est de 28° C. Cela se traduit dans la végétation. Ainsi, le palmier dattier ne peut être
cultivé au nord car il ne supporte pas le gel.

L'hydrographie

Il y a un certain nombre de fleuves côtiers parallèles aux chaînes de montagne sur la côte
méditerranéenne, avec l'Oronte, le Litani, le Jourdain. Ces vallées sont encaissées. En
particulier le Jourdain a une pente très forte.

L'hydrographie du reste de la région est constituée par le Tigre et l'Euphrate et de leurs


affluents. Ces deux fleuves sont de longueurs sensiblement différentes. L'Euphrate s'étend sur
2 800 km sur une pente faible; le Tigre s'étend sur 1 800 km sur une pente plus forte.
L'Euphrate a un certain nombre d'affluents sur sa droite dans le Taurus puis plus que deux : le
Balih et le Habur qui traversent la Mésopotamie mais ils ont chacun un aspect différent. Ainsi
le Habur a de l'eau toute l'année et un débit assez fort pour être navigable, alors que le Balih a
un débit beaucoup plus faible et même s'il a été important, il peut s'assécher. Le Tigre reçoit
sur tout son cours des affluents de rive gauche d'abord d'Arménie puis du Zagros. Les
affluents sont moins nombreux dans la partie sud mais son débit est beaucoup plus important
que l'Euphrate.

Cependant, il y a des points communs entre les deux fleuves. Ainsi, ils ont une direction
globale de leur tracé qui est à peu près identique. Leur régime pluvionival est identique : ils
sont alimentés par les pluies et par la fonte des neiges. Les crues du Tigre sont plus
redoutables, ce qui induit un nombre plus petit de villes qui se trouvent au bord du fleuve et
une implantation des sites en hauteur. Les crues ont des conséquences diverses. Cela va de
l'apport d'eau pour l'irrigation, à des destructions importantes qui obligent à remettre en état le
réseau d'irrigation. À la différence des crues du Nil, les crues du Tigre et de l'Euphrate ne sont
pas fertilisantes. En Égypte les crues arrivent au bon moment. Les crues du Tigre et de
l'Euphrate arrivent en général au mauvais moment. Cela donne naissance à un système
d'irrigation avec réservoirs, pour emmagasiner l'eau des crues et pouvoir les restituer aux
moments opportuns. Si l'irrigation est importante dans le nord, elle est vitale dans le sud.

Géographie humaine

Le peuplement

Au néolithique, le peuplement s'est concentré dans le croissant fertile. Cela explique que le
nord était en avance sur le sud.

Les premières traces de cultures remontent à 9000 avant J.-C. Les premières implantations se
trouvent sur les piémonts du Zagros. À partir du IVe millénaire av. J.-C. on associe des objets
de pierre à du cuivre. C'est l'époque chalcolithique. Cela suppose l'organisation de société plus
complexes et l'existence de commerce. Le chalcolithique débute vers 4500 av. J.-C. et c'est
dans cette période que se produisent des changements.

Ainsi, la plaine est mise en valeur avec l'irrigation, ce qui suppose une organisation du travail.
C'est également au cours de cette période que se produit la révolution urbaine. Vers 3300 (fin
du IVe millénaire av. J.-C.) apparaissent des villes, phénomène qui se traduit par une
augmentation du nombre de bâtiments, la production de céramique et la présence de temples
et donc l'existence d'un clergé. Cela apparaît dans le sud à Uruk, Éridu, etc. La révolution
urbaine se déplace du sud vers le nord. On retrouve des traces de cette révolution à Jebel
Auda et Habuba Kabira.

C'est à ce moment qu'apparaît également l'écriture, essentiellement sous la forme de


documents comptables de gestion de troupeaux et de récoltes. Cette écriture est constituée de
pictogrammes.

Le début de la période historique se situe au IIIe millénaire av. J.-C. Vers 2800 av. J.-C., on a
les premiers textes que l'on est capable de lire (avec des éléments grammaticaux). Ces textes
sont écrits en sumérien, ce qui est une appellation arbitraire car cette langue s'appelait en fait
Emegi, ce qui signifie « la langue noble » ; mais elle est désignée ainsi car elle est présente
dans la région de Sumer. Il s'agit d'une langue totalement isolée au Proche-Orient,
qu'aujourd'hui l'on apparente à l'une de celles que l'on parlait près de la mer Caspienne.

Le sumérien n'est pas la seule langue parlée au Moyen-Orient. Il existe différents moyens de
s'en rendre compte, par exemple, en voyant l'irruption massive de noms amorrites aux
alentours de -2000, la Mésopotamie centrale et méridionale venant d'accueillir une énième
invasion. Mais jusque présent, il n'est pas de texte qui fut retrouvé de cette langue, mais,
cependant, c'est toujours vers -2000 qu'une langue de la même famille prestigieuse devait se
diviser, l'akkadien, langue sémitique, en deux branches, l'assyrien au nord et le babylonien au
sud.

L'akkadien a commencé à être écrit vers -2600 et se répandre à partir du XXIVe siècle av. J.-
C.. Par la suite, elle est devenue la langue la plus parlée et répandue. Le sumérien a continué
d'être parlé jusque la fin du IIIe millénaire av. J.-C., mais survécut cependant pendant plus de
2000 ans en tant que langue religieuse et savante. Politiquement, il y a au IIIe millénaire av.
J.-C. une période assez longue, appelé « Dynastique archaïque » et qui a duré de -2800 à
-2400, où l'ensemble de la Mésopotamie est divisé en petits états avec chacun une ville
principale.

À partir du XXIVe siècle av. J.-C., il y a des tentatives d'unification de la Mésopotamie. Ce


sont les premiers « empires ». Nous avons tout d'abord l'Empire d'Akkad (XXIIe – XXIIIe
siècle av. J.-C.) dont la capitale est Akkad et dont la langue officielle est l'akkadien. Il y a
ensuite l'empire d'Ur (XXIIe – XXIe siècle av. J.-C.). Dans l'Antiquité, la ville d'Ur était un
port. La langue officielle de l'« empire » est le sumérien, mais uniquement pour
l'administration.

Vers la fin du IIIe millénaire av. J.-C. et la moitié du IIe millénaire av. J.-C. arrivent des
peuplades étrangères, avec les Amorrites, qui pourraient venir de la Syrie occidentale, parlant
une langue sémitique proche de l'akkadien, mais que l'on ne connaît que par les noms propres.
Ce peuple s'est fondu dans la population en un siècle. Vers le XVIIe siècle av. J.-C. arrivent
les Kassites, un peuple qui vient du Zagros. Enfin, les Hourrites, qui viennent quant à eux des
montagnes du nord et du nord-est. Au bout d'un certain temps, il y a eu fusion de ces
populations. Au XVIIe siècle av. J.-C., les Hourrites fondent le royaume du Mitanni. Les
Kassites fondent le royaume de Karduniash. La langue kassite est mal connue, seulement par
l'étude des noms propres ; en revanche, le hourrite est mieux connu. Au XIVe siècle av. J.-C.
est fondée l'Assyrie.

À la fin du IIe et au début du Ier millénaire av. J.-C. a lieu la migration des Araméens. Elle
rappelle la migration des Amorrites. Ils semblent venir de Syrie occidentale, parlent une
langue sémitique et se présentent comme des semi-nomades (pasteurs transhumants). Ces
mouvements s'expliquent par des changements pendulaires des modes de vie. Les deux
peuples, Araméens et Amorites, parlent une langue sémitique ; mais alors que l'amorrite avait
disparu au profit de l'akkadien, l'araméen a été adopté par une bonne partie des populations
locales. Il y a en effet un progrès très net de l'araméen qui devient la langue unanimement
parlée au Moyen-Orient. Une partie des Araméens s'installe dans la plaine, une autre s'installe
en Haute Jéziré.

Les activités

L'agriculture

Cette activité concerne la majorité des gens. La côte méditerranéenne est une région favorisée
avec la trilogie méditerranéenne : blé / vigne / olivier. De plus, on y trouve des prairies
capables d'accueillir l'élevage de bovin. Au nord de la côte se trouvent des ruches qui
produisent du miel, destiné à sucrer les aliments.

Dans l'intérieur, la Haute Mésopotamie est une région à vocation céréalière. On y trouve
différentes sortes d'orge et d'épeautre. On y cultive le sésame et le lin (essentiellement pour
l'huile), et on trouve enfin quelques secteurs à vigne, mais qui restent très locaux. La culture
de la vigne permet la production de vin pour les élites.
La Basse Mésopotamie est une région d'agriculture irriguée et toutes les cultures sont liées à
l'irrigation. La céréaliculture est répandue mais le blé ne peut presque pas être cultivé à cause
de la salinité de l'eau. On produit donc de l'orge qui tolère un minimum de salinité. Avec
l'orge, on peut faire jusqu'à deux récoltes par an. On produit de la bière ou de l'alcool à partir
des dattes. Le vin est désigné par le terme Karanu et les autres alcools par celui de Sikanu. Le
palmier est très employé ; ses fruits servent à la nourriture et à la boisson, le bois est utilisé et
enfin, l'ombre qu'offrent les palmiers autorise la pratique d'autres cultures, ce qui permet une
grande diversité, avec l'ail et l'oignon par exemple. On fait de l'huile avec le sésame et on
augmente la production avec la pêche.

L'élevage

Il y a une opposition entre le monde agricole et le monde pastoral. Les brebis fournissent la
laine et le lait, pour nourrir les populations de pasteurs et pour éventuellement faire du
fromage.

Les riches particuliers possèdent de grands troupeaux qu'ils confient à des entrepreneurs et qui
tiennent des comptes, ce qui laisse des traces. L'élevage bovin est moins développé. Il s'agit
d'un élevage familial. Quelques troupeaux appartiennent au palais. Les bovins sont très
utilisés pour leur force de travail. Les bovins peuvent recevoir des noms. L'élevage porcin
pose problème. Il est mentionné dans le sud et peu dans le nord. Le porc est mal considéré car
il revenait fréquemment dans les malédictions.

L'artisanat et le commerce

Il s'agit d'activités pratiquées par une petite partie de la population. Les artisans
mésopotamiens sont reconnus. Les ressources de la Mésopotamie en matières premières sont
quasi nulles. Il n'y a pas de sources de minerais en dehors des zones montagneuses. Le bois
est rare dans la plaine d’où une présence en abondance dans les montagnes. Enfin, il n'y a pas
ou peu de pierres exploitables.

L'argile et le roseau permettent de produire de la céramique et de la vannerie. L'élevage donne


de la laine avec laquelle on peut faire des œuvres de tissage, et c'est également une monnaie
d'échange. Ce sont là les seules ressources naturelles exploitables pour l'artisanat qui existent
en Mésopotamie même.

L'artisanat est lié au grand commerce. Ce commerce concerne essentiellement le travail du


bois et du métal. L'importation est nécessaire. Cela a poussé des états à vouloir assurer le
contrôle de ces sources d'approvisionnement, notamment en cuivre, en étain et en fer. On
trouve quatre sources en cuivre :

En Iran central

Dans les montagnes du Taurus

Dans la péninsule d'Oman et à Chypre.


Pour fabriquer du bronze, il faut du cuivre et de l'étain. Pour l'étain, on en trouve à l'est du
plateau iranien et en Afghanistan. L'Espagne et les îles Britanniques peuvent également avoir
fourni de l'étain, mais de manière indirecte. Le fer est le métal qui permet de fabriquer des
armes et des outils plus solides, mais il est plus difficile à maîtriser. Au Proche-Orient, on
entre dans l'âge du fer au début du Ier millénaire. Le minerai de fer est plus répandu. On le
trouve dans les montagnes.

Chronologie
Préhistoire.

La présence de l'homme y est attestée depuis la préhistoire, à partir du Paléolithique moyen.


Au Néolithique, vers 7000, sur le site de Jarmo, la poterie fait pour la première fois son
apparition, des traces manifestes du début de la domestication progressive des animaux et des
plantes apparaissent également, et l'utilisation de briques crues témoigne pour la première fois
de l'existence d'une vie en village...

Protohistoire

À partir du chalcolithique, vers 6000, on note, outre l'usage du cuivre, l'usage de l'irrigation en
agriculture, l'apparition des sceaux-cachets, des peintures murales, de la céramique peinte,
incisée ou décorée, des premiers sanctuaires ainsi qu'une utilisation généralisée de la brique.

Entre 6000 et 5000, on distingue la succession de trois cultures de types différents :

• la Période de Hassuna (5800-5500)


• la Période de Samarra (5600-5000)
• la Période de Halaf (5500-4700)

Puis viennent deux phases où le processus de complexification sociale s'accélère, jusqu’à la


constitution de véritables États, puis la création d'une première forme d'écriture qui fait
basculer la Mésopotamie dans l'Histoire :

• la Période d'Obeid (4700-4100)


• la Période d'Uruk (4100-2900)

Histoire
Localisation des principales cités de Mésopotamie à l'époque historique

La période historique commence en Mésopotamie vers 3400, quand l'écriture est mise au
point. Elle est divisée en plusieurs périodes successives :

• Période d'Uruk récent (3400-2900) : L'écriture se développe, mais les textes écrits à
cette époque sont encore difficiles à interpréter, et il s'agit de documents administratifs
et de listes lexicales, qui ne nous apprennent rien sur l'histoire événementielle.

• Période des Dynasties archaïques (2900-2340) : Elle est divisée en trois sous-périodes.
C'est à partir de la moitié du IIIe millénaire qu'on est informé sur les événements, avant
tout grâce aux archives retrouvées à Lagash. C'est la période des cités-États de Basse
Mésopotamie.

• Période d'Akkad (2340-2180) : Sargon d'Akkad met fin à la période des cités-États en
les incluant dans le premier état territorial, qui se mue vite en véritable empire,
notamment grâce à l'action de son petit-fils Naram-Sin.

• Période néo-sumérienne (2180-2004) : L'Empire d'Akkad s'effondre à cause de


révoltes et d'attaques de peuples "barbares". Les cités-États sumériennes reprennent
leur indépendance, avant d'être unifiées par les rois fondateurs de la Troisième
dynastie d'Ur, Ur-Nammu et son fils Shulgi, qui établissent un nouvel empire
dominant la Mésopotamie.

• Période paléo-babylonienne (ou amorrite) (2004-1595) : Le royaume d'Ur s'effondre


vers 2000 sous les coups des Élamites et des Amorrites. Ces derniers prennent la tête
de différents royaumes qui se partagent la Mésopotamie : Isin, Larsa, Eshnunna, Mari,
puis Babylone, qui finit par dominer toute la région sous le règne de Hammurabi,
avant de décliner lentement jusqu’à la prise de la ville par les Hittites vers 1595.

• Période médio-babylonienne (terminologie non fixée) (1595-c.1080) : Les Kassites


fondent une nouvelle dynastie qui domine Babylone pendant plus de quatre siècles. Au
nord, le Mitanni exerce sa domination avant de se faire supplanter par le royaume
médio-assyrien. La rivalité entre les deux entités occupant le nord et le sud de la
Mésopotamie apparaît alors. Cette période se termine avec une crise grave, provoquée
notamment pas les invasions des Araméens.

• Période néo-assyrienne (911-609) : Les Assyriens rétablissent leur puissance dans le


courant du IXe siècle, et établissent un empire dominant tout le Proche-Orient, qui
connaît sa période d'apogée sous les Sargonides, avant de s'effondrer à la fin du
VIIe siècle sous les coups des Babyloniens et des Mèdes.

• Période néo-babylonienne (625-539) : Les Babyloniens reprennent à leur profit une


partie de l'empire néo-assyrien, notamment grâce à l'action de Nabuchodonosor II. Ce
royaume connaît cependant un déclin rapide, et il passe en 539 sous le contrôle du roi
perse Cyrus II.

• Période achéménide (539-331) : La Mésopotamie est sous domination iranienne, mais


cela ne l'empêche pas de connaître une période de grande prospérité.
• Période séleucide (331-140) : L'empire perse achéménide tombe sous les coups
d'Alexandre le Grand, et après la mort de ce dernier et les luttes qui s'ensuivent la
Mésopotamie est dominée par les Séleucides. La culture mésopotamienne connaît à
cette période un déclin qui s'accélère au IIe siècle.

• Période parthe (140 av. J.-C.-224 ap. J.-C.) : Après moult péripéties, les parthes
chassent les Séleucides de Mésopotamie dans le courant du IIe siècle. C'est sous leur
règne que disparaît définitivement l'antique culture mésopotamienne, qui subsistait
jusqu'alors dans le milieu des temples de Babylonie.

A noter : un intermède romain avec les conquêtes de Trajan (116 ap. J.-C.) qui prit la capitale
parthe Ctésiphon et descendit jusqu'au Golfe Persique, avec l'ambition de reconquérir l'empire
d'Alexandre. Son successeur, Hadrien, abandonne ces territoires dès son avènement (117).
Plus tard, l'empereur Septime Sévère arrachera définitivement la Mésopotamie du Nord aux
Parthes lors de ses campagnes de 195-198.

Composition ethnique
Au IIIe millénaire, la Basse Mésopotamie est divisée entre deux ethnies : les Sumériens,
parlant une langue sans parenté connue, et une population sémitique que l'on appelle par
commodité les Akkadiens (bien que ce terme ne soit utilisé qu'à partir du règne de Sargon
d'Akkad, à la fin du XXIVe siècle), parlant une langue sémitique, l'akkadien. Si ces derniers se
rattachent bien aux autres populations que l'on connaît pour le Proche-Orient ancien, en
majorité sémites, l'origine des Sumériens nous échappe, de même que l'époque à laquelle il
faut dater leur disparition (fin du IIIe millénaire ? début du IIe ?). On a aussi supposé
l'existence d'un peuple qui aurait peuplé la Basse Mésopotamie avant les Sumériens et les
Sémites (nommé "peuple X" par S. N. Kramer) car plusieurs toponymes de cette région ne
s'expliquent ni par le sumérien, ni par l'akkadien.

La fin du IIIe millénaire voit l'entrée en scène de deux groupes ethniques importants : les
Amorrites, des sémites, et les Hourrites, parlant une langue sans parenté actuelle. Les
premiers établissent dans le Proche-Orient un ensemble de dynasties qui durent durant la
première moitié du IIe millénaire, et se fondent dans la population sémite déjà présente en
Mésopotamie, tandis que les seconds sont surtout présents dans le nord mésopotamien et en
Syrie.

D'autres groupes de populations sans parenté identifiée (parce qu'ils sont mal connus)
viennent des régions du Zagros : les Gutis, les Lullubis, et les Kassites. Les Subaréens,
habitant au nord, sont peut-être des Hourrites. Ils sont pour la plupart des nomades, et peu
importants numériquement.

A la fin du IIe millénaire, un nouveau peuple sémite reprend le chemin emprunté plus tôt par
les Amorrites : les Araméens. Ils s'établissent dans toute la Mésopotamie, et finissent par en
devenir une composante majeure. Leur langue s'impose dans la région durant le Ier millénaire.

Le Ier millénaire voit aussi l'incursion de populations indo-européennes : les Mèdes et les
Perses, qui restent cependant confinés au Plateau iranien, même si les seconds prennent le
contrôle politique de la région après 539, et ensuite les Grecs qui prennent la région en 331, et
finissent par y établir des colonies. Plus tard c'est un autre peuple iranien, les Parthes, qui
s'établissent en Mésopotamie. mais la population de cette région reste en majorité sémite.
Organisation politique
De la cité-État à l'empire

La Stèle de la victoire du roi Naram-Sin d'Akkad, XXIIIe siècle

La Mésopotamie a vu l'aboutissement du processus de création de l'État, dans le courant du


IVe millénaire avec l'élaboration des premiers micro-États (les cités-États) dans sa partie
méridionale. On a parfois imaginé l'existence d'une "démocratie primitive", ou bien d'une
"oligarchie", ou encore d'un régime dirigé par un "roi-prêtre". Quoi qu'il en soit, dès
l'apparition de sources qui nous permettent d'analyser le système d'organisation politique des
États mésopotamiens, on est en présence d'une système monarchique, dirigé par un souverain,
en sumérien EN, ENSÍ, et LUGAL. Les deux premiers termes renvoyant au domaine religieux,
ils laissent envisageable l'existence d'un "roi-prêtre" dans certains États. Le dernier désigne
clairement un "roi", šarrum en akkadien.

Après l'époque des cités-États, le premier État territorial ou empire est élaboré par Sargon
d'Akkad vers la fin du XXIVe siècle. Dès lors, la Mésopotamie est dirigée en plusieurs
royaumes, avant que la césure entre l'Assyrie au nord et Babylone au sud ne soit établie dans
la seconde moitié du IIe millénaire. Dans la première partie du Ier millénaire sont élaborés les
premiers véritables empires à très grande échelle, le néo-assyrien (911-609), le néo-
babylonien (624-539), avant la mise en place de l'empire perse des Achéménides, qui marque
la fin de la Mésopotamie en tant que centre politique du Proche-Orient avant plusieurs siècles.

L'idéologie du pouvoir
Le roi Hammurabi de Babylone face au dieu Shamash, détail de la stèle du Code
d'Hammourabi, XVIIIe siècle

Quelle que soit la dimension des royaumes, l'idéologie du pouvoir reste basée sur les mêmes
principes. Le véritable souverain du pays est sa divinité tutélaire, qui accorde la royauté à une
personne qui est digne de lui, qui n'est jamais que son représentant terrestre, chargé d'assurer
l'entretien des temples du pays et aussi de grandes conquêtes territoriales. Ces dieux sont les
divinités tutélaires des cités-États du IIIe millénaire, puis le grand dieu Enlil avec l'avènement
des États prétendant dominer les pays de Sumer et d'Akkad, et enfin les divinités au caractère
plus "national" pour les royaumes et empires à partir de la fin du IIe millénaire : Assur en
Assyrie et Marduk à Babylone.

L'histoire sur la longue durée était considérée comme cyclique. Cela est bien marqué par des
textes comme la Liste royale sumérienne, dont la chronologie est une succession de dynastie
régnant tour à tour, leur avènement et leur chute étant due à la volonté des dieux. Chaque
période de crise est considérée comme la punition infligée par les dieux à des souverains
impies, tandis que la prospérité et le succès militaire sont au contraire la démonstration de la
faveur divine.

Le roi et l'État

Les États mésopotamiens sont donc organisés autour de la figure royale. Celui-ci dirige
l'administration, l'armée, la justice, et il est chargé d'assurer le bon déroulement du culte rendu
aux dieux, entreprend des grands travaux. Il est entouré de "ministres" l'aidant dans ses tâches,
et dirigeant une administration gérant ses terres, le prélèvement des taxes, la justice locale. Ce
système se complexifie avec l'élaboration d'entités politiques plus vastes.

Les relations diplomatiques

La Mésopotamie est restée durant une grande partie de son histoire divisée entre plusieurs
États, qui ont eu à entretenir des relations diplomatiques entre eux, et ont aussi été en contact
avec des royaumes extérieurs au Pays des deux-fleuves. Les pratiques diplomatiques sont
diverses : correspondance entre cours, conclusion d'accords, mariages interdynastiques,
échanges de présents. Ce système se remarque dès la fin du IIIe millénaire, mais on le voit
mieux dans le IIe millénaire (notamment grâce aux archives de Mari et aux lettres d'Amarna).

Lettres
Écriture
Inscription cunéiforme du palais de Dur-Sharrukin, époque néo-assyrienne, fin du VIIIe siècle
(Musée du Louvre)

La Mésopotamie a vu l'élaboration de ce qui est actuellement considéré comme le plus ancien


système d'écriture au monde. On date son apparition vers 3500 avant. J.-C. Ce système
d'écriture est d'abord linéaire, puis il prend un aspect cunéiforme dans le courant de la seconde
moitié du IIIe millénaire. On écrit alors essentiellement sur des tablettes faites en argile,
matériau abondant en Mésopotamie. Ce support survit très bien à l'épreuve du temps (et
encore plus quand il est cuit à la suite d'un incendie), et c'est ce qui nous permet d'avoir une
quantité de documentation écrite considérable sur la Mésopotamie ancienne. À partir du début
du Ier millénaire, cette forme d'écriture est concurrencée par l'alphabet araméen, rédigé sur du
parchemin ou du papyrus, support périssable dont aucun exemplaire ne nous est parvenu.
Celui-ci finit par supplanter le cunéiforme vers le milieu du Ier millénaire, avant la disparition
définitive de ce dernier au début de notre ère.

Les scribes

Seule une minorité de la population était alphabétisée. Les spécialistes de l'écriture étaient les
scribes. Ils suivaient une formation destinée à leur apprendre à maîtriser le cunéiforme, et
s'initiaient au sumérien et à l'akkadien (à partir de la fin du IIIe millénaire). Il y avait plusieurs
niveaux de spécialisation, allant du simple scribe d'administration au lettré ayant suivi de
nombreuses années de formation, travaillant souvent dans les temples.

On estime également qu'une certaine partie de la population, dans les couches supérieures,
pouvait comprendre ou écrire des textes cunéiformes. Il s'agit du personnel administratif,
politique, ou bien de marchands.

Bibliothèques

Les tablettes cunéiformes étaient entreposées dans des endroits prévus à cet effet dans les
bâtiments où ils étaient rédigés. Parfois même des salles étaient réservées aux archives. Les
tablettes pouvaient être placées dans des paniers, des coffres, ou bien sur des étagères. Un
système de classement pouvait avoir été mis au point, mais il nous échappe bien souvent. On
pouvait faire des classements d'archives administratives, mais aussi de production littéraire
savante, comme dans le cas de la prétendue Bibliothèque d'Assurbanipal, trouvée à Ninive.

Production écrite
Tablette de vente de propriétés retrouvée à Shuruppak, XXVIe siècle

La production écrite mésopotamienne qui nous est parvenue est constituée en majorité de
textes de nature administrative. Il s'agit souvent de comptes liés à l'agriculture, l'élevage, des
distributions de rations à des travailleurs, des comptes d'entrées et des sorties d'entrepôts.

A côté de cela, on trouve des textes de la pratique plus élaborés : des contrats (de prêt, de
vente, de location) ou des lettres. Ils sont un apport inestimable pour nous aider à mieux
approcher la vie quotidienne des anciens mésopotamiens.

Les textes littéraires sont minoritaires en quantité. Ils se composent en premier lieu de listes
lexicales, mais aussi de textes d'apprentissage de certains métiers, ou bien des descriptifs de
rituels, jusqu’à des productions de littérature plus savante, des textes mythologiques, épiques.

Un dernier genre que l'on peut distinguer est celui des inscriptions et textes royaux. Ce sont
des textes produits par les rois, destinés à célébrer leurs grandes œuvres. Les perdants ayant
rarement l'occasion de se faire entendre, ce sont le plus souvent les vainqueurs qui ont la
parole. Ce genre de textes va de l'inscription de fondation, jusqu’à des récits plus élaborés
comme les Annales royales assyriennes.

Religion
Les dieux

Les dieux mésopotamiens sont pour la plupart très anciens, et leur origine nous est souvent
inaccessible. Les plus anciens ont un nom sumérien et un nom akkadien. Les principaux dieux
sont :

• Anu/An, le Ciel
• Enlil, le dieu de l'Air, souverain des dieux
• Enki/Ea, dieu de l'Abîme
• Nanna/Sîn, le dieu-lune
• Utu/Shamash, le dieu-soleil
• Ninhursag, déesse-mère
• Inanna/Ishtar, la déesse de l'Amour et de la Guerre, la planète Vénus
• Ishkur/Adad/Addu, le dieu de l'Orage
• Ninurta, divinité guerrière
• Ereshkigal et Nergal, le couple régnant sur les Enfers
• Nabû, dieu de la sagesse et de l'écriture

À partir de la fin du IIe millénaire, les dieux « nationaux » Marduk à Babylone et Assur en
Assyrie prennent une place de premier choix.

Hommes et dieux

Toutes les anthropogonies mésopotamiennes expliquent que les dieux ont créé les humains de
manière à en faire leurs serviteurs, chargés de leur entretien. De manière concrète, cet
entretien passe par le culte qui est rendu aux dieux dans ce qui est considéré comme leur
résidence, le temple.
Les hommes pieux sont en principe assurés de la bienveillance divine à leur égard. En
revanche, quiconque offenserait les dieux se place sous la menace d'une punition divine :
maladie, disgrâce, difficultés économiques, etc.

Les temples

Les temples sont considérés comme étant les résidences terrestres de leur divinité principale,
et souvent de leur entourage (parèdre, enfants, personnel divin). Ils portent d'ailleurs le même
nom que les résidences humaines (É en sumérien, bītu(m) en akkadien). Ils étaient également
souvent flanqués d'une tour à étages (ziggurat), monument emblématique de la civilisation
mésopotamienne, passé à la postérité grâce au récit biblique de la Tour de Babel.

Les temples sont constitués d'une cella, abritant une statue divine, représentation terrestre qui
garantit la présence de celle-ci en ce lieu, et qui doit constamment être entretenue.Les temples
étaient interdits au peuple. Sa perte, notamment après une défaite militaire et un sac du
temple, est considéré comme un grand malheur.

Parce qu'ils doivent assurer le très coûteux entretien des dieux (et leur personnel), les temples
sont dotés en terres, et aussi parfois en ateliers, montent des opérations commerciales. Il s'agit
d'agents économiques de premier plan.

Le clergé

Le personnel officiant dans les temples est logé à proximité de celui-ci, dans des dépendances.
Le personnel est divisé entre les membres chargés de son administration, et celui qui s'occupe
de la partie rituelle. Il existe diverses spécialisations, en fonction de la tâche que l'on a à
accomplir lors des rituels.

Les prêtres sont souvent des lettrés, et ils suivent parfois de longues études. Ils sont les
principaux dépositaires des savoirs mésopotamiens, et ce sont eux qui assureront la survie de
cette culture jusqu'aux débuts.

Certaines catégories de prêtres exercent en dehors des temples : ce sont les devins, les
exorcistes et les astrologues. Ils servent notamment dans le palais royal, le souverain ayant
besoin de leur aide puisque la fonction royale est aussi une fonction religieuse (le roi étant
parfois lui-même considéré comme un prêtre).

Il existait aussi un clergé féminin. Certaines d'entre elles vivaient cloîtrées dans une résidence,
et ne pouvaient en sortir, même si elles avaient parfois la possibilité de mener leurs propres
affaires (par des achats de terrain notamment).

Sciences
Mathématiques

Le système numérique employé par les Mésopotamiens était de base sexagésimale (base 60),
avec quelques aspects d'un système décimal.
Les connaissances mathématiques des Anciens mésopotamiens ont accompli de grands
progrès durant la période paléo-babylonienne, après quoi ils furent minimes. Mais il fallut
attendre le Ier millénaire pour que ce savoir soit employé à sa pleine mesure dans le domaine
de l'astronomie.

Astronomie

La séparation que l'on effectue entre astronomie et astrologie est inconnue des Anciens
mésopotamiens, comme pour beaucoup d'autres peuples avant l'époque moderne. Les
connaissances astronomiques des Mésopotamiens atteignirent un très haut niveau durant le Ier
millénaire, époque durant laquelle les astronomes "Chaldéens" étaient réputés jusqu'en Grèce.

Les Mésopotamiens avaient mis au point le principe de la division de la voûte céleste entre
douze signes du Zodiaque, qui sont sensiblement les mêmes que les nôtres. De la même
manière, ils avaient déjà nommé de nombreuses constellations. Ils connaissaient cinq
planètes : Mercure (Sihtu), Vénus (Delebat), Mars (Salbanatu), Jupiter (Neberu) et Saturne
(Kayamanu).

Au Ier millénaire, les prêtres astronomes babyloniens avaient compilé de longues listes de
relevés de phénomènes astraux. En les interprétant, ils en étaient arrivés à établir des
éphémérides pour tous les astres observables, et en arrivèrent presque à prédire des éclipses,
dont ils avaient repéré l'aspect cyclique.

Médecine

Pour les Mésopotamiens, la maladie était une malédiction envoyée par les dieux. Ceux-ci,
maîtres de tous les hommes avaient été insatisfaits par le comportement de certains d'entre
eux, qu'ils punissaient en envoyant des "démons" qui les rendaient malades, ou bien ils se
chargeaient eux-mêmes de la tâche.

Pour guérir un malade, on pouvait recourir à des pratiques qui nous semblent différentes mais
qui étaient alors vues comme complémentaire, la magie et la médecine empirique. De longues
listes techniques nous renseignent sur ces pratiques. Elles se présentent sous la forme de
phrases avec une protase présentant l'état du malade, et une apodose disant le diagnostic, avec
parfois à la suite le traitement à prodiguer. Elles concernent différents domaines, depuis la
gynécologie jusqu’à des cas psychiatriques, en passant par l'ophtalmologie. On dispose aussi
d'une longue liste de recettes de produits pharmacologiques.

Droit
Le droit mésopotamien est avant tout connu du public cultivé par le fameux Code
d'Hammurabi. Celui-ci, avec les autres textes provenant de Mésopotamie et qui lui sont
apparentés (comme le Code d'Ur-Nammu, le plus ancien du genre retrouvé, ou bien les Lois
assyriennes), ne représentent qu'une petite partie des sources nous informant sur le droit dans
cette région. Il s'agit d'ailleurs de recueils de sentences ayant vocation à servir de sortes de
traités juridiques, plus que de codes juridiques au sens moderne du terme.

La majeure partie de nos sources écrites sur le droit mésopotamien sont les très nombreux
actes légaux retrouvés dans les différents sites de la région des deux-fleuves, auxquels
peuvent être ajoutés ceux retrouvés ailleurs dans le Proche-Orient, depuis Suse jusqu’à
Alalakh et Ougarit. Il s'agit d'actes de prêts (contrat de base, le plus courant, et duquel sont
inspirés les autres contrats, au moins pour leur formulaire), d'achats/ventes/locations de biens
immobiliers, d'animaux ou d'esclaves, de contrats de mariage ou d'adoption,
d'affranchissement, de contrats de société (commerciaux surtout), et aussi de compte-rendus
de procès. Retrouvés sur un grand espace géographique, et sur une très grande période (depuis
le XXIe siècle av. J.-C. jusqu’à la seconde moitié du Ier millénaire av. J.-C.), ils nous
présentent des situations variées, et de nombreux aspects juridiques. Ainsi, chaque lieu
développe à une période donnée un type de formulaire récurrent pour la rédaction d'un acte
juridique précis. On peut néanmoins relever des similitudes entre les différentes périodes
attestées, témoignant d'un même fonds juridique.

Au-delà de l'aspect légal, ces documents sont une mine d'information qui nous permettent
d'entrevoir, comme peu d'autres documents cunéiformes, la vie quotidienne des Anciens
mésopotamiens. On peut grâce à ces textes analyser les institutions, les rapports sociaux, les
pratiques agricoles, artisanales ou commerciales, etc.

Art

Statue de Gudea de Lagash, XXIIe siècle

Parmi les principaux domaines artistiques attestés en Mésopotamie, on peut relever :

• la glyptique : l'étude des motifs représentés sur les sceaux, puis les sceaux-cylindres (à
partir de la période d'Uruk) nous révèle l'univers mental des anciens Mésopotamiens.

• la sculpture : parmi les œuvres réalisées en ronde-bosse, les statues de la période de


Gudea de Lagash (XXIIe siècle) sont parmi les plus remarquables ; par la suite, les
sculpteurs mésopotamiens ont préféré les bas-reliefs, dont les plus fameux sont ceux
des palais néo-assyriens.

• la peinture : elle est assez peu attestée, car peu de peintures ont été conservées ; les
plus belles fresques mésopotamiennes ont été retrouvées à Mari) (XVIIIe siècle), Til-
Barsip (VIIIe siècle) et un peu dans les capitales néo-assyriennes (Assur, Kalhu,
Ninive) (IXe-VIIe siècles) ; leur style est très proche de celui des bas-reliefs.

• l'orfèvrerie : assez peu de bijoux de grande qualité ont été mis au jour, les plus beaux
exemples ont été exhumés des tombes royales d'Ur ; sinon, on peut avoir une idée de
leur forme par la représentation de bijoux portés par des hommes sur des bas-reliefs.

• la musique : la musique occupait une place importante, tant pour le divertissement que
pour le culte ; les instruments utilisés étaient : la lyre, des percussions (tambours,
tambourins), le oud, des flûtes, etc.

Architecture
La brique crue

La matière de base utilisée pour réaliser des bâtiments en Mésopotamie est l'argile. On s'en
servait pour réaliser des briques crues, en le mélangeant avec des matières végétales. À cette
fin, on a mis au point des moules à briques. Exceptionnellement, on cuisait les briques dans
des fours, ce qui les rendait extrêmement solides, alors que l'argile cru s'effritait. Les
bâtiments en briques cuites ont d'ailleurs souvent servi de carrières une fois abandonnés.

Urbanisme

L'archéologie de la Mésopotamie a porté uniquement sur des centres urbains, et jamais sur des
sites ruraux (en dehors de la période préurbaine). Et l'attention a surtout été portée sur les
grands monuments (temples, palais) que sur les quartiers résidentiels.

Les villes étaient souvent protégées par une muraille, voire plusieurs dans le cas des grandes
cités. Leur centre était souvent réservé au palais et au temple principal. En Mésopotamie du
Nord, le cœur de la ville est souvent une acropole. De petites rues délimitaient divers îlots
résidentiels. Il ne semble pas qu'il y ait eu de différenciation sociale de l'espace, les maisons
des plus riches (les plus vastes) côtoyant celles des classes moins favorisées. Les plus pauvres
et les marginaux étaient plutôt rejetés en périphérie de la ville. Il existait en revanche des
quartiers où les gens se regroupaient en fonction d'une activité artisanale commune.

Résidences

Cour intérieure du palais de Zimri-Lim à Mari, Haute-Mésopotamie, XVIIIe siècle

On peut distinguer trois types de résidences : celles des gens du peuple, celles des dirigeants
(les palais), et celles des dieux (les temples). Elles portaient le même nom : É en sumérien,
bītu(m) en akkadien. Elles fonctionnaient d'ailleurs selon un même principe, puisqu'elles
s'organisaient généralement autour d'un espace central, et étaient renfermées sur elles-mêmes
(et non ouvertes vers l'extérieur).

Les résidences classiques pouvaient avoir un étage. Elles varient en fonction des moyens
financiers de leur propriétaire, et de la taille de la maisonnée. On prenait souvent l'habitude
d'enterrer les morts de la famille sous les résidences où ils avaient vécu. La plupart avaient un
espace central (couvert ou pas), d'autres étaient constituées d'une suite de salles.

Les palais étaient à l'origine construits comme des maisons, en plus vastes, avec parfois là
aussi un étage. Ils finissent par prendre plus d'espace, et à avoir un espace plus complexe.
Leur plan est néanmoins très variable d'un endroit à l'autre. Les zones sont généralement
différenciées : espace résidentiel (avec un harem), salle de réception, magasins, salles
administratives, etc.

Les temples sont traditionnellement considérés comme ayant trois parties principales : un
vestibule, une antichambre, puis le "saint des saints' abritant la statue de la divinité principale.
Ces édifices sont en fait organisés selon le même principe qu'une résidence normale, à savoir
autour d'un espace central, ouvrant parfois sur des magasins et bâtiments administratifs, ou
bien des bibliothèques. Les temples les plus importants avaient de grandes dépendances, en
raison de leur richesse économique et de l'importance numérique de leur personnel.

Économie
Les « Grands organismes »

L'économie de la Mésopotamie antique est encadrée par ce que l'on appelle parfois les
« Grands organismes » (à la suite de A. Leo Oppenheim). Il s'agit du palais royal et des
temples ainsi que de leurs dépendances. En effet, en plus de leur fonction politique, ceux-ci
possèdent un pouvoir économique important, dont la base est constituée par un patrimoine
terrien souvent très important. C'est le plus souvent le palais qui a le plus d'avantages. Le roi
redistribue les terres aux temples et à ses hommes tout en gardant une grande partie de celles-
ci pour son compte. Les terres sont allouées à une personne contre une charge effectuée par
celle-ci, pour l'aider à subsister (on parle parfois de « champs de subsistance »). Il arrive que
ces terres, octroyées uniquement à titre temporaire, finissent par passer définitivement dans le
patrimoine familial du détenteur de la charge. Les temples ont souvent une grande importance
économique, surtout dans la Babylonie du début du Ier millénaire, quand le pouvoir royal s'est
affaibli et où ils sont restés les seuls organismes à peu près stables.

A côté de ces Grands organismes, une grande partie de la population vivait de petites
propriétés agricoles, ou bien d'un travail artisanal modeste qui pouvait être effectué à son
propre compte. Ces gens-là ne nous sont pas documentés par les archives cunéiformes que
l'on a retrouvées, puisqu'ils vivaient en dehors de la partie de la société pratiquant l'écrit. Les
personnes travaillant pour les Grands organismes pouvaient aussi mener des affaires pour leur
propre compte, notamment au niveau commercial.

Agriculture
L'agriculture est la base des économies de type pré-industriel, et la Mésopotamie antique ne
déroge pas à la règle.

Une grande partie de cette région étant située en dessous du seuil de pluviosité nécessaire
pour la pratique de l'agriculture sèche, il a fallu développer un système d'irrigation pour
mettre en valeur ses terres. Cela s'est d'abord fait de manière assez simple, dans le cadre de
petites entités politiques, puis ensuite les grands royaumes mésopotamiens ont mis en place
des projets d'aménagements de canaux à grande échelle. Il n'en demeure pas moins que
l'irrigation était essentiellement une affaire gérée au niveau local, sans l'aide du pouvoir
central. Les agriculteurs de Basse Mésopotamie ont dû faire face à un problème de
salinisation des terres irriguées, qui a parfois abouti à la mise en friche de grands espaces.

La céréaliculture dominait en Mésopotamie. L'orge était la plante la plus cultivée, mais on


faisait aussi pousser du blé amidonnier, du millet, et à partir du milieu du Ier millénaire le riz
fut introduit dans la vallée. La productivité céréalière de la Mésopotamie a pu atteindre des
rendements impressionnants, surtout quand une longue période de stabilité politique a permis
une bonne mise en valeur des terres.

La culture du palmier-dattier occupe aussi une place importante dans la région, puisque l'on
peut se servir de ses dattes, ses feuilles ou éventuellement son bois. Les palmiers servent
également a abriter des jardins que l'on fait pousser à leur pied. L'horticulture était en effet
couramment pratiquée, dans le but d'obtenir des produits agricoles (fruits, légumes et
condiments) complémentaires aux céréales.

Artisans

Le secteur artisanal fonctionne comme celui de l'agriculture avant tout dans le cadre des
grands organismes. L'artisanat en dehors de cette sphère ne nous est pas documenté. Il existait
parfois de grandes fabriques, notamment dans le textile, employant un grand nombre
d'ouvrières souvent dans des conditions peu enviables. Mais l'artisanat à petite échelle était
majoritaire.

La plupart des domaines artisanaux sont représentés en Mésopotamie : textile, menuiserie,


métallurgie, orfèvrerie, vannerie, etc.

Commerce
Poids tel que ceux que l'on utilisait pour faciliter l'évaluation des marchandises, XXIIe siècle

Le commerce est souvent définit comme une activité importante pour les Mésopotamiens, vu
que la région où ils vivaient était pauvre en matières premières (pierre, métal, bois de qualité).
Dans les faits, ce sont surtout les plus riches qui profitaient du commerce à longue distance.

Les entreprises commerciales étaient au départ menées par des marchands (sumérien
DAM.GAR, akkadien tamkāru(m)) engagés par un Grand organisme. À partir du début du IIe
millénaire, on est bien documentés sur des systèmes commerciaux essentiellement "privés", à
Larsa, Sippar, et surtout Assur, grâce aux archives des marchands de cette ville retrouvées à
Kültepe en Cappadoce, nous montrant l'existence d'un commerce très élaboré et fructueux.

De leur côté, les Mésopotamiens exportaient surtout des produits manufacturés, avant tout du
textile, ou bien ils se faisaient intermédiaires entre deux régions (en échangeant de l'étain
d'Iran contre du cuivre d'Anatolie par exemple).

Un commerce existait aussi au niveau local. Il concernait avant tout l'approvisionnement des
centres urbains en produits agricoles provenant de la campagne.

Société
La société mésopotamienne se divise en deux grands groupes : hommes libres et non-libres
(les esclaves).

Les hommes libres

Les premiers sont une catégorie où l'on peut également distinguer deux groupes (moins
évidents à repérer pour le IIIe millénaire). Le premier (les awīlu(m) du Code d'Hammurabi et
des Lois assyriennes) est constitué par le personnel travaillant dans le cadre des "Grands
organismes", le palais et le temple, qui dispose de ce fait d'une place importante dans la
société. Le reste de la société (muškēnum dans le Code d'Hammurabi, aššurayu dans les Lois
assyriennes) vit en dehors de ce cercle, dans le cadre de communautés urbaines ou rurales. La
stratification sociale ne se fait pas autour d'une conception idéologique de la société
distinguant des classes plus prestigieuses que les autres, ce sont les moyens financiers qui
paraissent faire la différence, et pour en avoir il faut travailler avec le pouvoir royal ou les
temples. Il est pour cela important d'être en bons termes avec le pouvoir royal.

Les esclaves

Les esclaves (sumérien ÌR, akkadien (w)ardu(m)) occupent le bas de l'échelle sociale. Ils sont
considérés comme des objets, au service de leur maître. Il y a différentes façons de devenir
esclave : s'il ne s'agit pas d'esclaves de naissance, la majorité sont des prisonniers de guerre, et
on trouve également des hommes libres tombés en servitude à cause de dettes impayées (ce
qui peut n'être que temporaire).

Les nomades
Une partie de la société se manifeste par son mode de vie : les nomades, qui occupent une
place importante durant toute l'histoire mésopotamienne (Amorrites, Kassites, Sutéens, Gutis,
Araméens, Chaldéens, etc.). Ceux-ci vivent dans un cadre tribal, organisé autour de grands
groupement de tribus dirigés par un grand chef. La division entre libre et non-libre existe
aussi au sein de cette partie de la société.

Il peut y avoir des semi-nomades, une partie de leur population étant sédentaire à certains
moments de l'année pour effectuer des travaux agricole tandis que l'autre s'adonne au
pastoralisme. Les nomades constituent parfois un danger pour les sociétés sédentaires, leur
mode de vie assez précaire les rendant plus fragiles aux coups durs (notamment climatiques),
ce qui les pousse souvent à se faire pillards en période de crise. De ce fait, ils sont souvent
décrits en terme péjoratifs par les lettrés urbains. Ils vivent pourtant généralement en
symbiose avec le monde sédentaire : ils se font pasteurs pour les grands organismes, parfois
servent comme travailleurs saisonniers, et ils sont souvent appréciés en tant que soldats.

Les populations nomades finissent bien souvent par se sédentariser et adopter le mode de vie
des sédentaires, et leurs chefs se constituent parfois des royaumes promis à une grande
prospérité, comme le firent Amorrites, Kassites et Araméens.

Différenciation sexuelle

Stèle représentant une femme en train de filer, Suse, VIIIe siècle

L'homme occupe dans la société mésopotamienne une place plus élevée que la femme. Cela
se voit notamment dans les codes de lois, qui la placent à un rang inférieur à l'homme. C'est
une "éternelle mineure", qui passe du contrôle de son père à celui de son époux lorsqu'elle est
mariée. Le maître de maison est un homme, la femme s'occupant de l'entretien du foyer et de
l'éducation des jeunes enfants. Les activité agricoles sont apparemment réservées aux
hommes, de même que le commerce et évidemment la guerre, ainsi que la plupart des métiers
de l'artisanat, les femmes étant en revanche beaucoup employées dans le textile (filage,
tissage) et aussi l'industrie laitière.

Rayonnement
Parce qu'elle a été la première région du Proche-Orient ancien à être bien fouillée, la
Mésopotamie a longtemps été considérée comme le "centre" de celui-ci, le reste étant relégué
au rang de "périphérie". Les découvertes des civilisations sumérienne, babylonienne et
assyrienne paraissaient abonder en ce sens. Mais on a depuis mis au jour de nouveaux centres
qui ont montré que les régions considérées comme marginales étaient très avancées dès une
époque reculée (notamment grâce aux archives d'Ebla et de Mari en Syrie, et aujourd'hui de
Jiroft en Iran), et n'avaient pas grand-chose à envier à la Mésopotamie contemporaines.
L'impossibilité de fouiller sur le sol iraqien depuis le début des années 1990 n'a pas été sans
effet sur ce changement de perspective.

La ressemblance entre la civilisation mésopotamienne et ses voisines peut s'expliquer par le


fait qu'elles constituent un territoire ayant partagé une destinée commune depuis la période
néolithique, phase que la Mésopotamie est la dernière à avoir expérimenté. Ceci explique
pourquoi on retrouve partout dans cette région de l'Asie un fonds culturel commun, des
organisations politiques et sociales similaires en dépit de sa disparité géographique.

Il n'empêche que la Mésopotamie, et en particulier la Basse Mésopotamie a exercé une


influence indéniable sur le Proche-Orient ancien, comme aucune autre région. Cela débute
avec la période d'Uruk, qui voit une expansion des habitants du futur pays de Sumer dans les
régions voisines. La culture élaborée par les Sumériens, puis les Akkadiens a un rayonnement
considérable. Son système d'écriture, avec ses méthodes d'apprentissage, sa littérature sont
repris en Syrie, en Anatolie, au Levant, en Iran et jusqu'en Égypte à l'époque d'Amarna, quand
l'akkadien est la langue des relations internationales.

Babylone, en reprenant cet héritage à partir du IIe millénaire, se dote d'un prestige centre
culturel incomparable. C'est d'ailleurs par son nom, repris par la Bible et les auteurs grecs
classiques, que la mémoire de la Mésopotamie va subsister avant sa redécouverte après les
fouilles du XIXe siècle, marquant la naissance de l'assyriologie.

La période d'Uruk
La période d'Uruk est un stade de développement protohistorique de la Mésopotamie, qui
couvre en gros le IVe millénaire av. J.-C. Comme son nom l'indique, elle a été identifiée à
partir des fouilles archéologiques de la cité d'Uruk, en basse Mésopotamie, qui ont livré pour
cette période un ensemble monumental dépassant largement ce qui se faisait ailleurs à la
même période. Plus largement, cette période concerne également les régions voisines du
Moyen-Orient (Syrie, Iran occidental, Anatolie du sud-est), qui ont connu une certaine
influence mésopotamienne durant certaines phases de développement de la culture d'Uruk.
Cette période tend d'ailleurs à être mieux connue dans ces « périphéries » qu'en Mésopotamie
même du fait de la situation politique récente de cette région qui empêche les chantiers de
fouilles.

Les études sur la période d'Uruk sont parmi les plus dynamiques sur la protohistoire du
Proche-Orient ancien depuis au moins trois décennies. Elles s'intéressent d'abord aux apports
de cette période, venus en majorité de Mésopotamie : apparition des villes, de l'État, de
sociétés encore plus « complexes » que celles de la période précédente, celle d'Obeid, et
l'apparition de l'écriture qui se produit dans la dernière phase de l'époque d'Uruk. Ensuite, un
autre grand sujet d'étude est celui des relations entretenus entre la basse Mésopotamie, foyer
de la culture d'Uruk, et les régions voisines, qui ont reçu son influence, dont on discute des
modalités et de l'importance.

Une chronologie incertaine


La chronologie de la période d'Uruk est très discutée et donc encore très imprécise. En gros,
on sait qu'elle couvre une bonne partie du IVe millénaire av. J.-C. Mais il n'y a pas d'accord
sur la datation de ses débuts, de sa fin, et les grandes césures internes qu'il faut y distinguer.
Cela est d'abord du au fait que la stratigraphie d'origine, celle identifiée dans le quartier
central d'Uruk, est ancienne, comporte des zones d'ombres, et ne répond pas forcément aux
problématiques récentes du fait de son ancienneté (années 1930). Ensuite, ces problèmes sont
en grande partie liés à la difficulté qu'éprouvent les spécialistes à établir des synchronismes
entre les différents sites archéologiques, et donc à établir une chronologie relative des sites de
la période qui permettrait de mettre au point une chronologie absolue plus fiable.

La chronologie traditionnelle, très imprécise, est donc établie à partir des niveaux repérés par
sondage dans le quartier de l'Eanna à Uruk. Les niveaux les plus anciens de ce sondage (XIX-
XIII) sont ceux de la période d'Obeid final (Obeid V, 4200-3900/3700 en gros), la poterie
caractéristique de la période d'Uruk commençant à apparaître dans les niveaux les niveaux
XIV/XIII. La période d'Uruk est traditionnellement divisée en plusieurs phases. Les deux
premières sont l'« Uruk ancien » (niveaux XII à IX du sondage de l'Eanna), suivi d'une
période d'« Uruk moyen » (niveaux VIII à VI). Ces deux premières phases sont mal connues,
et leurs bornes chronologiques sont mal définies, on trouvera souvent des découpages
chronologiques différents. À partir du milieu du IVe millénaire, on glisse progressivement
vers la phase la mieux connue, celle de l'« Uruk récent », qui dure jusque vers 3200 ou 3100.
C'est en fait cette période qui rassemble les traits généralement attribués à la civilisation de la
période d'Uruk1 : haut développement technique, développement d'agglomérations urbaines
importantes avec leurs monuments imposants, les plus caractéristiques étant ceux du niveau
IV de l'Eanna, apparition de l'État, expansion de la culture urukéenne dans tout le Moyen-
Orient. Cette période est suivie d'une autre phase qui voit le déclin de la civilisation d'Uruk, et
l'éclatement du Moyen-Orient en plusieurs cultures locales bien distinctes : on l'appelle
couramment période de Djemdet Nasr, d'après un autre site mésopotamien2. Sa nature exacte
est très discutée, et il est difficile de distinguer clairement ses traits de la culture d'Uruk. On
considère donc parfois qu'il s'agit d'une période d'« Uruk final ». Elle s'achève vers 3000 ou
2900.

Plus récemment, une nouvelle chronologie a été proposée par des participants d'un colloque
réuni à Santa Fe3, reposant sur les fouilles récentes de sites, notamment hors de Mésopotamie.
Elle reprend le terme de chalcolithique, considérant la période d'Uruk comme un Late
Chalcolithic (Chalcolithique tardif), abrégé en LC. Le LC 1 correspondrait à l'Obeid final, qui
s'achève vers 4200 quand commence le LC 2, première phase de la période d'Uruk, donc Uruk
ancien, lui-même divisé en deux phases dont la césure est à situer vers 4000. Vers 3800
débute le LC 3, qui correspond à une phase moyenne, qui dure jusque vers 3400 quand lui
succède le LC 4, alors que le LC 5 (Uruk récent) prend le relais rapidement et dure jusque
vers 3000. Selon cette chronologie, la période d'Uruk est donc étalée sur plus de 1000 ans, ce
qui complexifierait encore plus son étude.

On constate donc que la chronologie de la période d'Uruk est des plus incertaines. On peut
s'accorder sur une vague durée de près d'un millénaire couvrant en gros la période de 4000 à
3000 av. J.-C., et y distinguer plusieurs phases : une première croissance urbaine, et
l'élaboration des traits culturels urukéens (un Uruk ancien), puis une période de forte
expansion vers l'extérieur (Uruk moyen), avec ensuite un apogée (Uruk récent) suivi d'un
déclin qui voit une fragmentation culturelle du Moyen-Orient (Djemdet Nasr/Uruk final en
basse Mésopotamie, civilisation proto-élamite en Iran du sud-ouest, période de Ninive V en
haute Mésopotamie) divisé en cultures régionales plus distinctes que précédemment. Puis le
début du IIIe millénaire voit commencer la période dite des Dynasties archaïques en basse
Mésopotamie.
Sites principaux
Nos sources relatives à la période d'Uruk proviennent d'un ensemble de sites répartis sur un
espace immense couvrant aussi bien la Mésopotamie que les régions voisines, allant jusqu'en
Iran central et en Anatolie du sud-est. Certes la culture d'Uruk a proprement parlée est surtout
caractérisée à partir de sites du sud-mésopotamien et d'autres qui semblent directement issus
de migrations provenant de cette région (les « colonies » ou « comptoirs »), qui vont nous
retenir plus longtemps car ils sont pleinement dans la civilisation d'Uruk. Mais le phénomène
que représente l'expansion urukéenne est repéré sur des sites situés dans une vaste zone
d'influence couvrant tout le Moyen-Orient. On laissera de côté les cultures du Golfe persique
moins connues et l'Égypte dont les relations exactes avec la culture d'Uruk sont mal établies et
débattues, ainsi que le Levant où l'influence sud-mésopotamienne reste peu perceptible4, pour
se concentrer sur celles où elle est plus évidente, à savoir la haute Mésopotamie et la Syrie du
Nord, l'Iran occidental et le sud-est anatolien. C'est à partir de ces données que se construisent
les problématiques liées à la période d'Uruk qui seront vues par la suite.

Uruk et la Basse Mésopotamie

Sites principaux de Mésopotamie et d'Iran occidental durant la Période d'Uruk.

La basse Mésopotamie est le cœur de la culture de la période d'Uruk, la région qui semble
bien être le centre culturel de cette époque, celui où on a retrouvé les principaux monuments,
les traces les plus évidentes d'une société urbaine complexe avec un appareil bureaucratique
mis en place durant la seconde moitié du IVe millénaire, le premier système d'écriture, et dont
la culture matérielle et symbolique a le plus d'influence au Moyen-Orient. Pourtant, cette
région est mal connue par l'archéologie, puisque seul le site d'Uruk a livré les traces d'une
architecture monumentale et des documents administratifs justifiant de faire de cette région la
plus dynamique et influente. Peu d'autres sites ont livré des constructions de cette période, qui
n'est en général connue que par des sondages. En l'état actuel des choses, il reste impossible
de déterminer si le site d'Uruk est véritablement unique pour cette région où si c'est le hasard
des fouilles qui nous fait le considérer comme plus important que les autres.
Le sud mésopotamien a cependant fait l'objet de prospections archéologiques menées par R.
McCormick Adams, dont les travaux sont très importants pour la compréhension de
l'émergence de sociétés urbaines dans cette région, en dépit des critiques dont ils ont pu faire
l'objet dessus qui n'empêchent pas qu'ils n'aient jamais été dépassés5. Y ont été repérés une
claire hiérarchisation progressive de l'habitat, dominé par des agglomérations de plus en plus
importantes qui atteignent le stade urbain au IVe millénaire.

De ces agglomérations, c'est Uruk, site éponyme de la période, qui est le plus grand et de loin
dans l'état actuel de nos connaissances. Il pourrait avoir couvert 230 à 500 hectares à son
apogée à l'Uruk récent, donc bien plus que les autres grands sites contemporains. La ville était
peut-être fortifiée. Mais on connaît essentiellement l'architecture monumentale imposante de
ces deux centres : Eanna et Kullab, situés à 500 mètres de distance6. Les constructions les plus
remarquables sont situées dans le premier. Après le « Temple calcaire » du niveau V, un
programme de constructions sans équivalent jusqu'alors est entrepris au niveau IV. Les
bâtiments ont désormais des dimensions bien plus vastes que précédemment, certains ont des
plans inédits, et ont met au point de nouvelles techniques de construction pour les réaliser et
les décorer. L'Eanna du niveau IV est divisé en deux ensembles monumentaux : à l'ouest, un
premier complexe regroupe le « Temple aux mosaïques » (décoré par des mosaïques formées
par des cônes d'argile peints) du niveau IVB ensuite recouvert par un autre édifice (nommé
Riemchengebaude, « bâtiment en briques-Riemchen », par les fouilleurs allemands du site) au
niveau IVA ; à l'est se trouve un groupe plus importants de documents, notamment un
« Bâtiment carré » et le « Temple aux piliers », remplacés ensuite par d'autres édifices de plan
original, comme le « Hall aux piliers » et le « Hall aux mosaïques », une « Grande cour »
carrée, et deux édifices plus vastes à plan tripartite, le « Temple C » (54 x 22 mètres) et
surtout le « Temple D » (80 x 50 mètres), le bâtiment le plus vaste connu pour la période
d'Uruk. Le quartier de Kullab est dominé par une série de temples bâtis sur une haute terrasse
depuis la période d'Obeid, le mieux conservé étant le « Temple blanc » du niveau Uruk IV,
mesurant 17,5 x 22,3 mètres, qui doit son nom au plâtre blanc recouvrant ses murs. À ses
pieds avait été édifié un bâtiment à plan labyrinthique, nommé Steingebaude (« bâtiment en
pierre »).

Plan des ensembles monumentaux d'Uruk

Eanna, niveaux VI-V. Eanna, niveau IV. Kullab, niveaux IV-III.

La fonction de ces constructions inédites par leur taille et surtout le fait qu'elles soient réunies
en groupes monumentaux, est débattue. Les fouilleurs du site voulaient y voir des « temples »,
influencés par le fait qu'aux périodes historiques l'Eanna est le quartier de la déesse Inanna et
Kullab celui du dieu An et les théories de cité-temple en vogue dans l'entre-deux guerres. Il
est possible qu'on soit en fait en présence d'un lieu de pouvoir formant un complexe d'édifices
de nature différentes (résidences palatiales, espaces administratifs, chapelles palatiales)7,
voulus par le pouvoir dominant dans la ville, dont la nature reste à déterminer. En tout cas il a
fallu mettre en œuvre des moyens considérables pour les édifier, ce qui montre les capacités
des élites de cette période. Uruk est également le site sur lequel ont été retrouvés les lots les
plus importants des premières tablettes écrites, aux niveaux IV et III, dans un espace où elles
avaient été mises au rebut, ce qui fait que leur contexte archéologique de rédaction nous est
inconnu (voir plus bas). Le niveau d'Uruk III, correspondant à la période de Djemdet-Nasr, est
l'occasion d'une réorganisation complète du quartier de l'Eanna dont les constructions sont
arasées et remplacées par une grande terrasse, dont on ignore ce qu'elle supportait. À ses pieds
a été retrouvé un dépôt probablement de nature cultuelle (le Sammelfund des archéologues du
site), où ont été retrouvées des œuvres artistiques majeures de la période (grand vase cultuel,
sceaux-cylindres, etc.).

En dehors d'Uruk, peu de sites ont livré des niveaux consistants de la période d'Uruk. Les
sondages effectués sur les sites de plusieurs des grandes villes de l'histoire mésopotamienne
ont montré qu'elles étaient occupées dès cette époque : Kish, Girsu, Nippur, Ur, peut-être
Shuruppak et Larsa ; et plus au nord Tell Asmar, Khafadje, Yorghan Tepe. Le quartier sacré
d'Eridu, lieu de l'architecture monumentale principale de la période d'Obeid en basse
Mésopotamie, est mal connu pour ses niveaux du IVe millénaire. Le seul édifice monumental
important de la fin du IVe millénaire qui soit connu dans cette région en dehors d'Uruk est le
« temple » sur plate-forme de Tell Uqair, datant de la période de Djemdet Nasr, constitué de
deux terrasses superposées sur lesquelles se trouve un édifice identifié comme ayant une
fonction cultuelle de 18 x 22 mètres environ8. Plus récemment, un niveau de la période d'Uruk
a été dégagé sur le tell situé au sud-ouest du site d'Abu Salabikh (Uruk Mound), couvrant
seulement 10 hectares9. Ce site était entouré d'une muraille partiellement dégagée, et on y a
mis au jour plusieurs édifices dont une plate-forme ayant supporté un édifice dont il ne reste
plus de traces. Quant au site de Djemdet Nasr, qui a donné son nom à la période finale d'Uruk
qui sert de transition avec celle des Dynasties archaïques, il est divisé en deux tells
principaux, et c'est sur le second (Mound B) qu'a été mis au jour l'édifice le plus important
dans lequel on a retrouvé un lot conséquent de documents administratifs : plus de 200
tablettes, des impressions de sceaux-cylidres10. C'est probablement le centre de l'institution
appelée AB NI+RU dans les documents (voir plus bas).

Susiane et Plateau iranien

La région de Suse, au sud-ouest de l'Iran actuel, se situe dans le voisinage direct de la basse
Mésopotamie qui exerce sur elle une influence croissante depuis le Ve millénaire, même si
l’extension du Golfe Persique, qui remontait beaucoup plus haut qu’aujourd’hui, empêchait
sans doute les communications directes entre ces deux régions via le littoral. Les niveaux de
la période d’Uruk correspondent à ceux de Suse I (c. 4000-3700) et Suse II (c. 3700-3100),
qui voient la ville atteindre le stade urbain11. Le niveau I voit le début d'une architecture
monumentale avec la construction d'une « Terrasse Haute », agrandie au niveau II pour
mesurer approximativement 60 mètres de long et 45 de large. Le plus intéressant sur ce site
réside essentiellement dans les objets découverts, qui sont une part importante de la
documentation à notre disposition sur l'art de la période d'Uruk et les débuts de la gestion et
de l'écriture. Les sceaux-cylindres de Suse I et II sont d'une grande richesse iconographique,
présentant la particularité de mettre en avant des scènes de la vie quotidienne, ainsi qu'une
sorte de potentat local que P. Amiet voit comme une « figure proto-royale », précédent le
« roi-prêtre » de l'Uruk final12. Ces impressions de sceaux-cylindres montrent aussi l'essor de
l'administration à Suse durant la seconde moitié du IVe millénaire. À partir de la stratigraphie
de l'Acropole de Suse, A. Le Brun et F. Vallat ont pu tenter d'expliquer l'évolution des
techniques de comptabilité, depuis les bulles à calculi jusqu'aux premières tablettes numérales
(voir plus bas)13. Suse a aussi livré des tablettes écrites parmi les plus anciennes, ce qui en fait
un site majeur pour notre connaissance des débuts de l'écriture. D'autres sites de Susiane ont
livré des niveaux de ces périodes, comme Djaffarabad ou Chogha Mish14.

Plus au nord dans le Zagros, le site de Godin Tepe dans la vallée de Kangavar, est également
représentatif de la période d'Uruk15. Le niveau archéologique V de ce site est celui qui
correspond à la période d'Uruk. On y a repéré les restes d'une enceinte ovoïde comprenant
plusieurs constructions organisées autour d'une cour centrale, dont un vaste édifice au nord
qui est peut-être de type public. La culture matérielle présente des traits communs à celle de
l'Uruk récent, et aux niveau de Suse II. Le niveau V de Godin Tepe a de ce fait pu être
interprété comme un établissement de marchands venant de Suse et/ou de basse Mésopotamie,
intéressés par la situation du site sur des routes commerciales menant notamment aux mines
d'étain et de lapis-lazuli situées dans le Plateau iranien et en Afghanistan. Plus loin à l'est, le
site de Tepe Sialk (près de Kashan) ne présente pas de preuves évidentes de liens avec la
culture urukéenne à son niveau III, mais on a retrouvé des écuelles grossières jusqu'à Tepe
Ghabristan dans l'Elbourz16. On en a retrouvé également sur certains sites du Kerman bien
plus au sud-est.

Dans cette région, le recul de la culture d'Uruk laisse place à une phénomène particulier, la
civilisation proto-élamite, qui semble centrée sur la région de Tell-e Malyan et la Susiane, et
connaît elle aussi une expansion qui semble reprendre des réseaux hérités de celle d'Uruk vers
les sites du Plateau iranien17.

Haute Mésopotamie et Syrie du Nord

Principaux sites archéologiques de la période d'Uruk en haute Mésopotamie et en Anatolie du


sud-est.

Plusieurs sites importants de la période d'Uruk ont été fouillés dans la région du Moyen
Euphrate lors de fouilles de sauvetage précédant la construction de barrages dans la vallée qui
allait provoquer leur submersion. C'est en grande partie à partir des résultats de ces fouilles
qu'ont débuté les réflexions sur l'« expansion urukéenne ».

Le plus connu est Habuba Kabira, un port fortifié situé sur la rive droite du fleuve en Syrie18.
La ville couvrait environ 22 hectares protégés par une muraille, dont on a dégagé environ
10 %. L'étude des constructions de ce site a mis en avant le fait qu'il s'agissait d'un urbanisme
planifié, ayant nécessité des moyens importants. Le matériel archéologique du site est
identique à celui d'Uruk, que ce soient la céramique, les sceaux-cylindres, les bulles et calculi
comptables, ainsi que des tablettes numérales de la fin de la période. Cette ville neuve a donc
été faite selon toute vraisemblance par des colons urukéens. Une vingtaine de résidences de
taille variable y a été dégagée. De plan tripartite, elles sont organisées autour d'une pièce de
réception avec foyer ouvrant sur une cour intérieure, autour desquelles sont disposées des
pièces annexes. Le tell Qanas regroupe sur une terrasse artificielle un groupe monumental,
constitué de plusieurs édifices identifiés comme des « temples » sans certitude. Le site est
abandonné à la fin du IVe millénaire, apparemment sans violence, déserté par ses habitants
lors de la phase de repli de la culture urukéenne.

Habuba Kabira présente des similitudes avec le site voisin de Djebel Aruda, situé seulement
huit kilomètres au nord, sur un éperon rocheux. Comme dans le site voisin, on y trouve un
urbanisme constitué de résidences de tailles diverses, et d'un complexe monumental central
constitué de deux « temples ». Il s'agit là aussi d'une ville nouvelle construite par des
Urukéens. Un peu plus au nord, Sheikh Hassan atteste également de l'influence urukéenne
dans le Moyen Euphrate.

Dans la région du Khabur, Tell Brak est dès cette période un centre urbain important, l'un des
plus vastes de la période d'Uruk puisqu'il s'étend à 110 hectares à son apogée. Quelques
résidences de la période y ont été dégagées, ainsi que de la poterie typique de l'Uruk, mais ce
sont surtout une succession de monuments sans doute à buts cultuels qui ont attiré l'attention.
Le « Temple aux yeux », comme on le nomme dans son stade final, a des murs sont ornés par
endroits de cônes de terre cuite formant une mosaïque et d'incrustations en pierres de couleur,
et une plate-forme servant peut-être d'autel décorée de feuille d'or, lapis-lazuli, clous d'argent
et marbre blanc, dans une pièce centrale en forme de T. Le plus remarquable reste la
trouvaille de plus de 200 « idoles aux yeux » auxquelles l'édifice doit son nom, figurines aux
yeux hypertrophiés, sans doute un dépôt votif. Tell Brak a aussi livré des documents écrits :
une tablette numérale, mais surtout deux tablettes pictographiques présentant des spécificités
par rapport à celles du sud mésopotamien, indiquant peut-être l'existence d'une tradition écrite
locale ou un stade de développement antérieur aux plus anciennes tablettes connus à Uruk19. À
proximité de Brak vers l'est, Hamoukar a fait l'objet de fouilles depuis 199920. Ce vaste site a
aussi livré du matériel habituel des sites sous influence urukéenne de la haute Mésopotamie
(céramique, scellements), et témoigne de l'existence d'une urbanisation importante en haute
Mésopotamie à la période d'Uruk, comme Brak. Encore plus loin à l'est, le site de Tell al-
Hawa présente également des contacts avec la basse Mésopotamie.

Sur le Tigre, le site de Ninive (tell de Kuyunjik, niveau 4), situé lui aussi sur des routes
commerciales majeures, est également dans la sphère d'influence urukéenne21. Le site
couvrirait alors 40 hectares, soit la totalité du tell de Kuyunjik. Les restes matériels de la
période sont très limités, mais on y a retrouvés des écuelles grossières, une bulle à calculi et
une tablette numérale caractéristiques de l'Uruk récent. A proximité, le site de Tepe Gawra,
déjà important à l'époque d'Obeid, a donné le nom à une période archéologique qui couvre le
nord de la Mésopotamie d'environ 3800 à 3200 av. J.-C., et qui est une phase importante des
débuts de l'urbanisation de cette région22. Mais il semble resté en dehors de l'influence
urukéenne, tout en présentant des liens avec d'autres sites de Mésopotamie du nord et des
régions voisines de Syrie et d'Anatolie.

Anatolie

Sans se situer dans la zone d’extension de la civilisation urukéenne, du fait de leur grand
éloignement de la basse Mésopotamie, les sites contemporains de l’Anatolie du sud-est se
situent dans l'orbite de celle-ci. On y retrouve donc une influence matérielle de la culture
d'Uruk.

Plusieurs sites ont été fouillés dans la région de l'Euphrate située juste au sud-est de
l'Anatolie, voisinant la région des sites urukéens du Moyen-Euphrate. Hacinebi, situé près de
la ville de Birecik dans la province de Şanlıurfa, a été fouillé sous la direction de G. Stein, et
est localisé au carrefour de routes commerciales importantes23. Un matériel archéologique sud-
mésopotamien (écuelles à bords biseautés) apparaît dès la phase B1 (datée des alentours de
3800/3700), et est encore plus présente durant la phase B2 (3700-3300), aux côtés d'autres
objets caractéristiques de l'Uruk récent (cônes d'argile servant à la décoration murale, une
faucille en argile cuit, une bulle d'argile à calculi imprimée avec une impression de sceau-
cylindre, une tablette d'argile non inscrite, etc.). Elle cohabite toujours avec une poterie locale
qui reste dominante. Le fouilleur du site pense que ce dernier a vu l'installation de personnes
venues de basse Mésopotamie, cohabitant sur place avec les autochtones qui restent
majoritaires.

D'autres sites ont été fouillés dans la région de Samsat, province d'Adıyaman, encore sur
l'Euphrate. Un site urukéen a été repéré à Samsat lors d'une fouille de sauvetage effectuée à la
hâte avant la mise en eau d'un lac de barrage, et on y a exhumé des fragments de cônes
d'argile servant à faire une mosaïque murale. Kurban Höyük, un peu plus au sud, a également
livré du matériel urukéen dans un contexte dominé par la culture locale. Un autre site
important de cette région est Hassek Höyük, où on a également trouvé des cônes d'argile et de
la céramique caractéristique de l'Uruk, dans des bâtiments à plan tripartite24.

Bien plus au nord, le site d'Arslantepe, situé dans les faubourgs de Malatya, est le plus
remarquable de la période pour l'Anatolie orientale, fouillé sous la direction de M.
Frangipane25. Durant la première moitié du IVe millénaire, ce site est dominé par un édifice
appelé par les fouilleurs « Temple C », construit sur une plate-forme. Il est abandonné vers
3500, quand lui succède un complexe monumental où se situe le centre du pouvoir dans la
région. La culture de l'Uruk récent y exerce une influence sensible, repérable notamment par
les nombreuses empreintes de sceaux trouvées sur le site, dont beaucoup sont de style sud-
mésopotamien. Vers 3000, le site est détruit par un incendie, ses monuments ne sont plus
restaurés et la culture matérielle dominante devient celle du Kuro-Araxe, venant du sud du
Caucase. Plus à l'est, le site de Tepecik a également livré une poterie influencée par celle
d'Uruk. Mais dans ces régions l'influence urukéenne s'essouffle, et disparaît quand on
s'éloigne encore plus de Mésopotamie.

Aspects généraux d'une période cruciale


À cheval entre la préhistoire et l'histoire, la période d'Uruk peut être par bien des aspects
considérée comme « révolutionnaire ». De nombreux phénomènes et innovations qui s'y
produisent constituent un tournant dans l'histoire mésopotamienne et même l'histoire tout
court. C'est de cette période que l'on date pèle-mêle l'apparition de la roue, du tour de potier,
de l'écriture, de la ville, de l'État. Il s'agit donc d'une nouvelle progression dans l'élaboration
de sociétés « complexes ». La recherche s'est donc intéressée à cette période en la voyant
comme une étape cruciale de cette complexification sociale, processus long et cumulatif dont
on peut faire remonter les racines au début du Néolithique six millénaires plus tôt, et qui avait
connu une certaine évolution sous la période d'Obeid. Cela est beaucoup le fait de chercheurs
anglo-saxons dont l'appareil théorique est fortement inspiré par l'anthropologie depuis les
années 1970, et qui étudient la période d'Uruk sous l'angle de la « complexité », en analysant
l'apparition des premiers États, une hiérarchie sociale croissante, des échanges à longue
distance qui s'intensifient, etc.26

Innovations techniques

Le IVe millénaire voit l’apparition de nouveaux outils qui vont bouleverser les sociétés qui les
utilisent, notamment leur économie. Certains d’entre eux, déjà connus à la période précédente,
sont en tout cas pour la première fois utilisés à grande échelle.

Une première question épineuse est de savoir si c'est bien de la période d'Uruk qu'il faut dater
l'apparition de la roue27. C'est en effet vers la fin de la période d'Uruk que l'on remarque que
les sceaux-cylindres représentent de moins en moins de traineaux, type de transport terrestre
attelé qui est le plus représenté auparavant. Ils commencent à figurer les premiers véhicules
qui semblent être sur roues, bien qu'on ne soit pas certains qu'ils figurent des roues. Il reste
fort possible que la roue soit une invention réalisée entre l'Europe centrale et le Caucase, où
ont été retrouvés les plus anciens exemples de chariots. En tout cas la technique de la roue,
découverte cruciale dans l'histoire de la mécanique, se propage très rapidement et permet la
mise au point de véhicules qui vont permettre de grandement faciliter les transports terrestres,
de porter des charges plus lourdes. Il y a clairement des chariots en Mésopotamie du sud au
début du IIIe millénaire. Les roues sont alors pleines. Cette invention entraîne un changement
dans l'utilisation d'un animal domestique, le bœuf, qui prend une plus grande importance par
sa grande force qui en fait l'animal de tractage privilégié.

L'époque d'Uruk voit la domestication de l'âne, issu de l'hémione ou onagre sauvage28. Il


devient le premier équidé domestiqué dans cette région, et l'animal de bât privilégié du
Moyen-Orient (le dromadaire n'étant domestiqué qu'au IIIe millénaire en Arabie). Cela a une
importance considérable, car ce moyen de transport est plus utile que la roue dans des régions
montagneuses, et pour les déplacements longs tant que la roue à rayons n'est pas inventée. Il
permet l'apparition du système de la caravane qui domine dans les échanges à longue distance
dans le Moyen-Orient pour les millénaires suivants, même s'il n'est pas attesté pour l'époque
d'Uruk29.

Dans le domaine de l'agriculture, plusieurs innovations importantes sont réalisées. Notons


d'abord que la domestication de l'âne implique qu'il faille désormais les élever, dans le cadre
domestique ou institutionnel. Mais c'est dans le domaine de la culture céréalière que se
produit le plus grand changement, puisque l'araire à soc en bois tractée par un animal (âne ou
bœuf) apparaît vers la fin du IVe millénaire, permettant d'ouvrir la terre sur de longs sillons30.
Cela rend les travaux agricoles lors des semailles bien plus simples qu'auparavant quand ce
travail était fait uniquement à la main, avec des outils comme la houe. Les techniques
d'irrigation semblent également connaître un perfectionnement à la période d'Uruk.

L'artisanat de la poterie connaît une véritable révolution avec l'apparition du tour de potier31.
Désormais, on peut réaliser des céramiques uniformes, qui vont devenir essentiellement
utilitaires, et donc occuper une plus grande place dans la vie quotidienne. De ce fait, le décor
devient de moins en moins recherché, bien plus rudimentaire, jusqu'à être inexistant. Les sites
archéologiques de cette période ont livré une grande quantité de céramiques, montrant qu'on
était alors passé à un stade de production de masse, pour une population plus nombreuse,
notamment en ville, au contact des grands organismes administratifs. On date de cette période
l'apparition d'artisans potiers masculins spécialisés dans cette production en grande quantité,
alors qu'on estime qu'auparavant la confection de poteries décorées était plutôt faite par les
femme. Si la qualité baisse, la diversité des formes et des modules des récipients devient bien
plus importante que précédemment. Toute la céramique de cette période n'est pas réalisée au
tour : la poterie la plus caractéristique de la période d'Uruk, l'« écuelle à bords biseautés »
(voir plus bas), était moulée.

La métallurgie semble également se perfectionner. Du point de vue des « âges » des métaux,
la période d'Obeid a marqué le début de ce que l'on appelle le Chalcolithique, ou « âge du
cuivre », donc le début de la métallurgie du cuivre32. Celle d'Uruk voit la transition entre cet
âge et le suivant, l'« âge du bronze », alliage de cuivre et d'étain. L'usage de ce dernier
s'impose rapidement car son point de fusion est inférieure à celle du cuivre, et qu'il est plus
résistant33. Au début du IIIe millénaire, les artisans mésopotamiens font preuve d'une grande
maîtrise de cet alliage, de même que d'autres métaux. Les siècles précédents ont vu la mise au
point d'alliages binaires variés (cuivre et plomb attesté à Suse, cuivre et arsenic), voire
d'alliages ternaires (cuivre, argent et étain) et quaternaires (cuivre, argent, étain et plomb). On
développe aussi différentes techniques de façonnage plus complexes que le martelage (qui est
la première méthode de forgeage employée) : le moulage dans des moules bivalves, à la cire
perdue, le placage avec des feuilles en métal, etc.34 L'essor de la métallurgie implique
également celui du commerce des métaux, car ils sont très inégalement répartis. La
Mésopotamie en ait ainsi dépourvue, et doit se fournir en Iran ou en Anatolie, ce qui motive
les échanges à longue distance que l'on voit se développer au IVe millénaire.

Colonnes décorées de mosaïques retrouvées dans un bâtiment de l'Eanna archaïque, Pergamon


Museum.

En architecture, les apports de la période d'Uruk sont également considérables. Cela est
illustré par les réalisations du quartier de l'Eanna durant l'Uruk récent, qui montrent un
véritable foisonnement d'innovations architecturales au cours d'un programme de
constructions sans précédent par son ampleur et les moyens mis en œuvre35. Les artisans
d'alors perfectionnent l'utilisation des briques d'argile moulées, et on généralise l'usage des
briques cuites plus solides ; on commence aussi à les imperméabiliser grâce à l'application de
bitume, on utilise du gypse comme mortier. On met au point de nouveaux types de décors,
notamment les cônes d'argile peints formant des mosaïques caractéristiques de bâtiments de
l'Eanna d'Uruk, les colonnes semi-engagées, des crampons d'attache. Deux formes
standardisées de briques sèches d'argile moulées apparaissent dans ces édifices d'Uruk : les
petites briques carrées simples à manipuler (appelées du terme allemand Riemchen), et les
grandes briques servant pour faire des terrasses (Patzen)36. On les utilise dans les grands
monuments publics, notamment ceux d'Uruk. Le moulage de briques de plus petite dimension
permet l'apparition de décors de niches et de redans qui sont par la suite très courants en basse
Mésopotamie. Les formes des bâtiments sont aussi novatrices, car on ne se contente pas du
plan tripartite hérité de l'époque d'Obeid : l'Eanna voit la réalisation de bâtiments à plan
labyrinthique, de halls à piliers de forme allongée, d'un édifice à plan carré. Les architectes et
artisans mobilisés sur ces chantiers ont donc eu l'occasion de faire preuve d'une grande
créativité.

Une première urbanisation

La période d'Uruk voit certains habitats humains prendre une importance nouvelle, qui les fait
passer au rang de villes à proprement parler37. C'est un phénomène caractérisé au début des
années 1950 par Gordon Childe comme une « révolution urbaine », qu'il plaçait dans la
continuité de la « révolution néolithique » et indissociable de l'apparition des premiers États,
modèle largement débattu depuis lors38. Cela s'accompagne d'un ensemble de mutations
sociales qui font qu'on peut considérer qu'on se trouve en présence d'espaces pouvant
réellement être qualifiés d'urbains, bien distinct du monde rural, même si les mentalités des
gens de cette période quant à cette distinction nous restent inconnues. Le site d'Uruk est loin
devant les autres, tant par sa superficie, que par la taille des monuments qui s’y trouvent et
l'importance des outils administratifs qu’on y a exhumé, témoignant de la présence d'un
important centre de pouvoir. On parle donc souvent dans son cas de « première ville »39. Le
même phénomène se repère à Eridu, et aussi hors du foyer de la civilisation d'Uruk à Suse,
Chogha Mish, ou encore à Tell Brak. Les fouilles effectuées dans la région de cette dernière
tendent à nuancer l'idée d'une urbanisation initiée en basse Mésopotamie seule et adoptée par
imitation dans les régions proches : l'apparition de ce centre urbain se serait faite suite à une
évolution locale par l'agrégation progressive de communautés villageoises ayant vécu
séparément précédemment, et sans l'influence d'un pouvoir central fort (comme ce serait le
cas autour d'Uruk)40. On peut donc concevoir l'urbanisation comme un phénomène qui
survient simultanément dans plusieurs régions du Moyen-Orient au IVe millénaire, même s'il
faut attendre de futures recherches pour pouvoir y voir plus clair.

Les exemples d'urbanisme sont rares pour cette période, et en basse Mésopotamie le seul cas
de quartier résidentiel fouillé est à Abu Salabikh, qui n'est alors qu'un village. Il faut se
tourner vers la Syrie et le site d'Habuba Kabira, ainsi que son voisin Djebel Aruda, pour
disposer d'un exemple d'urbanisme relativement bien connu41. Cette ville de 22 hectares
entourée d'une muraille est organisée autour de quelques bâtiments importants, de rues
principales et de petites ruelles, et surtout d'un ensemble de résidences de forme similaire
organisées autour d'une cour. Il s'agit manifestement d'une ville planifiée apparue ex nihilo, et
non pas d'une agglomération passée progressivement du stade du village à celui de la ville :
les aménageurs de cette période sont donc capables de concevoir un site urbain complet et ont
donc une idée de ce qu'est une ville avec son organisation interne, ses monuments principaux,
etc. Le modèle urbain ne se retrouve cependant pas dans toute la sphère d'influence
urukéenne : à l'extrémité de celle-ci, le site d'Arslantepe dispose certes d'un centre de pouvoir
de taille importante, mais qui n'est pas entouré d'un espace urbanisé.

L'étude des résidences des sites de Habuba Kabira et Djebel Aruda nous montre les évolutions
sociales qui accompagnent l'apparition de sociétés urbaines42. Le premier site, le mieux connu,
présente des maisons de tailles diverses ; si en moyenne elles couvrent un espace de 400 m²,
les plus vastes font dans les 1 000 m². Les « temples » du groupe monumental du Tell Qanas
sont d'ailleurs peut-être des résidences destinées aux dirigeants de la ville. On est donc en
présence d'un habitat très hiérarchisé, témoignant de la différenciation sociale qui existe dans
les agglomérations urbaines de l'Uruk récent, bien plus importante que dans les
agglomérations de la période précédente. Un autre trait de la société urbaine naissante est à
rechercher dans l'organisation de l'espace domestique. Les résidences semblent se replier sur
elles-mêmes, adoptant un nouveau plan issu du plan tripartite courant à la période obeidienne
mais augmenté de pièces de réception à foyer et d'espaces centraux (peut-être à ciel ouvert)
autour desquels sont disposées les autres pièces. On est probablement en présence de maisons
disposant désormais d'un espace privé séparé d'un espace public où l'on peut recevoir des
invités ; dans une société urbaine où les communautés sont élargies par rapport aux sociétés
villageoises, les relations avec les membres extérieurs à la maisonnées sont plus distantes, ce
qui aurait pu amener une telle séparation. On aurait donc adapté l'ancien habitat rural aux
réalités de la société urbaine. C'est ce modèle de maison à espace central qui est dominant
dans les villes de Mésopotamie aux périodes suivantes.

Apparition des premiers Etats

Sculpture en ronde-bosse du « roi-prêtre », en nudité rituelle, Uruk récent.

L’apparition des villes témoigne de l’existence de sociétés hiérarchisées, très organisées. La


période d'Uruk présente pour la première fois dans l'histoire du Proche-Orient les
caractéristiques de l’existence d'États, ou bien de proto-États. L’architecture monumentale est
bien plus imposante qu'à la période précédente : le « temple D » de l'Eanna couvre environ
4 600 m², contre 280 m² pour le temple d'Eridu (niveau VI), le plus vaste connu pour l'époque
d'Obeid43 ; et encore, le complexe de l'Eanna comprend d'autres édifices de plus de 1 000 m²
alors que le temple obeidien d'Eridu est isolé. On est donc passé à des dimensions bien plus
vastes, une étape a été franchie. Cela témoigne de la capacité inédite du pouvoir à mobiliser
de nombreuses ressources humaines et matérielles, alors que les tombes montrent aussi une
différence de richesse croissante et donc une élite plus puissante, qui va chercher à se
distinguer du reste de la population en obtenant des biens de prestige, si possible par le
commerce, et en employant des artisans de plus en plus spécialisés, etc. Cette idée d'une
apparition de l'État à la période d'Uruk, concomitante de l'apparition des premières villes (à la
suite de Gordon Childe), est couramment admise dans les publications scientifiques mais
connaît tout de même quelques critiques, notamment de la part de J.-D. Forest qui place plutôt
l'apparition de véritables États avec l'Empire d'Akkad au XXIVe siècle, parlant seulement de
« cités-États » (qui ne sont pas complètement des États) pour la période de l'Uruk récent44. En
tout cas la mise en place de structures politiques plus complexes est solidaire de nombreux
autres phénomènes de la période, dont l'expansion de la culture urukéenne.

L’organisation politique de la période d'Uruk reste discutée. Rien ne permet de dire que cette
période voit le développement d’une sorte de « proto-empire » centré sur Uruk. Mais il est
évident que cette période connaît de grands changements en ce qui concerne l’organisation
politique des sociétés. En ce qui concerne la nature du pouvoir, on a depuis longtemps
remarqué la présence dans l’iconographie de l’époque d'une figure importante qui est
manifestement le détenteur de l'autorité : c'est un homme barbu, avec un serre-tête, souvent
vêtu d'une jupe en cloche ou en nudité rituelle45. Il est souvent représenté sur des stèles et
sceaux-cylindres en tant que guerrier combattant des ennemis humains ou des animaux
sauvages, par exemple sur la « stèle de la chasse » retrouvée à Uruk ou il triomphe de lions
avec son arc46. On le trouve aussi dans des scènes de victoires, avec des cortèges de
prisonniers, ou bien des constructions. Il dirige également des scènes cultuelles, comme sur
un vase d'Uruk de la période de Djemdet Nasr représentant un roi-prêtre menant un cortège
vers une déesse, sans doute Inanna47. Ceci représente les fonctions qu’ont par la suite les rois
de Sumer : chef de guerre, principal pourvoyeur du culte, bâtisseur. P. Amiet a proposé de
nommer cette figure « roi-prêtre »48. Les grandes constructions du quartier de l'Eanna, bien
que souvent appelées « temples », ont une apparence de complexe monumental voulu par des
dynastes, mêlant édifices administratifs et cultuels.

Les tablettes de l'Uruk récent et final montrent l’existence d’institutions jouant un rôle
important dans la société et l’économie, et sans doute la politique de la période, même si leur
nature exacte est débattue : temples ou palais ? Ce sont en tout cas ces deux-là que l'on
retrouve aux époques historiques en basse Mésopotamie, et que l'on qualifie de « grands
organismes » suite à A. L. Oppenheim. Seuls deux noms de ces institutions et de certains des
membres de leur administration ont pu être identifiés49 : un grand domaine désigné par le
signe NUN à Uruk, dont on a identifié un administrateur en chef, un messager, des travailleurs,
etc. ; et un domaine désigné par les signes AB NI+RU à Djemdet Nasr, disposant d'un SANGA
(grand prêtre), d'administrateurs, de prêtres, etc. Ils produisent des documents administratifs
comme des tablettes relatives à la gestion de terres, des cadastres, des tablettes enregistrant la
distribution de rations aux travailleurs, ou les têtes de bétail. Ces grands organismes ont pu
contrôler les biens de prestige, leur redistribution, leur acquisition par un commerce lointain,
et entreprendre des grands travaux, asseyant ainsi leur importance dans la communauté, et
contribuant à l'entretien de travailleurs, certains se spécialisant sous leurs auspices.

Mais il n'y a pas de preuve que ces organismes aient joué un rôle d'encadrement de la majorité
de la population en centralisant les productions. Certains lots d'archives sont probablement
issus d'un contexte privé, dans des résidences de Suse, Habuba Kabira, ou Djebel Aruda50. Il
s'agit cependant de documents de comptabilité rudimentaires, témoignant d'une activité
économique à petite échelle. Une étude réalisée sur le site d'Abu Salabikh en basse
Mésopotamie a abouti à la conclusion que la production était répartie entre différentes
maisonnées de taille, richesse et puissance diverses, au sommet desquelles pouvaient se
trouver des « grands organismes » qui n'avaient aucun monopole51. Une production spécialisée
et standardisée ne nécessite pas forcément un contrôle fort par le pouvoir étatique.

Administration et comptabilité
Bulle-enveloppe et ses jetons de comptabilité, période d'Uruk récent, provenant de Suse.

L'apparition d'institutions et de maisonnées ayant des activités économiques importantes


impliquant la mise en place d'une gestion s'accompagne du développement des outils
administratifs, et donc des outils de comptabilité52. Une classe de scribes se forme d'ailleurs
dans la période de l'Uruk récent et contribue à la mise en place d'une véritable bureaucratie,
mais seulement dans le cadre des grands organismes.

Les sceaux servant à sceller les marchandises stockées ou échangées, ou à identifier un


marchand ou un administrateur sont connus depuis au moins le VIIe millénaire av. J.-C. Avec
le développement des échanges à longue distance, leur utilisation de généralise. Au cours de
la période d'Uruk, les sceaux-cylindres (cylindres gravés avec un un motif qu'on peut
imprimer à l'infini sur de l'argile) apparaissent et supplantent les simples sceaux. Ils restent un
élément caractéristique de la civilisation proche-orientale durant plusieurs millénaires. Les
raisons de leur succès sont peut-être à rechercher dans les possibilités qu'ils offrent d'une
image et un message plus détaillés, une structure narrative, et ont peut-être un aspect magique.
Ils servent au moins à sceller des bulles ou tablettes d'argile, des récipients, et aussi à
authentifier ces objets et biens.

La période d'Uruk voit aussi se développer ce qui semble être des outils de la comptabilité, les
bulles à calculi. Il s'agit de bulles d'argiles sur lequel un sceau-cylindres avait souvent été
déroulé, et contenant des jetons que l'on appelle calculi. Leur forme variait : tantôt des billes,
puis des cônes, des bâtons, des disques, etc. Chacun de ces modèles est identifié comme
servant à représenter une valeur numérale, ou bien un type précis de marchandise. Ils auraient
permis de conserver les informations, pour la gestion de domaines (entrées et sorties de biens)
ou les opérations commerciales, et de les transférer en d'autres lieux. Ces calculi sont peut-
être d'un même type que des jetons que l'on retrouve depuis plusieurs millénaires sur des sites
du Moyen-Orient et dont la fonction reste obscure. Par la suite, on pense que les calculi
auraient été reportés sur la surface des bulles d'argile les contenant sous forme d'encoches, qui
servaient donc à montrer le contenu de la bulle. On aurait donc au moins l'apparition de signes
numériques. On se serait ensuite contenté ensuite de simplement reporter ces encoches sur
une tablette d’argile, supprimant les calculi, et aboutissant à la constitution de tablettes
numérales servant d'aide-mémoire53.

Ce modèle d'évolution a été repris par Denise Schmandt-Besserat qui le présente comme
l'origine de l'écriture54. Mais cela est très contesté, notamment car il n'y a pas vraiment de
correspondance entre les jetons et les signes graphiques qui leur auraient succédé55. De même,
le lien entre les calculi contenus dans la bulle d'argile et les signes inscrits sur celle-ci ne sont
pas toujours évidents, loin de là, car on a bien du mal à trouver des homologies entre ces deux
éléments. Le fait que les scribes de cette période aient pratiqué différents systèmes de
numération selon le produit concerné fait qu'il est impossible de dresser un tableau cohérent
d'un tel système de comptabilité. En l'état actuel des choses, il reste donc compliqué de savoir
comment on se servait exactement des bulles à calculi.

Apparition de l’écriture

Tablette administrative (détail) de la période d'Uruk III/Djemdet Nasr, (3100–2900 av. J.-C.)

L'écriture apparaît à la période de l'Uruk moyen, avant de se développer à l'Uruk récent et la


période de Djemdet Nasr56. Les premières tablettes d'argile inscrites avec un calame en roseau
sont attestées à Uruk IV (près de 2 000 tablettes mises au rebut dans le quartier de l'Eanna) et
aussi quelques-unes à Suse II. Pour la période d’Uruk récent/Djemdet Nasr, on dispose de
plus de sources, provenant de plus de sites : en majorité Uruk (niveau III, environ 3 000
tablettes), Suse, mais aussi Djemdet Nasr, Tell Uqair, Umma, Khafadje, Tell Asmar, Ninive,
Tell Brak, Habuba Kabira, etc.

Les textes de cette période sont surtout de type administratif, et sont retrouvés dans un
contexte qui semble être public (palais ou temple) plus que privé, mais les textes d'Uruk,
constituant la majorité du corpus de cette période, ont été retrouvés hors de leur contexte de
rédaction car ils avaient été mis au rebut, ce qui rend difficile leur identification. Leur
interprétation pose également problème, du fait de leur caractère archaïque. Il ne s'agit pas
encore d'une graphie cunéiforme, mais linéaire. Ces textes étaient mal compris lors des
premières publications des années 1930 faites par Adam Falkenstein, puis les travaux
entrepris depuis une vingtaine d'années, par Hans Nissen et Robert Englund notamment, ont
permis d'effectuer de grands progrès57. À côté des textes administratifs, on trouve dès les
débuts de l'écriture des textes de type littéraire, des listes lexicales, ouvrages lexicographiques
de nature savante compilant des signes selon différents thèmes (listes de métiers, de métaux,
de poteries, de céréales, de toponymes, etc.), caractéristiques de la civilisation
mésopotamienne aux périodes suivantes. Un exemplaire remarquable est une « Liste de
professions » (ancêtre de la série Lú.A que l'on retrouve à partir du IIIe millénaire) sur laquelle
on a pu identifier différents corps de métiers (potiers, tisserands, charpentiers, etc.)
témoignant de l'existence de nombreux types de spécialistes dans le monde du travail de la
basse Mésopotamie urukéenne58.

Les origines de l'écriture sont très débattues, et restent finalement assez obscures malgré de
nombreuses tentatives qu'on a souvent trop hâtivement rendues probables en oubliant leurs
lacunes, notamment celles sur l'origine comptable de l'écriture59, ou encore sur une origine
simplement pictographique60. Dès ses débuts, l'écriture semblerait être bien plus qu'un outil de
gestion. Ce serait aussi un moyen de mettre par écrit des concepts, voire une langue (qui serait
alors le sumérien), car dès sa mise au point les signes ne représentent probablement pas que
des choses réelles (pictogrammes), mais aussi des idées (idéogrammes) et des sons
(phonogrammes). Selon J.-J. Glassner, on aurait donc élaboré dès l'origine un système
d'écriture complexe, et non pas un outil de comptabilité ou bien un système simplement
pictographique de type aide-mémoire, qui se serait complexifié par la suite en intégrant des
éléments idéographiques et phonétiques au fur et à mesure de son développement.

La question de savoir pourquoi l'écriture fut mise au point reste un problème épineux
également61. La majorité des textes de l'époque d'Uruk étant de nature gestionnaire et
comptable, il est aisé d'imaginer que l'écriture s'est développée sous l'impulsion du
développement des institutions étatiques qui avaient une gestion de plus en plus lourde. Cela
est sans doute vrai, au moins en partie, mais le bon fonctionnement de ces institutions ne
nécessitait pas forcément la mise au point d'un système d'écriture, même si celui-ci facilite
leur gestion car il offre bien plus de possibilités qu'un système de comptabilité rudimentaire.
Les scribes pouvaient en effet rédiger des documents de gestion complexes comme des
inventaires, des bilans d'exploitation, et les archiver sur le long terme. Mais dès les débuts de
l'écriture les scribes ont aussi écrit des listes lexicales, donc des ouvrages savants. Cela leur
permettait d'exploiter les possibilités du système d'écriture en classant les signes selon leurs
« familles », de mettre au point de nouveaux signes et faire évoluer le système d'écriture, et
plus largement d'effectuer une classification des éléments constituant le monde qui les
entourait, permettant d'améliorer leur connaissance du concret. L'invention de l'écriture n'est
pas forcément liée à des considérations uniquement matérielles, et la conceptualisation d'un
tel système nécessite de toute manière une réflexion sur l'image et les sens qu'on peut lui
donner, notamment pour représenter ce qui est abstrait. Mais cela demande à être confirmé.

Le cas des « écuelles à bords biseautés »

Le modèle le plus répandu de céramiques de la période d'Uruk est celui des « écuelles à bords
(ou lèvres) biseautés » (beveled-rim bowls en anglais, Glockentopf en allemand), ou encore
« écuelles grossières », qui se retrouve dans toute la zone d’expansion de la civilisation
d'Uruk. Leur intérêt est qu'il s'agit manifestement d'une production standardisée, se retrouvant
donc sur un vaste territoire, car ils ont une forme similaire partout où on les trouve, ce qui est
un phénomène inédit62. Il s'agit de bols évasés à lèvre en biseau. Ils sont de facture grossière,
mesurent environ 10 cm de haut, pour un diamètre d'environ 18 cm aux lèvres. Leur extérieur
est réalisé de façon fruste, l'intérieur lisse. Alors que les potiers de la période sont capables de
réalisations de grande qualité au tour, les écuelles à bords biseautés sont réalisées dans des
moules, ou bien à la main.

Leur fonction est très discutée, dans des débats rejoignant souvent les grandes problématiques
de la période car on leur imagine souvent une finalité unique qui aurait pu être voulue par une
autorité dirigeant alors la société. H. Nissen, influencé par l'idée d'apparition d'un appareil
étatique au IVe millénaire, veut y voir des céramiques standardisées destinées à la distribution
de rations à des dépendants de grands organismes comme on en connaît pour la fin du IIIe
millénaire en basse Mésopotamie63. Dans ce cas, on considère qu'il y a un contrôle de la
production de ces céramiques par les élites, et qui reflèterait un contrôle socio-économique.
Mais cela est très loin de faire l'unanimité. Ces céramiques auraient également pu avoir une
fonction cultuelle, servant à des offrandes en grain, théorie qui reprend donc l'idée de leur
réalisation pour les besoins d'un organisme important de type étatique64. On a également
proposé d'y voir des récipients servant à porter du sel65, ou des moules à pain66, ou encore des
écuelles destinées à de grands banquets regroupant toute la communauté lors de célébrations
festives67.

Un art plus réaliste et humaniste

Sceau-cylindre en calcaire et son impression : le roi et son acolyte nourrissant un troupeau


sacré, période d'Uruk final.

Tête de femme retrouvée à Uruk, ou « Dame de Warka ».

L'art de la période d'Uruk connaît un renouveau notable68. En premier lieu dans les supports
artistiques : les formes de poterie deviennent plus rudimentaires, avec le développement du
tour de potier on en produit en masse sans se préoccuper de leur décoration ; on ne trouve
donc presque plus de poteries peintes comme aux périodes précédentes, mais des céramiques
sans décor ou bien simplement incisées ou pastillées. La sculpture prend alors une importance
capitale, que ce soit dans les réalisations en ronde-bosse, ou bien par des bas-reliefs sur stèles
et surtout sur des sceaux-cylindres qui apparaissent vers la période d'Uruk moyen. Ils ont fait
l’objet de nombreuses études, car il s’agit du meilleur témoignage sur l’univers mental des
gens de cette époque, et ont sans doute servi pour diffuser des messages symboliques sur de
grandes distances.

Les canons artistiques de la période sont nettement plus réalistes qu'aux périodes précédentes.
L'être humain est au centre des thèmes. Cela est notamment le cas des œuvres retrouvées à
Suse (niveau III), qui sont les plus réalistes de la période : elles représentent souvent la figure
du roi, mais aussi de nombreux hommes communs dans des activités de la vie quotidienne :
travaux agricoles, artisanaux (poterie, tissage), comptabilité. Les sceaux-cylindres permettent
de créer une narration qui donne plus de dynamisme à ces scènes. Ce réalisme de l'art
témoigne d'un véritable renouveau, qu'on peut même qualifier d'« humaniste », car il marque
un tournant dans l'art mésopotamien et plus largement d'un changement dans l'univers mental
en mettant l'homme ou du moins l'image humaine à une place éminente jamais atteinte
auparavant69 ; c'est d'ailleurs à la fin de la période d'Uruk qu'apparaissent les premières traces
évidentes d'un anthropomorphisme des divinités qui est la règle aux millénaires suivants. Pour
autant, les animaux réels ou imaginaires sont toujours beaucoup représentés dans la glyptique,
pas seulement accompagnant des humains70.

Les sculptures suivent un style et des thèmes présents dans la glyptique. On réalise des statues
en ronde bosse, de petite taille, représentant des divinités ou bien un « roi-prêtre ». Les artistes
d'Uruk ont également réalisé des bas-reliefs, des stèles comme la « stèle de la chasse »,
retrouvée au niveau III de l'Eanna71. On connaît des cas de poterie de bonne facture pour la
période d’Uruk, ainsi que de véritables œuvres d’art, comme la grand vase en albâtre sculpté
d'Uruk III, conservé au Musée de Bagdad72. Ces œuvres-là mettent en avant la figure de
l'autorité, qui accomplit des exploits guerriers et dirige le culte aux dieux. Elles sont elles
aussi caractérisées par leur réalisme. Une dernière grande œuvre des artistes d'Uruk de cette
période est une tête de femme sculptée grandeur nature aux proportions réalistes, retrouvée
dans un état mutilé73.

L’expansion urukéenne
Depuis la découverte en Syrie des sites de Habuba Kabira et de Djebel Aruda dans les années
1970, qui ont rapidement été considérés comme des colonies ou comptoirs des porteurs de la
civilisation d'Uruk partis s'installer loin de leurs terres, on s'est interrogé sur la nature des
relations entre la basse Mésopotamie et les régions voisines. Cela a été renforcé par
l'évolution politique du Moyen-Orient, et l'impossibilité de fouiller la Mésopotamie, donc le
« centre » de la civilisation d'Uruk. Les fouilles récentes concernent donc des sites hors de
Mésopotamie, donc « périphériques », et on a pu s'intéresser à leurs relations avec le
« centre », qui tend paradoxalement à être la région la moins bien connue pour cette période,
ne seraient les impressionnantes découvertes des monuments d'Uruk74.

Les caractéristiques de la culture de la région d'Uruk se retrouvant sur un très vaste territoire
(de la Syrie du Nord jusqu’au Plateau iranien), avec la basse Mésopotamie comme centre
indubitable de celle-ci, ont finalement amené les archéologues qui ont étudié cette période à
parler d'un phénomène d'« expansion urukéenne ». Certains ont tenté d'élaborer des modèles
théoriques à partir des données accumulées et de modèles préexistants empruntés à des
travaux concernant d'autres lieux et d'autres époques, et d'autres disciplines, qui ont souvent
présenté des limites devant la difficulté d'y faire correspondre les données des sites fouillés.

Les données du problème

Il convient tout d'abord de reprendre rapidement les données qui constituent le dossier
exploitable pour étudier l'expansion urukéenne, la plupart ayant été déjà vues plus haut.

• D'abord le phénomène des sites qui semblent être des « colonies » ou « comptoirs »
urukéens, présentant une culture matérielle typique de la basse Mésopotamie hors de
celle-ci : Habuba Kabira et Djebel Aruda sont les exemples les plus caractéristiques
car ils résultent d'une planification, et ont tout l'air d'être de véritables colonies. On
trouve les traces de probables habitats d'Urukéens hors de leurs terres sur d'autres
sites, mais aux côtés d'habitats de culture matérielle autochtone plus importants,
comme à Hacinebi ou à Godin Tepe. Il y a donc eu manifestement une émigration
depuis la Mésopotamie du sud.
• Plus largement, la culture matérielle d'Uruk se répand dans les régions voisines. Le cas
le plus représentatif est celui des écuelles à bords biseautés qui se répandent dans toute
l'aire concernée par l'expansion urukéenne, jusqu'en Anatolie du sud-est à Arslantepe
et Tepecik, en Syrie près de la Méditerranée (on n'en retrouve cependant plus au-delà
de la vallée de l'Oronte) et en Iran central jusqu'au Kerman et peut-être même jusqu'au
Pakistan sur le site de Miri Qalat dans le Makran75. Une influence stylistique
mésopotamienne se retrouve dans des objets retrouvés sur divers sites dans le Moyen-
Orient, jusque dans le delta du Nil (couteau de Gebel el-Arak), même si la nature
exacte de l'influence mésopotamienne sur l'Égypte prédynastique reste débattue76. La
culture d'Uruk est donc celle qui a le plus d'influence à cette période, elle domine sans
conteste. On note tout de même que les sites archéologiques de Syrie littorale et du
Levant de cette période (Ras Shamra ou Byblos par exemple) ne présentent pas de
traces de relations importantes avec la Mésopotamie du sud.
• Beaucoup de régions du Moyen-Orient sont liées par la nécessité de procéder à des
échanges commerciaux importants pour l'obtention de matières premières, surtout les
métaux en cette période de développement de la métallurgie du cuivre et du bronze.
L'Anatolie et l'Iran sont de loin les régions les plus riches en métaux, et aussi en
pierres dures exportables, tandis que la Mésopotamie est dépourvue de ces matières
premières et doit les importer. Cela anime des sortes de routes commerciales comme
la « route de l'étain » qui part des mines iraniennes vers la haute Mésopotamie. Les
objets échangés peuvent aussi être des biens manufacturés qui sont échangés en tant
qu'objets de prestige. Ces échanges à longue distance semblent plutôt concerner les
élites, mais on ne peut pas évaluer leur intensité et leurs retombées économiques
exactes, ce qui fait qu'on peut être tenté de surestimer leurs conséquences sociales.
• Il convient également de préciser que le phénomène de l'expansion de la culture
urukéenne est certes inédit par son importance, mais s'inscrit tout de même dans un
certaine continuité de la période d'Obeid, qui s'était étendue du sud mésopotamien vers
le nord et les franges du Plateau iranien au cours de la fin du VIe millénaire et du Ve
millénaire avant de connaître un certain repli. Des contacts existaient donc entre ces
régions bien avant le IVe millénaire.

Un phénomène motivé par des besoins économiques ?

Reste donc à tenter d'expliquer le phénomène et de tenter d'en dresser un tableau. Guillermo
Algaze a repris les théories de « système-monde » d'Immanuel Wallerstein pour les appliquer
à la période d'Uruk, et ainsi élaborer le premier modèle qui se voulait cohérent de l'expansion
de la civilisation d'Uruk, dans une posture caractéristique de la recherche anglo-saxonne77.
Selon ses théories, qui ont connu un certain succès, les « Urukéens » auraient créé un
ensemble de colonies hors de basse Mésopotamie, d’abord en haute Mésopotamie, puis en
Susiane et vers le Plateau iranien. On a en effet souvent noté que le site d’Habuba Kabira
présentait les caractéristiques d’une colonie qui aurait été créée par les gens de basse
Mésopotamie : construction planifiée, preuves de liens avec de nombreuses régions du
Proche-Orient, avec une culture matérielle typique de la civilisation d'Uruk. Ce ne serait
qu’un simple exemple de nombreuses colonies créées par les « Urukéens », donc la preuve
d'importants mouvements de populations depuis la région d'Uruk. Pour Algaze, la motivation
de ce qu'il considère comme une forme d'impérialisme est économique : les élites de
Mésopotamie du sud veulent obtenir les nombreuses matières premières dont elles ne
disposent pas dans la vallée des deux fleuves, et fondent des établissements sur les nœuds
contrôlant un vaste réseau commercial (même s'il reste impossible de déterminer ce qui était
exactement échangé), en les peuplant peut-être de réfugiés sur un modèle proche de celui de
la colonisation grecque.

Les relations qui s'établissent entre basse Mésopotamie et régions voisines seraient d'ordre
asymétrique. Les habitants de la basse Mésopotamie sont avantagés par rapport aux régions
voisines notamment par à la plus grande productivité de leurs terres, qui feraient de leur
région une région plus riche et peuplée que le reste du Moyen Orient78. Ayant une société plus
complexe, des structures étatiques plus développées, ils sont en mesure de développer
progressivement des réseaux commerciaux à longue distance, d'exercer une influence sur
leurs voisins, et peut-être même une domination militaire. En retour, cette expansion leur
permet de se développer encore plus. Dernièrement, le site de Hamoukar a fait l'objet d'une
hypothèse qui présenterait l'expansion urukéenne sous un jour violent : le site présente des
traces de bataille suivie d'un incendie vers 3500, qui selon son fouilleur pourrait être une
preuve de la prise de la ville par les Urukéens, dont la poterie caractéristique envahit le site
juste après79.

La théorie d'Algaze comme d'autres modèles alternatifs ont été critiqués, en particulier du fait
qu'un modèle solide reste difficile à élaborer du fait que la civilisation d'Uruk reste assez mal
connue en basse Mésopotamie en dehors d'Uruk même, où on ne connaît en fait bien que deux
quartiers (l'Eanna et Kullab des périodes historiques). On a donc du mal à évaluer l'impact du
développement du sud mésopotamien, phénomène non identifié par l'archéologie sur place.
De plus, la chronologie est loin d’être établie de manière fiable pour cette période, rendant
difficile la datation de cette expansion. On a beaucoup de mal à faire correspondre les niveaux
de sites différents pour les attribuer à une même période, rendant l'élaboration d'une
chronologie relative très compliquée. De plus cette théorie repose sur beaucoup trop de
suppositions et d'interprétations qui paraissent hâtives au regard des traces matérielles. Les
critiques se développent ainsi à partir d'études locales, souvent là où Algaze identifie trop
rapidement des comptoirs. Gil Stein, à partir des fouilles qu'il a dirigées à Hacinebi dans le
sud-est de la Turquie, a effectué d'autres propositions visant à proposer un autre modèle de
« système monde »80. Il y repère un quartier colonial urukéen, isolé de l'espace habité par les
autochtones, les deux ne semblant pas se mélanger. La relation semble être plus symétrique,
les « Urukéens » ne paraissant pas exercer une quelconque domination. Une situation proche
est peut-être identifiable à Godin Tepe en Iran occidental.

L'approche culturelle : une situation complexe et diverse

Cette période voit donc la basse Mésopotamie être le centre d'une culture qui rayonne sur tout
le Proche-Orient, et c'est vers ces aspects culturels que se recentrent des études plus récentes,
face à une approche économique qui tend sans doute à trop valoriser le rôle des échanges
commerciaux, et l'importance du commerce international pour le développement de l'État. En
effet, le commerce à longue distance doit probablement être vu comme secondaire pour les
États sud-mésopotamiens par rapport aux productions locales, et semble plus procéder de la
complexification sociale qu'en être à l'origine81.

Pour de nombreux sites et régions, un phénomène d'émulation culturelle venant d'Uruk


semble être une autre solution possible. Ainsi, dans le Plateau iranien, deux visions de
l'expansion urukéenne existent à propos du cas de la Susiane : si Algaze a proposé que cette
région ait été dominée directement par des gens de basse Mésopotamie après une conquête,
pour Wright et Johnson on serait plutôt en présence d'une adaptation progressive à l'influence
culturelle mésopotamienne, qui expliquerait mieux les particularismes locaux fort qu'on
remarque sur les objets de la région à la période d'Uruk82. P. Butterlin a proposé de voir les
liens unissant la Mésopotamie méridionale et ses voisins à cette période comme une « culture-
monde » et non comme un « système-monde » économique, dans lequel la région d'Uruk
fournit un modèle à ses voisins, qui en reprennent les éléments les plus adaptables tout en
conservant des traits spécifiques plus ou moins forts83. Il faut en effet remarquer que chaque
région, voire chaque site fouillé présente ses spécificités, et que l'influence mésopotamienne
est très variable, se délitant progressivement avec l'éloignement, ce qui peut amener à chaque
fois à des conclusions différentes et rendre difficile l'élaboration d'un modèle général. Ainsi, à
Arslantepe à plus de 1 000 km d'Uruk, les aspects locaux dominent, tempérés par des
emprunts à la culture mésopotamienne, alors que plus au sud Habuba Kabira est
manifestement un établissement de gens venus de basse Mésopotamie, dans une région (le
« coude » de l'Euphrate) qui semble avoir été très peu peuplée avant la création de cette ville
et de sa voisine Djebel Aruda. Entre les deux, Hacinebi semble faire cohabiter autochtones et
« Urukéens ». Il y aurait donc différents types de sites déterminés par leurs relations avec la
culture urukéenne : de véritables « colonies », des établissements urukéens dans un contexte à
dominante locale, des établissements de culture locale influencés par la culture d'Uruk, alors
qu'il demeure des sites où l'influence urukéenne semble très limitée (au mieux quelques
écuelles grossières)84. Ces types de sites pouvant se trouver dans une même région en haute
Mésopotamie : Ninive présente des liens culturels avec la Mésopotamie méridionale, tandis
que Tepe Gawra, nœud commercial important situé à une vingtaine de kilomètres, n'en a
apparemment aucun85.

On peut ajouter qu'une lecture des relations à cette période comme un rapport
centre/périphérie, bien que pertinente dans bien des cas, risque de faire trop voir les choses de
façon asymétrique et doit être nuancée. Les régions voisines de la basse Mésopotamie n'ont
pas attendu celle-ci pour connaître un processus de complexification sociale avancé, voire un
début d'urbanisation, comme le montre l'exemple du grand site de Tell Brak en Syrie.
Néanmoins, c'est bien en fonction de l'influence sud-mésopotamienne qu'on en vient
généralement à penser la situation générale du Moyen-Orient de cette période, avec la
documentation archéologique en présence. Comme l'a écrit J.-L. Huot, « l'époque d’Uruk,
entre Préhistoire et Histoire, est une phase fondatrice dont les ébranlements se firent sentir
loin. On a parfois parlé de "mésopotamo-centrisme". S’il y a un moment où on peut le faire,
c’est bien celui-là86. »

Notes
1. ↑ A. Benoit, Art et archéologie : les civilisations du Proche-Orient ancien, Paris, 2003, p. 57-58
2. ↑ (en) U. Finkbeiner et W. Röllig, (dir.), Jamdat Nasr: period or regional style ?, Wiesbaden, 1986 ;
(en) R. Matthews, « Jemdet Nasr: The Site and the Period », dans The Biblical Archaeologist 55/4,
1992, p. 196-203
3. ↑ (en) M. S. Rothman (dir.), Uruk Mesopotamia and its neighbours : cross-cultural interactions in
the era of state formation, Santa Fe, 2001, introduction
4. ↑ (en) A. H. Joffe, « Egypt and Syro-Mesopotamia in the 4th Millennium: Implications of the New
Chronology », dans Current Anthropology 41/1, 2000, p. 113-123
5. ↑ (en) R. McC. Adams et H. J. Nissen, The Uruk Countryside, The Natural Setting of Urban
Societies, Chicago et Londres, 1972 ; R. McC. Adams, Heartland of Cities, Surveys of Ancient
Settlement and Land Use on the Central Floodplain of the Euphrates, Chicago, 1981
6. ↑ Résumé commode des constructions des niveaux d'Uruk durant l'Uruk récent dans A. Benoit, Art et
archéologie : les civilisations du Proche-Orient ancien, Paris, 2003, p. 190-195
7. ↑ J.-D. Forest, Mésopotamie, L'apparition de l'État, VIIe-IIIe millénaires, Paris, 1996, p. 133-137, y voit
un complexe palatial
8. ↑ (en) S. Lloyd, F. Safar, et H. Frankfort, « Tell Uqair: Excavations by the Iraq Government
Directorate of Antiquities in 1940 and 1941 », dans Journal of Near Eastern Studies 2/2, 1943, p. 131-
158
9. ↑ Résumé des fouilles de ce niveau archéologique dans (en) S. Pollock, M. Pope et C. Coursey,
« Household Production at the Uruk Mound, Abu Salabikh, Iraq », dans American Journal of
Archaeology 100/4, 1996, p. 683-698
10. ↑ (en) R. Matthews, « Jemdet Nasr: The Site and the Period », dans The Biblical Archaeologist 55/4,
1992, p. 196-203
11. ↑ A. Le Brun, « Suse au IVe millénaire, à la frontière de deux mondes », dans Suse, dernières
découvertes, Dossiers Histoire et Archéologie n°138, mai 1989, p. 28-35 ; J. Perrot et D. Ladiray, « La
haute terrasse et la nécropole du IVe millénaire », dans Suse, dernières découvertes, op. cit., p. 38-41 ;
M.-J. Stève, F. Vallat, H. Gasche, C. Jullien et F. Jullien, « Suse », dans Supplément au Dictionnaire de
la Bible fasc. 73, 2002, col. 409-413
12. ↑ P. Amiet, « Glyptique susienne archaïque », dans Revue Assyriologique 51, 1957, p. 127
13. ↑ A. Le Brun et F. Vallat, « Les débuts de l’écriture à Suse », dans Cahiers de la DAFI 8, p. 11-59,
1978
14. ↑ (en) G. Johnson et H. Wright, « Regional Perspectives on Southwest Iranian State development »,
dans Paléorient 11/2, 1985, p. 25-30
15. ↑ (en) H. Weiss et T. Cuyler Young Jr., « Merchants of Susa: Godin V and plateau-lowland relations
in the late Fourth Millennium B.C. », dans Iran 10, 1975, p. 1-17
16. ↑ (en) Y. Majidzadeh, « Sialk III and the Pottery Sequence at Tepe Ghabristan: The Coherence of
the Cultures of the Central Iranian Plateau », dans Iran 19, 1981, p. 146
17. ↑ P. Amiet, L'âge des échanges inter-iraniens, 3500-1700 av. J.-C., Réunion des musées nationaux,
Paris, 1986
18. ↑ (de) E. Strommenger, Habuba Kebira, eine Stadt vor 5000 Jahren, Mayence, 1980
19. ↑ (en) I. L. Finkel, « Inscriptions from Tell Brak 1984 », dans Iraq 47, 1985, p. 187-189
20. ↑ http://oi.uchicago.edu/research/projects/ham/ [archive]
21. ↑ (en) D. Collon et J. Reade, « Archaic Nineveh », dans Baghdader Mitteilungen 14, 1983, p. 33-41 ;
(en) G. Algaze, « Habuba on the Tigris: Archaic Nineveh Reconsidered », dans Journal of Near
Eastern Studies 45/2, 1986, p. 125-137 ; (en) D. Stronach, « Village to Metropolis: Nineveh and the
Beginnings of Urbanism in Northern Mesopotamia », dans S. Mazzoni (dir.), Nuove Fondazioni nel
Vicino Oriente Antico : Realtà e Ideologia, Pise, 1994, p. 88–92
22. ↑ P. Butterlin (dir.), A propos de Tepe Gawra, Le monde proto-urbain de Mésopotamie, Turnhout, 2009
23. ↑ http://faculty-web.at.northwestern.edu/anthropology/stein/index.html [archive] Résumé des campagnes
de fouilles et de leur interprétation dans Paléorient 25/1, 1999
24. ↑ (en) B. Helwing, « Cultural interaction at Hassek Höyük, Turkey, New evidence from pottery
analysis », dans Paléorient 25/1, 1999, p. 91-99
25. ↑ (it) M. Frangipane (dir.), Alle origini del potere : Arslantepe, la collina dei leoni, Milan, 2004
26. ↑ On en trouvera une mise au point récente dans (en) R. Matthews, The archaeology of
Mesopotamia : Theories and approaches, Routledge, 2003, p. 93-126
27. ↑ B. Lyonnet, « Véhicules », dans F. Joannès (dir.), Dictionnaire de la civilisation mésopotamienne,
Paris, 2001, p. 905-906
28. ↑ B. Lafont, « Équidés », dans F. Joannès (dir.), op. cit., p. 299-300
29. ↑ C. Michel, « Caravane », dans F. Joannès, (dir.), op. cit., p. 159
30. ↑ X. Faivre, « Outils », dans F. Joannès (dir.), op. cit., p. 608
31. ↑ (en) F. R. Matson, « Potters and Pottery in the Ancient Near East », dans J. M. Sasson (dir.),
Civilizations of the Ancient Near East, New York, 1995, p. 1560-1561
32. ↑ C. Michel, « Cuivre », dans F. Joannès (dir.), op. cit., p. 212-213
33. ↑ C. Michel, « Bronze », dans F. Joannès (dir.), op. cit., p. 145-146
34. ↑ C. Michel, « Métallurgie et orfèvrerie », dans F. Joannès (dir.), op. cit., p. 529-530
35. ↑ J.-D. Forest, Mésopotamie, L'apparition de l'État, VIIe-IIIe millénaires, Paris, 1996, p. 132
36. ↑ M. Sauvage, La brique et sa mise en œuvre en Mésopotamie, Des origines à l'époque achéménide,
Paris, 1998, p. 109-114
37. ↑ J.-L. Huot, J.-P. Thalmann et D. Valbelle, Naissance des cités, Paris, 1990, débordant largement le
cadre chronologique qui nous concerne ici, reste la meilleure introduction sur les débuts de
l'urbanisation
38. ↑ (en) V. G. Childe, « The Urban Revolution », dans Town Planning Review 21, 1950, p. 3-17. La
postérité de cet article fondamental est présentée dans (en) M. E. Smith, « V. Gordon Childe and the
Urban Revolution: a historical perspective on a revolution in urban studies », dans Town Planning
Review 80, 2009, p. 3-29
39. ↑ (it) M. Liverani, Uruk, la prima città, Rome et Bari, 1998
40. ↑ Résumé par (en) J. A. Ur, P. Karsgaard et J. Oates, « Early urban development in the Near East »,
dans Science CCCXVII, n° 5842, 31 août 2007
41. ↑ (de) E. Strommenger, Habuba Kebira, eine Stadt vor 5000 Jahren, Mayence, 1980 ; R. Vallet,
« Habuba Kebira ou la naissance de l’urbanisme », dans Paléorient, 22/2, 1997, p. 45-76
42. ↑ R. Vallet, op. cit. ; J.-D. Forest, Mésopotamie, L'apparition de l'État, VIIe-IIIe millénaires, Paris, 1996,
p. 154-157
43. ↑ J.-D. Forest, op. cit., p. 130
44. ↑ J.-D. Forest, op. cit., p. 160-161 et 241-244 ; suivi par J.-L. Huot, « Vers l’apparition de l’État en
Mésopotamie. Bilan des recherches récentes », dans Annales. Histoire, Sciences Sociales 2005/5, p.
969-973
45. ↑ A. Benoit, Art et archéologie : les civilisations du Proche-Orient ancien, Paris, 2003, p. 61
46. ↑ Ibid., p. 196-197
47. ↑ Ibid., p. 208-211
48. ↑ P. Amiet, « Ziggurats et «culte en hauteur» des origines à l’époque d'Akkad », dans Revue
Assyriologique 47, 1953, p. 28 ; Id., La Glyptique mésopotamienne archaïque, Paris, 1980, notamment
p. 29-30
49. ↑ J.-J. Glassner, Écrire à Sumer : l'invention du cunéiforme, Seuil, 2001, p. 238-250
50. ↑ Ibid., p. 231-238
51. ↑ (en) S. Pollock, M. Pope et C. Coursey, « Household Production at the Uruk Mound, Abu
Salabikh, Iraq », dans American Journal of Archaeology 100/4, 1996, p. 683-698
52. ↑ J.-D. Forest, Mésopotamie, L'apparition de l'État, VIIe-IIIe millénaires, Paris, 1996, p. 150-154
53. ↑ Sur cette évolution, établie notamment à partir de la stratigraphie de Suse, voir en particulier A. Le
Brun et F. Vallat, « Les débuts de l'écriture à Suse », dans Cahiers de la DAFI 8, 1978, p. 11-59
54. ↑ (en) D. Schmandt-Besserat, Before Writing, 2 vol., Austin, 1992 ; Ead., How Writing Came About,
Austin, 1996
55. ↑ J.-J. Glassner, Écrire à Sumer : l'invention du cunéiforme, Seuil, 2001, p. 87-112
56. ↑ (en) H. J. Nissen, P. Damerow et R. K. Englund, Archaic Bookkeeping, Chicago, 1993 ; (en) R.
K. Englund, « Texts From the Late Uruk Period », dans J. Bauer, R. K. Englund et M. Krebernik,
Mesopotamien, Späturuk-Zeit und Frühdynastische Zeit, Fribourg et Göttingen, 1998, p. 15-233 ; J.-J.
Glassner, Écrire à Sumer : l'invention du cunéiforme, Seuil, 2001
57. ↑ Editions dans la série Archaische Texte aus Uruk (ATU), inaugurée en 1936 par Adam Falkenstein,
dans la série ADFU, Leipzig puis Berlin, 5 vol. parus. Les tablettes archaïques exhumées à Uruk sont en
ligne sur le site de la CDLI [1] [archive]
58. ↑ (de) R. Englund, et H. Nissen, Die lexikalischen Listen der Archaischen Texte aus Uruk, ATU 3,
Berlin, 1993
59. ↑ J.-J. Glassner, op. cit., résume les différentes théories sur les débuts de l'écriture et formule d'autres
propositions
60. ↑ Ibid., p. 69-86
61. ↑ Ibid., p. 231-239
62. ↑ M. Yon (dir.), Dictionnaire illustré multilingue de la céramique du Proche-Orient ancien, Lyon,
1985, p. 81 ; (en) A. R. Millard, « The Bevelled-Rim Bowls: Their Purpose and Significance », dans
Iraq 50, 1988, p. 49-50
63. ↑ (de) H. Nissen, « Grabung in den Quadraten K/L XII », dans Uruk-Warka, Baghdader
Mitteilungen 5, 1970, p. 101-191 ; Id., The Early History of the Ancient Near East, 9000-2000 B.C.,
Chicago, 1988, p. 83-85
64. ↑ (en) T. Beale, « Beveled Rim Bowls and Their Implications for Change and Economic
Organization in the Later Fourth Millennium B. C. », dans Journal of Near Eastern Studies 37/4, 1978,
p. 289-313
65. ↑ (en) G. Buccellati, « Salt at the Dawn of History : The Case of the Beveled Rim Bowl », dans P.
Matthiae, M. Van Loon et H. Weiss (dir.), Resurrecting the Past: A Joint Tribute to Adnan Bounni,
Istanbul, 1990, p. 17-40
66. ↑ (en) A. R. Millard, op. cit., p. 49-57 ; (en) M. Chazan et M. Lehner, « An Ancient Analogy :
Pot Baked Bread in Ancient Egypt and Mesopotamia », dans Paléorient 16/2, 1990, p. 21-35
67. ↑ J.-D. Forest, « Les Beveled Rim Bowls. Nouvelle tentative d'interprétation », dans Akkadica 53, 1987,
p. 1-24
68. ↑ A. Benoit, Art et archéologie : les civilisations du Proche-Orient ancien, Paris, 2003, p. 62
69. ↑ J.-L. Huot, Une archéologie des peuples du Proche-Orient, t.I, Des peuples villageois aux cités-États
(Xe-IIIe millénaire av. J.-C.), 2004, p. 75, parle même d'une « révolution humaniste »
70. ↑ (it) E. Rova, « Animali ed ibridni nel repertorio iconografico della glittica del periodico di
Uruk », dans, E. Cingano, A. Ghersetti, L. Milano (éds.), Animali, Tra zoologia, mito e letteratura nella
cultura classica e orientale, Padoue, 2005, p. 13-32
71. ↑ A. Benoit, op. cit., p. 196-197
72. ↑ Ibid., p. 208-211
73. ↑ Ibid., p. 212-213
74. ↑ Dernière synthèse de ces diverses recherches dans (en) M. S. Rothman (dir.), Uruk Mesopotamia
and its neighbours : cross-cultural interactions in the era of state formation, Santa Fe, 2001
75. ↑ (en) R. Benseval, « The 1992-1993 field season at Miri-Qalat: New contributions to the
chronology of protohistoric settlement in Pakistani Makran », dans A. Parpola et P. Koskikallio (dir.),
South Asian archaeology 1993, Helsinki, 1994, p. 81-91. Mais ces céramiques peuvent également
témoigner d'une influence de la civilisation proto-élamite, donc plus tardive.
76. ↑ (en) A. H. Joffe, « Egypt and Syro-Mesopotamia in the 4th Millennium: Implications of the New
Chronology », dans Current Anthropology 41/1, 2000, p. 113-123 ; (en) L. Watrin, « From
Intellectual Acquisitions to Political Change: Egypt-Mesopotamia Interaction in the Fourth Millennium
BC », dans de Kêmi à Birît Nâri 2, 2004-2005, p. 48-94
77. ↑ Débat initié dans (en) G. Algaze, « The Uruk Expansion: Cross Cultural Exchange in Early
Mesopotamian Civilization », dans Current Anthropology Volume 30/5, 1989, p. 571-608 ; la théorie
est ensuite présentée de façon plus complète dans (en) Id., The Uruk World System : The Dynamics
of Early Mesopotamian Civilization, Chicago, 1993 (révisé en 2005) ; mise au point plus récente dans
Id., « The Prehistory of Imperialism: The case of Uruk Period Mesopotamia », dans M. S. Rothman
(dir.), Uruk Mesopotamia and its neighbours : cross-cultural interactions in the era of state formation,
Santa Fe, 2001, p. 27-85
78. ↑ (en) G. Algaze, « Initial Social Complexity in Southwestern Asia: The Mesopotamian
Advantage », dans Current Anthropology 42/2, 2001, p. 199-233
79. ↑ (en) C. D. Reichel, « Hamoukar », dans Oriental Institute 2005-2006 Annual Report, p. 74 [archive]
80. ↑ (en) G. J. Stein, Rethinking World-Systems, Diasporas, Colonies, and Interaction in Uruk
Mesopotamia, Tucson, 1999
81. ↑ (en) J. N. Postgate, « Learning the Lessons of the Future: Trade in Prehistory through a Historian's
Lens », dans Bibliotheca Orientalis 60/1-2, 2004, p. 5-26
82. ↑ M.-J. Stève, F. Vallat, H. Gasche, C. Jullien et F. Jullien, « Suse », dans Supplément au Dictionnaire
de la Bible fasc. 73, 2002, col. 412-413
83. ↑ P. Butterlin, Les temps proto-urbains de Mésopotamie, Contacts et acculturation à l'époque d'Uruk
au Moyen-Orient , Paris, 2003
84. ↑ On reprend ici la typologie dressée pour cette région dans (en) D. Stronach, « Village to
Metropolis: Nineveh and the Beginnings of Urbanism in Northern Mesopotamia », dans S. Mazzoni
(dir.), Nuove Fondazioni nel Vicino Oriente Antico : Realtà e Ideologia, Pise, 1994, p. 88–89
85. ↑ Ibid., p. 91
86. ↑ J.-L. Huot, Une archéologie des peuples du Proche-Orient, t.I, Des peuples villageois aux cités-États
(Xe-IIIe millénaire av. J.-C.), 2004, p. 94
La période des Dynasties archaïques

Stèle des vautours, face, registre supérieur : la « phalange » de l'armée de Lagash triomphant
des troupes de la cité rivale, Umma.

La période des Dynasties archaïques (DA) est une phase de l'histoire de la Mésopotamie,
parfois aussi appelée Dynastique archaïque ou Présargonique. C'est la période des cités-
états sumériennes et « akkadiennes » (bien que Akkad ne soit pas encore une réalité concrète).
Elle dure d'environ 2900 av. J.-C., jusqu'en 2334, date de l'unification de la région par Sargon
d'Akkad. Comme son nom l'indique, cette époque est caractérisée par l'existence d'États
encore peu développés, mais dont les structures se consolident au cours de la période, jusqu'à
la constitution du premier empire de la région qui marque sa fin. Du point de vue des « âges »
des métaux, cette période correspond à l'Âge du Bronze ancien.

À l'origine appliquée uniquement à la basse Mésopotamie, la dénomination Dynasties


archaïques sert également de référence pour les sites de haute Mésopotamie voire de Syrie,
bien qu'on tente parfois de mettre en place des chronologies parallèles pour ces régions. Si
l'on s'intéressera ici en priorité à la Mésopotamie, et plus précisément à sa partie sud, la mieux
connue par les textes comme par l'art, il sera régulièrement fait référence aux régions voisines,
de façon à prendre en compte les évolutions qui s'y effectuent également et qui doivent
relativiser la vision traditionnelle centrée sur la Mésopotamie comme le font de plus en plus
d'études sur le Proche-Orient ancien. On réalise en effet que la Mésopotamie méridionale
n'était pas une région isolée par ses structures politiques et sociales complexes ou son système
d'écriture, mais que bien d'autres régions proches partageaient des traits communs.
Cadre général
Périodisation

La dénomination « Dynasties archaïques » a été mise au point par les archéologues américains
à partir de la stratigraphie des sites qu’ils fouillent dans la vallée de la Diyala dans les années
1930 (Khafadje, Tell Asmar, Tell Agrab). Au départ adaptée spécifiquement à cette région,
cette périodisation a finalement été étendue au reste de la Mésopotamie et également pour les
régions voisines de haute Mésopotamie et de Syrie, faute de mieux.

L’époque des Dynasties archaïques (DA, anglais Early Dynastic/ED) est divisée
traditionnellement en trois sous périodes.

Au DA I (c. 2900-2750), on sent encore le poids de la tradition de la période d'Uruk finale


(période de Djemdet Nasr) surtout dans le sud mésopotamien. Ailleurs l’éclatement culturel
constaté depuis la fin du IVe millénaire se confirme : culture de la « Scarlet Ware » dans la
vallée de la Diyala, Ninive V en haute Mésopotamie, stade final de la civilisation proto-
élamite dans le sud-ouest iranien.

Au DA II (c. 2750-2600), un art nouveau naît en basse Mésopotamie, dont l’influence se


ressent dans les régions voisines. C’est la période des « âges héroïques » de Sumer, où sont
supposés avoir régné des rois connus par la tradition mésopotamienne postérieure comme
Lugalbanda, Enmerkar et Gilgamesh à Uruk, Agga à Kish. Aujourd'hui l'existence de cette
période est mise en doute1.

Le DA III (c. 2600- 2340) est divisé en deux sous-périodes. Le DA IIIA (c. 2600-2500) est la
période des tombes royales d'Ur, des archives de Fara (Shuruppak) et d’Abu Salabikh. Le DA
IIIB est beaucoup mieux connu sur le plan événementiel grâce aux textes des sites de
première importance pour l’historiographie du Proche-Orient ancien : Girsu (Tello) dans l’état
de Lagash à Sumer et d’Ebla en Syrie. Cette période voit un regain de l’influence du sud
mésopotamien, notamment en haute Mésopotamie et en Syrie.

La fin du Dynastique archaïque est marquée par les conquêtes de Sargon d'Akkad puis celles
de ses successeurs, qui bouleversent l’équilibre politique en Mésopotamie mais aussi en Syrie
et en Élam.

Aires culturelles
Localisation des sites du Proche-Orient à la période finale des Dynasties archaïques

Le Proche-Orient du IIIe millénaire est un monde divisé entre différentes aires culturelles. Le
sud mésopotamien est la mieux connue de toutes, mais on dispose également de
renseignements sur la situation dans la région du moyen Euphrate, au Levant, ou sur la partie
occidentale du plateau iranien. L’Anatolie reste en marge tout au long de la période.

La situation au DA I

Le début des dynasties archaïques est une période mal connue, marquée par différentes
cultures régionales, héritées de la fin de la période d'Uruk. En basse Mésopotamie, c’est
l’affirmation de la civilisation sumérienne, qui est clairement identifiable à partir de cette
période (la situation pour la fin du IVe millénaire étant floue du point de vue ethnique). Les
sites de la vallée de la Diyala et des régions la bordant à l’est constituent l’aire de diffusion de
la céramique dite « Scarlet ware » (« céramique écarlate »), peinte avec des motifs rouges, sur
un fond clair, beige. Les représentations sont généralement des motifs géométriques,
naturalistes, mais il existe aussi des représentations humaines. La haute vallée de la Diyala a
livré plusieurs forteresses construites à cette période, comme celle de Tell Gubba et Tell
Maddhur dans le Djebel Hamrin ; il s’agit peut-être d’établissement créés par les habitants de
la région aval dans le but de contrôler la partie amont. En haute Mésopotamie, la culture de
Ninive V succède à celle de Gawra. Elle s’étend de Nuzi (Yorghan Tepe) jusqu’au Triangle
du Khabur. Dans le sud-ouest iranien, la civilisation proto-élamite, marquée par un art et une
écriture originaux, disparaît vers le début du IIIe millénaire et l’habitat sédentaire recule dans
cette région. Dans le Luristan voisin, les populations développent une métallurgie très
élaborée.

La basse Mésopotamie

La région qui occupe une place prépondérante dans le Proche-Orient du IIIe millénaire est le
sud mésopotamien, grâce à l’épanouissement de la civilisation sumérienne, sur les bases
posées par la civilisation d’Uruk dont elle est l’héritière. Cette région se partage entre un
peuplement sumérien dominant au sud, et un peuplement sémitique qui prend du plus en plus
de poids plus on va vers le nord ; cela préfigure la distinction entre pays de Sumer et d’Akkad
qui apparaît dans les textes des périodes suivantes. Cette région s’est développée grâce à
l’agriculture irriguée, qui est la plus productive de tout le Proche-Orient, et a permis
l’épanouissement d’une civilisation très urbanisée : on a pu estimer un maximum de ¾ de
population urbaine pour le DA III à Sumer, ce qui marque un apogée ; dès le DA I on est au-
dessus des 50 %2. Cela va de pair avec l’organisation politique de la région, autour de ce
qu’on a appelé les « cités-États », regroupées autour d’un ou plusieurs gros centres urbains
dominant un réseau urbain allant jusqu’aux petits bourgs ruraux. Les sources nous montrent
des conflits récurrents entre royaumes voisins, notamment entre Umma et Lagash. Cette
région est le foyer de l’écriture, et les Sumériens en font une utilisation importante, comme
l’ont confirmé les fouilles d’Uruk, Ur, Nippur, Shuruppak, et même Abu Salabikh dans une
région à fort peuplement sémite, mais où on écrit surtout en sumérien.

La haute Mésopotamie et la Syrie centrale

Site d'Ebla

La haute Mésopotamie et la région du moyen Euphrate comptent plusieurs sites importants,


qui se développent durant la période de la culture à céramique métallique, succédant à la
culture de Ninive V3. Apparaissent alors des sites urbains, caractérisés par leur forme
circulaire, dont l’exemple le plus représentatif est Tell Chuera, mais aussi Tell Beydar ;
d’autres sites importants se développent dans la Djézireh comme Tell Brak (Nagar), Tell
Mozan, Tell Leilan. La grande cité (elle aussi de forme circulaire) de Mari, sur le moyen
Euphrate, est fondée au DA I, apparemment ex nihilo, et dès le début elle serait destinée à
contrôler la région alentour, notamment avec un réseau de canaux très élaborés4. Elle reste une
des villes majeures du Proche-Orient au cours de cette période, connue en basse Mésopotamie
et longtemps suzeraine d’Ebla au XXIVe siècle. Les archives de cette dernière cité, capitale
d’un royaume important au DA IIIB (mais dont les fouilles ont livré peu de bâtiments de cette
période)5, montrent que l’état et l’écriture sont très développés dans cet ensemble régional
qu’on a longtemps perçu comme marginal. Les territoires dominés par les royaumes sont plus
vastes que dans le sud mésopotamien, mais le peuplement y est beaucoup moins dense. Si
l’influence sumérienne se fait de plus en plus forte à Mari et Ebla au cours de la période, leur
culture présente néanmoins des caractères très originaux.

Le Levant

Ruines du temple de la « Dame de Byblos », construit dans la première moitié du IIIe


millénaire.
Sur la côte levantine le site de Byblos connaît une grande expansion à cette période, et est en
contact très poussés avec l’Égypte (mais il n’est pas mentionné dans les archives d’Ebla). Le
sud du Levant est une région moins urbanisée6 : les sites les plus importants, Yarmouth, Arad,
Tell el Farah, Megiddo sont plus petits que ceux que l’on trouve dans la région du moyen
Euphrate, et leur équilibre semble plus précaire comme le montre le fait qu’ils sont souvent
abandonnés vers 2 500-2 400.

Le plateau iranien

La situation dans la partie occidentale du plateau iranien est plus floue en l’absence de sources
écrites locales, tandis que l’archéologie n’a encore exploré que peu de sites de cette période et
que beaucoup de ceux connus par les sources mésopotamiennes n’ont pas été identifiés. Les
textes de la région voisine indiquent pourtant qu’on y trouve des puissances politiques
notables avec lesquelles les rois de basse Mésopotamie ont eu à composer. Les légendes
relatives aux anciens rois d’Uruk font référence aux conflits les opposant au royaume
d’Aratta, non identifié (peut-être dans la région de Jiroft). Dans l’ensemble élamite7, la
puissance qui affirme sa domination au début de la seconde moitié du IIIe millénaire est
Awan, qu’il faut peut-être chercher dans le sud du Luristan. Le grand site de Suse (niveau IV)
constitue le lien entre cet l’ensemble culturel élamite (et plus largement les cultures du plateau
iranien) et celui de basse Mésopotamie. Un autre royaume important, celui de Hamazi, est
sans doute localisé plus au nord d’Awan, mais on ne sait presque rien sur lui. Vers la fin de la
période apparaît une autre entité politique, Marhashi, peut-être à l’est de l’Élam. Plus loin à
l’est se trouvent des régions importantes dans les circuits commerciaux « internationaux »,
puisqu’on y extrait de l’étain (en Iran central ou dans l’Hindu Kush) et du lapis-lazuli
(notamment autour du site de Shortughai en Bactriane)8.

Échanges

S'il est loin d’être un ensemble homogène, le Proche-Orient du IIIe millénaire n’est cependant
pas un espace fragmenté entre différentes cultures s’ignorant mutuellement. Les réseaux de
relations tissés aux périodes précédentes sont toujours très actifs, même s'il ne faut
évidemment pas les survaloriser, les preuves de contacts à notre disposition concernant avant
tout les élites sociales.

Le matériel archéologique livré par les sites de cette période atteste de la persistance d'un
réseau d'échanges dans lesquels leurs habitants sont intégrés9. Les tombes royales d'Ur
comportaient des objets réalisés dans des matériaux provenant de régions souvent lointaines,
tant il est vrai que la basse Mésopotamie est pauvre en matières premières : métaux venus des
régions montagneuses voisines, lapis-lazuli d’Afghanistan, qui se retrouve en abondance en
Mésopotamie et plus à l’ouest ; certains objets en cornaline semblent même provenir de la
vallée de l’Indus10. Des statues dans un style mésopotamien se retrouvent dans des sites du
golfe Persique et en Syrie du nord, plutôt dues à des influences culturelles qu’à des échanges.
Le fonctionnement de ce système d'échanges soulève une question d'importance, celle de la
façon dont les gens de basse Mésopotamie se procuraient les matières premières étrangères si
présentes sur les sites de la région ; on a pu rechercher des « exports invisibles » qu'ils
auraient vendu à l'extérieur, tous de matière périssable : grain, étoffes, mais aussi du cuir, de
l'huile parfumée, etc.11 fournis pas l'agriculture mésopotamienne qui est la source de la grande
richesse des cités-États de la région. Mais cela n'apparaît pas dans les textes du IIIe millénaire,
et en fin de compte il faut admettre que les modalités de ces échanges sont obscures.
En Syrie, les fouilles d'Ebla ont livré des objets provenant d'Égypte, dont l’influence est
néanmoins plus forte sur la côte, avant tout à Byblos qui devient alors le port privilégié des
Égyptiens au Levant. Certains types d’objets ont une diffusion très vaste. C’est le cas des
vases en chlorite réalisés sans doute dans le Kerman en Iran oriental (région de Jiroft), attestés
à Mari, sur de nombreux sites de basse Mésopotamie, dans le Golfe persique, le plateau
iranien, jusqu’à Mohenjo-Daro dans la vallée de l'Indus ; ou encore des perles en cornaline de
l'Indus retrouvées dans le Golfe et en Mésopotamie.

La diffusion du système d'écriture mis au point en basse Mésopotamie dans des sites situés
plus au nord comme Ebla et Tell Beydar, avec la langue sumérienne et aussi l’adaptation de
l’écriture à des langues sémitiques (akkadien, éblaïte) montrent également l’importance des
échanges culturels à cette époque.

Les inscription royales de Lagash, mais aussi les événements rapportés par la Liste royale
sumérienne rédigée à la fin du IIIe millénaire (et donc sujette à caution) semblent indiquer que
les rivalités politiques peuvent s'étendre sur des longues distances : les rois de basse
Mésopotamie affrontent ainsi ceux de l’ouest du plateau iranien ou de haute Mésopotamie.
Plus pacifiquement, les archives du palais d’Ebla montrent que les souverains de cette cité
avaient des relations diplomatiques avec ceux de Kish et de Hamazi (mais aucune preuve de
contact avec des rois sumériens). Les trouvailles d’objets inscrits aux noms des pharaons
Khéphren et Pépi Ier indiquent peut-être même des relations diplomatiques avec l’Égypte,
mais cela reste très hypothétique.

Culture matérielle
Sur de nombreux sites ont été mis au jour des niveaux des Dynasties archaïques. Là aussi à
une connaissance précoce de sites de basse Mésopotamie et de la Diyala (Uruk, Ur (Sumer),
Eridu, Shuruppak, Abu Salabikh, Kish, Khafadje, Tell Asmar) ont succédé les fouilles de sites
plus au nord, dans la Djézireh (Tell Chuera, Tell Brak, Tell Beydar, Tell Leilan), et en Syrie
(Ebla, Mari), qui ont contrebalancé la vision « mésopotamo-centrée » qu’on se faisait de cette
période, sans pour autant remettre en cause la prééminence du pays de Sumer, dont l'art les a
influencé de manière notable.

Architecture

Le matériau de base : la brique d'argile

La période du DA I se caractérise au niveau architectural par la mise au point de briques


particulières, dites « plano-convexes », du fait de leur face bombée12. Elles avaient sûrement
pour fonction de faire gagner du temps, puisqu’elles sont moins bien confectionnées que les
briques rectangulaires plates, mais disposées dans un appareil spécifique, en « arêtes de
poisson », servant de remplissage alors que pour les extrémités du mur on utilise des briques
classiques, ce qui permettait de monter des murs plus rapidement. Les briques courantes sont
constituées de deux modèles mis au point à la fin de la période d'Uruk : les petites briques
carrées (en allemand Riemchen), et les grandes briques servant pour faire des terrasses
(Patzen). Les briques « plano-convexes » disparaissent à la période d'Akkad.

Urbanisme
La seconde moitié du IVe millénaire a vu les débuts de l'urbanisation en Mésopotamie du sud
et aussi dans quelques cités du nord qui ont ensuite décliné. Cet acquis est prolongé au cours
des premiers siècles du IIIe millénaire, qui voient la Mésopotamie méridionale connaître une
urbanisation croissante de sa population si on se fie aux prospections archéologiques citées
précédemment. C'est à ce moment que l'aspect urbain de la civilisation mésopotamienne
s'affirme définitivement, avec son urbanisme et les structures socio-économiques qu'il reflète.

L'urbanisme de la période des Dynasties archaïques est connu grâce à la fouille de quartiers
résidentiels dans quelques cités13. Les cas les mieux connus sont ceux des cités de la Diyala,
Khafadje et Tell Asmar (la future Eshnunna). Ils présentent un habitat très resserré, constitué
de maisons de tailles diverses : les plus simples sont constituées d’un espace central ouvrant
sur quelques autres de plus petites salles, et les plus vastes, habitées par les plus aisés, y
ajoutent d’autres pièces annexes. Le parcellaire est généralement stable, mais peu connaître
des changements brusques, comme c’est le cas à Khafadje après un grand incendie au début
du DA III : on constitue sur les ruines un quartier protégé par une enceinte intérieure
(« quartier muré »). Cela montre un exemple d’habitat planifié, attesté également sur le tell
principal d'Abu Salabikh, autre site dans lequel les résidences sont très bien documentées. Les
maisons y sont très similaires : organisées autour d’un espace central carré d’où on accède à
deux pièces disposées en équerre, chacune ayant ses propres petites salles adjacentes.

Les temples et les palais

L'urbanisme est dominé par des monuments importants qui par leur taille et leur agencement
sont bien plus que les résidences courantes14, et servent à ceux qui exercent le pouvoir, qui
marquent de leur empreinte le paysage urbain comme ils le font pour la société et l'économie.
Temples ou palais, on ne sait pas vraiment dans bien des cas, puisque seule une minorité
d’entre eux présente un plan spécifique. Par leur taille, ils sont dans la continuité des grands
monuments érigés à Uruk dans les derniers siècles du IVe millénaire.

C’est le cas des « temples ovales » de Khafadje, el-Obeid et Lagash (el-Hiba), datant des DA
II et III. Ils doivent leur nom à l’enceinte ovale qui les sépare du reste de la ville, et leur centre
est occupé par un temple construit sur une terrasse (seule cette dernière ayant survécu à
l’épreuve du temps). Les autres temples de cette période ne présentent pas un plan spécifique.
On en a identifié avec plus ou moins de certitudes à Tell Asmar, Nerebtum dans la vallée de la
Diyala, et aussi à Nippur15. Les bâtiments identifiés comme des temples sur les sites de la
Djézireh (Tell Chuera, Tell Mozan), présentent plus de traits communs ; ce sont de petits
édifices de forme rectangulaire, parfois avec une petite salle à leur extrémité.

Cour intérieure du palais royal de Mari.

Le cas des palais est identique : on ne distingue pas de type architectural commun permettant
d’identifier clairement un bâtiment servant de résidence à un souverain16. Il est clair que ces
édifices avaient un étage, et donc les ruines qui peuvent être fouillées sont celles du rez-de-
chaussée. Les deux palais de Kish, A et P, sont les plus connus. Le premier est constitué
autour de deux bâtiments accolés l’un à l’autre, celui du nord étant le plus vaste, jouxtés par
une porte monumentale. Le palais P (ou « planoconvexe ») est caractérisé par sa forme
triangulaire et une enceinte très épaisse. Dans ces deux cas, on n’arrive pas à identifier la
fonction des pièces. Les seuls palais clairement identifiables comme tels, avec une
organisation interne cohérente, se trouvent sur des sites situés plus au nord. Le palais royal de
Mari du niveau DA III, bien plus grand que celui des autres cités (signe de la puissance des
rois mariotes), a la particularité de comporter un temple en son sein, l’ « enceinte sacrée », au
sud-est. Le palais de Tell Beydar, construit au début du DA III et remanié deux fois par la
suite, peut-être destiné à servir à un roi local avant l’incorporation de la ville dans le royaume
de Nagar, est organisé autour de trois grandes salles : deux pièces rectangulaires, pièce un
espace central carré. Ce plan est semblable à celui qui se généralise à la période amorrite
(début du IIe millénaire), qui pourrait donc bien trouver un prototype à Tell Beydar17. La
seconde salle rectangulaire est considérée comme étant la salle du trône ou une salle de
réception.

Sépultures

Les pratiques funéraires de la période sont dominées par le cas des tombes royales d'Ur, qui
sont pourtant uniques en leur genre, et ne représentent en rien les coutumes funéraires
courantes en basse Mésopotamie18. Divers cimetières plus classiques ont été mis au jour, à
Abu Salabikh, Kish, Khafadje, à Suse ainsi qu’à Kheit Qasim dans le Djebel Hamrin. Les
sépultures sont généralement regroupées dans des nécropoles, mais parfois on enterre les
défunts sous leur maison. On y trouve des tombes modestes, généralement individuelles
(quelques unes sont collectives à Abu Salabikh), mais les plus marquantes sont celles
présentant un matériel funéraire plus riche ou bien avec des marqueurs symboliques les
distinguant clairement des autres. Des tombes riches ont été exhumées dans le « cimetière Y »
de Kish et à Suse, qui ont fourni un matériel de prestige : armement, harnais, et même un char
à Suse.

Mais cela reste bien modeste comparé aux impressionnantes tombes découvertes à Ur par
Leonard Woolley en 192719. Elles se trouvent au cœur d’une très vaste nécropole de plus de 1
800 tombes, où elles se distinguent par leur construction, la richesse du matériel
archéologique qu’on y a retrouvé, et évidemment les morts ayant accompagné les plus
importants défunts enterrés. Les tombes les plus marquantes sont celles des rois Meskalamdug
et Akalamdug, et celle de la reine Pu-abi. Mais une vingtaine d’autres tombes ont également
livré des objets riches, mais n’étaient pas destinées à des rois. La majorité des tombes étaient
destinée à des personnes plus modestes, le matériel funéraire y était simplement constitué de
céramiques. Une sorte de « couche moyenne », moins nombreuse, se distingue par la présence
d’objets métalliques dans les sépultures. On voit donc bien un processus de différenciation
sociale se mettre à l’œuvre, comme dans les autres nécropoles de la période.

Sculpture
Statue en albâtre de l'intendant Ebih-Il, retrouvée à Mari, DA IIIB ; musée du Louvre.

Les sculpteurs de basse Mésopotamie et de la vallée de la Diyala ont réalisé des sculptures en
ronde-bosse d’un style caractéristique, qui a influencé leurs homologues des régions
voisines20. Quelques œuvres connues ont été exhumées dans la vallée de la Diyala, ainsi des
statues d’orants à Tell Asmar, retrouvées dans ce qui semble être un temple ; les personnages
sont représentés debout, les mains jointes en posture de prière. D’autres statues de la période
présentent des personnages assis, mais la posture de dévotion est similaire. Les personnages
masculins sont souvent vêtus d’une jupe particulière, appelé kaunakès, qui peut être uni, ou
avec des franges. Les personnages représentés, quand on peut les identifier, sont des notables,
ou bien des souverains, dont l’apparence se distingue mal de celle de leurs sujets.

Des statues semblables ont été retrouvées en à Tell Chuera dans la Djézireh21. On en a
également mis au jour beaucoup à Mari, par exemple la statue de l'intendant Ebih-Il, en
albâtre, sans doute la plus remarquable. À côté de ces œuvres marquées par un forte influence
sumérienne, d’autres présentent une plus grande originalité dans leur exécution22.

Relief votif de Dudu ; Musée du Louvre.

L'art des Dynasties archaïques est aussi caractérisé par la réalisation de bas-reliefs sur des
plaques en pierre perforées, dont l'usage est inconnu23. Une des plus fameuses est celle
représentant le roi Ur-Nanshe de Lagash avec sa famille, retrouvée à Girsu. Celle de Dudu,
prêtre de Ningirsu dans la même cité sous Entemena, représente des animaux mythologiques,
comme l’aigle léontocéphale. Des œuvres du même type se retrouvent dans la plupart des
sites de basse Mésopotamie et de la Diyala.

Métallurgie

Coupe en or retrouvée dans la tombe de Pu-abi à Ur.

Les Sumériens étaient les plus brillants métallurgistes de leur temps24. Leur niveau technique
était sans égal dans le Proche-Orient de l'époque, ce qui est remarquable pour un peuple
venant d'une région où on n'extrait pas de métaux et où on exporte donc la matière première
nécessaire à l'industrie métallurgique. Ils ont ainsi une grande maîtrise de la technique de la
cire perdue, ainsi que de divers alliages. Ils travaillaient l’or, l’argent, le cuivre, le bronze, le
plomb, l’électrum. Les tombes des notables des Dynasties archaïques ont livré de nombreux
objets en métal : vaisselle, armes, bijoux, statuettes, etc. Les plus remarquables sont les objets
en or retrouvés dans les tombes d’Ur : vases, coupes, colliers avec divers ornements ; la
parure de la reine Pu-abi et la couronne de Meskalamdug montrent bien le niveau de maîtrise
atteint par les artisans sumériens. De nombreux vases en métal ont été exhumés dans les sites
de basse Mésopotamie, comme le vase en argent d’Entemena de Lagash.

Glyptique

Sceau-cylindre du DA III, avec son empreinte, représentant une scène de combat


mythologique.

La variété de thèmes gravés sur les sceaux-cylindres de la période d'Uruk s’est réduite au
début du IIIe millénaire, pour se consacrer avant tout à la représentation de thèmes
mythologiques et cultuels25. Les combats d’animaux réels ou mythologiques, les héros
maîtrisant des animaux sont récurrents, et leur sens exact nous échappe. Les animaux
imaginaires les plus courants sont le taureau androcéphale, l’homme-taureau maîtrisant les
animaux, l’homme scorpion ; on trouve aussi beaucoup d’aigles, des lions. P. Amiet veut voir
dans certaines de ces figures des attributs des dieux. Certains personnages anthropomorphes
sont vraisemblablement des dieux, portant la tiare à cornes bovines symbolisant leur divinité.
On pense également voir dans certains sceaux des représentations du souverain, semblables à
la figure du « roi-prêtre » courante dans l’art de la période d’Uruk.
Les sceaux-cylindres des Dynasties archaïques sont les premiers à porter des inscriptions
mentionnant le nom de leur possesseur.

Les États des dynasties archaïques


La période des dynasties archaïques est marquée par une très grande fragmentation politique.
La basse Mésopotamie après le milieu du IIIe millénaire est ainsi divisée entre plusieurs cités-
États : Ur, Uruk, Lagash, Umma, Shuruppak, Adab, Nippur, peut-être Larak, dans le pays
sumérien, et Kish et Akshak, voire Sippar en pays sémite. Il ne s’agit pas de pays organisés
autour d’une seule cité, car ils en comptent plusieurs. Le mieux connu, Lagash, est organisé
autour de sa capitale éponyme et d’une seconde cité importante, Girsu, ainsi que d’un centre
secondaire, Nigin. Umma comprend dans son territoire la cité de Zabalam, Ur possède Eridu,
et Uruk doit dominer Larsa et Bad-tibira. En dessous de ces grandes villes se trouvent des
établissement de moindre importance, du gros bourg jusqu’au hameau, maillant un terroir
agricole irrigué. Les États de la Djézireh et de la Syrie sont moins bien connus, mais de mieux
en mieux. Leurs structures sont plus proches qu’on ne l’avait imaginé de celle des États du
sud mésopotamien.

Contrat de vente de propriété foncière provenant de Shuruppak, DA IIIA.

Nos informations sur l'organisation des États de cette période proviennent avant tout de
sources écrites26. Or celles-ci sont majoritairement datées de la période du DA III, surtout du
DA IIIB, durant les années précédant les conquêtes de Sargon d'Akkad. C'est notamment le
cas des archives de Girsu et Ebla, les deux plus gros corpus de la période. Les textes retrouvés
à Shuruppak et Abu Salabikh datent quant à eux du DA IIIA. Certaines tablettes d'Ur
remontent au DA I.

Structures des États archaïques

Les structures internes des cités-États mésopotamiennes sont surtout documentées par les
archives de Girsu, valant pour l’extrême fin de la période. Ce sont elles qui ont servi de base
aux différentes hypothèses sur l’organisation de ces États, notamment celle des cités-temples,
voyant dans Lagash un État théocratique, qui s’est avérée erronée.

Le pouvoir royal

Les cités-États sont dirigées par des rois, nommés de trois façons différentes : EN, ENSÍ et
LUGAL. Le sens exact de ces trois termes et les rapports entre eux ont été longuement
discutés, sans que l’on soit arrivé à un consensus. EN (« seigneur »), attesté à Uruk, mais
également à Ebla, semble avoir une connotation religieuse (il sert aussi à désigner un grand
prêtre). On a souvent pris cela pour l’héritage d’une période où le pouvoir était exercé par un
« roi-prêtre », hypothèse séduisante mais difficile à prouver, rien n’indiquant clairement que
le pouvoir ait été plus religieux avant la période historique (durant laquelle il présente
toujours une nature religieuse, pas moins affirmée qu’au Dynastique archaïque). Le titre
d’ENSÍ, porté par les rois de Lagash, semble noter la soumission du roi humain à la divinité
tutélaire du royaume, qui en est le véritable souverain (on peut traduire ce terme par
« vicaire »). Le titre LUGAL, porté notamment par les rois de Kish et d'Umma, signifie « grand
homme », donc l’homme fort de l’État, et a moins de connotations religieuses. C’est ce terme
qui sert à désigner le roi aux périodes ultérieures.

Quoi qu’il en soit, en dépit de ces différents termes servant à la désigner, la fonction royale est
homogène : c’est clairement un seul homme qui domine les États archaïques, au moins au DA
III. L’idée de l’existence d’une « démocratie primitive » auparavant, qui s’appuie sur la
présence d’assemblées (UKKIN) aux attributions inconnues dans certains textes, repose sur des
arguments loin d'être convaincants. On voit le pouvoir de plus en plus fort exercé par le
pouvoir royal au cours de la période se manifester dans la richesse des tombes royales d'Ur
(DA IIIA), dont les rois se font accompagner par des dizaines de serviteurs après leur mort,
signe de l’état de soumission extrême dans lequel ceux-ci se trouvaient. Mais c’est un cas
unique en Mésopotamie. Le pouvoir royal se manifeste aussi dans la production d’un art
spécifique, très bien représenté à Girsu.

Relief votif perforé d'Ur-Nanshe de Lagash, commémorant la construction d'un temple, musée
du Louvre

L’idéologie royale traditionnelle de Mésopotamie apparaît pour la première fois clairement


dans les documents de cette période. La soumission du roi aux dieux apparaît notamment dans
les réalisations artistiques retrouvées à Girsu montrant la prééminence du dieu Ningirsu. Le
rôle du roi y est organisé autour de deux grands axes : construire et combattre pour les dieux.
Les inscriptions commémorent donc les réalisations architecturales entreprises par les
souverains, et leurs victoires militaires. Avec Urukagina apparaît également le prototype du
roi rétablissant la justice dans son royaume, qui connaît par la suite une longue postérité.

L'encadrement de la société et l'économie par le palais et le temple

Les cites-États sont organisées autour de deux grandes institutions : le palais et le temple. Il
est possible qu’il en ait existé d’autres. À Shuruppak, un des rares cas pour lequel on soit
documentés sur ce point en dehors de Lagash, les deux institutions cohabitant sont ainsi le
palais (É.GAL) et le É.URU, connue uniquement pour cette cité, ayant apparemment des
fonctions de production27. Pour le reste, ce sont surtout les archives de temples qui sont
documentées, dans les quelques cas où on arrive à identifier l’institution d’où proviennent les
archives dont on dispose. C’est le cas du temple de Nanna d’Ur au DA I, et surtout du temple
de la déesse Bau de Girsu pour le DA IIIB, lot d’archive le plus fourni de toute la période28. Il
ne s’agit pas à proprement parler des archives d’un temple, puisque c’est en fait le domaine
placé sous la direction de la reine de Lagash, identifiée à la déesse Bau. Son époux Urukagina
semble en effet avoir tenté d’intégrer les domaines des temples à ceux du palais. Un lot de
textes provenant sans doute du temple d'Inanna à Zabalam (royaume d'Umma) datant de
l'extrême-fin du DA IIIB a également été retrouvé29.

Tablette des archives du temple de Bau, sur la distribution de rations d'entretien, Musée du
Louvre.

On voit ainsi fonctionner des États essentiellement autour de grandes institutions, la propriété
privée n’étant pas documentée (bien qu’on ait des doutes sur un lot d’archives de Shuruppak),
et considérée comme minoritaire ou inexistante. Les palais et les temples organisent la
production, emploient la population dans les activités agricoles, l’élevage, l’artisanat, le
commerce, et les rétribuent en rations d’entretien, en grain (pour la nourriture), huile (pour les
soins corporels) et laine (pour se vêtir). Quoi qu'il en soit de nos sources, il est difficile
d'exclure l'existence de maisonnées ou communautés vivant en dehors du cadre institutionnel,
et rien ne prouve que les grandes institutions contrôlent la totalité ni même la majorité de
l'économie.

La situation en Syrie et dans la Djézireh

Les structures des États de haute Mésopotamie et de Syrie ne semblent pas différer
grandement de ce modèle. Les archives d’Ebla, où le roi porte le tire d’EN en sumérien et
malikum en éblaïte, montrent assez bien l’organisation de l’administration centrale de ce
royaume. Il est assisté par un « vizir », qui porte le titre de LUGAL, fonction qui prend de plus
en plus d’importance jusqu’à récupérer une partie des prérogatives du roi. Le palais gère les
distributions destinées aux personnages importants du royaume. Les temples ne sont pas des
organismes disposant de domaines et de dépendants en Syrie du nord à la différence de la
basse Mésopotamie, et c'est le palais royal qui prend en charge les principales dépenses du
culte. Les archives de Tell Beydar documentent quant à elles un centre provincial du royaume
de Nagar, dans la Djézireh30. Elles proviennent pour la plupart d’une institution, qui organise
là aussi le travail sur le territoire qu’elle dirige, et rétribue ses dépendants en rations de grains.
On y note l’importance de l’élevage ovin et caprin, grande activité de la haute Mésopotamie.
Rapports entre les États

Une « amphictyonie » sumérienne ?

Existait-il à un niveau supérieur une organisation englobant les cités-États de basse


Mésopotamie, en dépit de la diversité politique qui caractérise la période des Dynasties
archaïques ? Il y avait apparemment une véritable conscience de constituer un ensemble
culturel, appelé le « Pays » (KALAM). On a parfois même parlé d’ « amphictyonie » de cités
sumériennes, comme pour la Grèce antique. Cela s’appuie notamment sur la présence dans les
tablettes d’Ur datant du DA I d’impression de sceaux-cylindres portant des signes
représentant des cités (on en trouve aussi à Djemdet Nasr, Uruk et même Suse)31. Certains
scellés présentant les signes de plusieurs cités, on y a vu un scellement commun, donc une
sorte de ligue. Piotr Steinkeller a ainsi postulé l’existence d’un système associant les cités
dans le stockage et la livraison de biens pour les grands temples de Sumer (ce qui rappelle le
système du BALA de la Troisième dynastie d’Ur)32. Auparavant, Thorkild Jacobsen avait
proposé qu’une telle « ligue sumérienne » ait été organisée autour d’un centre religieux
principal, en l’occurrence Nippur, cité du grand dieu Enlil33. Si une organisation de cette sorte
a bien existé, elle devait donc avoir un fondement religieux. Mais d'autres explications à ces
sceaux, non politiques, ont également été avancées34.

Guerre et paix]

Clou de fondation commémorant le traité de paix conclu entre Entemena de Lagash et Lugal-
kinishe-dudu d’Uruk.

Apparaissent aussi les premières traces de relations diplomatiques : ainsi, un clou d’argile
mentionne l’alliance fraternelle entre Entemena de Lagash et Lugal-kinishe-dudu d’Uruk vers
2500. Dans le groupe des rois de Mésopotamie méridionale, certains ont pu se voir
reconnaître une sorte d’hégémonie. Pour le règlement d'un conflit entre Lagash et Umma, on a
fait appel vers 2600 au roi Mesalim de Kish qui sert d’arbitre. Il semble en effet que les
souverains de cette cité aient exercé une sorte de prééminence à un moment donné, et parfois
le titre de « roi de Kish » est repris par les souverains d’autres États pour marquer leur
ambition hégémonique.

Nous avons des échos sur les rapports conflictuels qu’entretiennent ces royaumes entre eux.
Ils nous parviennent de récits légendaires postérieurs, notamment ceux mentionnant les
conflits en Agga de Kish et Gilgamesh d’Uruk, et aussi de la Liste royale sumérienne, qui
présente une succession de dynasties s’achevant chacune par la chute de la cité face à un rival
victorieux35. Pour ce qui concerne les sources de la période, nos renseignements viennent des
archives de l’État de Lagash (absent de la Liste royale sumérienne). Cette cité est en conflit
récurrent avec son voisin occidental, Umma, à qui elle dispute la possession d’un terroir
irrigué, le GU.EDEN.NA36. Cette lutte séculaire est marquée par plusieurs changements de
rapports de force. Les inscriptions des rois de Lagash mentionnent également des guerres
contre d’autres royaumes de basse Mésopotamie, et aussi extérieurs (Mari, Subartu, Élam).
Ces conflits montrent l’affirmation progressive de puissances politiques qui ont tendance à
dominer de façon plus durable la basse Mésopotamie : Eannatum de Lagash, qui défait
plusieurs rois de la région et même ceux de Mari et d’Élam vers 2450 ; Enshakushana d’Uruk
qui s’empare de Kish et fait prisonnier son roi Enbi-Ishtar vers 2430 ; et surtout Lugal-zagesi,
roi d’Umma, qui soumet toute la basse Mésopotamie vers 2450 et préfigure la domination
impériale mise en place par Sargon d'Akkad, qui le défait vers 2340 et met ainsi fin à la
période des cités-États.

Face de la guerre de l'étendard d'Ur, DA IIIA.

Les techniques de combat de l’époque nous apparaissent dans deux documents exceptionnels :
l'étendard d'Ur (trouvé dans les tombes royales de cette ville) et la Stèle des vautours
d’Eannatum de Lagash (retrouvée à Girsu). Ils montrent une armée organisée autour d’une
sorte de phalange compacte, constituée par des fantassins lourdement équipés, armées de
longues lances et protégés par de grands boucliers. L’armement été aussi constitué de haches,
masses d'armes, poignards, épées à lame courbe (harpè), et curieusement l’arc n’apparaît pas
dans les représentations militaires (mais on en voit pour la chasse). Il existe aussi des chars de
guerre, tirés par des ânes ou onagres. On privilégie donc le combat rapproché, les troupes
étant alors peu mobiles.

L'apport des archives d'Ebla

Les rapports entre États de Syrie de la fin des Dynasties archaïques sont bien documentés
grâce aux fouilles d'Ebla, qui ont livré les seules archives royales disponibles pour la période.
Elles nous renseignent sur les relations diplomatiques entretenues par les rois de cette cité.
Pour la période qu’elle documentent, trois grands États dominent cette région : Mari, Nagar,
et Ebla. Cette dernière est encore soumise à un lourd tribut payé à Mari dans les plus
anciennes archives disponibles, mais elle finit par l’alléger considérablement, après un conflit
victorieux37. En tout cas Mari semble être le royaume le plus puissant. Les rois d’Ebla ont eux
aussi des vassaux, comme Emar, et Abarsal, cité non localisée mais connue par le traité de
paix qu’elle conclut avec Ebla, le plus ancien qui ait été retrouvé écrit. Les relations des rois
éblaïtes avec Nagar sont pacifiques : échanges de cadeaux, et mariage entre la fille du roi
d’Ebla et le fils de son homologue. Les archives d’Ebla ont également conservé des traces
d’échanges épistolaires avec les rois de Kish et de Hamazi.

Religion
Sceau-cylindre avec son empreinte, représentant une scène de culte, avec des figures
mythologiques.

Bien que de nombreuses archives de cette période proviennent de temple, elles sont surtout
consacrées à la gestion de ces organismes, et nous en apprennent peu sur le culte et le
religieux des Dynasties archaïques. Aucun texte mythologique ne nous est parvenu pour cette
époque : ils sont rédigés dans le courant de la fin du IIIe millénaire, mais on considère sans
risque qu'ils décrivent des mythes déjà existants au moins à la fin du DA. Les textes nous
renseignant sur la religion concernent le culte (les offrandes aux dieux). On peut également
faire appel aux découvertes archéologiques, et à l'iconographie, malgré des difficultés de
compréhension souvent insurmontables. Ce que l'on voit pour cette période concernant le
religieux porte avant tout sur les dieux. Le personnel religieux est très mal connu.

Géographie divine

Les dieux des Dynasties archaïques étaient souvent identifiés à un territoire précis. En basse
Mésopotamie, ils sont vénérés dans des cités, abritant leur temple principal. Certains dieux
sont même appelés « maître » d'une ville : Ningirsu est le « seigneur de Girsu », Inshushinak
est celui de Suse. Chaque ville tend donc à avoir « sa » divinité, et chaque royaume aussi. La
divinité tutélaire est perçu comme le véritable maître de la cité, le souverain n'étant que son
représentant terrestre (c'est le sens que recouvre le titre ENSI, « vicaire »).

Le cas le mieux connu est celui de l'État de Lagash. Sa capitale religieuse n'est pas la ville
éponyme, mais Girsu, dont le dieu, Ningirsu, est la divinité principale du royaume. Sur la
Stèle des vautours, Eannatum attribue sa victoire contre Umma à son dieu, qui est représenté
en train d'emprisonner ses ennemis dans son filet. Bau, la parèdre de Ningirsu, a son temple
dans cette même ville. Sa sœur Nanshe a son temple principal à Nigin. On voit donc une
véritable famille divine être vénérée à Lagash.

La cité rivale de Lagash, Umma, avait pour dieu principal Shara. Enki (en sémite Ea) est à
Eridu, le dieu-soleil Utu (Shamash) est à Sippar et Larsa, le dieu-lune Nanna (Sîn) à Ur, le
dieu-guerrier Zababa à Kish, Dumuzi à Bad-tibira, Nisaba à Èresh, etc. Nippur est le lieu de
culte d'Enlil et de son fils Ninurta. La déesse Inanna (Ishtar) est vénérée dans l'Eanna à Uruk,
le dieu du Ciel An dans le quartier de Kullab de la même cité (ces deux localités étant
considérées comme ayant été distincte à l'origine avant de se fondre dans une même ville).

Cette situation se retrouve en dehors de basse Mésopotamie. Ebla a ainsi pour divinité
tutélaire Kura, le dieu de l'Orage Adda dispose d'un grand sanctuaire à Alep, le dieu de la
végétation Dagan à Tuttul. La déesse principale de Byblos est la « Dame de Byblos » (Bala'at
Gubal), dont le temple s'agrandit à cette période. Une situation similaire prévaut en Élam, à ce
que l'on voit dans les textes de la période suivante : Humban et Pinikir semblent être les dieux
d'Awan, la déesse Kiririsha vient de Liyan.
Ébauche d'un panthéon

Malgré cette distinction, qui reflète les forts particularismes locaux existant en basse
Mésopotamie, un panthéon se forme, quoiqu'imparfait, regroupant les principales divinités
sumériennes. Il apparaît plus clairement aux périodes suivantes. Les divinités ne sont en effet
pas limitées à leur territoire, et les plus importantes ont un rayonnement très étendu
géographiquement.

Le panthéon mésopotamien est dominé par trois dieux : An est considéré comme le père des
dieux, il joue un rôle de patriarche ; mais c'est son fils Enlil qui est le véritable roi des dieux ;
Enki, quant à lui, joue avant tout sur ses capacités intellectuelles, c'est le conseiller avisé. Ces
trois dieux ont donc chacun une forme différente d'autorité.

Trois autres divinités se détachent ensuite : Nanna, Utu, et Inanna. Ce sont trois divinités liées
aux astres, Inanna étant également considérée comme la planète Vénus. Cette déesse est
vénérée dans de nombreses cités mésopotamiennes, en dehors d'Uruk ; elle dispose de temples
importants à Zabalam, Kish (Mésopotamie), plus tard Akkad. Elle tend à devenir la déesse par
excellence, éclipsant toutes les autres, même si Ninhursag ou Nisaba ont encore une place
importante à cette période.

Certains de ces grands dieux se retrouvent jusqu'en Syrie, comme le montrent les textes
d'Ebla : Enlil, Enki, Utu. Inanna est assimilée à Ashtart. Mais les dieux régionaux Dagan et
Adda ont une forte personnalité, et le premier est également mentionné en basse
Mésopotamie.

Le culte

Vase en argent dédié à Ningirsu par le roi Entemena de Lagash.

Le temple est considéré comme le lieu de résidence de la divinité : c'est sa « maison »


(sumérien É). Il est incarné dans une statue qui se trouve dans le sanctuaire. Celle-ci assure sa
présence réelle, et on lui rend les hommages dus au dieu : on la nourrit, on la lave, on
l'habille. C'est le clergé qui est chargé de cela, au cours de cérémonies ritualisées, les fidèles
n'ayant accès à la partie du temple où se trouve la statue. La dévotion de ces derniers se voit
dans les offrandes qu'ils font aux dieux, attestées notamment par des tablettes de listes de
présents, ainsi que de nombreux ex-voto (statues, stèles, vases, armes, etc.), parfois dédicacés,
retrouvés dans des temples. Les souverains entretenaient un rôle privilégié avec les dieux, et
donnaient les offrandes les plus prestigieuses, assuraient la restauration ou la construction des
édifices sacrés.

Notes
1. ↑ Maximilien Lormier, Stratigraphies comparées au IIIe millénaire au pays de Sumer. Etudes de cas de
Kish, Nippur et des cités de la vallée de la Diyala, éditions UVSQ, 2008
2. ↑ R. McC. Adams, Heartland of Cities. Surveys of Ancient Settlement and Land Use on the Central
Floodplain of the Euphrates, Chicago, 1981¨, p. 194
3. ↑ En Syrie, Aux origines de l'écriture, Louvain, 1997
4. ↑ J.-C. Margueron, Mari : métropole de l'Euphrate au IIIe et au début du IIe millénaire av. J.-C., Paris,
2004
5. ↑ (it) Ebla, alle origini della civiltà urbana, Milan, 1995 ; P. Matthiae, Aux origines de la Syrie,
Ebla retrouvée, Paris, 1996
6. ↑ P. de Miroschedji, L'urbanisation de la palestine à l'âge du Bronze Ancien, Londres, 1989
7. ↑ (en) François Vallat, Elizabeth Carter, R. K. Englund, Mirjo Salvini, Françoise Grillot-Susini,
Sylvie Lackenbacher, « Elam [archive] », in Encyclopædia Iranica en ligne [archive], 1998 ; (en) D. T.
Potts, The Archaeology of Elam: Formation and Transformation of an Ancient Iranian State,
Cambridge, 2004
8. ↑ Sur les civilisations du plateau iranien au IIIe millénaire, voir P. Amiet, L'âge des échanges inter-
iraniens, 3500-1700 av. J.-C., Paris, 1986
9. ↑ (en) J. Aruz (éd.), Art of the first cities, the Third millennium B.C. from the Mediterranean to the
Indus, New Haven et Londres, 2003 [1] [archive]
10. ↑ (en) R. L. Zettler, L. Horne (éds.), Treasures from the royal tombs of Ur, Philadelphie, 1998
11. ↑ (en) H. E. W. Crawford, « Mesopotamia's Invisible Exports in the Third Millennium B.C. », dans
World Archaeology 5/2, 1973, p. 232-241
12. ↑ M. Sauvage, La brique et sa mise en œuvre en Mésopotamie. Des origines à l'époque achéménide,
Paris, 1998, p. 115-124
13. ↑ J.-L. Huot, Une archéologie des peuples du Proche-Orient, t.I, Des peuples villageois aux cités-États
(Xe-IIIe millénaire av. J.-C.), 2004, p. 112-114
14. ↑ Ibid., p. 114-117
15. ↑ Ö. Tunca, L'architecture religieuse protodynastique en Mésopotamie, Louvain, 1984
16. ↑ J.-C. Margueron, Recherches sur les palais mésopotamiens de l'Âge du Bronze, Paris, 1982
17. ↑ M. Lebeau et A. Suleiman (dir.), Une cité du Bronze ancien en Jezireh syrienne : 10 ans de travaux
(1992–2002), Damas, 2005, p. 15-17 [2] [archive]
18. ↑ J.-L. Huot, op. cit., p. 123-127
19. ↑ (en) L. Woolley (dir.), The Royal Cemetery: A Report on the Predynastic and Sargonid Graves
Excavated Between 1926 and 1931, Philadelphie, 1934 ; (en) R. L. Zettler, L. Horne (éds.),
Treasures from the Royal Tombs of Ur, Philadelphie, 1998 ; (en) A. C. Cohen, Death Rituals,
Ideology, And the Development of Early Mesopotamian Kingship: Toward a New Understanding of
Iraq's Royal Cemetery of Ur, Leyde, 2005
20. ↑ J.-L. Huot, op. cit., p. 118-120
21. ↑ Ibid., p. 168-169
22. ↑ Ibid., p. 160
23. ↑ Ibid., p. 120-121
24. ↑ Ibid., p. 131-132
25. ↑ Ibid., p. 121-123 ; P. Amiet, La glyptique mésopotamienne archaïque, Paris, 1980
26. ↑ La synthèse la plus complète sur ce point est (de) J. Bauer, R. K. Englund, M. Krebernik,
Mesopotamien, Späturuk-Zeit und frühdynastische Zeit, OBO 160/1, 1999
27. ↑ (en) G. Visicato, The Bureaucraty of Shuruppak. Administrative Centers, Central offices,
Intermediate Structures and Hierarchies in the Economic Documentation of Fara, Münster, 1995
28. ↑ (de) G. J. Selz, Altsumerische Verwaltungstexte aus Lagaš, 2 t., Stuttgart, 1989 et 1993 ; (en) K.
Maekawa, « The Development of the É-MÍ in Lagash during Early Dynastic III », dans Mesopotamia
8/9, 1973-74, p. 77-144
29. ↑ (en) M. Powell, « Texts from the Time of Lugalzagesi. Problems and Perspectives in Their
Interpretations », dans Hebrew Union College Annual 49, 1979, p. 1-58
30. ↑ Résumé des découvertes des archives de Tell Beydar dans M. Lebeau et A. Suleiman (dir.), Une cité
du Bronze ancien en Jezireh syrienne : 10 ans de travaux (1992–2002), Damas, 2005, p. 29-34
[3] [archive]
31. ↑ (en) R. Matthews, Cities, Seals and Writing, Archaic Seals Impressions from Jemdet Nasr and Ur,
Berlin, 1993
32. ↑ (en) P. Steinkeller, « Archaic City Seals and the Question of Early Babylonian Unity », dans T.
Abusch (dir.), Riches Hidden in Secret Places, Ancient Near Eastern Studies in Memory of Thorkild
Jacobsen, Winona Lake, 2002, p. 249-257
33. ↑ (en) T. Jacobsen, « Early political development in Mesopotamia », dans ZA 52, p. 91-140
34. ↑ Par exemple (en) H. Nissen, « Aspects of the development of early cylinder seals », dans McGuire
Gibson et R. D. Biggs (dir.), Seals and Sealing in the Ancient Near East, Malibu, 1977, p. 15-23
35. ↑ (en) Traduction par l'ETCSL [archive]
36. ↑ (en) J. S. Cooper, The Lagash-Umma Border Conflict, Malibu, 1983
37. ↑ Pour les dernières propositions sur la chronologie des relations internationales éblaïtes, (en) A.
Archi et M. G. Biga, « A Victory over Mari and the Fall of Ebla », dans Journal of Cuneiform Studies
55, 2003, p. 1-44

L'empire d'Akkad

L'empire d'Akkad (ou empire akkadien) est un grand État fondé par Sargon d'Akkad (2334
– 2279 av. J.-C.) qui domina la Mésopotamie de la fin du XXIVe au début du XXIIIe siècle
avant J.-C..

Il est généralement considéré comme le premier empire du monde. Son importance se mesure
surtout par le fait qu'il a profondément marqué l'histoire de la Mésopotamie, et que le souvenir
de ses rois les plus prestigieux, Sargon et son petit-fils Narâm-Sîn, a perduré pendant de
nombreux siècles, et a donné lieu à différentes légendes, plus qu'aucune autre dynastie
mésopotamienne.

Il est pourtant difficile de démêler la réalité de la légende dans ces récits, d'autant plus que la
documentation écrite datant de la période est essentiellement de nature administrative, et que
la documentation archéologique pose des problèmes d'analyse. L'Empire d'Akkad donne tout
de même l'image d'une période ayant marqué un grand changement, perceptible dans
l'organisation du pouvoir et son idéologie, ainsi que dans l'art officiel.
Le Proche-Orient et la Mésopotamie au début de la période d'Akkad.

Les sources

Liste des victoires de Rimush, roi d'Akkad, sur des souverains du Plateau iranien, copie sur
tablette d'argile d'une inscription monumentale, c. 2270.

La période de l'Empire d'Akkad est documentée par environ 5 000 tablettes cunéiformes
contemporaines, provenant de plusieurs sites dispersés géographiquement : en basse
Mésopotamie (Girsu, Umma, Nippur, Adab), dans la vallée de la Diyala (Eshnunna,
Khafadje), et dans les régions adjacentes (Suse en Élam, Gasur en haute Mésopotamie, Tell
Brak en Syrie)1. Cela constitue un changement par rapport à la période précédente, celle des
Dynasties archaïques, documentée par un nombre limité de sites. Il s'agit de tablettes
administratives, rédigées en akkadien ancien ou en sumérien. Notre connaissance de la
dynastie d'Akkad reste néanmoins fortement entravée par le fait que l'on ne sait toujours pas
où se trouvait sa capitale, la ville d'Akkad/Agadé2.

L'activité des rois d'Akkad est connue par diverses inscriptions qu'ils ont fait rédiger3. Si
certaines datent de leur règne, beaucoup ont été recopiées plus tard, du fait du prestige de ces
personnages, notamment au début du IIe millénaire, et c'est donc indirectement qu'elles nous
sont parvenues. Les rois d'Akkad ont également fait l'objet d'une production littéraire
postérieure à la chute de leur royaume, dès les temps de leurs successeurs de la Troisième
dynastie d'Ur (XXIe siècle) et jusqu'à la fin de la civilisation mésopotamienne (voir plus bas).
Mais il reste à démêler le vrai du faux dans ces traditions bien souvent fantasmées4.

La période d'Akkad est également documentée par diverses œuvres d'art, elles aussi provenant
de divers sites, notamment Suse où un certain nombre d'entre elles avaient été emmenées en
butin par des souverains élamites de la seconde moitié du IIe millénaire après des campagnes
militaires en basse Mésopotamie5. Il est en revanche bien difficile d'identifier les niveaux
archéologiques de la période d'Akkad sur les sites de basse Mésopotamie, en l'absence d'une
culture matérielle et d'une architecture qui distingue bien celle-ci de la précédente, le
Dynastique archaïque III. Il existe un débat pour savoir s'il est possible ou pas de déterminer
une céramique caractéristique de la période d'Akkad6. Du reste, on constate que les évolutions
artistiques se produisent progressivement durant la domination de l'Empire d'Akkad, et que la
vraie rupture se fait sous Manishtusu et Narâm-Sîn. Les seules constructions attribuables avec
certitude à cette période qui aient été identifiées l'ont été sur des sites de haute Mésopotamie
réaménagées après leur conquête (Tell Brak, Tell Leilan, Tell Beydar).

Les débuts

Arbre généalogique de la dynastie d'Akkad

L'empire d'Akkad est avant tout l'œuvre d'un homme, passé à la postérité dans l'histoire de la
Mésopotamie : Sargon d'Akkad. Ce personnage est resté très présent dans la tradition
mésopotamienne postérieure, et de nombreuses choses ont été écrites à son propos, à tel point
qu'il est bien souvent difficile de distinguer la réalité historique de la légende7. Un fait reste
certain car présent dans plusieurs traditions : Sargon n'est pas de sang royal. Son nom de
règne (le seul qui lui soit connu), Sharrum-kîn, signifie « le roi est stable », comme s'il avait
cherché à faire oublier qu'il n'est pas roi de naissance. La légende racontant sa naissance et
son enfance ne le cache pas : Sargon serait le fils d'une prêtresse, qui l'aurait abandonné, avant
qu'il ne soit récupéré puis élevé par un jardinier. C'est grâce à l'aide de la déesse Ishtar que
Sargon, devenu ministre du roi Ur-Zababa de Kish, serait devenu roi.

C'est donc un usurpateur qui prend le pouvoir dans la puissante cité de Kish après un coup
d'État vers 2334. Mais à cette période, le roi le plus puissant est Lugal-zagezi d'Umma, qui
règne depuis la cité d'Uruk. D'après les copies de ses inscriptions postérieures à son règne,
Sargon le bat, en même temps que d'autres chefs de cités, soumettant toute la basse
Mésopotamie jusqu'au Golfe Persique. Mais il instaure un changement : alors que les anciens
souverains victorieux se contentaient d'une suzeraineté sur les autres rois de la région, il
décide d'annexer chacune des vieilles cités-États de Sumer et d'Akkad dans un vaste royaume
qui a pour centre une ville qu'il élève au rang de capitale, Akkad. C'est une véritable
révolution dans l'histoire de la Mésopotamie.

Les grandes conquêtes

Scène de combat, détail d'une stèle fragmentaire du règne de Naram-Sin.

Après avoir soumis le Sud de la Mésopotamie, Sargon va diriger des expéditions en direction
des régions adjacentes, en direction du nord-ouest et de l'est. Vers la haute Mésopotamie, il a
probablement soumis le royaume de Mari, et peut-être celui d'Ebla en Syrie. Mais la
chronologie des conquêtes des rois d'Akkad vers l'ouest reste confuse, et on ne sait pas s'il
faut attribuer les destructions attestées sur les sites de la région aux conquêtes de Sargon, de
Narâm-Sîn, ou bien à des conflits entre royaumes locaux. En tout cas, une inscription de
Sargon dit qu'il s'est rendu jusqu'à Tuttul sur le moyen Euphrate, où il rend hommage au
grand dieu Dagan, qui lui aurait alors conféré la domination des terres allant jusqu'à la
Méditerranée. Mais cela paraît exagéré, quoi qu'on ne puisse nier que Sargon ait alors effectué
plus de conquêtes que les rois l'ayant précédé. Il se proclame alors « Roi des pays »
(LUGAL.KALAM.MA). D'autres campagnes sont lancées contre les rois élamites d'Awan, dans
le Plateau iranien.

Murex portant le nom de Rimush, « roi de Kish », c. 2270, Musée du Louvre.


Quand Sargon meurt en 2279, son fils Rimush (« Son cadeau ») lui succède. Il semble que la
fin de règne du grand roi ait vu une grande rébellion soulever la basse Mésopotamie, et fut
difficilement matée. Il est en tout cas clair que Rimush fait face à ce problème dès son
intronisation. Il tient bon, soumet les rebelles dirigés par Kaku d'Ur, qui s'est rallié plusieurs
cités (Adab, Lagash, Zabalam, Kazallu), et assure ainsi la postérité de l'œuvre de son père.
Pour la première fois là aussi, les conquêtes d'un grand roi ne sont pas perdues à sa mort.
Rimush serait mort assassiné en 2270, et son frère Manishtusu (littéralement « Qui est avec
lui ? », c'est-à-dire « Qui est son égal ? ») lui succède. Il mène des campagne en direction du
Plateau iranien, et aussi du Golfe Persique, jusqu'au pays de Magan (Oman)

Son fils Naram-Sin (« Aimé de Sîn ») monte sur le trône en 2254. C'est lui aussi une grande
figure de l'histoire mésopotamienne, mais qui a laissé une image plus négative que son grand-
père. Dès son intronisation il a dû faire face à une grande rébellion en basse Mésopotamie,
menée par deux personnages : Iphur-Kish à Kish, qui rallie des cités voisines (Sippar, Eresh,
Kazallu), et Amar-girid d'Uruk, accompagné par d'autres cités du sud (Ur, Lagash, Adab,
Shuruppak, etc.)8. D'après les traditions se rapportant à cette grande révolte, la répression fut
terrible. Narâm-Sîn fut un grand conquérant. Son règne est marqué par des expéditions en
haute Mésopotamie et en Syrie du nord, vraisemblablement dans la continuité de son grand-
père, même s'il demeure possible qu'il soit le premier roi d'Akkad à soumettre fermement
cette région. Puis il remporte d'autres victoires contre le Subartu, Awan voire Magan (la côté
d'Oman). C'est sous ce règne qu'ont lieu différentes mesures et des constructions qui
renforcent le caractère impérial du royaume d'Akkad. Narâm-Sîn n'aurait selon la tradition
rendu convenablement le culte à Enlil, le plus grand dieu de la basse Mésopotamie. Les
générations postérieures ont condamné cet évènement, qui aurait jeté une malédiction sur le
roi d'Akkad et ses successeurs, parce qu'il a suscité l'ire des dieux (voir plus bas). Dans les
faits, les dernières années du règne de Naram-Sin marquent effectivement le début de la fin de
l'empire d'Akkad.

Le premier empire

Détail de la Stèle de victoire de Naram-Sin, musée du Louvre : le souverain domine la scène


et porte une tiare à cornes, attribut divin.

Avec Akkad, pour la première fois dans l'histoire du Proche-Orient apparaît une grande
construction étatique englobant un ensemble d'anciens micro-États en son sein. Cela entraîne
un grand changement dans la conception de la fonction du souverain. Auparavant lié au cadre
de la cité-État, celui-ci avait un rôle limité. Avec la constitution d'un vaste empire sous la
dynastie d'Akkad, le souverain prend une nouvelle dimension. Cela est surtout perceptible
sous Naram-Sin, qui développe une véritable idéologie impériale. Il se dit « Roi des Quatre
Régions » (c'est-à-dire de tout le monde connu), ce qui traduit une ambition de domination
universelle, jusqu'alors absente de l'idéologie royale mésopotamienne. De plus, nouveauté là
aussi, il fait précéder son nom du déterminatif de la divinité, et dans les représentations il
porte la tiare à cornes, attribut des dieux : le roi est donc d'une essence divine. Mais comme
les rois précédents, il se présente comme étant l'élu des dieux, cherchant à accomplir leur
volonté. La grande divinité patronnant la dynastie d'Akkad est Ishtar (Inanna pour les
Sumériens), qui dispose d'un grand temple dans la capitale du royaume. Mais le pourvoyeur
de la royauté reste le grand dieu sumérien Enlil, comme le veut la tradition de basse
Mésopotamie.

L'apparition d'une idéologie de nature impériale à l'époque d'Akkad n'est cependant pas une
véritable révolution. On a longtemps voulu voir en Sargon un pionnier, mais il se situe en fait
dans la continuité de souverains de basse Mésopotamie dont la puissance avait déjà excédé
celle des rois de cités-États ordinaires. Une grande place doit être accordée à Lugal-zagesi, roi
originaire d'Umma mais établi à Uruk, et prédécesseur direct de Sargon, dont il a
vraisemblablement inspiré l'œuvre politique9. De plus, Sargon débute ses conquêtes à partir du
royaume de Kish, qui est depuis plusieurs siècles l'un des plus puissants de la basse
Mésopotamie, et a une grande influence politique voire culturelle10.

Du reste, la tradition idéologique n'est réellement bousculée que sous les successeurs de
Sargon, avant tout Naram-Sîn. Progressivement un nouvel art royal apparaît, suivant
l'évolution de la conception de la royauté, et on met en place une administration centralisée
sur les cadres territoriaux anciens. On effectue une standardisation des textes administratifs,
qui sont écrits dans tous les centres administratifs de l'Empire avec une même graphie, et dans
un même type d'akkadien, pour être plus facilement compris et contrôlés par un personnel
administratif homogène dans tout le territoire, alors qu'à côté subsistent les habitudes locales11.

Le souverain continue à diriger l'État de manière traditionnelle, entouré de ses fidèles,


auxquels il octroie de nombreux présents ainsi que des terres. Les personnages les plus hauts
placés et les gouverneurs des régions-clés sont souvent issus de la famille royale, où liés de
près à elle. Les princes sont parfois nommés gouverneurs, comme les fils de Narâm-Sîn,
Lipit-ili (à Marad) et Nabi-Ulmash (à Tutu). Les princesses étaient souvent consacrées
prêtresses des grands temples du sud mésopotamien : Enheduanna fille de Sargon (connue par
les poèmes qui lui sont attribués) dans le temple de Nanna à Ur, Enmenanna fille de Narâm-
Sîn dans même temple, et sa sœur Shumshani, grande prêtresse de Shamash à Sippar. L'élite
de la puissante armée akkadienne est encadrée par les proches du souverain, et constitue une
sorte de garde royale, peut-être permanente (sans doute entretenue par la concession de terres
de service).

Administration du territoire et structures économiques


L'État d'Akkad est organisé en provinces, dirigées dans le sud par des gouverneurs parfois
appelés ENSÍ, titre sumérien auparavant utilisé pour désigner les souverains de certaines cités.
Elles correspondent apparemment dans cette région aux anciennes limites des cités-États
annexées lors de la conquête par Sargon, dont les souverains ont été remplacés par des fidèles
du roi, originaires d'Akkad. D'une manière générale, l'élite du royaume est faite et défaite par
le roi, et elle est dominée par la famille royale qui accapare les charges les plus importantes
comme vu précédemment. En plus de charges importantes, le souverain dispensait aussi de
nombreuses terres à ses fidèles, comme le montre l'obélisque de Manishtusu, stèle en diorite
conservée au Musée du Louvre12, qui porte une attestation d'achats de terres réalisés par le roi
dans la région de Kish, 3 500 hectares environ, redistribués ensuite à des officiers, les « fils
d'Akkad », qu'il faut comprendre comme ses proches13.

La basse Mésopotamie, cœur de l'Empire d'Akkad, est divisée en deux grandes régions qui
sont appelées plus tard Sumer et Akkad. La première est majoritairement peuplée de
Sumériens, comme le révèle l'étude des noms de personnes provenant des archives de cette
région, plus de 80 % étant en sumérien14. Dans le pays d'Akkad en revanche, on trouve
environ plus de 80 % de noms en akkadien, langue sémitique, qui est celle de la dynastie
d'Akkad, qui en fait la langue principale de l'administration, même si elle cohabite avec le
sumérien dans le sud. On se pose souvent la question de savoir dans quelle mesure la
domination des Sumérophones par les Akkadophones a pu être ressentie. On a parfois tenté de
faire des révoltes ayant embrasé le sud de la Mésopotamie comme des révoltes pour
l'indépendance de Sumer contre Akkad, mais en réalité les rebelles sont aussi bien du pays de
Sumer que de celui d'Akkad. De fait, même s'ils privilégient les gens de la noblesse d'Akkad
et leur langue, du fait de leurs origines, les rois d'Akkad n'ont jamais cherché à exclure les
Sumériens, et n'ont pas délaissé l'héritage des cités-États de Sumer, en reprenant certaines de
leurs traditions, notamment en matière religieuse. Cela se voit dans le destin d'Enheduanna,
fille de Sargon portant un nom sumérien, placée à la tête d'un des grands sanctuaires de
Sumer, et rédigeant peut-être même des œuvres littéraires dans la langue de cette région15. La
vocation impériale de l'État d'Akkad implique qu'il ait des vues universalistes, et ne cherche
pas à favoriser une ethnie en particulier.

Traité d'alliance entre Naram-Sin d'Akkad et un roi d'Awan, c. 2250, Suse, Musée du Louvre.

Dans les régions conquises, quand il n'y avait pas de centre administratif déjà en place, on en
créait de nouveaux, et parfois on établissait des forteresses, ou bien on construisait de
nouveaux palais et habitats dans des villes conquises. C'est le cas à Tell Brak en haute
Mésopotamie, où a été mis au jour un vaste bâtiment dont les inscriptions de fondation sont au
nom de Narâm-Sîn, servant sans doute de résidence à un gouverneur, entouré d'autres
bâtiments de la même époque, témoignant d'un réaménagement de la ville après sa conquête16.
D'autres constructions de ce type avaient été entreprises à Tell Leilan dans la même région.
En revanche, nous ne savons pas si les rois d'Akkad ont entrepris des travaux à Ninive,
comme une tradition locale postérieure le prétend17. Les provinces hors de basse Mésopotamie
sont contrôlées par des gouverneurs qui ont une fonction militaire importante, surtout dans les
périphéries de l'empire. Les rois d'Akkad peuvent également passer des accords politiques
avec les royaumes situés à leurs frontières pour leur sécurité. On dispose ainsi d'une tablette
d'un traité de paix passé entre Narâm-Sîn et un roi d'Awan, retrouvé à Suse et rédigé en
élamite, qui semble faire du second un vassal du premier, l'obligeant à suivre sa ligne
politique, à ne pas le trahir, et à lui apporter une assistance militaire si nécessaire18.

Les gouverneurs d'Akkad ont des prérogatives judiciaires, doivent prélever les impôts, et sont
chargés de la gestion de domaines royaux souvent immenses, qui correspondent aux domaines
des souverains déchus, et sont gérés selon la tradition locale de trois façons : directement par
les dépendants du palais, ou indirectement par des métayers, ou encore concédés à des
fonctionnaires ou militaires comme rétribution pour le service accompli. Des intendants
(ŠABRA) s'occupent de l'administration de ces domaines. De telles institutions sont attestées
en plusieurs endroits : à Nippur19, Lagash, mais aussi hors de basse Mésopotamie, à Gasur20.
Un des mieux connus est celui qui est dirigé par Mesag, peut-être le gouverneur d'Umma, au
sud de cette province21. Il couvre environ 1 270 hectares, et emploie 300 dépendants. Cela
correspond à des domaines tels que celui du temple de Ba'u à Lagash durant la période
précédent les conquêtes de Sargon. Les structures économiques et sociales de la basse
Mésopotamie n'ont donc pas été modifiées par l'Empire d'Akkad22.

Inscription de Naram-Sin commémorant la construction d'un temple à Marad par son petit-fils
Lipit-Ili, gouverneur de cette ville, c. 2250, Musée du Louvre.

Les temples disposaient toujours de domaines importants là où ils en avaient auparavant,


c'est-à-dire dans la région de Sumer et dans la Diyala. Cela est attesté notamment par les
archives de l'Ekur à Nippur23 et un autre lot provenant d'Eshnunna24. Leur administration
semble généralement chapeautée par le gouverneur local, mais à Nippur c'est un
administrateur spécifique choisi par le roi, le SANGA, qui dirige l'Ekur, le grand temple du
dieu Enlil, principale divinité de la Mésopotamie. Le roi participait à leur entretien courant, et
on connaît bien la reconstruction de l'Ekur entreprise par Narâm-Sîn et poursuivie par son fils
Shar-kali-sharri grâce aux archives exhumées dans ce temple.

D'autres activités sont attestées par un nombre plus réduit de tablettes. Certains documents
provenant de Suse montrent l'activité de marchands (DAM.GÀR) qui agissent sous le contrôle
de l'État, et dont les réseaux commerciaux ont pour but d'acheminer des matières premières
vers la Mésopotamie qui en est très pauvre25. Mais d'autres textes montrent qu'il existe bien
des activités privées à cette période, certains marchands ou autres agents de l'État pouvant très
bien agir pour leur propre compte26. Le commerce international est très actif vers le Plateau
iranien, mais aussi le Golfe Persique, allant jusqu'à Oman (Magan) et la Vallée de l'Indus
(Meluhha), régions riches en matières premières. Des marchands mésopotamiens sont parfois
installés dans des comptoirs étrangers. On trouve aussi dans les archives de la période des
documents concernant des activités locales, de commerce de produits agricoles, d'achat et de
vente de champs, d'esclaves, ainsi que des opérations de prêts. Souvent la richesse des
personnes documentées paraît liée au pouvoir central. Ainsi, à Umma, un certain Ur-Shara
prend en charge du bétail appartenant au palais. Son épouse Ama-é prend en charge des terres
du palais, et effectue d'autres affaires à côté avec des personnes privées. Sans avoir de
fonction dans l'administration, des notables pouvaient donc faire des affaires fructueuses.
L'art de la période d'Akkad

Détail du fragment d'une stèle datant du règne de Naram-Sin.

La domination de l'Empire d'Akkad amène à la création d'un art officiel qui, tout en reprenant
l'héritage des Dynasties archaïques, apporte des modifications notables. Le règne de Sargon
d'Akkad est marqué par de timides évolutions. Il reste néanmoins mal connu du point de vue
artistique, car les stèles datant de son temps sont toutes en état fragmentaire27. Elles sont
encore très proches de celles des Dynasties archaïques, comme la Stèle des Vautours du roi
Eannatum de Lagash, mais le rendu des personnages se veut plus réaliste, ce qui est la marque
de fabrique des sculptures de la période d'Akkad sous les rois suivants. Sous le règne de son
fils Manishtusu, l'évolution est plus marquée28. Les artistes développent une sculpture en
diorite, de grande taille. Plusieurs statues représentent le roi en grandeur nature, et ont été
exhumées sur plusieurs sites, ce qui indique une production en série, ayant un but de
propagande. Ayant été mutilées durant l'Antiquité, il leur manque systématiquement la tête.
Du règne de Narâm-Sîn date une des œuvres les plus connues de la période, la Stèle de la
Victoire29, commémorant une campagne victorieuse de ce roi contre les Lullubi, un peuple du
Zagros. Bien que très lacunaire, on y voit bien l'exaltation du roi, surplombant ses soldats et
les ennemis vaincus, et dirigeant son regard vers des symboles astraux situés sur le haut de la
stèle et symbolisant la présence divine. Une autre grande œuvre des artistes officiels d'Akkad
est la tête royale en cuivre retrouvée à Ninive30. Comme toutes les sculptures de la période
d'Akkad, elle a été mutilée, mais cette fois-ci c'est la tête qui reste, bien que détériorée. On ne
sait pas quel roi elle est censée représenter. Elle est remarquable par le souci du détail typique
de la période dans la représentation de la chevelure et la barbe du roi, ainsi que les traits de
son visage, et son air qui le place au-dessus des autres hommes. L'art officiel des rois d'Akkad
se distingue clairement de celui fait pour les notables du royaume, alors que durant la période
présargonique l'art royal et l'art des élites étaient similaires. Désormais, on réalise un art ayant
pour but d'exalter seulement la personne royale, d'en faire un personnage à part. Par son souci
du détail anatomique, la sculpture de cette époque annonce celle de la période néo-
sumérienne, attestée surtout par les statues du roi Gudea de Lagash31.

L'art de la période d'Akkad est donc représentatif de l'évolution idéologique qui touche le
pouvoir : le roi n'est plus un homme plus important que les autres, il est au-dessus du reste des
humains, et accède au rang divin32. Cela se voit surtout à l'apogée de l'art d'Akkad sous
Narâm-Sîn, qui est aussi le souverain aux ambitions impériales les plus évidentes. L'art est
attaché à la personne royale, et à clairement un but de propagande. Le roi est souvent montré
comme un guerrier victorieux, soumettant ses ennemis. Cet art émane manifestement de
véritables ateliers royaux. Mais cela n'entrave en rien l'évolution qualitative que l'on remarque
notamment dans le rendu anatomique des personnages sur les sculptures.

À côté de cet art officiel, la période d'Akkad voit le développement dans la glyptique d'un art
religieux représenté sur les sceaux-cylindres des personnages importants du royaume, très
souvent gravés dans de la chlorite à cette période33. L'exaltation de la monarchie est totalement
absente de ce type de support, mais la volonté d'uniformiser les thèmes religieux vient peut-
être du pouvoir et de ses tendances centralisatrices. C'est en tout cas par ces sources que nous
sommes le plus documentés sur la religion de cette période, étant donné que les inscriptions
font défaut sur ce point34. Cet art, s'il s'inspire de quelques thèmes des périodes précédentes,
est également très novateur, et là aussi se veut plus détaillé dans la représentation des
personnages. Certaines scènes représentent simplement des divinités, avec leurs attributs
caractéristiques. Il semble que les divinités soient plus individualisées qu'à la période
précédente. Les plus couramment représentées sont : Enki/Ea, le dieu des flots souvent
accompagné de son acolyte Ushmu, le dieu aux deux visages ; la divinité solaire
Utu/Shamash ; et la grande déesse Inanna/Ishtar. Deux grands thèmes faisant référence à la
mythologie sont récurrents dans la glyptique de l'époque35. Le premier est celui d'un combat
mettant en scène une divinité affrontant un animal réel ou imaginaire, inspiré de scènes de
combats héroïques déjà présentes dans la glyptique des siècles précédents. L'autre thème est
celui que P. Amiet a qualifié de « Grande Épiphanie », qui met en scène plusieurs divinités se
manifestant sur Terre dans un but d'apporter des forces dans le but de renouveler la Nature, en
la fertilisant (notamment Enki apportant ses flots). Cela renvoie peut-être à un rituel de fête du
Nouvel An, qui a alors lieu au début du printemps. En dehors de ces thèmes, l'un des plus
remarquables sceaux de la période est celui d'Ibni-sharrum, scribe de Shar-kali-sharri, deux
personnages nus, nommés lahmu, en train d'abreuver deux buffles, la scène étant organisée de
façon symétrique autour du cartouche portant le nom et la fonction du détenteur du sceau36.
Par sa qualité plastique, il s'agit d'un chef-d'œuvre de la glyptique d'Akkad et même de la
Mésopotamie antique.

La chute d'Akkad
Le règne de Naram-Sin voit l'arrivée d'une nouvelle menace : les Gutis. Ce peuple, considéré
comme barbare par les Mésopotamiens et originaire des régions occidentales du Zagros, lance
plusieurs raids meurtriers en Mésopotamie durant les dernières décennies de l'Empire
d'Akkad, et la tradition mésopotamienne que rapporte la Liste royale sumérienne lui a attribué
la chute de cet État. Le règne de Shar-kali-sharri (« Roi de tous les rois »), fils de Narâm-Sîn,
est peu documenté, et ce roi a été oublié dans les récits postérieurs sur la chute d'Akkad, qui
ne s'intéressent qu'à son père37. Les inscriptions du temps de Shar-kali-sharri mentionnent
certaines de ses campagnes vers l'Anatolie du sud-est, ainsi que des victoires en haute
Mésopotamie contre les Amorrites, qui apparaissent alors. Aux abords immédiats du pays
d'Akkad, à l'est, il doit repousser une attaque élamite, ainsi qu'une autre des Gutis. Cela
pourrait indiquer un affaiblissement du royaume. Shar-kali-sharri semble avoir des ambitions
plus modestes que son père, se proclamant simplement « roi d'Akkad ». Pourtant, l'État
semble bien lui survivre, même s'il est réduit en taille, puisque la Liste royale sumérienne lui
attribue au moins trois successeurs, sur lesquels on ne sait rien de plus. La chute d'Akkad fut
donc progressive.

La Liste royale prétend que des rois Gutis succédèrent à la domination des rois d'Akkad, mais
l'importance de ces successeurs est de plus en plus limitée. Mais la chronologie de cette
période est discutée, car on ne dispose plus de sources abondantes avant les débuts de la
Troisième dynastie d'Ur, Empire successeur de celui d'Akkad, datés de 2112. Selon une
proposition de J.-J. Glassner, trente ans seulement sépareraient la chute d'Akkad du début d'Ur
III38. Il semble que l'affaiblissement progressif de l'empire ait laissé la place à de nouvelles
ambitions, dont celles des rois gutis, mais aussi de personnes originaires des différentes
régions de l'empire ou de son voisinage, qui prennent alors leur indépendance, comme il est
attesté à Suse avec Puzur-Inshushinak, Lagash avec la « dynastie » de Gudea, ou Uruk avec le
royaume d'Utu-hegal, qui est à l'origine de celui de la dynastie d'Ur III fondé par Ur-Nammu
après un coup d'État. Les conditions de la chute de l'Empire akkadien restent donc
mystérieuses. Il a été proposé qu'un changement climatique, consécutif à une éruption
volcanique en haute Mésopotamie, ait pu influer sur ce déclin en entraînant la désertification
de certaines régions et des mouvements de population, mais cela reste très débattu39.

Postérité
L'expérience qu'a constitué l'empire d'Akkad a profondément marqué l'histoire de la
Mésopotamie. L'ancien système des cités-États laissa place à une nouvelle forme étatique
vouée à la domination universelle. L'empire de la Troisième dynastie d'Ur, qui se forme
quelques décennies après la chute d'Akkad, se situe dans la continuité de ce premier empire.

Dès les débuts d'Ur III, on ressent le besoin de justifier la chute d'Akkad par une explication
théologique, et on procède à la rédaction d'un texte en sumérien, appelé par les historiens
actuels la Malédiction d'Akkad40. Ce récit raconte comment Narâm-Sîn a perdu le soutien des
dieux, on ne sait pourquoi, et Enlil ne lui donne pas le droit de reconstruire son temple à
Nippur. De rage, Narâm-Sîn le fait détruire, et s'attire la malédiction des Dieux, qui
condamnent son royaume à la destruction, les Gutis jouant le rôle de châtiment divin. Cette
justification de la chute d'Akkad permet de légitimer le pouvoir des rois d'Ur III. C'est cette
image de roi orgueilleux et pêcheur qu'a forgé la tradition mésopotamienne à propos de
Narâm-Sîn. On la retrouve dans la Légende de Kutha, dans laquelle le roi refuse d'entendre les
mauvais présages à propos d'une bataille qu'il va mener, et perd. Mais il finit par l'emporter en
combattant quand les présages lui sont favorables41. La grande révolte qui a lieu au cours de
son règne a également donné lieu à une tradition littéraire comme vu précédemment42.

Tablette paléo-babylonienne relatant la légende de la naissance de Sargon.

Sargon a également été à l'origine d'une abondante littérature, qui est parfois sur-interprétée
dans la mesure où on dispose de peu d'inscriptions et de textes datant de son règne. On ne sait
pas dans quelle mesure ces récits, attestés jusqu'à la fin de l'époque néo-assyrienne (VIIIe-VIIe
siècles), suivent la réalité historique. C'est le cas du plus célèbre, l'Autobiographie de
Sargon43, récit racontant comment Sargon est abandonné à sa naissance par sa mère (une
prêtresse qui ne doit pas avoir d'enfants), qui le place dans un panier en osier sur l'Euphrate,
sur lequel il dérive jusqu'à Kish où il est recueilli par un puisatier, avant d'être plus tard
soutenu par la déesse Ishtar, qui l'aide à prendre le pouvoir. Plusieurs récits racontent ses
exploits guerriers, notamment celui dit Sargon, roi de la bataille44. Il relate une campagne,
sans doute légendaire, qu'il aurait mené en Anatolie, contre la ville de Purushkhanda. On en a
retrouvé un exemplaire en hittite à Hattusha, capitale des Hittites, ainsi qu'une version
akkadienne du récit à Tell el-Amarna, en Égypte, ce qui montre que le prestige de Sargon
s'étendait au-delà de la Mésopotamie.

La tradition mésopotamienne a donc distingué deux rois d'Akkad, Sargon et Naram-Sîn,


symbolisant toute l'importance qu'ils ont eu dans son histoire, et dans la construction de la
fonction royale et de l'impérialisme dans la région. Elle a surtout retenu d'eux leur puissance
militaire, aspect qu'ils ont justement le plus mis en avant. Au long de l'histoire
mésopotamienne les scribes ont recopié les inscriptions des rois d'Akkad, en plus des légendes
les concernant. Les deux souverains ont également fait l'objet d'un culte, sans doute dès la
période d'Ur III.

Notes et références
1. ↑ (en) B. R. Foster, « Archives and Record Keeping in Sargonic Mesopotamia », dans Zeitschrift für
Assyriologie 72, p. 1-27 ; (en) id., « Archives and Empire in Sargonic Mesopotamia », dans K. R.
Veenhof (dir.), Cuneiform Archives and Libraries, Leyde, 1986, p. 46-52
2. ↑ (en) C. Wall-Romana, « An Areal Location of Agade », dans Journal of Near Eastern Studies
49/3, 1990, p. 205-245
3. ↑ E. Sollberger et J.-R. Kupper, Inscriptions royales sumériennes et akkadiennes, Paris, 1971 ; (de)
I. Gelb et B. Kienast, Die altakkadischen Königsinschriften des dritten Jahrtausends v. Chr., Stuttgart,
1990 ; (en) D. Frayne, The Royal inscriptions of Mesopotamia, Early periods, vol. 3/2, Sargonic and
Gutian periods : 2334-2113 BC, Toronto, 1993
4. ↑ Sur les difficultés à analyser ces sources, voir notamment : (en) M. Liverani, « Model and
Actualization, The Kings of Akkad in the Historical Tradition »", dans M. Liverani (dir.), Akkad, the
first World Empire: Structure, Ideology, Traditions, Padoue, 1993 p. 41-67 ; (en) P. Michalowski,
« Memory and Deed: the Historiography of the political Expansion of the Akkad State », dans M.
Liverani, op. cit., p. 69-90 ; (en) J. Goodnick-Westenholz, « Objects with Messages: Reading Old
Akkadian Royal Inscriptions », dans Bibliotheca Orientalis 55, 1998, p. 44-59 ; (en) D. T. Potts,
« Reading the Sargonic ‘Historical-Literary' Tradition: Is There a Middle Course? (Thoughts on the
Great Revolt against Naram-Sin) », dans T. Abusch et al. (dir.), Historiography in the Cuneiform World
Part I, CRRAI 45, Bethesda, 2001, p. 391-408
5. ↑ P. Amiet, L'art d'Agadé au musée du Louvre, Paris, 1976
6. ↑ (en) H. J. Nissen, « Settlement Patterns and Material Culture in the Akkad Period: Continuity and
Discontinuity », dans M. Liverani (dir.), op. cit. p. 91-106 ; (en) McG.Gibson et A. McMahon,
« Investigation of the Early Dynastic-Akkadian Transition: Report of the 18th and 19th Seasons of
Excavation in Area WF, Nippur », dans Iraq 57, 1995, p. 1-39 ; (en) D. Matthews, « The Early
Dynastic-Akkadian Transition Part I: When Did the Akkadian Period Begin? », dans Iraq 59, 1997, p.
1-7 ; (en) McG. Gibson et A. McMahon, « The Early Dynastic-Akkadian Transition Part II: The
Authors' Response », dans Iraq 59, 1997, p. 9-14
7. ↑ (en) J. Goodnick-Westenholz, Legends of the Kings of Akkade, Winona Lake, 1997
8. ↑ (en) T. Jacobsen, « Iphur-Lish and Its Times », dans Archiv für Orientforschung 26, 1978-79, p. 1-
14 ; (en)S. Tinney, « A new look at Naram-Sin and the ‘great rebellion' », dans Journal of
Cuneiform Studies 47, 1995, p. 1-14 ; (de) C. Wilcke, « Amar-girids Revolt gegen Naram-Su'en »,
dans Zeitschrift für Assyriologie 87, 1997, p. 11-32
9. ↑ (en) P. Steinkeller, « Early Political Development in Mesopotamia and the Origins of the Sargonic
Empire », dans M. Liverani (dir.), op. cit., p. 107-129
10. ↑ (en) I. Gelb, « Ebla and the Kish Civilization », dans L. Cagni (éd.), La Lingua di Ebla, Naples,
1981, p. 9-72 ; id., « Mari and the Kish Civilization », dans G. D. Young (dir.), Mari in Retrospect,
Winona Lake, 1992, p. 121-202
11. ↑ (en) B. R. Foster, « Archives and Empire in Sargonic Mesopotamia », op. cit. ; id., « Management
and Administration in the Sargonic Period », dans M. Liverani (dir.), op. cit., p. 25-29
12. ↑ Description sur le site du Musée du Louvre [archive]. Transcription et traduction dans (en) I. J. Gelb,
P. Steinkeller, R. M. Whiting, Earliest Land Tenure Systems in the Near East: Ancient Kudurrus, Texts,
Chicago, 1991, p. 116-140
13. ↑ (en) B. R. Foster, « The Forty-nine Sons of Agade », dans S. Graziani (dir.), Studi sul Vicino
Oriente Antico dedicati alla memoria di Luigi Cagni, Naples, 2000, p. 308-219
14. ↑ (en) B. R. Foster, « Ethnicity and Onomasticon in Sargonic Mesopotamia », dans Orientalia 51,
1982, p. 297-353
15. ↑ J.-J. Glassner, « En-hedu-Ana, une femme auteure en pays de Sumer au IIIe millénaire ? », dans F.
Briquel-Chatonnet, S. Farès, B. Lion et C. Michel (dir.) Femmes, cultures et sociétés dans les
civilisations méditerranéennes et proche-orientales de l’Antiquité, Topoi supplément 10, 2009, p. 219-
231
16. ↑ (it) D. Oates, « Gli Accadi lungo l'Eufrate e nella Gezira », dans O. Rouault et M. G. Masetti-
Rouault (dir.), L'Eufrate in tiempo, La civiltà del medio Eufrate e delle Gezira siriana, 1993, p. 61-63 ;
(en) D. Oates, J. Oates et H. Mc Donald, Excavations at Tell Brak, Vol. 2, Nagar in the third
millennium BC, Londres et Cambridge, 2001
17. ↑ (en) J. Goodnick Westenholz, « The Old Akkadian Presence in Nineveh: Fact or Fiction », dans
Nineveh. Papers of the XLIXe Rencontre Assyriologique Internationale: London, 7-11 July 2003, Iraq
66, Londres, 2004, p. 7-18
18. ↑ (de) W. Hinz, « Elams Vertrag mit Naram-Sîn von Akkad », dans Zeitschrift für Assyriologie 58,
1967, p. 66-96
19. ↑ (en) A. Westenholz, Old Sumerian and Old Akkadian Texts in Philadelphia, part II: The
'Akkadian' Texts, the Enlilemaba Texts, and the Onion Archive, Copenhague, 1987
20. ↑ (en) B. R. Foster, « Administration of State Land at Sargonic Gasur », dans Oriens Antiquus 21,
1982, p. 39-48 ; Id., « People, Land and Produce at Sargonic Gasur », dans Studies on the Civilization
and Culture of Nuzi and the Hurrians 2, 1987, p. 87-107
21. ↑ (en) B. Foster, Umma in the Sargonic Period, Hamden, 1982
22. ↑ Vue générale des structures agraires de la période dans (en) P. Steinkeller, « Land-Tenure
Conditions in Southern Babylonia under the Sargonic Dynasty », dans B. Böck, E. Cancik-Kirschbaum
et T. Richter (dir.), Munuscula Mesopotamica, Festschrift für Johannes Renger, Münster, 1999, p. 553-
571
23. ↑ (en) A. Westenholz, op. cit.
24. ↑ (en) G. Visicato, « A Temple Institution in the Barley Records from Sargonic Ešnunna », dans ASJ
(Acta Sumerologica) 19, 1997, p. 235-259
25. ↑ (en) B. R. Foster, « ‘International’ Trade at Sargonic Susa (Susa in the Sargonic Period III) », dans
Altorientalische Forschungen 20/1, 1993, p. 59-68
26. ↑ (en) B. R. Foster, « Commercial Activity in Sargonic Mesopotamia », dans Iraq 39/1, 1977, p. 31-
43 ; (en) P. Steinkeller et J. N. Postgate, Third Millenium Legal and Administrative Texts in the Iraq
Museum, Bagdad, Winona Lake, 1992
27. ↑ P. Amiet, op. cit., p. 8-13
28. ↑ Ibid., p. 18-28
29. ↑ Description sur le site du Musée du Louvre [archive]. P. Amiet, op. cit., p. 29-32 ; (de) D. Bander,
Die Siegestele des Naramsîn und ihre Stellung in Kunst- und Kulturgeschichte, Idstein, 1995 ; A.
Benoit, Art et archéologie : les civilisations du Proche-Orient ancien, Paris, 2003, p. 260-261
30. ↑ (en) M. E. L. Mallowan, « The Bronze Head of the Akkadian Period from Nineveh », dans Iraq
3/1, 1936, p. 104-110 ; A. Benoît, op. cit., p. 258-259
31. ↑ P. Amiet, op. cit., p. 64
32. ↑ A. Benoît, op. cit., p. 82-83
33. ↑ (de) R. M. Boehmer, Die Entwicklung der Glyptik wärhend der Akkad-Zeit, Berlin, 1965 ; P.
Amiet, op. cit.
34. ↑ (en) A. Westhenholz, « The Old Akkadian Period: History and Culture », dans id. et W.
Sallaberger, Mesopotamien, Akkade-Zeit und Ur III-Zeit, Fribourg, 1999, p. 78-84
35. ↑ P. Amiet, op. cit., p. 44-63 ; A. Benoît, op. cit., p. 262-267
36. ↑ Description sur le site du Musée du Louvre [archive]. A. Benoît, op. cit., p. 268-269
37. ↑ J.-J. Glassner, La chute d'Akkadé, L'événement et sa mémoire, Berlin, 1986
38. ↑ J.-J. Glassner, « La fin d'Akkadê : approche chronologique », NABU 1994/9
39. ↑ (en) H. Weiss et A. Courty, « The Genesis and Collapse of the Akkadian Empire: the Accidental
Refraction of Historical Law », dans M. Liverani (dir.), op. cit., p.131-155 ; débat poursuivi, cf. par
exemple S. Cleuziou, « La chute de l'empire d'Akkadé : homme et milieux au Moyen-Orient », dans
Les nouvelles de l'archéologie 56, 1994, p. 45-48 et J.-J. Glassner, « La chute d'Akkadé, les volcans
d'Anatolie et la désertification de la vallée du Habur », dans Ibid., p. 49-51 ; puis H. Weiss et A. Courty,
« La chute de l'empire d'Akkadé ... (suite). Entre droite épigraphique et gauche archéologique, y a-t-il
une place pour la science ? », dans Les nouvelles de l'archéologie 57, 1994, p. 33-41
40. ↑ (en) J. Cooper, The Curse of Agade, Baltimore, 1983
41. ↑ (en) J. Goodnick-Westenholz, Legends of the Kings of Akkade, Winona Lake, 1997, p. 262-367
42. ↑ Ibid., p. 221-261
43. ↑ Ibid., p. 33-50
44. ↑ Ibid., p. 57-139

Période néo-sumérienne

Les principales villes mésopotamiennes de la période néo-sumérienne

Période de l'histoire de la Mésopotamie, couvrant la période allant de l'éviction des rois Gutis
de la Basse-Mésopotamie, au milieu du XXIIè siècle av. J-.C., jusqu'à la chute de la
Troisième dynastie d'Ur, en 2004 av. J.-C. Elle doit son nom au fait qu'on y voit un retour au
premier plan des Sumériens, après la domination de l'Empire d'Akkad. Cette période est avant
tout représentée par les rois de la seconde dynastie de Lagash (le plus célèbre étant Gudea), et
ceux de la Troisième dynastie d'Ur. Mais malgré cela, cette période est le chant du cygne des
Sumériens, qui disparaissent à ce moment ou peu après.

Les Gutis
(ou Quti, Kuti, Gurti, Qurti, Kurti) formait un peuple originaire des monts Zagros ayant vécu
en Mésopotamie aux IIIe et IIe millénaires avant l'ère chrétienne. Ils sont vraisemblablement
les ancêtres des Kurdes.

Historique des conquêtes


Les rois gutis prennent le pouvoir en Mésopotamie autour du XXIIe siècle av. J.-C. en causant
la chute de l'Empire d'Akkad, en -2193 en prenant la ville d'Agade dont la localisation reste
inconnue, à la fin du règne de Shar-kali-sharri. Le dernier roi du peuple gutis fut Tirigan, qui
fut précédé par 21 rois, pour un règne total d'environ un siècle (les estimations varient entre
80 et 120 ans, avec 91 ans souvent cité comme durée la plus probable). La troisième dynastie
d'Ur leur succéda.

Politique
Liste des rois Gutis

1. Inkishuc
2. Zarl-agab
3. Shulme
4. Silulumesh
5. Inimabakesh
6. Igecaush
7. Yarl-agab
8. Ibate
9. Yarl-angab
10. Kurum
11. Apil-kin
12. La-erabum
13. Irarum
14. Ibranum
15. Hablum
16. Puzur-Suen
17. Yarlaganda
18. Tirigan

Économie
Les Gutis élevaient du bétail.

Religion
Les Gutis célébraient la fête du nouveau jour.

Zardos
Les monts Zagros (Persan: ‫ ;رشته كوه زاگرس‬Kurde: Çîyayên Zagrosê) constituent la plus
grande chaîne d'Irak et la deuxième plus grande chaîne d'Iran. Elle a une longueur totale de
1 500 km depuis l'ouest de l'Iran, plus particulièrement la province du Kordestan, aux
frontières de l'Irak jusqu'au golfe Persique. La chaîne se termine au détroit d'Ormuz. Les
points culminants sont le Zard Kuh (4 548 m) et le mont Dena (4 359 m).

Les monts Zagros vus de l'espace, septembre 1992.


La zone est devenue relativement désertique mais semble avoir été plus verdoyante et a été
l'un des deux centres connus de domestication des chèvres il y a 10 000 ans environ, à la fin
de la dernière glaciation. Les analyses génétiques rétrospectives d'ADN fossile laissent penser
que les hommes ont dans ces monts d'abord protégé des populations de chèvres sauvages en
tuant leurs prédateurs, avant que les tribus ne commencent à les élever1.

Troisième dynastie d'Ur


La Troisième dynastie d’Ur (raccourci en Ur III) est, comme son nom l’indique, la
troisième dynastie de la ville sumérienne d’Ur, selon la tradition historiographique
mésopotamienne. Mais il s’agit surtout d’un grand empire fondé par les souverains de cette
dynastie, qui domina toute la Mésopotamie d’environ 2112 à 2004 av. J.-C. (chronologie
moyenne).

Dans l'histoire mésopotamienne, cette expérience impériale se situe dans la continuité de celle
des rois d'Akkad qui l'a précédée de deux siècles environ. La dynastie d'Ur III est toutefois
d'origine sumérienne et non akkadienne contrairement à son prédécesseur. Ses rois ont
essentiellement fait usage du sumérien, ce qui fait que cette période est parfois appelée
« période néo-sumérienne » (période à laquelle on inclut également la dynastie de Gudea de
Lagash qui s'achève avec le début de la domination d'Ur III), qui constituerait une
« renaissance sumérienne » après la domination des Akkadiens, même si cette vision est très
discutable.

Quoi qu'il en soit, la période d'Ur III est remarquable par la quantité de documentation écrite
qui nous est parvenue, en grande majorité de nature administrative, et qui nous donne une
connaissance importante du fonctionnement du royaume, de certains aspects de sa société et
de son économie. Cette abondance documentaire et l'analyse des pratiques des administrateurs
de l'époque ont pu donner l'impression d'un État bureaucratique. Il est au moins sûr que cet
Empire a vu la bureaucratie institutionnelle avoir une importance sans précédent et rarement
égalée par la suite dans l'histoire mésopotamienne, et a donné lieu à des expériences
administratives originales.

Ruines de la cité d'Ur, avec la ziggurat en arrière-plan.

Histoire politique
Principaux sites de la Mésopotamie sous la Troisième dynastie d'Ur.

Au milieu du XXIIe siècle, l'Empire d'Akkad est détruit par les barbares Gutis, qui dominent à
partir de ce moment le pays de Sumer et d'Akkad. Mais les Sumériens ne se laissèrent pas
dominer longtemps. Vers 2120, le roi d'Uruk, Utu-hegal, défait Tiriqan le roi des Gutis. Il
peut alors exercer sa souveraineté sur le sud mésopotamien. Mais son règne fut de courte
durée. En 2113, il est détrôné par des notables de la cour, à la tête desquels se trouve Ur-
Nammu, gouverneur d'Ur, et qui est peut-être son frère.

Ur-Nammu (2112-2095)

Dès son intronisation, Ur-Nammu affirme sa domination sur le territoire dirigé auparavant par
Utu-hegal, centré sur Uruk et Ur1. Il prend le titre de « roi de Sumer et d'Akkad ». Ur-Nammu
montre son intention de réunir sous sa coupe toutes les puissantes cités autrefois rivales du
sud de la Mésopotamie, et se présente en continuateur du royaume d'Akkad. Son règne est
surtout connu par l'introduction du code de lois qu'on lui attribue, par ses noms d’années, des
hymnes dont la rédaction est sans doute postérieure à sa mort, et aussi le « Cadastre d’Ur-
Nammu », qui fait une liste des territoires qu’il domine. Elle nous renseigne sur la conquête
de la basse Mésopotamie, des expéditions en direction du plateau iranien, ainsi qu'une œuvre
pacifique importante : restauration de grandes cités, nombreux hommages rendus aux dieux,
développement agricole par l’irrigation, réaménagements de routes. Il meurt en 2095, semble-
t-il au cours d'une expédition militaire.

Shulgi (2094-2047)

C'est alors son fils Shulgi qui lui succède2. Des réformes, qui sont la base de l'Empire d'Ur
pendant de longues années, sont attestées comme étant en place sous son règne (dans
l’administration, l’armée, les systèmes d’écritures, de mesures), mais on ne sait pas s’il en est
l’origine ou s’il poursuit une œuvre initiée par son père. Il se trouva en tout cas à la tête d'un
État bien organisé, servi par des fonctionnaires efficaces et dévoués. Devenu un roi puissant et
incontesté, il se fit diviniser autour de la vingtième année de son règne, reprenant la tradition
initiée par Naram-Sîn d'Akkad.
Autour de 2070, Shulgi rentra dans une politique extérieure expansionniste, et dirigea son
armée vers le nord de la Mésopotamie et l'Élam. Ces guerres furent sans doute motivées par
un besoin de sécuriser les frontières du riche royaume d'Ur, qui attirait bien des convoitises
chez des peuples potentiellement menaçants. Au nord, les pays de Karkhar, Simurrum,
Urbilum et Harshi (situés en bordure du Zagros, dans la région des deux Zab), peuplés de
Lullubi et de Hourrites, sont soumis au bout de onze campagnes. Pour protéger son pays, le
souverain d'Ur fit bâtir un mur, qui va de la Diyala à l'Euphrate. Les royaumes élamites
d'Anshan, de Marhashi et de Simashki furent soumis par la méthode douce, par des alliances
matrimoniales (Shulgi donnant ses filles en mariage pour rallier certains rois à sa cause), ou
forte, par des campagnes militaires. Shulgi s'empara de la grande cité de Suse et l'intégra à son
Empire.

Shulgi mourut en 2047, après 48 ans d'un règne bien accompli. Les causes de sa mort son
aussi peu claires que celles de son père, et il est possible que ses dernières années furent
tourmentées. Quoi qu'il en soit, son fils Amar-Sîn lui succède finalement, et fait ériger un
splendide tombeau à son père, digne de son statut divin.

Amar-Sîn, Shu-Sîn et Ibbi-Sîn

Amar-Sîn (2046-2038), le fils de Shulgi, lui succède. Il s'empara d'Assur, et poursuivit


l'œuvre militaire de son père au nord et à l'est, pour mater des soulèvements. Ses victoires lui
permirent d'assurer le calme dans ces régions. Tout comme son père, Amar-Sîn se fit déifier.
Il mourut en 2038, apparemment d'une infection due à une ampoule plantaire.

Shu-Sîn (2037-2029) doit dès son intronisation faire face à des révoltes contestant son autorité
au nord et attaquer l'Élam. Mais le danger principal ne vint pas de ces région affaiblies par de
longues années de guerre, mais plutôt de l'ouest, d'où arrivaient ceux que les Sumériens
appelaient MAR.TU, les Amorrites. Pour faire face à leurs intrusion, Shu-Sîn fit bâtir un grand
mur défensif. Désormais, le puissant royaume d'Ur était sur la défensive face aux hordes
nomades.

C'est Ibbi-Sîn (2028-2004), qui monte sur le trône à la mort du roi précédent dont on ne sait
pas s’il est son fils ou son frère, fait les frais de la montée en puissance des adversaires d'Ur,
et voit la fin du royaume.

Le royaume
L'organisation de l'Empire d'Ur III est bien connue grâce à la très abondante documentation
cunéiforme de cette période, provenant avant tout de trois sites, les anciennes villes de Girsu
(Tello), Umma (Tell Jokhar)3 et Puzrish-Dagan (Drehem)4, mais aussi de Nippur5 et Ur6. Plus
de 90 000 tablettes de cette période ont été exhumées, environ la moitié ayant été publiées. Il
s’agit pour l’immense majorité de tablettes administratives provenant de grands organismes
(des temples surtout). Mais le fait qu’elles ne proviennent que de quelques régions de basse
Mésopotamie limite la possibilité d’avoir une vue d’ensemble de l’organisation du royaume.

Le roi
Tablette du Chant d'Ur-Nammu, hymne faisant les louanges de ce roi.

Le personnage le plus haut placé est le roi (LUGAL) d'Ur. Il est l'élu de Enlil, roi des Dieux et
patron de l'Empire, ce qui lui assure une supériorité sur tous ses sujets. Depuis Shulgi, le roi
se fait diviniser, comme l'avait fait auparavant Naram-Sin d'Akkad. Il dispose donc d'un
prestige encore plus grand, mais son autorité n'est cependant pas sans limites. À sa mort, il est
toutefois vénéré comme un Dieu. Shulgi s'est même fait construire un mausolée prestigieux,
et s'est vu dédié des lieux de cultes.

L'administration du royaume

Après le roi, le second personnage de l'administration centrale est le SUKKAL.MAH (le grand
chancelier). Il dirige les SUKKAL (messagers), qui sont des inspecteurs ayant pour devoir de
contrôler les administrations locales. Le roi dispose ainsi d'un réseau de contrôleurs fidèles
qui lui permettent de savoir tout ce qu'il advient dans son pays. Grâce à un système de relais
situés chacun à une journée de marche d'un autre relai, ces fonctionnaires peuvent se déplacer
aisément et quadriller tout le territoire. Le SUKKAL.MAH est aussi chargé du gouvernement
des marches, qui sont les provinces les plus instables politiquement. L'Empire d'Ur était ainsi
un État fortement centralisé et bureaucratique.

L'Empire était divisé en une trentaine de provinces, ayant chacune un gouverneur à leur tête,
chargé de diriger l'administration civile et de rendre la justice, l'ENSÍ (ancien titre issu de la
période des Dynasties archaïques) ainsi qu'un gouverneur militaire, le ŠAGIN
(sumérien)/šakkanakkum (akkadien)7. Les provinces extérieures abritaient des colonies
militaires destinées à y maintenir la domination d'Ur et à défendre les frontières : c'étaient
donc des sortes de « marches ». Les gouverneurs civils sont souvent issus de la province qu'ils
dirigent, et il est courant que ce titre soit transmis par hérédité au sein de mêmes familles8. Ils
reprennent au niveau local certaines fonctions des rois d’avant la domination d’Ur III, aussi
bien dans l’administration, l’économie, que la religion. Il pouvait arriver aussi que certains
personnages réussissent à cumuler plusieurs fonctions d'ENSÍ. Les gouverneurs militaires des
régions périphériques étaient eux des hommes nouvellement implantés dans ces territoires, et
pouvaient être issus d'ethnies autres que les Sumériens ou les Akkadiens. Les souverains ont
parfois essayé de se les attacher par une politique d'alliances matrimoniales. Le hazannum
(traduit couramment par « maire ») représente quant à lui le pouvoir central au niveau local.

Pour diriger l'État, le roi dispose d'abord de ses propres terres. Mais celles-ci sont
insuffisantes pour permettre à l'État de subsister. Il perçoit donc des impôts (en fait des
redevances sur les produits agricoles ou manufacturés), payés principalement par les temples,
mais aussi par les particuliers, ainsi que des tributs livrés par les pays vaincus.
Il existe aussi un système de prélèvement spécifique à l'Empire d'Ur, appelé BALA (« cycle »
ou « rotation »), documenté par les archives exhumées à Drehem, l’antique Puzrish-Dagan9.
Chacune des provinces du KALAM (le « Pays », c'est-à-dire le cœur du royaume) est chargée
de payer à tour de rôle un tribut dont le montant est négocié par avance avec des représentants
du pouvoir central, en fonction des capacités de la région. Il s'agissait le plus souvent
d'animaux, mais aussi de productions dont la province dispose abondamment (céréales, bois).
Il semble que ces prélèvements pouvaient ensuite être stockés dans des centres de
redistribution, dont au moins Puzrish-Dagan, près de Nippur, qui aurait été spécialisé dans
l'élevage si on en juge par la documentation qui provient de ce site. Mais il se peut que le
tribut soit dirigé directement vers une autre province ayant des besoins spécifiques, ou tout
simplement être conservé et utilisé dans la province même. Ce système original mais qui reste
assez flou est en fait limité dans le temps, puisqu'il n'a été en place que sous le règne de
Shulgi et au début de celui d'Ibbi-Sîn.

Les provinces limitrophes (celles qui n'appartiennent pas au « Pays »), situées essentiellement
dans le Zagros, jusqu'à Suse au sud et Assur au nord, devaient s'acquitter du GUN.MADA
(« impôt sur la région »), un tribut annuel payé par les colonies militaires qui y sont
implantées10.

Société

La société de l'Empire d'Ur est divisée comme toute société de l’histoire mésopotamienne
entre libres et non libres. Les archives administratives ainsi que le Code d'Ur-Nammu
fournissent des renseignements sur ces catégories. Néanmoins, on discute encore de la nature
des relations sociales et il reste difficile d’en dresser un tableau d’ensemble sûr.

Les libres sont constitués du haut de l'échelle sociale, c'est-à-dire les membres de
l'administration de l'État, une minorité qui vit dans l'aisance, et surtout d'une majorité de gens
vivant dans des conditions moins enviables, les classes laborieuses. Ceux que l’on connaît par
les textes travaillent pour les palais et les temples, et sont groupés en unités de production. Ils
ont soit un métier dans lequel ils sont spécialisés, soit ils peuvent être employés à des tâches
différentes selon les besoins (moissons, récoltes, constructions, etc.). Il existait aussi une
classe particulière, les ERIN2 (« troupe »), des corvéables, dont la première fonction était d'être
des soldats mobilisés en temps de guerre, mais qui pouvaient aussi être employés pour des
travaux divers si besoin est.

Les esclaves (ÌR) étaient principalement des prisonniers de guerre, mais aussi quelquefois des
personnes ayant perdu leur liberté du fait de problèmes économiques (dettes, ventes d'enfants
par les parents), ou encore par des décisions juridiques. Les esclaves étaient intégrés dans les
troupes d'ERIN2, ou dans les unités de production des palais et des temples. L'esclavage
domestique est limité aux familles les plus riches. Les libres des classes laborieuses n'avaient
pas une meilleure situation que les non-libres, qui devaient avoir des conditions de vie et de
travail similaires, et qui disposaient de nombreux droits, notamment celui de propriété, et de
se marier. La différence vient du fait que l'esclave appartient à son maître, dont l'attitude
définira le degré de liberté de celui-ci. L'esclave pouvait être affranchi.

Économie
Bilan annuel d'une exploitation agricole de l'État d'Ur III, c. 2040.

L'économie est dirigée par les grands organismes, le temple et le palais. L'administration des
temples est à la charge du ŠABRA (« préfet »), qui est à la tête d'une administration parallèle à
celle des ministres du culte. Les souverains d'Ur ont imposé leur autorité sur les temples, qui
servent l'État selon ses besoins, par l’intermédiaire des gouverneurs provinciaux. Le secteur
privé est inconnu, faute de sources ; son rôle devait être secondaire à côté de celui des grands
organismes.

L’administration des grands organismes fonctionne avant tout autour d’une masse de
dépendants travaillant à plein temps directement pour le compte de l’institution, et payés en
rations d’entretien, en grain, huile et laine11. D’autres travailleurs payés aussi en rations
peuvent être engagés pour une durée temporaire. Les personnes chargées de surveiller les
travailleurs leurs fixent des objectifs l’avance qu’ils doivent remplir. Une administration
tatillonne surveille l’exécution de ces tâches, et les mouvements des produits finis et non finis.
Il semble que bien souvent elle demande à ses dépendants de produire plus qu’ils ne peuvent12.
Malgré tout, la gestion des grands organismes reste basée avant tout sur la cellule familiale, et
ce à tous les niveaux de l’économie (par exemple avec la famille d'Ur-Meme dans la gestion
du temple d’Inanna à Nippur13, ou chez les forestiers d’Umma14, etc.), où on travaille en
famille, et on se succède de père en fils.

Agriculture

Les structures agraires sont bien connues pour les grands temples de Lagash et d’Umma qui
ont livré de nombreuses tablettes admnistratives15. Des terres sont donnés en fermage à des
exploitants (le GANA.URU.LA, « champ affermé »). L'administration du temple dispose de la
« propriété du seigneur » (GANA.NI.EN.NA), exploitée en régie directe par des ENGAR, qui
dirigent une équipe de laboureurs payés en rations d’entretien avec leurs bêtes de labours, et
destinée à nourrir le personnel du temple et à servir pour le culte quotidien du dieu, ainsi que
des offrandes redistribuées entre les prêtres. Une autre partie du domaine est constituée par les
« champs de subsistance » (GANA.ŠUKURA), concédés à des membres de l'administration du
temple en guise de rétribution. Le roi concède de son côté des terres de son domaine aux
dignitaires de son royaume, en échange de leurs services.

Grâce à l’utilisation de l’irrigation, les terres de basse Mésopotamie permettent d’atteindre des
rendements céréaliers moyens estimés entre 10/1 et 15/1, mais qui pouvaient dépasser les 20/1
sur les meilleures terres16. Cela permettait aux trois familles vivant en moyenne sur une terre
de produire de quoi faire vivre au moins sept familles. En temps normal, la production est
donc largement suffisante pour subvenir à toute la population, et à nourrir de nombreux non-
agriculteurs, et permettre aux notables de disposer de terres pour leur propre compte,
éventuellement pour s’enrichir.

Tablette portant le plan d'un terrain en provenance Umma.

La période d'Ur III a livré une abondante documentation cadastrale, consistant en des
descriptions de champs, parfois même accompagnées de plans. Ils servaient aux
administrateurs des temples à évaluer les capacités de leur domaine. Tous ces documents
n'étaient cependant pas des relevés de champs réels, certains ayant une valeur didactique,
visant à montrer aux arpenteurs comment bien évaluer la capacité d'un champ. L'étude de ces
documents a amené Mario Liverani à proposer une reconstitution des paysages agraires de la
basse Mésopotamie fin du IIIe millénaire17. Il remarque une opposition nord/sud entre le pays
d'Akkad et le pays de Sumer : le premier présenterait un paysage de champs de taille réduite,
avec de nombreux villages et hameaux ; le second serait constitué de champs répartis le long
des canaux, qu'ils jouxtent sur leur petit côté, s'étendant en longueur perpendiculairement au
réseau d'irrigation, et l'habitat est constitué surtout de villes et gros bourgs.

L’élevage était une activité très importante, qui a laissé beaucoup de documentation écrite18.
Les archives de Puzrish-Dagan relatives au BALA montrent que les bêtes sorties des élevages
des grands organismes pouvaient transiter à travers tout le royaume. Les entrées et sorties des
bêtes des troupeaux étaient comptabilisées scrupuleusement, ainsi que les éventuels accidents
pouvant entraîner la mort des animaux. Des personnes étaient chargées de l’engraissement des
jeunes bêtes, et des pasteurs s’occupaient des troupeaux.

L'artisanat

L'artisanat est surtout le fait des grands organismes, et c'est en tout cas par leurs archives qu'il
nous est connu pour cette période (essentiellement celles des temples d'Umma et de Girsu).
Les simples artisans, qu'ils soient métallurgistes, charpentiers, tanneurs, etc. travaillent en
petites équipes, surveillées par des contremaîtres19. Toutefois, les situations varient, et certains
travaillent dans de meilleures conditions que d'autres.

L'« industrie » textile présente les cas les plus remarquables par leur échelle (mais dont la
place dans l'économie ne doit pas être surévaluée)20. Certaines unités de production étaient très
importantes : un centre de tissage de la province de Lagash employaient plus de 5 000
ouvrières dans 26 ateliers, où elles étaient soumises à une administration tatillonne qui
surveillait le travail effectué, comptabilisait les entrées et sorties de produits, se chargeait des
rémunérations en rations d'entretien.

Le commerce
Poids tel que ceux que l'on utilisait pour faciliter l'évaluation des marchandises, XXIIe siècle

Le commerce est dirigé par les palais et les temples. Ils emploient des marchands (DAMGAR),
qui avaient un rôle d'intermédiaire. La possibilité que les marchands de l'époque aient exercé
des activités à leur propre compte reste encore sujet à débat, en l'absence de sources
mentionnant de façon claire des opérations commerciales ou financières privées21.

L'organisme commanditaire finance l'expédition, avec des produits devant être vendus
(textiles et alimentaires), et même, fait nouveau, avec du métal (l'argent), qui commence à
cette époque à prendre de l'importance. Mais l'étalon des échanges reste surtout le grain
d'orge, l'emploi de l'argent étant surtout limité aux grands organismes, du fait que sa
circulation était soumise au contrôle de l'État.

Ur est une ville qui s'est grandement enrichie par le commerce international, grâce notamment
au commerce maritime en direction du Golfe, facilité par la proximité de la mer aux hautes
époques22. Ceci explique la présence de deux ports de commerce dans la cité.

Armée

En dépit de la quantité de documentation disponible sur le fonctionnement du royaume d'Ur


III, force est de constater que son armée reste très mal connue23. Il s'agit pourtant d'une
composante essentielle de la puissance de cet État, qui a mené de nombreuses guerres,
souvent victorieuses, dans les contrées voisines. Le système des « marches » du royaume
repose d'ailleurs sur des garnisons de soldats, dirigées par les gouverneurs militaires.

L'armée de la Troisième dynastie d'Ur semblait disposer de troupes professionnelles


permanentes, les AGA3.US2 (rēdû en akkadien). Ils étaient rémunérés comme le reste des
fonctionnaires par le système des rations ou des terres de subsistance. En temps de paix, ces
soldats étaient employés pour la sécurité intérieure du royaume, comme une police donc, mais
aussi comme messagers, escortes. Une troupe d'élite formait la garde personnelle du roi. En
période de conflit, l'armée était renforcée par des troupes levées parmi les sujets mâles
corvéables, les ERIN2 (ṣābum, « troupe »). L'arme offensive de base du soldat est la lance
(plutôt pour les conscrits), aux côtés de la masse d'armes et de l'arc (pour les soldats de métier
entraînés à son maniement). L'équipement et l'armement défensifs ne sont pas connus. Le
nombre de soldats mobilisés en campagne est inconnu.
Au-dessus du soldat de base, l'armée était organisée hiérarchiquement autour d'officiers ayant
en charge un nombre d'hommes qui nous est mal connu. Un UGULA (« lieutenant »)
commandait les unités de base : on en trouve qui sont chargés d'unités de dix hommes,
d'autres d'unités de soixante hommes. Au niveau supérieur, le NU.BANDA3 (« capitaine »)
commande quelques centaines d'hommes. Le plus haut grande de l'armée est celui de
ŠAGIN/šakkanakkum, gouverneur militaire d'une province, que l'on peut traduire par
« général ». Il dirige seul les marches du royaume, tandis que dans les provinces intérieures il
laisse les fonctions civiles à l'ENSÍ comme vu précédemment. Les autorités suprêmes de
l'armée, au-dessus du ŠAGIN, sont ceux qui dirigent le royaume en dernier lieu, à savoir le
SUKKAL.MAH et le roi en personne. Il est à noter que ce dernier ne dirige pas forcément lui-
même ses troupes.

La « renaissance sumérienne »
La période néo-sumérienne (qui inclut, en plus de la Troisième dynastie d'Ur, la Seconde
dynastie de Lagash, représentée avant tout par le règne de Gudea) a été caractérisée comme
une période de « renaissance sumérienne », avant tout par la qualité des réalisations artistiques
faites alors. Cette expression peut apparaitre comme étant impropre24, notamment parce qu'il
manque un déclin sumérien précédant une renaissance, la période de l'Empire d'Akkad
marquant simplement un retrait politique de l'élément sumérien. Il n'empêche que l'époque
néo-sumérienne connaît une floraison culturelle importante, tant du point de vue artistique que
littéraire.

Religion

Le panthéon d'Ur III est celui de la Mésopotamie du sud de la fin du IIIe millénaire. À la tête
vient Enlil, le roi des dieux, pourvoyeur de la royauté depuis sa cité, Nippur, qui a un
caractère sacré. Viennent ensuite Enki, Anu, Utu, Ninlil, Inanna, et le dieu-lune Nanna,
divinité tutélaire d'Ur. Certaines divinités d’origine hourrite sont « importées » en pays
sumérien où elles reçoivent un culte25.

Les rois d'Ur se divinisent à partir de Shulgi, en suivant en cela la tradition instaurée par
Naram-Sin d'Akkad, qui leur a probablement servi de référence. Des hymnes sont écrits en
leur honneur, on leur élève des temples, comme celui de Shu-Sîn à Eshnunna, et des fêtes
religieuses se déroulent en leur honneur.

La littérature et les constructions religieuses de cette période sont très abondantes, toutes
patronnées par les rois qui jouaient le rôle d’intermédiaires privilégiés entre le monde humain
et le monde divin. Plusieurs de leurs filles et sœurs deviennent grandes prêtresses d'importants
sanctuaires de Sumer (Ur, Sippar). Ils participaient avec leur famille aux principales fêtes
religieuses (EZEN) des grandes cités du royaume, alors qu’au niveau provincial les
gouverneurs se chargeaient de cette tâche26. La plus fameuse des cérémonies religieuses à
laquelle prend part le roi est celle du « Mariage sacré », qui voit le souverain se rendre à Uruk
pour jouer le rôle d’époux de la déesse Inanna, Dumuzi27.

Littérature

La période d'Ur III voit la mise par écrit de nombreux textes littéraires écrits en sumérien, qui
reste la langue littéraire dominante, même s'il est en déclin en tant que langue vernaculaire.
C'est de cette période que date la mise par écrit de nombreux mythes sumérien sous la forme
qui nous sont parvenus, même si des versions antérieures ont probablement existé. Cependant,
les versions que l'on connaît datent surtout du XVIIIe siècle, bien après la chute du royaume
d'Ur III, et proviennent en majorité du site de Nippur.

On peut citer plusieurs mythes constituant les piliers de la littérature mythologique de cette
période : le Déluge sumérien, la descente d'Inanna aux Enfers, le cycle des rois de la Première
dynastie d'Uruk, Enmerkar, Lugalbanda et Gilgamesh, dont une version de la célèbre épopée a
peut-être déjà été mise par écrit à cette période. Ce roi est en tout cas un modèle pour les rois
d'Ur, qui se rattachent à ses parents Ninsun et Lugalbanda.

La littérature religieuse est également florissante : hymnes, prières, et textes religieux,


notamment autour du rituel du Mariage sacré. De nombreux hymnes sont consacrés au roi
Shulgi, qui a été divinisé et a constitué un modèle pour la postérité28. Mais tous les rois d'Ur
III ont fait l'objet de rédaction d'hymnes29.

On dispose également de nombreuses inscriptions et textes royaux, avant tout des inscriptions
de fondations, mais aussi d'autres textes plus développés comme le Code d'Ur-Nammu 30, le
plus ancien code de loi mésopotamien connu, qui fournit de précieux détails historiques. Du
point de vue de l'historiographie, une version de la Liste royale sumérienne existe déjà à cette
période31.

Art

Empreinte de sceau-cylindre représentant une scène d'hommage à une divinité, règne d'Ur-
Nammu.

La période de la Troisième dynastie d'Ur est assez peu marquante sur le plan artistique. Peu
d'œuvre de premier plan nous sont parvenues de cette époque. L'art reste fortement inspiré par
la tradition sumérienne ancienne, et ne comporte pas la part d'originalité que l'on trouve dans
les œuvres littéraires contemporaines.

On connaît quelques stèles représentant les souverains d'Ur III. Ur-Nammu est supposé
figurer sur deux stèles, une retrouvée à Ur présentant un souverain auquel il est généralement
identifié en train de rendre hommage à Nanna, commémorant la construction du temple dédié
à cette divinité32. Cette stèle est biface : sur la mieux conservée, le roi est représenté en train
de faire des libations à Nanna et à sa parèdre Ningal sur le registre supérieur, alors que sur le
registre inférieur il participe à la construction de l'édifice en réalisant l'arpentage ; l'autre face,
moins bien conservée, représente des scènes d'offrandes et de fête en l'honneur de
l'inauguration du temple. Une autre stèle, retrouvée à Suse (où elle a été amenée en butin)
représente aussi Ur-Nammu dans un contexte cultuel.
On dispose aussi de statues datées de la période néo-sumérienne, sans doute de la Troisième
dynastie d'Ur. Une statue en diorite, elle aussi retrouvée à Suse et originaire d'Eshnunna,
représente un roi barbu assis sur un trône. Le style des statues de cette époque est très proche
de celui de celles retrouvées à Girsu datant du règne de Gudea, qui précède ou est
contemporain du début de la domination des rois d'Ur.

La glyptique de l'époque d'Ur III porte de nombreuses représentations des souverains, souvent
dans des contextes cultuels. Les thèmes gravés sur les sceaux-cylindres, très répétitifs, sont
généralement religieux, avec des humains rendant hommage à des divinités.

Architecture

Ruines de la ziggurat d'Ur

Les rois d'Ur III ont été de grands bâtisseurs. Leur capitale d'origine a été au centre de leurs
attentions, mais ils n'en oublièrent pas pour autant les autres grandes villes de Sumer, que ce
soit Nippur (qui fut souvent leur lieu de résidence), Uruk, Eridu, etc. Les constructions restent
dans le cadre de la tradition mésopotamienne : murailles, palais, temples. La nouveauté est
l'apparition des premières grandes ziggurats connues, construites par Ur-Nammu et Shulgi
dans les principales villes religieuses de basse Mésopotamie, à savoir Ur, Uruk, Nippur, Eridu
et peut-être Larsa33. Ces monuments, dont la mise au point a dû nécessiter des moyens
techniques et humains supérieurs à ceux employés pour les constructions des périodes
précédentes, traduisent bien les nouvelles possibilités dont disposent les rois d'Ur III,
notamment grâce à leur appareil administratif.

C'est Ur qui bénéficia le plus des attentions des rois de cette dynastie. Le monument le plus
impressionnant bâti à cette époque est la ziggurat É.TEMEN.NI.GUR (« Maison au fondement
imposant »), qui a une base de 62,50 x 43 mètres34. Le complexe sacré de la cité était nommé
É.KIŠ.NU.GAL (« Maison de la grande lumière »), dédié au Dieu-Lune Nanna est en fait rebâti
dans son ensemble. Les autres bâtiments construits dans le quartier central d'Ur sont le
Giparum, résidence de la grande prêtresse de Nanna et temple de la déesse Ningal, le
GA.NUN.MAH (« Maison du très-haut prince »), peut-être un entrepôt, et l'É.HUR.SAG
(« Maison-montagne »), peut-être au palais royal. Plus au sud se trouvaient les mausolées de
Shulgi et Amar-Sîn.

On doit à Shulgi plusieurs constructions remarquables. D'abord une ville, Puzrish-Dagan,


peut-être destinée à être sa capitale, en tout cas connue pour sa très abondante documentation,
concernant surtout des entrées et des sorties de bétail. Elle n'a jamais fait l'objet de fouilles
régulières. Ensuite une grande muraille, située entre l'Euphrate et la basse Diyala, nommée
BÀD.IGI.HUR.SAG.GÁ, « muraille qui fait face à la montagne ». Elle était destinée à juguler les
incursions des nomades MAR.TU en basse Mésopotamie. Son fils Shu-Sîn renforça cette
construction.

Chute du royaume
Tablette portant le texte de la Lamentation sur la destruction d'Ur, Musée du Louvre.

Ibbi-Sîn monte sur le trône en 2028 av. J.-C., et entreprend les premières années de son règne
des expéditions contre Simmurum au nord, et contre Suse et Anshan à l'est en Élam. Mais ce
ne sont que des victoires inutiles contre des adversaires qui ne sont pas les plus dangereux. En
effet, les Amorrites pénètrent de plus en plus profondément vers le cœur du pays de Sumer, et
affaiblissent le pouvoir d'Ur. Ibbi-Sîn perd rapidement sa souveraineté sur plusieurs
territoires : Eshnunna au nord, puis Suse et Der à l'est, ainsi que Umma et Lagash, dans le
pays de Sumer même. Le royaume connaît alors la disette et l'inflation, causées par la perte de
ces riches terres, la perturbation du commerce et les ravages causés par les Amorrites. En
2017 av. J.-C., une incursion de ceux-ci cause la famine à Ur. Ibbi-Sîn envoie alors Ishbi-Erra,
un de ses fidèles, à la recherche de grain à Isin. Profitant de la présence de nomade qui limite
les possibilités d'intervention armée du roi d'Ur, ce dernier fait sécession. Il restaure l'ordre
dans ses territoires, et s'empare de Nippur, la cité sainte, et devient ainsi le souverain légitime
du pays, choisi par Enlil le roi des Dieux.

Ibbi-Sîn est alors considérablement affaibli, mais il conserve son autorité sur certains
territoires autour de sa capitale. Mais Ishbi-Erra, s'il ne peut s'emparer d'Ur, est toutefois à la
tête d'un royaume plus prospère qu'il peut mieux défendre. Il réussit ainsi à se repousser des
incursions amorrites. En 2007 av. J.-C., le roi Kindattu de Simashki dirige une armée
composée d'Élamites et de soldats des pays de Subartu (le nord de la Mésopotamie) vers le
pays de Sumer, qu'ils ravagent. Mais ils sont repoussés par Ishbi-Erra. En 2004 av. J.-C., une
nouvelle armée revient dans la région. Elle s'attaque cette fois-ci au plus faible, c'est-à-dire
Ibbi-Sîn. Ur finit par tomber, et son roi est emmené captif vers l'Élam où il finit ses jours.
C'en est fini de la Troisième dynastie d'Ur.

Le royaume d'Ur III a posé les bases des grands royaumes qui lui succèdent. Tandis que les
Sumériens ont disparu en tant que peuple, une nouvelle ère s'ouvre dans l'histoire
mésopotamienne, la période paléo-babylonienne ou amorrite. Les premiers rois amorrites
(surtout Isin et Larsa) assument l'héritage d'Ur III : leur titulature impériale reprend celle des
rois d'Ur, ils continuent un temps à se faire diviniser, et patronnent un art et une littérature
dans la continuité de celle de la période néo-sumérienne. Sous les rois d'Isin sont rédigés des
textes de « lamentations » commémorant la chute du royaume d'Ur et de ses grandes villes
(Ur, Uruk, Nippur et Eridu)35, qui ont en fait pour but de légitimer la domination des nouveaux
maîtres du sud mésopotamien. Des hymnes et récits relatifs aux rois d'Ur III, surtout Ur-
Nammu et Shulgi, sont encore rédigés ou recopiés, perpétuant le souvenir de leurs brillants
règnes.

Notes
1. ↑ B. Lafont, « Ur-Nammu », dans F. Joannès (dir.), Dictionnaire de la civilisation mésopotamienne,
2001, p. 885-887
2. ↑ F. Joannès et B. Lafont, « Šulgi », dans F. Joannès (dir.), op. cit., p. 822-824
3. ↑ (en) R. McC. Adams, « An Interdisciplinary Overview of a Mesopotamian City and its
Hinterlands [archive] », dans Cuneiform Digital Library Journal 2008:1
4. ↑ M. Sigrist, Drehem, Bethesda, 1992
5. ↑ (en) R. Zettler, The Ur III Temple of Inanna at Nippur, The Operation and Organization of Urban
Religious Institutions in Mesopotamia in the Late Third Millennium B.C., Berlin, 1992
6. ↑ (en) M. Widell, The Administrative and Economic Ur III Texts from the City of Ur, Copenhague,
2004
7. ↑ (en) A. Goetze. « Šakkanakkus of the Ur III Empire », dans JCS 17, 1963, p. 1-31
8. ↑ Dans le cas d’Umma, (en) J. Dahl, The ruling family of Ur III Umma: A Prosopographical
Analysis of an Elite Family in Southern Iraq 4000 Years Ago, Leyde, 2007 [1] [archive]
9. ↑ (en) W. W. Hallo, « A Sumerian Amphictyony », dans JCS 14, 1960, p. 88-114 ; (en) P.
Steinkeller. « The Administrative and Economic Organization of the Ur III State: The Core and the
Periphery », dans McGuire Gibson et R. D. Biggs (dir.), The Organization of Power: Aspects of
Bureaucracy in the ancient Near East, Chicago, 1987, p. 19-41 ; M. Sigrist, Drehem, Bethesda, 1992 ;
(en) T. Sharlach, Provincial Taxation and the Ur III State, Leyde, 2004
10. ↑ (en), P. Steinkeller, op. cit.
11. ↑ Sur le système des rations, voir l’étude (en) I. Gelb, « The Ancient Mesopotamian Ration
System », dans JNES 24, 1965, p. 230-243
12. ↑ (en) R. Englund, « Hard work - Where will it get you? Labor management in Ur III
Mesopotamia », dans JNES 50/4, 1991, p. 255-280
13. ↑ (en) R. Zettler, The Ur III Temple of Inanna at Nippur, The Operation and Organization of Urban
Religious Institutions in Mesopotamia in the Late Third Millennium B.C., Berlin, 1992
14. ↑ (en) P. Steinkeller. « The Foresters of Umma: Toward a Definition of Ur III Labor », dans AOS 68,
1987, p. 73-115
15. ↑ La bibliographie sur l’agriculture au temps de la dynastie d’Ur III est particulièrement fournie. Les
textes issus des domaines des temples de Lagash ont été étudiés par (en) K. Maekawa, « The
Agricultural Texts of Ur III Lagash of the British Museum », I dans ASJ 3, 1981, p. 37-61, II dans ASJ
4, 1982, p. 85-127, III dans ASJ 8, 1986, p. 85-120, etc. Voir aussi (en) K. Maekawa, « Collective
Labor System in Girsu-Lagash: The Pre-Sargonic and Ur III Periods », dans AOS 68, 1987, p. 49-71,
(en) id. « The "Temples" and "Temple Personnel" of Ur III Girsu-Lagash », dans K. Watanabe (dir.),
Priest and Officials in the Ancient Near East, Heidelberg, 1999, p. 61-101. Sur Umma : (en) G. van
Driel, « The Size of Institutional Umma », dans AfO 46-47, 1999-2000, p. 80-91 et (en) J. Dahl,
« Land Allotments During the Third Dynasty of Ur, Some Observations », dans AOF 29/2, 2002, p.
330-338
16. ↑ (en) G. van Driel, op. cit. ; (it) M. Liverani, « Il rendimiento dei cereali durante la III dinastia
di Ur : Contributo ad un approccio realistico », dans Origini 15, 1990-1991, p. 359-368
17. ↑ (en) M. Liverani, « The Shape of Neo-Sumerian Fields », dans Bulletin of Sumerian Agriculture 5,
1990, p. 147-186 ; (en) id., « Reconstructing the Rural Landscape of the Ancient Near East », dans
JESHO 39, 1996, p. 1-49
18. ↑ (en) M. Stepien, Animal Husbandry in the Ancient Neat East: A Prosopographic Study of Third-
Millenium Umma, Bethesda, 1996
19. ↑ (de) H. Neumann, Handwerk in Mesopotamien, Untersuchungen zu seiner Organisation in der
Zeit der III. Dynastie von Ur, Berlin, 1987; (en) H. Waetzoldt, « Compensation of Craft Workers
and Officials in the Ur III Period », dans AOS 68 , 1987, p. 117-141. H. Limet, Le Travail du métal au
pays de Sumer au temps de la IIIe dynastie d'Ur, Paris, 1960. Pour des études sur des métiers artisanaux
secondaires dans la documentation disponible, voir par exemple M. Sigrist, « Le travail des cuirs et des
peaux à Umma sous la dynastie d’Ur III », dans JCS 33, 1981, p. 141-190 et (en), P. Steinkeller,
« The Organization of Crafts in the Third Millenium Babylonia: the Case of Potters », dans AOF 23,
1996, p. 232-253
20. ↑ (de) H. Waetzoldt, Untersuchungen zur neusumerischen Textilindustrie, Rome, 1972 ; (en) K.
Maekawa, « Female Weavers and Their Children in Lagash, Pre-sargonic and Ur III », dans ASJ 2,
1980, p. 81-125
21. ↑ De l’abondante bibliographie sur ce point, on peut relever, entre autres : (en) D. C. Snell, Ledgers
and prices: Early Mesopotamian merchant accounts, New Haven, 1982 ; (en) M. van de Mieroop,
« Turam-ili: An Ur III merchant », dans JCS 38, 1986, p. 1-80 ; (en) S. J. Garfinkel, « SI.A-a and his
family: The archive of a 21st century (BC) entrepreneur », dans ZA 93, 2003, p. 161-198; (en) G.
van Driel, Elusive Silver: In Search of a Role for a Market in an Agrarian Environment, Leyde, 2002
22. ↑ (en) A. L. Oppenheim, « The Seafaring Merchants of Ur », dans JAOS 74/1, 1954, p. 6-17
23. ↑ B. Lafont, « L’armée des rois d'Ur : ce qu’en disent les textes », dans P. Abrahami et L. Battini (dir.),
Les armées du Proche-Orient ancien, Oxford, 2008, p. 23-48
24. ↑ (de) A. Becker, « Neusumerische Renaissance ? », dans Baghdader Mitteilungen 16, 1985, p. 229-
316
25. ↑ (en) T. Sharlach, « Foreign Influences on the Religion of the Ur III Court », dans SCCNH 12,
2002, p. 91-114
26. ↑ Sur les fêtes religieuses de la période d’Ur III, (de) W. Sallaberger, Der kultische Kalender der Ur
III-Zeit, Berlin-New York, 1993
27. ↑ S. N. Kramer, Le Mariage sacré, Paris, 1983
28. ↑ (en) J. Klein, Three Šulgi Hymns, Sumerian Royal Hymns Glorifying King Šulgi of Ur, Ramat-
Gan, 1981
29. ↑ (en) Traductions sur le site de l'ETCSL [archive]
30. ↑ (de) C. Wilcke, « Der Kodex Urnamma (CU): Versuch einer Rekonstruktion », dans T. Abusch
(dir.), Riches Hidden in Secret Places, Ancient Near Eastern Studies in Memory of Thorkild Jacobsen,
Winona Lake, 2002, p. ; (en) M. T. Roth. Law Collections from Mesopotamia and Asia Minor,
Atlanta, 1995
31. ↑ (en) P. Steinkeller, « An Ur III manuscript of the sumerian king list », dans W. Sallaberger, K.
Volk et A. Zgoll (dir.), Literatur, Politik und Recht in Mesopotamien, Festschrift für Claus Wilcke,
Wiesbaden, 2003
32. ↑ (en) J. Voris Canby, The “Ur-Nammu” Stela, Philadelphie, 2001
33. ↑ M. Sauvage, « La construction des ziggurats sous la troisième dynastie d'Ur », dans Iraq 60, 1998, p.
45-63
34. ↑ (en) L. Woolley, The Ziggurat and Its Surroundings, Ur Excavations V, Londres et Philadelphie,
1939

Sumer

Sumer était une civilisation et une région historique située dans le sud de l'Irak, la
Mésopotamie. Elle a duré de la première colonie de Eridu dans la Période d'Obeïd (fin du 6e
millénaire av. J.-C.) en passant de la période d'Uruk (4e millénaire av. J.-C.) et les périodes
dynastique (3e millénaire av. J.-C.) jusqu'à la montée de Babylone au début du 2e millénaire
av. J.-C.. Le terme « Sumerien » s'applique à tous les locuteurs de la langue sumérienne. Elle
constitue la première civilisation véritablement urbaine et marque la fin de la Préhistoire au
Moyen-Orient.

L'origine de la civilisation sumérienne


La civilisation sumérienne est apparue selon Jean Margueron du fait que l'épeautre - céréale
poussant naturellement depuis des millénaires à proximité des berges du Tigre et l'Euphrate -
a permis il y a 9000 ans à l'homme d'alors de se sédentariser en remplaçant le besoin de
s'alimenter au jour le jour par la possibilité de stocker des céréales, donc des aliments, sur une
année. Cette mutation décisive induisit les premières structures urbaines, rendant nécessaires
des travaux d'irrigation d'une exceptionnelle ampleur, sur des milliers d'hectares. La
civilisation sumérienne se développa en inventant l’écriture et l’architecture.

L’apparition de cette civilisation urbaine peut paraître soudaine (vers le IVe millénaire av. J.-
C. avec la Période d'Uruk). On ne sait d'ailleurs pas d'où viennent les sumériens, la langue
sumérienne n'appartenant ni au groupe des langues sémitiques, ni à celui des langues indo-
européennes, le fameux mythe d’"Abgad" (les Sept Sages) impute la première civilisation du
pays par ces nouveaux immigrants étranges « arrivés de la mer ». Il est possible qu'ils soient
venus du sous-continent indien ou d'Asie en longeant le littoral iranien. D'autres hypothèses
les feraient venir du nord (Asie Mineure ou Zagros).

Pourtant certains auteurs, comme Jean Louis Huot (cf Bibliographie) pensent que cette
civilisation est le résultat de la lente évolution par sédentarisation des communautés humaines
qui occupaient le sud de la Mésopotamie depuis une dizaine de millénaires. À un certain
moment, elles se sont dotées de l'outil qui leur permit de noter leur langue, le sumérien.

Cette civilisation a probablement décliné et disparu à cause de la stérilisation saline des terres
agricoles (l'infiltration dans les sols des eaux d'irrigation aurait fait monter à la surface et s'y
concentrer les sels minéraux contenus dans la nappe phréatique1) et du déplacement
géographique des lits des fleuves.

Structure politique

Contrat archaïque sumérien, inscription pré-cunéiforme, musée du Louvre

L’utilisation de l’écriture est concomitante d'une organisation complexe de la société. Elle est
administrée, de façon méticuleuse et tatillonne, par un État monarchique et sacerdotal dirigé
par un roi (lugal, « homme grand ») ou un prince (ensi, autrefois lu patesi).
Le sumérologue Th. Jacobsen propose l’idée d’une démocratie primitive aux origines de
Sumer. En s’appuyant principalement sur les mythes qui mettent en scène des assemblées où
interviennent des héros, des hommes ou des divinités (épopée de Gilgamesh), il pense que la
plus ancienne institution politique aurait été une assemblée d’hommes libres où des Anciens
auraient géré des affaires courantes et lorsque le besoin s’en faisait sentir, auraient délégué
des pouvoirs à un en pour des travaux importants ou à un lugal en cas de guerre. Dans ce
système, les autorités religieuses et royales auraient pu se développer au détriment d’hommes
libres.

Karl August Wittvogel défend la thèse d’un État "hydraulique". La civilisation sumérienne
offre un exemple, parmi d’autres, de l’existence d’un pouvoir despotique exigé par la
nécessité d’organiser et d’administrer un réseau de distribution de l’eau : il fallait répartir
équitablement celle-ci, mais aussi obtenir par la corvée le travail nécessaire à la création, puis
à l'entretien de ce réseau. Cette théorie pouvait facilement se fondre avec celle d’une
démocratie primitive et le despotisme du pouvoir royal. Elle a été combattue, notamment
après les recherches de R. McAdams, qui montrent que les réseaux d’irrigation de Sumer au
début du IIIe millénaire ne nécessitaient pas un pouvoir coercitif, chaque agglomération
n’ayant besoin que d’un territoire réduit pour subvenir à ses besoins. De plus, les historiens
n’ont pas trouvé dans les textes la preuve que le despotisme oriental soit issu des problèmes
liés à la gestion de l’eau, même si l’une des tâches royales a été d’assurer la construction et la
gestion des canaux. Les recherches en ce domaine ne sont pas terminées et l’on peut se
demander si l’aménagement régional de Mari, dont la réalisation a certainement exigé de très
gros moyens en hommes et en temps, a pu se faire sans un pouvoir coercitif, s’appuyant sur
l’idée de l’État et de ses besoins.

Civilisation et art

Gudea, prince de Lagash, statue dédiée au dieu Ningishzida, v. 2120 av. J.-C., musée du
Louvre
Les Sumériens et leurs successeurs Akkadiens possédaient une culture exceptionnellement
avancée, on leur doit notamment :

• la fondation des premières cités-États (Ur, Lagash, Uruk, Umma, etc.) ;


• le premier système politique à deux assemblées ;
• le travail du cuivre ;
• l'utilisation de la brique dans la construction d'habitations ;
• la première architecture religieuse connue (temples puis ziggourats) ;
• le développement de la statuaire ;
• la glyptique (art de graver sur des pierres fines) ;
• l'écriture, à la base des chiffres, après pictographique, puis cunéiforme ;
• les mathématiques et l'écriture des nombres en système sexagésimal : numération
sumérienne ;
• le premier système scolaire ;
• les premières formes d'esclavage ;
• le commerce et la notion d'argent.

Religion
La religion sumérienne a influencé l'ensemble de la Mésopotamie pendant près de 3000 ans,
ainsi que les onze premiers chapitres de la Bible2. Elle est une composante très importante de
la vie, privée comme publique, des Sumériens et donne naissance à des représentations
artistiques comme à des œuvres littéraires. Dans la conception sumérienne, le souverain n'est
que le dépositaire de la divinité : sa fonction est sacerdotale aussi bien que politique.

La religion sumérienne est caractérisée par son polythéisme et son syncrétisme. Son panthéon
compte une grande variété de dieux, structurée en une hiérarchie stricte, calquée sur la société
humaine.

Au sommet se trouve la triade cosmique constituée de :

• An (« dieu-ciel »), maître du ciel, roi des dieux, et sa parèdre Antum ;


• Enlil (« seigneur-air »), maître de la terre, démiurge, dieu protecteur de Nippur, et sa
parèdre Ninlil ;
• Enki (« seigneur-terre » ?), Ea pour les Sémites, maître des eaux douces, dont la ville
sainte est Eridu.

Sous cette triade se trouvent les divinités astrales comme le dieu-lune Nanna (Sîn en
akkadien) et le dieu-soleil Utu (Shamash en akkadien) ; puis les dieux infernaux et les dieux
guerriers ; puis les dieux de la nature et les dieux guérisseurs ; puis les dieux d'instruments
(pioche, moule à briques, etc.) et enfin les esprits et autres démons.

Lagashe
Lagash
(ar) ‫ لجش‬ou ‫لكش‬
Localisation
Pays Irak
Province Dhi Qar
Latitude 31° 24′ 46″ Nord
Longitude 46° 24′ 30″ Est

Localisation des villes de l'État de Lagash (en rouge).

Lagash
Statuette du roi de Gudea de Lagash, XXIIe siècle.

Lagash est une ancienne cité du pays de Sumer, capitale de l'État du même nom. Cette
ancienne cité-État comprenait, en plus de la ville de Lagash, située sur le site actuel d'Al-
Hiba, Girsu, ville sainte où se trouve le sanctuaire de la divinité tutélaire lagashite, Ningirsu,
et Nigin, située au sud du territoire, dans une région marécageuse.

Cet État et sa région est le mieux connu de basse Mésopotamie pour la seconde moitié du
IIIe millénaire. Cela est avant tout dû aux nombreuses trouvailles artistiques et épigraphiques
effectuées sur le site de Tello, correspondant aux ruines de Girsu, qui ont permis de
redécouvrir la civilisation sumérienne à la fin du XIXe siècle. Le site de la ville Lagash, le tell
actuel de Al-Hiba, a été fouillé plus tardivement, et à livré moins de sources.

La période couverte par les découvertes effectuées sur ces deux sites correspond donc à
environ cinq siècles, de 2500 à 2000 avant J.-C. Cela recouvre trois périodes de l'histoire
mésopotamienne : le Dynastique archaïque IIIB (DA IIIB, 2500-2340), la période d'Akkad
(2340-2150), et la période néo-sumérienne (2150-2000).

Géographie de l'État de Lagash


L'État de Lagash est situé au sud-est du pays de Sumer. Daurant le IIIe millénaire, son
territoire est traversé par une branche de l'Euphrate qui va se jeter dans le golfe Persique, qui
constitue la limite méridionale du royaume, le rivage étant alors plus avancé qu'aujourd'hui.

Le long du cours du fleuve se trouvent les trois cités principales du royaume. Lagash (site
actuel de Al-Hiba), cité éponyme, se trouve en gros au centre. C'est à partir d'elle que s'est
formé la cité-État qui porte son nom. Plus au nord, on trouve Girsu (Tello), qui est le lieu de
résidence du dieu local Ningirsu, et donc en quelque sorte la capitale religieuse du royaume. Il
est probable qu'elle soit devenue aux époques qui nous sont documentées la capitale politique
du royaume en lieu et place de Lagash. Au sud enfin se trouve la ville de Nigin (Zurghul).

Les limites nord et sud du royaume sont deux espaces qui prennent une grande importance au
cours de la seconde moitié du IIIe millénaire par leur dynamisme. Au sud, le GU.ABBA, le
« bord de la mer », est la région maritime. Au nord, le GU.EDEN.NA, le « bord de la steppe »,
est un espace irrigué très prospère contrôlé par Girsu. C'est l'espace frontalier avec le territoire
de l'État d'Umma, âprement disputé au cours de la fin de la période des Dynasties archaïques.

La ville de Lagash
Les sources nous permettant de connaître l'ancienne région de Lagash proviennent en majorité
du site de Tello, qui a livré de nombreuses inscriptions royales et tablettes d'argiles inscrites,
ainsi qu'une quantité importante d'objets d'art. En revanche les restes architecturaux du site
ont été anéantis par les fouilleurs du XIXe siècle qui ne savaient pas reconnaître les structures
en brique crue (qui n'étaient de toute manière pas leur priorité). On a longtemps identifié ce
site comme étant la ville de Lagash elle-même, mais il s'est finalement avéré qu'il s'agissait de
Girsu. Lagash se trouvait sous les ruines du vaste Tell Al-Hiba (480 hectares), plus au sud,
déjà repéré à la fin du XIXe siècle par l'archéologue allemand Robert Koldewey. Une partie de
ce site a été fouillé à partir de 1968 et jusqu'au début des années 1980 par une équipe
américaine. Les découvertes épigraphiques et artistiques y furent moins fructueuses que celles
de Tello, confirmant la prééminence de Girsu durant les époques qui nous sont bien
documentées1. Mais en revanche des bâtiments d'un certain intérêt y ont été exhumés2.

Le plus remarquable est le temple dédié à la déesse Inanna, l'IB.GAL, datant du DA III,
enfermé dans une enceinte ovale, comme le temple contemporain de Khafadje dans la vallée
de la Diyala. L'autre grand temple de la cité était celui du dieu local Ningirsu, l'É.BA.GARÁ.
Des restes d'une vaste plate-forme en briques indiquent qu'une ziggurat avait peut-être été
construite sur le site. Les niveaux les plus récents du site remontent à la période paléo-
babylonienne (première moitié du IIe millénaire).

Histoire
La Première dynastie de Lagash

Le roi Ur-Nanshe est vers 2520 le fondateur d'une nouvelle « dynastie » à Lagash (en fait une
série de rois qui ne sont pas forcément liés par des liens familiaux). C'est avec lui et ses
successeurs que l'on est pour la première fois bien renseigné sur l'histoire du pays de Sumer,
grâce aux nombreuses inscriptions et archives retrouvées à Girsu pour cette période3. Lagash
est alors apparemment (notre vision étant peut-être biaisée par la provenance des sources)
l'une des cités-État les plus puissantes de basse Mésopotamie, alors que Kish ou Uruk entrent
dans une phase de déclin.
Stèle des vautours, face, registre supérieur : la « phalange » de l'armée de Lagash triomphant
des troupes d'Umma, sous le règne d'Eannatum.

Les rois de Lagash sont en lutte quasi-permanente contre son voisin septentrional, Umma,
autre royaume qui s'affirme à cette époque, pour la possession d'un territoire frontalier4. Ce
long conflit dure près de trois siècles, et Lagash connaît tantôt des victoires, tantôt des
défaites. Le plus grand souverain de la période est Eannatum, qui écrase l'armée d'Umma et
défait même une coalition regroupant la plupart des souverains de Mésopotamie. Lagash
atteint alors son apogée. Son successeur Enannatum est quant à lui vaincu par le roi d'Umma,
mais son fils Entemena le venge et prend la ville ennemie. Lagash connaît alors une phase de
déclin, et vers 2350, un usurpateur monte sur le trône : Urukagina. Il aurait rétabli la paix
sociale dans son pays, mais il connaît cependant la défaite face au roi Lugal-zagezi d'Umma.

Les derniers règnes des rois de la Première dynastie de Lagash sont abondamment
documentés du point de vue des archives administratives retrouvées à Girsu. Ces archives
sont essentiellement celles des temples de Ningirsu et de sa parèdre Ba'u.

L'Empire d'Akkad

La domination de Lugal-zagesi s'achève par sa défaite contre Sargon d'Akkad vers 2340. Il est
possible qu'Urukagina se soit rallié à ce dernier, car une personne de ce nom est mentionnée
dans l'obélisque de Manishtusu, petit-fils de Sargon, parmi les bénéficiaires de donations,
donc un proche du roi.

Sous la domination d'Akkad, Lagash est la capitale d'une province dont les limites devaient
correspondre à l'ancien royaume.

La Seconde dynastie de Lagash

Fragment de stèle représentant Gudea.

L'empire d'Akkad s'effondre vers 2200. Lagash retrouve alors son indépendance, et une
nouvelle dynastie est fondée par Ur-Ningirsu Ier. Il ne s'agit cependant pas d'une dynastie au
sens propre du terme, puisque les souverains ne semblent pas être des membres de la même
famille.

Cette période est dominée par la figure du roi Gudea, qui règne vers 21205. Ce souverain est
surtout connu par son patronage dans le domaine artistique que par ses actions militaires,
seule une victoire contre l'Élam étant à mettre à son actif. À Girsu, il a restauré la plupart des
temples, et en a construit de nouveaux, dont le temple du dieu Ningirsu, l'Eninnu, qui a été
détruit par la maladresse des archéologues français ayant fouillé Tello. Il reste en revanche de
son règne de magnifiques statues le représentant, qui se trouvent actuellement au Musée du
Louvre, et qui constituent le fleuron de la statuaire sumérienne.

Lagash sous la Troisième dynastie d'Ur et les périodes tardives

Le règne de Gudea précède de peu ou bien est contemporain de celui d'Ur-Nammu, qui fonde
le royaume d'Ur III. Lagash passe sous son contrôle, et le royaume redevient une province. On
sait par la documentation de cette période que la région qu'elle domine est l'une des plus
prospères de l'Empire, notamment par sa participation importante au système du BALA.

Après l'effondrement de celui-ci un siècle plus tard, une nouvelle dynastie tente de faire
revivre la grandeur de Lagash, mais elle se laisse vite subjuguer par les royaumes voisins. Dès
lors, Lagash n'occupe plus une place importante dans l'histoire de la Mésopotamie. Les villes
de l'État sont désertées au XVIIe siècle , avant d'être repeuplée plus tard. Quelques
constructions datées du IIe siècle ont été retrouvées à Girsu, mais la ville est abandonnée peu
après, alors que Lagash est déjà déserte depuis longtemps.

En dépit de son importance pour la période des Dynasties archaïques, le royaume de Lagash
fait partie des oubliés de la tradition historiographique mésopotamienne : aucune de ses
dynasties ne se retrouve dans la Liste royale sumérienne, et la mémoire de ses souverains s'est
perdue.

Organisation politique
La situation politique de Lagash varie bien entendu grandement selon si on est à une période
d'indépendance politique ou au contraire à une période durant laquelle la région est incorporée
dans un grand Empire. Pourtant, le cadre territorial comme les structures d'encadrement
restent relativement stables.

Quand Lagash est un royaume indépendant, il est dirigé par un roi, qui porte le titre sumérien
d'ENSI, signifiant « vicaire ». Ceci reflète l'idéologie politique mésopotamienne : le pouvoir
appartient en réalité aux dieux, dans ce cas, Ningirsu, considéré comme la véritable maître du
royaume, et le souverain terrestre n'est que son représentant, il lui doit son pouvoir. Il arrive
aussi que les souverains portent le titre de LUGAL, « grand homme », qui lui n'a aucune
connotation religieuse. Les rois ont une épouse principale, qui occcupe une place importante
dans la vie du royaume. Le reste des structures politiques du royaume de Lagash sont mal
connues. Le gouvernement s'appuie sur une bureaucratie relevant du palais, mais également
des temples, qui sont plus ou moins contrôlés par le pouvoir royal.

La conquête de Lagash par Sargon d'Akkad renvoie ce territoire au simple rang de province
de l'Empire d'Akkad, et cette situation se reproduit au début de la Troisième dynastie d'Ur. Le
cadre territorial reste inchangé, et le pouvoir est toujours exercé depuis Girsu, qui a livré des
archives venant des gouverneurs provinciaux de ces deux périodes. Ceux-ci portent le titre
d'ENSI, devenu dans ces empires un poste administratif. Ces personnages dirigent
l'administration de la province, et se chargent des activités des grands organismes qui gèrent
les activités économiques (avant tous les temples pour ce qui concerne Lagash). Ils s'assurent
de la disponibilité des productions des grands domaines et ateliers pour l'administration
centrale. La prospérité de la région de Lagash en fait en effet un pivot de chacun des deux
Empires. Les épouses des gouverneurs s'inscrivent elles aussi dans la continuité des reines de
l'époque archaïques, tant pour les fonctions administratives que religieuses.

Économie et société

Fragment de cône d'argile inscrit mentionnant le creusement d'un canal par Urukagina.

Les archives retrouvées à Girsu nous donnent une image de la prospérité économique de la
région de Lagash au cours de la seconde moitié du IIIe millénaire6. Les trois principales cités
sont situées sur une branche de l'Euphrate, qui sert de source pour un important réseau
d'irrigation qui donne naissance à une des plus riches régions agricoles du pays de Sumer. On
sait par leurs inscriptions que les souverains ont activement participé à l'entretien de ce
système si vital pour leur royaume, et c'est d'ailleurs autour d'un terroir irrigué que se noue
l'intrigue des conflits opposant les souverains archaïques de Lagash à ceux d'Umma.

Tablette des archives du temple de Bau concernant la distribution de rations d'entretien.

Les structures et les activités économiques sont documentées pour la période des Dynasties
archaïques par les archives du temple de la déesse Ba'u. Il s'agit en fait d'un domaine
appartenant pour la période qui nous est documentée à la reine de Lagash, assimilée à la
déesse tutélaire du royaume7. De la même manière le roi devait avoir à sa disposition le
domaine de Ningirsu. Le temple avait à cette époque plus de 4 400 hectares de terres, et
employait 1 200 travailleurs. Ces derniers étaient payés en rations d'entretien, à base de grain.
Les activités concernent la culture céréalière, l'élevage, la pêche dans les marais entourant
Girsu, et aussi l'artisanat.

La prospérité de la région de Lagash et de Girsu se voit également dans les archives du temple
de Ningirsu à la période d'Ur III (XXIe siècle). Elles documentent également l'agriculture et
l'élevage. La province de Lagash est la plus grosse contributrice dans le système du BALA mis
en place à la fin du règne de Shulgi, et ce pour quelques années, qui organise les contributions
en nature des diverses provinces de l'Empire. On est donc à chaque fois dans un cas
d'économie et de société encadrée par de grandes institutions, en l'occurrence des temples,
mais sur lesquels le pouvoir royal exerce un pouvoir fort : ils servent de base à l'organisation
de l'Empire d'Ur. Leur personnel semble d'ailleurs plus tourné vers la gestion du domaine que
le culte religieux, sous la direction d'un administrateur, le ŠABRA8. La propriété privée n'est
pas documentée. On a également les traces de ce qui pourrait être une sorte de « zone
d'activités » où travaillent conjointement des ouvriers agricoles et artisans issus des couches
basses de la société et rétribués en rations d'entretien par l'administration9.

Les terres agricoles des temples sont gérées de façon tripartite :

• champs en régie directe, travaillés par des dépendants payés uniquement en rations
d'entretien, évaluées en fonction des besoins des personnes (en grain, huile et laine,
donc pour se nourrir, se laver et se vêtir) ;
• champs confiés à des personnes contre l'exercice d'une fonction, en guise de
rémunération ;
• champs loués à des métayers contre redevance, d'en moyenne 1/3 de la récolte sous la
période d'Ur III.

Les dépendants peuvent être réquisitionnés pour des corvées, de même que les métayers. Ils
sont alors tous rémunérés par des rations, mais le système est plus généreux pour les seconds
que pour les premiers.

L'élevage est bien documenté également, notamment pour la période de la Troisième dynastie
d'Ur. L'élevage dominant est celui des ovins, mais on est bien documenté sur les bovins, un
peu sur les porcins, et la volaille. Les tablettes de la période d'Ur III nous montrent en détail
l'organisation de l'engraissement des veaux, surveillé de très près par une armée de scribes
comptabilisant les rations distribuées, les entrées et sorties de bétail, l'abattage et les morts
accidentelles.

Les activités artisanales sont peu documentées par les archives du temple de Bau : on y voit
tout de même les activités d'un groupe d'une vingtaine de tisserandes, dirigées par un
contremaître, et elles aussi payées en rations. Les archives de la période d'Ur III nous
montrent un ensemble d'ateliers constituant regroupant pour les plus importants des milliers
de travailleurs10. Le tout était coordonné par une administration très hiérarchisée et
bureaucratisée, caractéristique de l'Empire d'Ur. Les ateliers les plus importants sont ceux
consacrés à l'activité textile. Ils fonctionnent là aussi essentiellement avec un personnel
féminin, évalué à plus de 5 000 personnes, regroupées en 26 ateliers, dirigées par des
contremaîtres. Comme leurs lointaines ancêtres, elles sont payées en rations d'entretien. Elles
peuvent également être réquisitionnées pour d'autres travaux : minoterie, moisson, entretien
des canaux, halage de bateaux sur les canaux.
On voit donc se dessiner sur toute la période un groupe de personnes en étroite dépendance
vis-à-vis des grands organismes, qui assurent leur entretien quotidien, et peuvent les
soumettre à des sortes de corvées. D'autres personnes sont en revanche moins dépendantes, et
la classe la plus aisée est celle qui occupe une fonction dans l'administration de l'institution,
lui garantissant desrevenus plus conséquents. Tout ce système s'appuie en effet sur une
bureaucratie qui doit être efficace. Les inscriptions d'Urukagina mentionnant l'œuvre de ce
dernier pour le rétablissement de la paix sociale dans son royaume montrent d'ailleurs les abus
que pouvaient exercer les membres de l'administration des temples et du palais à l'encontre
des plus faibles.

Le panthéon local et la vie religieuse


Si la religion pratiquée dans la région de Lagash s'inscrit dans le cadre religieux sumérien et
sud-mésopotamien, les dieux vénérés y sont plutôt ceux d'une sorte de panthéon local,
constitué de dieux propres à Lagash. Ils sont cependant liés, notamment par des liens
familiaux, aux autres dieux sumériens.

Relief votif perforé d'Ur-Nanshe, fondateur de la première dynastie, le montrant lui et sa


famille en train de participer à la restauration du temple de Ningirsu, musée du Louvre

Le dieu principal de la région de Lagash est Ningirsu, le « Seigneur de Girsu », qui dispose de
son temple principal (l'É.NINNU, « Maison des cinquante ME ») dans cette dernière cité, mais
en avait également un à Lagash. Il est considéré comme étant le fils de Enlil et Ninhursag.
Ningirsu est perçu comme étant le vrai maître de l'État de Lagash, dont les souverains ne sont
que les « vicaires » (ENSI). Il entretient cependant une relation privilégiée avec eux, et peut
leur apparaître en rêve pour leur dicter ses volontés, comme c'est le cas pour Gudea. Le roi
était le premier pourvoyeur du culte des dieux locaux : il leur faisait de riches offrandes, et
restaurait leurs temples.

La parèdre de Ningirsu est la déesse Ba'u, dont le grand temple, l'É.TAR.SIR.SIR, se trouvait
également à Girsu. D'autres textes lui attribuent parfois comme parèdre une autre déesse,
Gatumdug. Ningirsu et Ba'u ont au moins deux fils, Shul-Shagana et Ig-alima. La famille
royale semble dans son ensemble se reconnaître dans cette famille divine, comme le montre
sous le règne d'Urukagina le fait que le roi s'attribue le domaine du temple du grand dieu, la
reine celui de la déesse Ba'u, et probablement celui d'un fils du couple divin pour le prince du
royaume.
Les autres divinités locales importantes sont les sœurs de Ningirsu, Nanshe, vénérée à Nigin,
et Nisaba, qui n'est pas spécifique à Lagash et est vénérée notamment à Umma.

Relief votif représentant l'oiseau-tempête Imdugud ; en albâtre, provenant de Girsu.

Un groupe de personnages mythologiques qui auraient été vaincus par Ningirsu apparaît dans
certains textes, surtout des hymnes du règne de Gudea. Parmi eux se trouvent le Roi-palmier,
le Seigneur Saman, peut-être d'anciennes divinités mineures du pays de Lagash, et des
animaux mythologiques comme le bélier à six têtes, le serpent à sept têtes, et l'oiseau
Imdugud. Un autre mythe existait aussi sur l'affrontement entre ce dernier et Ningirsu,
aprèsque l'oiseau mythique ait dérobé les Tablettes de la destinée à Enlil (version ancienne du
mythe du combat de Ninurta contre Anzu). Imdugud est d'ailleurs devenu un animal-attribut
de Ningirsu, et c'est sous sa forme que le dieu apparaît en songe à Gudea.

De la même manière que la tradition mésopotamienne postérieure a oublié les rois de Lagash,
les dieux de la cité n'eurent pas de postérité : Ningirsu est assimilé à Ninurta, lui aussi fils
d'Enlil, originaire de Nippur.

Les « Cylindres de Gudea », Musée du Louvre.

De nombreuses œuvres d'art et des textes provenant du royaume de Lagash sont relatifs à la
vie religieuse, et aux rapports entre hommes et dieux. La plupart des objets exhumés à Tello
témoignant du travail des artistes de cet État étaient destinés à être donnés en offrande aux
dieux (voir plus bas). Les rois entretenaient les grands temples du royaume et leur personnel,
en leur concédant notamment des terres. Le dossier le mieux connu concernant les rapports
entre un roi et le dieu Ningirsu est celui du règne de Gudea, qui entreprend la reconstruction
du grand temple de la divinité tutélaire de son royaume, l'É.NINNU, en même temps qu'il
restaure les autres temples principaux du royaume. Cette restauration nous est notamment
connue par des documents exceptionnels, deux cylindres d'argile inscrits en cunéiforme
relatant l'événement11. Le « Cylindre A » raconte l'apparition du dieu dans un rêve du roi, lui
ordonnant de construire son temple, en réunissant des matériaux provenant de tout le monde
connu alors, et comment le roi se met ensuite à l'ouvrage. Le « Cylindre B » prend la suite, et
relate comment, après la construction du temple, une grande fête religieuse est organisée pour
permettre l'installation de Ningirsu et de sa parèdre Ba'u dans le sanctuaire qui devient leur
résidence terrestre, le rituel décrit prenant l'apparence d'une hiérogamie (Mariage sacré).
L'art royal de Lagash
Les fouilles de Girsu furent prolifiques en œuvres d'art. Parce qu'elles se sont concentrées
dans les zones des bâtiments officiels, elles ont livré des réalisations artistiques pour la plupart
issues de commandes royales ou bien de l'entourage du souverain.

La sculpture est le domaine le mieux représenté. La grande Stèle des Vautours d'Eannatum
commémore la victoire de celui-ci sur Umma, et représente le dieu Ningirsu en train de
capturer des ennemis, illustrant le fait qu'il est considéré comme le véritable maître du
royaume, et de ce fait comme le principal artisan de sa victoire.

Relief votif de Dudu.

D'autres bas-reliefs de plus petite taille ont été mis au jour : il s'agit d'objets votifs percés d'un
trou en leur centre, très courant dans l'art sumérien archaïque. L'un des plus remarquables est
celui réalisé à la suite de la construction d'un temple par le roi Ur-Nanshe, qui est représenté
lui-même en train de participer à l'ouvrage, avec l'aide de sa famille. D'autres de ces objets ont
été réalisés pour des membres de la haute société de Lagash, comme Dudu, prêtre de Ningirsu
sous Entemena.

Statue de Gudea, British Museum.

Les sculptures les plus célèbres de Lagash sont les nombreuses statues en ronde-bosse
réalisées sous le règne de Gudea12, commémorant ses actes pieux : la construction de temples.
Elles sont taillées pour la plupart en diorite, importée probablement de la Péninsule Arabique.
Il s'agit de pièces parmi les plus remarquables de la statuaire mésopotamienne, dont on a
souvent vanté la précision, témoignage de la grande maîtrise atteinte par les sculpteurs de
Lagash.
Lance massive en cuivre vouée par le roi Ur-Lugal de Kish.

Les Sumériens étaient également de brillants métallurgistes, et cela se voit dans les dépôts
votifs des temples de Lagash. On y a ainsi retrouvé une lance massive en cuivre vouée par le
roi Ur-Lugal de Kish, montrant que les rois d'autres cités amies faisaient également des
présents aux dieux de Lagash. Un vase en argent de rgande qualité, martelé dans une seule
feuille de métal, et finement gravé, a été dédié à Ningirsu par le roi Entemena. C'est l'une des
œuvres d'art les plus abouties de la période des Dynasties archaïques, rivalisant avec celles
des Tombes royales d'Ur.

Ces œuvres reflètent donc bien l'idéologie royale mésopotamienne du IIIe millénaire : un roi
guerrier, mais surtout un roi pieux, premier des fidèles de ses dieux, dont il construit les
temples et auxquels il fait les plus belles offrande. Plus largement, le sentiment religieux
sumérien et les relations hommes-dieux nous apparaissent au travers des réalisations des
artistes de Lagash.

Notes et références
1. ↑ (en) R. D. Biggs, Inscriptions from Al-Hiba-Lagash, Malibu, 1976
2. ↑ (en) D. P. Hansen, « Royal Building Activity at Sumerian Lagash in the Early Dynastic Period »,
dans The Biblical Archaeologist 55/4, 1992, p. 206-211
3. ↑ Voir notamment E. Sollberger et J.-R. Kupper, Inscriptions royales sumériennes et akkadiennes,
Paris, 1971 et (de) G. J. Selz, Altsumerische Verwaltungstexte aus Lagaš, 2 t., Stuttgart, 1989 et
1993
4. ↑ (en) J. S. Cooper, The Lagash-Umma Border Conflict, Malibu, 1983
5. ↑ (en) D. O. Edzard, The Royal inscriptions of Mesopotamia, Early periods, vol. 3/1, Gudea and His
Dynasty, Toronto, 1997 ; (en) C. Suter, Gudea's Temple Building, The Representation of an Early
Mesopotamian Ruler in Text and Image, Groningen, 2000
6. ↑ Voir la mise au point de B. Lafont dans l'article collectif « Sumer », dans Supplément au Dictionnaire
de la Bible 72, 1999, p. 162-172
7. ↑ (en) K. Maekawa, « The Development of the É-MÍ in Lagash during Early Dynastic III », dans
Mesopotamia 8/9, 1973-74, p. 77-144
8. ↑ (en) K. Maekawa, « The "Temples" and "Temple Personnel" of Ur III Girsu-Lagash », dans K.
Watanabe (dir.), Priest and Officials in the Ancient Near East, Heidelberg, 1999, p. 61-101
9. ↑ (en) P. Mander, An Archive of Kennelmen and Other Workers in Ur III Lagash, Naples, 1994 ;
(en) W. Heimpel, « The Industrial Park of Girsu in the Year 2042 B. C. Interpretation of an Archive
Assembled by P. Mander », dans Journal of the American Oriental Society 118/3, 1998, p. 387-399
10. ↑ (en) K. Maekawa, « Female Weavers and Their Children in Lagash, Pre-sargonic and Ur III »,
dans ASJ 2, 1980, p. 81-125
11. ↑ (en) D. O Edzard, op. cit., p. 68-106 ; Description sur le site du Musée du Louvre [archive]
12. ↑ (en) C. Suter, op. cit.

Ur

Ur
Tell al-Muqayyar
Localisation
Pays Irak
Province Dhi Qar
Latitude
30° 57′ 40″ Nord
Longitude 46° 06′ 20″ Est

Situation d'Ur en Mésopotamie


Ur

Ur (Our, en akkadien Uri(m)), actuellement Tell al-Muqayyar (en arabe : tall al-muqayyar, ‫تل‬
‫المقير‬, « la colline goudronnée »), est l'une des plus anciennes villes de Mésopotamie, sur le
fleuve Euphrate dans l'Antiquité, et proche du golfe Persique. Elle est située dans l'actuel Irak.
Elle était une ville sumérienne, très puissante au IIIe millénaire av. J.-C. Dans l'Ancien
Testament, « Ur en Chaldée » (Ur-Kasdim) est la ville d'origine du patriarche Abraham1.

Tell Muqayyar est sondé pour la première fois en 1854 par le consul britannique de Bassora,
J. E. Taylor, qui travaillait pour le British Museum. C'est Henry Rawlinson qui a reconnu en
ce site la cité antique d'Ur de Chaldée. Malgré la venue de quelques archéologues américains
après cela, le site ne fut pas fouillé avant les années 1920. C'est l'archéologue britannique
Leonard Woolley, arrivé sur le site en 1919, et assisté par son compatriote Max Mallowan de
1925 à 1931, qui fit le plus gros des fouilles d'Ur pour le compte du British Museum et de
l'Université de Pennsylvanie. Entre 1919 et 1934, il dirigea plusieurs missions archéologiques
sur Tell Muqqayar, sa plus grande découverte étant le cimetière royal, mis au jour en 1922.
Les résultats des fouilles mirent une trentaine d'années avant d'être tous publiés, dans les
séries Ur Excavations (sur les fouilles archéologiques) et Ur Excavations Texts (tablettes
exhumées sur le site). Bien après son départ, les autorités irakiennes ont entrepris la
restauration de la grande ziggurat.

Périodes archaïques
Les premiers temps d’Ur [

Les sondages réalisés sur le site de Tell Muqqayar révèlent qu’il est habité depuis la période
d'Obeïd (qui tire son nom d’une cité située à 6 km à l’ouest, qui est un faubourg d’Ur aux
époques historiques2), et d'Uruk/Djemdet Nasr, mais rien de plus ne nous est connu de ces
périodes à Ur. Pour la période suivante, celle des Dynasties archaïques (DA), les archéologues
ont effectué la découverte la plus fameuse réalisée sur le site, celle des tombes royales des
souverains Meskalamdug et Akalamdug, qui ont sans doute régné vers 2600. Ces derniers ne
sont pas mentionnés dans la Liste royale sumérienne, texte largement postérieur aux périodes
archaïques, qui rapporte les noms de souverains que la tradition sumérienne a conservé. Ce
document mentionne deux dynasties ayant dominé la basse Mésopotamie depuis Ur : la
première, fondée par Mesannepada, serait à situer vers le XXVe siècle. Le souverain fondateur
est attesté par des inscriptions à Mari, qui font de lui le fils de Meskalamdug. Il porte le titre
de « roi de Kish », ce qui indique qu'il exerce l'hégémonie sur la basse Mésopotamie.
Aennepada, son fils et successeur, est attesté par une inscription mentionnant la construction
d’un temple de Ninhursag à Obeïd2 sous son règne3. La deuxième dynastie d’Ur, qui compte
quatre rois, daterait du siècle suivant, mais ces souverains ne sont pas attestés autrement que
par la Liste royale. Les premiers temps du site d’Ur ne sont en fait essentiellement connus par
des documents de l’époque provenant du site que grâce à deux découvertes : celle de tablettes
administratives de l’époque du Dynastique archaïque I ou II (2900-2750 et 2750-2600), et
celle des tombes royales. Les fouilles ont également révélé l'existence d'un temple sur plate-
forme bâti dès l'époque d'Uruk au futur emplacement de la ziggurat (voir plus bas). Elle a été
reconstruite à deux reprises au DA.

Les tablettes archaïques et les sceaux de cités

Dans un secteur situé à proximité de l’Ehursag ont été mis au jour un ensemble de près de 400
tablettes datant de la fin du DA I ou du début du DA II (autour de 2800-2700)4. On y a
retrouvé de nombreuses empreintes de sceaux-cylindres, ce qui fait que les niveaux
comprenant ces documents ont été baptisés Seals Impressions Strata (SIS). Ces tablettes ont
manifestement été mises au rebus, et ont donc été trouvées hors contexte. Il s’agit des archives
du temple du dieu-lune Nanna (ÈŠ.NANNA), divinité tutélaire de la cité, mentionnant des
domaines agricoles en sa possession, et des listes de travailleurs (jardiniers, vignerons,
brasseurs, forgerons, etc.). Ces textes nous informent également sur les autorités
administratives de la ville et du pays de Sumer : ce sont les premiers à mentionner des
personnages comme le LUGAL ( généralement le « roi »), l’ENSÍ (« vicaire », autre personne
exerçant un pouvoir royal), le SANGA (un prêtre) ou l'UKKIN.GAL (« grand de l'assemblée »).
Mais si on connaît les titres, on ne sait rien de la fonction exacte de ces personnages.

D’autres documents importants datant de cette période sont les sceaux au nom des cités de
Sumer, retrouvés sur des morceaux d’argile ayant servi à sceller des jarres ou des portes5. Des
empreintes de même type ont été retrouvées pour l’époque précédente sur le site de Djemdet
Nasr. Ces sceaux représentent plusieurs villes de basse Mésopotamie, dans un ordre parfois
prédéfini, qui à Jemdat Nasr placent Ur en première position (devant Nippur, Larsa et Uruk),
montrant peut-être qu’elle exerce une sorte de prééminence. Il s’agit manifestement de
preuves d’une association de ces cités, même si on ignore sa finalité exacte : à l’exemple de
ce qui se passe sous la Troisième dynastie d'Ur avec le système du BALA, on a supposé qu’il
s’agissait d’une sorte d’amphictyonie, visant à ce que chacune des cités participe (peut-être à
tour de rôle) au culte de certaines divinités (Inanna d’Uruk étant la meilleure candidate), en
envoyant notamment des denrées alimentaires en sacrifice6.

Les tombes royales

La découverte par Leonard Woolley du cimetière royal d'Ur reste l’une des principales
trouvailles de l’archéologie de la Mésopotamie antique7. Bien qu’on qualifie cet ensemble de
sépultures de « royal », il s’agit en fait de plus de 1 800 sépultures, retrouvées dans un
périmètre de 50 x 70 mètres, concernant tout le spectre social de la ville d’Ur entre le XXVIe
et le XXIIIe siècle (les tombes les plus récentes datent de la période d'Akkad). Beaucoup sont
des inhumations simples, mais il existe des tombes collectives. La plupart n’ont livré qu’un
matériel rudimentaire (céramiques), certaines des objets en métal plus ou moins précieux,
montrant qu’on est en présence de personnes plus importantes, sans doute impliquées dans
l’administration du temple ou du palais. Une vingtaine de sépultures se place au-dessus du lot
par sa richesse, et y reposent sans doute de hauts dignitaires du royaume.

Mais le gros morceau reste l’ensemble des 5 tombes les plus prestigieuses, qui au regard du
matériel livré semblent êtres celles de roi, même si on n’a pas de certitudes pour toutes,
puisque seules celles des rois Meskalamdug et Akalamdug, et de la reine Pu-abi ont pu être
identifiées grâce à des inscriptions. La première (PG 755) est une tombe en fosse classique,
mais qui renfermait un matériel archéologique très riche, notamment une coiffe d’apparat en
or. Les autres tombes sont voûtées, et accessibles par un couloir. Le plus frappant, en dehors
de la richesse des tombes non pillées dans l’Antiquité, est le fait que les souverains sont
enterrés avec certains de leur serviteurs, sacrifiés à l’occasion, fait unique dans l’histoire
mésopotamienne. On en trouve 78 dans la « tombe du roi » (RT 789), avec 5 bœufs tirant
deux chariots, une quarantaine dans celle d’Akalamdug (RT 1080), 17 (plus 2 bœufs) dans
celle de Pu-abi (RT 800), et 74 dans le « puits de la mort » (RT 1237). Les défunts sont
richement vêtus, les soldats sont en tenue de combat, et les musiciennes sont enterrées avec
leurs instruments. Ces personnes sont apparemment mortes de façon volontaire, la disposition
des corps ne montrant aucun désordre.

Statuette d'un bouquetin se nourrissant des feuilles d'un arbuste, retrouvée dans les tombes
royales d'Ur.

Les tombes royales d'Ur ont livré des objets de très belle facture, témoignant de la grande
maîtrise des artisans sumériens de l’époque, notamment en ce qui concerne l’orfèvrerie et la
métallurgie8. On y a retrouvé de la vaisselle de luxe, des armes finement réalisées (des
poignards en or notamment), un char de trait que l'on a pu remonter, des statuettes, sceaux-
cylindres, etc. Parmi les œuvres les plus fameuses, on peut mentionner une lyre de bois,
décorée d'une tête de taureau ; une sculpture représentant un bouquetin agrippé à un buisson
dont il semble se nourrir des feuilles, mesurant 42 cm, réalisée en bois plaqué d'or, de lapis-
lazuli, d'argent, nacre et d'autres matières. L'étendard d'Ur est une œuvre de 20 cm de haut et
47 de long, retrouvée dans la tombe PG 779. Elle est réalisée en nacre, avec du lapis-lazuli. La
parure de la reine Pu-abi est également impressionnante : diadème, constitué de feuilles d'or,
divers en or, lapis-lazuli, cornaline, ainsi que d'autres pierres précieuses.

Fin du Dynastique archaïque et période d’Akkad


L’histoire de la ville d'Ur au DA III (2600-2340) nous est à peine mieux connue que celle des
époques précédentes. Il est possible que le souverain Enshakushana d'Uruk, qui semble
dominer le sud Mésopotamien après sa victoire contre le roi Enbi-Ishtar de Kish, soit un
descendant des rois d’Ur, installé dans la ville voisine. Ur et Uruk semblent en effet faire
partie d’un même ensemble politique au DA III. De fait, on ne trouve de mention que de rois
d'Uruk dans les inscriptions datant de cette période, retrouvées notamment à Girsu, dans l’État
de Lagash. Uruk tombe finalement sous la coupe de Lugal-zagesi, originaire d'Umma, qui
domine toute la basse Mésopotamie un cours laps de temps, avant d’être défait par Sargon
d'Akkad vers 2340. Ce dernier installe sa fille Enheduanna comme grande prêtresse du
sanctuaire du dieu-lune Nanna, inaugurant un tradition reprise par son petit-fils Narâm-Sîn,
qui fait à son tour de sa fille Enmenanna la grande prêtresse de ce temple. Enheduanna est
pour sa part passée à la postérité suite à la rédaction de divers hymnes qui lui sont attribués
par la tradition littéraire mésopotamienne ultérieure. Des sépultures et quelques inscriptions
constituent les autres maigres témoignages sur la situation d'Ur à la période d'Akkad (jusqu’au
XXIIe siècle).

Ur sous la Troisième dynastie

Poids en diorite inscrit au nom de Shulgi, portant le symbole du dieu Nanna.

Après la chute de la dynastie d'Akkad, la basse Mésopotamie est apparemment soumise un


temps à des rois Gutis, avant que des souverains d’extraction locale reprennent les choses en
main. C’est le cas d’Utu-hegal d’Uruk, qui est peut-être le frère d’Ur-Nammu, personnage qui
monte sur le trône d'Ur après l’avoir vaincu, et règne de 2112 à 2095. Celui-ci est considéré
par la tradition mésopotamienne comme le fondateur de la Troisième dynastie d'Ur (abrégé en
Ur III). Lui et son fils et successeur Shulgi (2094-2047) fondent un puissant Empire qui
domine toute la Mésopotamie jusqu’à la fin du XXIe siècle9.

Ur devient donc la capitale d’un puissant royaume durant tout le XXIe siècle. Il semble que
tous les rois d’Ur n’y aient pas forcément résidé : ils ont pu lui préférer Nippur ou la ville
voisine de Puzrish-Dagan. Mais il n’empêche qu’ils effectuent de grands aménagements dans
ce qui reste l’une des principales cités du sud mésopotamien, qui connaît alors un apogée.
Cette dynastie est documentée par un très grand nombre de documents cunéiformes,
provenant en majorité d’Umma et de Puzrish-Dagan. Ur elle-même a livré environ 4 000
textes administratifs de cette période, montrant les activités du temple de Nanna (agriculture,
commerce, artisanat)10.
Plan et extension de la cité

Ur était protégée par une enceinte qui délimitait un espace de 63 hectares. Les murs étaient
construites sur un talus en briques crues, qui est large de 25 à 35 mètres, et s’élevait sur
environ 8 mètres. La muraille proprement dite était en briques cuites, mais il n’en reste plus
rien aujourd’hui. Par endroits, des édifices sont incorporés dans les remparts, notamment des
temples.

L’enceinte était bordée par des cours d’eau : l’Euphrate à l’ouest, et un canal artificiel à l’est.
Ils conduisaient à deux ports : le « port nord » et le « port ouest ». Ce dernier avait un bassin
de 105 x 155 mètres, et était fermé par des jetées laissant une ouverture de 9 mètres ; des
installations de stockage ont été dégagées sur ses quais. Ur était un port fluvial très
dynamique, ouvrant sur le Golfe Persique. Ses marchands allaient faire de fructueuses affaires
à Dilmun (Bahreïn) et Magan (Oman)11.

La cité s’étendait bien au-delà de l’enceinte. On estime que cette dernière ne comportait qu’un
quart à un sixième de l’agglomération. Des prospections ont montré que de nombreuses
habitations se trouvaient à proximité de la ville. Il faut également prendre en compte le
voisinage de villes anciennes et relativement importantes, comme Eridu et el Obeïd, dont les
rois d’Ur III restaurent les sanctuaires principaux.

Le sanctuaire de Nanna

La ziggourat d'Ur : état actuel des ruines, après restauration.

Tentative de restitution en images de synthèse.

La zone officielle d’Ur se trouvait à mi-chemin entre les deux ports, dans la partie nord-ouest.
Elle gravitait autour du sanctuaire du dieu Nanna/Sîn, l’É.KIŠ.NU.GAL (« Maison de la grande
lumière »). On y trouvait sans doute un temple sur terrasse dès la période d'Uruk. Ur-Nammu
procéda à de grands réaménagements qui modifièrent sa physionomie12.

La partie sacrée se trouvait protégée par un mur intérieur, et organisée autour de deux cours
bâties sur une terrasse artificielle. Dans la cour occidentale, mesurant 140 mètres sur 135, se
trouvait l’édifice principal, la ziggurat, nommée É.TEMEN.NI.GUR (« Maison au fondement
imposant »). Sa base est un rectangle de 62,50 x 43 mètres. Elle est construite en briques
crues à l’intérieur, le revêtement extérieur étant fait en briques cuites. Le premier étage
s’élève à 11 mètres, et a été conservé, avec la base du deuxième, qui mesure 36 mètres de
long pour 26 de large, et devait s’élever à 6 mètres environ. Un troisième étage aujourd’hui
disparu portait le temple édifié au sommet de la ziggurat. La cour comprenant la ziggurat était
ouverte par une entrée monumentale, É.DUB.LA.MAH, « Maison pivot de la porte exaltée », par
où passaient le roi et la grande prêtresse de Sîn lors des principales cérémonies religieuses. Ce
lieu est également un dépôt d’archives, et un endroit où l’on rendait la justice. La cour située à
l’est est appelée « cour de Nanna ». Elle mesure 65,7 x 43,6 mètres, et est entourée par un mur
double comprenant plusieurs chambres.

Au sud de la cour de la ziggurat, contigu à l’enclos sacré, on avait édifié


l’É.GI.PAR.KU/Giparu(m), mesurant 79 x 76,50 mètres13. Ce bâtiment était divisé en deux
parties, séparées par un corridor. Au sud, l’É.NUN était un temple dédié à la déesse Ningal,
parèdre de Sîn. Une porte monumentale ouvrait cet édifice ; deux anti-chambres ouvraient sur
une petite cour, d’où on accédait à la cour principale, ouvrant vers la cella, de forme
barlongue. Cette partie de l’édifice comprenait des cuisines, sans doute dédiées à la
préparation des mets pour le culte de la déesse. On y a trouvé des foyers de cuisson, ainsi que
des fourneaux. La partie nord était la résidence de la grande prêtresse du dieu Nanna, qui était
l’épouse terrestre de celui-ci. On y trouve plusieurs cours, organisant l’édifice entre une partie
publique et une partie privée, comme pour les maisons de particuliers. Les anciennes
prêtresses étaient enterrées sous le bâtiment, dans des tombes voûtées.

Un dernier édifice cultuel, le GA.NUN.MAH, se trouvait au sud-est de la cour orientale. De


forme carrée, ayant une base de 57 mètres de côté, il servait sans doute d’entrepôts pour le
service des dieux.

Une stèle en état fragmentaire sculptée sur ses deux faces a été retrouvée dans la zone sacrée
de Nanna. Elle commémore une reconstruction du temple du dieu, probablement sous le règne
d'Ur-Nammu, bien qu'on ait encore des doutes sur l'identité du roi représenté dessus14. On voit
le souverain effectuer des libations au dieu et à sa parèdre Ningal, et participer aux travaux de
construction du temple. La seconde face représente une fête célébrant l'inauguration du
nouveau temple, et les offrandes que l'on fait pour les dieux à cette occasion.

L’Ehursag et le mausolée royal

Le seul édifice fouillé qui s’approche d’un palais royal est l’É.HUR.SAG (« Maison-
montagne »), bâtiment carré d’une base de 55 mètres de côté, localisé au sud-est du sanctuaire
de Nanna, dans la partie centrale de la cité, vers l’emplacement des anciennes tombes royales.
Le plan de l’édifice semble s’organiser autour de deux ensembles : un privé, et un public,
ayant chacun ses propres pièces. Une grande cour ouvre sur une salle allongée qui semble être
une salle du trône. Les inscriptions de fondation retrouvées dans l’édifice semblent pourtant
indiquer une fonction cultuelle. On peut supposer que ce palais a servi de résidence à Ur-
Nammu et Shulgi, avant de prendre une fonction de sanctuaire quand ceux-ci ont été
divinisés. Certains hymnes confèrent à l’édifice une fonction de lieu de culte des rois d’Ur.

En continuant vers le sud-est, on trouve les mausolées où étaient enterrés deux rois de la
Troisième dynastie. Shulgi fit apparemment édifier une première partie pour être son propre
tombeau : un bâtiment sert à son culte, tandis qu’une tombe voûtée est destinée à accueillir sa
dépouille. Amar-Sîn fit par la suite édifier de nouveaux tombeaux.

La chute d’Ur
Tablette portant le texte de la Lamentation sur la destruction d'Ur, Musée du Louvre.

Le royaume d’Ur s’affaiblit au cours des dernières décennies du XXIe siècle av. J.-C.. Sous le
règne du roi Ibbi-Sîn, une grande partie du royaume est perdue, et des cités commencent à
faire sécession à l’intérieur même du pays de Sumer. La région connaît alors une crise grave,
quand Isin se sépare d’Ur sous la direction d’Ishbi-Erra, dont le règne est tenu pour
commencer en 2017. Dans ce contexte difficile, marqué notamment par des incursions de
nomades amorrites, ce sont les Élamites qui envahissent le pays de Sumer en 2007 une
première fois, puis en 2004, date à laquelle ils réussissent à prendre Ur, déposant Ibbi-Sîn, qui
est amené en Élam.

Cet événement dramatique a apparemment marqué les consciences en basse Mésopotamie, et


la période de la chute de la Troisième dynastie d'Ur a fait l’objet de cinq textes appelés par les
chercheurs modernes « lamentations ». On compte parmi eux une Lamentation sur la
destruction d’Ur, et une Lamentation sur la destruction de Sumer et d’Ur15. Ces récits
comprennent des descriptions des malheurs qu’a subi cette ville durant ces temps difficiles, en
leur donnant une tournure catastrophique, présentant la destruction comme un retour à l’état
sauvage là où auparavant une brillante civilisation s’était épanouie. Ils restent néanmoins très
vagues sur les événements mêmes. Il s’agit en fait de textes produits quelques décennies après
les faits à l’initiative des souverains d’Isin, cherchant à justifier la chute des rois d’Ur à cause
de la perte de l’appui divin dont ils disposaient précédemment, et à légitimer leur propre
domination sur le pays de Sumer.

Période paléo-babylonienne
Ur à l’époque des rois amorrites

Après la chute de la IIIe dynastie sous les coups des Élamites, la Mésopotamie éclate en
plusieurs royaumes, dominés par des dynasties d’origine amorrite. Ur est d’abord incluse dans
le royaume d’Isin, puis vers 1925 elle est prise par le roi Gungunnum de Larsa. Elle est
reprise un temps par le Bur-Sîn d’Isin, au début du XIXe siècle, mais repasse vite sous la
coupe de Larsa. Les nouveaux maîtres de la cité ne la délaissent pas, puisqu’ils restaurent le
sanctuaire de Sîn, sans remanier les plans des édifices existants à la période précédente, et
construisent même de nouveaux temples. Les murailles sont également relevées par les rois de
Larsa Sîn-iddinam puis Warad-Sîn.

La cité d'Ur garde une grande importance en tant que centre religieux majeur de l'ancien pays
de Sumer. Le sanctuaire de Sîn reste encore l'un des principaux de la région, comme le
montrent les restaurations qui y sont effectuées ainsi que la documentation écrite. On apprend
notamment dans les tablettes provenant du site que les rois de Larsa et également de Babylone
s'y rendent pour accomplir des rituels dans le temple de Sîn, reprenant sans doute une
tradition déjà en cours au temps de la Troisième dynastie d'Ur.

En 1763, Ur passe sous le contrôle du roi Hammurabi de Babylone (1792-1750) quand celui-
ci s’empare du royaume de Larsa. Sous le début du règne de son successeur Samsu-iluna
(1749-1712), les villes du sud de la Mésopotamie se révoltent contre le pouvoir babylonien.
Les rebelles furent vaincus, Ur est prise, et sa muraille est à nouveau abattue.

Les résidences paléo-babyloniennes

Les archéologues ont dégagé sur les niveaux d’Ur datant des XIXe - XVIIIe siècles (période
d'Isin-Larsa) un quartier d’habitations privées16. Ils sont définis par leurs coordonnées sur les
plans du site : le quartier EM, situé au sud du quartier du sanctuaire de Sîn, où résidaient des
prêtres et dépendants de ce temple ; AH, le plus vaste, encore plus au sud ; et CLW, le plus
tardif, moins étendu, au nord-est. Les rues de ces quartiers ont été nommées par Woolley
suivant les noms de rues d’Oxford (Quiet Street, Gay Street, Paternoster Row, Broad Street,
etc.).

Les résidences sont construites en briques crues, certaines ayant des fondations en briques
cuites, donc de meilleure qualité car plus résistantes, et les murs étaient enduits d'argile. La
charpente comportait des pièces en bois. Les maisons sont séparées par des rues étroites, en
terre battue, beaucoup se terminant en impasses. Elles sont groupées en blocs compacts, sont
de formes et de tailles diverses (elles couvrent en moyenne 60 à 80 mètres carrés), et ont pu
connaître des remaniements au grès d’héritages, ou d’achats. Un espace central, couvert ou
non, et dallé dans les résidences les plus cossues, organise l’espace intérieur. Il semble que la
plupart aient eu deux étages : le supérieur, jamais conservé, devait servir d’espace privé (avec
les chambres). Au rez-de-chaussée, on trouve dans les résidences aisées une salle de réception
avec estrade, une cuisine avec un foyer, des espaces de stockage, et ce que Woolley a identifié
comme des chapelles privées, comportant un autel et une petite niche servant peut-être à y
brûler de l’encens. La plupart des résidences ont cependant des pièces aux fonctions
indéfinies, sans doute diverses. Des tombeaux voûtés avaient été creusés pour sous le sol de
ces demeures, mais leur datation n’est pas certaine. Woolley a voulu reconnaître dans
certaines bâtisses des petites chapelles publiques, situées au carrefour des rues ; et également
divers espaces artisanaux. Mais cela reste débattu : l’identification n’est certaine que quand on
a retrouvé des tablettes attestant clairement qui vivait dans la maison.

Société et économie

Les niveaux paléo-babyloniens d’Ur ont en effet livré un ensemble de tablettes privées
permettant de reconstituer une partie de la vie sociale de la ville et de ses alentours aux XIXe - 
XVIIIe siècles17. Les lots sont de natures diverses. Dans le quartier EM, les résidences des
personnes liées au sanctuaire de Sîn ont livré des tablettes nous permettant de mieux connaître
l’organisation du culte à cette période18. On y voit ainsi que les membres du « clergé » (notion
vague dans ce contexte, puisque de nombreuses personnes peuvent être impliquées dans
l’exercice du culte) sont : soit des prêtres, permanents ; soit des prébendiers, qui ont à remplir
un service cultuel (une prébende, par exemple de nature alimentaire, exercé par le « brasseur »
au service de la divinité) une partie de l’année, d’autres prébendiers l’assurant à leur « tour »
(BALA) le reste de l'année. Ils sont rémunérés par le temple par des rations d’entretien,
souvent prélevées sur les offrandes octroyées au dieu. Les prêtres recevaient des champs de
subsistance concédés par le temple sur ses domaines. L’étude du clergé de la ville a également
mis en évidence le fait que les cultes de la cité d’Eridu, où se trouvait le sanctuaire du dieu
Enki/Ea, avaient été transférés à Ur, probablement suite à l’abandon de cette cité.

Au moins une école a pu être identifiée : au n°7 Quiet Street, où réside au temps de la
domination de Larsa Ku-Ningal, auquel succèdent ses fils, qui sont aussi prébendiers et
šandabakkum (charge de trésorerie) du temple de Sîn. On a retrouvé des tablettes scolaires et
littéraires dans d'autres résidences, comme le n°1 Broad Street, dont le propriétaire, Igmil-Sîn,
est également prêtre. Mais là il s'agit de tablettes mise au rebus, à côté d'autres de nature
comptable, ne témoignant pas d'une activité scolaire dans la maison. Toutes ces trouvailles
ont permis de reconstituer le cursus scolaire des scribes depuis les niveaux élémentaires
jusqu'à d'autres bien plus avancés19.

Ea-nasir, l’honorable possesseur du n°1 Old Street, demeure cossue, est quant à lui un
marchand qui effectue des affaires à Dilmun, où il réside une grande partie de l’année (époque
de la domination de Larsa). Lui et ceux qui exercent la même activité sont d’ailleurs appelés
ālik Dilmun, « (celui) qui va à Dilmun ». Le commerce maritime entre Ur et cette île du
Golfe, l’actuel Bahreïn, est en effet très important, et ce n’est pas une nouveauté de la période,
puisqu’il apparaît déjà dans les archives d’Ur à la période de la Troisième dynastie20. Les
marchands mésopotamiens vont chercher le cuivre importé dans cette île depuis Oman
(Magan), contre de l’argent ou bien des étoffes, de l’huile. Ils peuvent recourir à des
associations pour financer les voyages, notamment la société-tappūtum, connue par des
contrats, qui voit un bailleur de fonds fournit les capitaux à un mandataire, le profit étant
ensuite partagé entre les deux parties. A leur retour à Ur, les marchands font souvent des
offrandes à Sîn, en remerciement de l’aide qu’il leur a apporté dans leurs affaires et la réussite
du voyage. Le temple de la déesse Ningal effectue même des prêts commerciaux.

L’abandon de la ville

En l’an 11 du règne de Samsu-iluna, la documentation écrite d’Ur s’arrête brutalement,


comme dans les cités voisines Uruk et Larsa. La ville est apparemment abandonnée à partir de
ce moment, et pour les plusieurs siècles. Ses habitants ont probablement migré vers le nord,
comme l’on fait les habitants d’Uruk que l’on retrouve plus tard à Kish. Le contexte
économique et social de l’extrême-sud mésopotamien est très difficile, ce qui pousse à cet exil
qui semble massif.

Période kassite
Ur est réoccupée progressivement au début de la période de domination de la dynastie kassite
de Babylone (1595-1155)21. Le temple de Sîn fonctionne à nouveau à partir du règne de
Kurigalzu Ier. C'est probablement à ce dernier (et non à Kurigalzu II comme le pensait
Woolley) que l'on doit la restauration de plusieurs des édifices sacrés de la cité. Un fragment
de statue à son nom a été retrouvé, sur lequel une inscription le qualifie de « roi d'Ur », signe
de l'importance des travaux qu'il a fait faire dans cette ville22. La zone du temple de Sîn
connaît quelques aménagements : un édifice qui est sans doute un temple est bâti aux pieds de
la ziggurat dans l'espace sacré, et l'enceinte qui protège cet ensemble est percée d'une porte
reliant ce nouvel édifice au Giparu. Il semble que ce dernier perde alors toute fonction sacrée
et devienne entièrement résidentiel, le temple de Ningal qu'il abritait étant peut-être transféré
dans le nouveau temple23. La muraille de la ville est relevée, et un fortin est construit sur celle-
ci. Quelques habitations de cette période ont été dégagées, mais elles sont mal conservées. On
a également retrouvé 70 tablettes de cette époque, émanant d'archives privées : des procès,
actes de vente, distributions de rations, etc.24 La vie économique de la ville reprend, mais
semble bien loin du niveau des époques précédentes.

Ur au Ier millénaire

Cylindre en terre cuite de Nabonide, évoquant la restauration du temple de Sîn à Ur, British
Museum

Après des temps difficiles aux XIe - IXe siècles, la Babylonie connaît une reprise, en dépit des
conflits récurrents des entités politiques de la région contre la domination assyrienne qui
s’impose progressivement aux VIIIe - VIIe siècles. Ur est dirigée par une dynastie locale, dont
les chefs portent le titre de šakkanakku (ancien haut fonctionnaire du royaume d’Ur III), et ont
pu bénéficier d’une relative indépendance à certain moments. L'un d'eux, Sîn-balassu-iqbi, est
connu par les inscriptions qu'il a laissé commémorant des travaux de construction dans le
sanctuaire de Sîn au VIIe siècle. Il est le gouverneur d'Ur pour les rois assyriens Assarhaddon
et Assurbanipal.

Après la chute de l'Empire assyrien, la ville passe sous la coupe de la dynastie chaldéenne de
Babylone25. Nabuchodonosor II (605-562) fait construire une enceinte autour du quartier
sacré. Nabonide (556-539), le dernier représentant de cette dynastie, est un grand dévot du
dieu Sîn, et est donc très intéressé par Ur, restaure son grand temple. Sa fille Ennigaldi-Nanna
devient grande prêtresse du dieu. Sa grande résidence a été exhumée au nord du la cité, près
du port. On y a retrouvé des objets de périodes précédentes de l’histoire de la cité, témoignant
du goût des rois de la période pour les « antiquités ». Quelques résidences privées, de grande
taille, ont également été dégagées près du quartier AH. Une soixantaine de tablettes datant de
cette époque et de la suivante, celle de la domination achéménide, proviennent d’Ur26. Elles
sont de nature privée. Pour les temps achéménides (539-330), un lot provient des archives de
la famille du « Barbier » (Gallabu, du nom de l’ancêtre de la lignée), représentative des
« firmes familiales » de notables très présentes dans l’activité économique de le Babylonie de
l’époque (comme les Murashu à Nippur).

La ville d’Ur semble décliner après cette période. Le dernier texte exhumé dans ses ruines
remonte au règne de Philippe III Arrhidée (323-316). Quelques tombes d’époque séleucide
ont été retrouvées. Rien ne nous est parvenu des époques ultérieures, pour lesquelles ce site
semble bel et bien abandonné.
Notes et références
1. ↑ Genèse 11. 28-32
2. ↑ a et b Obeïd est situé en 30° 57′ 20″ N 46° 02′ 48″ E d'après (en) Tell al-Ubaid (ancient name
unknown) [archive] sur U.S. Department of Defense Legacy Resource Mangement Program (DoDLRMP)
3. ↑ (en) R. Hall et L. Woolley, Al Ubaid, Ur Excavations I, Oxford, 1927
4. ↑ (en) E. Burrows, Archaic Texts, Ur Excavation Texts II, Londres, 1935 ; (en) A. Alberti et F.
Pomponio, Pre-Sargonic and Sargonic Texts from Ur edited in UET II, Supplements, Rome, 1986
5. ↑ (en) R. Matthews, Cities, Seals and Writing, Archaic Seals Impressions from Jemdet Nasr and Ur,
Berlin, 1993
6. ↑ (en) P. Steinkeller, « Archaic City Seals and the Question of Early Babylonian Unity », dans T.
Abusch (dir.), Riches Hidden in Secret Places, Ancient Near Eastern Studies in Memory of Thorkild
Jacobsen, Winona Lake, 2002, p. 249-257
7. ↑ (en) L. Woolley et al., The Royal Cemetery: A Report on the Predynastic and Sargonid Graves
Excavated Between 1926 and 1931, Ur Excavations II, Londres, 1934
8. ↑ (en) R. L. Zettler et L. Horne (éds.), Treasures from the Royal Tombs of Ur, Philadelphie, 1998
9. ↑ (en) D. Frayne, The Royal inscriptions of Mesopotamia, Early periods, vol. 3/2, Ur III period
(2112-2004 BC), Toronto, 1993 ; (de) W. Sallaberger et A. Westhenholz, Mesopotamien, Akkade-
Zeit und Ur III-Zeit, Fribourg-Göttingen, 1999
10. ↑ (en) D. Loding, Economic Texts from the Third Dynasty, Ur Excavations Texts IX, Philadelphie,
1976 ; (en) M. Widell, The Administrative and Economic Ur III Texts from the City of Ur,
Piscataway, 2003
11. ↑ (en) A. L. Oppenheim, « The Seafaring Merchants of Ur », dans Journal of the American Oriental
Society 74/1, 1954, p. 6-17
12. ↑ (en) L. Woolley, The Ziggurat and Its Surroundings, Ur Excavations V, Londres et Philadelphie,
1939
13. ↑ (en) P. N. Weadock, « The Giparu at Ur », dans Iraq 37/2, 1975, p. 101-128
14. ↑ (en) J. Voris Canby, The “Ur-Nammu” Stela, Philadelphie, 2001
15. ↑ (en) S. N. Kramer, Lamentation over the Destruction of Ur, Chicago, 1940 ; (en) P.
Michalowski, The Lamentation over the Destruction of Sumer and Ur, Winona Lake, 1989 ; (de) W.
H. P. Römer, Die Klage Über die Zerstörung von Ur, Münster, 2004. Transcriptions et traductions
disponibles sur le site ETCSL [1] [archive]
16. ↑ (en) L. Woolley et M. Mallowan, The Old Babylonian Period, Ur Excavations VII, Londres et
Philadelphie, 1976
17. ↑ Étude générale dans (en) M. Van de Mieroop, Society and Enterprise in Old Babylonian Ur,
Berlin, 1992
18. ↑ D. Charpin, Le clergé d’Ur au siècle d’Hammurabi, Genève et Paris, 1986
19. ↑ (en) S. Tinney, « Texts, Tablets, and Teaching: Scribal Education in Nippur and Ur », dans
Expedition 40/2, 1998, p.40-50
20. ↑ (en) A. L. Oppenheim, op. cit. ; (en) M. Van de Mieroop, op. cit.
21. ↑ (en) L. Woolley et M. Mallowan, The Kassite Period and Period of the Assyrian Kings, Ur
Excavations VIII, Londres, 1965
22. ↑ (en) T. Clayden, « Kurigalzu I and the Restoration of Babylonia », dans Iraq 58, 1996, p. 118-119
23. ↑ (en) T. Clayden, « The Date of the Foundation Deposit in the Temple of Ningal at Ur », dans Iraq
57, 1995, p. 61-63
24. ↑ (en) O. R. Gurney, Middle Babylonian Legal Documents and Other Texts, Ur Excavations Texts
VII, Londres, 1974 ; id, The Middle Babylonian Legal land Economic Texts from Ur, Oxford, 1983
25. ↑ (en) L. Woolley et M. Mallowan, The Neo-babylonian and Persian Periods, Ur Excavations IX,
Londres, 1962
26. ↑ (en) H. H. Figulla, Business Documents of the Neo-Babylonian Period, Ur Excavations Texts IV,
Londres, 1949
Shoulgi

Poids d'une demi-mine consacré au dieu-lune par Shoulgi, musée du Louvre

Shoulgi (« noble jouvenceau »), roi de la IIIe dynatie d’Ur, fils d’Ur-Nammou, règne de 2094
à 2047 av. J.-C. sur le pays de Sumer.

Il se rapproche de la conception agadéenne de l’empire en adoptant le titre de « roi des quatre


nations » et en accolant le signe divin à son nom. Il entreprend la réorganisation politique,
militaire et administrative du royaume. La deuxième partie de son règne (après -2070) est
occupée à une politique territoriale plus active, notamment vers l’Élam, le Zagros et le
Kurdistan. Il meurt en -2047, soit assassiné, soit victime d’une épidémie. Amar-Sin lui
succède.

La liste royale sumérienne est un texte historiographique mésopotamien. Il retrace l'histoire


de la Mésopotamie depuis les origines, selon l'idéologie traditionnelle de ce pays.

Dynastie archaïque I
Rois légendaires anté-diluviens qui régnèrent avant 2900 avant J-C. Leurs règne étaient
mesuré en sars (période de 3600 ans) et en ners (période de 600 ans).

"Après que la royauté descendit du ciel, elle alla à Eridug. À Eridug, Alulim devint roi pour
un règne de 28800 ans."

Eridu

• Alulim de Eridug / Eridu : 28800 ans (8 sars)


• Alalgar de Eridug / Eridu : 36000 ans (10 sars)
• En-Men-Lu-Ana de Bad-Tibira : 43200 ans (12 sars)
• En-Men-Gal-Ana de Bad-Tibira : 28800 ans (8 sars)
• Dumuzid de Bad-Tibira : 36000 ans (10 sars)
• En-Sipad-Zid-Ana de Larak / Larag : 28800 ans (8 sars)
• En-Men-Dur-Ana de Sippar / Zimbir : 21000 ans (5 sars et 5 ners) ; (vers -2820)
• Ubara-Tutu de Shuruppak / Curuppag : 18600 ans (5 sars et 1 ner) ; (vers -2810)
• Ziusudra de Shuruppak: 36000 ans ; (vers -2800)

Dynastie archaïque II, Rois mythologiques


"Après le Déluge la royauté passa à Kish"

Première dynastie de Kish

• Kullassina-bel de Kish: 960 ans


• Nangishlishma de Kish: 670 ans
• En-Tarah-Ana de Kish: 420 ans
• Babum de Kish: 300 ans
• Puannum de Kish: 840 ans
• Kalibum de Kish: 960 ans
• Kalumum de Kish: 840 ans
• Zuqaqip de Kish: 900 ans
• Atab de Kish: 600 ans
• Mashda de Kish: 840 ans
• Arwium de Kish: 720 ans
• Etana de Kish, le pasteur, qui est monté au Ciel et a mis de l'ordre dans tous les pays :
1500 ans
• Balih de Kish: 400 ans
• En-Me-Nuna de Kish: 660 ans
• Melem-Kish de Kish: 900 ans
• Barsal-Nuna de Kish: 1200 ans
• Zamug de Kish: 140 ans
• Tizqar de Kish: 305 ans
• Ilku de Kish: 900 ans
• Iltasadum de Kish: 1200 ans
• En-Men-Barage-Si de Kish, qui conquit l'Élam: 900 ans
• Agga de Kish: 625 ans

"Ensuite Kish fut défait et la royauté passa à Eanna (Uruk)"

Première dynastie de Uruk (entre -2750 ? et -2550) [

• Mesh-ki-ang-gasher de E-ana, fils de Utu: 324 ans

Mesh-ki-ang-gasher avança loin dans la mer et disparu.

• Enmerkar, qui fonda Unug : 420 ans


• Lugalbanda de Unug, le berger : 1200 ans
• Dumuzid de Unug, le pêcheur : 100 ans. Captura a En-Me-Barage-Si de Kish.
• Gilgamesh, seigneur de Kulaba: 126 ans. (vers 2650 av J-C.)
• Ur-Nungal de Unug: 30 ans
• Udul-Kalama de Unug: 15 ans
• A-Ba'shum de Unug: 9 ans
• En-Nun-Tarah-Ana de Unug: 8 ans
• Mesh-He de Unug: 36 ans
• Melem-Ana de Unug: 6 ans
• Lugal-Kitun de Unug: 36 ans

"Ensuite Unug (Uruk) fut défait et la royauté passa à Urim (Ur)"

Première dynastie d'Ur (à partir de -2500)

• Mesh-Ane-Pada de Urim: 80 ans


• Mesh-Ki-Ang-Nanna de Urim: 36 ans
• Elulu de Urim: 25 ans
• Balulu de Urim: 36 ans

"Ensuite Urim (Ur) fut défait et la royauté passa à Awan".

Dynastie archaïque III


(La Première dynastie de Lagash n'est pas mentionnée dans la liste des rois)

• Les trois rois de Awan, gouvernèrent au total 356 ans

"Ensuite Awan fut défait et la royauté passa à Kish".

Seconde dynastie de Kish

• Susuda de Kish: 201 ans


• Dadasig de Kish: 81 ans
• Mamagal de Kish: 360 ans
• Kalbum de Kish: 195 ans
• Tuge de Kish: 360 ans
• Men-Nuna de Kish: 180 ans
• ? de Kish: 290 ans
• Lugalngu de Kish: 360 ans

"Ensuite Kish fut défait et la royauté passa à Hamazi".

• Hadanish de Hamazi: 360 ans

"Ensuite Hamazi fut défait et la royauté passa à Unug (Uruk)".

Seconde dynastie d'Uruk

• En-Shakansha-Ana de Unug: 60 ans


• Lugal-Ure (ou Lugal-Kinishe-Dudu) de Unug: 120 ans
• Argandea de Unug: 7 ans

"Ensuite Unug (Uruk) fut défait et la royauté passa à Urim (Ur)".

Seconde dynastie d'Ur

• Nani de Urim: 120 ans


• Mesh-Ki-Ang-Nanna de Urim: 48 ans
• ? de Urim: 2 ans

"Ensuite Urim (Ur) fut défait et la royauté passa à Adab".

Adab

• Lugal-Ane-Mundu de Adab: 90 ans

"Ensuite Adab fut défait et la royauté passa à Mari".

Mari

• Anbu de Mari: 30 ans


• Anba de Mari: 17 ans
• Bazi de Mari: 30 ans
• Zizi de Mari: 20 ans
• Limer de Mari: 30 ans
• Sharrum-Iter de Mari: 9 ans

"Ensuite Mari fut défait et la royauté passa à Kish".

Troisième dynastie de Kish

• Kug-Baba de Kish: 100 ans (Kug-Baba femme aubergiste, fonda Kish)

"Ensuite Kish fut défait et la royauté passa à Akshak".

Akshak

• Unzi de Akshak: 30 ans


• Undalulu de Akshak: 6 ans
• Urur de Akshak: 6 ans
• Puzur-Nirah de Akshak: 20 ans
• Ishu-Il de Akshak: 24 ans
• Shu-Sin de Akshak: 7 ans

"Ensuite Akshak fut défait et la royauté passa à Kish".

Quatrième dynastie de Kish

• Puzur-Sin de Kish: 25 ans


• Ur-Zababa de Kish: 400 (6?) ans
• Zimudar de Kish: 30 ans
• Ussi-Watar de Kish: 7 ans
• Eshtar-Muti de Kish: 11 ans
• Ishme-Shamash de Kish: 11 ans
• Shu-Ilishu de Kish: 15 ans
• Nanniya de Kish: 7 ans

"Ensuite Kish fut défait et la royauté passa à Unug (Uruk)".

Troisième dynastie de Uruk

• Lugal-Zage-Si de Unug: 25 ans (-2259 – -2235 (selon une chronologie courte) mis en
déroute au Lagash.

Empire d'Akkad [

• Sargon, dont le père était jardinier, échanson de Ur-Zababa, le roi (premier empereur)
de Agade, il fonda Agade : 56 ans (vers -2235, selon une chronologie courte)
• Rimush, le plus jeune fils de Sargon: 9 ans
• Manishtusu, le fils le plus agé de Sargon: 15 ans
• Naram-Sin, fils de Man-Ishtishu: 56 ans
• Shar-kali-sharri, fils de Naram-Sin: 25 ans

"Après qui fut roi ? Qui fut le roi ?"

• Irgigi, Imi, Nanum, Ilulu: les quatre gouvernèrent simultanément durant trois ans
• Dudu: 21 ans
• Shu-Durul, fils de Dudu: 15 ans

"Ensuite Agadé (Akkad) fut défait et la royauté passa à Unug (Uruk)".

Quatrième dynastie de Uruk

(Gouverna probablement la Basse Mesopotamie simultanément avec la dynastíe d'Akkad)

• Ur-Ningin de Unug: 7 ans


• Ur-Gigir de Unug: 6 ans
• Kuda de Unug: 6 ans
• Puzur-Ili de Unug: 5 ans
• Ur-Utu (ou Lugal-Melem) de Unug: 25 ans

"Ensuite Unug (Uruk) fut défait et la royauté passa aux Gutis ".

Période Guti

• Inkishush de Gutium : 6 ans


• Zarlagab de Gutium : 6 ans
• Shulme (ou Yarlagash) de Gutium : 6 ans
• Silulumesh (ou Silulu) de Gutium : 6 ans
• Inimabakesh (ou Duga) de Gutium : 5 ans
• Igeshaush (ou Ilu-An) de Gutium : 6 ans
• Yarlagab de Gutium : 3 ans
• Ibate de Gutium : 3 ans
• Yarla de Gutium : 3 ans
• Kurum de Gutium : 1 an
• Apil-Kin de Gutium : 3 ans
• A-Erabum de Gutium : 2 ans
• Irarum de Gutium : 2 ans
• Ibranum de Gutium : 1 an
• Hablum de Gutium : 2 ans
• Puzur-Sin de Gutium : 7 ans
• Yarlaganda de Gutium : 7 ans
• ? de Gutium : 7 ans
• Tiriga de Gutium : 40 ans

Uruk
• Utu-hengal de Unug, expulsa les Gutis

Troisième dynastie d'Ur

"Renaissance Sumérienne"

• Ur-Nammu de Urim: 18 ans gouverna de -2065 à -2047 (selon une chronologie


courte)
• Shulgi: 46 ans gouverna de -2047 à -1999 (selon une chronologie courte)
• Amar-Sina de Urim: 9 ans
• Shu-Sin de Urim: 9 ans
• Ibbi-Sin de Urim: 24 ans

"Ensuite Urim(Ur) fut défait et la royauté passa à Isín"

Dynastie de Isin

État amorite indépendant de Basse Mesopotamie. la dynastie s'éteignit vers -1730 (selon une
chronologie courte).

• Ishbi-Erra de Isín: 33 ans


• Shu-ilishu de Isín: 20 ans
• Iddin-Dagan de Isín: 20 ans
• Ishme-Dagan de Isín: 20 ans
• Lipit-Ishtar de Isín: 11 ans
• Ur-Ninurta de Isín (fillo de Ishkur): 28 ans
• Bur-Sîn de Isín: 5 ans
• Lipit-Enlil de Isín: 5 ans
• Erra-imitti de Isín: 8 ans
• Enlil-bâni de Isín: 24 ans
• Zambiya de Isín: 3 ans
• Iter-Pisha de Isín: 4 ans
• Ur-Dul-Kuga de Isín: 4 ans
• Sin-Magir de Isín: 23 ans

" 11 cités se succédèrent pour exercer la royauté, représentant un total 134 rois et
approximativement 28.876 années de règnes"

R Gudea (« l'appelé ») est ensi (gouverneur) de la cité-État de Lagash, en basse Mésopotamie


de 2141 à 2122 av. J.-C. Il est célèbre pour les nombreuses statues qui le représentent.

Règne
Par son mariage avec Ninalla, fille d’Ur-Gaba, ensi de Lagash, Gudea entre dans la famille
royale. Si ses inscriptions revendiquent une campagne victorieuse contre Anshan, Gudea est
un prince avant tout bâtisseur. Il fait reconstruire une vingtaine de temples à Ur, Nippur,
Adab, Uruk et Bad-Tibira — indice intéressant de l'influence de Gudea à Sumer.

Le plus important est l’Eninnu, dédié à Ningirsu, divinité tutélaire de Girsu — actuelle Tellō,
l’une des villes de l'État de Lasgah. Selon des inscriptions figurant sur des cylindres ou les
statues de Gudea, la décision est prise suite une série de rêves dans lesquels Ningirsu —
directement ou par le biais de sa sœur, Nanshe, interprète des rêves — réclame un temple à
Gudea. Les inscriptions décrivent ensuite comment Gudea, après avoir fait régner la paix à
Lagash, purifie la cité, délimite une enceinte sacrée et établit le plan du temple. Après avoir
dessiné le moule à briques, il choisit une argile pure, purifie les fondations, fait la première
brique, la porte sur sa tête et la pose. Puis les artisans, venus d’Élam et de Suse, poursuivent le
chantier. On utilise les matériaux les plus précieux : cèdre, or, argent, porphyre, ce qui
témoigne de la grande prospérité de la cité-État. En un an, l’Eninnu est achevé et Gudea peut
clamer : « Le respect du temple emplit tout le pays ; la crainte qu’il impose habite l’étranger ;
l’éclat de l’Enninu couvre l’univers comme un manteau ! »

Statues de Gudea

Fragment d'une stèle trouvée à Girsu, musée du Louvre


De nombreuses statues du roi Gudea (pour la plupart en diorite) et des fragments de bas-
reliefs ont été découverts sur le site de Tello, anciennement Girsu.

La matière première, belle pierre dure importée sans doute d’Arabie méridionale, a été
retrouvée en telle quantité que l’on doit songer à un approvisionnement régulier et
quantitativement important, ce qui implique des relations suivies et un système économique
équilibré. On sait d'après les textes que la diorite, qui est la pierre majoritairement utilisée
pour les représentations de Gudéa provenait du "pays de Magan" qui correspond à l'actuel
sultanat d'Oman.La qualité plastique du travail signifie que l’atelier d’où sont sorties ces
œuvres avait une longue tradition de la sculpture sur de la pierre dure et qu’il ne saurait être
question d’une renaissance ou d’une redécouverte consécutive à un siècle d’effacement total.
On constate un retour aux conventions qui avaient cours avant les créations agadéennes, mais
la série des Gudea n’est en rien conforme à la production des sites de Mari ou de la vallée de
la Diyala de l’époque des dynasties archaïques : l’usage de la diorite, pierre particulièrement
dure, impose des formes très massives où les éléments du corps sont très peu sortis de la
masse.

Sur le plan iconographique et stylistique, les différentes représentations de Gudéa obéissent à


un modèle bien précis. Tout d'abord le souverain est représenté avec une sorte de bonnet à
haut rebord. Le costume est une robe découvrant l'épaule droite. Le visage, dont les arcades
sourcillières sont en "arêtes de poisson",est identique d'une statue à l'autre. Il faut aussi
souligner l'attention toute particulière portée par l'artisan aux mains et aux pieds, travaillés
avec finesse.Le rendu des bras laisse découvrir la musculature du souverain, qui se
surnommait lui même "Gudéa, l'homme aux bras forts".

Sur le plan symbolique,il faut voir ces statues comme l'expression de la piété de Gudéa. Son
visage est en effet emprunt de sérénité, et il est souvent représenté dans la position de l'orant,
les deux mains jointes. Il faut de plus remettre ces statues dans le contexte de l'époque,
puisqu'elles étaient placées dans des temples. Gudéa s'inscrit à ce propos dans la catégorie dite
des "rois bâtisseurs", puisqu'il fit ériger plusieurs temples durant son règne. Le dieu de l'Etat
de Lagash sur lequel il régnait était Ningirsu; et son dieu personnel était Ningishzidda dont
l'animal-attribut est le dragon-serpent bashmu.

La période paléo-babylonienne

La période paléo-babylonienne est une période de l'histoire de la Mésopotamie, et par


extension du Proche-Orient ancien, qui va de 2004 à 1595 av. J.-C. selon la chronologie
moyenne. Elle débute et s'achève par la chute de deux grands empires, respectivement la
Troisième dynastie d'Ur et la Première dynastie de Babylone.

La dénomination "paléo-babylonienne" est la plus courante. Elle est reprise à partir du


découpage en périodes du dialecte babylonien (de la langue akkadienne). Elle est impropre,
dans la mesure où Babylone ne devient une puissance notable qu'au milieu de cette période, et
n'a jamais le poids prépondérant tel qu'elle connaît plus tard dans le Proche-Orient. Mais cette
dénomination est toujours utilisée, par convention. D. Charpin a proposé de parler de période
amorrite, dans la mesure où cette période voit l'établissement de nombreuses dynasties
royales amorrites dans tout le Proche-Orient, Babylone étant seulement l'une d'elle. Cet notion
d'âge des Amorrites était d'ailleurs présente dans l'historiographie mésopotamienne des
périodes suivantes.

Du point de vue archéologique, cette période correspond à l'âge du bronze moyen.

Les dynasties amorrites dominent dès le XIXe siècle av. J.-C. un vaste espace allant du Levant
au sud de la Mésopotamie. Là se forme une véritable koinè qui, malgré des particularismes
régionaux, présente une évidente unité autour de divers traits culturels, notamment
linguistiques, religieux, fortement marqués par les traditions antérieures (surtout celle de la
Mésopotamie des Sumériens et premiers Akkadiens), mais aussi avec quelques particularités
dues en partie aux pratiques propres aux Amorrites, qui gardent des traces de la vie nomade,
de l'organisation en tribu, même chez ceux qui se sont sédentarisés et ont pris le pouvoir dans
les anciennes cités proche-orientales. Au contact de ce monde se situent plusieurs régions
ayant leurs propres particularités, peuplées par des populations non-sémitiques, comme les
Élamites, Hittites, Hourrites, Gutis.

Le Proche-Orient paléo-babylonien

Le Proche-Orient à l'époque paléo-babylonienne

On peut tenter une division du Proche-Orient paléo-babylonien entre plusieurs régions


présentant une certaine unité : la basse Mésopotamie, très marquée par la tradition sumérienne
et akkadienne ; la haute Mésopotamie, entre le Tigre et l'Euphrate, avec en son milieu le
« Triangle du Khabur », d'une importance géopolitique cruciale ; la Syrie, entre l'Euphrate et
la Méditerranée ; et le plateau iranien, dominé par le royaume élamite, l'Anatolie, où les
Hittites émergent, et la Palestine, avec plus loin l'Égypte.

Basse Mésopotamie

La basse Mésopotamie est couramment appelée « Pays de Sumer et d'Akkad ». C'est le centre
de l'ancien royaume d'Ur III, dont l'effondrement a laissé la place à plusieurs royaumes
amorrites se partageant la région.
Les deux premiers royaumes à occuper une place importante sont Isin et Larsa (on parle
d'ailleurs de "Période Isin-Larsa" pour le XIXe siècle av. J.-C.). La tradition sumérienne
héritée du royaume d'Ur reste encore forte, surtout au début de la période, où le sumérien est
encore la langue des inscriptions royales, de la littérature et aussi des documents de la vie
quotidienne. La forte lutte entre Isin et Larsa ne doit pas masquer la division politique de cette
région, surtout au nord, l'ancien pays d'Akkad, partagé entre plusieurs royaumes, comme
Kish, Sippar, Malgium, Rapiqum, et surtout Babylone, qui prend plus de poids et s'empare
des royaumes voisins dans le courant de la seconde moitié du XIXe siècle av. J.-C., tandis
qu'au sud Larsa finit par prendre l'ascendant sur Isin, et aussi un éphémère royaume d'Uruk,
sous le long règne de Rim-Sin (1822-1763). Plus au nord, dans la ville de la Diyala, le
royaume d'Eshnunna connaît un grand essor à cette même période, mais ses visées sont plutôt
vers le nord de la Mésopotamie.

Le tournant de l'histoire politique de la région est l'avènement de Hammurabi de Babylone


(1792-1750). Après un début de règne assez calme, il entame sa première grande campagne
militaire en aidant le roi élamite Siwepalarhuhpak à vaincre le roi Ibal-pi-El II d'Eshnunna,
avec également l'aide de Zimri-Lim de Mari. cette campagne se termine par un grand succès,
mais les alliés se brouillent vite, et le roi élamite entend faire valoir sa domination sur le roi de
Babylone, qu'il juge comme son vassal. Hammurabi réussit à monter une coalition, avec
surtout l'appui de Zimri-Lim, ce qui lui permet de repousser les Élamites en 1764. Cette
victoire est un tournant : dans la foulée, Hammurabi s'empare de Larsa, Eshnunna, du nord de
la Mésopotamie puis de Mari. Son fils Samsu-iluna réussit à conserver ces acquis tant bien
que mal, mais le royaume se désagrège vite au nord, tandis qu'au sud les anciennes villes
sumériennes sont désertées après une grande révolte, durement réprimée. Ces difficultés
politiques s'effectuent dans un contexte de crise économique, qui voit s'affaiblir le royaume
babylonien au cours du XVIIe siècle av. J.-C., jusqu'à la prise de Babylone par un raid hittite
en 1595, qui marque la fin de la période.

Haute Mésopotamie

L'histoire de la haute Mésopotamie au début de la période est mal connue. C'est une zone où
se mêlent différents peuples : populations sémitiques (Amorrites notamment), Hourrites au
nord, Turukéens dans les contreforts du Zagros (attestés par les archives de Shusharra,
contemporaines de celles de Mari), au contact des Gutis, etc.

Les principaux royaumes de la région sont Mari, à l'extrémité ouest sur l'Euphrate, et
Ekallatum, quelque part sur le cours moyen du Tigre. On compte aussi la cité-état d'Assur, qui
développe dans le courant du XIXe siècle av. J.-C. un fructueux commerce vers la Cappadoce,
connu par les archives retrouvées à Kanish, et une multitude de petits royaumes dans le
Triangle du Khabur, comme Karana (connu par les archives de Tell Rimah), Apum
(Shekhna/Shubat-Enlil), Urkish, Nagar, Andarig, etc., qui font l'objet de convoitises des
grands royaumes.

Autour de la fin du XIXe siècle av. J.-C. et du début du XVIIIe siècle av. J.-C., la région fait
l'objet de luttes entre les royaumes d'Eshnunna, d'Ekallatum et de Mari. C'est finalement un
roi du deuxième, Samsi-Addu, qui réussit à dominer la région et à constituer un Royaume de
Haute-Mésopotamie entre 1793 et 1775, en soumettant Mari, et en s'alliant à Eshnunna. Mais
sa mort marque la fin de son entreprise, qui ouvre la voie à l'ascension de Mari sous le règne
de Zimri-Lim, allié des rois d'Alep, qui rejoint l'Élam et Babylone pour éliminer leur rival
commun Eshnunna, avant de s'allier au second dans la guerre qui l'oppose au premier. Cette
manœuvre politique coute finalement cher à Zimri-Lim, puisque c'est le roi de Babylone,
Hammurabi, qui cause sa perte en prenant sa capitale en 1763.

La haute Mésopotamie est ensuite partagée entre les sphères d'influence de Babylone à l'est et
Alep à l'ouest, tandis que les roitelets du Khabur continuent à se faire la guerre comme nous
l'apprennent les archives de Shekhna (Tell Leilan) datant de la seconde moitié du
XVIIIe siècle av. J.-C.. L'histoire de la région au cours du XVIIe siècle av. J.-C. est mal
connue. Les influences de Babylone et Alep s'effacent à la fin du siècle, sous les coups des
Hittites, tandis que les Hourrites se sont vraisemblablement constitué un royaume puissant,
préfigurant le futur Mitanni, qui domine la haute Mésopotamie et la Syrie au XVIe siècle av.
J.-C..

Syrie

La Syrie est partagée entre deux grands royaumes : Alep (le Yamkhad), qui domine le nord de
la région entre la Méditerranée et l'Euphrate, jusqu'à l'aire d'influence de Mari (autour de
Tuttul), avec dans son giron les villes d'Emar, Ugarit, Alalakh ; au sud le royaume de Qatna,
moins bien connu. On peut mentionner le royaume de Karkemish plus au nord, au contact du
monde anatolien, qui conserve une certaine indépendance, et son voisin Urshum, ainsi que
Ebla, entre Alep et Qatna, et Tadmor (Palmyre), plus au sud dans le désert.

Pour le début du XVIIIe siècle av. J.-C., qui nous est connu par les archives de Mari, la lutte
entre Alep et Qatna est âpre, mais finit par connaître une accalmie. D'après les archives plus
tardives d'Alalakh, cité vassale d'Alep, il semble que ce dernier ait fini par s'emparer de
Qatna. De toute évidence, ce royaume était l'un des plus puissants (voire le plus puissant) du
Proche-Orient à cette période. Il chute à la fin du XVIIe siècle av. J.-C. après les attaques
successives des rois hittites Hattushili Ier et Mursili Ier. Plus tard, il tombe sous la coupe des
rois du Mitanni, comme nous l'apprend la stèle d'Idrimi, roi d'Alalakh, fils d'un roi d'Alep
chassé de sa ville par les troupes du Mitanni au début du XVIe siècle av. J.-C..

L'Élam et le plateau iranien

Le royaume élamite est le responsable direct de la chute du royaume d'Ur III, puisque c'est
son armée qui mène la coalition s'emparant de la capitale de ce dernier en 2004. Par la suite,
les relations avec les rois d'Isin se normalisent, mais elles sont plus difficiles avec Larsa, dont
le roi Gungunnum se vante d'une victoire en Élam. Deux dynasties se succèdent sur le trône
élamite à cette période. La première est celle de Simashki, une ville peut-être située dans le
Kerman. La seconde, qui prend le relais dans le courant du XIXe siècle av. J.-C., est celle dite
des sukkalmah, par le titre que portent ses rois. Au début du XVIIIe siècle av. J.-C., ses
souverains Shiruktukh et Siwepalarhuhpak exercent une suzeraineté nominale sur les rois
amorrites, ce qui montre bien la puissance de leur royaume. Mais quand le second essaie de la
rendre effective entre 1765 et 1764, il est finalement repoussé par une coalition de rois
amorrites menée par Mari et Babylone, qui s'étaient auparavant rallié à lui pour prendre
Eshnunna. Cette défaite ne marque pourtant pas un déclin du royaume élamite, comme en
témoigne un raid effectué par le roi Kutir-Nahhunte Ier quelques années plus tard en basse
Mésopotamie.

Les autres royaumes du plateau iranien de cette période nous sont inconnus. Le Marhashi des
époques précédentes n'est plus mentionné. Dans le Zagros, à proximité de la Mésopotamie,
des souverains gutis gardent une certaine importance. Les Kassites, qui règnent plus tard sur
Babylone, sont supposés venir de cette même région, mais leurs premières attestations sont en
haute Mésopotamie.

Anatolie

L'Anatolie est surtout connue pour cette période par les archives du comptoir des marchands
d'Assur à Kanish (Kültepe) en Cappadoce. Elles nous montrent plusieurs royaumes, certains
dominés par des populations indo-européennes, surtout les Hittites (qui se nomment eux-
mêmes Nésites), mais aussi les Palaïtes et les Louvites, qui sont plutôt situé au sud, autour de
Kanish, Purushkhanda, Warshama, Kussar ; au nord se trouvent d'autres populations, comme
les Hattis, autour de Hattusha, et plus au nord le royaume de Zalpa, dont la population est
inconnue.

Un premier grand royaume est constitué dans la région par les rois Pithana et Anitta de Kussar
vers le début du XVIIIe siècle av. J.-C.. Mais cette construction politique ne survit pas à ses
initiateurs, et l'Anatolie retombe dans l'obscurité pour le reste de ce siècle.

C'est dans le courant de la première moitié du XVIIe siècle av. J.-C. qu'émerge le royaume
hittite, centré sur Hattusha, dans des conditions obscures (on ne sait pas qui est exactement
son fondateur, Labarna, ni ses liens avec les rois de Kussar). Ses rois Hattushili Ier et Mursili
Ier en font une grande puissance : ils dominent l'Anatolie orientale, lancent des raids vers les
régions occidentales, et aussi vers la Syrie et l'Anatolie, où le second détruit les deux plus
puissants royaume amorrites, Alep et Babylone. Mais sson règne s'achève par son assassinat,
qui ouvre une période de crise successorale marquant le retrait du royaume de la scène
politique pour quelques années.

Sud du Levant

Le cave le plus gros et méridional connu par les sources de Mari est celui de Hazor, qui doit
être frontalier de Qatna, mais dont on sait peu de choses. La ville marchande de Byblos est
peu attestée dans les sources proche-orientales. Elle l'est en revanche par l'archéologie, et par
les textes de l'Égypte, avec qui elle est en relation depuis longtemps.

Celle-ci est absente de la scène politique du Proche-Orient de cette période (contrairement aux
suivantes), malgré la puissance de sa XIIe Dynastie, dont on pense désormais qu'elle n'a
jamais établi de domination sur les terres asiatiques. Mais elle était en contact avec la
Palestine, comme l'attestent les textes d'exécration mentionnant des royaumes de cette région,
ainsi que le Conte de Sinouhé. C'est sans doute du Proche-Orient que viennent les Hyksos, qui
s'emparent du nord de l'Égypte dans la première moitié du XVIIe siècle av. J.-C..

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