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C O R R I G É
Introduction
Le sentiment d’injustice est un phénomène à prendre en considération car
c’est par lui que nous découvrons la nécessité de son contraire. En effet,
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lorsque la justice règne, il n’y pas lieu de se plaindre. La découverte de
l’injustice nous sensibilise à l’importance de la justice en introduisant en
nous le désir d’un ordre conforme au droit. Quelle portée doit-on cependant
accorder à cette expérience ? La conviction intime d’assister ou d’être
victime d’un scandale conduit à réagir. Autorise-t-elle pour autant à s’affran-
chir des lois établies ? Ce pas paraît légitime, mais il pose une double
difficulté. Le sentiment est-il un guide sûr ? En second lieu, transgresser les
lois, n’est-ce pas toujours commettre à son tour une injustice ? Il faut donc
La culture
évaluer ce sentiment dans ses rapports avec la légalité.
La raison et le réel
victime des rois corrompus, « mangeurs de présents », qui rendent des
jugements iniques. Dans la Bible, des prophètes juifs clament leur colère en
voyant les riches mépriser les pauvres et les puissants écraser les faibles.
La plainte de la conscience blessée par le spectacle de l’injustice a une
double valeur. Elle exprime une souffrance et elle accuse en son nom. Le
droit en a conservé la trace. Nous portons plainte quand nous estimons
subir un dommage. Les tribunaux prennent alors notre cas en charge, mais
la naissance du processus n’est pas juridique. Il provient d’un sentiment
d’indignation et de révolte.
La politique
B. Les situations injustes
La perception de l’injustice est celle d’un inégalité criante. Toute inégalité
n’est pas injuste. Certaines obéissent à une règle de proportionnalité. Nous
ne sommes pas forcément choqués que certains aient un salaire supérieur à
d’autres, mais le cas des « parachutes dorés » nous indigne. L’injustice est
donc synonyme de disproportion ou d’une différence que rien ne vient
fonder. On parle alors de discrimination. Lorsqu’un emploi est refusé à une
personne sur la seule base de son accent ou de son nom de famille, nous
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Le sujet
étant une manifestation de la liberté de la volonté. Légaliser une occupation
reviendrait à dire que cet acte a une portée générale, donc qu’il peut être
répété au même titre qu’on acquiert un logement par l’achat. N’est-ce pas
commettre une injustice envers ceux qui ont acquis leur bien par le travail et
par contrat ? En même temps, nous voyons que des lois permettent des
situations intolérables. La distribution des biens ou des chances d’y accéder
est injuste quand elle porte atteinte à la dignité humaine. Mais s’indigner
est-il en soi une justification pour violer les lois ?
La culture
[Transition]
Devons-nous en rester au face-à-face de la plainte et de la loi ? C’est en
approfondissant leurs rapports que nous pourrons dépasser la simple
confrontation.
La raison et le réel
A. L’ambiguïté du cœur
Cette difficulté est mise en évidence par les débats relatifs à la place du
cœur. Ce terme désigne, en philosophie, le principe du sentiment. Il a en sa
faveur d’être sincère. Dans le Discours sur l’origine et les fondements de
l’inégalité, Rousseau fait l’éloge de la pitié, « seule vertu naturelle » qui
pousse chacun à ne pas nuire à autrui et à lui venir spontanément en aide.
La sensibilité à l’injustice trouve ici un de ses arguments les plus puissants.
Devant une agression, notre cœur nous pousse à intervenir et c’est, selon
Rousseau, notre raison qui nous en détourne en nous faisant réfléchir aux
conséquences possibles. La raison viendrait donc corrompre la bonté du
La politique
cœur en lui apprenant à réfréner son indignation. Cependant, ressentir
l’injustice et y réagir peut conduire à une négation globale de la justice.
Kleist l’illustre de façon romanesque dans Michel Kohlhaas, l’histoire d’un
petit propriétaire qui met l’Allemagne à feu et à sang pour se venger du
dommage qu’un seigneur lui a causé. La violence de son sentiment le
conduit à causer des injustices bien plus grandes que celle qu’il a subie. La
victime devient criminelle en cédant au désir de vengeance. Elle bafoue le
droit et la morale en se faisant justice à soi-même. Nul ne doit être juge et
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Conclusion
Nous avons vu que la difficulté de ce sujet tient au fait que la notion de
justice inclut la dimension du sentiment, tout en entretenant à son égard
une suspicion ou une critique car sa subjectivité peut le conduire à provo-
quer des injustices supérieures à celles qu’il entend corriger. Toutefois,
comme les lois sont parfois violemment injustes ou en tout cas perfectibles,
le droit s’honore en réfléchissant à sa propre amélioration. Ce point peut
aller jusqu’à l’introduction de nouveaux droits. Des débats récents le mon-
trent bien. Un droit au logement opposable devrait être reconnu à ceux dont
les conditions de vie bafouent la dignité humaine. Le recours à l’illégalité
n’est légitime qu’en tant qu’il est le « dernier recours » pour faire progresser
le droit. Sa raison d’être est donc de cesser d’être dès que le tort est
réparé.
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