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En octobre 2010, une terrible pandémie de grippe porcine sǯest abattue sur lǯAlsace. Dès
la connaissance de la lǯapproche de la maladie, le lundi 25 octobre 2010, lǯemployeur a
diffusé une note de service au sein de lǯentreprise libellée comme suit :
Les masques de protection ont été immédiatement déposés à lǯentrée de chaque « open
space », accompagnés de bouteilles de solution hydrolique, et de consignes pour éviter la
contagion.
Le lendemain, dès son arrivée à son poste de travail, il reçoit, contre signature, une lettre
de convocation à un entretien préalable de la main de son chef de service.
Monsieur BOUZEKRI a appris que vous étiez un juriste en droit du travail chevronné. Il
sollicite donc votre aide.
Selon lui, la note de service nǯayant aucune valeur juridique, lǯemployeur ne peut
lǯutiliser pour fonder une sanction disciplinaire. Il vous précise éga lement que lǯun de ses
collègues et membre du comité dǯentreprise, Monsieur MIDAL, lǯa informé du fait que le
comité dǯentreprise et le comité dǯhygiène, de sécurité et des conditions de travail se
sont vus communiquer la note de service au jour de sa diffusion, et, que lǯinspecteur du
travail nǯa, à ce jour, émis aucun avis sur la note qui lui a été soumise.
Par ailleurs, M. BOUZEKRI se demande si lǯemployeur a bien respecté le début de la
procédure disciplinaire.
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- La valeur juridique et la validité de la note de service.
- La validité (p A de la sanction disciplinaire.
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Le règlement intérieur est un acte unilatéral de lǯemployeur fixant les règles applicables dans
lǯentreprise en matière de santé, sécurité et discipline hygiène (L.1321-1 C. trav.A.
La loi fait obligation à lǯemployeur dǯétablir un règlement intérieur dans les entreprises ou
établissement occupant habituellement au moins 20 salariés (c
.A
ë , lǯentreprise FUNPHONE compte 127 salariés. Elle est donc, en principe, dotée dǯun
règlement intérieur.
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c
: La note de service du 25 octobre 2010 constitue donc bien une adjonction au
règlement intérieur. Elle est donc soumise au même régime juridique.
Il convient dès lors de vérifier la validité de la note de service au regard du cadre juridique du
règlement intérieur, défini par les articles L.1311-1 et suivants C. trav.
Le règlement intérieur est soumis à certaines règles de fond et de forme, auxquelles doit
également se conformer lǯemployeur lors de la diffusion de document venant modifier ou
compléter le règlement. Tel est le cas de la note de service du 25 octobre 2010.
Ainsi, pour être licites, elles doivent tout dǯabord entrer dans lǯobjet du règlement intérieur.
Lǯobjet du règlement intérieur, tel que nous lǯavons déjà indiqué, est défini par c
et vise les dispositions relatives à la santé, à la sécurité et à la discipline (à ce contenu,
sǯajoutent un certain nombre de clauses énonciatives définies par c
%
ë tel que cela a déjà été démontré, lǯobligation du port dǯun masque de protection
entre dans le contenu limitatif du règlement intérieur, au titre des dispositions sanitaires.
Lorsquǯelles entrent dans lǯobjet limitatif du règlement intérieur, les prescriptions générales et
permanentes, pour être licites, doivent encore respecter un certain nombre de limites posées
par c
Ainsi, ces dispositions ne doivent pas présenter de caractère discriminatoire (3°A ; elles ne
doivent pas porter atteinte aux droits et libertés individuels et collectifs, sauf lorsque de telles
atteintes sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché
(2°A ; elles doivent être compatibles aux dispositions légales et règlementaires ainsi quǯaux
dispositions conventionnelles applicables à lǯentreprise (1°A.
ë , lǯobligation de porter un masque de protection est imposée à « tous les salariés
travaillant dans les « open space » » ; elle ne semble pas être réalisée de différences de
traitement discriminatoire.
Au regard des informations qui nous sont soumises, cette obligation ne paraît pas violer une
quelconque règle légale ou règlementaire, ou des dispositions conventionnelles.
Par contre, imposer le port dǯun masque de protection vise à imposer le port dǯune tenue
particulière. Les salariés pourraient dès lors alléguer une atteinte à leur liberté de se vêtir.
Néanmoins, le législateur, sǯil interdit en principe les atteintes aux droits et libertés individuels
et collectifs, autorise certaines dérogations à cette prohibition dès lors que ces atteintes sont
justifiées par la nature de la tâche à accomplir et sont proportionnées au but recherché (
c '%
%
ë ,
- Sur la justification : tel que cela a déjà été évoqué, lǯobligation imposée par la note de
service est justifiée par la pandémie grippale qui sǯest déclarée en Alsace. Cette mesure a
bien pour objet de limiter les risques de transmission entre les salariés de lǯentreprise de
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c
cette maladie à fort potentiel de contagion ; cette contagion serait en effet facilitée eu
égard aux conditions matérielles de travail : les open space qui sont des bureaux ouverts.
De plus, lǯobligation du port du masque de protection est imposée aux seuls salariés
travaillant dans ces espaces « à haut risque ».
Lǯobligation est donc bien justifiée.
La note de service dès lors quǯelle est considérée comme une adjonction au règlement intérieur,
doit être élaborée dans le respect des règles de procédure posées pour lǯédiction du règlement
intérieur.
En ce sens, c (
. prévoit quǯavant son entrée en vigueur, le règlement
intérieur doit être soumis, pour avis, aux représentants du personnel (comité dǯentreprise, ou à
défaut, les délégués du personnel, et le comité dǯhygiène, de santé et des conditions de travail
pour les dispositions qui concernent sa missionA. Le projet de règlement est ensuite
communiqué, avec les avis des représentants du personnel, à lǯinspecteur du travail pour
contrôle. Le règlement intérieur entre en vigueur un mois après la réalisation de formalités de
publicité (affichage dans divers lieux au sein des locaux de lǯentrepriseA et de dépôt (dépôt au
secrétariat-greffe du Conseil de Prudǯhommes, dans le ressort duquel lǯentreprise a son siègeA.
ë , la note de service est entrée en vigueur le 25 octobre 2010, alors que lǯétat de
pandémie grippale a été déclaré en Alsace début octobre. Moins dǯun mois sǯest donc écoulé
entre le fait générateur ayant justifié lǯadoption de la note de service et son entrée en vigueur.
La procédure ne semble donc pas avoir été respectée.
Cependant, c )
. prévoit, en son alinéa 2, que « lorsque lǯurgence le justifie,
les obligations relatives à la santé et à la sécurité peuvent recevoir application immédiate. Dans
ce cas, ces prescriptions sont immédiatement et simultanément communiquées aux secrétaires
du comité dǯhygiène, de sécurité et des conditions de travail et du comité dǯentreprise, ainsi quǯà
lǯinspection du travail. »
ë , les dispositions de la note de service du 25 octobre 2010 sont relatives à la santé.
Elles ont été adoptées par lǯemployeur et appliquées immédiatement par celui-ci en raison de
« la pandémie de grippe porcine ». « Lǯurgence et la gravité » de la situation justifiaient en effet
que ces dispositions soient prises sans délai, en violation de la procédure dǯélaboration du
règlement intérieur décrite par lǯarticle L.1321-4.
Néanmoins, lǯarticle L.1321-5 alinéa 2 prévoit certaines formalités qui restent à la charge de
lǯemployeur même dans ces hypothèses : en parallèle de lǯentrée en vigueur de la note de
service, lǯemployeur devait en effet communiquer le document au comité dǯentreprise et au
comité dǯhygiène, de sécurité et des conditions de travail, ainsi quǯà lǯinspecteur du travail.
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c
ë , M. BOUZEKRI nous relate les dires de M. MIDAL, membre du comité dǯentreprise.
Selon ses propos, la note de service semble avoir été transmise au comité dǯentreprise et au
CHSCT, ainsi quǯà lǯinspecteur du travail.
: La note de service est donc valide. Etant considérée comme une adjonction du
règlement intérieur, elle a la même valeur juridique que celui-ci. A ce titre, les obligations quǯelle
impose sont opposables aux salariés concernés. Ces derniers pouvant être sanctionnés en cas de
violation de ses prescriptions.
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Problèmes juridiques :
- M. BOUZEKRI peut-il faire lǯobjet dǯune sanction disciplinaire en raison de son
manquement à lǯobligation imposée par la note de service ?
- La procédure disciplinaire suivie jusquǯalors par lǯemployeur est-elle régulière ?
Une sanction disciplinaire nǯest valide que si elle est justifiée par une faute disciplinaire.
Le législateur nǯa pas défini la faute disciplinaire. Des éléments dégagés par la jurisprudence, lǯon
peut considérer la faut disciplinaire comme la violation dǯune obligation professionnelle licite,
imputable au salarié.
ë , lǯemployeur a convoqué M. BOUZEKRI à un entretien préalable en raison du refus
du salarié de porter le masque de protection imposé par la note de service diffusée le 25 octobre
2010. Tel quǯon lǯa déjà démontré, lǯobligation résulte dǯun e note de service considérée comme
une adjonction au règlement intérieur licite. Elle sǯimpose à ce titre aux salariés concernés, qui
peuvent être sanctionnés en cas de manquement.
Ce refus pourrait sǯanalyser en un acte dǯinsubordination, qui peut même être constitutif dǯune
faute grave (si refus réitéréA.
Le refus du salarié de porter le masque de protection sǯanalyse donc en une faute disciplinaire
permettant de justifier la sanction disciplinaire qui sera prononcée.
Lǯemployeur qui souhaite infliger une sanction à un salarié quǯil considère comme coupable
dǯune faute disciplinaire, doit se soumettre à une procédure disciplinaire, fixée par la loi, et les
éventuelles dispositions conventionnelles applicables à lǯentreprise.
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c
Les règles légales relatives à la procédure disciplinaires sont posées par les c
% c
+
c
&&&
Lǯemployeur ne peut prononcer une sanction disciplinaire à lǯencontre dǯun salarié fautif, quǯà
condition nǯinitier les poursuites disciplinaires dans le délai de prescription des faits fautifs.
En effet, c (
. dispose quǯ « aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à
lǯengagement de poursuites disciplinaires au-delà dǯun délai de deux mois, à compter du jour où
lǯemployeur en a eu connaissance [ǥ]. » Passé ce délai, les faits fautifs sont prescrits et ne
peuvent donc plus faire lǯobjet de sanction.
Lǯacte interruptif de ce délai est le déclenchement des poursuites disciplinaires. Lǯacte
déclencheur de la procédure disciplinaire est la notification au salarié de la lettre de convocation
à lǯentretien préalable. Cǯest donc la date de la convocation à lǯentretien préalable qui constitue
lǯengagement des poursuites disciplinaires (,&
--, RJS 1990.243, n°325A.
ë , M. BOUZEKRI sǯest présenté le mardi 2 novembre à lǯentreprise sans le masque de
protection, violant par là-même lǯobligation imposée par la note de service entrée en vigueur le
25 octobre 2010.
Le mercredi 3 novembre, le salarié sǯest fait remettre en mains propres la lettre de convocation à
lǯentretien préalable. Le délai de prescription de deux mois nǯétait donc pas échu au jour de la
convocation.
c
*
Selon c
, « lorsque lǯemployeur envisage de prendre une sanction, il
convoque le salarié en lui précisant lǯobjet de la convocation. »
La lettre de convocation est adressée au salarié soit par lettre recommandée avec accusé de
réception, soit remise en mains propres contre décharge.
ë , la lettre de convocation a été remise à M. BOUZEKRI en mains propres contre
signature par son chef de service.
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c
envisagée à lǯencontre du salarié, et décrit également les griefs que lǯemployeur lui reproche, ce
qui permettra à M. BOUZEKRI de se préparer au mieux à lǯentretien préalable.
- la possibilité pour le salarié de se faire assister par la personne de son choix appartenant
à lǯentreprise.
ë , une telle possibilité nǯest pas précisée dans la lettre de convocation. Cette
irrégularité pourra donc être soulevée par le salarié.
La Chambre sociale de la Cour de cassation considère que cette omission méconnaît lǯune des
formalités imparties pour la protection du salarié et encourt une sanction fût-elle de principe
(Cass. soc., 28 mars 1978, Dr. soc. 1979.292, note J. SAVATIERA. Il nǯest néanmoins pas certain
que cette irrégularité entraîne la nullité de la sanction disciplinaire qui serait ensuite prononcée,
les juges du fond ayant toujours la faculté dǯallouer à la place au salarié des dommages et
intérêts. Il semblerait que la nullité sera prononcée si cette omission a réellement causé un
préjudice au salarié, sǯil nǯa pu exercer correctement ses droits de la défense en ne faisant pas
jouer ce droit de se faire assister en raison de lǯabsence dǯinformation sur ce point.
% c
Il convient de préciser que les propos tenus par le salarié pendant cet entretien bénéficie, sauf
abus, dǯune immunité disciplinaire, lǯemployeur ne pouvant se fonder sur ces propos pour
justifier une sanction ( .!
--/, Bull. civ. V, n°5A.
Lors de lǯentretien préalable, le salarié peut se faire assister par un membre du personnel de
lǯentreprise ( c A.
Si le législateur nǯa pas fixé de délai entre la convocation à lǯentretien et le jour où doit se
dérouler lǯentretien préalable, la jurisprudence considère que lǯemployeur doit laisser sǯécouler
un délai suffisant, délai devant permettre au salarié de préparer sa défense ( -
--, Bull. civ. V, n°146A. En ce sens, la jurisprudence a considéré quǯun délai de trois -quarts
dǯheure nǯétait pas suffisant ( -. , Bull. civ. V, n°607A
ë , lǯentretien préalable est prévu le lundi 8 novembre 2010, à 14h, soit trois jours
ouvrables après la remise de la lettre de convocation au salarié. Ce délai semble suffisant.
M. BOUZEKRI pourra donc se faire assister lors de lǯentretien préalable par la personne de son
choix appartenant à lǯentreprise. Lǯemployeur devra lui présenter les griefs retenus à son
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c
encontre et recueillir les explications du salarié. A défaut, lǯentretien sera entaché dǯirrégularité
qui pourra être sanctionnée par les juges du fond. Lǯon peut penser que dans une telle
hypothèse, les juges choisissent de prononcer la nullité de la sanction disciplinaire ensuite
survenue, lǯentretien préalable étant considéré comme lǯétape fondamentale de la procédure
disciplinaire.
$# Lǯemployeur, en ne faisant pas jouer la procédure simplifiée prévue par c ,
semble envisager une sanction plus lourde que lǯavertissement. Néanmoins, ce nǯest pas parce
quǯil a choisi de suivre la procédure légale que lǯemployeur a lié son pouvoir disciplinaire : il
pourra toujours choisir de prononcer un avertissement, sǯil estime cette sanction suffisante
( 0
., D. 2008, Pan.2314, obs. AMAUGER -LATTESA.
: M. BOUZEKRI, à ce stade la procédure, ne peut contester la justification de la
sanction disciplinaire qui sera éventuellement prononcée, puisquǯil sǯest rendu coupable dǯune
faute disciplinaire en violation une obligation professionnelle licite (la note de serviceA.
Néanmoins, il pourra alléguer dǯune irrégularité formelle concernant lǯabsence de mention dans
la lettre de convocation de la possibilité de se faire assister par un membre du personnel de
lǯentreprise. La sanction de lǯinobservation dǯune règle formelle est laissée à la libre appréciation
des juges du fond ( . ! -.), Bull. civ. V, n°406A. Ils pourront soit annuler la
sanction ( c Sauf si la sanction prononcée est un licenciement, c A, soit
allouer des dommages et intérêts (en effet, le pouvoir dǯannulation reconnu au juge par la loi
nǯest quǯune faculté, le juge pouvant préférer une réparation par voie dǯindemnisation. Cf.
-.-, Dr. soc., 1989.504, note J. SAVATIERA
M. BOUZEKRI pourra donc, si une sanction lui est infligée, saisir le Conseil de Prudǯhommes de
ce grief.