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Nina FAUCHEUX
Juin 2008
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
NOTICE ANALYTIQUE
Observations du jury
A : Très bon mémoire
B : Bon mémoire mais avec des faiblesses sur quelques aspects
C : Mémoire acceptable présentant un intérêt particulier sur certains aspects
Précisions éventuelles sur les faiblesses et les forces du mémoire :
Signature
RESUME : La participation est aujourd’hui un des forts enjeux présents dans notre société. Prônée
par tous, elle prend diverses formes selon la volonté politique, la motivation des citoyens et les
enjeux urbains. Mobiliser les habitants pour recueillir leur avis apparaît pour certain comme un
moyen de réduire les contentieux, pour d’autre une manière d’enrichir le projet urbain et d’obtenir
une meilleure adhésion. Dans tous les cas, la participation est bien présente et pose de nombreuses
questions sur son jeu d’acteur et sa portée. Trois exemples de participation citoyenne, axés sur des
balades urbaines et des ateliers de discussion, nous permettrons de voir les apports et les limites de
cette démarche. Nous verrons quelle place occupe le citoyen dans le processus de décision,
comment et dans quelle mesure celui-ci peut-il devenir un coproducteur de son milieu de vie.
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
Avant propos
Tout part d’une expérience, à plus de 6000 kilomètres de la France, à Montréal, dans
un quartier sensible de l’est de la ville. D’une rencontre avec ses habitants, d’une
balade urbaine et d’une question : qu’est-ce ce qu’un projet réussi ? Question
fondamentale puisque « réussir » un projet est l’objectif premier de tout élu ou
professionnel de l’aménagement. Mais quels sont ces critères de réussite ? Qu’est-ce
qui fait qu’un projet est réussi ?
« C’est un lieu que tout d’abord on remarque, on regarde d’un autre œil. Un projet
qui propose différentes fonctions, qui vit, qui bouge. » Un chargé de projet
… Tout part d’une envie d’exprimer la richesse de cette rencontre avec les habitants
et d’expliquer comment et pourquoi ceux-ci peuvent concourir à la réussite d’un
projet.
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
Remerciements
Un grand merci aux habitants du quartier Saint Michel à Montréal qui ont
participé aux parcours commentés, car ils ont été la base et le fil conducteur de ce
mémoire.
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
Sommaire
Remerciements ______________________________________________________________________________ 5
Sommaire ___________________________________________________________________________________ 6
Introduction _________________________________________________________________________________ 7
Conclusion _________________________________________________________________________________ 81
Introduction
Pour tenter de répondre à ces questions, notre étude développera trois parties
complémentaires. Une première présentera des éléments de contexte pour une
bonne compréhension du sujet et de ses enjeux. Elle fera le point sur le cheminement
de la participation dans les esprits, les textes et actions officielles, ce qui constituera
notre volet théorique. Un second volet, pratique, décrira trois études de cas dans
trois pays différents pour présenter des pratiques participatives innovantes et
porteuses. Ces exemples seront l’occasion de montrer que la réalité du terrain n’est
pas toujours le reflet exact de la théorie, des limites s’imposant souvent dans la mise
en place des dispositifs participatifs. De cette présentation découlera une troisième
partie plus analytique qui nous permettra de dégager les apports et limites de la
participation habitante et tenter de répondre à notre questionnement.
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
Méthode
Ces études de cas nous ont permis de cerner les plus-values de la participation des
habitants mais aussi les limites de ce processus. Grâce à cette comparaison nous
avons pu établir une liste de bases et de recommandations en matière de
participation qui viendra enrichir et matérialiser la réflexion.
Dans l’optique de réaliser un document clair et lisible par tous, et avant de rentrer
dans le vif du sujet, voici un glossaire des mots clé du mémoire :
Aide à la décision : lien entre notre domaine d’application et notre objet d’étude :
la participation citoyenne apporte des clés dans le champ de l’urbanisme et
notamment dans la conception de projets urbains.
Née dans les années 60, la participation est issue d’une logique revendicative des
groupes sociaux désirant trouver leur place au sein de l’espace urbain, en d’autres
termes, partager le pouvoir avec les forces politiques locales. Les citoyens
revendiquent de plus en plus un besoin de proximité et d’écoute.
En effet à cette époque, l’action politique est menée à partir de certitudes centrales
sans tenir compte des réalités locales. On se base sur les seules compétences des
professionnels du milieu (sociologues, architectes…) pour mettre en place des
politiques sociales visant à lutter contre l’exclusion de certaines catégories de
population. Le champ de l’urbanisme est à cette époque très récent puisqu’il a été
initié dans les années 50 avec le besoin de planification et de reconstruction de
l’après guerre. Les démarches sont alors très sectorielles, isolant chaque problème :
le logement, la paupérisation, l’éducation… On agit sans corréler ces problématiques,
ce qui conduit à un échec en termes d’intégration des populations les plus
défavorisées.
actions officielles.
La participation prend donc réellement son essor dans les années 70 lorsque les
premiers dysfonctionnements apparaissent dans les grands ensembles. Afin d’y
améliorer les conditions et le cadre de vie, de nombreux textes commencent à
émerger.
Le groupe de réflexion " Habitat et vie sociale " (HVS), que l'on considère aujourd'hui
comme le prélude des politiques de développement social urbain, est créé en juin
1973. Il rassemble, à l'instigation de Robert Lion, directeur de la construction, des
hauts fonctionnaires du ministère de l'Equipement, de l'action sociale et du secteur de
la Jeunesse. Cette structure, constituée pour l'amélioration des relations sociales
dans les grands ensembles, n'est transformée que plus tard, par l'arrêté du 3 mars
1977, en une instance interministérielle.
La circulaire Habitat et Vie Sociale (HVS) de 1977 préconise une approche globale
passant par la rénovation de l’habitat le plus dégradé, le développement d’une vie
sociale communautaire, l’animation et la participation des habitants.
« Repeindre les murs, réfléchir à la ville de demain n’a aucun sens si nous ne
savons pas avant tout redonner de l’espérance à ceux qui vivent dans nos
quartiers »
La prise de conscience du malaise des banlieues, révélées par les jeunes des cités se
livrant à des rodéos de voitures volées et s'opposant aux forces de l'ordre de façon
violente, semble favoriser l'émergence de nouvelles formes d'intervention de l'État
dans l'espace urbain.
Les pouvoirs publics prennent alors le relais, dans un souci d’associer les individus,
pour responsabiliser cette population, la pousser à l’initiative et permettre la création
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
La participation des citoyens à la gestion des services publics locaux constitue donc
l’une des nouvelles exigences de la République. Mais ces textes seuls, conjugués à
l’unique participation, tous les six ans, au choix de ceux qui administrent localement,
paraît insuffisante pour développer de manière vraiment satisfaisante la participation
des habitants. Des dispositions visant à approfondir la démocratie locale dans les
communes de plus de trois mille cinq cents habitants ont été introduites. Reposant
sur l’information, fonctionnant par la concertation, la démocratie de proximité porte
sur plusieurs domaines.
Aux termes du Code de l’urbanisme, le conseil municipal délibère sur les objectifs
poursuivis et sur les modalités d’une concertation associant, pendant la durée de
l’élaboration du projet, les habitants, les associations locales avant :
1
Loi relative à l’Administration Territoriale de la République.
2
Loi d’Orientation sur l’Aménagement et le Développement du Territoire
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
Une enquête publique doit être menée pour recueillir l’avis de la population. Le
conseil municipal doit ensuite publier par voie de presse les résultats de l’enquête et
en informer les habitants.
1. Définitions
Elle constitue pourtant un enjeu fort qui permettrait d’aller d’une démocratie
représentative vers une démocratie participative.
Dans le cadre de son colloque « Ensemble refaire la ville », Hubert Dubedout affirme
que « c’est sur la base du diagnostic des collectivités locales que doivent être
élaborés les projets d’action ». Ce précurseur et défenseur des initiatives citoyennes
préconise de dépasser la mise en œuvre de programmes préconstitués pour élaborer
de véritables projets concertés. La concertation et le partage du pouvoir sont pour lui
le remède aux maux urbains.
3
Serge GONTCHAROFF Une nouvelle politique de la ville. Analyse critique de la Loi du 1er
août 2003, Paris : ADELS, 2005. 542 p.
4
Tarik SOUAMI, Les cahiers du DSU. « De la participation des habitants au débat public »
n°26 mars 2000 47 p
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
Pour ce qui est du type de participation, nous avons à faire à deux formes assez
distinctes dans la manière d’aborder le processus. La participation « continue »
pratiquées de manière permanente dans les instances telles que les comités de
citoyens, les conseils consultatifs de quartier… et la participation ponctuelle, où les
citoyens sont mobilisés dans le cadre d’un projet.
2.1 L’information :
5
Revue territoires octobre 1999
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
Dans un but de transparence et pour réunir toutes les conditions d’une bonne
communication, cette information doit être « publique, compréhensible, réciproque,
préalable, significative et stimulante 6» Elle doit aussi être effective pour tous les
projets concernant l’intérêt général des citoyens et transmise dès qu’une action est
envisagée et avant que les décisions ne soient prises. Cette information doit être
exprimée dans un langage simple et compréhensible par tous et se faire à tous les
stades du projet (pas seulement au début ou à la fin).
2.2 La consultation
6
Roger Beaunez
7
Jacques DONZELOT et Philippe ESTEBE, l’Etat animateur, essai sur la politique de la ville,
Paris, éditions Esprit 1994, p 238
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
habitants en amont. Cela peut être le cas pour des projets à réaliser en urgence (une
école à construire pour accueillir des élèves à la rentrée suivante), pour de problèmes
de financement ou de sécurité… Dans ce cas, la consultation même en cours où à la
fin de projet est la seule possibilité pour associer la population.
Organisée par les pouvoirs publics locaux, la qualité de la consultation varie, les
décideurs étant libres de diffuser l’information qu’ils désirent. Ils peuvent choisir de
dissimuler certains éléments afin que leur choix soit retenu et approuvé par les
habitants.
L’objectif de cette démarche réside donc plus dans une volonté de non contestation
que dans celle d’une réelle implication de la population. Mais la consultation ne peut
être apparentée qu’à une manipulation de la population quand les élus annoncent,
sans démagogie, qu’ils ne sollicitent qu’un avis.
2.3 La concertation
La concertation est une phase de débat sur les besoins et les principales
caractéristiques d’un projet. Troisième degré de la participation, elle est censée
donner une plus grande place et permettre une plus grande marge de manœuvre aux
habitants.
Ce principe est renforcé par la loi d’orientation sur la Ville du 13 juillet 1991 qui
préconise l’idée d’un « droit à la ville pour tous » et qui contraint le maire à organiser
une concertation préalable à la prise de décision du conseil municipal en cas de
modification des conditions de vie des habitants dans un quartier.
Autre point, la concertation revêt des formes assez libres ; les groupes qui y
participent proviennent d’instances pérennes ou ponctuelles, sectorielles ou
territoriales du type comités ou conseils de quartier. Ces instances de concertation
n’ont parfois pas d’existence formelle et peuvent être révocables à tout moment et
n’est pas forcément le signe d’une participation collective.
ensuite un architecte qui, à partir de ce programme, a élaboré le projet qui n’a pas
été produit en concertation.
Pour atténuer la pénurie de logements sur son territoire, la Ville de Montréal a lancé
en février 2002 le plan d’action « Solidarité 5000 logements » avec pour objectif
d’accroître considérablement la livraison de logements sociaux.
Une des spécificités de ce plan d’action est la concertation autour de chacun des
projets. En effet, les logements ont été conçus par les futurs habitants. Encadrés par
un économiste et un architecte, les familles ont pu imaginer elles-mêmes la
configuration de leur logement en fonction des possibilités techniques et financières.
2.4 La coproduction
Devant l’enjeu d’une telle démarche, il est important d’établir dès le départ des règles
du jeu: repérer les décisions-clés et secondaires, organiser l'équipe de projet,
déterminer des modalités de concertation (ateliers publics, visites exploratoires,
tables rondes...). Il s’agit aussi de définir les marges de manœuvre du chef de projet
dans la prise de décision.
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
Il est également nécessaire d’apporter une nuance dans l’offre de participation avec
trois aspects à prendre en compte.
• La participation requise qui touche aux grands projets qui pour des raisons
techniques et financières impératives ne peuvent être discutés (délais,
restriction budgétaire…). Ils sont alors présentés pour simple information aux
habitants et relèvent plutôt de la consultation.
Cette nuance est à apporter et à expliquer aux habitants avant le début du processus
dans un souci de transparence et afin d’éviter les conflits ultérieurs.
Quels enjeux se cachent derrière cette notion, derrière ce besoin d’implication des
habitants ?
Lors de réunions d’information, une présentation des projets est donnée dans le but
d’une meilleure compréhension par les habitants. Ces échanges doivent être
l’occasion de lever les malentendus entre acteurs, d’écarter les ambiguïtés et
d’expliciter les raisons pour lesquelles certaines volontés des habitants sont prises ou
non en compte. La participation a alors pour enjeu l’appropriation des projets et des
réalisations par les habitants la diminution voire la suppression du fossé existant
entre élus et population. Elle peut, de ce fait, apaiser les tensions et favoriser la paix
sociale. La concertation qui donne le sentiment d’avoir effectivement écouté et pris
en compte l’avis des habitants a la vertu de légitimer les décisions.
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
Dans les grands ensembles, une partie de la population subit de grandes difficultés
socio-économiques ou connaît des obstacles liés à des problèmes d’expression et se
trouve laissée pour compte. Ne votant pas pour diverses raisons (pas de droit de
vote, manque d’intérêt pour la vie politique locale par exemple), ces habitants
s’expriment rarement.
8
De l’anglais « Not In My Back Yard” qui signifie “pas dans ma cours” “pas devant chez moi”
9
DELARUE Jean-Marie, Banlieue en difficulté : la Relégation, Paris, Syros Alternatives, 1991, 224 p
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
La mise en place d’un projet mobilisateur doit être l’occasion d’intégrer ces
populations au fonctionnement du quartier.
Or le constat est qu’aujourd’hui, dans les grands ensembles notamment mais pas
seulement, les habitants ont tendance à se replier sur la sphère privée et connaissent
à peine leurs voisins. La participation semble donc être un moyen de réinstaurer des
liens de proximité et de favoriser une dynamique sociale. Cela passe d’une part par la
rencontre et la discussion des habitants entre eux et d’autre part par la
« renaissance » des liens entre les différentes catégories de population vivant dans le
quartier : jeunes et personnes âgées, personnes d’origine française et étrangère…
- Les élus ne sont en rien dépossédés de leurs prérogatives, la décision finale leur
appartenant. Ils renforcent aussi les liens avec les citoyens avec qui un réel
partenariat peut s’instaurer, leurs décisions correspondant plus aux attentes des
habitants.
- Les habitants, quant à eux, se sentent pris en compte et concernés par les projets
menés sur leur quartier. Ils acquièrent une certaine expérience et commencent à
comprendre les enjeux qui dépassent leur intérêt personnel.
10
DUPONT Emmanuel in la gazette des communes, des départements et des régions, dossier « le contrat de ville :
comment mieux associer les habitants ? n°45-1575, novembre 2000, p 18-23.
11
Délégation Interministérielle à la Ville
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
La participation, pour répondre aux différents objectifs et pour atteindre les enjeux
qu’elle s’est fixée, met en relation un certain nombre d’acteurs. Il apparaît nécessaire
de décrypter la logique des différents protagonistes (institutions, associations,
individus…) avant la mise en œuvre de la participation afin d’éviter les malentendus
par la suite. Limités à trois dans les modélisations, nous nous apercevrons qu’ils
peuvent être plus nombreux.
• les élus : ils sont porteurs de l’intérêt général, garant du projet et doivent
répondre aux attentes de la population. Ce sont eux qui prennent les décisions.
• les techniciens : ils sont chargés de concevoir des projets en fonction des
orientations données par les élus, d’aider les habitants à parler à parler de leur
volonté et doivent en expliquer les différentes solutions possibles retenues par
le projet. Leur rôle est également de transmettre leurs idées aux élus en leur
faisant comprendre un maximum de choses concernant la problématique des
projets.
12
Fédération Nationale des Agences d’Urbanisme
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
Les élus
Ces 3 groupes forment le modèle du triangle élastique13 qui sert souvent de mode
opératoire pour les urbanistes opérationnels.
Très répandu, ce modèle n’est pas toujours applicable car chaque groupe peut se
diviser en sous-groupes. Prenons l’exemple du groupe des habitants. Celui-ci se
divise entre les individus isolés et les individus regroupés (association par exemple).
13
Modèle développé par Audrey CUVERAUX, étudiante en IUP Aménagement et Développement du Territoire, 2002
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
A côté de ces groupes organisés existent ceux plus informels et plus difficilement
identifiables comme les groupes de jeunes. Il est également divisé entre les non-
participants (absents aux réunions de concertation ou aux permanences) c'est-à-dire
ceux qui ne s’intéressent pas au projet ou qui le font de manière occasionnelle, et les
participants, personnes motivées, souvent habitants du quartier depuis un certain
nombre d’années. Réunir tous les habitants dans un même groupe peut occulter leurs
différences alors qu’il est essentiel de les prendre en compte lors de la mise en place
d’un processus participatif.
Le groupe des techniciens se voit lui aussi divisé en plusieurs sous-groupes ayant
chacun un rôle dépendant de leur responsabilité, vision personnelle, expérience
professionnelle et leur position vis-à-vis du quartier. Nous pouvons par exemple
distinguer les chefs de projets, qui sont les seuls acteurs du DSU à toujours être en
contact avec les habitants, des autres techniciens territoriaux qui sont plus éloignés
du terrain.
Ce modèle n’est également que peu applicable car tous les partenaires et acteurs
agissant sur le quartier ne sont pas représentés.
A côté des trois acteurs centraux, une autre catégorie d’acteurs très importante
intervient. Les travailleurs sociaux, font le lien entre les habitants et la municipalité,
ils sont chargés de recueillir et de transmettre les attentes et besoins de la population
aux élus locaux. Ils remplissent donc une fonction de médiateur et d’accompagnateur
pour plus d’autonomie et d’autogestion des projets des habitants. Ils ont également
pour rôle d’informer les habitants sur les projets en cours. Leur position est délicate :
les techniciens les considèrent au même niveau que les habitants, c'est-à-dire comme
des demandeurs et la population ne les perçoit pas comme des personnes du quartier
puisqu’ils n’y vivent pas.
Les urbanistes consultants chargés par les municipalités de proposer des projets
ont également un rôle à jouer. Eux aussi peuvent être qualifiés de médiateurs dans la
mesure où la seule dépendance qui les lie à la municipalité est un lien économique,
contrairement aux techniciens municipaux qui ont souvent une marge de manœuvre
plus limitée. Ils entretiennent souvent des relations informelles avec les habitants et
favorisent une réelle participation puisqu’ils permettent la mise en relation de tous les
acteurs. Leur rôle se rapproche de celui d’animateur comme l’est le chef de projet
DSU. Ils sont également là pour éviter les retours en arrière grâce à une gestion
quotidienne des projets.
Nous constatons donc qu’il n’existe pas seulement trois mais ou mois six groupes
intervenant dans la mise en œuvre d’un projet urbain et qu’il est bien souvent
nécessaire de tous les prendre en compte si une participation effective et efficace est
désirée.
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
Une démocratie basée sur le pouvoir des citoyens qui expriment leur volonté par le
vote pour élire des représentants. Un gouvernement « du peuple par le peuple et
pour le peuple.14 »
Notre système politique qui se fonde sur la délégation de pouvoir aux élus est
souvent appréhendé comme une structure hiérarchisée, où les décisions sont prises
dans de « hautes » sphères, trop souvent déconnectées du terrain ou influencées par
de puissants lobbies…
Cet idéal démocratique reste avant tout un processus qui permet soit d’élire un
gouvernement, soit un exécutif ou un comité de pilotage, qui prend toutes les
décisions, et déçoit trop souvent. Il apparaît une grande désillusion quant aux
potentiels de ce système démocratique pour une collégialité dans la prise de décision.
14
Citation de Périclès, reprise par Abraham Lincoln
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
Dans notre champ d’application, il parait donc important d’agir et de rechercher, lors
de la mise en œuvre des projets de territoire, ce que l’on pourrait appeler le
consensus. Pourtant, le consensus qui édulcore les projets peut aussi les affadir. Il
peut donc être intéressant d’en expliquer ses partis pris et essayer de convaincre de
leur bien fondé, ou encore de permettre aux habitants de s’approprier ces projets
pour en être fiers et dès lors les défendre puis ensuite les préserver.
La participation est un enjeu important dans de débat politique : les partis de gauche
comme de droite disent accorder une place notable aux processus participatifs.
L’enjeu est double : d’une part, il s’agit de rassurer les citoyens en montrant une
volonté d’être proche d’eux, d’autre part, de mettre en avant une appartenance à un
quartier, une ville, un territoire.
Par leur regard averti les habitants produisent souvent des conclusions évidentes de
bon sens mais en rupture impertinente avec l'existant. Il faudrait donc que le pouvoir
justifie ses choix, en démontrant leur adéquation avec l'intérêt commun. L’idée que le
citoyen doive participer, être entendu et peser dans les choix soulève bien sur des
critiques, des interrogations et des limites… Et si certains politiques prétendent que le
citoyen ne peut pas être expert sur les questions complexes, il faut cependant
admettre qu’ils ne peuvent agir sans tenir compte de leurs préoccupations.
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
Dans cette démocratie de proximité, l’Etat ne peut se substituer aux acteurs locaux
pour leur dire ce qu’ils doivent faire, comment, et dans quelles conditions. L’initiative
locale, l’adaptation au territoire, l’engagement des élus sont des éléments
déterminants dans la réussite d’une évolution de la participation. Pour améliorer
l’image des quartiers, pour faciliter la vie sociale dans la ville et amener
concrètement les habitants vers une expression de leur citoyenneté, il faut rendre
possible l’accès au début.
Cette volonté, portée par les élus locaux, dépend fortement de leur vision de la
participation citoyenne. Cette participation peut être considérée comme un risque,
un enjeu, source de conflit et de tension dans le cadre d’un projet ou bien comme
une ressource, grâce aux différents apports qu’elle suggère. Dans tous les cas, la
participation redistribue les cartes du jeu des acteurs dans l’élaboration du projet.
Voici donc quelques outils et méthodes mis en place pour recueillir le plus justement
possible, l’avis des habitants d’un quartier concerné par un projet urbain.
1. Contexte
• Le gouvernement fédéral
Ces institutions légifèrent sur les questions communes aux membres de la fédération
(défense nationale, contrôle des frontières, monnaie, etc.), à l’exception des champs
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
• Le gouvernement provincial
Le Québec a son propre gouvernement qui applique les lois votées par l’Assemblée
nationale (cette assemblée est composée de 125 députés).
Les domaines sous son égide sont : l’éducation, la santé, la justice, les ressources
naturelles et les affaires municipales.
Les municipalités ont également le pouvoir d’adopter des règlements dans leurs
domaines de compétence, entre autres en ce qui concerne l’aménagement du
territoire. Les conseils municipaux, dirigés par un maire élu, sont choisis par la
population lors d’élections au suffrage universel.
Il s’agit donc aux citoyens d’assumer leurs responsabilités et de sortir d’une inertie
dans laquelle ils ont pu parfois s’installer pour commencer à réfléchir et à infléchir les
inégalités qui ne font que s’accroître.
Situé au centre nord de l’Ile de Montréal, le quartier Saint Michel est un des quartiers
les plus densément peuplés et défavorisés de la ville. On constate un fort taux de
chômage, d’immigration, de déscolarisation, de délinquance et de pauvreté.
Le taux de scolarisation est très bas ainsi que les niveaux de revenu. 40% des
ménages vit en dessous du seuil de faibles revenus15 contre 29% pour l’aire
métropolitaine de Montréal.
Mais dès les années soixante, les habitants commencent à ressentir les effets d’un
développement désordonné. Le voisinage entre les résidences et les carrières, la
construction d’une autoroute métropolitaine au sud du quartier rendent la vie de plus
en plus pénible. En 1968, les citoyens se prononcent par voire référendaire l’annexion
de la Ville de Saint Michel à la Ville de Montréal.
Les carrières cessent progressivement leur activité et le quartier Saint Michel voit
s’accroître le nombre d’entreprises manufacturières, d’entrepôts et d’atelier de
fabrication/réparation sur son territoire. Dans les années 80, la situation de l’emploi
commence à être difficile pour plusieurs familles du quartier et on passe d’une
population active à une population ayant de plus en plus recours à l’aide sociale.
Saint Michel devient peu à peu un terrain d’accueil pour les communautés étrangères
(haïtienne, cambodgienne, laotienne et latino-américaine).
15
Équivalent du RMI français
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
L’objectif de ce mouvement est de réunir les forces vives d'une communauté, les amener à
travailler ensemble, consulter les citoyens et les amener à prioriser leurs besoins. Montréal
dispose d’un important réseau de « Tables de Concertation » qui œuvrent en lien avec les
services centraux de la Ville. Ces Tables ont un champ d’action et une portée sociale très
large et efficace. Chaque quartier dispose d’une Table qui conduit des projets visant à
répondre aux besoins des populations mais aussi à les ancrer au sein de leur communauté.
Selon les secteurs et la structure sociale de la population, une Table va mettre en place des
programmes de lutte contre la pauvreté, des opérations en faveur de l’environnement, des
activités tournées vers les personnes en marge (3ème âge, jeunes, handicapés…). L’objectif
des Tables est d’encourager les initiatives des communautés, de faire la promotion de la
solidarité, de la concertation et du développement communautaire, social et économique,
dans une perspective de justice sociale.
Les années 90 amènent un nouveau souffle pour le quartier Saint Michel avec la
création du mouvement de concertation intersectoriel. Issu du mouvement des Villes
et villages en santé la table de concertation « Vivre Saint Michel en Santé » amène
une prise de conscience de la nécessité d’agir et de réunir les efforts du milieu
communautaire, du réseau institutionnel, des élus municipaux, provinciaux et
fédéraux et du milieu économique.
Depuis ce jour, le mouvement Vivre Saint Michel en santé poursuit son rôle de
rassembleur et de moteur pour faire face au changement socio-économique qui est
au cœur des préoccupations des citoyens.
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
2. Le projet
Depuis 2003, le quartier Saint Michel est inscrit dans un processus de revitalisation
urbaine conduit par la Table de Concertation du quartier.
Actuellement, c’est un espace très peu agréable à pratiquer en tant que piéton car
elle accueille une voie de camionnage, qui engendre bruit, pollution et insécurité, et
ne dispose pas de trottoirs convenables pour déambuler. La rue est triste, bétonnée,
sans verdure. C’est un lieu de trafic routier mais pas véritablement un lieu d’arrêt et
encore moins de flânerie. Quelques bars et commerces tentent de survivre mais la
faible attractivité de la rue ne permet pas de drainer une foule importante.
La majorité des commerçants interrogés avouent avoir du mal à faire tourner leur
commerce. Leur clientèle se renouvelle peu, ce sont des habitants et travailleurs du
quartier qui fréquentent les commerces et restaurants de la rue Jarry, il n’y a que
très peu de personnes extérieures malgré que la rue soit un important lieu de
passage.
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
Une stratégie de développement a été proposée, reposant sur une analyse du milieu
et un diagnostic du positionnement économique, et des propositions d’aménagement
ont été établies. La requalification de la rue Jarry comprend donc une diversification
des activités, une densification de l’habitat, une consolidation des secteurs d’emploi
ainsi qu’un soutien à la vitalité commerciale.
Déjà imaginé dans ces grandes lignes, le projet de revitalisation de la rue Jarry a vu
ses objectifs alimentés par la création d’un comité de citoyen (le groupe OSER Jarry)
qui travaille depuis 4 ans sur une vision d’avenir à partir d’études menées par
l’arrondissement et de discussions entre tous les partenaires.
La vision de ce quartier dans 10 ans est celle d’un « milieu de vie convivial et
sécuritaire répondant aux besoins des résidents, des travailleurs et des familles du
quartier ». Pour parvenir à ces objectifs, 7 grandes orientations ont été lancées pour
définir le projet :
Cette méthode a été mise au point par Jean-Paul Thibaud, chercheur au CRESSON16,
et est employée dans plusieurs projets urbains en France.
La posture est un travail en groupe et en réseau avec une réflexion sur le processus
de projet et ses acteurs. L’objectif est de prendre en compte plusieurs dimensions
complémentaires constituant le site :
16
Centre de recherche sur l'espace sonore et l'environnement urbain, Grenoble
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
D’une manière pratique, il s’agit d’organiser un itinéraire pour dire/lire l’espace vécu,
perçu, imaginé, représenté. L’objectif est de susciter une expression spontanée des
représentations, des perceptions et des usages des citoyens sur la rue et de favoriser
l’expression collective sur cet espace.
Parcourir permet aux citoyens de « dire » les lieux, de décrire leurs pratiques, leurs
usages, les manques, les futures activités possibles ou encore les liens à faire avec
les autres quartiers. Le but est d’apporter des éléments sensibles et vécus
permettant d’enrichir les objectifs d’aménagement et le projet.
Le déroulement des parcours commentés suit un principe quasi identique pour tous
les groupes. Dans un premier temps, le groupe suit un itinéraire ponctué de lieux
d’arrêt préalablement définis pour discuter du futur projet d’aménagement (lieux à
enjeux). Les participants sont invités à décrire les lieux, exprimer leur vécu, leur
perception de l’espace et des photos sont prises pour illustrer leurs propos. Chaque
participant s’exprime librement sur le mode de la conversation.
Le parcours commenté était jusque là un outil peu connu des travailleurs sociaux ou
des professionnels de l’urbanisme. Des « marches exploratoires » étaient mises en
place pour remédier notamment aux problèmes d’insécurité rencontrés par les
femmes (passages sous terrain, ruelles peu éclairées…) mais à ma connaissance, le
dispositif n’avait pas été utilisé en matière de concertation dans le cadre d’un projet
urbain à Montréal.
Pour réaliser les parcours, un appel à participation est lancé auprès des différents
acteurs de la rue pour obtenir une liste de résidents, travailleurs et commerçants.
Ces participants volontaires ont permis de monter 2 groupes homogènes d’une
dizaine de personnes : un groupe d’habitants et un groupe de travailleurs. Le choix
de faire des groupes homogènes était volontaire et a permis à chacun de s’exprimer
sans gène et d’échanger autour d’intérêts et d’enjeux communs. Par exemple, la
propreté urbaine pour les habitants et l’implantation de nouveaux commerces pour
les travailleurs.
En ce qui concerne les commerçants, plus durs à rejoindre, la participation s’est faite
par le biais de questionnaires et d’entretiens individuels qui ont permis de recueillir
leurs commentaires et d’échanger autour du projet et de leurs attentes.
Suite à ces parcours, la parole habitante a été analysée et retranscrite sous la forme
de fiches thématiques (disponibles en annexes) puis présentée lors d’une restitution
finale devant les habitants, la table de concertation et les responsable du service
urbanisme de l’arrondissement. Cette présentation aux différents décideurs et
techniciens a non seulement valorisé la participation et le travail des habitants mais
elle leur a aussi redonné confiance dans la possibilité de changer les choses.
Souvent délaissés, connaissant des conditions de vie peu agréables, ces habitants ne
croient plus aux nombreuses promesses qu’on leur a successivement faites.
L’enfouissement des fils électriques est en suspend depuis 1989 alors que les
résidents ont déjà payé pour cette nouvelle installation, la réfection des trottoirs pour
pouvoir circuler de manière sécurisé sur la rue, l’implantation d’abribus pour se
protéger des intempéries…
Des demandes peu exigeantes qu’il parait impensable de ne pas exécuter. Hors dans
ce quartier très défavorisé on part de loin et les attentes des habitants sont donc très
basiques.
Plus de propreté, plus de sécurité, en d’autres termes une rue de « confort » plus
qu’une rue de « standing ». Et là, les perspectives du futur projet d’aménagement (à
ce jour non diffusé auprès de la population) ne correspondent pas forcément pas aux
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
Paroles de citoyens :
« Ici on marche en voiture 8 mois par année parce que pour les piétons on a que 4 mois
pour profiter du temps. »
« Le Québec c’est grand, pour se déplacer d’une place à l’autre c’est loin et puis on est
tout le temps pressé. »
« L’Amérique c’est ça, c’est vite vite, fais tes affaires et repars. »
citoyens attendent beaucoup moins que ce que leur propose le futur projet de
revitalisation.
Cette expérience de mobilisation autour de la rue Jarry a permis d’échanger avec des
personnes qui ont des choses à dire, qui proposent et transmettent leurs idées de
manière très constructive. Ces habitants, commerçants, travailleurs connaissent la
rue, savent ce qui peut fonctionner ou non, ce qui peut améliorer, transformer,
changer Jarry. Le travail effectué a permis de rapprocher les citoyens du projet, de
leur montrer que les choses pouvaient évoluer et qu’ils pouvaient participer à cette
évolution. Cette démarche plutôt originale a sans doute réconcilié les citoyens avec la
participation, certes moins formelle mais tout aussi efficace car elle a favorisé une
expression spontanée.
Le travail des parcours commentés constitue donc une nouvelle étape dans ce
processus de construction d’un quartier plus agréable à vivre, où chacun peut
s’exprimer et prendre sa place pour former une communauté plus forte et qui se
prend en main. Les parcours ont permis de parler des préoccupations et problèmes
actuels mais de penser la rue de demain et même si le travail est long, les idées et la
motivation sont là pour laisser au prochaines générations un quartier riche d’une
longue histoire mais libérer de ces plus grosses contraintes d’image, de pauvreté, de
lacunes en terme d’équipements, de commerces et de services…
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
1. Le contexte
La cité du Rondeau a été conçue sur le modèle des cités-jardins au bord du Drac,
sous la municipalité Paul Mistral dont elle prendra le nom après sa mort en 1932.
Paul Mistral fait du logement social l’une des priorités du mandat : la construction
débute en 1925, 4 ans après la conception du projet.
Le modèle de la cité Mistral suit sur les principes développés en Angleterre, Autriche
et Allemagne par Ebenezer Howard et Camillo Sitte. Le plan d’ensemble de la cité
représente une trame radioconcentrique de rues et de boulevards convergeant vers la
place de la Solidarité située au centre. On compte 200 logements répartis en 12
groupes d’immeubles de 1 à 16 logements. Boulevards, bâtiments et végétation
abondante caractérisent la cité qui est en quelque sorte une « ville satellite » puisque
Grenoble se limite à l’époque aux remparts du futur boulevard Foch.
En 1926, 1032 personnes vivent dans cette cité-jardin. Les origines géographiques
des habitants sont diverses : quartiers populaires de Grenoble, communes proches
(telles que St Martin le Vinoux, Fontaine), des régions de l’Oisans et du Trièves.
Parmi les origines ethniques, on trouve de nombreuses familles issues de
l’immigration italienne. On compte 284 ouvriers et 108 employés sur l’ensemble de la
population active (406 personnes au total).
L’activité socioculturelle est assurée par « l’Amicale » qui propose des animations
(spectacle, chorale, théâtre, manèges) et des activités sportives (football et rugby)
qui atteignent un haut niveau professionnel au cours des années 30.
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
Située au sud ouest de Grenoble, la cité Paul Mistral, classée en ZUS, présente une
forme rectangulaire s’étendant sur une superficie de 9 hectares. Au nord du quartier
on retrouve des friches industrielles, à l’est, le lycée technique Vaucanson et d’autres
équipements scolaires, au sud le grand parc Bachelard (dont il est séparé par une
bretelle d’autoroute. Enfin, à l’ouest, se quartier se heurte à l’autoroute A 480 qui
sépare le quartier des berges du Drac. Un mur antibruit cache le quartier aux yeux
des automobilistes qui emprunte l’autoroute.
La cité est donc un espace très enclavé, renfermé sur lui-même d’un point de vue
morphologique.
Mal desservi (une seule ligne de bus), le quartier est marqué par une absence totale
de hiérarchisation entre les espaces publics et résidentiels ; les seuls espaces clos
sont les cours d’école. Le système de voirie interne, peu lisible, ignore les
équipements publics situés au cœur du quartier.
Le cadre bâti repose sur des immeubles HLM construits sous forme de tours et
d’imposantes barres qui masquent la vue sur le massif du Vercors et renforce l’effet
d’enclavement. Malgré une réhabilitation partielle des immeubles (façades, halls
d’entrée…) le bâti est fortement dégradé.
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
- Une population nettement plus jeune que sur l’ensemble de la ville (35% de
moins de 20 ans contre 20% pour Grenoble). Néanmoins, comme dans le reste de
l’hexagone, la tendance générale est à la baisse des moins de 20 ans et à la hausse
des plus de 60 ans.
17
Données INSEE issue du Marché de définition quartier Mistral
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
Le taux de rotation des familles est plus faible que dans le reste de la ville : les
ménages présents restent sur place et on enregistre peu de nouveaux arrivants.
2. Le projet
Face à ces problèmes, la municipalité Destot a lancé depuis 2004 un grand projet de
rénovation urbaine. L’objectif est de réorganiser le territoire pour en faire un
ensemble cohérent et permettre à ce secteur de s'ouvrir sur Grenoble. Les enjeux
sont multiples :
- Adapter les formes d'habitat aux modes de vie actuels et favoriser une plus grande
mixité sociale.
Ce projet urbain a ainsi fait l'objet d'une exposition des 3 maquettes de concours,
d'une visite guidée par les élus, d'un débat et de réunions publiques, de nombreuses
rencontres avec le Conseil Consultatif de Secteur et le comité de citoyen…
Une charte sur le relogement a aussi été mise en place car un tel projet nécessite un
accompagnement très fort des familles appelées à changer de logement. Des
accompagnements individuels sont mis en place pour soutenir les habitants et en
particulier les personnes âgées.
Mais le temps fort de la concertation a été la mise en place des parcours ateliers par
le Collectif BazarUrbain, à la demande de la Ville de Grenoble, dans le cadre du projet
« une place pour trois quartiers ». L’objectif visé était de recueillir les expériences
sensibles et la parole habitante sur les usages d’une future place à l’intersection des
quartiers Mistral – Rondeau – Eaux Claires.
Les parcours ateliers ont permis une énonciation et un débat autour de cette
expérience accompagné par une production d’une juxtaposition de paroles, d’images
et de dessins.
Une première demi-journée est consacrée à parcourir et décrire les lieux, les usages,
les manques, les attentes pour faire découvrir leur quartier et énoncer les futurs
usages possibles de la place, ses matériaux, sa configuration… Chaque participant est
également invité à prendre des photos.
Après le parcours, le groupe se réunit dans une salle du quartier pour visionner les
photos prises pendant le parcours. Elles sont débattues et un choix collectif d’une
quinzaine de photos, les plus intéressantes au regard de l’expérience vécue, est
amorcé.
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
Une réunion publique d’information regroupant les futurs usagers, les prestataires de
services de la place, les élus, les techniciens, les habitants des quartiers et les
Grenoblois à été initiée pour rencontrer le collectif BazarUrbain et la maîtrise d’œuvre
de la future place. L’objectif était de comprendre la démarche de BazarUrbain et de
présenter le travail initié avec les premiers groupes de participants. Au total, sept
groupes ont été créés :
- professionnels du quartier
Quelques mois plus tard, une restitution est faite au Comité de pilotage et discussion
est engagée avec l’équipe conceptrice pour les informer de l’avancement de la
concertation et lui présenter la matière issue des parcours ateliers afin qu’il se
positionne lors de la prochaine restitution publique.
Une restitution finale conçue sous forme d’exposition et de débat public présente les
images, les paroles et les dessins issus des parcours ateliers.
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
Malgré une mobilisation difficile au départ, surtout pour les groupes de jeunes, la
méthode des parcours a obtenue une bonne adhésion et compréhension de la part
des participants. « C’est une méthode adaptée, ludique, moins formaliste qu’une
réunion publique et qui met donc les gens à l’aise » confie Hassen Bouzeghoub,
directeur du Plateau18. « Après les parcours, un pot est organisé, la convivialité est là,
on discute. En revanche, la restitution finale en présence des élus est à retravailler
car il y a moins de dynamisme, la communication est moins bonne, c’est un peu les
élus face et non avec les habitants, c’est dommage ».
Cette place très « design », de nature changeante, constitue une plateforme à des
usages potentiels. Les bassins d’eau et ainsi l’ensemble du lieu se transforment et se
déterminent selon les saisons, les facteurs utiles ou esthétiques, les envies des
habitants. Le dessin imprimé au sol rappelant une carte astrale, un hémisphère en
inox, un passage à gué, des îles vertes, l’apparition et la disparition de l’eau telle des
marées, donnent une identité plastique à la place et offre un espace ludique à la
population.
18
Le « Plateau » est la Maison pour Tous du quartier Mistral
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
Cette place fut au départ une surprise, un décalage entre les attentes et les résultats.
Les habitants attendaient une place conviviale, avec des jeux pour enfants
(toboggans, tourniquet…), ils sont aujourd’hui face à une véritable œuvre d’art19
qu’ils perçoivent comme abstraite, « futuriste » et peu intimiste. La place Mistral –
Eaux Claires n’est pas encore LA place du quartier, comme l’était la place de la
Solidarité. Mais comme pour tout projet, il faut un temps d’appropriation. Déjà, le
Plateau, délocalisé pour servir d’élément de liaison, se présente comme un lieu
fédérateur entre les quartiers. « Au début les habitants des Eaux Claires ne venaient
pas, il y avait une certaine réticence vis-à-vis de la population du quartier Mistral.
Aujourd’hui toutes les activités proposées affichent complet et les habitants se
mélangent sans aucun problème » affirme Hassen Bouzeghoub.
19
Labélisée par le Ministère de la Culture dans le cadre de l’opération « Grenoble ville-objet culturel »)
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
1. Le contexte
L’Allemagne est un état fédéral qui compte 16 länder (états) possédant chacun une
constitution, un gouvernement, un parlement, une cour de justice et une ambassade
à Berlin.
Les Lands ont pour mission d’élaborer les plans et les programmes d’aménagement
de leur territoire (landesplanning), ces derniers s’imposant aux communes.
La subsidiarité :
Les communes règlent sous leur entière responsabilité (tout en respectant les lois)
toutes les affaires de la communauté locale (notamment le plan de zonage) mais
aussi le soutien à la jeunesse, l’aide sociale, la construction, l’urbanisme. La
surveillance communale du Länder est en règle générale restreinte au contrôle de la
conformité aux lois. Mais de cette autonomie découle une lourde contrainte
financière. En effet, si les communes se trouvent privées de ressources, elles sont
condamnées à péricliter.
Il s’agit de donner une homogénéité au système fédéral. Les activités du Bund, des
Länder et des communes doivent s’accorder les unes avec les autres en termes de
contenu et de besoins. En effet, les programmes, projets des instances inférieures
doit respecter les règles des instances supérieures et les instances supérieures
doivent tenir compte et répondre aux besoins des instances inférieures.
Cette animation réciproque se traduit par exemple au niveau des Länder par des
plateformes d’échanges telles que l’ARGEBAU20 qui réunit tous les ministères de la
construction et du développement urbain des 16 Länder.
Réunifiée depuis onze ans, Berlin est une ville de contrastes : pôle économique
moderne aux façades de verre, urbanisme soviétique qui côtoie désormais une
architecture vitrine du libéralisme, des milliers de mètres carrés de parcs et d'espaces
verts, de vastes friches industrielles, de vieux quartiers le long desquels filent des
kilomètres de cités, vestiges d'un urbanisme sauvage façon années 60-70.
20
ARGEBAU : Groupe de travail chargé de l’urbanisme, de la construction et de l’habitat
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
Berlin, leur participation est inscrite depuis près de vingt ans dans les principes
directeurs de la rénovation urbaine.
Dans les années 1970, Berlin est encore très marqué par les dommages de la guerre
et par la dégradation du bâti. Pour remédier à ces problèmes, on utilise la démolition
des bâtiments vétustes et la construction de nouveaux logements, appelé
« renouvellement urbain ». Mais la destruction de logements a engendré un
écroulement des structures sociales existantes et une perte de liens socioculturels,
massivement critiqué par les habitants. Après une redéfinition des objectifs
urbanistiques et une concertation étroite avec les habitants est née la « rénovation
urbaine douce ». L’objectif était d’allier rénovation des vieux quartiers tout en
mettant en place une politique de modernisation de ces logements.
C’est dans ce contexte qu’ont peu à peu été créés les instruments politiques,
administratifs et juridiques nécessaires afin d’institutionnaliser la participation des
habitants dans ces zones de rénovations urbaines. Parmi eux, un plan social21et une
agence de conseil pour les locataires, comité de quartier, comité consultatif à la
rénovation urbaine. La mise en place d’une cellule de coordination et de pilotage a
permis de faire le lien entre les différents groupements d’intérêt : propriétaires,
habitants, mairie, Land de Berlin, responsables politiques, associations, économie
locale. Cette prestation a été réalisée par un bureau d’études privé.
Le problème des ségrégations socio spatiales ne cessant de s’accroître dans les villes,
le Bund et les länder lancent en 1999 le programme « Ville sociale »
21
Plan social pour les locataires prévu par l’article 180 du Code de la Construction
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
Mise en place en 1999 pour une durée de 3 ans renouvelables, le programme « Ville
sociale » a pour objectif de lutter contre l’exclusion socio spatiale et renforcer la
cohésion sociale. Il vise des territoires géographiquement définis par un besoin
particulier de développement et mise sur l’entraide locale (volontariat, économie
locale, auto assistance) pour prévenir une dégradation sociale trop importante et
pour inverser durablement la spirale descendante de l’exclusion.
Il est financé à hauteur de 1/3 par le Bund, 1/3 par le Lander et 1/3 par la commune.
Cette démarche de renouvellement urbain concerne 17 quartiers en difficulté à Berlin.
Deux champs d’action composent ce programme. D’une part, les champs d’action
stratégiques (ou méthodes) tels que la que la « mobilisation des ressources,
l’évaluation et la surveillance statistique, mais surtout le plan d’action intégré, le
management de quartier et l’implication/participation des différents acteurs dont les
habitants. » D’autre part, les champs d’action concrets (ou thématiques) recensé
dans le tableau ci-dessous :
Cette nouvelle philosophie de travail repose sur un dialogue intensif entre la politique,
l’administration et la société civile dont les habitants. Pour gérer les affaires locales,
le programme propose de créer des systèmes innovants d’organisation et de
construire des nouvelles formes de démocratie, la participation citoyenne faisait donc
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
partie intégrante de ces propos. Les projets ne sont pas impulsés par le haut mais
par les habitants qui doivent développer des perspectives en créant des projets dont
ils porteront ensuite la responsabilité.
2. Présentation du terrain
Situé au cœur de l’ancien Berlin Est, Prenzlauer Berg est un des quartiers de
l'arrondissement de Pankow. Lors de la séparation de la ville, il formait un ancien
district et était situé dans le secteur est. En 2001, celui-ci a été regroupé avec ceux
de Pankow et Weißensee.
La densité de population est la plus élevée de Berlin avec 12.316 hab./km², pour un
total de 134 861 habitants. C’est un quartier particulièrement jeune avec plus du
quart de la population entre 15 et 30 ans.
La trame viaire de Prenzlauer Berg est formée par plusieurs grandes avenues radiales
convergeant vers Alexanderplatz (Schönhauser Allee, Prenzlauer Allee, Greifswalder
Straße et Landsberger Allee), et par deux rocades (Danziger Straße et Bornholmer
Straße et ses prolongements), assurant un excellent maillage. Ces grands axes sont
tous parcourus par des lignes de tramway en site propre qui bénéficient d'une vitesse
commerciale élevée. Il est donc très aisé de se déplacer dans et vers Prenzlauer
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
Berg, que ce soit en transports publics, en voiture ou en vélo, toutes les avenues
étant dotées de pistes cyclables.
Mais la Helmholtzplatz n’a pas toujours été aussi paisible. Jusqu’en 2001, elle n’était
qu’un terrain laissé à l’abandon, occupé par les dealers et des personnes alcooliques.
Un projet d’aménagement était prévu depuis la réunification, mais il n’a jamais pu
voir le jour en raison de son coût excessif et de l’incompréhension des riverains face
à un concept trop « design ». Excédés par des années d’immobilisme, des habitants
ont pris les choses en main.
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
3. Le projet
Candidate aux Jeux Olympiques de 2000 ? Berlin comptait à cette époque un certain
nombre de projets de réaménagement. Celui de la Helmholtzplatz, au cœur du
quartier de Prenzlauer Berg, en faisait partie. Un projet "design", reporté d'année en
année faute de budget, et qui finalement ne vit jamais le jour. La place était
abandonnée, aucun investissement réalisé depuis des années, racontent les habitants
qui étaient prêts à rénover eux-mêmes cet espace et qui ont commencé par organiser
des séances de nettoyage. La Helmholtzplatz était un « point chaud » du quartier
socialement parlant où l’on trouvait de nombreux groupes d’alcooliques et un trafic
de drogue important. C’est la raison pour laquelle ce quartier a bénéficié à titre
préventif du programme Ville Sociale.
Dans cette zone marquée par une certaine mixité sociale, l’objectif était de maintenir
sur place la couche moyenne pour que les habitants ne quittent le quartier, sans
oublier toutefois les populations les plus démunies ni les groupes marginaux. Cette
couche moyenne a nettement impulsé les démarches participatives. En effet, bien
qu’ils soient satisfaits de leur logements (et, partiellement, de l’infrastructure), les
habitants de la Helmholtzplatz voyaient leur quartier se dégrader et devenir de plus
en plus insécurisant.
Craignant des répercussions négatives sur leurs conditions de vie, ces habitants ont
pris leur milieu de vie en main. Ils obtinrent le droit de transformer le bâtiment des
toilettes publiques, un lieu très mal fréquenté, en maison de voisinage, ce qu'ils firent
en partie eux-mêmes et bénévolement. « Ce lieu permet aux gens de se retrouver ;
nous y organisons des réunions, des expositions sur les artistes du quartier… "
explique Sonya Kemnitz, sa principale initiatrice. Pour son fonctionnement, la maison
de voisinage reçoit le soutien financier du Management de quartier, assuré ici par
STERN22 qui a souhaité encourager ce projet émanant directement des habitants. En
effet, ces derniers ont convaincus le Management de quartier que le projet de place
22
STERN est une société d'aménagement privée, en charge de la réhabilitation de plusieurs
quartiers à Berlin, et qui prône la participation des habitants au processus de rénovation
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
initial n'était pas adapté au quartier. Résultat, le STERN a fini par organiser une
opération de concertation auprès de la population, en vue de rénover complètement
la place. La paysagiste Pia von Zadow, rompue à l'exercice de l'urbanisme
participatif, fut choisie : " J'ai tout de suite lié les problèmes sociaux au projet
architectural, explique-t-elle. Nous avons démarré la concertation dès que le budget
(3 millions de DM) a été bouclé ".
Dans le cadre d’une journée de projets, tous les usagers de la place, y compris le
groupe d’alcooliques, ont définis de nouvelles stratégies pour la Helmholtzplatz. Au-
delà de l’aménagement paysager, une sorte de slogan a qualifié le projet : « la
Helmholtzplatz, une place pour tous ». Le but visé était la reconquête de cet espace
par les différents groupes d’habitants.
Pourtant chacun a peu à peu trouvé sa place et une cohabitation sereine, a été
instituée faute de mieux, et le groupe d’alcooliques a accepté de d’abandonner son
quartier général au milieu de la place. Pour résoudre ce conflit d’intérêt à long terme,
un groupe de travail (AG Helmholtzplatz) a été créé pour réunir les divers usagers de
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
Figure 7 : la Helmholtzplatz est devenue un espace de loisirs pour les enfants et les
familles du quartier
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
Décrire, parler, échanger, proposer et s’exprimer pour faire bouger les choses, voilà
l’enjeu de la participation citoyenne. Donner son avis pour voir s’améliorer son
quotidien, son « décor », parler de ce qui va, ce qui ne va pas, ce qu’on voudrait
changer… Le changement passe par la compréhension du vécu de chacun et des
problèmes rencontrés au quotidien, il faut parfois sentir et voir le détail pour
solutionner un problème et changer l’image d’un territoire. Qui est le plus à même de
déceler ce détail? C’est celui ou celle qui fréquente chaque jour le quartier, la rue, qui
y demeure, qui y travaille, qui y fait ses courses…
Dans le cadre d’un projet urbain, faire participer les habitants permet une meilleure
compréhension, réception et acceptation de celui-ci. Quelles seront les différentes
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
phases d’action, quel est l’objectif final, pourquoi traiter cet espace et comment le
faire, sur quels critères, quelles sont les personnes compétentes, les personnes
ressources… ? La critique est donc moindre vis-à-vis des élus puisque les habitants
comprennent mieux le jeu d’acteurs du projet : qui fait quoi ? Pour qui ? Pourquoi ?
Comment ? De ce fait, les relations entre l’administration et le citoyen s’en trouvent
améliorées.
Le fait d’impliquer les habitants permet, comme nous l’avons déjà dit, de les
responsabiliser. La participation produit de la tolérance et constitue un facteur de
citoyenneté. Si des efforts sont faits en termes d’apparence (réfection des façades,
embellissement des espaces publics…) des efforts seront sans nul doute faits pour le
conserver (on observe moins de graffitis sur des murs repeints…)
Elle permet aussi de créer des liens et une attache au quartier, de renforcer
l’appartenance à un territoire.
Associer les habitants à l’ensemble des acteurs, montre une volonté de mobiliser tous
les potentiels locaux pour redynamiser le quartier de manière durable.
On peut être expert et se faire une idée précise des problématiques d’un territoire
mais un voile se lève lorsqu’on le parcourt avec un « œil habitant » à ses côtés. Des
disfonctionnements s’expliquent, des pratiques se révèlent, le fil d’une longue histoire
entre homme et béton apparaît.
Si l’on demande aux habitants de représenter leur quartier de manière imagée, leur
schémas, croquis, dessins feront apparaître des éléments à priori anodins pour
l’expert mais fondamentaux pour eux. Un espace mal éclairé, un jardin fleuri, une
cabine téléphonique, un terrain de foot, un bar, un mur infranchissable, une façade
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
typique, un passage secret… Autant d’objets qui fonctionnent, qui font peur ou
simplement partie de la vie et du territoire.
Des éléments qu’ils souhaiteraient peut être conserver, rénover ou bien disparaître
selon les pratiques et l’histoire qu’ils ont avec eux.
Ainsi sur la rue Jarry, à Montréal, la façade de l’ancienne école Bernardin est
considérée par les habitants comme un élément patrimonial. C’est un souvenir
nostalgique pour ceux qui y ont appris à lire puis y ont emmené leurs enfants… De
leur côté, ignorant cette dimension sentimentale, les urbanistes du projet prévoient
de démolir ce bâtiment…
Les habitants peuvent être force de proposition et fournir des idées innovantes qui ne
viendraient peut être pas à l’esprit des techniciens et ce justement parce qu’ils
perçoivent leur quartier, leur rue, leur place d’une manière différente et plus
pragmatique.
La parole habitante permet une hiérarchisation des priorités des citoyens ce qui est
un bonus pour les professionnels dans la conception du projet. Ainsi, on verra si
l’apparence urbaine du quartier l’emporte sur la sécurité, si les services sont plus
importants que l’habitat, les déplacements que la propreté urbaine… Et cela bien sur
selon le milieu social, urbain et économique du territoire concerné ainsi que les
infrastructures dont il est déjà doté et l’efficacité de leur fonctionnement.
Les exemples présentés dans notre seconde partie ont révélé que la participation
pouvait revêtir des formes relativement ludiques (marches urbaines, atelier de
discussion). Ces approches pragmatiques et vivantes se révèlent la plupart du temps
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
très enrichissantes car les gens sont plus productifs dans la rue que dans une salle de
réunion. Mais attention, il faut bien se garder dans cet exercice de vouloir faire le
projet à la place des urbanistes, ce travail est là pour l'alimenter et non s'y
substituer. Il est d'ailleurs intéressant de demander aux responsables du projet de
réagir lors de la séance de présentation (en leur laissant étudier les résultats avant).
Généralement cette présentation engendre un débat, des commentaires et incite
d’autres personnes à participer aux parcours.
B. Les limites :
Malgré les propos tenus dans leurs discours allant vers plus de participation, les
réalisations concrètes de réelle participation au sens de partage du pouvoir sont peu
nombreuses. En effet, la participation que les élus entendent mettre en place consiste
plus en un recueil des réactions des habitants plutôt qu’en une véritable attente de
contre-propositions.
Certains élus ou bailleurs sociaux voient dans la participation une perte de temps
dans la mesure où il est nécessaire d’expliquer les aménagements proposés à des
habitants non formés qui ne connaissent pas le langage technique nécessaire. Les
participants aux réunions n’étant pas toujours les mêmes, la ré-explication du projet
à chaque séance est également considérée comme une perte de temps. De plus, les
habitants utilisent souvent ces réunions pour parler de petits aménagements qui leur
tiennent à cœur et qui, pour les élus, n’ont pas forcément leur place dans ces
réunions.
Faire participer les habitants est parfois perçu comme une manière de remettre en
cause la notion de représentativité des décideurs ou l’expertise des techniciens. Or le
fait de faire participer les habitants doit être un PLUS, un enrichissement du futur
projet et non une remise en question du rôle des élus, urbanistes… On note souvent
de leur part une certaine frilosité, une peur de la concertation qui pourrait faire
ressortir une inadéquation du projet avec les attentes de la population. Mais ce sont
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
justement ces confrontations de points de vue et opinions qui favorisent une marche
vers le consensus. Allier expertise et vision concrète du terrain est un pas vers un
projet réussi, un projet qui « fonctionne ».
La mise en place d’une réelle participation est donc fonction du point de vue des élus.
Si ceux-ci pensent que la participation répond à une conception moderne du
management local, alors elle sera un processus servant uniquement à améliorer la
gestion des services publics. En revanche, si les élus y voient un « renouveau sincère
de la démocratie et des valeurs républicaines et entendent faire de la politique de
manière différente afin de réconcilier les citoyens avec leurs élus et la politique »23
alors une participation effective pourra se mettre en place.
23
CRAPS et CURAPP, « la démocratie locale : représentation, participation et espace
public »PUF, Avril 1999, 424 p
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
Lassés des promesses d’amélioration, et face à des conditions de vie précaires, cette
population est souvent difficile à mobiliser. Ils se sentent délaissés depuis trop
longtemps et l’amertume est généralement plus forte que l’envie de saisir
l’opportunité de participer et de faire bouger les choses.
Eléments de réponse avec des expériences dans des quartiers sensibles. Aide du DSU
pour rejoindre les populations et un réseau d’acteurs de terrain. Comment se passe la
concertation dans des quartiers plus aisés ? Quel type de population (pro à la retraite
ou reconvertis ? ex de la dalle de Philippeville)
projets proposés le sont souvent dans un langage technique peu appropriable par les
habitants d’où une nécessaire organisation de formation. Il est en effet indispensable
que chacun soit en mesure de s’exprimer et de comprendre les enjeux des projets
présentés. Pour réduire l’incompréhension entre le citoyen et les actions engagées
par le pouvoir local et pour rétablir le dialogue, la création d’une culture commune
entre les différents acteurs de la participation parait indispensable. Cette formation
peut passer par des rencontres, des débats, des visites communes.
En dernier recours ce sont les élus qui décident alors quelle place pour la parole
habitante ?
Or depuis quelques années déjà, ce mouvement est en crise du fait de la fuite des
classes moyennes qui le structurait et des difficultés croissantes rencontrées dans les
quartiers d’habitat social. Ces associations n’ont plus aujourd’hui un caractère
représentatif. Elles réunissent souvent des groupes de personnes « homogènes »
c'est-à-dire ayant des intérêts similaires, laissant en marge certaines franges de la
population et notamment les jeunes, affublés de tous les maux, les nouveaux
arrivants, les femmes seules, les personnes d’origine étrangère…
Le monde associatif : lobby ou relais ? Autre point à soulever, le fait que ces
associations puissent faire naître une certaine méfiance de la part des habitants et
des élus. En effet, la structuration de ces mouvements apparaît parfois aux yeux des
pouvoirs locaux comme une forme de contre-pouvoir face aux propositions qu’ils
tentent de faire passer, voire de concurrence lors des élections municipales.
De leur côté les habitants peuvent voir dans les associations une influence du pouvoir
municipal qui contrôlent celles-ci par le biais de subventions, de prêt de matériels ou
de locaux.
La notion de « temps » n’est pas la même pour les habitants et les institutions. Les
habitants attendent parfois des mois avant d’obtenir une réponse à leurs questions et
sont amenés à penser que les promesses à long termes ne sont que rarement
tenues.
C’est pour cette raison qu’il est nécessaire d’articuler le temps court, quasi quotidien
et celui, plus long (des années) par la réalisation de petites opérations dans des
délais pouvant aller de six mois à un an pour montrer aux habitants que la situation
évolue.
Il s’agit certes d’une stratégie mais c’est aussi une condition sine qua none pour
crédibiliser les acteurs intervenant. En effet, si les habitants qui se sont mobilisés ne
constatent pas d’évolution dans les projets entrepris, ils tendent à se démobiliser et
ne pas accorder leur confiance aux élus.
déjà été prises ne laissant aux habitants que la possibilité d’intervenir à la marge. Or,
faire intervenir la participation trop tôt pose aussi problème face à la nécessité
d’effectuer des expertises techniques et d’éliminer les projets non réalisables.
Le bon moment pour associer les habitants serait donc celui se situant après
l’écartement des projets non envisageables, une fois les grandes orientations définies
mais avant que les premières finalités n’aient été décidées.
L’habitant se voit aujourd’hui proposer par les élus locaux, une place plus ou moins
grande dans le processus de décision, selon la volonté politique, l’ampleur du projet
et ses marges de manœuvre en matière de participation. La place du citoyen est
encore timide mais les municipalités intéressées par cette question ouvrent les portes
à la participation…
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
Tout d’abord, soulignons qu’il n’y a pas de boite à outil idéale, il faut mobiliser
l’imaginaire des citadins et permettre une expression la plus large possible.
réunions, expositions…
De leur côté, les techniciens doivent faire un effort pour adopter un discours
accessible, dépassant le jargon professionnel. Ils doivent également choisir des outils
adaptés au message qu’ils souhaitent faire passer : plan, photos aériennes, images
virtuelles, préfiguration…
Enfin, la participation doit s’inscrire dans un processus continu et être mise en place
bien en amont du projet, pour ne pas développer un sentiment d’exclusion de la
population. Pour que ceux-ci se sentent impliqués, il faut faire vivre la concertation à
chaque étape du projet : définition du cadre et formalisation du projet, réalisation,
phase d'évaluation.
Il s’agit tout d’abord de ne pas vouloir « en mettre plein la vue » avec un projet
esthétique mais peu fonctionnel qui ne réponde pas aux attentes des habitants.
L’écart est parfois grand entre les avis issus de la participation et le résultat final.
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
La population attend souvent des projets plus simples, très fonctionnels car ils ne se
reconnaissent pas dans un projet trop « design ».
Dans une optique d’ouverture, il ne faut pas se focaliser sur les seules attentes des
habitants ; il est souhaitable de penser aussi aux futurs usagers potentiels : les
personnes qui travaillent dans le quartier mais qui n’y vivent pas, les collégiens,
lycéens… On peut alors travailler sur la mobilité, sur le caractère esthétique des
équipements et espaces publics autour du quartier pour créer une continuité et des
liaisons avec l’extérieur.
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
Conclusion
Lorsqu’il s’agit d’agir sur la qualité de vie de toute une population, l’objectif n’est pas
de réussir une prouesse architecturale ou de mettre en place un concept qui ne sera
pas compris ou accepté mais bien de mettre l’urbanisme au service des résidents et
de donner une dimension plus sociale et participative au projet.
démarches participatives inachevées, une matière bien présente mais pas toujours
perçue comme un moyen d’aide à la décision finale. Différents degrés, différentes
approches selon les cultures, les politiques mais une même volonté de faire émerger
un nouveau système plus démocratique, où chacun pourrait apporter sa pierre à
l’édifice pour le rendre à son goût et au goût de tous.
Mais l’habitant n’est pas un professionnel et même si son rôle dans l’élaboration de
projet doit s’affirmer, cette démarche doit être encadrée pour que chacun prenne sa
place dans le processus de décision et de conception, selon sa qualité. L’habitant ne
doit pas remplacer l’urbaniste mais plutôt lui faire découvrir un d’autres aspects de
son milieu de vie, lui amener de nouvelles pistes d’idées, réflexion pour que celui
mette son expertise au service des populations.
L’enjeu est donc de donner du sens à la participation et de fixer pour chaque projet
des objectifs précis : faire de la concertation un outil d'aide à la décision,
prendre en compte les usagers de manière optimale, construire du consensus,
faciliter l'appropriation du projet par les habitants.
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
Bibliographie typologique
Revues
Ouvrages
Remerciements ______________________________________________________________________________ 5
Sommaire ___________________________________________________________________________________ 6
Introduction _________________________________________________________________________________ 7
Méthode ____________________________________________________________________________________ 9
1.2 Le cheminement de la participation citoyenne dans les textes et les actions officielles. ________________ 10
1. Définitions _______________________________________________________________________________ 16
2.4 La coproduction________________________________________________________________________ 23
1. Contexte _________________________________________________________________________________ 37
2. Le projet_________________________________________________________________________________ 42
1. Le contexte_______________________________________________________________________________ 49
2. Le projet_________________________________________________________________________________ 52
1. Le contexte_______________________________________________________________________________ 59
3. Le projet_________________________________________________________________________________ 65
1.1 Les élus véritablement prêts pour une réelle participation ? ______________________________________ 71
Conclusion _________________________________________________________________________________ 81
Appel à participation
Les participants :
Premiers constats :
Les citoyens présents sont des personnes habituées des consultations et paraissent un peu
désabusés car la plupart de leurs revendications restent sans réponses depuis des années. Il y
a donc un questionnement sur les apports de cette démarche. Mais ce sont des personnes
mobilisées, qui connaissent bien la rue et qui voient ce qui peut fonctionner ou non en terme
de projet. Ils se sont beaucoup exprimés et ont beaucoup échangé tout au long du parcours.
L’enfouissement des fils qui causent des problèmes de sécurité, d’esthétisme, de place sur
la chaussée etc.… « Si les fils sont enfouis, 75% du travail est fait ».
La propreté urbaine. En effet, il a une quasi absence de poubelles sur l’ensemble de la rue
et beaucoup de canettes, papiers sont jetés par terre.
L’emplacement du « garage » Jarry Auto entre la 9ème et la 2ème. Les citoyens voudraient
que le règlement municipal soit appliqué car la présence de cette activité est illégale.
Le besoin de réguler la circulation en synchronisant les lumières pour éviter l’effet arrêt,
redémarrage, arrêt… qui génère du bruit et de la pollution ainsi que des limitations de vitesse
sur les rues résidentielles secondaires.
Le plus bel endroit sur le parcours : le centre CLSD et son aménagement vert.
Les participants :
Premiers constats :
Les travailleurs ont une attitude beaucoup plus « posée » que les citoyens et moins revendicatrice. Si
l’on compare les positions des 2 groupes, on constate que l’amélioration du milieu de travail parait moins
importante que celle du milieu de vie.
Les commentaires des travailleurs portent avant tout sur l’aspect pratique et fonctionnel de la rue qu’ils
désirent voir comme un espace de consommation. L’aménagement et l’embellissement de la rue sont
aussi des points importants dans leur discours.
La disparition (du moins la diminution) des magasins à rabais pour revitaliser la rue et
redynamiser l’économie locale en attirant une nouvelle clientèle (et notamment celle des travailleurs).
La sécurité des piétons et des cyclistes. Limiter la vitesse à 40km/h sur la rue, faire respecter les
priorités des cycles et piétons en aménageant les intersections, accroître la surveillance policière.
Les travailleurs souhaitent voir changer l’image de la rue. Ils veulent que Jarry devienne un milieu de vie
dynamique, un espace multifonctionnel avec des commerces, des services, de l’habitat, des loisirs…
Selon eux, la revitalisation doit trouver sa source dans l’économie et donc dans l’implantation de
commerces et services qui satisferont les besoins des personnes internes mais aussi externes au
quartier.
La venue d’un géant comme le Cirque du Soleil et la création de la Cité des Arts du Cirque constituent
une immense plus-value pour le quartier Saint Michel. Il est donc important d’insérer au mieux leurs
activités, de répondre autant que possible aux besoins et de faire le lien avec le reste de la communauté
micheloise dans une optique de revitalisation globale.
La participation des habitants à l’élaboration des projets urbains
Dans le cadre du chantier de revitalisation de la rue Jarry, un travail de concertation est mené
avec les citoyens pour permettre à chacun d’exprimer ses attentes, besoins, idées… L’accent
est mis sur la participation des commerçants de la rue en vue d’améliorer leurs conditions de
travail, l’aspect et l’accès à leur commerce dans le futur projet urbain.
Les clients sont-ils plutôt des habitués ou des gens nouveaux chaque jour?
Comment qualifierez-vous votre affaire? (très rentable, rentable, peu rentable, difficile à
faire marcher…) ?
Autres commentaires…