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La Société des mines de Zellidja 1 est créée en 1929 par Jean Walter
en vue d’extraire du minerai de plomb à Bou Beker, au nord du Protectorat
français du Maroc. Bien qu’elle dispose de concessions et de permis
d’exploration portant sur des territoires réputés receler d’importants
gisements de minerai, cette entreprise familiale mène une vie paisible
jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Au lendemain de la guerre, elle
décide de s’engager dans l’exploration et d’augmenter le volume produit.
Il lui manque cependant le savoir-faire technique et l’équipement qu’exige
un tel programme.
En 1946, en vue de réaliser son projet, elle s’adresse aux milieux
miniers américains et obtient le concours de la Newmont Mining
Corporation et de la Saint Joseph Lead Company. Les deux sociétés lui
fournissent assistance technique et équipement. Leurs ingénieurs se
rendent sur les lieux au Maroc afin d’évaluer les besoins et émettre des
recommandations en vue de la mécanisation de l’extraction. De leur côté,
des responsables de Zellidja effectuent des missions d’observation dans
diverses sociétés minières aux États-Unis. Bénéficiaire de l’aide Marshall,
Zellidja obtient de l’Economic Cooperation Administration (Administration
de la coopération économique, ECA) des prêts remboursables en nature.
La partie américaine s’intéresse à Zellidja parce que soucieuse de
d’acquérir et d’accumuler des réserves stratégiques de matières
premières dans le contexte de la guerre froide. L’implication américaine
dans une entreprise minière œuvrant dans l’une des principales
possessions françaises ne passe pas inaperçue, d’autant plus que les
États-Unis sont soupçonnés d’en souhaiter l’indépendance. En revanche,
la France est résolue à développer l’Afrique du Nord, moyen à la fois de
consolider son emprise et de s’assurer une profondeur stratégique en cas
de guerre en Europe. Dès le début, l’arrangement minier, malgré son
caractère privé, revêt une dimension politique. Il obtient d’ailleurs
l’approbation des autorités françaises et américaines.
La mécanisation stimule la production de Zellidja. Moins de deux ans
après son introduction, les estimations des réserves plombifères connues
sont triplées et des réserves de zinc découvertes. Au-delà de 1951,
Zellidja compte pour plus de la moitié du plomb et pour les trois
cinquièmes du zinc produits dans l’Union française. Ce qui n’était jusque-là
qu’une modeste affaire minière confinée dans un cadre national se
retrouve au rang de deuxième producteur de minerai de plomb au monde.
1 La présente étude s’appuie principalement sur les archives de la société Zellidja, exploitées
ici pour la première fois. Une partie, conservée au siège social à Casablanca, comprend les
procès-verbaux des délibérations du conseil d’administration, les comptes rendus annuels faits
au c.a. et les rapports du c.a. à l’assemblée générale des actionnaires. L’autre demeure sur les
lieux de la mine abandonnée à Bou Beker ; on y trouve les archives techniques, la
correspondance et la documentation imprimée.
Nous tenons à exprimer nos remerciements au président Mostafa El Sahel, au vice-président
Cherki Belaidi et au personnel de la société pour la bienveillance de leur accueil. Notre
reconnaissance va aussi à Daniel Catan pour son concours.
2
I. Les débuts
À l’origine, Bou Beker n’est qu’un puits dans une région isolée à 45
km au sud-est d’Oujda près de la frontière algérienne au nord du Maroc.
Le minerai de plomb (galène) y est extrait de temps à autre et à petite
échelle depuis le XVIe siècle. En 1925, Jean Walter (1883-1957) obtient un
permis dans la région entourant le puits et fonde Zellidja 2. Architecte de
profession, il se risque alors que de grandes sociétés minières pensent si
peu de Bou Beker qu’elles lui cèdent leurs permis en guise de paiement
partiel pour une prestation de service 3. La prospection effectuée par
Zellidja s’étant révélée fructueuse, l’extraction commence.
Le traitement du plomb est réalisé en plusieurs étapes.
Premièrement, le minerai est écrasé et envoyé à la laverie, sorte de bassin
où l’on procède à la flottation. Les particules de plomb sont ensuite
concentrées et grillées afin d’éliminer le soufre. La fonte, prochaine étape,
retire le métal des concentrés de minerai. Elle se déroule en général dans
un haut fourneau équipé d’un water jacket et d’un creuset pour la collecte
du plomb fondu. La chauffe dans un récipient de scories débarrasse le
plomb d’œuvre de ses impuretés. Enfin de grands blocs de plomb métal
sont envoyés à la raffinerie pour purification supplémentaire et surtout
pour la récupération de l’argent. Le raffinage produit du plomb brut à
l’état pur.
Zellidja emploie la méthode des piliers et galeries pour l’extraction.
Rudimentaires, ses laveries sont limitées au premier stade de la
production. Le moteur d’un camion fournit le courant pour la première
laverie. Les concentrés sont transportés à Oujda, puis au port d’Oran en
Algérie pour être exportés en Europe. Si la production augmente, le cours
2Zellidja n’est pas un lieu. Le personnel de la société croit qu’il s’agit du nom d’une pierre.
3R. H. Ramsey, Men and mines of Newmont. A Fifty-Year History, New York, Octagon
Books, 1973, p. 119.
3
7 À la recherche…
8 A .G. des 14 juin 1941 et 8 juin 1942. Charles Eugène Bedaux (1886-1944) élabore un
système de paiement basé sur le rendement : l’unité de mesure représente une minute de
travail à cadence normale et un temps de repos. Cf. Matthias Kipping, «American
Management Consulting Companies in Western Europe, 1920 to 1990 : products, reputation
and relationships», Business History Review, 73, 1999, p. 197.
9 Archives Zellidja, Bou Beker (AZBB), Zellidja à Ingersoll Rand (New York), 1 er janvier
1943. Il ne sera pas toujours possible d’identifier les dossiers, les archives n’étant pas
classées.
10 Ibid., Zellidja à Hardinge Co. (York, Pennsylvanie), 17 avril 1943.
4
ne sont pas suivies de réponses. Les achats s’effectuent, non sans mal, en
France occupée et en zone sud. Tandis que s’arrêtent petit à petit les
fonderies françaises et que diminuent leurs importations, le prix du plomb
de Zellidja et son niveau de production s’affaissent. Les stocks et
l’équipement, devenus rares et précieux, ne peuvent être utilisés qu’avec
parcimonie. Il est décidé de fermer la laverie pendant un an. C’est la
deuxième fois que l’élan de la société est arrêté par des événements qui
lui sont étrangers.
La réouverture de la principale fonderie française à Noyelles-Godault
(Pas-de-Calais) entraîne la reprise des livraisons de plomb en septembre
1941. Toutefois le problème de l’alimentation en courant électrique
demeure sérieux. Depuis longtemps, mais vainement, Zellidja incite
Énergie électrique du Maroc, le fournisseur, à abandonner les moteurs
Diesel et le fuel pour construire une usine thermale qui s’alimenterait aux
mines d’anthracite voisines de Djerada. Le projet qu’a Zellidja de réaliser
son indépendance par la création de sa propre station, mue par un gaz de
qualité inférieure, est conforté par lorsque ÉÉM comprime sévèrement la
fourniture de courant à la mine en juin 1941 comme conséquence de
pénuries de fuel et de la conviction que la demande pour le plomb est
atone en France. Malgré les interventions officielles en faveur de Zellidja
11
, le courant n’est pas augmenté. Un équipement de fortune, acquis ici et
là en France, est assemblé à Bou Beker afin de construire des générateurs
fonctionnant au gaz. Le volume de concentrés produits change peu de
1939 à 1940. Il baisse à 6763 tonnes en 1941 et se situe à ce nivesu
jusqu’à la fin de la guerre.
Zellidja est fort désireuse de reprendre l’exécution du programme de
1940, d’autant plus que de nouvelles explorations révèlent des réserves
insoupçonnées. Jacques Ségaud, directeur et géologue, les évalue à 400
000 tonnes de métal 12. En 1942, Zellidja étend sa prospection à l’Algérie
et acquiert des mines de zinc à El Abed-Aïn Arko. Créée en novembre
1942, la Société des mines d’Aïn-Arko appartient entièrement à Zellidja. La
valeur du capital-actions de cette dernière est élevée à 40 millions de F en
1941 par l’incorporation de réserves et l’augmentation à 100 millions de F
est autorisée. Il atteint 60 millions de F en 1942 grâce à l’émission de
nouvelles actions à souscrire en numéraire. En 1945, Zellidja est en
mesure de produire 24 000 tonnes de concentrés vendables d’une teneur
en plomb de 70 à 75% à partir de minerais dont la composition en plomb
est de 5 à 8% 13.
Comme pour l’électricité, la société vise l’autonomie dans le
traitement du minerai. La construction d’une fonderie et l’exportation du
plomb plutôt que du minerai lui permettraient de tirer un meilleur parti du
fret déboursé; elle pourrait aussi se prémunir contre les fluctuations du
11 AZBB, Dossier Résidence Rabat, Jacques Walter, fils du fondateur, ingénieur des mines et
directeur général, au général Weygand, résident général, télégrammes sans dates (juin 1941 et
avril 1942).
12 Archives Zellidja, Casablanca (AZC), Rapport à l’A.G. du 8 juin 1942. Première version
tapée à la machine.
13 AZBB, Jean Walter à Gabriel Puaux, résident général, 19 janvier 1945 ; note du 9
novembre 1948.
5
14 Fondée à Paris en 1881 et contrôlée par les banques Rothschild et Mirabaud, Peñarroya est
le premier producteur de plomb au monde. Particulièrement active en Espagne, elle avait des
filiales au Maroc ; l’une d’elles, la Société des mines d’Aouli pratique l’extraction du minerai
de plomb près de Midelt. Archives du Crédit lyonnais, Direction des études économiques et
financières, no 49 828 ; Peñarroya, 1881-1981. Histoire d’une société, Paris, Peñarroya, 1981.
15 Jacques Walter préside P-Z. Charles Long, puis Henry Pagézy, représentent Peñarroya au
font sentir aux Etats-Unis alors que débute la guerre froide. Le consulat
américain à Rabat s’enquiert auprès du service des mines du Protectorat
au sujet des minerais plombifères marocains 17. Dans un tel contexte, les
firmes américaines sont au diapason de la politique du gouvernement
américain lorsqu’elles cherchent à s’associer à des sociétés étrangères
actives dans des secteurs économiques réputés stratégiques par les
autorités.
De leur côté, les entreprises situées dans les pays occupés ou dans
les zones de combat, privées d’équipement, de fournitures et de matières
premières durant la guerre, sont impatientes de procéder à des
importations afin de fonctionner à nouveau, d’assurer l’entretien ou de
travailler à plein régime. Résultat de la guerre, les États-Unis sont le seul
exportateur. Les autorités du Protectorat au Maroc favorisent les
importations destinées à augmenter la production; les permis d’importer
sont délivrés libéralement. La pénurie de dollars freine sérieusement les
achats. À court terme, le paiement en nature ne peut être envisagé en
raison de l’importance des besoins de la reconstruction en France.
L’Empire ne peut répondre à la demande. Les autorités du Protectorat ont
des instructions formelles de la part du ministère de la Production
industrielle à l’effet de réserver la totalité du plomb marocain à la France
18
.
Zellidja a pour objectif la mécanisation. Le projet de faire de la fonte
en France, abandonné implicitement avec la création de P-Z, est jugé
impraticable et définitivement écarte 19. Toute l’attention est portée sur
les installations au Maroc. Zellidja entend s’engager sur la voie de
l’expansion que la guerre lui avait fermée et profiter de la forte demande
que suscitent la reconstruction et le souci de l’insuffisance des stocks. Un
autre motif l’incite à mécaniser. Retenir la main-d’œuvre n’avait pas été
aisé dans le passé; elle faisait normalement défaut durant la saison de la
moisson. Un effort particulier doit être consenti pour accommoder les
travailleurs par la construction de logements dans la médina avoisinante.
La guerre terminée, des majorations de salaires sont décidées par la voie
législative en France et au Maroc. De toute façon, il suffit que les
employeurs de la région, tels la mine de Djerada, augmentent les salaires
pour que Zellidja, devant le départ possible de ses employés, soit obligée
de faire de même. Par conséquent, les coûts de production en viennent à
dépasser les revenus provenant des ventes. Le prix du plomb français et
marocain est au-dessus du cours mondial. Zellidja est contrainte de
compenser le coût unitaire et d’augmenter la production. La pression des
coûts et l’attraction de la demande se conjuguent pour inciter à une
mécanisation accrue.
Invité par des sociétés minières américaines, Jean Walter se rend
aux États-Unis visiter des mines et nouer des relations, nonobstant la
réticence de certains administrateurs de Zellidja à faire des concessions
17 AE (Nantes), Maroc, Cabinet diplomatique, No 982, Jean Couture, ingénieur en chef de la
Division des mines et de la géologie, au conseiller diplomatique du Protectorat, 11 novembre
1946.
18 Idem.
pour acquérir des dollars. Walter choisit deux partenaires, la Saint Joseph
Lead Company 20 et la Newmont Mining Corporation, au capital de 19 754
785 $ et 10 832 920 $ respectivement. Jusqu’à récemment basée à New
York, Newmont a son siège social à Denver. Aurifère à l’origine, elle est
fondée en 1916. Elle s’intéresse au cuivre et investit en Afrique du Sud et
en Amérique du Sud au cours des années 1940 et 1950. Son entrée au
Maroc durant les années 1940 participe de sa politique de diversification
vers d’autres métaux que l’or. Elle met l’accent sur les investissements
dans les firmes minières des Etats-Unis pendant les années 1960. Son
attention se porte sur l’or et les filiales étrangères, en particulier en
Indonésie et au Pérou, durant les années 1990 21. En 2001, Newmont,
deuxième producteur d’or au monde, se hisse au premier rang suite à des
acquisitions.
Dans l’accord du 1er novembre 1946 conclu entre Zellidja, Newmont
et Saint Joseph, les signataires mettent en place un moyen de tourner le
problème des dollars. La partie française n’aurait pas à en débourser.
L’équipement et la formation en vue de la mécanisation de la mine,
l’expansion de la laverie et l’amélioration du forage seraient fournis par les
sociétés américaines en échange de leur participation au capital. Les 16
km2 de la concession sont divisés en deux parties. Zellidja conserve Bou
Beker et la région qui l’entoure dans un rayon de 6 km. Ses actionnaires
cèdent 6000 des 61 000 actions, soit 9,84% du capital. Il est prévu que la
production annuelle de Zellidja soit de 45 000 tonnes de concentrés, ou 35
000 tonnes de plomb, environ la moitié des besoins de la France. Au-delà
de ce périmètre, Zellidja possède des permis dans des territoires qu’elle
n’a pas ou ne peut pas explorer. Ils sont rétrocédés à une entreprise créée
expressément à cette fin : la Société nord-africaine du plomb, avec siège à
Oued el Heimer. Zellidja en conserve 51% du capital de 75 millions de F.
Newmont et Saint Joseph obtiennent 49% 22 et apportent appareils de
forage 23 et experts à la NAP. Les sociétés américaines supporteraient 75%
des coûts, et les dépenses de Zellidja seraient effectuées en France et
réglées en F. En ce qui concerne le minerai nouveau qui serait découvert,
les premières 25 millions de tonnes iraient à Zellidja; l’excédent
appartiendrait à la NAP. Désireuse de donner des assurances aux autorités
du Protectorat à l’effet que la majorité française ne serait jamais lâchée,
Zellidja est disposée à immobiliser ses actions NAP à la Banque d‘État du
Maroc. Elle obtient un siège aux conseils de Newmont et de Saint Joseph,
ainsi que 4000 de leurs actions, tandis que Fred Searls Jr. et Andrew
Fletcher, présidents de Newmont et de Saint Joseph, sont nommés au
conseil de Zellidja en mars 1947. Les autorités françaises et américaines
20 Les renseignements sur Saint Joseph font défaut. Ses quartiers généraux sont à New York
durant les années 1940.
21 Hoover’s Handbook of american business 1997, Austin, Texas, Hoover’s Business Press ;
dans le sous-sol.
8
donnent leur approbation 24. Les pourparlers entre les autres sociétés
américaines et marocaines (françaises) de plomb et de manganèse ne
débouchent pas sur des ententes.
L’épineuse question des exportations de plomb aux États-Unis n’est
pas abordée. Il est entendu que les Américains auraient le droit d’acheter
du minerai qui serait découvert, mais seulement dans un avenir
indéterminé. Searls passe trois semaines à Bou Beker et rencontre le
résident général Labonne en mars 1947. «J’ai adhéré à votre formule : ‘Si
vous nous aidez faire plus gros, la production de plomb, vous en aurez, et
si vous ne nous aidez pas, vous n’en aurez pas [sic]’» 25.
Les commandes d’équipement que place Zellidja sont approuvées
par les autorités du Protectorat en décembre 1946. Le 1er janvier 1947 les
premières livraisons arrivent à Casablanca 26. Deux ingénieurs de
Newmont visitent la mine de Bou Beker du 12 décembre 1946 au 14
janvier 1947. Dans son rapport, Jack D. Harlan la trouve bien adaptée à la
mécanisation. Des forages réalisés depuis la surface ont depuis longtemps
indiqué des gisements importants de minerai de plomb exploitable. Ils
sont suffisants pour autoriser l’emploi de meilleures méthodes
d’extraction et de flottation; les appareils et les installations doivent
correspondre à la tâche à accomplir. La laverie traite 240 tonnes par jour;
l’objectif immédiat, soit 1000 tonnes, ne saurait être atteint sans un
changement de méthodes. Le personnel est composé de 675 Marocains et
de 80 Européens mais, compte tenu des pénuries de main-d’œuvre,
atteindre les 240 tonnes demeure aléatoire. Quant à la pression
s’exerçant dans le sens du dépassement de la moyenne journalière de 90
à 145 F pour les salaires, elle ne laisse pas d’inquiéter 27.
Il importe, selon Harlan, de n’employer les nouvelles méthodes et
l’équipement moderne que dans la mesure où ils peuvent être absorbés
sans à-coups et rendre service. Pour sa part, Zellidja entend mécaniser
pas à pas, de manière à ce que le personnel ne sente pas les
changements 28. Les visiteurs américains estiment possible une production
annuelle de 40 000 tonnes, soit la moitié de la consommation française,
dans un délai de trois ans 29.
Newmont prend sur elle de recueillir les renseignements qu’exige la
mécanisation des concessions marocaines, de trouver le matériel et
l’équipement, et de les diriger vers Bou Beker 30. Vu l’intensité de la
demande au lendemain de la guerre, il n’est guère aisé d’acquérir
24 AZBB, Jean Walter à Bernard de Margerie, directeur adjoint du Trésor, ministère des
Finances, 26 novembre 1947 ; AE (Nantes), Maroc, Cabinet du délégué à la résidence
générale, No 116, Jean Walter à Eirik Labonne, 12 décembre 1946 ; À la recherche… ;
Rapport à l’A.G. du 19 juillet 1947.
25 AE (Nantes), Maroc CDRG, No 116, Searls à Labonne, 16 mars 1947.
28 AZBB, Dossier Résidence Rabat, Jean ou Jacques Walter à Jacques Lucius, secrétaire
30 AZBB, Dossier Correspondance avec Mr Harlan, Harlan à Émile Trystram, directeur des
35 AZBB, C. Kremer Bain, expert foreur de Saint Joseph, à Jacques Walter, 31 mai 1951.
36 AZC, Dossier Domaine Zellidja, «Proposed Surface Exploration Drilling Program» par
sont évaluées à 700 000 tonnes de métal brut. En 1948, on les calcule à
1,8 millions de tonnes, provenant de 30 millions de tonnes de minerai. La
quantité s’élève à 2 millions de tonnes en 1949 37. Le volume de minerai
traité à la laverie passe graduellement de 240 à 1000 tonnes par jour en
1948. Il est censé atteindre 1500 tonnes en 1950, 3500 tonnes en 1952 et
5500 tonnes en 1953. À cette date, la production annuelle de concentrés
serait de 70 000 tonnes, près de 90% des besoins de la France et de
l’Union française 38.
Bureau des recherches minières de l’Algérie, 3 décembre 1948 ; Rapport de Bain, 1er mai
1949 ; Mining and metallurgy, juin 1947 ; À la recherche… Walter surestime les résultats
probables : la moyenne quotidienne est d’environ 3600 durant les années 1950 et la
production annuelle se situe en deça de 50 000, sauf en 1952. AZC, Rapport annuel du
directeur général au c.a. et tableau en annexe.
39 AZBB, Compte rendu de la réunion.
11
pas construite.
45 AZBB, Note sur la réunion du 16 septembre 1948.
12
50 AZBB, Jean Lacaze, administrateur et directeur général, à Searls, 22 mars 1949 ; Bossuat,
op.cit., p. 573.
51 AE (Paris), M-Maroc 1944-1949, No 122, Juin au ministre de l’Industrie et du Commerce, 8
juillet 1949.
52 AE (Paris), M-Maroc 1950-1955, No 117c, Note du ministère des Affaires étrangères à
13
juillet 1950.
54 AE (Paris), M-Maroc 1950-1955, No 132a, Juin au ministère des Affaires étrangères, 6
décembre 1950.
55 AE (Paris), M-Maroc 1950-1955, No 132a, Note du ministère des Affaires étrangères, 2
janvier 1951.
56 AE (Paris), DE-CE 856, ministère des Affaires étrangères au résident général, 25 avril
1950.
57 AE (Paris), M-Maroc 1950-1955, No 130c, Tableau, 1953 ; Bossuat, op.cit., p. 578-611.
14
Tonnes
1951 1954
France 22 738 47 986
Belgique 7 347
États-Unis 4 063
République fédérale d’Allemagne 3 762
_____ ______
34 148 51 748
Tonnes
1951 1954
France 13 554 17 150
États-Unis 2 000 6 759
Afrique du Nord 726
Reste de l’Afrique 173
Algérie 1 681
Maroc 278 62
_____ ______
16 731 25 652
Zellidja est une affaire très rentable (voir Tableau 2). Sauf en 1942
et en 1950, son capital augmente par incorporation des réserves.
Honorable à la veille de la guerre, la rentabilité par rapport au capital ne
s’affaiblit que dans les années qui suivent immédiatement la fin du conflit.
La rentabilité par rapport aux ventes est parfois plus élevée, indication
d’une aptitude à maintenir le niveau des revenus malgré le reflux des
ventes. Passé 1952, Zellidja connaît une période de grande prospérité,
explicable par l’intégration de l’équipement nouvellement acquis. Les
ventes triplent entre 1950 et 1952, tandis que le bénéfice net quintuple.
Par rapport au capital, la rentabilité s’envole en 1951 et demeure
exceptionnellement élevée jusqu’en 1957. Les revenus des ventes
démontrent une grande fermeté jusqu’en 1960 mais le bénéfice net chute
après 1956.
Les belles années de Zellidja se poursuivent tant que les mines du
Maroc et de l’Algérie, source de sa prospérité, recèlent des quantités
satisfaisantes de minerai de qualité. À la fin des années 1950, cette
condition n’est plus remplie car le contenu métallique diminue dans les
65 AE (Paris), M-Maroc 1950-1955, No 112a, Rapport sur le plomb et le zinc, 18 avril 1953.
blendes, puis dans les galènes. Certains puits et sites de travail doivent
être fermés. En 1958, la société commande une foreuse Rotary aux Etats-
Unis afin de donner une impulsion à l’exploration; un technicien américain
se rend au Maroc pour assurer la formation du personnel. Jusqu’en 1961,
l’efficacité du procédé Waelz dans la production d’oxydés neutralise la
raréfaction du minerai de haute teneur. Malgré tout, en 1963, la flottation
des calamines ne peut continuer au même régime. Plus d’une fois au
début des années 1960, la production s’inscrit en-dessous des prévisions.
Les travailleurs demandent des majorations de salaires et font la grève,
alors que la hausse des prix de revient se conjugue au relâchement des
cours sur le marché international. Quant à la raffinerie P-Z, elle enregistre
des pertes d’exploitation en 1958 et en 1959. Pour la première fois depuis
les années 1930, Zellidja elle-même déclare des pertes en 1962 et en
1963. L’année suivante, les cours du plomb et du zinc s’améliorent, ce qui
permet de reprendre la production d’oxydés et donne à Zellidja un répit.
En 1966, P-Z retrouve le chemin de la rentabilité 67.
P-Z s’efforce de compenser l’augmentation des concentrés de faible
teneur par l’amélioration de la préparation du plomb à raffiner. En 1967,
elle acquiert un pont et une benne de type DEMAG, un malaxeur de type
Eirich à trappe automatique et un convoyeur pour le chargement des
trémies de dosage 68. Comme prévu 69, la mine épuisée de Bou Beker est
fermée en 1970, privant la raffinerie de sa matière première. Les sources
alternatives, telles les mines d’Aouli, sont trop éloignées. À cette difficulté
s’ajoute le fait que la composition de leur plomb exige des
investissements pour l’amélioration de l’équipement. En septembre 1971,
la raffinerie P-Z ferme ses portes. ALZI et Aïn-Arko sont nationalisées par
l’Algérie en 1966. Seule la NAP demeure dans le giron de Zellidja mais ses
permis ont été cédés à ALZI en 1956. L’histoire de Zellidja semble arrivée
à son terme.
En 1972, l’Asturienne découvre du minerai près de la mine
abandonnée de Touissit, non loin d’Oued el Heimer. Les pourparlers
portant sur la possibilité d’une réouverture aboutissent à un accord le 18
septembre 1973. Le capital de la nouvelle Société des fonderies de plomb
de Zellidja (P-Z) est divisé entre Zellidja (40%), le Bureau de recherches et
de participations minières (BRPM), un organisme public (26%), la
Compagnie minière de Touissit (20%) et Peñarroya-Maroc. Zellidja se
charge de la modernisation de la raffinerie, laquelle rouvre le 23 juillet
1975. La teneur en cuivre du plomb de Touissit oblige à installer un
nouveau fourneau en 1977 et un autre, le plus grand de son espèce au
monde, en 1981. Le volume du minerai extrait étant à la hausse, P-Z
augmente sa capacité annuelle de traitement à 85 000, puis à 120 000,
tonnes de concentrés 70. Touissit demeure la source principale du minerai
67 AZC, Procès-verbaux des délibérations du c.a., 23 juin et 6 novembre 1958 ; 18 juin 1959 ;
15 mars et 16 octobre 1961 ; 11 avril et 28 mai 1962 ; 14 février, 19 avril et 24 octobre 1963 ;
26 mai et 4 novembre 1964 ; 11 mars 1965 ; 3 mars 1966.
68 AZC, «Transformation des concentrés…»
69 AZC, Procès-verbaux des délibérations du c.a., 14 février 1963 ; Dossier Domaine Zellidja,
Conclusion
Samir Saul
Université de Montréal
72 Archives nationales (Paris), 552AP 156, L’Empire français à refaire, 1954, p. 11.
19
TABLEAU 1. PRODUCTION
Tonnes
ZELLIDJA PEÑARROYA-ZELLIDJA
EXTRACTION LAVERIE RAFFINERIE
Minerai Concentrés Concentrés Plomb Plomb Argent
Zinc
de plomb Plomb sulfuré Zinc oxydé traités d'œuvre doux
(Galène) (Blende) (Calamine)
1925 15
1930 1 313
1937 3 177
1938 7 143
1939 12 036
1940 12 100
1941 6 763
1947 9 000
1948 13 600 6 319
1949 19 000 11 073
1950 438 643 25 844 17 064 18 258
1951 838 218 38 953 29 913 33 959
1952 1 185 736 51 787 42 072 42 217 28 198
1953 1 198 742 43 015 56 104 43 034 30 040 31
1954 1 216 076 40 457 49 839 41 147 32 665 26 687 36
1955 1 239 696 45 425 51 408 74 768 41 466 29 243 26 690 30
1956 1 206 939 43 719 44 989 80 836 40 845 23 948 28 115 24
1957 1 212 707 39 110 39 882 48 492 41 257 25 684 31 244 29
1958 1 210 695 41 401 35 075 64 397 48 920 28 723 33 124 44
1959 998 389 32 195 49 102 64 087 41 133 28 376 36
1960 943 911 29 837 60 098 53 905 46 294 30 727 31
1961 861 905 26 869 59 202 49 752 41 468 24 488 29
1962 837 000 21 840 23 100 22 300 24 140 25
1963 662 000 19 400 22 520 9 570 18 750 24
1964 770 768 19 495 34 654 15 298 18 840 19
1965 797 845 18 655 29 669 22 083 17 230 19
1966 824 500 19 206 28 435 29 065 18 826 22
1967 918 400 20 902 31 182 20 963 21 035 24
TABLEAU 2. RENTABILITÉ