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LA JUSTICE ET LE DROIT • SUJET 29

■ Dégager la problématique et construire un plan


La problématique
La problématique vient du fait que le sentiment d’injustice est un phé-
nomène suffisamment important pour qu’on ne puisse pas le négliger,
mais qu’il est délicat de déterminer son statut et sa portée légitimes. Le
problème est dû à la complexité du mot justice. Il y a un sens de la
justice qui renvoie à notre sensibilité, et une idée de la justice qui
implique le droit. Ce dernier aspect est d’ordre intellectuel ou
rationnel. Il définit ce qui est légal. Ce domaine demande un effort de
connaissance pour être compris, et de la réflexion pour être élaboré. De
ce point de vue, le sentiment va apparaître comme une donnée insuffi-
sante. L’ordre juridique ne peut pas avoir pour règle le cri du cœur,
mais le droit n’a pas non plus le monopole de la valeur de justice. Voilà
le problème qu’il s’agit de traiter.
Le plan
On commencera par mettre en évidence la nature et l’intérêt du senti-
ment d’injustice. Dans un deuxième temps nous en marquerons les
failles. Il sera alors question du concept de droit. Dans un dernier
moment, on essaiera de voir comment harmoniser le sentiment et l’idée
de la justice.

■ Éviter les erreurs


Une erreur majeure serait de ne pas distinguer les significations de la
notion de justice, et notamment celle du légal et du légitime. Cela
conduirait notamment à simplifier la question en accordant trop au sen-
timent ou à la loi.

C O R R I G É

Les titres en couleurs servent à guider la lecture et ne doivent en aucun cas


figurer sur la copie.

Introduction
Le sentiment d’injustice est un phénomène à prendre en considération car
c’est par lui que nous découvrons la nécessité de son contraire. En effet,
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Le sujet
lorsque la justice règne, il n’y pas lieu de se plaindre. La découverte de
l’injustice nous sensibilise à l’importance de la justice en introduisant en
nous le désir d’un ordre conforme au droit. Quelle portée doit-on cependant
accorder à cette expérience ? La conviction intime d’assister ou d’être
victime d’un scandale conduit à réagir. Autorise-t-elle pour autant à s’affran-
chir des lois établies ? Ce pas paraît légitime, mais il pose une double
difficulté. Le sentiment est-il un guide sûr ? En second lieu, transgresser les
lois, n’est-ce pas toujours commettre à son tour une injustice ? Il faut donc

La culture
évaluer ce sentiment dans ses rapports avec la légalité.

1. Nature et intérêt du sentiment


A. La plainte
Le sentiment d’injustice est une donnée importante de l’expérience
humaine. Il s’exprime dans des textes très anciens. Les Travaux et les Jours
d’Hésiode, au VIIe siècle avant Jésus-Christ, expriment la plainte de l’homme

La raison et le réel
victime des rois corrompus, « mangeurs de présents », qui rendent des
jugements iniques. Dans la Bible, des prophètes juifs clament leur colère en
voyant les riches mépriser les pauvres et les puissants écraser les faibles.
La plainte de la conscience blessée par le spectacle de l’injustice a une
double valeur. Elle exprime une souffrance et elle accuse en son nom. Le
droit en a conservé la trace. Nous portons plainte quand nous estimons
subir un dommage. Les tribunaux prennent alors notre cas en charge, mais
la naissance du processus n’est pas juridique. Il provient d’un sentiment
d’indignation et de révolte.

La politique
B. Les situations injustes
La perception de l’injustice est celle d’un inégalité criante. Toute inégalité
n’est pas injuste. Certaines obéissent à une règle de proportionnalité. Nous
ne sommes pas forcément choqués que certains aient un salaire supérieur à
d’autres, mais le cas des « parachutes dorés » nous indigne. L’injustice est
donc synonyme de disproportion ou d’une différence que rien ne vient
fonder. On parle alors de discrimination. Lorsqu’un emploi est refusé à une
personne sur la seule base de son accent ou de son nom de famille, nous
La morale

percevons nettement l’existence d’une injustice quelles que soient nos


connaissances en matière juridique. Le cas récurrent des personnes sans
abri montre bien que les moyens d’accéder à un logement décent ne sont
pas répartis de façon suffisamment égale.
Ces situations ont été résumées et éclairées par Paul Ricœur, qui distingue
trois cas fondamentaux : les partages inégaux que nous jugeons inaccepta-
bles, les punitions ou les récompenses excessives ; et les promesses non
tenues. Dans le premier cas, l’injustice concerne un mode de distribution ou
Sujets d’oral

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de répartition ; dans le deuxième, la rétribution ; et dans le troisième cas


elle surgit avec la trahison de la confiance accordée par autrui, car une
société ne peut exister sans un minimum de confiance partagée. Ricœur
décèle dans ces trois cas les prémices du droit pénal (la sanction) et du
droit des contrats qui règle les échanges de biens et de services.
[Transition]
Cette dernière remarque est importante car elle donne une légitimité au
sentiment d’injustice. Il semble être à l’origine du besoin du droit. Mais
qu’est-ce que la légalité ?

2. La raison d’un conflit


A. La justice légale
L’intitulé du sujet nous en avertit. Le sentiment d’injustice peut entrer en
conflit avec l’ordre légal. Comment cela est-il possible puisque la légalité
passe souvent pour la définition de la justice ? Dans nos sociétés la justice
légale se présente sous une forme juridique – un corps de lois écrites –,
et judiciaire – des tribunaux pour régler les conflits. Pour que la sentence
soit juste, il faut qu’elle ait été précédée par un échange de discours où
chaque camp expose ses arguments et ses griefs.
On le voit, la justice légale n’a pas la rapidité d’un sentiment. Elle est plus
réfléchie et plus rationnelle. Elle est cette « voie longue » ou procédurale
alors que le sentiment s’enflamme vite à la vue de l’injustice. Toutefois cette
organisation est rendue nécessaire par la fonction du droit. Celui-ci se
définit par l’ensemble des lois positives, c’est-à-dire des mesures ou des
dispositions générales qu’un État impose pour faire régner un ordre
commun. Le droit est dit alors objectif car il apparaît dans sa dimension
contraignante à l’égard des désirs individuels. Les lois expriment dans une
forme écrite l’ensemble de ce qui obligatoire, interdit et autorisé. Elles
constituent un système articulé dans des codes qui essaient de faire préva-
loir des valeurs de justice, d’égalité. La complexité des rapports sociaux fait
que l’élaboration des règles juridiques est un travail très spécialisé.
B. Raison juridique et sentiment moral
La définition d’un tel ordre ne peut prendre pour principe le sentiment car
c’est une donnée bien trop subjective et aléatoire. Un sentiment peut varier
alors que les lois ont pour but de stabiliser les rapports entre les personnes.
Le point de vue légal peut reprocher au sentiment de ne pas prendre le
recul nécessaire par rapport à l’étendue des cas à traiter. L’indignation est
l’expression d’un seul point de vue sur le sujet. Ainsi, dans le cas du loge-
ment, la justice légale doit aussi prendre en compte le droit du propriétaire
dont les locaux sont occupés. Le droit reconnaît la propriété privée comme
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Le sujet
étant une manifestation de la liberté de la volonté. Légaliser une occupation
reviendrait à dire que cet acte a une portée générale, donc qu’il peut être
répété au même titre qu’on acquiert un logement par l’achat. N’est-ce pas
commettre une injustice envers ceux qui ont acquis leur bien par le travail et
par contrat ? En même temps, nous voyons que des lois permettent des
situations intolérables. La distribution des biens ou des chances d’y accéder
est injuste quand elle porte atteinte à la dignité humaine. Mais s’indigner
est-il en soi une justification pour violer les lois ?

La culture
[Transition]
Devons-nous en rester au face-à-face de la plainte et de la loi ? C’est en
approfondissant leurs rapports que nous pourrons dépasser la simple
confrontation.

3. Le légal, le juste et le bon

La raison et le réel
A. L’ambiguïté du cœur
Cette difficulté est mise en évidence par les débats relatifs à la place du
cœur. Ce terme désigne, en philosophie, le principe du sentiment. Il a en sa
faveur d’être sincère. Dans le Discours sur l’origine et les fondements de
l’inégalité, Rousseau fait l’éloge de la pitié, « seule vertu naturelle » qui
pousse chacun à ne pas nuire à autrui et à lui venir spontanément en aide.
La sensibilité à l’injustice trouve ici un de ses arguments les plus puissants.
Devant une agression, notre cœur nous pousse à intervenir et c’est, selon
Rousseau, notre raison qui nous en détourne en nous faisant réfléchir aux
conséquences possibles. La raison viendrait donc corrompre la bonté du

La politique
cœur en lui apprenant à réfréner son indignation. Cependant, ressentir
l’injustice et y réagir peut conduire à une négation globale de la justice.
Kleist l’illustre de façon romanesque dans Michel Kohlhaas, l’histoire d’un
petit propriétaire qui met l’Allemagne à feu et à sang pour se venger du
dommage qu’un seigneur lui a causé. La violence de son sentiment le
conduit à causer des injustices bien plus grandes que celle qu’il a subie. La
victime devient criminelle en cédant au désir de vengeance. Elle bafoue le
droit et la morale en se faisant justice à soi-même. Nul ne doit être juge et
La morale

partie, car l’évaluation du tort ne saurait être objective ni rencontrer l’accord


de l’autre personne.
B. La réflexion du droit sur lui-même
Si M. Kohlhaas n’aurait pas dû agir ainsi, il reste qu’il devint violent car le
droit féodal ne voulut pas reconnaître le bien-fondé réel de sa plainte. Sa
prise en compte aurait permis une amélioration du droit. Alain déclare en
ce sens que « la justice est le doute sur le droit qui sauve le droit ». Il faut
que les législateurs et les gouvernants sachent s’interroger sur la justice
Sujets d’oral

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qu’ils définissent. En dépit de ses abus possibles, la force du sentiment


d’injustice vient donc du fait qu’il conduit à questionner la justice de la loi
établie. Après tout, les lois positives sont des créations humaines.
Pensons au cas exemplaire de ceux que l’on nomme les Justes et que la
République a honorés au Panthéon en janvier 2007. Ces personnes
doivent ce titre glorieux au fait d’avoir sauvé des Juifs alors que les lois de
Vichy exigeaient qu’ils soient livrés. Cela montre que la légalité n’est pas
forcément identique à la légitimité. Les Justes ont agi au nom de valeurs
universelles que l’ordre légal de l’époque bafouait, et il est frappant de
constater que les motifs de leur action furent fréquemment inspirés par le
sentiment simple mais invincible d’une injustice commise à l’égard des
persécutés. La voix de leur conscience leur a fait penser que les lois de
Vichy ne devaient pas être suivies. Les Justes eurent entièrement raison
de s’autoriser des actes illégaux, car en agissant ainsi ils sauvaient le sens
même de l’idée d’humanité. En les honorant, la République affirme l’unité
indispensable du légal et du légitime.
La justice apparaît ainsi comme une vertu située « entre le légal et le bon »
selon le mot de Ricœur. Elle appartient au double registre de la légalité et de
la moralité, ce qui la rend parfois difficile à définir. Un esprit trop légaliste ne
voit pas que certains cas d’urgence autorisent une transgression de la loi.
Inversement, un esprit qui ne jure que par le sentiment ne comprend pas
que son désir de justice doit se concrétiser légalement pour être effectif, ce
qui implique la prise en compte de la complexité juridique des situations.

Conclusion
Nous avons vu que la difficulté de ce sujet tient au fait que la notion de
justice inclut la dimension du sentiment, tout en entretenant à son égard
une suspicion ou une critique car sa subjectivité peut le conduire à provo-
quer des injustices supérieures à celles qu’il entend corriger. Toutefois,
comme les lois sont parfois violemment injustes ou en tout cas perfectibles,
le droit s’honore en réfléchissant à sa propre amélioration. Ce point peut
aller jusqu’à l’introduction de nouveaux droits. Des débats récents le mon-
trent bien. Un droit au logement opposable devrait être reconnu à ceux dont
les conditions de vie bafouent la dignité humaine. Le recours à l’illégalité
n’est légitime qu’en tant qu’il est le « dernier recours » pour faire progresser
le droit. Sa raison d’être est donc de cesser d’être dès que le tort est
réparé.

© Hatier 2007

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