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HAMEL
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LE GÉNIE
DE LA
Langue Française
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1927
À M. l Abbé J.-Pierre DAVID
qui fut toujours pour moi un ami et un guide,
je dédie ce livre
en témoignage de profonde reconnaissance.
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PREMIÈRE PARTIE
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2
On trouvera ces éléments dans B. HAMEL, Le Français Moderne à
usage des Polonais. Cracovie, Librairie Jagellon, 1925.
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II
mérite d’avoir fait tomber une vieille conception erronée qui prétendait baser
les langues sur les données de la logique, alors que l’observation et la compa-
raison historique peuvent seules faire saisir comme sur le vif les procès des
variations du langage.
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III
7
Certain étranger de ma connaissance (je ne dirai pas sa nationalité mais
on la devinera vite), ayant vaguement entendu parler d’ordre direct d’une part
et des éléments : sujet, verbe, complément direct, compléments indirects et
circonstanciels de temps, de lieu et de manière, d’autre part, ne possède qu’un
type de phrase qu’il applique méthodiquement et scrupuleusement à chacune
de ses pensées.
Il dira :
ai vu M. X... à 8 heures, rue de Rivoli.
ce qui peut aller, mais il dira aussi :
ai vu ce monsieur, place Pigalle, en automobile. Nous avons aperçu
des montagnes à l horizon, le matin, en nous réveillant.
C’est vaguement français, mais c’est lourd et gris. Il ne faut pas outrer à
ce point l’ordre direct.
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8
Voir H. WEIL De l’ordre d e s mots dans l e s langues anciennes compa-
rées aux langues modernes. Paris, Vieweg, 1879
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9
ROMAIN ROLLAND : âme enchantée, I. Paris. Albin Michel, p. 140.
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IV
13
RAGEOT : La Beauté. Librairie Plon, Paris.
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14
Voir A. DARMESTETER : Cours de Grammaire historique de la lan-
gue française. Syntaxe. Paris, Delagrave, 1923, p. 217-218-219.
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15
Voir notamment B. HAMEL : Le Français moderne. Librairie Jagel-
lonska, Cracovie, 1926.
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18
Il est peut-être bon de faire ici une restriction dans cette conception
toute phonétique du placement des adjectifs de notre quatrième groupe. Nous
remarquerons en effet que l’adjectif postposé n’a pas exactement la même va-
leur que l’adjectif prépose Celui-là est plus individuel, celui-ci plus spécifi-
que. Duhamel, dans ses Entretiens dans le tumulte dit, en parlant d’un jeune
soldat : « Qu’il a un jeune et sympathique visage ! » Les deux adjectifs sont
en quelque sorte noyés dans le mot visage, assimilés par ce mot. Si je disais :
« Qu’il a le visage jeune et sympathique ! » les mêmes adjectifs sont autre-
ment plus vigoureux. C’est comme si je disais : Son visage est jeune et sym-
pathique. Et ceci est si vrai que, comme nous le verrons plus loin, lorsque les
adjectifs sont postposés, ils portent un accent, ce qui est le signe de
l’individualité. Quand ils sont préposes ils sont sans accent.
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VI
19
Voir GRAMMONT : Traité pratique de prononciation française. Li-
brairie Delagrave, Paris, p. 121 à 125.
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VII
20
Voir à ce sujet L. CLÉDAT, Manuel de Phonétique et de Morphologie.
Hachette, Paris, p. 142 et suivantes.
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sur le t qui suivrait 22. Par contre, je dirai sans peine le joli
petit (le joli ptit), car ici ce p a devant lui un i où
s’appuyer : en écriture phonétique, je pourrais écrire indif-
féremment le joli pti ou le jolip ti. De même, je prononce-
rai lafnêtr pour la fenêtre et un fenêtr pour une fenêtre,
car ici le e de une (qui est final) n’étant pas prononcé, ce
mot se termine pour mon oreille par la consonne n. Si je
ne prononce pas non plus le e de fe-, le f aura devant lui la
consonne n de une ; derrière lui, la consonne n de -nê-. Il
n’aura donc aucune voyelle où s’appuyer. Et c’est un tel
cas qui a précisément donné son nom à la règle « des trois
consonnes » parce qu’alors la consonne du milieu, ici, se
trouve bloquée entre la consonne qui la précède, et celle
qui la suit, formant ainsi avec ces deux lettres un bloc de
trois consonnes23.
Cette règle dit : lorsque la suppression d’un e entraî-
nerait la rencontre de trois consonnes, il faut le prononcer.
Mais on a vu par ce qui précède qu’au début des
phrases, cette règle n’est plus exacte car nous n’avons ici à
faire qu’à deux consonnes. Cette règle est encore mal
nommée lorsque nous avons un mot comme quelque chose
dans lequel nous prononçons le e de -que- parce qu’il se
trouve entre quatre consonnes. Il est vrai que ch- n’en fait
qu’une. Il faut alors dire que la règle est « des trois
consonnes phonétiques », et savoir encore que les groupes
consonne plus liquide comme br, cr, etc., bl, cl, etc., ne
comptent que pour une seule consonne quand ils sont pré-
cédés de e. Cela n’empêchera pas d’ailleurs de rencontrer
des cas comme dans le mot dextrement où le e se trouve
entre cinq consonnes (c, s, t, r, m).
Cependant, la nécessité de prononcer le e ne saute
pas toujours aussi facilement aux sens que dans ce dernier
mot. Il est bien difficile de compter en lisant, ou plus en-
core, en parlant, s’il y a ou non deux ou trois consonnes ou
davantage aux environs d’un e (car la règle est évidem-
ment plus impérative quand il y a quatre ou cinq conson-
nes comme dans le mot dextrement). Un procédé plus fa-
cile consiste, lorsqu’on a des groupes consonne plus e,
comme be, ce, de, fe, etc., à se rendre compte s’ils sont
précédés par voyelle ou par consonne. Dans le premier cas
nous ne prononçons pas le e ; dans l’autre, nous le pronon-
çons.
Ainsi dans il va se promener,
22
Voir à ce sujet MAURICE GRAMMONT : Traité pratique de pronon-
ciation française. Librairie Delagrave, Paris, p. 105-120.
23
Il est bien entendu que pour comprendre ceci, il faut toujours avoir en
tête les lettres qu’entend l’oreille, c’est-à-dire les lettres phonétiques ou pro-
noncées, et non ce que lit notre il sur le papier.
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VIII
24
René MILAN (Maurice Larrouy) Trois Étapes. Plon Nourrit, éditeur
25
Quoique, peut-être, ceci ait été voulu par l’auteur.
26
Consulter à ce sujet le « Français Moderne » de B. Hamel.
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27
Maurice GENEVOIX, Raboliot. Éditions Bernard Grasset. Paris, 1925.
28
Il faut ajouter que dans le français actuel cette tendance à ne marquer
que l’accent de groupe est si forte, et si forte aussi est la tendance à agrandir le
groupe, que dans le langage rapide, dans la conversation par exemple, la plu-
part des Français font entrer dans le groupe les adjectifs postposés au substan-
tif, les adverbes postposés aux verbes, en désaccentuant alors les verbes et les
substantifs préposés (contrairement à ce qui est expliqué au chapitre VI) et en
substituant en quelque sorte les membres de phrases, les propositions simples,
aux groupes. Dans ce cas le groupe ne perd pas tout à fait son accent, mais cet
accent est considérablement affaibli au profit de la dernière syllabe du mem-
bre de phrase ou proposition. Ainsi, dans la phrase de « Raboliot » qui pré-
cède, les seuls accents vraiment marqués seraient alors sur -ré de flairé, sur -ri
de charivari, sur gueule et sur le second dare de dare-dare Comme on le
comprendra par ce qui est exposé plus loin, cette accentuation rare permet une
orchestration et une alliance des mesures encore beaucoup plus amples.
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29
Qui sait d’ailleurs si la vérité n’est pas au milieu et si ce ne sont pas
souvent ces tiers ou ces moitiés de syllabes que sont les muettes qui consti-
tuent un des principaux facteurs de cet art inconscient si peu connu encore
(bien que tous pensent le connaître) de l’harmonie de la phrase.
30
Évidemment, ici, il faut compter le e final d’après la règle des 3
consonnes.
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31
Il est bien entendu que dans la diction de ce morceau, les mots déesse,
parents, habitent, bord et battue ne seront que très faiblement accentués,
comme il est expliqué dans une note précédente ; les mots bleus, barbares,
sombre, orages bénéficieront en quelque sorte de cette désaccentuation.
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32
Je ne puis cependant me résoudre à quitter ce domaine de la rythmique
sans faire une restriction : je crois bien, en effet, que si France ou Flaubert
nous eussent récité cette prose poétique, ils ne l’eussent pas traitée comme de
la prose ordinaire, ainsi que je le fais ici. Ils eussent pu en détailler toutes les
syllabes, en donnant donc à la voyelle e une certaine valeur de voyelle. Je dis :
une certaine valeur de voyelle et l’on verra pourquoi dans les pages qui sui-
vent, quand j’en viendrai à parler de la poésie. Il est en effet incontestable
qu’en donnant à cette voyelle une certaine valeur de durée et de timbre (j’ai
déjà expliqué avec les exemples stuhl et vol que chaque Français la donne in-
consciemment), on restitue au prononcé des mots possédant des syllabes en e,
une délicatesse, un nuancé, qu’ils n’auraient jamais autrement. Et je n’emploie
pas ce mot : restituer, inconsidérément. On voudra bien se rappeler que le mot
français provient du mot latin tronqué à sa syllabe accentuée (j’allais dire : à
sa syllabe chantée). Or, la demi-prononciation du e est bien le moyen le plus
sûr, quoique tout spontané, de rendre à nombre de mots français la douceur et
la légèreté dactyliques de nombre de mots latins. Lors donc qu’il m’arrive de
dire qu’un groupe, comme par exemple : les mousses marines, ne doit comp-
ter que cinq syllabes, il ne faut pas me prendre brutalement au pied de la let-
tre. (Je ne puis, là encore, pour mon excuse, que demander au lecteur de se re-
porter aux développements sur les mots stuhl et vol). Il est bien entendu que la
syllabe muette ou atone : -ses, que j’omets dans mon décompte, doit être su-
surrée, ou plutôt que le s final de la syllabe mous- doit en bénéficier si je puis
dire, en être allongée, et doit en quelque sorte retomber sur un e embryon-
naire. En un mot, le s de cette syllabe mous- ne doit pas être prononcé à
allemande. Mais l’on ne comprendra tout à fait bien ceci que lorsqu’on aura
lu les pages qui suivent, et qui traitent de la poésie.
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33
Sur ce sujet on pourra consulter utilement le Petit Traité de Versifica-
tion française de Maurice GRAMMONT (Armand Colin, Paris, 1921). C’est
un des meilleurs livres traitant cette question, quoique, à mon sens, il ne soit
pas sans reproche.
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DEUXIÈME PARTIE
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IX
34
L’on trouvera dans le chapitre qui suit des développements sur l’emploi
de ces deux temps.
35
Je dis « à peu près » car je ne traduis pas mais je reprends le texte de
l’élève.
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36
Je ne prétends d’ailleurs pas, dans les deux travaux d’élèves qui précè-
dent, avoir relevé toutes les fautes de style, mais seulement celles qui blessent
le plus le génie de la langue et celles qui sont contre les règles premières de la
syntaxe.
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38
L’un d’eux, savant éminent d’ailleurs, M. le professeur Meillet, ne va-t-
il pas jusqu’à « observer » sa grand’mère pour savoir quel temps elle emploie
de préférence à un autre. C’est le propre mot dont il se sert dans sa Linguisti-
que historique et linguistique générale.
39
Ou les philologues.
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40
Anatole FRANCE : Thaïs. Calmann-Lévy, éditeurs.
41
Henry DE MONTHERLANT : Chant funèbre pour les morts de Ver-
dun. Bernard Grasset, éditeur, p. 17.
42
Romain ROLLAND : âme enchantée, II, p. 280.
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43
Jacques BOULENGER et André THÉRIVE : Les soirées du Gram-
maire-Club. Plon-Nourrit et Cie, éditeurs, p. 205.
44
Francis CARCO : Équipe. Albin Michel, éditeur, p. 35.
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45
Les quelques mots ou expressions d’argot que j’ai rapportés ici et que
j’ai « cueillis » dans les deux « Curés » de VAUTEL, dans « l’Équipe » de
CARCO et dans les « Soirées du Grammaire-Club » de BOULENGER et
THÉRIVE sont loin de représenter tout le bagage argot du français actuel. Ce
sont cependant les plus courants.
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46
A. MEILLET : Linguistique historique et linguistique générale.
Édouard Champion, éditeur, p. 149 et suiv.
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49
L’une des « clefs » de ce langage consiste à supprimer la première
consonne du mot pour la faire réapparaître après la finale, suivie d’une termi-
naison (-em par exemple) La consonne supprimée a l’initiale est remplacée
par la lettre l. Malgré la simplicité du procède, il est impossible de rien com-
prendre à la conversation de deux bouchers parisiens dans ce langage.
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XI
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50
A. DARMESTETER, Cours de grammaire historique de la langue
française. Librairie Delagrave, Paris.
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moi les ciseaux ! Il est clair que puisque ces objets sont
seuls de leur espèce, ils sont par le fait même, bien déter-
minés
5. Les noms d êtres ou de choses pris dans leur
sens absolu ou total, et c’est encore un aspect du cas pré-
cèdent — on sait que les extrêmes se touchent — car si
nous prenons, par exemple, toute une espèce, ou toute une
catégorie de choses ou d’êtres, nous ne faisons rien d’autre
que les isoler, les unifier : la raison est le propre de
homme. La raison dans son essence, absolument,
l’homme dans sa totalité, l’espèce homme. De même . le
tigre est féroce, le fer est dur. Rentrent évidemment dans
cette catégorie les noms abstraits pris dans leur sens essen-
tiel, absolu, et tous les noms exprimant un maximum ou
un minimum : la fierté est un sentiment humain par excel-
lence, cet homme a connu tous les maux, cet homme a
connu les moindres maux.
6. Les noms d êtres ou de choses déjà connus
dont il a déjà été question, que nous sommes censés
connaître ou que nous expliquons par une proposition
connexe en même temps que nous en faisons mention et
qui, pour l’une de ces raisons, sont déterminés : voici
homme dont je vous ai parlé, avez-vous rencontré le pro-
fesseur ? (le nôtre).
7. Les noms d êtres ou de choses déterminés par
un nom qui les suit, et c’est un aspect du cas précédent :
le flux des pensées illuminait son front. Ici, le mot flux est
déterminé par pensées.
8. Parfois, les noms d êtres ou de choses quand
ils sont suivis d adjectifs ayant un sens de prédicat : Il
nous examinait et il avait la mine sévère... car — nous
l’avons vu dans la première partie de ce livre — l’adjectif
postposé a une force infiniment plus grande que l’adjectif
préposé ; il remplace en quelque sorte une préposition,
ici : ...qui était sévère.
c) Substantifs insuffisamment déterminés et qui
prennent l’article un, une ou des.
9. Les noms d êtres ou de choses qui ne sont pas
spécialement déterminés et qui apparaissent entre plu-
sieurs autres semblables. Si, par exemple, je suis dans une
pièce où il y a plusieurs tableaux, je dis, en le désignant du
doigt : voici un tableau qui me plaît beaucoup, de qui est-
il ? ou s’il y a deux portes : fermez donc une porte car il y
a un courant d air ou bien : fermez donc l une des deux
portes...
10. Les noms d êtres ou de choses auxquels on
pourrait ajouter les mots QUELCONQUE ou CERTAIN : ai
rencontré un fou en allant à la gare (un fou quelconque)
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56
Georges BERNANOS. Sous le soleil de Satan. Librairie Pion, Paris, p.
26.
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57
Voir notamment : Le Français Moderne à l usage des Polonais.
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Mais on dira :
Il coupe cet arbre avec sa hache.
Il est à remarquer que l’emploi de avec de préfé-
rence à de donne à l’expression un caractère plus matériel,
ou additionnel.
Il va se promener avec son frère.
Dans la plupart des cas, mais pas dans tous,
l’instrumental français avec de répond à l’instrumental po-
lonais sans Z :
On spaceruje z nim : il se promène avec lui.
...jakim sposobem : de quelle façon.
Puisque nous en sommes aux prépositions, qu’on me
permette de rappeler que dans les régimes multiples, le
français les répète le plus souvent, comme il répète les
conjonctions et en général tous les petits mots détermina-
tifs :
Je vais à Paris, puis à Rome et enfin à Vienne.
Il a parlé de moi et de vous.
Voici sa mère et sa s ur.
ai dit que vous aviez raison et qu il avait tort...
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On l a laissé descendre.
mais :
On l a fait descendre.
Et ne pas employer l’auxiliaire rester pour
l’auxiliaire être. Donc, ne pas dire :
Il est resté nommé ministre.
mais :
Il a été nommé ministre.
FIN
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