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Depuis 1934, Jacques Berque appartient à un corps extérieur des Affaires étrangères
où il administre, en tant que civil, les tribus marocaines, côte à côte avec des officiers
des Affaires indigènes. En 1935, il publie Le contrat pastoral à Sidi Aïssa2, étude sur
le contrat d'embauche d'un berger par un propriétaire de moutons. Outre le salaire
en nature (engagement oral), Jacques Berque se penche sur la juridiction du prêt
préalable (en général écrit), avance de fonds importante que le propriétaire ne peut
refuser, mais que le berger est tenu de rembourser intégralement s'il veut quitter sa
charge.
À la fin de l'automne 1946, Jacques Berque rédige un rapport dans lequel il dénonce
"la marche absurde", "l'aveuglement" et "l'inertie" du Protectorat marocain, rapport
présenté le 1er mars 1947, qui lui vaut une mutation immédiate à un poste dans un
coin reculé du Haut Atlas. Le rapport est lu par un certain nombre d'intellectuels et
de militants de gauche, et commenté dans la Tribune des Nations.
En 1949, Jacques Berque étudie l'organisation d'un système d'irrigation dans le Haut
Atlas et le partage de l'eau entre plusieurs tribus. Il montre3 que la règle de la
distribution locale, "minutée comme un mécanisme d'horlogerie" selon ses termes, est
fondée sur l'organisation sociale en groupes, sous-groupes et individus à l'intérieur
de la tribu, et non pas sur la topologie des canaux dans l'optique d'une rationalité
technico-économique (manœuvres et pertes d'eau).
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vie à l'écriture, à la méditation, mais aussi à de multiples prises de positions
politiques en tant qu'intellectuel engagé.
Juste avant son décès, Jacques Berque prépare un livre, Une cause jamais perdue.
Pour une Méditerranée plurielle, qui rassemble la plupart de ses textes politiques, de
1956 à 19954. Le livre sera publié chez Albin Michel en 1998. Des thème brûlants,
tels que les rapports de l'islam et de l'islamisme, ou l'ouverture de l'Occident à un
monde multiculturel, sont abordés. Les principaux titres de chapitre de Jacques
Berque dans ce livre sont brièvement présentés ci-dessous.
« En analysant, longtemps après coup, mon itinéraire moral, je suppose que, sans la
moindre illusion sur la malfaisance de forces socio-politiques dépassées, sur quoi se
fondait notre établissement nord-africain, je gardais intacte ma foi dans une
rencontre fondamentale entre l'Orient et l'Occident, celle-là même qu'ingénieurs et
officiers saint-simoniens avaient cherché en Égypte puis en Algérie, non sans
résultats estimables. »
Pour la Palestine
Au sein des intellectuels publiés chez Maspero, la guerre des Six jours (1967)
entraîne une scission entre un courant, autour de Jean-Paul Sartre, qui soutient
Israël, et un courant, autour de Maxime Rodinson et Jacques Berque, qui soutient les
Palestiniens. Dans Textes de documents du G.R.A.A.P. (1974, Éditions sociales),
L'Humanité (5 octobre 1993), Révolution (novembre 1993), Jacques Berque exprime
son inquiétude7 et souligne la "grave dissymétrie" qui, selon lui, affecte l'échange
entre la reconnaissance de l'État d'Israël par l'OLP et la reconnaissance de l'OLP
seulement, qui n'est pas un État, par Israël. Il écrit8 :
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Dans Hérodote (janvier-mars 1985, revue éditée chez Maspero), Le Monde
diplomatique (novembre 1994), Géopolitique (été 1993, revue), Arabies (mars 1990,
revue), Libération (jeudi 17 mai 1990), s'opposant à une lecture dogmatique et figée
du Coran, Jacques Berque promeut10 un islam de progrès ouvert sur la laïcité et la
libération de la femme, au sens occidental du terme. Assumant, dans Esprit (octobre
1960, dialogue avec Louis Massignon)11, sa substitution d'Héraclite à Abraham, un
peu provocateur, il termine son ouvrage Les Arabes d'hier à demain ainsi12 :
« Si ces vues se réalisent, et que ne triomphent pas, chez lui et chez nous, les
puissances de haine, alors l'Arabe, par et malgré le progrès matériel, par et malgré
les fraternelles insurrections de l'âge de fer, aura noué avec nous un bon
compagnonnage. Il aura scellé entre les Autres, le monde et lui-même, l'alliance dont
il n'a pas oublié le goût. Et non plus celle d'Abraham al-Khalil, "l'ami de Dieu". Mais
celle d'Héraclite, l'ami des choses, et notre père commun. »
« Sur ce point, on peut dire que le jugement d'un barbu aujourd'hui démodé, Karl
Marx, est juste : à savoir qu'on peut apprécier le niveau d'une société au statut de ses
femmes. »
Les contraintes qu'il note relèvent plus, à ses yeux, d'une tradition que d'une lecture
du Coran. Dans Libération (jeudi 17 mai 1990), soutenant selon son expression "cent
ans de lutte dans le monde arabe", il prend position pour l'abrogation du voile.
« Et surtout elle a, depuis 1990 et la guerre du Golfe, abdiqué une politique à l'égard
des Arabes et de l'Orient qu'elle menait pour le moins depuis François Ier. Mieux, le
traité de Maastricht la replie sur une Europe nordique aux barrières hautaines !
3
Encore un pas, elle ne serait plus que la vassale comblée d'un Saint-Empire
germanique des banquiers... »
L'Algérie à nouveau[
Dans Le Croquant (hiver 1994, revue, Lyon), L'Humanité (jeudi 30 mars 1995), Le
Monde diplomatique (1994), Jacques Berque vit18 ce qu'on appelle "l'interruption du
processus électoral" comme la menace, selon son expression, de "perdre une seconde
fois la guerre d'Algérie".
Un monde à refaire
Dans une série d'articles19, Esprit (avril 1969, septembre 1970), Libération (jeudi 17
mai 1990), Révolution (novembre 1993), Panoramiques (janvier 1994), Atlantica
littéraire (septembre 1994, revue20), Jacques Berque porte un regard critique sur le
monde occidental, dont il estime que le développement technologique ne suffit pas à
bâtir une culture, sur le risque de "médiévalisme", pour reprendre son mot, d'un
Islam figé après la décolonisation. Dans Esprit (septembre 1970), il précise à Jean-
Marie Domenach21 :