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IEP de Bordeaux, 3° année, 2006-2007

LE SYSTEME
ADMINISTRATIF
FRANCAIS
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M. Pierre SADRAN

Sommaire :

Introduction générale. …………………………………………………………………………….…..3

Chapitre premier : la centralisation de l’administration française……………………………………..17

Chapitre deuxième : la fragmentation du système administratif français…...…………………………47

Chapitre troisième : la décentralisation dans le système administratif français…...…………………..58

Chapitre quatrième : les agents dans le système administratif français…………………………….....78


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Introduction générale.
On présentera trois points : dans un premier temps, on parlera de l’approche qui sera
privilégiée. Puis on parlera du cadre analytique sur lequel on s’appuiera dans cette étude. Enfin, on
évoquera un certain nombre de racine historique du système administratif français, et ses
changements.

I. L’objet du cours et l’approche retenue pour l’étude de


l’administration française

Il y aurait trop à dire de l’objet du cours. On étudiera l’administration publique française


dans sa totalité, elle forme système. Mais on se bornera à cette administration alors que le
phénomène bureaucratique imprègne très fortement l’ensemble des administrations. La
question de la délimitation du sujet n’est pas si évidente que cela en fait.

Le phénomène administratif se trouve bien sur dans tout ce qui relève de la sphère de
l’Etat et de ses collectivités territoriales, mais tout autant dans des formes purement privée, et
surtout on le trouve dans des zones intermédiaires entre le public et le privé, dans des
organisations dont le statut est fluctuant ou pose problème.
Par exemple, lorsque l’on fait des enquêtes sur la bureaucratie vont citer comme prototype de
bureaucratie la sécurité sociale. Or justement les caisses de sécurité sociale sont pour l’essentiel de
statut privé, il n’y a que tout a fait au sommet de l’édifice des formes réellement publiques. C’est une
organisation dont le statut est mal défini, mal perçue.
Cela veut dire que les contours du système administratif français sont moins évident que l’on
pourrait le penser à priori : ou commence-t-elle et ou s’arrête telle ? Sphères publique et privée
s’interpénètre. Les questions de délimitation nous retiendraient trop longtemps pour y entrer.

On retiendra simplement qu’il existe à l’évidence un noyau dur de l’administration


publique tout a fait identifié et facile à repérer, constitué par tout l’appareil administratif de
l’état (ministères dans les administrations centrales, prolongements territoriaux de l’état : DD, DR,
Préfecture, il y a aussi dans ce noyau dur les collectivités territoriales, tout a fait publiques :
communes, départements, régions.)
A cela s’ajoute un certain nombre d’organisme ayant un statut d’établissement public ou
un statut analogue qui font incontestablement parti de l’administration. On retiendra cette
conception courant de l’administration publique.

L’approche retenue est celle d’une étude compréhensive de l’administration publique.


Cela renvoie à deux dimensions : compréhensive au sens d’englobant, ce qui signifie que
l’administration ne peut pas ne doit pas être considérée uniquement en elle-même. Ce n’est pas
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une sorte d’îlot séparé du reste de la société. C’est une relation d’interactions, d’échanges avec la
société, avec le monde sociale, avec le monde politique. C’est dans ces échanges que
l’administration prend sa véritable dimension, son véritable intérêt. C’est dans son fonctionnement et
dans les relations qu’elle entretient avec les autres fragments sociaux que l’étude prend tout son sens.
Compréhensive aussi au sens wébérien : il faut réintégrer dans l’étude de l’administration
les différents sens que les acteurs donnent à leurs actions. Il faut prendre en compte les
représentations et les croyances des individus et des groupes qui participent au fonctionnement des
administrations publiques. L’administration publique, dans cette approche compréhensive relève
de toutes les disciplines des sciences humaines et sociales : elle n’est pas un objet réservé au
juriste spécialiste de droit administratif : toutes les disciplines des sciences sociales peuvent tirer du
sens…
L’histoire de l’administration est importante pour saisir un certain nombre de choses qui se
passe aujourd’hui, c’est un élément d’éclairage important pour comprendre le fonctionnement
contemporain de l’administration. Surtout en France, ou l’Etat et l’administration sont enracinés de
manière profonde dans l’histoire du pays. L’Etat s’est autonomisé précocement en France. Cette
explication intervient pour une très large partie dans l’explication de l’administration contemporaine.
La géographie apporte aussi beaucoup d’éléments de compréhensions. Elle met à jour les relations
entre l’administration centrale et le territoire. C’est par exemple la problématique de la
décentralisation et de l’implantation des services ici ou là.
L’architecture de l’administration parle aussi de ce qu’est l’administration : les palais de
justice ou préfecture du siècle dernier exprime très visiblement l’inspiration classique, la puissance
publique, la distance entre l’administré et l’autorité publique. Au contraire, les bâtiments plus récents,
à base de verre, de baies vitrées cherchent à dire la modification de la relation entre les autorités
publiques et leurs usagers.

Néanmoins, l’étude de l’administration en France en tout cas pendant très longtemps a


été très largement dominée par l’approche juridique qui reste évidemment centrale, dominante,
dans les facultés de droit et pour de très nombreuses personnes, s’intéresser à l’administration
signifie faire du droit administratif, c'est-à-dire applicable à l’administration, qui se divise en réalité
en deux : règles de droit commun, règles spécifiques, que l’on appelle des règles exorbitantes du droit
commun. Ce sont des règles spéciales, distinctes de celles qui régissent habituellement les rapports
entre particuliers. Ces règles sont elles-mêmes susceptibles de deux formes de particularités
divergentes : elles sont parfois plus contraignantes, et sont parfois des règles qui donnent des
prérogatives beaucoup plus importantes que celle qui résulteraient du droit commun.
C’est le cas des contrats : en principe dans le droit contractuel, on y deux idées : la liberté de
contrat et l’égalité entre les contractants. L’administration qui passe un contrat se trouve dans une
situation différente : elle va être assujettie à des conditions de contrats, de procédures qui risquent de
diminuer sa capacité de choix (appels d’offre, mises en concurrence, adjudication)
Inversement, l’administration qui passe un contrat administratif à la prérogative de changer les
termes du contrat en cours d’exécution, de manière unilatérale : c’est là une prérogative exceptionnelle
qui lui est reconnue car l’administration incarne un intérêt supérieur à l’intérêt particulier. Lorsque les
municipalités étaient engagées par des contrats auprès de fournisseurs de gaz pour les réverbères.
Lorsque l’on a découvert l’électricité, les municipalités ont eu la possibilité d’obliger les
concessionnaires à se mettre à l’électricité.

Le droit administratif insiste beaucoup sur l’aspect contentieux des questions de droit
administratif. Le contentieux, c’est l’intervention du juge dans l’élaboration des normes juridiques.
C’est une grande différence entre droit administratif et droit civil. Là encore, les choses ont beaucoup
changé mais en droit civil, il existe une référence doctrinale forte : le Code Civil, voulu, conçu à
l’époque napoléonienne et qui exprime une norme dans les relations entre personnes privées. C’est un
schéma cognitif, une matrice conceptuelle d’où l’on peut tirer des orientations générales pur la
compréhension des problèmes de droit civil.
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Il n’existe, malgré les apparence, rien de comparable dans le droit administratif : le Code
Administratif rassemble seulement des textes applicables à l’administration : ce n’est pas une
architecture cohérente comme le code civil. Mais les principes généraux du droit administratif ne
figure pas dans ce code administratif. Ils découlent en fait surtout des décisions des juridictions
administratives, du juge administratif et en particulier du Conseil d’Etat, juge administratif
suprême.
Ceci s’explique naturellement par les conditions historiques : au départ, la révolution française
s’est faite contre les parlements des anciens régimes, contre les juridictions ; l’un des soucis des
nouveaux législateurs a été de soustraire les administrations de l’influence des juridictions. Elles
peuvent seulement être remise en cause par le chef de l’Etat et le conseil d’Etat. Ce n’est que petit à
petit que le Conseil d’Etat acquière son autonomie relative et fini par s’imposer comme la
juridiction spécialisée des administrations.
Cela explique que le droit administratif soit largement jurisprudentiel et donc difficile à
connaître que le droit civil ; il est plus savant car il repose sur les interprétations des juges,
souvent assez obscures.
Cela explique à la fois l’importance prises par le droit administratif, et en même temps son
cloisonnement. Il nous donne une vision particulière, mais partielle de l’administratif, et donc,
faussée, biaisée car il est seulement une interprétation de faits ou de questions qui ont donné lieu
à des litiges, à des procès. On voit ainsi surtout l’administration lorsqu’elle ne marche pas, lorsqu’elle
est en conflit. Il y a des pans entiers de l’administration qui sont laissé de côté. Le droit
administratif s’est enfermé dans sa logique interne et a négligé des aspects importants de la
relation existant entre les administrations et les citoyens.
Un exemple : en droit administratif, on disserte à longueur de pages sur les cas d’ouverture à
recours pour excès de pouvoir, simple à introduire mais nécessitant sur un certain nombre de
conditions. Il faut avoir ce que l’on appelle un intérêt pour agir. Il faut aussi invoquer une bonne raison
de demander l’annulation de tel ou tel acte de l’administration (ce peut être par exemple comme un
détournement de pouvoir)
En même temps, le droit administratif a aussi délaissé des questions plus prosaïques,
comme celle du temps de délai administratif, alors que ce temps est considérable : trois ans en
moyenne. Toute la dimension concrète de l’administration est laissée de côté. Le droit administratif
reste en tout état de cause une discipline normative : il part de la règle, en général il s’attache surtout à
décrire cette règle, dans le meilleur des cas il va prolonger sa réflexion en faisant le constat de l’écart
qui peut se produire entre la règle et son application mais en tout état de cause, il reste dans cette
logique déductible qui s’intéresse essentiellement à la norme. Or, l’administration doit aussi être
étudier sous l’angle des sciences sociales qui ne s’attachent pas essentiellement à la norme mais
qui s’attache à la réalité des systèmes d’interactions et qui cherchent à en proposer un cadre
interprétatif, qui cherche à comprendre les raisons pour lesquelles le système fonctionne comme
il le fait.
En effet lorsqu’on étudie le phénomène sous l’angle du droit, on part nécessairement du
principe qui le régit et on considère que les écarts par rapport à ce principe sont des anomalies
sanctionnables. Lorsque l’on considère sous l’angle des sciences sociales le même phénomène de
phénomène normal ou anormal, on cherche à expliquer les raisons qui ont conduit à le faire émerger.
C’est un autre regard que l’on porte sur le même phénomène. C’est celui de la science
administrative conçue comme la branche des sciences sociales qui s’intéresse à l’étude de
l’administration. Il s’agit en réalité d’essayer de comprendre le fonctionnement de
l’administration.
On peut évidemment, c’est l’optique du droit administratif, dire que quand on dépasse le
droit, il doit y avoir sanction. On peut aussi tenter d’expliquer le comportement déviant de tel
ordonnateur ; on se demande à quelle rationalité cela peut-il répondre ?
Il est important de dire que l’étude compréhensive de l’administration publique consiste à
chercher, à faire suffisamment varier les points de vue analytiques sur le fonctionnement de
l’administration publique pour la saisir aussi complètement que possible. Dans cette approche, on
en peut pas faire abstraction des relations juridiques du droit administratif elle car elles sont elles-
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mêmes le résultat logique d’un processus et car elle est une variable à prendre en considération car en
tant que contrainte ou ressource, elle explique des actions et des actes, mais l’on ne se cantonne pas à
celles-ci : la sociologie des agents, la science politique, avec les relations de pouvoir entre les
administrations, ainsi que l’histoire ou la géographie. C’est en faisant varier les points de vue que
l’on arrivera à une vision globale du système administratif français.

II. Le cadre référentiel théorique et conceptuel.


Il faut garder à l’esprit trois ou quatre références principales qui serviront de points
d’appuis à certaines des analyses du cours. Ce référentiel conceptuel s’établit autour de quatre
piliers. Le premier est celui du droit public et de ses catégories d’analyses. Le second est celui de la
sociologie des organisations, le troisième est celui de l’analyse de la bureaucratie et le dernier celui de
l’action publique et des politiques.
De ces quatre champs, on tire des outils conceptuels (un concept est un outil
méthodologie qui permet de comprendre la réalité du monde social) Pour l’étude de
l’administration, ces quatre piliers fournissent des outils de compréhension de la réalité
administrative.

A. Le droit public

Le droit public qui reste un élément tout à fait fondamental car beaucoup de ses notions
conditionnent à la fois le fonctionnement du système administratif et la perception que les
acteurs concernés ont de ce fonctionnement.
C’est l’exemple, en droit public, du principe de légalité, c'est-à-dire du principe de soumission
des actions publiques à la règle de droit. Ce principe de légalité est une condition importante du
fonctionnement normal de l’administration ; de deux façons, ce principe signifie qu’il y a une
hiérarchie des règles de droit bien établie à laquelle correspond une hiérarchie des agents. L’arrêté
doit être conforme à un décret qui doit être conforme à la loi, qui doit être conforme à la
constitution qui doit être conforme aux traités internationaux. Une autorité administrative n’est
pas libre d’exercer ses compétences. L’autorité administrative est obligée d’agir. Dans certains cas,
l’administration est obligée de prendre des décisions.
Cela conditionne le fonctionnement réel de l’administration mais en même temps, il
conditionne la perception que l’on a de l’administration car il se traduit inévitablement par cette
impression répandue, courante, que partagent la totalité des citoyens que l’administration est
empêtrée dans des routines, des réglementations, un carcan, qu’elle est incapable d’interpréter avec
discernement, avec souplesse.
Cela se traduit aussi par l’idée que l’usager à des droits, et qu’il peut les revendiquer. Le
droit public pèse donc sur le système administratif.

Mais les catégories de droit public sont faiblement opératoires pour analyser le
fonctionnement réel de l’administration. Ces catégories du droit public ont pour beaucoup
d’entre elles été construite à une époque où l’administration était moins complexe. Ces catégories
ont perdu beaucoup de leur caractère explicatif aujourd’hui. L’administration classique s’est par
exemple construite sur la distinction entre la sphère publique et la sphère privée.
L’école du service public (menée par Léon DUGIT, doyen de la faculté de droit de Bordeaux
dans les années 1920) a élaborée une théorie de l’administration : le droit administratif est le droit
des services publics qui relève des tribunaux administratifs ; mais il apparaît, surtout après la
seconde guerre mondiale, des services publics très proches des services privés, comme les services
publics industriels : ce sont des services publics soumis au droit privée. Cela revient à dissocier le droit
public et le service public. En 1945, la Régie Renault a continué à être une usine commerciale après sa
nationalisation. Il existe même des services publics de droit privé prise en charge par des personnes
privées, comme les fédérations de sports. Cette catégorie du service public qui était une référence
dans l’optique de l’école de Bordeaux a perdu son utilité aujourd’hui.
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Mais en même temps, dans les conflits sociaux, le service public continue de signifier quelque
chose ! Le service public est dans la dépendance des autorités publiques.

Le droit public doit être connu, car ses catégories d’analyses sont souvent déterminantes,
même si certaines sont aujourd’hui des coquilles vides.

B. La sociologie des organisations.

La sociologie des organisations est une discipline relativement nouvelle, puisqu’elle a pris
son essor aux USA au cours du XX ème siècle. Elle repose sur la prise de conscience de
l’importance des grandes organisations dans le monde moderne. Ces grandes organisations
existent depuis très longtemps, comme par exemple, l’église catholique est une grande organisation.
La compagnie des Indes est aussi une grande organisation. Mais dans le monde contemporain, les
grandes organisations (que ce soient des entreprises, des ONG, des organisations du secteur
public) sont omniprésentes et sont devenues des actrices essentielles qui encadrent et
conditionnent en grande partie la vie des individus. C’est pour cela que la sociologie s’est
intéressée à l’étude de ces organisations.

La sociologie des organisations, en dehors de toute a priori normatif, se base sur le principe
de l’appréhension en tant que telles des organisations. On gomme en première analyse tout ce
qui singularise l’organisation dans d’autres approches et en particulier tout ce qui singularise les
organisations dans le sens commun : la perception courante des organisations que l’on a, la
perception spontanée, qui met l’accent sur la finalité assigné à chaque organisation et elle tend alors à
distinguer fortement ces organisations par les finalités différentes qui sont les leurs. On dira de cette
façon qu’une entreprise cherche à dégager des profits, de la rentabilité, qu’un syndicat cherche à
défendre des intérêts professionnels, une ONG cherche à promouvoir des valeurs, un église cherche à
promouvoir une foi, un parti politique une idéologie….
Et nous avons beaucoup de mal à apercevoir que si cette finalité est importante, elle
camoufle une autre vérité : le fait qu’au niveau des structures et du fonctionnement de ces
organisations, il peut exister des traits communs ; on peut d’une certaine manière ramener chacune
de ces organisations à la prise en compte de variable, telle que la taille de l’organisation, ou que le
caractère ouvert ou clos sur l’environnement de l’organisation, ou encore le niveau de circulation des
informations. Lorsque l’on pose la question sous cet angle là alors, pour prendre un exemple
limite, on peut comparer de façon pertinente l’église catholique et le CCCP ! Ce sont en effet
deux organisations internationales relativement closes sur elles-mêmes.

Les structures des organisations montrent en fait une part importante de la réalité
sociale. MICHELS, dans son livre sur les partis politiques, qu’il consacre à la social-démocratie
allemande, découvre la « loi d’airain » de l’oligarchie et met ainsi le doigt sur une réalité
importante mais occultée : par delà l’idéologie officielle du parti, qui se veut être le parti le plus
démocratique et progressif son fonctionnement interne révèle le contrôle très pesant de
l’oligarchie dirigeante, comme cela se passe dans les autres partis. Même le SPD obéit à des lois
d’organisations.
Il y aura par la suite de très nombreuses études sur le milieu associatif, qui montreront le
même décalage. Le fonctionnement réel des organisations apporte des informations sur les
organisations. Il est important de ramener l’organisation, de tenir compte de ce qu’elle est. Bien
entendu, il ne faut pas s’arrêter à cela. Selon la sociologie des organisations, un organisation est
« une organisation vient à l’existence quand des procédures explicites sont établis pour coordonner les
activités d’une groupe en vue d’atteindre des objectifs déterminés » (Peter BLAU) Cette définition fait
cependant l’impasse sur des dimensions très importantes, qu’il faudra réintroduire, comme les
idéologies de ces organisations. Voici une autres définition, celle de Alain DARBEL et Dominique
SCHNAPPER : « une organisation peut être regardée comme le lieu géométrique d’actions ou
d’interactions d’actions qui explicitement ou implicitement, librement ou non, partage une
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certaine communauté d’objectifs ou d’intérêt. » Cette dimension est incomplète mais sert à
construire certains des éléments du troisième champ conceptuel du phénomène bureaucratique.

C. Le phénomène bureaucratique

Le terme de bureaucratie est d’utilisation courante. C’est l’un des concepts centraux des
sciences sociales. En même temps, ce terme est très chargé émotionnellement, il est rarement
neutre dans les utilisations qui en sont faite : la bureaucratisation est très souvent dénoncée comme
une dérive, une manifestation plus ou moins négative ou pathologique. Ce concept est donc très
investi, ou surinvesti par des approches différentes et il faut le décortiquer pour voir ce qui est
utilisable dans l’analyse de la fonction publique.

Rappelons qu’il y a deux axes d’analyses majeur de la bureaucratie : il y a une analyse


politique, en grande partie à l’origine de la vision négative que véhicule ce terme, et il y a une analyse
sociologique, plus neutre et aussi plus riche d’enseignement.
L’analyse politique de la bureaucratie est centrée sur la question du pouvoir, de son
contrôle et de sa légitimité. Cette analyse appréhende la bureaucratie comme un phénomène de
caste usurpant plus ou moins directement le pouvoir. La bureaucratisation, c’est un processus de
dénaturation, de captation, du fonctionnement normal des systèmes politiques.
Sous une autre forme, la bureaucratie est un système dans lequel ces bureaux, les
administrations techniques, composées de personnes qui ne sont pas élues mais nommées et de
personnes hiérarchiquement organisées, captent la réalité du pouvoir alors même que l’on
pourrait avoir l’illusion que ce pouvoir appartient aux politiques. Il y a tout un courant d’étude,
essentiellement marxiste, qui a mis à jour et critiqué ce phénomène dans cette perspective là. Ce
courant a été extrêmement productif dans les années 1930 et 2940, ou toute une littérature appliquée
principalement aux pays communistes ou socialistes vient dénoncer le phénomène marquant
l’apparition d’une nomenklatura, d’une caste de gens issus de l’appareil administratif s’emparant de la
réalité du pouvoir. Ces auteurs oubliés vont appliquer ces analyses à la fois aux systèmes
communisants et à l’Ouest car il y a dans les pays de l’Ouest toute une catégorie de « managers » qui
détiennent la réalité du pouvoir (James BURNAN) Les démocraties sont des systèmes bureaucratiques
incontrôlées. Milo VANGILAS arrivera au même constat après la seconde guerre mondiale à propos
de la Yougoslavie de TITO. Mais le plus important et le plus connu de ses auteurs est bien sur Léon
TROTSKY qui, dans sa critique du stalinisme, voit dans la bureaucratie soviétique la couche
parasitaire qui a produit STALINE. TROTSKY reste fondamentalement marxiste mais pour lui, la
bureaucratie n’est pas une classe dirigeante au sens marxiste, mais une caste, un groupe parasitaire qui
produit la déviation stalinienne, la dictature. TROTSKY écrira « Quand la bureaucratie vole le
peuple…nous avons affaire à un parasitisme social » Ce courant d’analyse subsiste encore
aujourd’hui, même si c’est dans des milieux plus ou moins confidentiels.

En ce qui nous concerne, on s’intéressera surtout à l’analyse sociologique de la


bureaucratie, cette analyse est contemporaine de l’analyse politique et bien sur, elle cherche à
laisser de coté tout jugement de valeur sur le phénomène bureaucratique, mais cette analyse
sociologique va se développer dans deux directions bien distinctes : d’une part celle de son père
fondateur, Max WEBER et de l’autre les travaux de ses successeurs, notamment français et américains
qui prendront le contre-pied des explications de celui-ci.
Pour WEBER, la bureaucratie est un système d’administration, un mode d’organisation des
activités mêmes, caractéristique de la société moderne qui tend à la rationalité intégrale. C’est-à-dire
que WEBER cherche à montrer à quel point l’organisation bureaucratique est une solution
rationnelle à la complexité des problèmes modernes. Il définit la bureaucratisation comme « La
rationalisation de toutes les activités collectives, rationalisation qui se traduit entre autre par la
concentration des unités de production et le développement en leur sein d’un système de règles
impersonnelles. » L’idée générale qui anime la présentation de WEBER est un modèle de ce qu’est la
bureaucratie, repose sur un certain nombre de traits caractéristiques de l’organisation caractéristique :
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le premier trait caractéristique décrit par WEBER est le principe des compétences des autorités ;
cela signifie qu’il y a dans les systèmes bureaucratiques un corps de règle fixes, préétablies qui
détermine les attributions des agents du système à l’avance et qui prévoit les conséquences de
cette répartition des compétences. WEBER oppose en fait cette organisation à des systèmes
antérieurs comme le système féodal dans lequel il n’y a pas relations fixes et préétablies mais des
relations interpersonnelles. Tout repose en fait sur le bon plaisir du prince. Dans le modèle
bureaucratique, le système de règles ne dépend pas de l’individu mais des règles. Dernier point, la
bureaucratie est indépendante du statut juridique de l’organisation. Second trait de l’organisation
bureaucratique, le principe de hiérarchie. Troisièmement, la rationalité de la gestion est le but de
toute bureaucratie, d’où la primauté du document écrit, des archives. D’où dans l’organisation
bureaucratique, la nécessité d’avoir un nombre important d’employés pour gérer tout ces documents
nécessaires à la recherche de la rationalité gestionnaire. Quatrième trait, la spécialisation des tâches,
qui va en s’accentuant. Cela suppose l’acquisition d’une formation professionnelle poussée.
Ensuite, la bureaucratie repose sur l’importance attribuée à travail administratif, qui devient
une activité principale pour la majorité des agents. Enfin, le fonctionnement d’une organisation
bureaucratique obéit à des règles générales stables qui peuvent être apprises ; il y a l’idée d’un
apprentissage technique spécialisée.
Toute cette réflexion conduit WEBER à dire que le modèle, le type idéal de la bureaucratie
conduit à conclure à sa supériorité technique sur les autres organisations. La bureaucratie
s’impose parce qu’elle est plus efficace que les autres modes d’organisation : « la raison décisive du
développement de l’organisation bureaucratique est sa supériorité purement technique sur tout
autres formes d’organisation. Un mécanique bureaucratique pleinement développé est
exactement dans le même rapport avec les autres types d’organisation qu’une machine avec des
moyens non mécanique de production. » Le bureaucrate a juste à faire son métier, à suivre un
protocole alors que l’artisan réinvente continuellement son métier…puis pratique. L’apport que
représente la mise au point du type idéal de la bureaucratie est fondateur. Cela sert de socle à toute la
littérature qui a suivi sur la bureaucratie.
Les successeurs de WEBER vont approfondir les analyses wébériennes, mais surtout
remettrent en cause ses conclusions sur la rationalité bureaucratique ; le premier et sans doute le
plus virulent, Robert MERTON, sociologue américain. Ce dernier insiste sur l’irrationalité
bureaucratique et sur les dysfonctionnements du système bureaucratique, en systématisant un
certain nombre d’analyses. Pour MERTON, qui est donc le père de la théorie des dysfonctions (ou
effets contre intuitifs), les décisions qui sont prises dans une perspective rationnelle vont entraîner
à la fois des conséquences recherchées et prévues, mais aussi des conséquences imprévues qui
elles, vont à l’encontre des buts poursuivis. Il explique ce processus de la façon suivante : dans
l’organisation bureaucratique, on exige des agents de cette organisation une discipline et un
comportement standardisé, justement car c’est le meilleur moyen, le plus rationnel, le plus efficace
pour réaliser les objectifs poursuivis. Cette discipline entraîne dans la réalité un phénomène de
déplacement des buts, de dérive ritualiste car l’adhésion à la règle, le respect scrupuleux de la
règle, qui à l’origine n’est qu’un moyen de réaliser les objectifs poursuivis devient rapidement
une fin en soi. Il résulte de cela une grande rigidité, chaque agent étant attaché à ses règles préétablis,
qui rend de plus en plus difficile l’adaptation de l’organisation en cas de nécessité et qui développe à
la fois une sorte d’incapacité des agents à faire preuve si nécessaire d’inventivité et une coupure de
fait, un fossé, entre ses agents et les publics avec lequel ils sont en relation. D’où en définitive, une
inefficacité dans la poursuite des buts officiels de l’organisation. Ce que MERTON apporte, par
rapport à WEBER, est l’environnement, le contexte dans lequel s’inscrit l’organisation. Le
problème de l’organisation bureaucratique est qu’elle ne peut pas réagir à l’environnement. En découle
quatre propositions…

• La bureaucratie exige que la réponse convenable vienne automatiquement


de l’obéissance au règlement.
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• On crée ainsi une dévotion à l’égard de la règle qui bientôt n’est plus conçue
comme un moyen mais comme la véritable fin du comportement des
agents.

• Cela fait obstacle à la faculté d’adaptation de la bureaucratie.

• Ce sont donc les éléments mêmes de recherche de l’efficacité qui produisent


de l’inefficacité. Ce sont ces effets disfonctionnels. Or, les choses ne
s’arrêtent pas là car, si l’on considère que ces organisations sont dans un
environnement, et bien, la part d’inefficacité induite va avoir des
conséquences : elle va accroître de la part de l’environnement la demande
d’efficacité, la demande de réponse et, l’organisation bureaucratique réagit
comme elle sait le faire, par un accroissement des règles et des
contrôles…ce qui va accroître le problème ! C’est « un cercle vicieux
bureaucratique ».

Entre WEBER et MERTON, il n’y a pas d’oppositions, mais un approfondissement et donc


des conclusions différentes…

Michel CROZIER va réintroduire la dimension culturelle dans les systèmes


bureaucratiques et celle du pouvoir. Il prend en compte des aspects du système administratif
français, et aussi, au sein de son approche de l’administration, la question du pouvoir. Il va écrire en
1963 sa thèse de doctorat, qui sera publié (en abrégé) sous le titre : Le phénomène bureaucratique, qui
va renouveler assez profondément l’étude de l’administration en France. Il fonde son travail sur
l’observation empirique de deux organisations bureaucratiques : l’« agence comptable », c’est
en fait un centre de chèques postaux, et «le monopole industriel », c’est-à-dire le SEITA (à
l’époque où ce service est encore public). Il travaille sur les relations de pouvoir et les rapports qui
se nouent au sein de ces organisations. Adossés aux travaux de WEBER et de MERTON, il en tire une
théorie de l’administration publique à la française, où l’on retrouve bien sur beaucoup de ce que les
travaux antérieurs avaient mis à jour, mais ou l’on descend un peu de l’abstraction pour entrer dans le
fonctionnement concret de l’administration, avec ses particularités.
L’un des postulats de travail de CROZIER consiste à dire qu’un système d’administration est
plus marqué par les caractéristiques culturelles de son environnement qu’une entreprise. On peut dire
sur l’axe central de ce postulat, il y a une grande part de vérité, même s’il a été remis en question par
la suite, à juste raison. L’axiome de départ de l’analyse de CROZIER est que toute action
collective coordonnée demande que chacun des participants puisse compter sur un degré
suffisant de régularité, et donc de prévisibilité de la part des autres participants. Cela signifie que
dans une entreprise, au sens générique du terme, dans une action collective organisée, le
comportement des uns et des autres ne doit pas être imprévisible, sinon c’est l’existence même de
cette organisation qui est remis en cause. Jamais un comportement ne sera totalement prévisible,
mais un degré minimal de prévisibilité est nécessaire à l’action collective. Dans toute organisation de
cette nature, on va demander, on va attendre des acteurs individuels, un certain degré de
conformité aux standards de l’organisation. Cela peut aller le cas échéant jusqu’au conformisme.
CROZIER applique cet axiome et ce point de vue, et dit que l’administration publique
française se caractérise par quatre grandes caractéristiques profondes :

• C’est tout d’abord l’importance des règles impersonnelles. C’est le premier des éléments
constitutifs du modèle bureaucratique dégagé par WEBER. CROZIER confirme cette
analyse, mais allant au-delà, il rappelle l’importance accrue de cette caractéristique dans
l’administration française par rapport à d’autres administrations. En France, cela est
très contraignant. Il donne quelques exemples, comme la place considérable donné au
principe du concours pour recruter les employés de la fonction publique en France. Cela
concerne la majorité des fonctionnaires. Ces concours dissocient deux moments de la
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décision qui dans beaucoup d’autres systèmes sont au contraire rassemblés : il y a une
séparation étanche entre l’autorité qui a le pouvoir de nomination et l’autorité qui
évalue l’aptitude du candidat à devenir fonctionnaire ; le jury est indépendant de
l’autorité de nomination et est souverain dans son évaluation. Autre exemple, la très grande
prégnance du système d’avancement à l’ancienneté. Certes, tous les avancements ne se
font pas à l’ancienneté : il y a l’avancement d’échelon et l’avancement de grade.
L’avancement de grade se fait au choix, et l’avancement d’échelon (au sein de chaque
grade) se fait à l’ancienneté, hors cas de faute professionnelle. Le chef de service n’a en
l’occurrence aucune prise sur la promotion de ses collaborateurs. On remarquera donc que la
compétence juridique n’est pas nécessairement du pouvoir… L’importance de ces règles
impersonnelles est justement destiné à évacuer des relations de face à face dans le
système bureaucratique : c’est un univers très réglé, dans lequel il n’y a plus de
relation de pouvoir.

• Seconde caractéristique : la centralisation des décisions. L’administration française est


marquée par la prépondérance de la centralisation du système de décision. Dans un
système de centralisation des décisions, on va donner le pouvoir de décision à
quelqu’un qui est placé le plus loin possible du point d’application des décisions. Il y a
une rupture entre le titulaire du pouvoir de décision et le titulaire du pouvoir d’application
de la décision. C’est une autre manière, dit CROZIER, de dépersonnaliser les rapports.
Cela permet de libérer des pressions éventuelles des destinataires du projet le titulaire du
pouvoir de décision. En contrepartie, le décideur percevra mal et lentement les
réactions du milieu concerné, d’où la rigidité du système administratif.

• On note troisièmement l’importance des groupes de pairs et l’isolement de chaque


catégorie hiérarchique. L’administration française est fondée sur des corps et, nous le
verrons un peu plus loin, elle est marquée par l’importance des grands corps de l’Etat,
qui ont de nombreux rôles dans l’administration. Au sein de ces groupes, au sens
sociologique, règne une très grande égalité. Beaucoup de traits de fonctionnement de ces
groupes de pairs sont fondés sur une interconnaissance et sur l’égalité entre les
membres de ces groupes. Par contre, ces groupes ne communiquent que très peu entre eux,
ce qui produit presque inévitablement ce mécanisme perçu par MERTON de déplacement
des buts dans lequel des sous-groupes de l’organisation vont poursuivre des intérêts propres
plutôt que de se mettre collégialement au service de l’ensemble. Il y a des luttes
corporatives dans l’administration.

• Le dernier trait sur lequel insiste CROZIER est la résurgence des phénomènes de pouvoir,
ou plutôt le développement de phénomène de pouvoir parallèle autour des zones
d’incertitudes qui subsistent. On se reportera au cours Sociologie Générale de seconde
année pour un approfondissement de cette notion.

CROZIER tire de cela des conclusions sur l’administration française. Pour lui, elle
n’arrive pas à se corriger en fonction de ses erreurs. Il prolonge et complète cette analyse :
quand une dysfonction survient et se met à menacer la survie de l’administration, alors
seulement le changement s’imposera de lui-même. La bureaucratie est un système trop rigide pour
s’adapter sans crise aux transformations que le changement accéléré de leur environnement rend de
plus en plus nécessaire. Il faut attendre une grave contradiction entre la société et l’administration pour
produire le soubresaut nécessaire au changement. Ce modèle a été validé empiriquement par la révolte
estudiantine de mai 1968.
L’analyse de Crozier fut reprise par PEYREFITTE dans Le mal français ou par PARKINSON
dans 1=2 : les règles d’or de Mr Parkinson.

D. L’analyse des politiques publiques et de l’action publique.


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Cela acquiert une part de plus en plus importante dans l’étude du système administratif.
Les politiques publiques font la jonction entre la science politique, qui cherche à savoir à qui est
dévolu un pouvoir, et l’étude des mutations de pouvoir, les mutations de l’Etat. On va s’intéresser
à la question : comment s’effectue la régulation et le pilotages des rapports sociaux.
A côté de l’étude de ce que l’on appelle politics, c’est l’apparition de l’étude des policies, qui
permettent de repérer les différents registres sur lesquels s’ordonnent les actions. Cette étude
présente l’intérêt de mettre l’accent sur le continuum qui existe entre la politique et
l’administration. On va évidemment se poser la question de la mise en œuvre des politiques, celle
des solutions proposées par les décideurs, et enfin la question de l’évaluation de ces actions. C’est la
question de l’implication des administrations dans les politiques publiques, qui ne sont en aucun cas de
la seule responsabilité des titulaires officiels du pouvoir, c’est-à-dire des politiques. Quelque soit la
grille d’analyse privilégiée, l’importance prise par la technostructure et donc notamment par
l’administration apparemment inévitablement.
L’action publique est aujourd’hui mise en œuvre par une multiplicité d’acteurs qui
concurrent, parfois de façon asymétrique, à sa réalisation. Cette étude est nécessaire pour
comprendre que l’administration n’est pas uniquement le bras séculier du pouvoir, un exécutant,
mais qu’elle participe à l’élaboration et à la mise en œuvre de la politique. L’appareillage
théorique de l’analyse des politiques publiques fournit des outils d’analyse supplémentaires. Cela
permet de rendre compte du fonctionnement concret de l’administration.
C’est par exemple la notion de rationalité limitée permet de comprendre que dans de
nombreuse situation, plutôt que de rechercher la solution optimale, les acteurs vont s’arrêter à
la première solution acceptable. Les décideurs n’ont généralement pas un choix complet dans la
gamme des solutions théoriquement possibles. On retrouvera au gré des questions examinées dans ce
cours.

III. Permanences et changements dans le système administratif français.

L’administration doit être étudiée en tenant compte de son environnement car elle est
sensible aux variation de celui-ci : ainsi il y a une corrélation entre l’administration et le marché de
l’emploi : en période de croissance, le secteur privé offre des salaires élevés qui attirent en priorité les
demandeurs d’emploi et la fonction publique a du mal à assumer son recrutement (il y a moins de
candidats, la sélectivité diminue...) Inversement en temps de crise, l’administration constitue une
valeur refuge vers laquelle se tournent les demandeurs d’emploi.
Néanmoins, tout système administratif a une autonomie relative. Elle existe bien dans le
cas français et est même assez importante car la culture étatique est ancrée depuis longtemps
dans l’esprit des français car l’Etat-nation est historiquement ancien. Il a secrété tout un ensemble
de règles spécifiques (le droit administratif) fondant le particularisme de l’administration. Il y a ainsi
en France une véritable idéologie du service public. L’Etat-nation influence ainsi directement le
système administratif : par exemple, l’attachement à l’égalité inspire largement la jurisprudence
et les procédures administratives (ainsi, en cas de passation de marché public, de nombreuses règles
visent à mettre en oeuvre une concurrence égalitaire pour éviter le choix discrétionnaire d’une
autorité).
Enfin, le système administratif est aussi modelé par des nécessités organisationnelles :
plus l’administration est en harmonie avec la société dans laquelle elle fonctionne et plus elle
répond aux attentes de cette société. De plus, il y a une coïncidence entre le fonctionnement de
l’administration publique et celui de la société globale : ainsi, dans une société privilégiant la
méritocratie, l’administration va distribuer ses fonctions selon les mérites de chacun,
indépendamment de son statut social.
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Le système se construit au fil des siècles et est donc en relation étroite avec la société dans
laquelle il s’est inséré. Il y a une nécessité de considérer l’administration comme un sous-système
de la société globale, qui se trouve dans une relation d’échange et de correspondance avec son
environnement, c’est-à-dire les autres sous-systèmes de la société.
Quel que soit son particularisme, le système administratif français n’est pas imperméable,
mais au contraire dans une relation de porosité ; c’est l’exemple des interactions directes qui se
nouent entre l’administration publique et l’économie. On peut voir régulièrement que les deux
systèmes sont directement connectés et que les variations que l’on enregistre sur le terrain se
répercutent directement sur l’autre.

Les Trente glorieuses ont vu des salaires élevés du secteur privé, progressant régulièrement,
avait tendance à attirer la très grande majorité des demandeurs d’emplois qui se plaçaient facilement
sur le marché du travail. La fonction publique elle, avait du mal à trouver des candidats ayant des
qualifications suffisantes. La sélectivité des concours à l’entrée de la fonction publique avait tendance
à disparaître ou du moins à s’atténuer grandement, les jurys gardant la possibilité de ne prendre
personne ! Néanmoins, dans cette logique, il y avait d’assez nombreux concours de la catégorie A où il
se présentait moins de candidat qu’il n’y avait de postes. Dans ce contexte, pour essayer d’attirer
des candidats, l’administration avait eu recours à un certain nombre d’incitations, comme les
bourses de service public, spécialement destinées à attirer des candidats. Beaucoup d’étudiants
ont fait financer leurs études comme cela.
Les recrutements de fonctionnaires ne conservent une certaine importance que dans les
zones en dépression, économiquement attardées, alors que les zones florissantes connaissent de
très grands manques. On va avoir un effet très net de régions sur administrées et de régions sous-
administrées.
Le système s’est cependant inversé après le choc pétrolier de 1973. La sélectivité va
devenir très forte mais d’une certaine manière, la surqualification des candidats va aboutir à des
procédures presque analogues à un tirage au sort. Dans ce contexte là aussi, il y a aussi des effets
de vases communicants : il y a un phénomène de surqualification qui va se répercuter sur la
promotion sociale de l’administration : il va y avoir des effets d’éviction en chaîne et le moulinet
de promotion sociale des concours internes de l’administration va perdre de sa réalité.
De manière plus générale, ces relations sont ambivalentes. Il y a une certaine interdépendance
entre l’administration et la société. L’autonomie du système administratif existe presque toujours.
L’administration comme tout milieu professionnel caractérisé tend à se caractériser en micro
société, en univers plus ou moins clos, particulier et distinct du corps social. Dans le cas français,
c’est assez marqué parce que les règles du droit administratif sont précisément là pour souligner
la différence entre l’administration et les autres groupes sociaux. Les fonctionnaires sont d’ailleurs
perçus comme un groupe social homogène. Le sentiment de servir l’Etat, d’être au service de
l’intérêt général, comme étant distinct et supérieur de la somme des intérêts particuliers et
même des compromis qui pourraient s’instituer entre ces intérêts particuliers. Toutes les règles
du droit administratif marquent ce particularisme. C’est l’existence d’un ordre juridictionnel
particulier (le Conseil d’Etat) par exemple. L’administration a en France une autonomie bien marquée.
Néanmoins il existe des cas où cette autonomie est encore plus marquée. C’est le cas
d’anciens pays colonisés dans lesquels on a imposé un système administratif qui n’a pourtant
rien à voir avec la société. Il y a là une grande autonomisation de l’administration, renforcée par
la corruption dans ces cas là.

L’autonomisation de l’administration existe à des degrés très divers, mais à peu près
toujours. Mais elle est toujours dans des états d’interdépendance avec la société. Elle ressent
toujours une sorte d’imprégnation des normes, des valeurs dominantes au sein de la société dans
laquelle elle fonctionne.
C’est à la fois l’influence de ce que l’on peut appeler un modèle culturel et l’influence
d’un modèle organisationnel. La notion de culture est une notion délicate à manipuler. Elle a
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notamment cet inconvénient de ne pas être très clairement reliée à des concepts très établis.
Faut-il par exemple parler d’une culture germanique ou d’une culture française ? On s’aperçoit
qu’il y a, malgré tout, une grande diversité. Même s’il y a des traits communs importants à l’Europe
centrale et de l’est, avec l’explosion de la société de marché, mais ce n’est pas pour cela que l’on peut
réellement parler de culture car la Pologne et l’Allemagne de l’est ne sont pas les mêmes pays.
Au sens sociologique du terme, on a dans des ensembles nationaux des cultures nationales qui
correspondent non pas à une certaines distinction de l’esprit, mais plutôt à l’ensemble des savoirs, des
signes, des symboles, des croyances et des normes qui sont transmis à l’ensemble du groupe par le
processus d’éducation tout en étant modifié par un processus d’innovation. C’est seulement dans les
sociétés isolées et repliées que les cultures sont intemporelles, du fait de l’absence de rapport avec
l’extérieur. Les processus d’innovation pénètrent plus ou moins chaque groupe culturel et l’en
imprègne. Cela dit, il est dangereux de tomber dans le piège des stéréotypes nationaux, qui
relèvent d’un sens commun sociologiquement faux.

Tout système administratif va être inspiré de certains des traits caractéristiques de la culture
nationale. En France, la culture nationale est marquée par la notion d’égalité, forgée au moment
de la Révolution de 1789 en particulier. Il y a une idéologie égalitariste dans la société française,
qui est prégnante, très forte, qui inspire par exemple la question de la carte scolaire. L’égalité
formelle est garantie par l’administration formelle. Cela est à relié à toutes ces règles et
procédures qui ont pour but d’évacuer le choix discrétionnaire dans le fonctionnement de
l’administration. C’est également à cela qu’il faut relier la très forte présence de l’Etat comme garant
de l’égalité, de l’équité entre les groupes qui caractérise beaucoup de nos politiques publiques. Cela
explique que l’on ait du mal à transposer un système imprégné par les valeurs d’une société dans une
société différente. Plus l’organisation bureaucratique est en harmonie avec la société dans
laquelle elle fonctionne et plus elle a de chance de fonctionner de manière harmonieuse. On va
donc constater le plus souvent qu’il existe des mécanismes, des procédures, permettant d’assurer
une certaine coïncidence entre le mode de fonctionnement de l’administration publique et le
mode de fonctionnement de la société globale. L’administration française est assez caractéristique
de cette coïncidence puisqu’elle est dominée par un système méritocratique qui correspond étroitement
à l’une des bases de fonctionnement de la société globale. La méritocratie, c’est le gouvernement par
une élite, mais par une élite sélectionnée par des critères estimés justes. La Déclaration des Droits de
l’Homme et du Citoyen représente bien cela. Ce n’est pas une déclaration égalitariste mais plutôt une
déclaration qui dit : « à chacun selon ses mérites ».

Ces relations là existent dans tous les cas, elles sont ambivalentes et expliquent à la fois
les difficultés qu’il y a à faire changer les administrations mais aussi que ces administrations
évoluent tout de même.
Ce qui ressort en France, c’est la force de cette ambivalence. Il est difficile de changer les
fondamentaux de l’administration française, mais elle se pose la question de ses mutations, dans
un environnement instable.
Dans le cas français, l’Etat s’est constitué très tôt avec son appareil administratif, sans doute
avant que l’idée de nation ne soit véritablement établie. C’est au XIème siècle que cela commence.
Dans L’Ancien régime et la révolution, TOCQUEVILLE établit la continuité de la France
administrative, la continuité de la construction de la France historique au-delà des changements
de régime. Il y a un bouleversement complet sur le plan politique. Mais sous ce changement,
l’administration reste également semblable à elle-même et l’administration qui était celle du
pouvoir royale, se perpétue, éventuellement sous des formes différentes, mais avec des
caractéristiques similaires. Les préfets, inventés par le pouvoir napoléonien, ne sont que les
successeurs des intendants de justice et de police de l’Ancien régime.
L’administration est tôt fixée dans ses structures : le fonctionnaire est une catégorie qui
s’oppose à l’officier public et au commissaire qui achetaient leurs charges dans le premier cas et
étaient choisi discrétionnairement dans le second par le roi. Le fonctionnaire au sens moderne du
mot, qui exerce un métier et non pas une commission, est présent en France dès la première
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partie du XVIIIème siècle. Bien entendu, l’évolution du nombre de fonctionnaires prendra du


temps. Ce n’est que très récemment, depuis la seconde guerre mondiale, que la quasi-totalité des
agents sont couverts par le statut de fonctionnaire. Néanmoins, ce statut existe très tôt, c’est
l’exemple typique des grands corps de l’Etat. En 1750, les ingénieurs des Ponts et Chaussées sont
créés. L’exemple est connu, alors même que l’on se trouve sous la monarchie absolue, certains
travaux ont mis en évidence que le roi lui-même avait le plus grand mal à faire nommer un de ces
favoris dans ce corps. Le corps administratif s’était déjà suffisamment autonomisé pour résister
aux pressions. On peut aussi prendre l’exemple des origines de la juridiction administrative ;
l’idée est de réserver à des juges particuliers la possibilité de se prononcer sur la légalité du
fonctionnement d’une administration. L’interdiction pour le juge ordinaire de traiter ces affaires
date de l’édit de Saint-Germain, en 1641. De même, la cour des comptes, dès 1320, vérifie pour la
Curia Regis la qualité des comptes et enregistre les ordonnances financières, voire sanctionne les
comptables. Plus la France a d’ailleurs été soumise à des turbulences politiques et plus cette continuité
administrative prenait de l’importance : c’est l’exemple des IIIème et IVème Républiques, où l’Etat
fonctionnait surtout grâce à la continuité de l’administration. Ceux qui assuraient malgré tout le
fonctionnement de l’Etat, c’était les administrateurs qui en réalité, prenaient le pas sur les
politiques à cause de la faible durée de vie des hommes politiques de ces périodes.
Cela ne veut pas pour autant dire que l’administration soit incapable d’incorporer des
changements. Il y en a eu malgré tout d’assez considérable. On pense par exemple à toutes les
réformes qui sont intervenues autour des années 1980 avec ce que l’on pourrait appeler la
découverte de l’usager. Jusque là l’administration publique est essentiellement l’administration de
commandement. Elle exprime la puissance publique, avec une certaine dose éventuellement
d’arbitraire et, on prend conscience, en partie en s’inspirant de quelques exemples étrangers, et en
partie sous l’effet d’une demande émanant de la société, on prend conscience du fait que le mode de
relation entre l’administration et les usagers ne peut plus être ce commandement quasi militaire, même
si basé sur une base légale.
Plusieurs réformes sont introduites pour augmenter le poids du point de vue de l’usager.
En 1979, l’administration est obligée de motiver ces décisions lorsque ces décisions sont
défavorables à un usager. Cela ne signifie pas qu’elle devait avouer des motifs légaux, mais elle
n’était pas obliger d’indiquer ce motif.
Un an avant, en 1978, on avait rendu possible l’accès aux documents administratifs pour
les citoyens. Cela n’était possible avant que si un texte particulier le lui imposait. En règle générale,
l’administration n’avait pas à communiquer les dossiers administratifs.
C’est aussi la création du médiateur de la République pour gérer les cas de mauvaises
administrations. MITTERAND avait parlé de « la force injuste de la loi » pour justifier cette
création.
A partir des années 1980, la décentralisation et la déconcentration introduisent une
modification dans l’administration française en modifiant l’équilibre entre le centre et les périphéries.
Il y a un changement évident : sur le territoire de la République, sur les territoires vécus par les
citoyens, ce ne sont plus seulement des politiques publiques décidées par le haut et appliquées
mais aussi des politiques impulsées par les autorités locales sous le contrôle des citoyens.
Dernier exemple, c’est l’incidence évidente de la construction européenne sur le
fonctionnement de l’administration française, en particulier depuis le milieu des années 1980.
L’arrivée et la prise en compte de l’UE transforment l’administration plus qu’on ne le voit
puisque aujourd’hui, les administrations centrales de la France sont en quelques sortes les
services déconcentrés de l’administration de l’Union Européenne. Environ 80% de nos textes
législatifs ou réglementaires ont à prendre en compte sous ou forme ou sous une autre la norme
européenne qui s’impose à eux. Et donc des efforts considérables doivent être produits d’une façon
discrète mais quotidienne.

L’administration est à la fois très solidement campées sur ses acquis. Mais elle est aussi
obligée d’incorporer du changement de manière plus ou moins volontaire. Reste cependant que
la question du changement est aujourd’hui posée de façon plus cruciale à l’administration
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française qu’elle ne l’a été dans le passé, parce que justement, l’accélération de la construction
européenne et de la mondialisation fait que le système administratif français est de plus en plus
exposé à la pression d’un environnement qui change rapidement. Elle est aujourd’hui largement
confrontée à la concurrence. Bien sûr, elle n’est pas confrontée à la concurrence comme une
entreprise, mais elle est obligée de se comparer aux autres systèmes administratifs, ne serait-ce que
dans le cadre de la construction européenne. Elle est donc bien obligée d’intégrer une logique
d’évaluation et de résultat. C’est une remise en question : elle n’a plus le paravent d’une
légitimité incontestée et donc, cette administration subit du coup une certaine crise de confiance
et une certaine crise d’identité. Elle est un peu ébranlée sur ses bases et elle est confrontée à une
nécessité de réforme qui s’accélère.
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Chapitre premier : la centralisation

Elle est considérée comme une des caractéristiques les plus fortes de l’administration française
et qui est en réalité susceptible de deux conceptions qui se conjuguent :

• C’est au premier sens la concentration des activités et autorités principales de la


république dans un lieu unique, central, la capitale. Il y a assez peu de pays dans lesquels
on trouve regroupés l’essentiel des centres de responsabilité des grandes activités collectives
(politique, économique, culture). Dans la plupart des pays il y a une dispersion sur le territoire.
Exemple Allemagne ; Italie, où Rome n’est pas la capitale économique, culturelle. En France
tous les indicateurs montrent que sur tous les plans tout se passe à Paris. Symbolisé par un
livre paru dans les années 1950 et dont le titre est demeuré comme emblème : Paris et le
désert français de Jean-François GRAVIER. A partir de là on a entamé des politiques pour
renforcer des capitales régionales pour faire contrepoids, puis d’autres actions. Même si
l’aménagement du territoire a réussi à rééquilibrer un peu le déséquilibre, Paris reste en
France la seule ville de niveau mondial.

• La centralisation est un type particulier d’organisation du travail qui distingue la conception


de l’exécution, et qui concentre au bénéfice d’une autorité unique les taches de conception.
Des autorités de l’administration centrale peuvent donc être situés en dehors de Paris, et
n’en restent pas moins des représentants du pouvoir central. Le corps préfectoral incarne
l’autorité du pouvoir central, même s’il l’incarne en département. Très rares sont les Etats
unitaires de grande taille : la plupart sont soit fédéraux, soit ont développé un haut degré de
décentralisation, comme en Espagne. La France est un peu organisée comme le réseau SNCF :
tout part et tout aboutit au centre : c’est l’idée d’un réseau en étoile.

Comment est elle organisée ? Dans la première section on donnera les traits caractéristiques de
son organisation ; on verra aussi les aménagements en termes de déconcentration ou décentralisation,
qui ont reçu récemment un important correctif.

I. Les organes de l’administration centrale.

On va les envisager à travers les éléments forts de l’appareil de l’Etat que sont 1) les
superstructures puis 2) les ministères, et enfin 3) le fonctionnement d’un ministère type.

L’administration centrale a un poids très considérable en France et dans tous les pays en raison
de la complexité des problèmes à gérer. On retrouve dans tous les pays la structure ministérielle
verticale qui gère toutes les affaires concernant un secteur donné. La centralisation s’exprime en
France par le fait que l’organisation ministérielle est très étendue : beaucoup de pays n’ont pas de
ministère de la culture, ils laissent ce sujet aux collectivités locales ou à la société. On a des
particularités qui découlent de la nature aussi un peu particulière de notre régime politique. Par
exemple le dualisme de l’exécutif avec le partage du pouvoir fait qu’il y a un type d’organisation
très propre à la France où le partage est administrativement inégal. Au niveau des grands pays
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avancés, l’essentiel du particularisme français tient sans doute au poids plus fort en France
qu’ailleurs de cet appareil ministériel intégré, hiérarchisé, et au nombre de responsabilités qu’il
traite.
Dans beaucoup d’autres pays les administrations centrales ministérielles sont beaucoup
plus légères et un nombre plus important de responsabilités sont confiées à des agences, comme
en Suède, indépendantes de la hiérarchie des ministères.

A. L’organisation administration des sommets de l’Etat : les superstructures.

Se situant au dessus des ministères, il existe des autorités et organes qui interviennent
dans le fonctionnement de l’administration publique à des titres et degrés divers. On peut les
regroupes en trois sous ensembles :

1) Les services du premier ministre.

On commence par eux car contrairement à ce qui existe dans le registre politique (où la
présidence est dominante), sur le plan administratif, la primauté est du côté de Matignon et du
Premier ministre : sur le plan historique et sur le plan de l’importance matérielle.

Le Premier ministre est tout d’abord l’héritier d’une tradition qui était parlementaire sous
les III et IVème Républiques, quand le président avait surtout un pouvoir de représentation.
ème

Donc le Premier ministre sous la Vème République arrive déjà avec un appareil administratif
important. Il n’a cependant pas toujours été le chef d’une administration important en tant que
telle : ce n’est que tardivement que des services administratifs de Matignon sont apparus : au
début de la IIIème République, alors que l’incertitude plane sur le type de régime, le Premier
ministre n’apparaît pas comme une autorité s’imposant d’emblée dans l’appareil
gouvernemental.
On parle toujours des gouvernements en nommant celui qui dirige les ministères, mais au
début le Premier ministre n’a pas de service propre, mais est toujours titulaire d’un ministère
particulier. Exemple : WALDECK ROUSSEAU ministre des Affaires Etrangères et Premier ministre,
COMBES, Ministre de l’Intérieur et Premier ministre….
Donc il gouverne en s’appuyant sur les services de ce ministère particulier pour
coordonner l’action de l’ensemble de l’équipe. Avec la montée en charge dans responsabilités
gouvernementales qui aboutit à une extension du nombre de ministère, on ressent vite la nécessité
de former autour du Président du conseil une équipe. Les ministres ne sont pas toujours
disciplinés, et le président du conseil a besoin de collaborateurs pour impulser ses fonctions : on
commence par des collaborateurs de cabinet, dont on augmente le nombre, et puis à un moment donné
on franchit le pas en créant une véritable administration : en 1934. On prend en fait deux décisions :

• On attribue des locaux spécifiques (Matignon) au chef du gouvernement : Matignon est


en fait les locaux de l’ancienne ambassade d’Autriche.

• On crée une administration spécifique au Premier ministre : le secrétariat général du


gouvernement

L’administration du chef du gouvernement s’étoffe peu à peu, jusqu’à aujourd’hui, où


on trouve environ 5000 agents, qui constituent ses collaborateurs administratifs, ou politico
administratifs. Cette administration est faite de trois niveaux différents :

a. le cabinet du premier ministre


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Un Premier ministre ne pourrait pas gouverner sans son cabinet (50 personnes environ).
Il est organisé un peu comme une doublure du gouvernement, et assiste le Premier ministre dans
la prise de décision.
Le directeur est un genre de Premier ministre bis, qui se montre peu mais a une importance
décisive. Sous sa responsabilité on trouve toute une hiérarchie de conseillers techniques, ou
spéciaux. Le ministre en nomme autant qu’il veut et répartit comme il veut les responsabilités.
Le cabinet a une fonction de coordination générale, et a pour tache d’aider le Premier ministre à
prendre des décisions sur les orientations de la politique, et aussi il a une fonction d’arbitrage :
le Premier ministre tranche des conflits de point de vue entre les ministres et a donc besoin qu’on lui
prépare les décisions. On peut quand même dire qu’il existe deux grandes modalités
d’organisation qui constituent les deux points opposés d’un continuum, qui reflètent deux types
de gouvernements : il y a des Premiers ministres plus interventionnistes que d’autres (comme
par exemple : DE VILLEPIN, CHABAN-DELMAS), incarnant des orientations politiques. La
relation avec le président est plus ou moins marquée par un assujettissement : RAFFARIN
n’avait aucune autonomie. Dans d’autres cas les Premiers ministres cherchent à s’émanciper,
naturellement en période de cohabitation, ou alors quand ce n’est pas la confiance totale : comme par
exemple ROCARD avec MITTERAND ou CHABAN-DELMAS avec POMPIDOU.
La marge de manœuvre du Premier ministre est alors difficile à définir : il ne peut pas
aller trop loin car on peut le congédier, comme par exemple CHABAN-DELMAS. Du coup
ROCARD se sachant sous la surveillance de MITTERAND, a été plus prudent. Il découle de
cette configuration deux modèles principaux :

• Ou bien le Premier ministre cherche à affirmer son autorité personnelle et a tendance à


doubler la structure gouvernementale dans son cabinet. Il a un conseiller technique pour
suivre chaque dossier.

• Ou bien le Premier ministre considère son rôle comme étant plus de la coordination, et la
répartition des responsabilités dans le cabinet est différente : chaque personne a
plusieurs dossiers à gérer. En pratique cela dépend de la conjoncture et de l’état des relations
entre le Premier ministre et le Président : la situation la plus difficile est celle de ROCARD :
certains ministres lui ont été imposés, ministres qui ne reconnaissent que l’autorité du
président.

b. Le secrétaire général du gouvernement

Il a été crée en 1934. C’est un service très peu connu, dont on ne parle presque jamais,
très discret mais essentiel. Il assure au plus haut niveau la continuité de l’Etat et une fonction de
coordination administrative décisive pour que la prise de décision puisse fonctionner.
Contrairement au cabinet, il a une responsabilité surtout administrative : il n’est pas là
pour faire de la politique. Les conflits pour le pouvoir reviennent au cabinet. Mais les enjeux des
politiques publiques qui peuvent avoir des enjeux sur les jeux politiques, sont pris en charge par
le secrétariat. Le Secrétariat Général du Gouvernement a quatre fonctions essentielles :

• le Secrétariat Général du Gouvernement fait du secrétariat des réunions et conseils


gouvernementaux : c’est la fonction la plus symbolique : le secrétariat du conseil des
ministres. Le secrétaire général du gouvernement assiste au conseil des ministres
(comme le secrétaire général de l’Elysée).
Au cours de ce conseil, on fait des déclarations (l’état d’une question quelconque, par un
des ministres), présentation par les ministres de projets de loi, puis enfin des
nominations de hauts fonctionnaires sont décidées. En général les questions à l’ordre du
jour ont déjà été décidées, et on fait que les valider. Les deux secrétaires préparent
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l’ordre du jour, et sur un guéridon à côté de la grande table assistent au conseil et font le
relevé des propositions.

• La coordination de l’élaboration des projets de loi et de décrets : cela suppose de multiples


réunions préparatoires entre plusieurs ministères. Il s’agit d’abord de faire avancer
techniquement le dossier, que personne ne le bloque. Puis il faut coordonner le contenu
de la décision pour qu’on ait une seule décision.

• Préparation du travail du Premier ministre sur un plan technique, en lui fournissant les
expertises et études nécessaires. Conséquences techniques et juridiques des idées du
gouvernement.

• Gérer et coordonner les services du Premier ministre.

Le Secrétariat Général du Gouvernement a donc des fonctions importantes, car au-delà des
changements d’équipe il assure la continuité.
On est nommé au Secrétariat Général du Gouvernement en tant que fonctionnaire et
donc on survit à un changement de gouvernement. C’est important aussi en cas d’alternance,
comme en 1981 quand la gauche arrive au pouvoir ; le gouvernement précédent de Barre s’en
va en vidant tous les tiroirs de Matignon : or il y a des décisions à prendre. C’est le SGG qui a
assuré la continuité de l’Etat. Le Secrétariat Général du Gouvernement a permis aux ministres qui ne
connaissaient pas l’expérience gouvernementale de découvrir le ministère. Cela explique que le poste
de secrétaire général du gouvernement soit toujours un conseiller d’Etat, parce que le contenu
juridique de la fonction est décisif. C’est une tradition et non une obligation. Les titulaires ont été
peu nombreux depuis 1945 : seulement huit. Donc la durée de fonction dépasse largement la durée
des gouvernements ; un seul cas dans lequel le Premier ministre a changé le Secrétaire Général
du Gouvernement : en 1986 par CHIRAC : J. FOURNIER a été changé pour un Secrétaire
Général « de droite ».

c. Les services ou organismes rattachés au premier Ministre

Ils sont placés sous sa tutelle parfois par l’intermédiaire d’un ministre particulier. Ces
organismes sont de statut et d’importance différentes. Certains ont une grande importance
technique ou stratégique car interviennent sur le plan ministériel et sont les bras opérationnels
de la fonction de coordination du Premier ministre.
Cela a été pendant longtemps le cas du Commissariat Général du Plan. Sa tâche : essayer de
rendre cohérentes les politiques publiques entre elles. Rattaché au Premier ministre soit par
l’intermédiaire d’un ministre chargé du plan, ou bien directement sous l’autorité directe du
Premier ministre.
Pareil pour la direction générale de l’administration et de la fonction publique. Chaque
administration organise ses concours de recrutement des fonctionnaires : par exemple l’organisation
du calendrier (pour que rien ne se recoupe) relève de cette administration.

Et puis il y a des organismes rattachés au Premier ministre un peu par hasard. C’est parfois
parce que deux ministres se le disputaient. Par exemple : le haut conseil de l’équitation. Il y a donc
une grande diversité et plusieurs milliers de personnes dans ces services.

2) L’entourage du Président de la République.

Dans l’histoire institutionnelle française, le Président de la République, même si il est le chef


de l’Etat, n’a joué le premier rôle dans le processus de décision qu’à partir de la Vème République (hors
périodes de cohabitation).
Il en résulte une différence sensible entre son entourage et celui du Premier ministre.
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L’entourage du Président n’est en fait qu’un Cabinet élargi (jusqu’à 50 collaborateurs) Ainsi, le
président français ne dispose pas d’une véritable administration, à la différence par exemple du
président américain.
Cet entourage personnel se limitait à quelques collaborateurs (une douzaine tout au plus) sous
les IIIème et IVème Républiques en raison même du rôle restreint du président. Sous la Vème
République, la fonction présidentielle prend une importance considérable, sans que cela se
traduise par une augmentation proportionnelles des moyens administratifs (même si ceux ci
augmentent sensiblement) : on reste donc dans le cadre d’un Etat major qui compte selon les
périodes entre 30 et 50 collaborateurs officiels (il existe également à l’Elysée des collaborateurs
officieux dont la présence n’apparaît pas, mais qui peuvent être très influent. Cela permet en
outre au Président de « recaser » ses proches) L’entourage présidentiel est en fait réparti au sein de 3
sous-ensembles :

a. Le secrétariat général de la présidence de la République

C’est l’équivalent du secrétariat général du gouvernement avec un effectif moindre. C’est


la structure la plus étoffée. Le secrétaire général de l’Elysée assiste au Conseil des ministres qu’il
prépare avec le secrétaire général du gouvernement)

b. Le cabinet du Président de la République

Il gère l’emploi du temps présidentiel, les déplacements, les audiences du président... Il


s’agit du même type d’instance que le cabinet du Premier ministre ou d’un ministre.

c. L’Etat-major particulier du Président de la République

Il est composé d’officiers généraux ou supérieurs qui conseillent le président en matière


militaire et expriment ainsi la primauté présidentielle en matière militaire.

Tous ces collaborateurs font passer au président des notes le plus concises possibles, transitant
par le secrétaire général de l’Elysée, pour l’informer au plus près des questions importantes.
Mais, à coté des cette structure normative, on trouve aussi des conseillers spéciaux (ex :
J.ATTALI avec MITTERAND) disposant d’un accès direct auprès du président, et d’autres
conseillers informels dont l’influence est sans rapports avec leur place dans la hiérarchie (cf. cabinet
noir de POMPIDOU avec Pierre JUILLET et Marie-France GARAUT)
Une variable est cependant fondamentale pour expliquer l’influence réelle de cet
entourage : c’est celle de la cohabitation :

•hors période de cohabitation, il est prééminent

•durant une cohabitation, il s’agit de baliser un domaine réservé pour le président et


de freiner les initiatives gouvernementales (c’est l’exemple du marchandage entre
Matignon et l’Elysée en ce qui concerne certaines nominations)

Au total, il s’agit plus d’un entourage que d’une véritable administration.

3) Les services gravitant dans la sphère gouvernementale.

a. Le Conseil d’Etat
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Il est non seulement le juge administratif suprême, mais il a également conservé sa


fonction première de conseiller du gouvernement, qui reste essentielle, mais clairement séparée de
la première (il donne par exemple des avis sur des décisions à prendre)
Le Conseil d’Etat est organisé en différentes sections : la section contentieuse est celle qui
exerce la fonction de juge administratif, et les quatre autres sections (financière, sociale, de
l’intérieur, des travaux publics) ont pour rôle de fournir au gouvernement les avis nécessaires à la
mise en forme juridique des tests (surtout pour les projets de loi et les décrets).
A ces sections s’ajoute celle du rapport et des études, qui peut être saisie par le
gouvernement d’une demande d’avis sur des problèmes transversaux ; il peut aussi se saisir elle-
même de telle ou telle question juridique épineuse. Le travail du Conseil d’Etat appartient au
gouvernement, qui n’est pas obligé de le rendre public (même si depuis quinze ans il donne souvent
son accord pour qu’il le soit) Enfin, on peut signaler que les avis n’engagent pas le gouvernement
(même si le Conseil d’Etat recherche tout de même une certaine cohérence)

b. La cour des comptes

Elle est dans une situation semblable dans le secteur financier. Elle a aussi une fonction de
conseil et d’audit ou de contrôle de gestion (comme le montre le rapport public annuel de la cour
des comptes qui dénonce des irrégularités graves, des gabegies financières de la part de
l’administration et qui est chaque année un événement, même s’il a en fait peu d’effet du fait de
l’inertie de l’administration)

c. Le conseil économique et social

C’est une assemblée représentative des professions et des activités économiques et


sociales du pays. Si ses fonctions sont uniquement consultatives, elles sont tout de même
importantes car il est obligatoirement consulté sur tous les projets de loi à caractère économique
et social (hors loi de finances), permettant ainsi d’écouter l’avis des forces vives socioprofessionnelles
de la Nation.
Il peut également, par auto saisine, faire un certain nombre d’études sur des questions
importantes à dimension économique et sociale (dont la spécificité est de faire une place aux
opinions « dissidentes »)

B. L’évolution de la configuration ministérielle.

La structure gouvernementale change à la formation de chaque gouvernement. Ces


changements fréquents sont possibles car ils relèvent du pouvoir réglementaire et non de la loi.
On peut tout de même relever deux grands mouvements : une tendance à la différenciation
ministérielle croissante et la quasi-impossibilité de trouver une structure gouvernementale
rationnelle satisfaisante car de nombreux problèmes se posent :

1) La différenciation ministérielle.

a. La croissance des départements ministériels

Elle s’observe sur le long terme : Avant la révolution, 6 ministres correspondaient aux
grandes fonctions régaliennes (justice, finance, intérieur, guerre, marine et colonies, affaires
étrangères) Aujourd’hui, les gouvernements ont entre 25 et 50 membres.
Si on ne tient compte parmi eux que des ministres, ils s’élèvent en moyenne au dessus de 20
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par gouvernements (entre 15 et 20 sous la IVème République) Cette tendance à long terme s’explique
par le fait qu’on crée souvent des structures supplémentaires alors qu’on en supprime rarement,
sauf exceptions :

•Parfois, on regroupe dans des grands ministères des départements autrefois séparés
(comme avec le ministère de la défense)

•Parfois on supprime des ministères correspondant à un problème conjoncturel


particulier disparu (cas du ministère des rapatriés après la guerre d’Algérie)

•Parfois, on supprime un ministère pour marquer une politique réformatrice


(comme CHABAN-DELMAS a supprimé le ministère de l’information)

Mais ces « destructions » sont rares, alors qu’au contraire les créations sont plus nombreuses,
non pour obéir à des caprices. Ces créations peuvent être justifiées par :

•La naissance de nouveaux besoins sociaux (1906 : création du ministère du travail),


économique (ministère de l’industrie) environnementaux (ministère de
l’environnement)

•L’essor d’une nouvelle technique (création du ministère des Postes dès le XIXème
siècle)

•L’apparition de nouvelles questions (question de l’Europe par exemple)

•La demande de groupes sociaux qui veulent avoir un interlocuteur privilégié : c’est alors
la satisfaction des petits commerçants lorsque on crée un ministère du commerce séparé
du ministère de l’industrie. Mais ce n’est plus ici une création dictée par l’intérêt général.

•Des motifs d’opportunité politique (même remarque)

On perçoit donc bien l’impossibilité de figer une structure gouvernementale. Néanmoins, il


faut signaler que la croissance des ministère s’est plutôt tassée : 51 membres pour le
gouvernement MAUROY, 42 puis 32 pour les gouvernements JUPPE, 28 pour le gouvernement
JOSPIN) Ceci résulte d’un souci d’efficacité dans l’action, mais aussi de la volonté de contrôle du
Premier ministre sur son équipe gouvernementale.

b. La diversification de la hiérarchie ministérielle

Les gouvernements actuels ont une hiérarchie formelle compliquée Pour l’essentiel, cela
renvoie à une hiérarchie honorifique, même si il y a une certaine coïncidence entre cette hiérarchie
formelle et la hiérarchie des pouvoirs.
Le grand clivage se situe en fait entre ministres et secrétaires d’Etat : les premiers siègent
de plein droit au Conseil des ministres et disposent de pouvoirs propres, les seconds sont au Conseil
des ministres seulement s’ils y sont appelés par l’ordre du jour et n’ont que des pouvoirs délégués par
le ministre auquel ils sont rattachés. Sous les ordres du Premier ministre, on retrouve en fait :

•des ministres d’Etats : c’est la catégorie la plus ancienne. Sous les IIIème et IVème
Républiques ils n’exerçaient qu’une fonction de représentation de tel ou tel parti :
ils siégeaient en Conseil des ministres mais n’avaient pas de secteur à gérer. Ils n’ont
acquis des attributions matérielles que progressivement. Aujourd’hui, ils ont une
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importance politique et on leur confie en général un grand ministère (sauf


exceptions comme par exemple, pour honorer MALRAUX, DE GAULLE lui donna le
titre de ministre d’Etat alors que le ministère de la culture n’avait qu’une faible
importance). Lorsqu’un gouvernement n’a pas de ministre d’Etat cela signifie en
général que le Premier ministre affirme son autorité (JUPPE, JOSPIN)

•des ministres à portefeuille

•des ministres délégués : ils tiennent leurs attributions d’une délégation du ministre
auquel ils sont rattachés (c’est l’exemple de MOSCOVICI, le ministre des affaires
européennes est rattaché à VEDRINE)

•des secrétaires d’Etat qui ne siègent au conseil des ministres que si l’ordre du jour
les concerne et qui n’ont pas non plus de pouvoirs propres (ils les tiennent du ministre
auquel ils sont rattachés). Sous Valérie Giscard d’Estaing est apparue une catégorie
hybride : les secrétaires d’Etat autonomes qui avaient des pouvoirs propre mais ne
siégeaient pas de plein droit au conseil des ministres. Aujourd’hui, la situation des
secrétaires d’Etat est ainsi très diverse : parfois on trouve des secrétaires d’Etat
rattachés au Premier ministre lui même et non à un ministre particulier. De plus, les
rapports entre secrétaire d’Etat et ministre sont organisés différemment : leurs pouvoirs
sont plus ou moins délégués. Parfois, on a même des sous secrétaire d’Etat

On note donc une grande complexité et une forte instabilité, mais derrière cela, il existe
une hiérarchie réelle entre les grands ministères (Justice, éducation nationale...) et d’autres plus
petits (culture, anciens combattants...). Entre les deux on trouve des ministères d’importance moyenne
(agriculture...). A coté de cette hiérarchie, le ministère de l’économie et des finances est à part.

c. L’étude du ministère de l’économie et des finances

Il est organisé différemment selon les gouvernements (on distingue par exemple parfois
ministre du budget et ministre de l’économie...). C’est pourquoi on emploie souvent le terme
« Bercy » pour le désigner. La position prééminente de ce ministère tient à plusieurs facteurs :

Traditionnellement en France, les ministères chargés de gérer les finances publiques l’ont
emporté en importance politique sur les ministères à vocation économique. Cela peut être l’effet des
crises monétaires tendant à donner le pas aux financiers gérant le court terme sur les planificateurs.

Certains services qui dans d’autres pays sont directement attachés au chef du
gouvernement sont en France rattachés au ministère de l’économie et des finances. C’est le cas
en particulier de la Direction du budget qui a pour fonction de préparer, présenter, surveiller
l’exécution du budget. Pour cela, elle collecte et épluche les demandes émanant des « ministères
dépensiers ». Ce dernier terme a une connotation péjorative du terme car ils sont souvent suspectés de
majorer leurs dépenses et de défendre des intérêts particuliers, alors que la Direction du budget
incarne dans les conférences budgétaires l’intérêt général. La Direction du budget intervient
également dans l’exécution de la loi de finance par le biais des contrôleurs financiers qui doivent
donner leur visa pour tout nouveau crédit, ce qui constitue une sorte de droit de veto.

Un second service important est la Direction du Trésor dont la force provient de plusieurs
sources : elle recrute l’élite administrative (c’est-à-dire les meilleurs élèves de l’ENA), elle a une
position stratégique (la Direction du Trésor a ainsi été l’un des « centres doctrinaux »
permettant d’assurer le succès des politiques de désinflation compétitive : elle est donc
largement responsable de la pensée unique bien ancrée dans les économies contemporaines), elle
est le centre de l’économie internationale en France (elle prépare les grandes conférences économiques
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telles que le G8, les réunions du FMI, du Club de Paris...) et elle s’intéresse également à la politique
monétaire, au financement des entreprises publiques, au secteur des assurances...Les itinéraires des
directeurs du Trésor témoignent de son importance (comme M.CAMDESSUS, qui a été directeur
du Trésor, gouverneur de la Banque de France et est maintenant président du FMI)

Prenant appui sur toutes ces ressources, le ministère des finances a une attitude de défense
de ses sphères d’influence. A plusieurs reprises, sa prééminence a été contestée par ceux qui
estimaient qu’il avait une vision trop comptable des choses et qui prônaient une vision économique
plus prospective, à plus long terme. Mais chaque fois qu’elle a été menacée, la position du ministère
des finances s’est trouvée confortée par des stratégies habiles de sa part.

2) Les problèmes liés à l’évolution des structures des ministères.

a. Le découpage optimum des ministères

D’un coté, il serait souhaitable de ne pas avoir trop de départements ministériels car :

•Cela entraînerait des chevauchements de compétences et des dédoublements de


services coûteux.

•Cela provoquerait des risques d’incohérence, de dissonance et le chef du


gouvernement pourrait avoir du mal à assumer la direction d’un tel ensemble
hétéroclite.

•Il y a le risque d’un émiettement de l’action administrative.

Mais, de l’autre coté, il faut avoir suffisamment de ministères pour faire face à toutes les
tâches et besoins dont la croissance est réelle (par exemple, le niveau européen exige un
dédoublement fonctionnel de chaque ministre qui doit être présent à Paris et à Bruxelles. On
pourrait envisager que chaque ministre soit doté d’un secrétaire d’Etat, d’un adjoint pour le
représenter à Bruxelles.
Des solutions existent pour résoudre cette contradiction : Par exemple, Léon BLUM avait
proposé en 1936 dans « la réforme gouvernementale » de rompre avec la traditionnelle égalité des
ministres en distinguant des « ministres chefs de groupe » avec lesquels le Premier ministre discuterait
en permanence, et des « ministres ordinaires ». Ainsi, en 1956 Guy MOLLET avait une structure
restreinte : quelques « super ministres » flanqués de secrétaires d’Etat. Si l’expérience n’a pas
donné grande satisfaction, la tendance reste tout de même à des équipes plus restreintes.

b. L’adaptation des structures aux fonctions gouvernementales

Second problème que nous ne ferons qu’effleurer : celui de l’adaptation des structures aux
fonctions gouvernementales. C’est un problème du découpage des frontières entre les différents
ministères. Il faut trouver la définition des titulaires de charge la plus rationnelle possible ;
plutôt que de reproduire une structure ministérielle définie par les traditions, qui font qu’il y a
toujours un certain nombre de ministères, éventuellement ajustés, on peut avoir une approche
rationnelle : on se demande alors quelles sont les principales tâches de l’Etat, pour déduire une
structure ministérielle décalquée de cette analyse des tâches de l’Etat.
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La structure traditionnelle des ministères revient à mélanger des choses qui ne sont pas
homogènes. Par exemple en France, on admet qu’il y a la prise en charge par l’Etat d’une
fonction éducation. Cette fonction n’est pas à elle seule prise en charge par un ministère, celui de
l’Education Nationale, qui lui-même s’occupe aussi d’autres activités, ne serait-ce que parce que
dans ce ministère auquel de très nombreux enseignants sont rattachés, il faut faire de la gestion
administrative courante. Inversement, la fonction éducation est aussi prise en charge par
d’autres ministères : chaque ministère a ses écoles, ses stages de formation…C’est l’exemple de
l’ENA ou des IRA, rattachés au Premier ministre, l’INRA est rattaché à l’Agriculture, Saint-Cyr
dépend de la Défense, on pourrait ainsi multiplier les exemples.
On peut dire la même chose de la fonction défense. La Défense a aussi une fonction de
production des armements par exemple. Il est au final difficile de savoir si l’on est au mieux de
l’efficacité dans les ministères. Plusieurs tentatives doctrinales ont été faites, mais on n’arrive pas
vraiment à savoir.

Dans les années 1960, on a mis en place le budget fonctionnel de l’Etat, qui a prise une
nouvelle importante avec la LOLF, qui s’efforce de définir le rôle de l’Etat au travers d’un
certain nombre de programmes d’actions qui ont justement pour idée de permettre une
meilleure évaluation de l’efficacité de la dépense publique en jugeant de la manière dont un
programme a été rempli.
La LOLF avait deux intentions : la première tient plutôt de la gestion rationnelle de la
dépense publique : il fallait sortir de la logique des services votés. Le budget de l’Etat est en fait
une autorisation de dépenser pour le gouvernement. Lorsque le gouvernement se prononce sur la loi de
finance, il ne se prononçait en fait, avant la LOLF, que sur une portion mineure des crédits
disponibles, car 90% des crédits n’étaient pas débattus et été pré affecté car il était d’usage de
reconduire la dotation budgétaire des ministères. La LOLF consistait d’abord à renverser ce processus
là. C’est un dispositif qui consiste à dire qu’il faut mettre en place des programmes d’évaluation qui
conditionneront les dotations.
La seconde logique est que ce programme transcende, traverse l’organisation ministérielle
classique. Aussi bien pour l’ancienne pratique du budget fonctionnel que aujourd’hui. On
découpe en fait en huit grands pôles le rôle de l’Etat. Le problème est que cette analyse reste
encore insuffisante car pas totalement rationnelle. Il reste des titres « fourre-tout », comme le
montre certains chapitrages du budget. Ce n’est jamais complètement satisfaisant.
Mais surtout, cela ne s’est pas traduit, pour des raisons politiques, dans une
réorganisation gouvernementale. Il y a des résistances corporatives, surtout dans les anciens
ministères et surtout, on n’a pas vraiment le temps d’essayer des formules novatrices lorsque l’on
se trouve dans l’urgence gouvernementale. Il y a une rupture entre le temps politique de la
décision dans la formation gouvernementale et le temps technico-administratif de la répartition
des tâches.

C. La structure interne d’un ministère.

1) Les principaux éléments de l’organigramme d’un ministère.

a. Le ministre et ses collaborateurs directs.

Un ministère, c’est d’abord un ministre, et il faut se souvenir que c’est quelqu’un qui a
plusieurs rôles, plusieurs facettes, plusieurs tâches. Il est en même temps un homme politique,
même si parfois ils n’ont pas eu de carrière politique, comme DE VILLEPIN ou BRETON
aujourd’hui. Mais le ministre est aussi le supérieur hiérarchique d’une administration, qui aura
pour tâche de défendre des intérêts corporatifs ou sectoriels, qui va les défendre au
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gouvernement. Un bon ministre est celui qui va arracher un certain nombre d’avantage pour le secteur
qu’il représente. Il faut donc se battre contre le ministre des finances, mais aussi contre ses
collègues pour l’obtention de fonds !
Le ministre est donc extrêmement occupé et a besoin de collaborateurs directs qui vont lui
permettre d’assurer au sein de son ministère l’animation nécessaire et maintenir l’unité de direction
qui ne va jamais de soi au sein d’un ministère d’une certaine importance.
On différenciera le cabinet ministériel, le secrétariat général du ministère et l’inspection.

- Le cabinet ministériel

Les cabinets ministériels français sont beaucoup plus importants que dans les autres
pays, en taille et en rôle, avec des fonctions à la fois administratives et politiques. Les cabinets
sont fait de collaborateurs personnels du ministre qui en principe, sont des personnes qui
arrivent avec le ministre (et qui sont donc choisis individuellement) et partent avec lui. Cela dit,
les autorités supérieures peuvent imposer des membres dans les cabinets comme l’a fait MITTERAND
en 1981 avec les ministères communistes. Des raisons plus personnelles peuvent jouer aussi. Dans le
cas d’un ministre « nouveau », qui n’a pas de réseau, les autres ministres le conseillent. Les
cabinets ministériels regroupent les collaborateurs politiques du ministre, même si dès la IVème
République, ce sont des personnes issues de l’administration qui vont s’imposer, car elles sont à la fois
dans l’administration et en dehors de l’administration, car elles sont des agents publics.
Les membres des cabinets ministériels sont limités en nombre par un certain nombre de
textes : un ministre doit avoir au maximum dix collaborateurs, et sept pour un ministre délégué.
CHIRAC avait fait campagne en 1995 sur cela. Cela dit, cela n’est jamais respecté et en
moyenne, les cabinets comportent toujours plus de membres que ce qui est prévu par la loi ! On
se fait prêter des collaborateurs par les administrations si besoin est !
Cela s’explique par plusieurs raisons : l’une est que les tâches s’alourdissent, l’autre est le
caractère ostentatoire du nombre de collaborateurs. Enfin, il est rassurant d’avoir un technicien
par grand dossier. Les cabinets ont un triple rôle : celui de conception ; c’est l’état-major, qui est là
pour aider le ministre à définir les grandes orientations politiques de son orientation ministérielle. Bien
évidemment, il faut ensuite mettre ces idées en œuvre, et tout ce travail de conception des dossiers est
fait par les membres du cabinet. Second grand rôle, la fonction de coordination que les membres
du cabinet vont assumer, cette coordination est double, entre le ministère et les autres ministères
et entre le ministère et l’extérieur, avec les parlementaires, les administrations, etc. Enfin, le
cabinet a une fonction politique, en gérant l’agenda du ministre. Au final, il va prendre en charge
les multiples tâches inhérentes à la vie de ministre.

La structure type est la suivante : il y a tout d’abord un directeur de cabinet, qui dirige et
coordonne l’activité des conseillers techniques et des chargés de mission entre lesquels sont
répartis les dossiers. Remarquons qu’il peut y avoir des chargés de mission « auprès du ministre »,
qui ne dépendent pas du directeur du cabinet. Vient ensuite le chef de cabinet, qui tient un rôle plus
politique, et qui gère la personne du ministre, ses déplacements, ses discours, ses réponses et les
relations avec la presse. Cette structure des cabinets ministériels comprend en moyenne une vingtaine
de personnes.
Cette structure a toujours été très critiquée en France, d’abord parce qu’on l’a accusé de
faire écran entre le ministre et les services et effectivement, beaucoup de tâches prises en charge
par le cabinet pourrait l’être par les services, sous la responsabilité des directeurs généraux des
services. Cette critique est récurrente.
De plus, cette structure des cabinets ministériels favorise certaines ambitions car il est un
tremplin, un accélérateur de carrière dont tire bénéfice ceux qui ont la chance de servir un
ministre influent ou ayant des ressources politiques importantes : c’est la pratique des testaments
ministériels qui a été interdite mais qui subsiste inévitablement car on sait bien quelle est la durée de
vie probable d’un ministère et d’un ministre, et les nominations se font maintenant avant le départ du
ministre.
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Au final, le cabinet ministériel fait de la politique, même s’il est sociologiquement


administratif ; cette hybridation a aussi des avantages : c’est l’interpénétration progressive des
deux champs.

- Le secrétariat général du ministère.

Cette institution est beaucoup moins connue, et a suivie une évolution en dent de scie…
Ils sont aujourd’hui rétablis dans tous les ministères. Le secrétaire général du ministère coordonne
les services administratifs du ministère. Il y a cependant plusieurs variantes en pratique. Ce qui
correspond vraiment à l’appellation, c’est quand le secrétaire général coordonne l’ensemble des
services du ministère. Cette fonction a été ensuite supprimée dans la plupart des cas parce qu’au
fond, il y avait une sorte de redondance avec le directeur de cabinet. Seul celui du ministère des
Affaires Etrangères a demeuré dans le temps. Il existe aujourd’hui deux cas de figures : le
secrétaire général peut regrouper un bloc de service identifié, et est alors une sorte de sous-
secrétaire d’Etat. Dans le ministère de la Défense, il y a le cas particulier du secrétaire général
pour l’administration, et un autre avec le délégué général pour l’armement (DGA).

A coté des secrétaires généraux, il existe le poste de directeur d’administration centrale,


dont on parlera plus tard.

- L’inspection générale.

L’inspection générale, lorsqu’elle existe, est rattachée directement au ministre. Il s’agit


d’un corps de hauts fonctionnaires qui a plusieurs tâches. Il contrôle les services, de manière
interne au ministère. Il y a aussi une fonction d’études et d’évaluation des services. Cela peut s’inscrire
dans le cadre de missions régulières ou aussi dans le cadre d’enquêtes ponctuelles à la demande du
ministre.
L’inspection générale ne prend pas de décision, ce n’est pas de l’administration active,
mais elle soumet des propositions au ministre, auquel il donnera ou non suite. Sociologiquement,
les membres des inspections générales sont souvent d’anciens fonctionnaires reclassés depuis les
cabinets ministériels, au titre de récompense et en raison de leur expérience.

b. Les services administratifs : la bureaucratie.

Ce second cercle reprend des éléments du premier puisqu’on y retrouve par exemple les
directeurs d’administration centrale. Les directeurs d’administration centrale se distinguent des
directeurs généraux car ils disposent de services déconcentrés (sauf exception lorsqu’on a voulu
donner une importance particulière à une direction en la nommant direction générale alors qu’elle
n’avait pas de services territoriaux).
Ils sont au total entre 350 et 400 et comptent parmi les plus hauts fonctionnaires de l’Etat.
Ils sont nommés par décret en Conseil des ministres et occupent des emplois à la discrétion du
gouvernement, dont ils peuvent à tout moment être déchargés. Ils sont en effet nommés « intuitu
personae » le plus souvent pour un emploi fonctionnel (en général, un directeur d’administration
centrale reste 3-4ans en poste)
A coté d’eux on trouve des chefs de service ayant des fonctions équivalentes mais dont les
services ne sont pas suffisamment importants pour être nommé directeurs d’administration
centrale.

Sous l’autorité du directeur d’administration centrale, on trouve des sous-directeurs et des


chefs de bureaux. C’est au sein de ces bureaux qu’on trouve une cohérence dans le travail
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administratif.
Ces services de l’administration centrale se prolongent et se complètent sur le plan
territorial par des services déconcentrés nombreux et divers à propos desquelles on peut tracer
quelques tendances générales : depuis les années 1960 ils sont progressivement regroupés sous
l’égide d’un seul directeur (départemental ou régional, ou les deux)
Ce mouvement a commencé dès 1964 avec les DDASS puis avec les services de l’agriculture
et surtout les DDE qui sont les services déconcentrés les plus puissants. On a réaffirmé des
procédures de coordination en plaçant les services déconcentrés sous l’autorité du préfet pour
lutter contre la tendance au cloisonnement administratif (qui voulait que les services déconcentrés
entrent en relation direct et exclusive avec leur ministère) qui gênait la coordination des politiques
locales (comme par exemple la politique de la ville fait affaire à des savoir-faire de différents
ministères : intérieur, culture, affaires sociales, équipement...)
Ainsi, en 1964 il a été posé en règle que les courriers entre administration centrale et
services déconcentrés devaient nécessairement passer par la préfecture. De plus, toute réunion ou
comité interministériel dans le département devait être présidée par le préfet. En outre, celui-ci reçoit
un pouvoir hiérarchique sur les chefs de services (c’est l’exemple du pouvoir de notation) Enfin, les
délégations de pouvoir consenties par les ministres dans le cadre de mesures de déconcentration
territoriale devaient d’abord passer par le préfet qui peut soit garder ces compétences, soit les déléguer
à son tour.
Néanmoins, les compétences du préfet ne sont pas absolues : il ne dispose pas des moyens
administratifs suffisant pour exercer l’ensemble de ces prérogatives. Il est obligé de faire
attention à la tentation des ministères à agir verticalement sans passer par lui (avec par exemple
le circuit du courrier officiel est souvent court-circuité grâce aux nouveaux moyens de
communication, comme le Fax...)

2) Les tendances actuelles dans la structuration des ministères.

a. Une tendance à la complexification.

On abordera deux grands mouvements. Au sein de chaque ministère, une tendance à


l’augmentation des services et des directions

Au sein des directions, on voit apparaître de véritables cabinets administratifs auprès des
directeurs d’administration centrale qui viennent encore compliquer l’organigramme. Ce
mouvement est une réaction des directeurs d’administration centrale eux même face à la montée
en puissance des Cabinets ministériels : ceux-ci, petit à petit, une fois les réformes prévues par le
ministre achevées ou annulées ont tendance à s’immiscer dans les fonctions de gestion quotidienne
des directions centrales.

b. Une tendance à l’instabilité de l’administration.

La simple lecture du J.O indique les réformes incessantes dans l’organisation de


l’administration centrale. Mais, cette instabilité est variable selon les ministères : elle est
maximum pour les récents dont la sphère de compétence n’est pas encore bien fixée ; elle est
minimale pour les grands ministères régaliens. Mais, même ces derniers sont touchés par ce
mouvement comme le montrent deux exemples :

Le ministère des affaires étrangères a longtemps été découpé en trois grandes directions. Mais
cela empêchait d’avoir une vision harmonieuse dans les relations bilatérales. De plus, s’ajoute à cela le
problème de la construction européenne. Depuis, 15 ans, on a tenté de résoudre le problème.
Aujourd’hui, sous l’égide du secrétaire général, on a des directions par secteurs de compétence
auxquelles s’ajoutent des directions par secteurs géographiques.
Le ministère de l’agriculture a connu dans les années 1960 un profond bouleversement
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traduisant le passage d’une économie rurale traditionnelle et essentiellement nationale à une


agriculture beaucoup plus tournée vers les filières industrielles et où les choses se traitent surtout au
niveau européen. La réforme a consisté à restructurer l’organisation autour de trois grandes idées : les
hommes, l’espace, les produits.

Certaines réformes visant une rationalité dans l’organisation sont affectées par le poids des
considérations politiques. Par exemple, dans les années 1970, le ministre de l’éducation nationale (Mr
GUICHARD) veut moderniser l’organisation de son ministère. Il confie cette tâche à un cabinet de
consultant qui propose une distinction entre des directions d’objectifs et des directions de moyens avec
des réunions entre les directeurs pour homogénéiser le tout. Mais cette réforme est immédiatement
remise en cause et le ministre va revenir à l’organisation traditionnelle.

II. Le travail gouvernemental.

A. Principe et procédure.

Le travail sous l’angle des politiques publiques, est essentiellement marqué par la
recherche de la cohérence et par la notion d’arbitrage. Il s’agit d’organiser l’inter ministérialité,
c’est-à-dire de faire travailler ensemble et de manière coordonnée des ministres ayant des objectifs
différents :

1) L’insistance du Premier ministre quant à l’objectif de coordination : inter ministérialité


et arbitrage.

a. Les directives du Premier ministre.

À la formation de chaque gouvernement, chaque membre reçoit comme « cadeau de


naissance » une directive du Premier ministre expliquant la façon dont il entent diriger son
équipe. Elles insistent en général sur la nécessité d’une cohérence dans l’action gouvernementale.

ROCARD en 1988 avait élaboré une directive dans laquelle il incitait les membres du
gouvernements à remettre à son cabinet et au secrétariat général du gouvernement avant toute
réunion interministérielle un dossier contenant les objectifs fixés avec leurs conséquences
chiffrées et les éventuels points de désaccords avec les autres ministres.
JOSPIN en 1997 a affiché les mêmes intentions en vue d’assurer une harmonie
gouvernementale en invitant les ministres à trancher entre eux leurs divergences sur des
questions de moindre importance

Le problème, c’est qu’après un démarrage vertueux ces intentions sont progressivement


abandonnées.

b. Les techniques pour assurer la coordination ministérielle.

L’inter ministérialité repose d’abord sur les possibilités de communication directe entre
les membres de l’équipe gouvernementale et donc sur une série d’échanges informels, de
concertations, entre les ministres ou les directeurs de cabinet : c’est le téléphone
interministérielle, avec des numéros simplifiés. Chacun des ministres peut avoir accès aux autres
membres de l’équipe. Les accès directs sont en nombre limité mais cet accès existe. Il y a aussi
accès à un autre réseau, le Régis, qui permet d’avoir le contact immédiat avec les représentants
en province : préfets, recteurs et directeurs de service déconcentrés.
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A côté de ces relations quotidiennes plus ou moins denses, il existe comme modalité toute
une série de réunion interministérielle qui font la vie quotidienne des gouvernements. Ce sont ces
réunions qui constituent la réalité ; elles sont plus ou moins nombreuses et ont tendance à augmenter
en nombre sous l’effet de la complexité croissante des décisions, et elles sont de plusieurs natures.
D’abord, elles se différencient en fonction de leur statut, définie par la qualité des personnes qui
y participent. C’est ainsi qu’on distingue les conseils interministériels, auxquels participe le Premier
ministre et parfois le Président, ou leurs représentants et les comités interministériels qui ne
réunissent que des ministres. Les simples réunions interministérielles sont des réunions sans
présence de ministres.
Surtout, on peut distinguer entre les réunions ou conseils qui ont un caractère plus ou moins
permanent, ou en tout cas récurrent, et les autres. Un certain nombre de ces réunions sont prévues
par des textes qui organisent selon des rythmes variables la tenue de ces instances, par exemple
le comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire se réunit
régulièrement, tandis que d’autres réunions ont un caractère plus ponctuel et sont provoqués en
temps de besoin et réunissent les personnes concernées en fonction de la nature du texte. Ces réunions
aboutissent à une concertation, à un accord, qui est le plus souvent difficile à obtenir, chacun
défendant son point de vue, il y a débat et ce débat ne se conclut pas toujours, loin sans faut, par un
compromis accepté par tous. Dès lors, l’essentiel du processus de décision est constitué par l’arbitrage
du premier ministre.
Ces arbitrages sont consignés dans un document bleu (on parle de « décision bleuie » ou
de « bleu ») définitif, sauf si un ministre essaie de faire appel de cet arbitrage auprès du
Président de la République. Ces arbitrages sont l’expression du travail gouvernemental et un temps
de plus en plus important est consacré aux réunions interministérielles (elles sont entre 1000 et 1500
par an) Elles expriment le souci de Matignon d’affirmer son autorité sur la marche
gouvernementale (et ce particulièrement en période de cohabitation)

2) L’adaptation gouvernementale à la construction européenne.

Le mécanisme d’adaptation exigé par la construction européenne est marqué en France


par la primauté de l’exécutif et par l’importance de la notion d’arbitrage du Premier ministre :

a. La primauté de l’exécutif.

Dans les réunions interministérielles préparant les grandes décisions, on trouve toujours
des représentants du Premier ministre (car c’est à lui qu’est rattache le secrétariat général du
comité interministériel pour les questions de coopération économique européenne : le SGCI)
ainsi que des conseillers spéciaux du Président chargés de préparés les grandes conférences
diplomatiques.
Le Parlement est par contre dans une position marginalisée car les délégations parlementaires
ont seulement pour objet d’informer les assemblées des textes émanant des institutions
communautaires (une circulaire de 1994 imposant au gouvernement d’informer l’assemblée nationale
avant de se prononcer sur un texte communautaire) Malgré cela, l’essentiel se passe au niveau de
l’exécutif, ce qui se marque par un renforcement de la procédure de l’arbitrage du Premier
ministre.

b. Le renforcement de l’arbitrage du Premier ministre.

Le gouvernement se force à adopter une position unique sur les grandes questions
européennes. C’est en 1948 qu’a été créé le SGCI pour harmoniser les positions entre ministre
des affaires étrangères et ministre de l’économie concernant la répartition de l’aide
MARSHALL.
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Il dispose aujourd’hui d’environ 150 collaborateurs et est directement rattaché au Premier


ministre. Il a pour tâche de convoquer les réunions interministérielles et de préparer le Conseil
des ministres sur les questions européennes. Il organise ainsi dans sa fonction d’arbitrage et de
coordination une moyenne de 8 réunions par jour. Une fois l’arbitrage rendu, il transmet les
instructions du gouvernement à la représentation permanente auprès de l’Union européenne.
En sens inverse, il reçoit les informations transmises par cette représentation permanente
et les diffuse aux intéressés. Enfin, il assure le suivi des rencontres entre les administrations
nationales et les services de la commission européenne pour la mise en oeuvre des décisions
communautaires dans le droit interne (le problème est que pour cela il dispose de moyens limités).

Les ministres se sont aussi adaptés à la construction européenne en mettant en place des
cellules de coordination qui sont chargées de produire les arbitrages interministériels entre les
différents services.
Néanmoins, ce sont le ministres des affaires étrangères et le ministre pour les affaires
européennes qui ont le plus vocation à intervenir dans les questions européennes. Le premier a
opéré en 1993 une réorganisation interne pour intégrer la dimension européenne dans son
fonctionnement en créant deux postes de secrétaires généraux adjoints dont l’un est plus
particulièrement chargé des questions européennes.
Il dispose en outre de la coopération du second qui est en principe placé sous son autorité (sauf
deux exceptions avec DUMAS puis CRESSON à la tête du ministère des affaires européennes,
rattachés directement à MITTERAND)
L’essentiel de ce dispositif a ainsi pour tâche principale d’obtenir une position unique à
transmettre à la représentation permanente à Bruxelles.

B. Présentation du principe hiérarchique.

La traditionnelle centralisation du pouvoir a donné à ce principe une force particulière. Il


s’agit d’un principe général de répartition des tâches (« les idées générales doivent partir du
centre » selon Louis Napoléon BONAPARTE) qui se traduit par un certain nombre de pouvoirs
reconnus au supérieur hiérarchique. Ceux ci sont organisés selon une cascade de responsabilités.
Le ministre dispose ainsi de trois moyens pour affirmer son autorité :

1) Le pouvoir réglementaire.

C’est le pouvoir réservé à certaines autorités autres que parlementaires de prendre des
décisions exécutoires à caractère générales et impersonnelles. Cela constitue un pouvoir normatif
puisqu’il s’agit de l’édiction d’une règle de droit. Il se distingue des décisions individuelles qui
sont souvent des mesures d’application des normes. Etant créateur de droit, le pouvoir
réglementaire est donc très important, c’est pourquoi il est à ce titre réservé à certaines autorités. Il
convient à ce sujet de distinguer si il s’agit d’un pouvoir réglementaire général ou spécialisé :

a. Le pouvoir réglementaire général.

Le pouvoir réglementaire général appartient à un très petit nombre d’autorité : il est en


principe réservé par la constitution au Président de la République et au Premier ministre :

•selon l’article 13 de la Constitution le président signe les décrets pris en conseil des
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ministres. Il peut aussi, pendant une période d’application de l’article 16 prendre des
mesures à caractère réglementaire.

•selon l’article 21 de la Constitution, la compétence réglementaire de principe


appartient au Premier ministre.

b. Le pouvoir réglementaire spécialisé.

Ainsi, les ministres n’ont qu’un pouvoir réglementaire limité qui s’exerce dans deux
hypothèses seulement : lorsqu’un texte prévoit cette compétence pour un domaine particulier et
même en l’absence de texte chaque ministre dispose d’un pouvoir réglementaire pour
l’organisation interne de son ministère (C.E.1936 « JAMART »)
Néanmoins, dans la pratique, le pouvoir réglementaire des ministres est étendu : tout
d’abord parce que les textes lui attribuant un pouvoir réglementaire ont été édictés en nombre,
ensuite parce que c’est souvent le ministre ou ses services qui préparent et instruisent des textes
qui sont de la compétence formelle du président ou du Premier ministre.

Enfin du fait de la pratique des circulaires précisant la façon dont il faut entendre la
nouvelle disposition réglementaire et qui ont pris une valeur quasi-réglementaire car les services
ont pris l’habitude d’attendre la circulaire pour appliquer le texte lui même.

2) Le pouvoir d’instruction.

Il s’exerce par l’intermédiaire des circulaires, notes, instructions de services,


directives...dont la masse est considérable (plusieurs milliers de circulaires par an) :

a. Les circulaires.

Les plus importantes sont publiées au J.O, d’autres simplement au bulletin officiel, mais
la plupart ne sont pas du tout publiées. Juridiquement, la circulaire n’a pas forcément à être
connue par l’administré car elle ne créé pas de droit.
Mais, en réalité, il est parfois nécessaire d’y remonter pour comprendre les choses. De
plus il faut en fait distinguer les circulaires interprétatives qui ne créent pas de droit, des
circulaires réglementaires qui créent du droit et qui sont donc susceptibles d’être attaquées
devant le tribunal administratif (ainsi les ministres n’échappent pas aux recours en qualifiant
abusivement un règlement de circulaire)

b. Les directives.

C’est une notion intermédiaire entre règlement et circulaire. Elles sont utilisées lors de
l’application d’un pouvoir discrétionnaire pour donner des orientations concrètes.

3) Le pouvoir de correction.

Le supérieur hiérarchique a un pouvoir de correction sur les notes de ses subordonnés. Le


supérieur peut refaire un acte qu’il estime avoir été mal fait. Il existe des controverses juridiques à
son propos. Il faut distinguer deux hypothèses :

a. Le pouvoir de substitution.
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Dans ce cas, le supérieur constate que le subordonné n’a pas agit et il prend la
compétence à son compte

b. Le pouvoir de réformation.

Dans ce cas, le supérieur demande au subordonné de refaire un acte qui a été mal fait ; là
encore, on peut subdiviser à nouveau : la réformation peut être soit la demande d’annulation de
l’acte, soit la réfection de l’acte en question.

Ce pouvoir de correction du supérieur hiérarchique est sérieusement contestée par la


doctrine administrative et par le juge ; on estime que le pouvoir de droit commun du supérieur
hiérarchique est en partie limitée par le principe de légalité, de soumission à la règle de droit. Le
supérieur hiérarchique peut contrôler la régularité, la conformité à la hiérarchie des règles, de l’acte de
son subordonné mais il ne peut en aucune manière faire prévaloir sa volonté sur celle du
subordonné sauf dans les cas où un texte explicite lui confère cette possibilité.
En dehors de ces dispositions, le supérieur serait cantonné à un contrôle de pure légalité. Si
l’on regarde cette interprétation avec les cadres d’analyse de la sociologie, on se rend compte
alors que le supérieur hiérarchique exerce une compétence et non un pouvoir. Il n’y a pas de
liberté d’appréciation du supérieur hiérarchique. C’est un principe général en fait, qui s’appliquerait à
ce cas précis. Cela se base sur un certain nombre de décisions jurisprudentielles qui estime que ce qui
intervient dans le cadre de la substitution, c’est que le supérieur ne peut pas révoquer librement les
sujets dont le subordonné a la charge.
Certains arrêts du Conseil d’Etat disent explicitement que le fait pour un supérieur de
s’associer ou de participer à l’exécution de l’acte relevant de la compétence du subordonné
n’entache pas cet acte d’illégalité (arrêt SICARD, de 1962) La simple association est différente
de la substitution.
Dans le cas de la réformation, le supérieur peut demander le retrait ou la modification
d’un acte illégal mais il ne peut imposer un changement d’interprétation à son subordonné. En
fait, le pouvoir du supérieur hiérarchique est beaucoup plus limité que l’on pourrait le penser.
Cela dit, on remarque que droit et pratiques entre le supérieur et le subordonné sont différents. Le droit
fait abstraction du contexte dans lequel s’inscrivent ces relations juridiques ; or, ce contexte est bien
celui d’une domination du supérieur sur le subordonné, qui résulte des dispositions du statut de la
fonction publique qui prévoit que d’une façon générale, le fonctionnaire responsable de la marche
d’un service est également responsable à l’égard de ses chefs de l’autorité qui lui a été conféré et
à l’égard des ordres qu’il lui ont été donné.
Cela se traduit en fait par le fait pour le supérieur de noter le subordonné et ainsi
d’influer sur la carrière de ce dernier. Le subordonné va donc chercher à donner satisfaction à son
supérieur et sera sensible aux remarques, aux critiques de son supérieur. Il est généralement tenu
d’obéir aux ordres, sauf dans des situations très particulières où l’ordre qu’il reçoit serait
manifestement illégal et porterait attente aux droits et libertés des agents de la fonction
publique, cas dans lequel il ne doit pas l’exécuter et dénoncer cela. Le supérieur a par ailleurs un
très grand nombre de possibilités d’encadrement de l’action des subordonnés, en particulier le
procédé de l’acte type. On retrouve la logique de ce qui existe en matière de directive : cela
consiste par le sommet à énoncer, élaborer, pour une certaine catégorie de décisions ou
d’actions, un document de référence fixant jusque dans le détail le contenu des décisions à
prendre. Cela n’est au fond, juridiquement, qu’une indication donnée aux agents de la hiérarchie
administrative, qui ne sont pas obligés de s’y conformer, mais qui le font dans la pratique. Il faut en
fait disposer d’arguments très précis pour déroger à ces actes types. C’est un moyen détourné pour le
supérieur hiérarchique d’imposer ses vues, ses conceptions hiérarchiques. Il est finalement très rare
que des agents de la fonction publique se rebellent même s’ils désapprouvent le contenu des
décisions prises. On voit combien on a de mal à démêler les chevaux de la hiérarchie et des
responsabilités de l’administration française. Dans des cas particuliers, cela peut déboucher sur
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des affaires célèbres et dérangeantes, comme par exemple l’affaire PAPON, c’est-à-dire
l’appréciation des responsabilités d’un secrétaire général adjoint de la préfecture de la Gironde,
lors des déportations de juifs vers les camps nazis. PAPON n’était qu’un adjoint, il n’avait pas la
haute main sur l’ensemble de la chaîne de décision et le procès a porté sur le degré
d’affranchissement qu’il aurait du adopter à l’égard de Vichy. Mais, d’une part, il y avait cette
notion de subordination et d’autre part la question de savoir jusqu’à quel point un fonctionnaire
peut-il faire du zèle dans l’exécution de services sur lequel il ne se prononçait pas. Cela est très
révélateur de la difficulté de juger la part de responsabilité de chacun dans l’administration française.

III. La déconcentration.

La France est caractérisée par une très grande centralisation. Ce principe a sa


rationalité, sa justification. L’Etat central reste la colonne vertébrale de l’administration. La
centralisation a cependant été mise en cause par sa propre hypertrophie. L’obsession de la
centralisation a conduit à deux dérives préoccupantes pour l’efficacité de l’action publique. Pour
produire des biens publics. Or, trop de centralisation pose le problème de l’efficacité, car le centre
se trouve engorgé, englué, dans une multitude de décision qui vont le distraire de sa tâche
principale qui est de concevoir des politiques publiques et d’autre part parce que les échelons
territoriaux vont avoir tendance à ne pas réfléchir sur leurs actions et à essayer de prendre les
meilleures décisions. Dans les travaux sur la déconcentration et la décentralisation, des exemples
abondent.
En 1933, le Président de la République a signé un décret autorisant la construction d’un
poulailler de trois mètres de long le long d’une voie ferrée !
De même, un sanatorium à la Réunion a du être détruit et reconstruit avec une orientation
inversée…parce que le ministère parisien avait imposé des plans types…alors que la Réunion se situe
dans l’hémisphère sud, ce qui inverse l’orientation du soleil. Cela a été permis par la
déresponsabilisation des administrations locales.
Ces exemples très concrets ne datent pas d’aujourd’hui et la prise de conscience de cette
hypertrophie est très ancienne. On essaie d’y remédier en préconisant une déconcentration qui
est au fond un aménagement de l’organisation centralisée, s’efforçant de mieux répartir les
responsabilités tout au long de la chaîne de décision. Cette déconcentration, qui concerne
principalement les compétences, elle se prolonge par des tentatives également pour mieux répartir
physiquement, géographiquement, les administrations de l’Etat. C’est-à-dire pour essayer d’implanter
en dehors de la région parisienne un nombre conséquent de services administratifs, même si ces
services restent des administrations centrales, des services nationaux. Il n’y a aucune nécessité
qu’une administration centrale soit parisienne, cela relève plus de l’usage, de l’habitude. C’est la
double question que nous allons aborder : celle de la déconcentration des compétences et celle des
transferts de services, qui sont deux formes d’aménagement du principe de décentralisation qui
rencontre des difficultés de mise en place.

A. Les Vicissitudes de la déconcentration.

En France, il y a une distinction très classique entre la décentralisation, concept universel,


et puis la déconcentration, terme plutôt spécifique à la France, et même à l’administration
publique française. On peut remarquer que ce terme de déconcentration n’est guère connu par
les systèmes juridico administratifs étrangers, comme en Allemagne ou dans les pays Anglo-
saxons.
Cela est aussi propre à l’administration, car les entreprises parlent de décentralisation.
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Cette distinction est relative, elle n’a pas toujours existé. D’ailleurs le problème est identifié
depuis de second empire, soit le milieu du XIXème siècle, mais on ne parlait que de décentralisation, en
confondant les deux termes ou en en employant l’un pour l’autre.
Le premier texte officiel parlant de cela est un décret signé en mars 1852 par Louis-Napoléon
BONAPARTE, qui énonce l’idée principale en matière de déconcentration dans l’exposé des
motifs: on administre mieux de près que de loin…parle de décentralisation. « Depuis la chute de
l’empire, des abus et des exagérations de tout genre ont dénaturé le principe de notre
administration publique[…]on n’administre bien que de près[...]Il faut donc décentraliser l’action
administrative » Aujourd’hui et ce depuis un éminent juriste membre du Conseil d’Etat, Léon
AUCOC a inventé ce terme en 1965, terme qui va devenir tout à fait consacré pour désigner des
transferts de compétence des autorités centrales de l’Etat vers les agents locaux de la même
autorité étatique. On fait descendre la compétence le long de la même chaîne hiérarchique et on ne
transfère pas cette compétence à une autre personne publique de l’Etat alors que la décentralisation
consiste en un transfert de l’Etat central et centralisé à des autorités locales élues représentant
des personnes publiques distinctes.
Si AUCOC et un certain nombre de libéraux était pour cette différenciation, c’est pour
distinguer les simples déconcentrations, qui ne portent pas atteinte au poids du pouvoir central,
des décentralisations qui affaiblissent ce pouvoir central.

On prend très vite conscience de la nécessité de la déconcentration et des mesures


interviennent assez précocement et se succèdent de façon quasi ininterrompue, quel que soit le régime
politique du moment ; on va donc déconcentrer sans interruption.
Dans ce foisonnement de mesures de déconcentration, il faut distinguer deux grands types
d’actions, avec d’un côté des mesures très nombreuses mais dispersées, disparates, et mineures, qui
procède à des déconcentrations multiples mais qui reste sans incidence. Pour ne prendre qu’un
exemple, dans une étude du comité sur le coût et le rendement des services publics, la déconcentration
est étudiée sur huit ans pour le ministère de l’Education Nationale : il y a 219 textes de
déconcentrations mais cette déconcentration est sans importance car on n’a déconcentré que des
mesures sans véritables portées, comme au milieu des années 1960, la déconcentration de pouvoir
prononcer la mixité des écoles, pouvoir que seul le ministre avait seul jusqu’en 1965. Cela s’est fait au
moment ou les associations de parents d’élèves se sont mises à penser que la mixité allait de soi…
Donc la mesure n’a eu aucune incidence. En fait, on déconcentre tout ce qui est superflu, ça ne
change pas la répartition réelle des responsabilités.

A côté de cela, il existe bien des politiques cohérentes, structurées, de déconcentration,


ayant une portée virtuelle conséquente et visant précisément à modifier l’équilibre des
responsabilités et des pouvoirs entre le centre et les périphéries. Dans les quarante dernières
années, plusieurs de ces politiques globales de déconcentration ont été mises en place.
La première date du gouvernement CHABAN-DELMAS, en 1970, dans le cadre d’une
modernisation de l’Etat et des services publics. Les décrets de 1970 viennent déconcentrer la
gestion des crédits d’investissement de l’Etat en quatre catégories : la catégorie 1 reste de la
compétence, mais les catégories 2, 3 et 4 vont être transférées aux autorités déconcentrées, en
l’occurrence aux préfets. Ces derniers vont donc recevoir dorénavant des enveloppes globales. Ces
décrets incluent un dispositif dit « anti remontée » pour limiter les retours vers les autorités
centrales.
La loi du 6 février 1992, dite ATR, complète ceci, avec un décret d’application du 1er juillet
1992, nommé : Charte de la déconcentration. On relance la déconcentration, 10 ans après la
grande politique de décentralisation de la gauche. La loi et le décret prennent une série importante
de mesures, dont des symboliques qui ne sont pas complètement négligeables, qui consistent à changer
le vocabulaire : c’était le service extérieur de l’Etat, ce sont les services déconcentrés, ce qui est
plus digne, plus noble. Ce qui est plus important, c’est que la charte renverse un principe de
répartition en énonçant un principe de subsidiarité tout à fait nouveau en droit français. On
pose que ce sont les administrations déconcentrées qui ont en principe les pouvoirs, sauf si on
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motive une décision de conserver ces compétences au niveau national, central. Jusque là, c’était
en fait l’inverse. Au final, même si un assez grand nombre de compétences, dont les plus importantes,
demeure au niveau du centre, ce qui est logique.
Si on fait le bilan de toutes ces mesures de ces politiques de déconcentration, on a
vraiment le sentiment qu’il faut sans cesse remettre ce travail sur le métier : les objectifs ne sont
jamais atteint ; le rééquilibrage des responsabilités reste toujours à réaliser. Il y a là une sorte de
petit mystère.
On trouve malgré tout des réponses. Il y a des explications et des raisons qui sont concrètes,
techniques. Si l’on prend l’exemple du décret de 1970, on s’est aperçu dans la mise en œuvre que
l’objectif poursuivi se heurtait à toute une série d’obstacles contre lesquels il était difficile de lutter.
Les enveloppes reçus par les préfets par exemple, n’étaient pas vraiment globalisées mais dont
les dotations restaient, dans le cadre de la logique budgétaire et conformément au droit, définis
par chapitres ministériels. Par ailleurs, de multiples dispositifs expliquaient la remontée d’une
certaine forme de remontée de décisions. Surtout, le climat hiérarchique, son contexte fait que
chaque fois qu’une mesure risque d’avoir une incidence politique, la responsabilité du ministre
fait qu’il a une capacité réelle d’évocation du dossier, qui aboutit à l’assujettissement de
l’autorité déconcentrée. C’est le ministre qui s’empare du dossier. Les administrations centrales
n’étant pas de plus très en faveur de la déconcentration, il est traditionnel qu’il y ait une grande
méfiance à l’égard de la déconcentration. Les agents s’accommodent de la couverture de
responsabilité que leur offre la centralisation….tout comme les organisations syndicales. Les déboires
de Claude ALLEGRE l’ont montré.

1) Les deux natures des politiques de déconcentration.

a. Politique de rééquilibrage mineure et superflue.

Elles sont alors purement techniques et visent à décongestionner le centre en le


déchargeant de compétences mineures. Elles ne s’inscrivent pas dans un projet cohérent : ce sont
des ajustements à la marge, sans incidences réelles sur le fonctionnement général du système.
Exemple, à la fin des années 1970, un organisme d’étude a analysé les mesures prises de 1960
à 1970 par le ministère de l’Education nationale. Plus de 200 textes de déconcentrations ont été
dénombrés. On fait passer du ministre au recteur le pouvoir de déclarer la mixité à l’école, mais dans
les 60’s, on ne fait déjà plus attention à la mixité. On prend acte d’une évolution naturelle.
Pourtant rien n’a changé, l’ensemble est toujours autant centralisé. C’est le superflu qui a été
déconcentré.

b. Les réformes qui s’inscrivent dans des politiques globales, cohérentes.

Celles-ci visent à modifier l’équilibre du système : les plus importantes sont :

• Les décrets de 1970 sous Chaban Delmas déconcentrent les crédits d’investissement de l’Etat
Ses deux décrets ont lieu en novembre et décembre 1970.

o Les investissements qui concernent les équipements publics sont réparties en 4


catégories : seule les crédits de la catégorie 1 restent de la compétence
nationale.

o les crédits de catégorie 2-3-4 concernent les crédits au pouvoir de décision. Ils sont
d’intérêt régional, départemental ou local : ce sont les préfets de département ou
de région qui sont compétents pour utiliser les enveloppes financières qui leur
sont distribuées. Les préfets de régions ont les crédits de la catégorie 2 et les
préfets de départements ont les crédits de la catégorie 3 et 4. Tous ses crédits
étaient gérés depuis en haut : désormais les préfets reçoivent des enveloppes de
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crédit. Leur tâche est de décider comment les utiliser. C’est une politique d’une
certaine ampleur car les investissements ont des effets d’entraînement sur
l’économie.

• La loi ATR (administration territoriale de la République) du 6 février 1992. C’est aussi


un principe général de déconcentration. Cette loi a été complétée par un décret du 1er juillet
1992 qui porte sur la chartre de la déconcentration. Cette loi a des conséquences importantes :

Sur le plan symbolique, elle introduit l’appellation de « services déconcentrés de l’Etat » (au
lieu de services extérieurs : comme si l’administration centrale serait dedans et les services
extérieurs dehors. Cela traduit le mépris pour les services non centraux). Cette nouvelle
appellation enlève la coupure originelle. Surtout, elle renverse le principe de la concentration des
responsabilités et pose la règle : « la déconcentration est la règle générale de répartition des
attributions et des moyens entre les différents échelons des administrations civiles de l’Etat »
(article 1er du décret). Ce décret introduit un nouveau principe de subsidiarité : les
administrations sont en principe cantonnées dans des attributions limitativement énumérées. Le
reste appartient en principe aux échelons déconcentrés. Le principe est la répartition des
attributions en faveur des services déconcentrés et par dérogation certaines compétences restent au
niveau central.
Néanmoins, les compétences des administrations centrales restent importantes :
l’organisation générale des services de l’Etat, détermination des objectifs des services
déconcentrés, définition des politiques nationales. Le texte de 1992 reconnaît que des
compétences importantes restent au niveau central. A ce titre, reste au niveau central :

• la définition et le financement des politiques nationales

• le contrôle de leur application

• l’évaluation de leurs effets

• l’organisation générale des services de l’Etat

• la détermination des objectifs des services déconcentrés

• la répartition des moyens alloués pour leur fonctionnement.

C’est à l’administration centrale de justifier pourquoi elle détient telle ou telle


compétence. Mais, ces mesures laissent un sentiment d’échec. On est déçu par le faible impact
que ses politiques de déconcentration ont provoqué. Aucun gouvernement ne se prive de la facilité
d’insister sur la nécessité de déconcentrer plus mais, dans le même temps, lorsqu’on interroge les
administrés on s’aperçoit qu’ils pensent toujours que l’Etat est trop lointain et que l’administration
centrale garde les responsabilités les plus importantes. Au delà de la difficulté avec laquelle ses
mesures ont pu être mises en œuvre, des effets disfonctionnels viennent affaiblir la
déconcentration et remettent en cause les perspectives initiales.

2) La déconcentration s’avère difficile pour plusieurs raisons.

a. Une très faible demande réelle de déconcentration.

La déconcentration et la décentralisation sont deux choses différentes. Personne ne souhaite


véritablement la déconcentration.
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IEP de Bordeaux, 3° année, 2006-2007

Les administrations centrales n’y sont pas très favorables : elles n’aiment pas se faire
dessaisir de leurs compétences. Ce sentiment est d’autant plus fort que les administrations centrales
se sentent laminées par l’européanisation et par la décentralisation. Elles sont donc peu
enthousiastes pour être affaiblies à l’intérieur même du système administratif. Elles tentent donc
de freiner le mouvement.
De plus, les services déconcentrés sont eux même peu demandeurs car il y a un certain
confort à s’abriter derrière la centralisation. Et en même temps, on peut se valoriser en prenant de
la distance avec la politique de Paris quand c’est possible.
Ensuite, il y a très peu de demandes de la part des partenaires sociaux car les négociations
collectives centralisées leur donnent plus de poids. Les organisations professionnelles et syndicales
sont farouchement opposées à la déconcentration car ils sont puissamment organisés au niveau
national.
Enfin, les citoyens, les usagers, administrés ne sont pas non plus très demandeurs : c’est
très technique. Le recours à l’administration centrale apparaît comme une certaine culture. Pour
CROZIER : les français ne sont pas prêts à supporter le montant d’autorité nécessaire pour assurer
une action collective. Les français préfèrent que la décision soit lointaine, anonyme et centralisée.

b. L’inefficacité réelle de la déconcentration.

Le politique ne va pas au terme de la logique de ce qu’elle devrait être. La


déconcentration se heurte à des effets de système empêchant de produire les effets bénéfiques
qu’on espère.
Par exemple, concernant la réforme de 1970 sur la répartition des crédits, le Préfet est
quand même limité par une catégorisation préétablie, puisque le ministère, quand il attribue son
budget, le fait par secteur (tant pour l’éducation, tant pour l’agriculture…). Sa marge de
manœuvre est donc limitée et il aurait fallu accompagner cette réforme d’une modification de la
nomenclature du budget. Le préfet est déjà cantonné dans une catégorisation préétablie : il doit
dépenser tant pour l’éducation, tant pour l’agriculture…

Lorsque l’on déconcentre qu’à moitié, on ralentit le processus de décision. En terme


financier, c’est un coût supérieur. L’administration n’est pas meilleure mais plus lente et plus
coûteuse. Cela va à l’encontre des objectifs poursuivis.

c. Il est difficile de savoir ce qu’est réellement la déconcentration.

C’est une technique utilisée selon les cas comme substitut ou complément à la
décentralisation et d’autre part, elle se présente comme un instrument de modernisation de l’Etat.
D’où une certaine confusion sur le terme de déconcentration :

Lorsque on entend déconcentration au sens propre, ces mesures restent exposées à des
phénomènes de remontée des dossiers importants au niveau central par le pouvoir d’instruction. Pour
lutter contre cela, il faut entrer dans une logique de décentralisation fonctionnelle de l’Etat.

D’autre part, cette logique verticale entre en conflit avec le 2 nd sens donné à la
déconcentration, qui consiste à réinventer des formes de régulation de l’action publique sur le
territoire : il s’agit de mieux traiter la gestion de questions horizontales mettant en cause plusieurs
ministères, ce qui nécessite une collaboration avec les collectivités territoriales. On a ainsi essayé de
mettre en place des pôles de compétences, mais cette démarche d’inter-ministérialité se heurte cette
fois aux résistances des ministères qui se refusent à la fusion de services déconcentrés au niveau
territorial.
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B. Les délocalisations administratives.

La problématique est ici la même : il s’agit de mieux organiser l’action publique et les réseaux
de l’administration sur l’ensemble du territoire. Il n’y a en effet aucune raison pour que les
administrations publiques, y compris les administrations centrales, soient toutes concentrées à Paris :
en effet, ce qui définit une administration centrale, c’est sa zone de compétence nationale, et non son
implantation géographique.
De plus, il est évident que l’excessive concentration des administrations publiques dans la
capitale induit des inconvénients tant au niveau des services que des personnes.
La DATAR (crée en 1963) mène une politique volontariste d’aménagement du territoire
pour mieux répartir les services nationaux.
C’est pour lutter contre cette tendance à la concentration administrative, caractéristique de la
France, que depuis 30-40 ans, des programmes de délocalisation des administrations centrales sont
menées par le CIADT (comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire) et
relancées périodiquement (cf. CRESSON avec l’ENA). Mais ces mesures rencontrent des
difficultés, le plus souvent dues aux caractéristiques même des décisions qui sont souvent
autoritaires, arbitraires, inattendues et parfois même maladroites :
La décision est souvent décrétée sans concertation par le CIADT car pour les experts, la
concertation entraînerait l’échec (du fait par exemple de l’opposition du personnel qui
n’envisage pas de déménager)

Enfin, si les délocalisations administratives répondent à des préoccupations de répartition


équilibrée des administrations sur l’ensemble du territoire, elles se heurtent souvent à la perception
même des gens pour qui la concentration à Paris apparaît en France comme normale.
Ainsi, les délocalisations sont elles difficiles à mettre en oeuvre : elles s’étalent souvent
sur plusieurs années, elles sont parfois abandonnées même si elles sont avancées, ou tout du
moins remises en cause. Ses politiques sont coûteuses pour l’Etat en énergie et en mesure
d’accompagnement économique. Il faut donner des compensations suite à des négociations
longues. Surtout quand on revient en arrière…On assiste ainsi parfois à des tentatives de retour en
région parisienne : par exemple, l’ENM, transféré dès les années 70 a vu à plusieurs reprises des
tentatives de retour vers Paris envisagées. De même, la délocalisation de l’ENA à Strasbourg qui
devait être totale voit en fait un maintien des services administratifs à Paris. Cela implique un
dédoublement des services, des surcoûts inutiles... C’est pourquoi un retour définitif vers la capitale
est envisagé. Le cas des grandes écoles est ainsi révélateur de la prégnance des représentations dans ce
type de décisions : en effet, si la délocalisation pose des problèmes réels, aucun ne sont
insurmontables. Mais, le jugement vis à vis de ces délocalisations reste en fait indépendant des
effets directs des mesures : il se fonde sur des représentations qui envisagent mal l’implantation
de certaines administrations hors de la capitale. La France est ainsi le seul pays où une institution
de formation des élites a du mal à se concevoir en Province.

Dans ce type de politique, la maladresse vient s’ajouter aux problèmes déjà énoncés : dans
le cas de l’ENS, ou de l’ENM, il n’y a aucune raison, si ce n’est symbolique, pour qu’elles soient
situées à Paris. Mais pour l’ENA, c’est une aberration que de vouloir la transférer à Strasbourg.
En effet, elle a vocation à former les hauts fonctionnaires de l’administration centrale. Or Paris offre
justement la proximité avec ces administrations centrales. Cette délocalisation est d’autant plus
irrationnelle que BALLADUR a maintenu la localisation à Paris. CRESSON avait voulu y
donner une dimension symbolique, mais elle a agit brutalement car le conseil d’administration
de l’école n’a même pas été consulté. Ces politiques mal menées jettent le discrédit sur les
délocalisations administratives qui sont pourtant la plupart du temps rationnelles.
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Elle est souvent marquée par des considérations partisanes Les choix ne sont pas innocents
sur le plan politique. Le gouvernement a fait plaisir à ses ministres et à ses soutiens politiques. Pour
l’ENM : à Bordeaux quand MICHELET est Garde des Sceaux à la demande de CHABAN-DELMAS.
Ainsi, au total : résistances et maladresses ont entraînées des délocalisations mal vécues.

IV. L’administration territoriale de l’Etat.

Le préfet est apparu sous le Consulat (NAPOLEON) en remplacement des intendants de


l’Ancien Régime. Ils exercent une mission classique même si son image renvoie toujours à
l’image du préfet napoléonien (tend à amplifier son rôle et sa fonction). Ainsi, le titre préfet est
repris du droit public romain, la fonction est celle d’un relais du pouvoir central aux collectivités
déconcentrées. En 1982, son rôle a été grandement affaibli par les politiques de décentralisation :
mais cette fonction n’a pas disparu. Elle a connu une réorientation de ses fonctions au sein du
système administratif français.

A. Le préfet de département.

1) Le statut du corps préfectoral.

Caractéristiques : pendant longtemps il n’y a pas eu de statut du corps préfectoral jusqu’au


milieu du 20ème siècle. Les Préfets constituaient une foule solitaire, un ensemble d’individus et non un
corps dont chacun est en relation étroite avec le pouvoir politique. L’absence de statut signifiait que le
Préfet était un fonctionnaire politique nommé de manière discrétionnaire par le gouvernement qui
les choisissait très librement parmi des personnalités d’origine diverses mais fidèles. Il n’y a pas de
règles, sauf en 1905 (communication du dossier en cas de changement mais ceci s’applique à toute
l’administration).
En 1950, innovation : création d’un corps préfectoral, parallèlement à une
professionnalisation de la fonction, c'est-à-dire l’organisation d’une carrière dans laquelle on est
censé passer d’un emploi de sous-préfet à celui de Préfet (avancement). Cependant, ce corps reste
marqué par son origine et surtout par le caractère politique de la fonction. Le choix et les
obligations particulières portent la marque de cette politisation. Les sous-préfets peuvent avoir
différentes attributions (circonscription, secrétaire général de préfecture). Il est nommé par décret
du Président de la République parmi les sortants de l’ENA et d’autres sont choisis selon les critères
classiques d’entrée (un cinquième) dans la fonction publique. Le gouvernement garde cependant une
marge d’appréciation en la matière. Les sous-préfets et les Préfet ne disposent pas de tous les
droits de la fonction publique (liberté d’association, pas de droit syndical). Ils sont soumis à une
réglementation disciplinaire plus stricte. Les instances paritaires ne s’appliquent pas à la gestion du
corps. Un Préfet ne peut pas quitter son département sans autorisation du ministère de l’intérieur. Le
gouvernement doit savoir à chaque moment où sont les Préfets. Ce type de choix politique façon 19 ème
est exceptionnel aujourd’hui. Mais la compatibilité avec les orientations partisanes du
gouvernement est un critère indiscutable. Ils sont aussi gérés politiquement, étant déplacé d’un
département à l ‘autre pour des raisons d’opportunité. Le gouvernement n’a pas à justifier ses choix.
Un autre critère de nomination est par exemple la prise en compte des agréments formels des
notables locaux. Un Préfet combatif peut gêner un leader politique de l’opposition. Par exemple le
long tête à tête en le Préfet de Gironde Delaunay et Chaban-Delmas (complicité). D’ailleurs il est
anormal que le Préfet reste longtemps en poste dans le même département.

2) Les attributions du préfet.


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Nombreuses attributions : homme à tout faire de la République. Il intervient dans de


nombreux domaines, il a beaucoup de compétences.
Ses pouvoirs ont été réduits avec la décentralisation de 1982, il avait pour caractéristique
d’être titulaire d’un dédoublement fonctionnel, c’est-à-dire être agent et représentant de l’Etat
dans le département, et d’autre part être une autorité exécutive dans ce même département. Jusqu’en
1982, le président du Conseil Général n’est qu’un président de séance qui n’a pas de rôle exécutif. La
préparation du budget est dévolue au préfet.
La décentralisation de 1982 prive le préfet de cette fonction d’exécutif qui est transmis au
président du Conseil Général. C’est une perte de prestige, de compétences, de moyens, etc. …
Cependant, ses attributions restent considérables :

• attributions juridiques
• attributions administratives
• pouvoir de police
• rôle de conduite des politiques publiques surtout économiques.

Il a des attributions juridiques (représentation de l’Etat) : le préfet n’est pas le représentant du


ministre de l’intérieur, même s’il est géré par lui mais représente le gouvernement dans son
ensemble. C’est le dépositaire de l’autorité de l’Etat dans le département, c’est le délégué du
gouvernement et le représentant de chaque ministère. Il assure la mise en œuvre des décrets et
décisions du gouvernement. Ce rôle est facilité grâce aux moyens de communication immédiats. Il
informe le gouvernement de l’état de l’opinion au sein du département. Il dispose des RG. Il
représente l’Etat en justice : il intervient au nom de l’Etat devant les tribunaux pour en défendre
les intérêts. Même s’il perd son rôle d’exécutif, il dispose du contrôle administratif départemental :
c’est-à-dire du droit de déférer devant les tribunaux administratifs les décisions prises par les
collectivités locales et contraires à la légalité. Ce n’est plus une tutelle mais un contrôle de légalité a
posteriori.

Attributions administratives, il dirige les services de l’Etat dans le département. Les services
administratifs de l’Etat lui sont soumis : logique de spécialisation et de cloisonnement dans le but de
« marquer » son territoire. En tant que représentant de l’Etat, il a toujours la mainmise sur les
services administratifs. Il y a une technicité croissante après la deuxième guerre mondiale qui s’est
traduit par une automatisation des différents services qui avaient ignoré la préfecture. Le préfet
ignorait ce qui se passait : il y avait donc un problème de coordination de ces différents
administrations. A partir des années 60, on a voulu reconstituer le pouvoir de coordination du
préfet sur ses services. En 1964, on a voulu généraliser : on redonne au préfet les moyens de sa
prééminence. Les ministres avaient tendance à donner des délégations au préfet, qui pouvait soit
l’exercer, soit sub-déléguer aux directeurs départementaux. Il doit être informé de toute l’activité des
services départementaux de l’Etat. En 1964, il y a aussi l’obligation de faire transiter tout le
courrier par la préfecture, laquelle est donc tenue au courant. Toutes les réunions administratives
sont en principe présidées par le préfet, mais il peut déléguer cette présidence. Le préfet a un
pouvoir de notation et d’appréciation sur les chefs de service, mais il y a des services qui pour des
raisons particulières échappent au pouvoir de direction du préfet. Par exemple : la justice y échappe
en vertu de la règle de séparation des pouvoirs. De plus, il y a nécessité de conserver une autonomie
pour telle ou telle activité : par exemple, l’action éducative appartient aux recteurs d’académie. Idem
pour les établissements statistiques.
Il y a un problème dans la mise en œuvre. Le préfet n’a pas les moyens d’exercer un
contrôle effectif sur l’ensemble de la machine administrative. Le pouvoir de coordination s’exerce
bien au sommet, mais si on descend dans l’action administrative quotidienne, en vertu de leur
spécificité technique, beaucoup de services ne sont pas réellement contrôlés. La préfecture n’a pas
les moyens d’exercer un contrôle approfondi.
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Il a des pouvoirs de police : le préfet est une autorité de police. On définit la police comme
une activité de réglementation et de sanctions, afin d’assurer le respect de la réglementation. Il faut
distinguer police administrative et judiciaire, même si cette distinction est simple en théorie et
délicate en pratique. La police administrative aurait une portée préventive : prévenir les troubles
alors que la police judiciaire aurait une portée répressive : réprimer les infractions. Exemple de
l’agent de police (qui surveille le trafic : administratif, et sanctionne une infraction au code de la route:
judiciaire). Le préfet a longtemps été une autorité marginale de police judiciaire. Aujourd’hui, il a
un pouvoir important de police administrative : il est investi de deux grandes catégories de
compétences :
La police administrative générale : il est responsable du maintient de l’ordre dans le
département, soit en prenant des mesures au niveau de l’ensemble, soit en cas de carence des
autorités municipales se substituer au maire. Il est difficile en pratique de démêler les choses. Depuis
le régime de Vichy, les forces de police ont été étatisées : elles représentent un personnel de l’Etat
sous l’autorité du préfet et du maire. Elle est socialement plus assujettie à l’Etat qu’à l’autorité
municipale.
Les polices spéciales sont des polices qui s’attachent à la réglementation de certaines
activités particulières : exemple, polices de la chasse ou de la pêche, ou police des établissements
industriels, et c’est le préfet qui aura en charge ces pouvoirs spéciaux.
C’est la police administrative qui pendant longtemps jusqu’en 1997 avait un pouvoir de police
judiciaire… C’était choquant pour la séparation des pouvoirs.
Pendant longtemps, le préfet avait le droit de rechercher et de constater les crimes et délits
relatifs à la sûreté de l’Etat. Il avait le droit de faire des perquisitions, des arrestations, sous
réserve d’en aviser le procureur de la République, dans les 48 heures, en lui transférant les dossiers de
la personne considérée. Le préfet ne dispose plus de ce pouvoir qu’en cas d’urgence. C’est une
attribution contradictoire avec les principes de la séparation des pouvoirs. Pouvoir attentatoire à
la séparation des pouvoirs.

Quatrième attribution : il a un rôle dans la conduite et la mise en oeuvre des politiques


publiques et surtout économiques. Grande diversité des pouvoirs dans ce cadre. On citera seulement
deux types de compétences :
La mise en œuvre de la politique économique, le préfet intervient pour toutes les décisions
qui attribuent des aides aux entreprises. Il instruit les dossiers d’investissement de l’Etat, pour la
planification régionale dans le cadre de son département.
Fonction de contrôle de légalité sur les actes des collectivités territoriales : à partir de
1982, il n’a plus la faculté de donner une autorité préalable comme le maire. Ses contrôles sont
exécutoires, lorsqu’ils sont transmis au préfet. L’acte s’applique dès qu’il est transmis. Cela signifie
que l’on n’attend pas le visa du préfet. Si l’acte n’est pas conforme, le préfet peut intervenir : il
peut demander au maire par exemple de rectifier l’acte en conformité avec la loi. S’il refuse, le
préfet peut l’attaquer devant les tribunaux, en établissant un déféré électoral. Dans la pratique, il y
a un faible taux d’actes déférés. Cette faiblesse de déférés peut être interprétée sous deux angles
différents :

• Apprentissage de la légalité par les municipalités : c’est le point de vue optimiste.

• Point de vue plus pessimiste : les préfectures n’ont pas les moyens de contrôler en
profondeur les municipalités. Soit par les moyens soit pour ne pas entrer e conflit avec un
élu important.

Le nombre d’actes déférés est très variable d’un tribunal à l’autre. Statistiquement, on devrait
avoir des contingents de déférés électoraux comparables d’un département à l’autre, mais tout
dépend du mode de relations qu’établissent le préfet et les municipalités.

B. Les collaborateurs du préfet de département.


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Il en existe deux sortes, les préfectures et les sous préfectures.

• Sous préfectures :

Le département est divisé en arrondissements, chacun étant le siège de la sous préfecture.


Le sous préfet est un collaborateur direct du préfet, il est sous son autorité. Il intervient par
délégations dans un certain nombre de secteurs imprécis. L’image véhiculée par le sous préfet « aux
champs » (c’est-à-dire n’ayant rien à faire) a été vérifiée. Il n’avait qu’un rôle de conseil des élus
ruraux, un rôle flou et informel.
Entre 95 et 97 les choses ont changé avec les lois Pasqua et Voynet mettant en place les pays.
On a promu l’idée d’un sous préfet aménageur développeur, un rôle d’impulsion des politiques de
développement économique local pouvant aller jusqu’à la création d’un pays. Son rôle est donc
nettement réaffirmé. Pourtant ils n’ont pas assez de moyens. Le personnel est réduit, les logements
de fonctions ne sont plus très intéressants. Il y a une hiérarchies des sous préfectures au point que
certaines d’entre elles sont l’équivalent d’une préfecture (Pas de département Basque donc la sous
préfecture de Bayonne est une quasi « préfecture du département basque »)

• Préfecture

Dans la préfecture elle-même, des sous préfets constituent de véritables collaborateurs.


o Dans certains départements, le préfet a pour autre collaborateur un autre préfet, celui-là
chargé de la sécurité, par exemple, pour les départements les plus importants.
o Lorsqu’il y a deux sous préfets, l’un devient secrétaire général de la préfecture
(gestion des compétences administratives du préfet); l’autre étant directeur de cabinet
du préfet (rôle des affaires politiques, affaires à caractères confidentiels).

C. Le préfet de région.

En France, le préfet de région est en même temps préfet du principal département de la


région. Le préfet de la région Aquitaine est aussi celui de la Gironde.
C’est un personnage tout récent, et a un rôle moins important. C’est un rôle qu’on ne confie
qu’en toute fin de carrière. Son rôle est réduit par rapport à celui de préfet de département, il s’agit
plus d’une fin de carrière honorifique.
Son apparition fait suite au constat de l’inadaptation du cadre départemental à certaines
politiques publiques.

1) Historique.

Au moment de la création des départements (1790), le moyen de communication est le


cheval, et le département fur crée sur la base des moyens de communication de l’époque.
Pour le 20ème siècle, le cadre départemental est trop restreint. Cette remise en cause du
cadre départemental permet le développement de l’idée de région. Le regroupement au niveau
régional facilite la coordination au niveau national. Cette volonté d’élargir ce cadre territorial remonte
au début du XX° siècle.
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C’est sous Vichy en 1941 qu’est créé le préfet de région pour des raisons de police dans un
contexte politique marqué par l’occupation. C’est pour cette raison qu’on donne au préfet des
pouvoirs de police et en matière économique (Vichy étant une économie administrée).
En 1945, ils sont remplacés par des commissaires de la république pour un rôle
analogue : maintenir l’ordre.
De Gaulle ayant peur du PC et d’une prise de pouvoir insurrectionnelle, il les fait supprimer
en 1946 pour les préfets de région.
En 1947, le contexte de la guerre froide avec le rejet des communistes mettant fin au
tripartisme (PC, MRP, SFIO) et le climat de grève insurrectionnelle fait apparaître les préfets IGAME
(importants généraux de l’administration en mission extraordinaire).

Le 14 mars 1964, un deuxième décret crée les préfets de région. En faite, on crée les
préfets du département chef lieu de la région. On reprend le découpage administratif des
circonscriptions d’action régionale, cad la projection du territoriale du plan de développement
économique et social. On n’a pas créé la région en tenant compte des identités culturelles et
historiques mais en regroupant les départements existants (sauf l’Alsace). Par exemple Nantes n’est
pas en Bretagne, la région Centre est artificielle et l’Aquitaine a une géographie mais n’est pas
historique.
Le préfet de région est principalement mis en place pour développer les politiques
économiques dans un cadre mieux adapté que celui du département (ses attributions sont
économiques : planifications et réalisation des investissements publics de l’Etat)

2) La fonction de préfet de région aujourd’hui.

La première fonction du préfet de région est de concevoir et de mettre en œuvre le contrat


du plan Etat-région : c’est programme cofinancé par l’Etat et les collectivités territoriales. Il mène
une politique d’investissement active pour promouvoir le développement économique (route,
hôpitaux, facs)

Il a aussi des compétences en matière de défense. Il s’appuie sur instance de concertation : la


conférence administrative régionale qui réunit les préfets de département, le trésorier payeur général
de la région (TPG), les représentants du département concernés par le sujet à l’ordre du jour. Il n’a pas
d’autorité hiérarchique (de grade plus élevé) sur les préfets de départements. Le préfet de région doit
s’assurer de leur implication dans la politique il doit donc y avoir accord.

En 64, on donne au préfet de région des compétences économiques. On réunit des chargés de
mission, des cadres administratifs d’Etat à temps plein ou partiel pour conseiller le préfet. Il a à sa
tête un sous-préfet qui constitue le principal collaborateur du préfet de région. De 64 à 72, dans les
débuts de l’institution de la région, il s’appuie sur une instance, la CODER (commission du
développement économique régional). C’est une instance consultative où se trouvaient associés des
élus politiques, et des personnalités qualifiées, des socioprofessionnels. C’est une instance qui
regroupe des personnes ayant des points de vue différents, des origines sociales différentes qui
s’interrogent sur le développement économique de leur région.

Elle est supprimée en 1972 et remplacée par le Conseil Economique et sociale de la


région. Ils sont composés de représentants des différentes catégories socioprofessionnelles, mais il y a
moins de dialogue.
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Conclusion :

Jusqu’en 1982, le Préfet était l’initiateur de nombreuses politiques mais il a subi une perte
de prestige. Même s’il devait composer avec les élus locaux, il conservait une capacité de résistance.
Mais depuis cette date, l’initiative politique revient aux Président des conseils généraux et
régionaux, ainsi qu’aux maires des grandes villes. Le préfet doit partager avec les élus. Néanmoins, il
est le seul à être indépendant des rivalités de personne et d’institution. Il garde un rôle
considérable. Il reste une institution centrale de la République.
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Chapitre 2 :
La fragmentation du système administratif français
L’administration est constituée d’organismes, d’institutions diverses qui se distinguent de
l’institution centrale par des missions particulières ou par des caractéristiques organisationnelles.
Au cours des années on assiste à :

• Une multiplication des lignes hiérarchiques.


• A ces lignes hiérarchiques se sont ajoutées des lignes fonctionnelles, dans des conditions
difficiles à démêler.

Ces structures multiples, souvent méconnues, plus ou moins centrifuges finissent par
constituer une sorte de nébuleuse dont les contours sont difficiles à évaluer. La fragmentation met
ainsi en cause la vision classique d’une administration monolithique, intégrée.

I. Le foisonnement des structures administratives.

Il faut renoncer à l’idée selon laquelle l’administration serait un ensemble figé, immuable,
uniforme. L’administration n’est pas un bloc constitué de services stéréotypés. C’est l’image diffusée
par les médias.
C’est un ensemble diversifié s’adaptant à son environnement, mais cela ne signifie pas
que cette d’adaptation soit toujours réussie. Il n’y a pas d’immobilisme. Les structures
administratives sont d’une grande diversité et il est difficile d’en rendre compte avec précisions, tant
elles sont éclatées et différenciées, et au final peu connues.
A coté des structures classiques, on a vu se multiplier des organismes qui ont des statuts
variés, imprécis, et dont le particularisme est plus ou moins fort. Ils peuvent être rangés dans les
grandes catégories juridiques disponibles. Il faut en fait distinguer :

• Ceux qui ont une personnalité juridique, morale distincte de celle de l’Etat
• Et ceux qui n’en ont pas de personnalité juridique.

A. Les organismes dotés de la personnalité juridique morale.

Certains organismes ont ainsi une personnalité juridique distincte de celle de l’Etat. Ils
engagent donc leur propre responsabilité en cas de litige et cette responsabilité sera le cas échéant
prise en charge sur les ressources spécifiques des organismes en question. Ils sont dotés d’une
autonomie de gestion : même si leurs ressources principales proviennent de l’Etat, la manière dont
elles sont gérées dépend de leur gestion propre.
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1) Les personnes juridiques qui coexistent avec l’Etat et correspondent à un territoire.

Il s’agit des collectivités publiques territoriales. Ce sont les départements, les régions. Elles
constituent un groupe distinct de l’Etat identifié à un territoire.

2) Les personnes juridiques qui coexistent avec l’Etat et ne correspondent pas à un


territoire mais à une fonction, une mission, un type d’action.

Ils sont apparus précocement.

a. Etablissements publics (E.P)

L’Etat n’est pas fait que de ministères : d’un côté il y a la masse de ministères dirigés
directement par l’Etat, et de l’autre les E.P.
Définition :
Un E.P est un service public qu’on a individualisé en le dotant de la personnalité publique
et d’une autonomie financière, ainsi que d’un organe de gestion indépendant. Un E.P dispose d’un
budget propre, d’un patrimoine qui lui est affecté et d’instances de gestion pour le diriger.

Création :
Cette formule en droit français existe depuis le XIX° siècle et avait pour objectif d’attirer les
libéralités c’est-à-dire des dons ou des legs de la part de personnes privées pour l’intérêt général.
Lorsque un donateur veut soutenir l’action d’une activité particulière, il ne veut pas que son lègue soit
perdu dans le système général de l’Etat.

Raisons de son développement :


Mais ensuite la formule s’est multipliée pour d’autres raisons :
• On a en effet vite pris conscience de l’intérêt managérial des E.P qui permettent d’isoler
une gestion et donc d’en évaluer les résultats par rapport aux objectifs de l’E.P, de
responsabiliser l’encadrement. On évalue mieux l’efficacité d’une action : intérêt
gestionnaire.

• Mais aussi par le biais de réglementations particulières. On adapte, on déroge aux règles
générales de fonctionnements (qui sont contraignantes comme celle de la comptabilité
publique : obsession du contrôle avec des règles très lourdes. Les règles deviennent même un
handicap pour remplir efficacement les missions confiées à un service) aux conditions du
moment ou du lieu. Pour être efficace, il faut plus de souplesse.

• L’E.P permet une meilleure concertation, participation des ressortissants de l’action


publique, des usagers, des intéressés. Car avec l’Etat, la seule participation est l’élection des
gouvernants. Un exemple de participation : réservé quelques sièges aux représentants des
usagers.

Ces raisons expliquent pourquoi on crée beaucoup d’E.P et pourquoi il existe une formidable
diversité d’organismes concrets.
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Notion fourre-tout :

La formule des E.P a ainsi connu de multiples consécrations, à tel point qu’elle est devenue
une formule « fourre-tout » regroupant dans un même ensemble des organismes aux statuts variés. Le
CE dénombre ainsi plusieurs milliers d’EP nationaux et locaux parmi lesquels on trouve de tout.
Le monde des E.P est aujourd’hui une sorte de fourre-tout :

• On trouve à la fois des institutions très prestigieuses (le collège de France), des instituions
avec un grand nombre d’effectifs, des institutions avec des ressources importantes (caisse
des dépôts), ou bien des institutions à faible budget et sans aucune notoriété (les collèges
locaux, les lycées)

• Des EP stricto sensu, très spécialisés, techniques, ayant des vocations très particulières

• Mais aussi des EP territoriaux comme les syndicats de commune, les communautés
urbaines... qui sont plus proches des collectivités locales : ces EPCI (EP de coopération
intercommunale) sont donc en quelques sortes des intermédiaires entre EP et collectivités
locales.

• des EP très autonomes côtoient d’autres EP à l’autonomie minimale.

On trouve aussi des organismes qui ont des types d’activités différentes :

• Commerciale, industrielle (SNCF),


• Purement administratif (Musée d’Orsay, universités).

Si le droit a une fonctionnalité, c’est le pouvoir de renseigner sur les catégories qu’il énonce
les règles applicables. Avec la catégorie E.P on est en présence d’une énigme juridique. Cette
catégorie a gagné en extension mais a perdu en densité juridique. On n’a de moins en moins
d’information sur ce que désigne un E.P.

Critères de classification :

• Critère sociologique : l’origine des E.P.

Pour connaître la manière dont les E.P se sont autonomisés, il faut distinguer les E.P
d’origine fondative (EPF) et ceux d’origine corporative (EPC), mais il s’agit là d’une distinction de
principe. Les E.P se distinguent en fonction des raisons initiales de leur création.

o les E.P d’origine fondative : ce sont des organismes que l’Etat décide de créer
pour des raisons essentiellement techniques (ex : l’ONF dont la gestion est
confiée à des ingénieurs, techniciens...). L’autonomie laissée par l’Etat sera alors
calculée au plus juste selon les nécessités. On entrouvre beaucoup dans le domaine
financier. Cela correspond à la recherche d’efficacité dans la gestion.
Ex : on crée la caisse des dépôts pour gérer et recueillir les biens des personnes qui
disparaissent sans héritiers.

o les E.P d’origine corporative : à la base existe déjà un groupe humain, une
communauté, ou l’équivalent à laquelle on a voulu lui donner une personnalité
juridique pour promouvoir ses intérêts particuliers. En érigeant l’activité de cette
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communauté en E.P on reconnaît sa spécificité. Les EPC disposent ainsi d’une


autonomie conséquente.
Ex : E.P universitaires : au départ, communauté d’étudiants, d’enseignants pour
l’acquisition et la diffusion du savoir.

• Critère juridique :

Il y a donc beaucoup de différences entre les EP, mais le principal clivage au sein de cette
catégorie est celle du régime juridique qui est différent selon qu’il s’agisse :
o d’EPA (EP administratifs)
o d’EPIC (EP industriels et commerciaux).

Cette distinction s’applique a tout les services publiques. Cette distinction est fondamentale
mais trop générale pour en tirer des conséquences précises et fiables.
o Pour les EPA c’est le droit administratif qui s’applique : les agents sont des
fonctionnaires et les litiges sont confiés au juge administratif. Contrat administratif si
passe contrat.

o Pour les EPIC, c’est le droit privé qui s’applique : les agents sont des salariés de droit
privé et les litiges sont confiés au juge judiciaire. Lorsqu’ils passent des contrats, ce
sont des contrats de droit privé (Tribunal civil, des prud’homme).

Mais cette grande division n’est pas suffisante pour savoir toujours en détail quel est le droit
applicable. Pour cela il faut se référer dans chaque cas au texte particulier régissant l’activité de
chaque EP. Ex : EPA
Les universités : se sont des EP à caractère scientifique, culturel, technologique et
professionnel. Elles n’ont pas de vocation industrielle mais administrative.
On observe une différence entre les universités et les EPA qui ont un contrôleur financier pèse
sur leur autonomie. Il n’y a pas de contrôle financier a priori. Il n’intervient qu’a posteriori.
L’université n’est responsable de ses actes qu’a posteriori. Les universités ont plus d’autonomie
que d’autres EPA.
Certains EPIC ont des agents comptables qui sont soumis aux grandes règles de comptabilité
publiques, d’autres à des agents privés et donc sont beaucoup plus autonomes.

La catégorie EP peut s’alimenter par d’autres notions se superposant à elle :

• Exploitation publique : Quand on a émancipé la Poste et France Télécom dans les années 1990 de
leur statut d’administration centrale, ce n’étaient pas des personnalités morales. On souhaitait leur
donner un statut particulier. Se sont des sortes d’entreprise et on a voulu les émanciper en statu
autonome. On commence à les ériger en personne morale de droit public sous tutelle du ministère
des BTP, mais soumis au droit privé. Soucis du personnel de garder leur statut de fonctionnaire.
Le personnel avait le choix entre rester fonctionnaire ou entrer dans les règles privées. La loi les
appelle exploitations publiques. La confusion dans les termes est délibérée. Cela complique les
choses.

• des agences : cette notion connaît un succès important car elle a une connotation moderne (ANPE,
l’ANVAR, agence française du médicament, de l’environnement...). Cette dénomination est en
fait un pavillon de complaisance car elle ne désigne pas une catégorie juridique : ces agences
sont en fait des EPA ou des EPIC, voire même parfois des associations.
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b. Les institutions privées d’intérêt général

Elles concourent à l’action administrative et empruntent des formes juridiques variées,


mais de droit privé. Elles correspondent à des préoccupations diverses.
Il peut s’agir d’association loi de 1901, de fondations, de sociétés faisant partie de
la sphère publique ou du système administratif. L’administration recourt à ses catégories
pour remplir certaines fonctions.

Raisons :

Le souci de s’adapter aux exigences de la gestion contemporaine, le soucis de trouver des


solutions concrètes à des problèmes particuliers qui conduit à recourir à des formes juridiques pas
faite pour l’administration mais pour permettre aux particuliers d’intervenir.
On recourt à ces formes pour des raisons conjoncturelles car elles constituent le meilleur moyen pour
utiliser des crédits, des subventions...

Associations :

Beaucoup d’associations constituent des démembrements, des ex-croissances, des faux


nez d’administration pour contourner les difficultés comptables auxquels se heurtent des
administrations ou des EP qui n’ont pas suffisamment d’autonomie. Parfois, elles préfigurent à plus
ou moins long terme la création d’un EP. Ex : les universités font appel à des fonds privés. Dans la
gestion de ces fonds, il y a deux solutions :

• Le partenaire vient abonder le budget

• L’intérêt est d’individualiser les contrats. On vend un savoir faire particulier : la meilleure
solution est de créer des associations professionnelles pour le développement de la recherche
en marge du système universitaire. C’est une manière d’éviter les contraintes liées aux
normes publiques.

Par exemple, le Conseil d’Etat et la cour de Cassation qui dépendent du ministère de la


Justice (qui a une ligne budgétaire) et qui n’obtiennent pas les subventions voulues, recourent à la
création d’une association subventionnée par le ministère de la Justice.
L’administration sait donc s’adapter lorsque c’est nécessaire : elle n’est pas figée. Mais, elle
rencontre tout de même des limites, sous formes de contrôle car ces formes de démembrements sont
suspects aux yeux de la cour des comptes qui y voit un moyen de prendre des libertés dans la
gestion des deniers publics (elles sont donc régulièrement critiquées dans son rapport annuel). La
cour des comptes y voit la tentation d’utiliser les associations pour des opérations moins régulières :
détournement de fonds.
Mais, dans tous les cas, le recours à ces formes juridiques est marqué par le souci
d’introduire de la souplesse, de contourner des règles trop contraignantes pour des
administrations ou EP qui n’ont pas suffisamment d’autonomie.
Fondation : personne de droit privée dotée par ses fondateurs d’un patrimoine. Ainsi, la fondation
nationale des sciences politiques.
En 1945 : problème de savoir quoi faire de l’école libre des Sciences Politiques. On voulait
nationaliser l’IEP de Paris mais sans lui faire perdre ses perdre ses caractéristiques : autonomie de
gestion, caractère pluridisciplinaire. La nationalisation impliquait l’intégration de cette école à
l’université. Michel DEBRE imagine de créer la fondation nationale des sciences naturelles :
conserver aux actionnaires de l’école libre, leur garder une place dans leur conseil, de gérer
l’administration IEP de Paris qui utilise les fonds affectés à la fondation. Fondation : deux sources de
financement, et une autonomie au sein du budget.
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• Patrimoine hérité qui fluctue


• L’argent du budget de l’Education nationale.

Résumé :

• Recherche de souplesse, système mouvant qui invente ses recettes.

• Qui provoque une confusion dans la perception des frontières des différentes catégories de
l’administration.

Droit public Concessions

^ Régi A1 : entreprises publiques avec


EtablissementConcessi
ee activités industrielles constituées sous
public Y on la forme d’EP chargés d’un SP : EDF-
Services GDF-RATP
S PA SPIC
publics A2 : entreprises publiques avec
activités industrielles constituées sous
la forme de sociétés de droit
commercial concessionnaires d’un SP :
X A1 A2 Air-France
B1 : SPIC n’ayant pas de but de SP.
Entreprises Ex : entreprise minière et chimique.
publiques
B1 B2

Société de droit
EPIC
commercial
 Droit privé

B2 : les sociétés : pas de mission SP. Entreprise publique appartenant à l’Etat. 82-83 : nationalisations.
Cette catégorie a moins d’importance depuis les privatisations.
X : Régie industrielle et commerciale ne possédant pas la personnalité morale
Y : Services public hospitalier pris en charge par des cliniques privées
SPA : soumis au droit public
SPIC : soumis au droit privé

Concession : c’est le plus souvent les SPIC mais les SPA peuvent l’être.

Les agences : c’est un système qui est peu développé en France, comparé à l’étranger
• en Suède notamment où la tradition administrative veut que l’administration
centrale soit d’une importance réduite et où de nombreuses tâches sont confiées à
des agences : sorte d’EP.

• aux Etats-Unis il y a deux sortes d’agences.


o D’un coté les agences de gestion qui sont elles aussi équivalentes à nos EP.

o et de l’autre coté des agences de régulation présente au niveau fédéral


chargées de réglementer les normes applicables à tout un secteur d’activité.
Ceci étant le fruit d’une inspiration plus libérale qu’en France : l’Etat doit
avoir un rôle le plus réduit possible. Certains secteurs sont confiés à des
organismes indépendants, des autorités administratives indépendantes
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chargées d’élaborer des normes. La federal trade commission crée au début


du siècle est chargée de lutter contre les pratiques anti-concurrentielles. Les
food and drug administration est un organisme de contrôle sanitaire des
produits (Roquefort, Foie gras : non !!) et de médicaments. Ces agences de
régulation ont un pouvoir important.

• En Grande-Bretagne, ces agences sont des executive agencies qui ont été crées
comme modalité de désengagement et de réforme de l’Etat dans le cadre de la
politique « next step » (prochain pas) de Thatcher. Compétences détachées des
ministres pour insuffler dans le public une idéologie d’efficacité du secteur privé.
C’est la philosophie qui fonde ces agences.

• En France, ces agences ont plutôt été crées de façon conjoncturelle sans idéologie
précise pour faire face à des besoins.
o En 1962, une agence a été crée pour gérer le rapatriement des biens
d’Algérie.

o 1967 voit la création de l’ANPE pour un problème de main d’œuvre d’une


économie en expansion (contrairement à aujourd’hui : rôle de régulation du
chômage).

o En 1993 est crée l’agence française du sang à la suite de problèmes liés à


l’infection de personnes par transfusion sanguine. L’agence française du
médicament sert d’interlocuteur à une pharmacie en restructuration. D’où le
carat ère hétérogène des agences.

Cependant trois points communs peuvent les rapprocher :


• Ce sont des organismes qui une personnalité juridique différente de celle de
l’Etat.

• Ce sont des organismes chargés d’un pôle sectoriel qui se traduit par la gestion de
certains moyens ou la gestion d’un domaine précis de spécialité.

• Les agissent pour le compte de l’Etat en vertu du transfert de compétences.

Mais au-delà de ces éléments communs, les agences ont de nature très diverse dans leur
organisation et leur rôle. Certaine sont de véritables EP et d’autres de simples désengorgements de
l’Etat. Certaines de ces agences jouent un rôle de régulation analogue aux agences américaines.
D’autre en sont fortement éloignés. Le terme agence est utilisé couramment mais n’a pas pour autant
de véritable portée juridique.

B. Les organismes n’ayant pas la personnalité juridique.

Le terme vient d’un article d’Edgar PISANY qui a distingué administration de gestion et
administration de mission. On distingue deux grandes catégories :
1) L’administration de mission.

Elle s’oppose aux bureaucraties classiques. Elle apparaît après la Seconde Guerre Mondiale.
La notion repose sur l’idée selon laquelle lorsque l’administration a à affronter un problème
nouveau pour lequel elle n’est pas préparée, il peut être plus efficace, rationnel et réaliste de créer
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une structure spécifique (une structure ad hoc) plutôt que de faire subir aux structures existantes un
effort d’adaptation. L’administration de mission a donc des caractères particuliers :

• ce sont des services de l’Etat qui n’ont pas de personnalité juridique

• c’est un organisme léger, à faible effectif, où le niveau de qualification est très élevé. Le poids
relatif de l’encadrement/ des agents de catégorie supérieure est important.
• il fonctionne sur un mode plus collégial que hiérarchique. Il y a plus d’agents de conception
que d’exécution. (Dans la bureaucratie classique, il y a une hiérarchie entre les agents supérieurs
et les agents d’exécution)

• on y fait prévaloir l’objectif sur le respect scrupuleux de la règle: elle a été créée pour résoudre le
problème de la règle.

Elle est provisoire : elle est faite pour disparaître dès la mission accomplie. Il s’agit du type
idéal : dans la pratique, il existe des situations intermédiaires et des dérives. Mais souvent les
administrations tendent à se perpétuer, quitte à être absorbées par l’administration (ex : commissariat
au plan).

Exemples :

• La DATAR créée dans les années 60 (63). C’est pour résoudre le problème de l’excessive
concentration des activités à Paris. En 1963, elle est dotée de moyens d’actions importants et
confiée à Olivier Guichard qui en tant que délégué à l’aménagement du territoire apparaît
comme un vrai ministre. Elle dispose de lignes de crédits qu’elle utilise de façon autonome. La
DATAR apparaît ainsi à la fin des années 60 comme le prototype de l’administration de
mission : c’est même une « administration de commando ». Elle exerce par exemple des
missions d’aménagement du littoral pour restructurer le tissu économique des régions.

• Le Commissariat général au plan : administration de mission crée sous l’égide de Jean Monnet
pour organiser la planification. Aujourd’hui, le CGP existe toujours. Il est devenu un service
d’étude du gouvernement. Son rôle initial a pratiquement disparu.

2) Les autorités administratives indépendantes.

Elles ont été crées dans les années 70 et ont depuis tendance à se multiplier. Elles servent soit :

• A répondre à un besoin mal assuré par l’administration classique (c’est à dire lutter contre la
« mal administration »)

• Soit à assurer la régulation de secteurs sensibles

• Ou encore à garantir la mise en oeuvre effective d’une innovation législative.

Dans tous les cas, il s’agit de trouver le moyen d’assurer la pleine indépendance de
l’institution chargée de la question, sans pour autant l’élever au rang de juridiction : ce sont en
effet bel et bien des administrations, mais elles ne sont soumises à aucun pouvoir hiérarchique,
mais n’ont pas la personnalité morale. Les AAI ont l’indépendance d’une juridiction tout en étant un
organisme administratif. Elles agissent dans l’intérêt général. Elles se présentent sous formes variées
au pouvoir variable.

• dans leur pouvoir qui peut être soit consultatif, soit véritablement réglementaire.
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• dans leur forme : on trouve des autorités collégiales ou bien unipersonnelle.

o Comme le CSA (conseil supérieur de l’audio-visuel) : collège de personnes d’origine


diverse

o le médiateur de la république, autorité unipersonnelle mais ayant des services et des


collaborateurs sous ses ordres. C’est le médiateur entre l’administration et l’usager. C’est
un cas intéressant car il s’agit de répondre à un besoin mal couvert par l’administration.
Il s’agit de répondre aux besoins des usagers aux situations inéquitables mais qui ne sont
pas illégales. C’est une situation du fait d’une mauvaise conjonction de textes injustes et
légaux. Les services juridiques sont en effet dépourvus car le juge ne peut pas juger en
équité mais en légalité : il ne peut interpréter un texte clair. Tant que le texte est là, la
légalité prime. Le médiateur tente de déchiffrer, d’analyser et de proposer des modalités
qui permettent de redresser les choses, de tirer les conséquences de qu’il constate et de
proposer des petites réformes à l’administration.

Ces AAI se voient confier des secteurs ne pouvant pas être attribués aux administrations
classiques dans un souci d’impartialité, comme le CSA pendant la campagne présidentielle.Une
autre AAI :

• La commission nationale informatique et liberté. C’est pour rendre l’application du texte plus
effective.

• Commission d’accès aux documents administratifs


Le principe est le libre accès aux documents administratifs et prévoit les documents pouvant
rester confidentiels dans l’intérêt des tiers. Elle dit dans quel cas la loi s’applique. Si
l’administration refuse de communiquer un document communicable, on essaie de trouver un
terrain d’entente avant de passer devant le juge.

II. La perversion des schémas organisationnels.

Cette perversion du système administratif aboutit a des dysfonctionnements ou à des dérives.


Dans le système administratif, il y a en réalité beaucoup de luttes d’influence entre les services : on
peut comprendre que des administration différentes défendent au cours de l’élaboration de décisions
des points de vue divergents (ex : divergences entre ministère des finances et ministères dépensiers),
mais le problème est que ces divergences persistent une fois les arbitrages rendus.
L’administration est moins intégrée que l’on croit, et est en proie à de nombreuses rivalités.
(analyse CROZIER, pouvoir, stratégie). Cela s’incarne par des hommes, des corps de fonctionnaires
qui veulent garder leur position relative dans le système. On voit fréquemment certaines parties de
l’administration refuser d’appliquer une disposition car celle-ci risquerait de lui ôter un pouvoir. Il est
anormal que quand la décision est prise et ratifiée les services ne l’applique pas.

Exemple d’une loi de 1977 sur l’architecture et l’environnement qui met à la disposition
des usagers un organisme de conseil : le CAUE (conseil d’architecture, urbanisme et environnement).
Cet organisme clair et rationnel a en fait mis 5 ans à voir le jour sur le terrain car une lutte
d’influence s’est déroulée entre architectes du ministère de la culture et urbanistes des ponts
rattachés au ministère de l’équipement, car chacun voulait s’assurer la prépondérance dans le nouvel
organisme.
Exemple du statut de l’IEP, réforme de 84 sur l’université. Problème, les IEP doivent-ils ou
non avoir la personnalité morale ? Ils réclament le statut d’établissement public autonome. Ceci a
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été arbitré par le premier ministre. Une fois le principe adopté, le direction de la comptabilité du
ministère des finances a imposé un contrôle des finances, ce qui est inacceptable car c’était perdre
beaucoup d’autonomie de gestion : l’autonomie gagnée vis-à-vis du ministère de l’éducation
nationale étant reprise par le ministère des finances. Les directeurs ont menacé de démissionner.
Lutte d’influence entre les services est préjudiciable à l’usager et à l’efficacité du service.
Ces types de conflits sont très nombreux entre les grands ministères et organismes
composant le paysage administratif. Mais il le sont également au sein de chaque organisation et
chaque ministère : il y a en effet une propension de certains services à s’autonomiser par rapport à
leur hiérarchie formelle. Phénomène de cloisonnement entre les services. Les services ont tendance à
se replier sur eux mêmes et à se considérer comme une entité autonome et non comme une partie
d’un ensemble plus vaste. Ce qui se traduit par une absence de communication avec les autres services
du ministère

Exemple : il est faux de dire que le ministère des finances est parfaitement intégré et dirigé
par le ministre des finances. Il y a en fait une trentaine de services différents dont certains ont une
tendance à se diriger sous le mode de l’autonomie. Par exemple, les douanes se présentent non
comme un service, mais plutôt comme une administration autonome rattachée au ministère des
finances : elle a ses propres centres de formation, ses propres filières et elle a plus de relations avec ses
homologues européens qu’avec les autres services du ministère. Elle est en crise avec la construction
européenne.
L’identité des services est variables mais elle est souvent très affirmée. Par exemple les
tensions qui existent au sein de la sécurité interne entre la Gendarmerie (corps militaire) et la
Police (corps civil) traduisent l’opposition entre corps militaire et civils. D’où la nécessité de
trouver des procédure pour faciliter la coopération : par exemple, le gouvernement actuel essaie de
faire des groupement interrégionaux.

Cette tendance à l’autonomisation a été théorisée par CROZIER et FRIEDBERG


(« l’acteur et le système »). Caractère fictif de certaines organisations. Façade. En s’appuyant sur
l’étude du ministère de l’industrie, ils ont montré que celui-ci n’existait pas réellement car entre
ses directions, il n’y a quasiment aucunes relations. En revanche, tout se passe entre chaque
direction et sa cible privilégiée. Ce ministère n’est donc qu’une pseudo organisation car il est
composé d’un ensemble de systèmes d’action qui n’ont que peu à voir les uns avec les autres.
Direction des carburants, directions des mines : pas de relation. En revanche, la direction des
carburants et les houillères ont des liens, et même beaucoup d’échanges d’information : co-production
de la décision.
C’est un phénomène de perversion des schémas, quelques fois accentué par l’existence de
services déconcentrés qui ont des publics spécifiques et qui entretiennent avec eux un ensemble de
relations autonomes.
Des analyses théoriques ont ainsi remis en causes la transitivité, c’est à dire l’idée selon
laquelle les objectifs définis au sommet de la hiérarchie se trouvent déclinés jusqu’à la base du
système.
En effet, dans la réalité, la territorialité de certains services les amène à imposer certaines
formes d’action aux échelons centraux. Les administrations centrales ne seraient donc dans certains
cas que les supplétifs de ces services déconcentrés qui déposeraient de la véritable influence.
Néanmoins, cette analyse n’est pas généralisable.
Le système administratif est donc traversé par toutes les contradictions et les conflits de la
société, et l’appareil administratif n’a donc pas l’unité et la netteté que lui attribuent les analyses
juridiques.
Il faut mettre l’administration en relations avec les publics qui sont les siens. La réalité de
l’action publique ne s’apprécie pas que dans l’interaction qui se noue entre tel fragment de
l’appareil administratif et telle partie de la société civile. Le système administratif n’est pas un bloc
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extérieur à la société : il est immergé par la société. La notion d’appareil administratif perd de sa
consistance en sociologie.

Représentation institutionnelle : Vision différente, sociologique : l’administration est incluse dans la


société.

Gouver-
nement

Emet des directives

Délègue ses
Adminis- pouvoirs
tration

Peuple

Agit sur les usagers


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Chapitre 3 :
La décentralisation

L’administration française est toujours considérée comme le modèle centralisateur par


excellence. Il est vrai que le modèle jacobin d’organisation des collectivités territoriales est celui
d’une administration sous le contrôle de l’Etat central unitaire, qui certes, dispose de d’un réseau
de collectivités territoriales mais qui concentre l’essentiel des responsabilités politiques, l’essentiel
des décisions au niveau central.
Pour autant, jamais le pouvoir n’été exclusivement concentré à Paris. Mais il est vrai que
les élus locaux ont longtemps du se contenter d’une action de résistance aux initiatives de l’Etat. Ils
ont toujours été assujettis parce que même la création des départements avait pour objectif le meilleur
contrôle du territoire par le pouvoir central. Aussi, ils sont victimes de la tutelle étatique.
Les conseils municipaux et généraux sont élus à partir de 1830. Il faut attendre 1872 pour que les
Maires soient élus par le Conseil municipal (auparavant ils étaient nommés).
C’est sous la troisième République que les départements et les communes (1871 et 1884)
vont obtenir de réelles prérogatives et de l’autonomie. Les mesures de décentralisation qui vont
intervenir tout au long du 20ème siècle n’apparaissent la plupart du temps que comme mineur, et non
susceptible de changer l’équilibre du système. Ce n’est qu’en 1982 que DEFERRE installe un
processus de décentralisation de grande portée, processus réactivée aujourd’hui sous le
gouvernement RAFFARIN.

I. L’organisation territoriale de la France.

Si en matière économique le gouvernement est contraint par des flux qui les dépassent
(mondialisation, Europe), dans le domaine territorial, il a le champ libre.
La période révolutionnaire a marqué la France d’une empreint centralisatrice. En 1790, on
essaye de mettre en place un modèle d’organisation territorial simplifiée (cf. complexité, fouillis de la
carte administrative de l’Ancien Régime). . C’est pour enraciner la Révolution et simplifier la carte
administrative que les gouvernements de l’époque mettent en place les départements, de façon très
volontariste et artificielle.
Mais c’est sur les bases de l’Ancien Régime que va s’établir cette carte (les paroisses servent
au découpage des communes), ce modèle jacobin.

A. Les caractéristiques du modèle jacobin.

Il se polarise autour de la commune et du département, qui vont d’abord être l’expression


d’un découpage administratif de l’Etat.
Puis, sous la Monarchie de Juillet, ils vont s’ériger en collectivités territoriales jouissant
d’une personnalité juridique distincte de celle de l’Etat.
Les autres éléments du découpage restent de second rang :
• Cantons

• Arrondissements (regroupements de cantons).


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Pour l’essentiel, c’est la commune et le département qui sont importants et qui sont régis
principalement, pendant le 19 et le 20ème siècle, par deux grandes lois qui seront le socle de leur
organisation :

• 10 août 1871 pour le département

• 5 avril 1884 pour la commune.

Ces lois fixent les grands principes d’administration de ces collectivités. Elles confèrent à
chacune d’elles le droit de délibérer sur l’intérêt communal ou départemental.
Est confié à des Assemblées élues, le soin de régler les affaires de la commune ou du
département.
On confie le pouvoir exécutif de la commune à un maire nommé par le pouvoir central. A
partir de 1872, le maire est élu et non plus nommé. Et jusqu’en 1982, le pouvoir exécutif du
département est confié au préfet. Ces deux lois seront modifiées à plusieurs reprises, mais resteront
le socle principal de l’administration en France jusqu’en 1982

Le modèle d’administration territoriale qui résulte de ces données se caractèrise par des grands
traits:
• L’uniformité statutaire.

• La dispersion des unités territoriales.

• La dépendance vis-à-vis du pouvoir central.

1) L’uniformité statutaire.

On peut observer de nombreux contraste quant à l’hétérogénéité des statuts entre les
différents pays.

En FRANCE, la commune et le département sont toujours organisées et administrées selon


le même mode :
• Le département est organisé avec un conseil général qui élit un président et tous les
départements sont organisés de la même façon.

• Encore plus frappant est le cas des communes : on connaît la disparité du nombre d’habitants
entre la plus petite commune française et la plus grosse et pourtant, elles sont toutes organisées
sur le même mode de fonctionnement, id est une assemblée qui délibère et une autorité
exécutive, le maire, élu par le Conseil.
L’unique paramètre adaptatif est celui du nombre de conseillers municipaux. Or cette
situation ne va pas de soi. En dehors du facteur démographique, les communes sont dans des
situations très diverses notamment d’un point de vue économique (riches, pauvres, ces
dernières comptant sur les subventions, tandis que les communes riches disposent de ressources
plus importantes, liées par exemple à l’exploitation de forêts).

A l’inverse aux ETAT-UNIS, l’organisation des municipalités dépend de la constitution des


Etats fédérés.
D’un bout à l’autre on distingue trois types d’organisation municipale : concernant le système
de l’Assemblée délibérante et de l’exécutif :
• Dans les grandes villes du Nord Est, il s’agit d’un système qui se rapproche du système français,
c’est-à-dire un maire avec un pouvoir fort.
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• Dans les villes les plus petites, l’essentiel du pouvoir n’est pas attribué au assemblées.
Pouvoir du maire faible.

• Le système du city manager, c’est-à-dire d’un conseil et d’un maire. Les maires doivent
composer avec un manager qui est recruté par le conseil et qui dispose d’un pouvoir de gestion.
Le maire a une fonction symbolique.

La FRANCE a donc un système uniforme mais la règle connaît quelques exceptions : les
aménagements restant très marginaux.
L’un d’entre eux vise depuis 1982 certaines des grandes villes (Paris, Lyon, Marseille).
Ainsi, la loi PLM du 31 décembre 1982 n’est pas sans arrière-pensée électorale et politique.
Puisqu’elle consiste à doter les arrondissements de conseils d’arrondissements. Le résultat est par
exemple à Paris, de diviser le pouvoir puisque le maire cohabite avec 20 maires d’arrondissement.
On met dans les apttes du maire de Paris (Chirac) des maires d’arrondissement. Les mairies
d’arrondissement ont souvent un pouvoir réduit ce qui fait que l’aménagement est minimal : elle
gère par exemple les jardins d’enfant. On est donc encore loin des municipalités de quartier.
Une autre forme d’aménagement concerne les DOM qui font l’objet d’une organisation
particulière qui tient compte d’un fort particularisme dû à l’éloignement, à leur passé colonial, aux
clivages sociaux. Il confie aux DOM (Guadeloupe, Réunion, Martinique et Guyane) une
départementalisation adaptée qui consiste principalement en la majoration du rôle et des pouvoirs
reconnus aux autorités locales. Les Conseils généraux ont ainsi des pouvoirs fiscaux importants et
peuvent par exemple décider d’une taxe sur l’entrée des produits dans leur territoire. Concernant les
préfets des DOM, qui ont remplacé les gouverneurs des colonies d’antan, ils disposent d’un pouvoir
important pour maintenir le respect de l’Etat. Son pouvoir peut être comparé à celui d’un quasi
chef d’Etat. Il exerce aussi un rôle important en matière de diplomatie.
Concernant les TOM, on se trouve dans une situation d’extrême hétérogénéité : la
Nouvelle-Calédonie ne disposant pas de richesses importantes tout comme Wallis-et-Futuna dans la
dépendance économique est totale. Ils peuvent demander l’adaptation d’une législation applicable
aux conditions locales.
Enfin, seule véritable dérogation importante à l’uniformité concerne le statut de Paris : il
s’agit d’une ville marquée par son histoire particulière (notamment Etienne MARCEL, la
Commune, la Révolution), elle est source de méfiance pour le pouvoir central. Au début du 20ème
siècle, il y a eu une restructuration des relations urbaines : les populations potentiellement
dangereuses furent reléguées dans les banlieues, c’est-à-dire dans Paris extra-muros. C’est pour cette
raison que Paris est une ville que l’on qualifie plutôt de droite, à l’exception faite des « bobos ».
Jusqu’en 1975, Paris a été une commune sans maire et un département sans Conseil général. Elle
est donc à la fois commune et département, en fonction des domaines.
Le département, le conseil général n’a pas d’assemblée. Le pouvoir exécutif est répartit entre
le préfet de Paris et le préfet de police. En 1975, sous VGE, par la loi du 31 décembre, on ramène
Paris vers le droit commun en instituant le maire de Paris. Il s’agit d’un élément principal qui
représente la commune, il dispose d’un budget considérable, gère 40 000 fonctionnaires. Les deux
préfets demeurent. Paris conserve sa double nature de département et de commune. Paris réunit donc
un maire, un préfet de département et un préfet de police.

2) La dispersion des unités territoriales.

La dispersion: on a observé un émiettement de nombreuses structures d’organisation


territoriale. C’est un phénomène ancien et fort connu qui s’exprime principalement par l’existence
d’un très grand nombre de communes. Cette multiplicité est atténuée pour les départements au
nombre de 100.
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La France est découpée en 36 000 communes, c’est-à-dire autant que les 11 autres Etats de
l’Union Européenne. Mais une très large majorité est faite de toutes petites unités territoriales. La
France compte 32 000 communes de moins de 2 000 habitants et 60 % des communes ont moins
de 500 habitants ou encore 80 % ont moins de 1 000 habitants.
A cela s’ajoute la centaine de départements, les 22 régions etc.… Il y a quatre niveaux
d’administrations territoriales, un morcellement administratif avec les communes, les
intercommunalités, les départements et les régions. Il y a un émiettement unique au monde avec aussi
une très grande dispersion des communes. Cette caractéristique ne fait que s’accentuer avec le temps,
ceci pour trois raisons.
Le phénomène de regroupement dans les agglomérations se poursuit, et les migrations internes
contribuent à désertifier certaines communes et à augmenter l’importance démographique des aires
urbaines. Il y a cependant des retours vers le milieu rural, ou plutôt vers le rurbain, mais il faudra voir
l’évolution. En dynamique, la dispersion communale s’accroît avec ce dépeuplement. Le phénomène
est bien connu : les petites communes perdent de leurs habitants contrairement aux grandes villes
qui attirent. C’est ici le facteur travail qui joue. Le phénomène est d’autant plus frappant qu’on a
toujours échoué à résoudre ce problème de l’émiettement communal.
La moyenne de population par communes est 5 fois plus faible que la moyenne européenne.
La France a autant de commune que le total des autres pays de l’Union Européenne, et ce, même avec
les nouveaux entrants. Cette permanence dans le temps s’explique par les réformes de regroupement
partout ailleurs qu’en France. Pour cette raison, nous sommes toujours en tête du peloton du nombre
de ville.
Le troisième facteur qui souligne cette dispersion communale, c’est précisément que la France
a échoué à réformer cela, à fusionner. Devant cette dispersion communale, véritable handicap pour la
gestion des territoires devant la faiblesse des ressources. Certaines communes peuvent même
n’avoir aucun habitant. Pour autant celles-ci ne disparaissent pas.
Le principe des fusions est posé par une loi de 1890, qui ne prévoyait la fusion que sur la
base du volontariat. On peut seulement remarquer l’absorption de certaines communes par d’autre en
fonction de circonstances particulières et exceptionnelles.
Les tentatives de fusion ont donc été reprises de façon plus systématique, plus pensée,
plus réfléchie. Une loi a été votée en juillet 1971, aboutissement de plusieurs tentatives, qui a
préconisé la fusion des communes mais en essayant de surmonter les réticences que l’on pouvait
attendre de la part des élus municipaux. On a d’abord pris des mesures procédurales en demandant
aux préfets de faire procéder à des études indépendantes sur les modifications de la carte communales
que l’on pouvait envisager dans le département. Muni de cette expertise, le préfet disposait de
plusieurs possibilités qui montrent le caractère incitatif du processus. En cas d’accord des
conseils municipaux, le préfet procède à une fusion par arrêté. En cas de refus, la loi donne la
possibilité de faire appel de cette position devant le Conseil Général en misant sur la distance que les
membres du Conseil Général ont par rapport aux conseillers municipaux. En cas d’accord pour la
fusion, le préfet pouvait décider la fusion par arrêté. Mais, au vu des collusions et solidarités entre
les personnels politiques, on a rajouté à ce dispositif la possibilité pour le préfet d’organiser des
référendums intercommunaux. Pour faciliter cela, les communes pouvaient disposer d’un statut de
commune associée, ou encore du maintien d’une annexe de la mairie, et enfin des subventions
alléchantes…
Au final, et surtout par le gouvernement avait annoncé aux préfets qu’ils seraient noté
sur le nombre de fusions…Ceci fut quand même un échec : un millier de fusion (pour 36000
communes) sur les trois années qui ont suivi. De plus, pas mal de divorces ont eu lieu, et surtout,
les fusions n’ont concernés qu’un tout petit nombre de toutes petites communes en milieu
rural…Depuis, cet objectif a été abandonné avec cet énorme paradoxe qui veut que dans le pays
supposé le plus centralisé de France, à une époque où il y avait une majorité politique stable et ayant
les moyens de gouverner, on n’est pas arrivé à faire ce que tous nos voisins ont fait !
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3) La dépendance ambiguë vis-à-vis de l’Etat, du pouvoir central.

Le centralisme français est très fortement marqué par des mécanismes institutionnels que l’on
ne retrouve pas ailleurs, avec le fameux dédoublement fonctionnel des préfets qui en faisant des
représentants de l’Etat, des fonctionnaires, et aussi l’exécutif local, qui assurait la gestion du
patrimoine du département.
On avait une tutelle a priori extrêmement puissante exercée sur le corps électoral puisque
pour les principaux actes juridiques émis par les collectivités locales, il fallait recueillir
l’approbation préalable du préfet. Les collectivités locales ne sont en fait pas considérées comme
politiquement majeures ! Le budget ne pouvait pas être utilisé en dehors du contrôle exercé par les
représentants de l’Etat, supposés avoir la compétence et être neutres ! Le maire était corseté par
l’administration d’Etat, qui le mettait sous sa dépendance. Pour faire une salle des fêtes dans sa
commune, un maire doit en général faire voter une délibération par son conseil municipal. Il
devait ensuite obtenir une subvention instruite par les services de l’Etat compétent. Dans la
pratique, les communautés locales étaient en plus ligotées par le fait que ce soit ces services qui
réalisent le projet ! C’est bel et bien quelque chose de caractéristique du système français.

Mais cette dépendance est ambiguë car le génie de notre système politique a été d’inventer un
système d’apprivoisement de ce centralisme exacerbé qui a fini par inverser le rapport réel des
forces, ou du moins à l’infléchir. Ce mécanisme, qui nous est très spécifique, est celui du cumul
des mandats, et en particulier la possession simultanée par un même élu d’un mandat local et
d’un mandat national, mécanisme qui autorise la présence d’une même personne à deux, voire
davantage avant 1985 et surtout 2000, postes électifs. Cela permettait de relier toutes les échelles du
système de décision autour de personnes incontournables car présentes à tous les niveaux du
mécanisme de décision. Ce mécanisme est d’ailleurs à l’origine de la longévité de nos élus, car un
cumulant a une notoriété, un capital politique qui lui assure une réélection beaucoup plus facile.
Statistiquement, un cumulant a deux fois plus de chance d’être élu. Ces notables, présents tant au
pouvoir central qu’au pouvoir local, accroissent leur influence par la constitution de réseaux, une
certaine réputation d’invincibilité politique et de ce fait, pouvait affirmer une certaine prééminence sur
des représentants non élus du pouvoir central, comme les préfets, qui eux sont par définition beaucoup
moins ancrés dans les territoires. Ils ont à faire avec les leaders politiques les plus influant de leur
territoire.
La France a inventé de manière empirique un véritable système de pouvoir fait pour rendre
acceptable son excès de centralisme. Pierre GREMION parle de « pouvoir périphérique ». Le
pouvoir est essentiellement périphérique, il appartient pour l’essentiel à cette catégorie de
représentant politique qui fait l’interface obligée entre la périphérie et le centre ; ces
intermédiaires indispensables renforcent des positions qui corrigent très sensiblement les excès
du centralisme : Jean-Pierre WORMS avait dès 1966 très bien cerné cela.
Il y a une véritable connivence entre les uns et les autres qui pouvait s’établir dans une
solidarité implicite contre Paris, contre le pouvoir central, et pour asseoir sa légitimité. Le préfet était
alors une pièce maîtresse pour les notables locaux, mais pour le préfet, les notables étaient nécessaires
pour être accepté.
On trouve ici l’explication de l’échec des fusions, car les préfets n’ont pas utilisé les
pouvoirs que la loi leur donnait. Pour quelques uns d’entre eux, ils ont saisis les conseils
municipaux…ont essuyé un refus et ont laissé tomber. En fait, entre deux maux, ils ont choisi le
moindre : où bien ils mécontentaient le ministre de l’Intérieur, ou bien se mettre à dos les notables
locaux… Ils ont préféré la première solution, et le temps leur a donné raison !
Bien sur, le modèle républicain s’est différencié, complexifié, avec les modifications et
réformes successives.
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B. La différenciation du modèle.

Ce modèle initial, fondé sur la commune et le département, ne pouvait pas rester totalement
immuable dans la mesure où un certain nombre d’équilibre de l’économie ou de la société française
allait être modifié et pour certain assez profondément. Sur l’espace de 20 ou 30 ans, la répartition
de la population va complètement changer en même temps que les réorganisations de l’économie
vont bouleverser beaucoup de territoire. En 1940, la moitié de la population française est rurale,
mais en 196, il n’en reste que 20%. De telles mutations ne peuvent pas être totalement prises en
compte par le système politico administratif. Dans les années 1970, le volontarisme rationalisateur
de l’Etat va vouloir compléter le modèle républicain classique. L’idée générale est de remédier à
l’éparpillement des moyens et des compétences et de maîtriser les phénomènes spontanés, dictés
par l’économie, de croissance des grandes agglomérations. Cela va principalement se traduire par
deux correctifs : l’intercommunalité, et la régionalisation fonctionnelle.

1) L’intercommunalité.

Elle va très rapidement apparaître comme une nécessité, puisque l’on est marqué par cet
émiettement communal : il faut bien faire avec la dispersion, donc on va l’aménager. Ce sera à la
fois pour essayer de mettre ensemble des petites communes qui, isolées, ne peuvent rien envisager de
cohérent, et aussi pour aménager l’action publique dans les grandes agglomérations de manière
pertinente et non plus fractionné (c’est l’exemple de la problématique des transports en commun
urbain)
En 1958, seuls les SIVU (Syndicat Intercommunaux à Vocation Unique) existait, pour les
inductions d’eau ou l’électricité par exemple. Mais cette intercommunalité avait deux
caractéristiques très restrictives, puisqu’il n’y avait qu’un seul objet, et aussi parce qu’il se basait sur le
volontariat, et l’égalité de tous les participants. Ce dispositif est toujours existant, il reposait sur des
contributions purement volontaire de la part des communes, ce qui rendait les discussions délicates…
Dès les débuts de la Vème République, on a lancé une politique incitative en matière
d’intercommunalité pour pousser à la coopération et au regroupement intercommunal, même si
cela s’est longtemps caractérisé par les insuffisances et le peu de succès de ces formules
d’intercommunalités, jusqu’à la loi CHEVENEMENT de 1999, processus imparfait mais viable.
Il y a une permanence dans la sophistication des projets proposés par le pouvoir central pour mettre en
place l’intercommunalité.
Le 1er janvier 1959, les SIVOM et les Districts urbains sont crées. Ce serait une sorte de
constante, et il y a donc au fond deux outils nouveaux dont l’un est plutôt rural, et l’autre plutôt
urbain. Cela introduit pour la première fois un principe de majorité dans la mise en place de
l’intercommunalité, même si cette majorité reste qualifiée et repose sur une formule curieuse.
Un SIVOM ou un District se met en place soit lorsque la moitié des communes représentant les
deux tiers de la population, soit lorsque les deux tiers des communes représentant la moitié de la
population sont d’accord…Sur la base d’un périmètre arrêté par le préfet. Lorsqu’une majorité
qualifié est acquise, un processus d’intercommunalité peut être imposé aux réticent sur un territoire
donné.
Contrairement aux SIVU, ces SIVOM et ces Districts couvrent un champ de compétence plus
ouvert, qui n’est pas précisément abordé (sauf la lutte contre l’incendie pour les Districts) Cette
coopération destinée principalement aux petites communes ne va pas abolir la dispersion communale.
On prend conscience de l’urgence qu’il y a à essayer d’améliorer les conditions de gestion des très
grandes agglomérations, notamment dans les métropoles d’équilibre qui grandissent à vue d’œil et
sont mal gérés à cause du morcellement des villes avoisinantes.

En 1966, les Communautés Urbaines sont crées pour les grandes agglomérations, de plus
de 50 000 habitants. La loi sur la création des CU du 31 décembre 1966 est très significative du
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volontarisme rationnalisateur de l’Etat, car les incitations à l’intercommunalité structurante


vont loin ; symboliquement, cette loi crée elle-même, autoritairement, les quatre première CU de
France, qui subsiste encore aujourd’hui : celles de Strasbourg, de Lyon, de Lille et de Bordeaux.
Cela frappe les esprits. Cette loi qui crée les CU va en outre, deuxième marque de cette volonté de
restructuration, imposer dans ces grandes agglomération un niveau de coopération jusque là
considéré comme inatteignable, avec douze compétences structurantes majeures. Le premier bloc
concerne tout le zonage urbain, toute sa planification. Deuxième grand bloc, tous les services publics
intercommunaux comme les transports en commun et le ramassage des ordures ménagères. Enfin,
troisième grand bloc, les grands équipement qui ont vocation là aussi à répondre à des besoins
communautaires, comme les cimetière ou les abattoirs. Quand on regarde ces champs de compétence,
on se rend bien compte que d’autres compétences sont induites par ces compétences majeures. Dans la
loi de 1966, s’ajoute la possibilité pour les communes de transférer d’autres compétences au niveau
communautaire. Le législateur avait en tête un schéma inavoué, pour constituer une super
commune d’agglomération. Cette idée est d’autant plus présente que dans cette loi est présente
une autre disposition, sorte d’aveu : pour la première fois, on accorde à ce qui est un
établissement public, une CU dont les organes ne sont pas élus directement, un pouvoir fiscal, ce
qui est une grande innovation.
Mais les communes se sont crispées sur les compétences qui leur restait et se sont défaussés
sur les CU des compétences les moins rentables, les moins intéressantes. Les communes ont tiré
parti des CU plus qu’elles n’ont partagé les compétences. C’est le cas de tous les équipements
lourds, comme par exemple un réseau de voirie. Les compétences en matière sportive ou culturelle
présentent le cas inverse car on peut les exploiter politiquement. Le niveau communautaire est
intéressant car il permet de techniciser une question et par la même de la dépolitiser. Au final, on s’est
toujours cantonné au minimum législatif, sans faire de zèle. La caractéristique la plus profonde
du modèle est qu’on en reste à l’intercommunalité et que l’on refuse de passer à la
supracommunalité. Les CU sont restées au stade où la loi les avait laissé, et la formule n’a pas eu de
véritable succès. Elle devait concerner les agglomérations de plus de 50 000 habitants ; or, hormis
les 4 créées d’office, seulement 5 CU ont été créés dans les 10 ans qui ont suivi, et en 1999, il
n’existait que 12 CU en France, à la veille de la loi Chevènement. Cette formule a effrayé
beaucoup d’élus locaux.

On a été contraint, pour poursuivre dans la voie de l’intercommunalité, d’imaginer de


nouvelles formules de coopération, ce qui fut l’un des objets principaux de la loi ATR de février
1992. De nouvelles formules institutionnelles sont imaginées : la Communauté de Communes et
la Communauté de Villes. Ces deux nouvelles formules institutionnelles portaient sur un
transfert de compétences au niveau intercommunal à géométrie variable, non imposé dans tous
les cas de création, mais surtout, beaucoup plus réduit que ce qui était prévu pour les CU. Deux
blocs de compétences restent cependant au centre : le développement économique et l’aménagement
de l’espace, domaines auxquels on pouvoir ajouter des natures variables de compétences.
L’idée principale de cette innovation de 1992, c’est de jouer sur le levier fiscal pour
enclencher un processus vertueux de coopération intercommunale, en modifiant là aussi les
formules utilisables mais en mutualisant plus ou moins fortement l’impôt local le plus
productif : la taxe professionnelle. L’idée est en effet de mettre de côté une concurrence fiscale qui
jouait automatiquement contre les solidarités d’agglomération. Selon les cas, les CC et CV pouvaient
adopter une taxe professionnelle de zones ou une taxe professionnelle unique. La variation des taux
entre les quatre impôts direct jouaient toujours en faveur des communes les plus riches, et cette
mutualisation vient corriger cela. On s’est rendu compte en pratique que si les CC attiraient
beaucoup de communes, les CV n’ont pas eu le même succès ; en fait, cela à contribuer au
renouvellement des SIVU et des SIVOM. Et une fois de plus l’intercommunalité a été différée.

Il a fallu attendre 1999 et la loi CHEVENEMENT pour que l’on trouve effectivement un
dispositif qui semble se stabiliser à peu près bien avec l’introduction d’une nouvelle catégorie,
celle des CA. Cette loi a, entre autre, supprimé les formules qui ne marchaient pas, c’est-à-dire
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les CV et les Districts. Elle conserve les CC et créé les CA, tout en refondant la formule des CU,
à partir de 500 000 habitants agglomérés. Cette loi tire les enseignements du passé en corrigeant les
dispositifs qui n’avaient pas eu de succès. La mutualisation de la taxe professionnelle est conservée, et
les CA ont reçu un accueil plutôt favorable. Aujourd’hui l’intercommunalité connaît une véritable
extension quantitative puisque la population regroupée dans un établissement public
intercommunal à fiscalité propre est de l’ordre de 40 millions d’habitants, soit une proportion très
forte, et cette ouverture très large par l’intercommunalité provient indiscutablement du succès des
CA qui sont aujourd’hui plus de 160 sur le territoire pour plus de 20 millions d’habitants ; les
CC concernent 1600 communes pour 13 millions d’habitants et les CU concernent 14 zones
urbaines pour 6 millions d’habitants. Ces instances ne sont pas fondées sur des contributions de
chaque participants mais d’une fiscalité propre votée : ce sont des établissements publics à fiscalité
propre.
Cependant, si la formule marche, comme le montre le niveau quantitatif, il reste des zones
réticentes à l’intercommunalité, comme l’Ile-de-France. En fait, l’agglomération parisienne n’a
pas été véritablement réformée, devant la spécificité de la centralité parisienne. La Bretagne est
totalement couverte par l’intercommunalité, alors que le Sud-ouest ne l’est que moyennement. Les
causes de ces divergences sont historiques, sociales. De plus, il faut s’intéresser à l’intensité, à la
réalité de la coopération intercommunale et là, les situations sont différentes pour des raisons qui
tiennent moins au texte qu’au contexte économique et social. Il y a dans la variété beaucoup de
variétés. En tout état de cause, l’intercommunalité actuelle ne résout qu’une partie du problème posé
puisqu’elle répond aux questions que pose l’action publique, la gestion des politiques territoriales que
lorsqu’elle est une intercommunalité de projet, qui confie au niveau communautaire de vrais politiques
publiques. Dans de nombreux cas, on est d’avantage en présence d’une sorte de fédération où
chacun s’efforce de récupérer beaucoup de son argent. L’intercommunalité est souvent
conflictuelle, avec l’obligation de rentabilité.
A cette intercommunalité classique, il faut ajouter la prise en charge de la question des
agglomérations nouvelles, ou plus exactement de l’extension indéfinie des grandes
agglomérations. Le phénomène des grandes agglomérations. Cette question a été identifiée en
Angleterre plus tôt qu’en France : il faut encadrer une organisation qui se fait spontanément en
tâche d’huile : il fallait casser la logique de banlieues dortoirs. L’idée a été d’établir des contre-
feux, en suscitant la création artificielle, à une distance adaptée de Paris de nouveaux centres urbaines
ayant toutes les fonctions de la ville. Le problème naturellement, c’est que le territoire existant est
quadrillé en communes, et l’implantation des villes nouvelles vient bouleverser les identités
communales et les périmètres de ces communes. Plusieurs modalités ont été offertes aux conseils
municipaux déjà existant pour déterminer la structure de gestion : soit il y a fusion, soit il y a
intégration dans une CA, soit un Syndicat d’Agglomération Nouvelle, ce qui fut la formule la plus
utilisée. Si en terme d’équipement, cela a plutôt bien fonctionné, le niveau d’emploi est
probablement moins une réussite…

2) La régionalisation fonctionnelle.

La question de la régionalisation s’est trouvée posée principalement à partir de la fin de


la seconde Guerre Mondiale, lorsque l’on s’est rendu compte de la trop grande exiguïté du
département pour prendre en charge les questions relatives au développement économique et à
l’aménagement du territoire. Plusieurs études ont été conduites pour savoir si l’on ne devait pas
substituer au département une maille territoriale plus large. Michel DEBRE aurait voulu diviser
par deux la carte des départements français par exemple, mais cela n’a pas été appliqué, même
si on s’est petit à petit rendu compte de la nécessité d’une plus grande zone de réflexion. La prise
de conscience de l’intérêt de la région, suscité en particulier par des questions de police et de sécurité,
se fait très vite après 1958 et débouche en 1964 sur la mise en place d’un préfet de région assisté de
sa mission économique régionale, de la CODER et de la conférence administrative générale.
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En 1969, DE GAULLE lance un référendum sur une réforme du Sénat dans l’optique de la
régionalisation. Ce fût l’échec que l’on sait. La régionalisation a été reprise en portée sur l’agenda
politique et créée à travers une loi du 5 juillet 1972 qui crée les établissements publics régionaux.
Cette loi confère donc à la région un statut mineur par rapport aux collectivités territoriales, un
statut d’établissement public qui confine la région dans un rôle spécialisé et qui n’a vocation à
intervenir qu’en matière de développement économique. Elle ne dispose que de crédit
d’investissement ; autrement dit, la région est une sorte d’administration de mission qui ne peut
que financer des opérations d’équipement ou lancer des études sur le développement
économique mais qui ne peut pas payer des fonctionnaires. Ses ressources fiscales sont très
limitées, dans le cadre d’un plafond. Seulement l’établissement public régional, comme tout
établissement public territorial, est d’une nature hybride qui fait que cette loi de 1972 installe
une assemblée politique, le conseil régional qui va voter le budget et qui va délibérer sur les
politiques de l’établissement public. Dans la mesure où une assemblée représentative politique est
mise en place, la région vient à l’existence politique, même si de très nombreux verrous sont en place
pour l’empêcher de déborder son rôle. Le statut de 1972 est un statut très contraint : le préfet de
région a un contrôle très important sur l’assemblée. Le mode de scrutin pour l’élection des
conseillers régionaux n’est pas adapté à la région qui souffre d’un problème de représentativité
(pas d’élection directe : suffrage indirect)
Une des conséquences négatives en est l’élection de président de CR anti-régionalistes (qui
ne sont élus que parce qu’ils sont les chefs de file de leur parti dans la région) Par exemple,
Raymond MARCELLIN va se retrouver à la tête du conseil régional de Bretagne alors qu’il est
anti régionaliste.
Les CESR purement consultatives, sont aussi créés à la place des CODER. Dans le Nord-Pas-
de-Calais et le PACA par contre, des leaders politiques, régionalistes convaincus, vont trouver le
moyen d’approfondir la régionalisation. C’est le cas de Pierre MAUROY et de Gaston
DEFERRE. S’ils n’ont pas le pouvoir exécutif, ils ont l’assisse politique et l’influence pour le
faire. Même s’ils ne peuvent pas embaucher de personnels, ils demandent des « études » ad hoc
de manière à payer des collaborateurs en ce qui concerne MAUROY, et fournissent des
« subventions » en ce qui concerne DEFERRE. Avec ces services, le pouvoir de négociation à
l’égard du préfet est considérablement augmenté. Autrement dit, le préfet de région, titulaire de la
concurrence exécutive, était fortement contesté par le président du Conseil régional…

La région s’installe progressivement comme troisième niveau d’administration


territoriale. Des ajustements et des éléments de différenciations importants sont introduits. Mais
ces différenciations ne bouleversent pas la physionomie générale du modèle ; d’une certaine
façon, ces ajustements ne font qu’accroître les traits distinctifs de notre système, d’abord parce
que l’on a procédé régulièrement non pas par des choix pondérationnellement, mais plutôt parce
que l’on a procédé par un empilage plus ou moins incitatif, en espérant que les dispositifs
nouveaux entraîneront le dépérissement des niveaux d’administration les moins adaptés mais cela ne
se passe jamais et l’on constate un accroissement sensible de la complexité, et une addition dans les
faits, avec pour conséquence la difficulté de plus en plus manifeste de sortir de cette logique
d’empilage parce que tous ces éléments font systèmes entre eux. Tant que l’on n’aura pas
supprimé la poussière des petites communes rurales, le département gardera l’une de ses
principales justifications, celle de tuteur, et d’appui financier des petites communes rurales. Tant
que des formules d’intercommunalités résolvent tant bien que mal les problèmes des grandes
agglomérations, on ne se posera pas non plus de question. Toutes les pièces de ce puzzle servent la
stabilité et confortent l’assise du pouvoir. Alors, est-ce que la politique de décentralisation de
1982 a véritablement revu et bouleversé les choses.
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II. La politique de décentralisation.

Cette politique de décentralisation n’est pas complètement initiale, sans antécédent, dans le
sens où elle est conditionnée par ce qui précède, et les caractéristiques qui sont les siennes sont
marquées par un certain nombre d’ambiguïtés.

A. Le design de la politique constitutive de décentralisation.

Contrairement à ce que l’on reproche souvent aux politiques françaises, la


décentralisation a été très pragmatique et a tenu compte de l’histoire et des contraintes qu’il
fallait envisager.

1) Le cycle DEFERRE.

Il est d’abord important de caractériser ce que la politique de DEFERRE introduit


comme changement. Ce changement est d’abord marqué par la prise en compte des exigences de
la périphérie et prendra la suite des pratiques de choix et d’évitement. Deuxièmement, le
changement a malgré tout été introduit par la mise en place de dispositifs assez simples, faciles à
réaliser, mais qui interdisent tout retour en arrière. Troisième grande caractéristique de cette
politique, sa logique distributive, dans laquelle on s’efforce de faire en sorte qu’il n’y ait pas de
perdant.

a. L’évitement des conflits

Quand on met la politique de décentralisation en place en 1982 elle prend une allure de rupture
marquée avec la tradition française de centralisation marquée par une audace du pouvoir central,
marquant son innovation par l’introduction dans le titre du ministre de l’intérieur : ministre de
l’intérieur et de la décentralisation ; de façon symbolique c’est un des dirigeants les + énergiques et
expérimentés de l’action publique qui mène la décentralisation, Gaston DEFERRE (maire de
Marseille, grand leader politique local). Le fait de lui confier cette politique « fanion » est important.
En dépit de son énergie, on voit que son approche est très pragmatique, s’efforçant de mettre
dans le jeu les principaux élus locaux en évitant de les prendre à rebrousse poil et de leur imposer des
réformes qui mettraient trop fortement en cause les équilibres acquis.

La première caractéristique de la politique de décentralisation s’inscrit en creux : la mise


à l’écart de toute opération incisive de restructuration des territoires. C’est le postulat selon
lequel on va respecter les territoires politiques tels qu’ils se sont constitués au fil du temps sans
essayer de revoir les frontières et les articulations entre ces territoires. Le problème de l’éparpillement
communal et celui de la nature et de la constitution des régions dont on avait remarqué qu’il était
l’objet d’un nombre de contestations (fondamentales, de base identitaires, ou marginales) faisaient
l’objet de la proposition 54, avec la promesse de la création du département basque ; cette proposition
a été vite oubliée pour des raisons qui tiennent à la difficulté de résoudre la question basque. On ne
touche alors à aucun territoire, même dans les cas où la sensibilité identitaire n’est pas si forte.
Ce point est fondamental car le territoire c’est d’abord du pouvoir : le pouvoir s’est constitué
sur des territoires, que l’on a constitués en fiefs, et renoncer à changer la carte des territoires a été à la
fois la condition de réussite de la décentralisation, mais en même temps a été l’abandon du point
primordial.
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On a aussi renoncé à revoir les positions respectives des différents territoires, et par
exemple donner un pouvoir hiérarchique (réglementaire) aux régions. On aurait beaucoup changé
la dynamique de la politique de décentralisation : on a encore renoncé à cette idée, car le principe de
non tutelle d’une entité sur une autre est mise en avant.

Autre exemple de renoncement de choix décisifs : ce qui est fait en matière de fonction
publique territoriale : elle est crée à partir d’une loi de 1984 est une nécessité si on veut que les
collectivités territoriales dotées de compétences nouvelles puissent les mettre ne œuvre. Il y avait
jusque là des agents, mais pas de fonction publique unifiée permettant de faire carrière ne passant
d’une collectivité à une autre : les agents étaient attachés à la collectivité qui les employait. Le système
de fonction publique territorial est voulu aussi proche que possible par les fonctionnaires du système
de fonction publique de l’Etat, porteur de garanties statutaires très importantes.

On n’impose pas pour autant aux élus locaux qui viennent de se voir reconnaître l’autonomie
dans leur les mécanismes les plus contraignants du système de la fonction publique ; d’où compromis
assez complexes qui ménagent l’essentiel qu pouvoir de décision des élus locaux dans le choix de
collaborateurs. On a mis en place à la fois un système donnant des satisfactions aux syndicats mais
dans les recrutements, au lieu de mettre en place des concours qui dessaisissent les décideurs du choix
des collaborateurs, les concours donnent lieu à une liste d’aptitude puis les personnels viennent
piocher ceux qu’ils veulent : exemple : le concours d’attaché. On fait fonctionner un jury qui établit
une liste de reçus ayant valeur pendant 4 ans et donnant droit à être apte à être nommé dans la fonction
publique territoriale, mais on est nommé sans respecter l’ordre du concours, et au bout des 4 ans, on
peut faire un concours même si tous ne sont pas embauchés.

La logique de la réforme aboutit à donner aux élus locaux pour la 1 ère fois un droit de
réquisition sur les comptables : il y a dans le droit financier français, un grand principe de séparation
de l’ordonnateur et du comptable : un principe de bonne gestion de l’argent public. ce principe repose
sur la bonne conscience personnelle du comptable. Donc le contrôle des comptables est sourcilleux,
pointilleux. Jusqu’en 82 les ordonnateurs locaux n’ont pas la faculté de réquisitionner les comptables :
le comptable risque de bloquer la réalisation d’une dépense alors même que la loi a été respectée : le
droit de réquisition permet de dire à l’ordonnateur au comptable qu’il ordonne de faire quelque chose
en dépit de ses réticences. La responsabilité est transférée du comptable vers l’ordonnateur : quand
Deferre met en place en 82 ce droit de réquisition sur les comptables, il renonce à imposer le transfert
de la responsabilité sur les ordonnateurs.

Donc on voit bien que la recherche de l’accord des personnes élues périphériques a été
systématique.

b. La recherche d’effets de cliquets.

Une des idées directrices de la politique de décentralisation a été d’aller suffisamment vite sur des
points cruciaux stratégiques pour empêcher tout retour en arrière et créer une situation irréversible : en
homme expérimenté, Deferre a su qu’il devait engager rapidement des mesures décisives, car sur
la légitimité de l’élection on peut engager des réformes qui ensuite deviennent impossible avec
l’usure du pouvoir. Il a très rapidement payé par les concessions qu’il a faites : en 81 il y a un
changement de politique mais aussi de personnes. En 81 tout le monde pense que le directeur général
des collectivités locales (gaulliste) va être changé, comme tous les emplois à la discrétion du
gouvernement. Deferre nomme une commission de décentralisation chargée de faire des
préconisations en matière de réformes ; très vite cette commission est dissoute, tandis que le directeur
gaulliste reste en place et conduit l’essentiel du 1er train des réformes : ceci s’est fait par pragmatisme :
ce service avait déjà des mesures prêtes à être mises en œuvre : pour aller vite Deferre choisit de
garder cette équipe.
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Il commence par ce qui est le + facile à réaliser et laisse de côté les questions les plus
difficiles. La loi du 2 mars 82, à laquelle on donne le titre solennel de « droits et libertés des
communes, départements, régions » pose des principes et prend des décisions essentielles, mais
qui ne font pas de problème.
3 décisions :
- abolition des tutelles pesant sur les collectivités territoriales.
- transférer le pouvoir exécutif au président élu des assemblées en dessaisissant le préfet de son
pouvoir fonctionnel.
- ériger la région en collectivité territoriale de même rang que la commune ou le département.

Ces décisions ont pour double caractéristique d’être :

• consensuelles : faciles à prendre : plus aucun élu territorial ne voulait de la tutelle


(décision 1) depuis l’opération « le questionnaire aux maires de France » en 77. les élus
avaient de plus en plus de mal à supporter la tutelle du préfet (2) ; et la 3ème décision ne
fait pas non plus beaucoup de débat. Politiquement, ces décisions ont été faciles à
prendre.

• interdisent tout retour en arrière. Quand on abolit les tutelles, on ne peut pas les
reconstituer : les décisions sont irréversibles ; ces positions permettent d’interdire le
retour en arrière, et en même temps ce sont des décisions qui ne résolvent qu’une toute
petite partie du problème. On a donc progressé dans la difficulté dans le temps.

1983 : on procède à ce qui est plus lourd à réaliser, mais la conséquence des principes de
82 : le transfert de compétences de l’Etat vers les collectivités territoriales : c’est techniquement
lourd mais pas politiquement difficile.
1984 : on met sur agenda la question de la fonction publique territoriale : plus difficile de
résoudre la contradiction entre la demande de garantie en provenance des syndicats et du personnel, et
la demande d’autonomie ne provenance des élus locaux.

A partir de là, l‘ardeur s’essouffle, et des aspects essentiels sont mis de côté :

• La dimension financière : il aurait fallu une réforme fiscale dotant les collectivités territoriales
de ressources propres : or cette réformes est ajournée, a difficulté étant considérable. On ne
traite donc le problème que sous l’angle des dotations compensatoires versées par l’Etat aux
collectivités et on ne dote pas les collectivités d’une autonomie financière. L’Etat a les
ressources les plus productives, et en 1917 a abandonné aux collectivités (au moment de l’impôt
sur le revenu) les 4 vieilles impositions : impôt sur le foncier, la taxe d’habitation, la taxe
professionnelle, la taxe des habitants. Or ces impositions sont peu productives et ne suffisent pas
à donner des ressources suffisantes aux collectivités pour les responsabilités qui leur sont
transférées. En plus il y a une vice caché : quand l’Etat transfère une compétence, il évalue la
charge financière au moment du transfert, mais n’anticipe pas sur ce que deviendra la charge.
Donc le transfert est très souvent insuffisant : exemple : les collectivités locales ont reçu la
responsabilité des transports scolaires : avant la réglementation permettait de prévoir pour les
collégiens la possibilité d’installer 3 enfants sur 2 sièges : lors du transfert on voit que cette
possibilité était imparfaite et donc on réglemente pour installer n élève par siège de travail donc
la charge financière est augmentée.

• La dimension du statut de l’élu local : la question ne sera abordée qu’en 92.

• La dimension de la participation des citoyens à la vie politique locale aussi en 92 et de façon


incomplète.
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La décentralisation reste incomplète du fait de la méthode mise en place mais a été la condition
d’aboutissement de principes acquis aujourd’hui.

c. Une logique distributive

Dans la lignée du pragmatisme qui la caractérise, la politique de décentralisation n’a pas été
l’occasion de réfléchir sur une base rationnelle à la vocation respective de chaque niveau
d’administration territoriale. Dans les répartitions des compétences il n’y a pas de projet global et
cohérent. D’abord parce que à aucun moment il n’a été question de faire une réforme complète, de tout
remettre à plat. On n’a pas réfléchi à qui devrait faire quoi. On a procédé en disant : que va ton
pouvoir arraché à l’Etat pour les décentraliser ?
En outre, bien qu’attribuant à chaque collectivité une compétence générale, la loi se garde bien de
dire ce que sont les affaires de la commune, du département et de la région. C’est de façon
ponctuelle et sur un mode énumératif que l’on procède. Telle compétence est dévolue à telle
collectivité mais on n’essaye pas de trouver des compétences par nature communale…..
Ces compétences sont transgressées par un partage plus ou moins généralisé plutôt que par
une répartition claire. On le voit clairement en matière éducative : chaque élément de la
centralisation est réparti entre les différents niveaux : les communes se voient confirmées dans leur
compétence en matière de construction d’écoles primaires, le département construit les collèges te la
région construit les lycées, et l’Etat garde la construction des facs. Mais quand on voit ce dispositif, on
voit aussi que la réalité est un concours des compétences, dans la mesure où l’Etat reste responsable du
contenu de l’action éducative, mais qu’aussi l’Etat reste le seul compétent pour affecter les personnels
enseignants et jusqu’à peu les personnels administratifs. Il est clair que la création des établissements
ne peut être faite sans la concertation : un département ne peut pas construire de collège avant d’être
sur que l’Etat le dotera en personnel administratif.
Exemple les ports : maritimes sont de la responsabilité des départements et les ports fluviaux sont
de la compétence des régions ; sur toutes les voies d’eaux il y a un concours de compétence pour
assurer la police maritime.

Au-delà de la distribution des compétences, la réforme a abouti à donner à chaque autorité


territoriale le sentiment d’être responsable de son territoire : or les territoires se superposent les
uns sur les autres : donc chacun e sent apte à intervenir chaque fois que ça ne lui est pas interdit par la
loi. C’est très manifeste dans le domaine de la culture : chacun intervient avec ses moyens, pour
affirmer des actions culturelles. C’est donc une logique généralisée de concurrence et de partenariat et
donc contrairement à la logique affichée de bloc de compétence la décentralisation a abouti à une
gouvernance multiniveaux et à la généralisation des financements croisés pas envisagés au départ.

La décentralisation est par ailleurs limitée dans son objet qui se restreint en pratique au cercle
de l’Etat au sens le + traditionnel du terme. Elle a en effet laissé de côté la plupart des grandes
institutions techniques et financières comme les grands établissements publics ou entreprises
publiques, qui sous l’effet de la pression des syndicats conjuguée à celle de leurs cadres dirigeants,
sont restés essentiellement centralisés. Des acteurs essentiels des politiques publiques sont restés à
l’écart de la décentralisation, ce qui pèse sur la portée de l’opération.

2) L’acte RAFFARIN.

Une des grandes orientations du gouvernement Raffarin. On peut s’interroger sur les raisons
de la relance vigoureuse de la politique de décentralisation, dans la mesure où elle ne répondait pas à
une attente de la population, ni d’urgence financière pour la réaliser.
Elle a sans doute était relancée pour que le 1er ministre puisse relégitimer le politique et pour
relancer ou engager une politique symbolique de réforme de l’Etat.

Les raisons :
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Cette relance de la décentralisation est tout d’abord une manière de relancer la politique
après le séisme électoral de 2002. Le gouvernement a vu dans la relance de la décentralisation une
manière de réaffirmer le rôle du politique.
En même temps il s’agissait pour Raffarin de porter le débat sur son terrain de
prédilection, dans la mesure où il avait besoin de s’affirmer personnellement face à Juppé et
Sarkozy. De + la thématique de la décentralisation permet de faire jouer la rhétorique de la proximité
conçue comme traitement palliatif au discrédit de la politique. Il a été un grand communicateur de la
proximité.
Chacun peut avoir un espoir d’amélioration de l’action publique à travers la décentralisation :
elle est à la fois l’expression d’un volontarisme et d’un consensus durable sur les objectifs
poursuivis (consensuelle). Les oppositions n’ont que des bénéfices à attendre de cette politique de
décentralisation, puisqu’elle se traduit par un dessaisissements du pouvoir central.
Cet acte II doit être caractérisé par rapport à l’acte investissement et de ce point de vue, on
peut penser qu’il s’inscrit dans les pas de l’acte 1, s’en différencie assez peu même si il a voulu s’en
présenter différemment.

Les principales différences avec l’acte 1 tiennent à deux caractéristiques :

• Le choix de la voix constitutionnelle alors que l’acte 1 se fait par la voie législative et
n’implique pas de réforme de constitution. L’acte 2 est assis sur une procédure de
concertation. Ce choix n’était pas techniquement nécessaire ni politiquement incontestable :
en effet on peut décentraliser par la voir législative, et de plus si on modifie la constitution
pour chaque réforme importante, on risque de fragiliser à la fois la constitution et la réforme.
Pourquoi l’a ton fait ? Pour une raison de communication d’abord : il s’agit de mettre e, scène
par la voie constitutionnelle une réforme que l’on veut accréditer. Dans ce contexte de
surproduction normative, une loi ordinaire n’a presque pas de visibilité, surtout si elle est
technique et qu’elle a vocation au consensus. La deuxième raison : la voie constitutionnelle est
le moyen de soustraire la suite des opérations (mise en œuvre) à la censure éventuelle du
conseil constitutionnel et conseil d’Etat qui en France sont centralisateurs. Par la même
occasion on a constitutionnalisé les régions (qui ne l’étaient pas jusque là) comme le sont les
départements et les communes ; mais surtout on inscrit le fait que l’organisation de la
république est décentralisée, ce qui ne fait rien avancer du tout au niveau du dispositif réel. On
constate ce qui existe déjà. La différence c’est que le conseil constitutionnel auront à prendre
en compte cette affirmation quand ils rechercheront le point de balance : au niveau des
collectivités d’outre mer, on reconnaît la possibilité de diversification statutaire et
institutionnelle.

• Autre différence : le processus de décentralisation initié par l’acte II s’est voulu un


processus de concertation : avant de soumettre le projet de réforme constitutionnelle et les
projets de lois qui allaient en découler, le gouvernement a lancé une vaste opération des
assises, rassemblant des représentants des collectivités territoriales, supposés plancher sur le
contenu à venir de l’acte 2 : cette opération était du bidon car les principales décisions étaient
prises, et n’a fait que réinstaurer grâce au pouvoir de lobbying des représentants du
département un équilibre entre les bénéficiaires de la décentralisation qui au départ dans les
intentions de Raffarin n’existait pas (il présente son acte 2 comme une régionalisation).
L’association des régions de France avant les élections de 2004 n’était pas à même de peser
dans le processus de décision. Chacun à son niveau a reçu une part de délégation de
compétences, et donc on peut parler plus de décentralisation que de régionalisation. Avantage
symbolique donné au sénat qui se voit attribuer le pas sur l’assemblée nationale concernant la
discussion des projets de loi sur les collectivités territoriales. Le sénat est le lobby
départementaliste. On donne du poids à la parole des sénateurs.
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a. La subsidiarité

Apparaît comme une norme implicite de l’action publique aujourd’hui dans l’union
européenne et la décentralisation, dans un esprit qui s’apparente à la proximité. RAFFARIN : « les
responsabilités n’ont pas à descendre, elles montent. » c’est donc un principe de proximité. Mais
cette affirmation ne correspond pas à la réalité de la mise en place du dispositif, mais plutôt un
vœu pieu qu’on trouvait déjà dans la charte de la décentralisation de 92. Les compétences se
situent dans les collectivités et elles montent.
Dans la réalité les choses sont inversées : dans la loi de 2004 on continue à détacher telle ou
telle compétence de l’administration centrale pour les confier à tel ou tel niveau d’administration
territoriale. On peut constater l’ampleur des controverses autour de la décentralisation de la
gestion de certains personnels, dont ceux de l’éducation nationale aux régions qui n’en voulaient
pas en raison de la charge financière considérable.

b. L’expérimentation

Consiste à tester dans une collectivité volontaire le transfert de telle ou telle compétence afin
d’évaluer les conséquences réelles de ce transfert. Exemple : en région Alsace on a testé la possibilité
de gestion directe par les régions des fonds structurels européens. Cette notion n’est pas totalement
nouvelle mais a priori intéressante car elle montre qu’on procède avec pragmatisme, qu’on s’efforce
d’évaluer au plus près mes conséquences d’un dispositif. Elle permettait d’envisager une
décentralisation à géométrie variable : l’innovation a un peu déçu dans la mesure où le droit
français ne permet pas d’introduire des variations de compétences d’une région à l’autre et que
la réforme n’autorisait pas à le faire. Donc au terme de l’expérimentation la réforme est soit
généralisée soit rejetée.

c. L’autonomie financière et la péréquation.

La réforme reprend ici un des leitmotivs de toute politique de décentralisation : le transfert de


compétences ne doit pas être un transfert de charges : la compensation financière doit donc être
sincère, véritable et intégrale. Simultanément à l’autonomie financière la péréquation est nécessaire
pour assurer l’égalité à toutes les régions.
Innovation : principe selon lequel une part déterminante des ressources territoriales doit être
constituée par leurs recettes fiscales et leurs ressources propres : dans cette disposition on a vu et dit
qu’il y avait la possibilité pour le conseil constitutionnel d’être le garant de la sincérité financière
de tout transfert de compétences. On voit aussi dans la mise en œuvre la fragilité du dispositif :
dire que les ressources propres des collectivités locales doivent représenter une part
déterminante laisse entier le problème le plus délicat : quelles ressources transférer et
comment ? Cette question n’est pas résolue. On bricole à la marge des ajustements. Si on reste
dans ce schéma il faut se demander si oui ou non il est plus juste et efficace de transférer des
ressources que d’assurer la justice, la bonne évaluation du système compensatoire. Les
collectivités les plus dynamiques et les mieux gérées vont bénéficier de ces transferts d’impôts pour
accroître le différentiel de résultat d’efficacité des politiques publiques qu’elles pourront présenter par
rapport à d’autres régions : divergence croissante. Dans certains cas cela peut paraître justifié et ne
rien avoir de scandaleux (résultat d’une combinaison d’entrepreneurs locaux dynamiques et bon
gestionnaires publiques) mais si on transpose la question du coté social et qu’on regarde
l’allocation de prise en charge des personnes âgées dépendantes : est il normal et juste qu’il soit
plus facile d’être dépendant dans un département dynamique ? C’est pourquoi la péréquation qui
promet l’égalité est plus juste. La solidarité nationale doit jouer. Donc les dotations compensatoires
seraient pour certaines politiques plus justes que le produit de recettes fiscales dont le rendement serait
plus juste.
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d. La démocratie participative locale

Le référendum local et le droit de pétition assurent la démocratie participative.


Beaucoup d’ambiguïté dans l’acte 2 en tenant deux discours contradictoires : un dans l’opinion,
disant que la parole allait être donnée au citoyen, et un aux élus, en leur disant qu’ils n’auraient
rien à redouter de ce dispositif.

• Ce dispositif introduit pour la 1ère fois dans le droit français un référendum local de valeur
décisionnelle. Il n’existait jusque là que des consultations locales (charte 92), reprises dans la
loi PASQUA de 95, qu’on appelait parfois référendums mais à tort car elles n’avaient qu’une
portée consultative. L’innovation consiste à introduire un référendum à portée décisionnelle,
dont le résultat s’imposera aux élus. Mais la portée est limitée par les conditions de mise en
œuvre des référendums. Déjà il n’est pas assorti d’initiative populaire : seuls les élus pourront
décider de mettre en place un tel référendum. Avant il y avait une possibilité d’initiative
populaire pour les consultations non obligatoires. Donc là les élus prennent toutes les
précautions : ils sont surs du résultat de la consultation avant de faire un référendum.
Des conditions de quorum élevées (50%) sont exigées pour que le référendum soit
obligatoire. Enfin il ne peut être engagé que sur les domaines de compétences de la
collectivité concernée.

• Le droit de pétition consiste pour la population à demander qu’une question soit inscrite à
l’ordre du jour des assemblées représentatives pour être discutée et aboutir à une décision.
C’est un droit démocratique élémentaire qui a historiquement été un des 1ers droits de
l’homme. Il permet à une fraction de l’électorat d’exiger des élus qu’ils se prononcent sur
telle ou telle question. L’innovation est là aussi limitée pour deux raisons. 1) après le
débat au sénat un amendement a changé un mot décisif : d’obtenir a été changé par
demander (l’inscription à l’ordre du jour du sujet qu’ils ont préparé) : on n’a donc pas
changé grand-chose puisque déjà avant on pouvait demander l’inscription à l’ordre du
jour d’une question. 2) la loi d’application n’a pas encore été votée : il faut voir les
conditions de la pétition : il faut une certaine quantité de personnes, et les sénateurs ne se
sont pas mis d’accord, donc le droit de pétition n’existe toujours pas.

Donc on est resté au niveau de l’effet d’annonce. On reste sur le modèle représentatif
teinté à la marge d’une petite dose de principe participatif. En réalité ces éléments ne font que
marginalement progresser la décentralisation sur l’axe choisi. Donc l’acte 2 est plutôt dans la
continuité que dans la rupture avec la réforme DEFERE : logique distributive qui ménage tous
les niveaux avec le renoncement à la hiérarchisation entre les collectivités. On reste aussi en
présence de l’évitement des choix et des conflits qui conduit à entériner l’empilage institutionnel de
notre organisation territoriale. L’acte 2 ne s’est pas emparé du niveau de l’intercommunalité : il est
caractéristique des timidités du processus de réforme qu’on ait fait l’impasse sur ce niveau.
On repousse la question au nom d’un alibi qui consiste à dire qu’il faut attendre que le
territoire soit totalement recouvert par l’intercommunalité avant de changer le statut, comme par
exemple l’élection au SUD des représentants de l’intercommunalité.
On peut dire que le déficit démocratique s’accroît sensiblement du fait des progrès de
l’intercommunalité pour trois raisons :

• On accroît le hiatus entre les territoires de l’action publique (de plus en plus les territoires
intercommunaux) et de la représentation (communaux). C’est très grave car en terme
d’imputabilité de plus en plus de décisions publiques ne sont pas soumises au SUD.
L’élection du président de l’intercommunalité est une 4è élection (deux tours pour le
conseil municipal, un tour pour le maire) qui n’est pas tranchée par l’électeur, qui n’a ni
conscience ni prise sur la communauté urbaine. Parfois le président de l’intercommunalité
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est mathématiquement contre le résultat des urnes ; en plus les décisions prises échappent
aussi complètement électeurs, et ne sont pas sanctionnables par l’électeur.

• Elle joue contre la mise en place de la parité en politique : les lois sur la parité ont corrigé
au niveau municipal la parité dans les conseils municipaux (47% de femmes, 10% de
femmes maires seulement). Mais au niveau de l’intercommunalité, il n’y a plus que 23%
de femmes. On voit bien le processus qui consiste pour la plupart des élus à se décaler au
niveau de l’intercommunalité : on voit des maires se dessaisir de leur mandat municipal au
profit d’une femme mais devenir président d’intercommunalité (MAUROY à Lille et
FRECHE à Montpellier).

• Les éléments de démocratie participative sont plus difficiles à mettre en place au niveau
intercommunal que communal. Ils sont déjà timides au niveau municipal.

L’acte 2 en faisant l‘impasse sur l’intercommunalité fait un discours favorable pour la


démocratie participative qui est annulé par l’impasse sur l’intercommunalité.

B. Les effets de la décentralisation.

Ces effets sont très difficiles à évaluer ; il faudrait faire de la « retroviction ». On peut
souligner trois dimensions principales : la régénération des notables ; la diffusion du modèle
managérial et enfin la persistance d’un certain déficit démocratique.

1) La régénération des notables.

Le système politico administratif français constitué autour de cette notion de pouvoir


périphérique était fondé sur la capacité des notables locaux à apprivoiser le jacobinisme, à en
neutraliser la trop grande directivité, le trop grand volontarisme, en mettant en avant une
capacité de freinage. La décentralisation a donné aux responsables périphériques élus des
nouvelles marges de manœuvre pour leur permettre non plus seulement de s’opposer aux
initiatives du centre et de s’y opposer mais également d’avoir leur propre initiative et de lancer
des politiques publiques locales. Cela s’accompagne d’une régénération du personnel politique,
en entendant par là à la fois un renouvellement, un changement, mais aussi une revitalisation de
leur influence. Selon le collectif J. RONDIN, la décentralisation a consacré le rôle dévolu à ceux
qui, dans le système politique français, sont les relais incontournables entre le centre et la
périphérie. Il y a une généralisation du modèle du maire dans l’ensemble des collectivités
territoriales : le maire est un élu disposant d’un pouvoir très fort. Il est démocratiquement élu,
mais il est aussi élu par son conseil.
Il a de plus beaucoup de pouvoir : il est l’autorité exécutive locale, mais a aussi un
pouvoir propre, de police, pour assurer l’ordre public ; or ce pouvoir est bien un pouvoir
propre, dissocié du conseil municipal. Il est de plus toujours titulaire d’un dédoublement
personnel, et peut se faire déléguer un certain nombre de compétences de la part du conseil municipal.

On a étendu ce type de dispositions aux départements et aux régions. Les présidents du


conseil général ou du conseil régional sont non seulement les présidents des délibérations de
l’assemblée représentative, mais ils sont aussi investis d’une légitimité et de compétences
extrêmement important. C’est la généralisation d’un système de pouvoir fort des les collectivités
territoriales.

Le maintien du modèle notabiliste s’explique parfaitement à travers les réformes


successives d’un des mécanismes fondateurs de notre approche du pouvoir : le cumul des
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mandats, spécificités française s’il en est une. Cela permet dans notre système de contrebalancer la
centralisation excessive de notre système politique. C’est un mode d’ajustement de notre système
politique à notre système administratif. De plus, le cumul des mandats est l’un des éléments
permettant de vivre de la politique, de professionnaliser l’activité politique. Le cumul des
mandats permet premièrement de cumuler les indemnités de fonctions, mais surtout, cumuler
des avantages en nature, qui sont beaucoup plus importants. Mais surtout, le cumul des mandats
a le grand avantage d’offrir à ceux qui en dispose une sorte de prime à la réélection car il accroît
la notoriété politique des élus de manière sensible, c’est-à-dire leur capital politique. Le cumul est
une modalité pratique permettant la professionnalisation politique, ce qui explique que tout parti tolère
le cumul des mandats…tout en le condamnant.
La logique de la décentralisation aurait sans doute voulu que le cumul des mandats soit
drastiquement encadré, d’autant qu’il est très mal perçu par l’opinion publique. En fait, on croit
que c’est un goût immodéré du pouvoir qui pousse au cumul, alors que c’est plutôt une
fonctionnalité au cumul des mandats : il est plus facile d’être réélu quand on cumule ! Une loi de
1985 a limité en principe à deux les mandats cumulables en mettant de côté un certain nombre
de fonctions ou de mandats (comme être maire d’une ville de moins de 20 000 habitants ou les
fonctions exécutives intercommunales) En 2000, on a abaissé le seuil des mandats qui n’étaient
pas pris en compte et on a posé des restrictions supplémentaires, mais toujours sans toucher la
possibilité de cumuler un mandat local et un mandat national, ou la possibilité de concourir à
une élection puis de se délester ! Ainsi, la décentralisation ne règle pas le problème de cumul des
mandats…et tend même à l’aggraver par la mise en place de lieutenants, de prête-noms. Au final, 80
% des sénateurs et même 90 % des députés ont un autre mandat : le cumul des mandats n’a
jamais été aussi fort.

Il y a aussi eu un renouvellement dans la sociologie du personnel électif local. Certaines


distorsions des catégories socioprofessionnelles ont été renforcées : la composition sociologique
des élus locaux était marquée traditionnellement par une surreprésentation des professions
indépendantes par rapport aux salariés. Or, ces catégories baissent en représentation au profit
des salariés. Il y a une sorte de rapprochement entre la sociologie de la population française et la
sociologie des élus. Des distorsions persistent, la surreprésentation des professions libérales reste
encore marquée mais le nombre d’agriculteurs a grandement diminué. On peut aussi évoquer le
nombre de plus en plus important de retraités dans le personnel politique. La loi sur le parité a
elle en partie corrigé la distorsion de la représentation féminine…même s’il faudra pour le corriger
totalement un certain temps…

2) La diffusion du modèle managérial.

Il y a un véritable pari à faire sur la capacité des élus à gérer de façon efficace les intérêts de
leur localité.
Si on leur confère des compétences et des moyens supplémentaires, on parie sur leur
responsabilité au sens gestionnaire. L’administration territoriale a en effet perçu les dividendes
du modèle managérial qui s’est diffusé avec la décentralisation qui est le résultat d’un processus
d’apprentissage des élus locaux.

Controverses :
Tout un courant jacobin (qui ne se retrouve pas dans un unique courant politique) accusait la
décentralisation d’être porteuse de dérives, de corruption de l’Etat républicain. Les scandales qui ont
suivi devaient accréditer ces craintes et remettre en cause la décentralisation. Dans les années 1990
deux grandes villes se sont retrouvées en situation de cessation de paiement du fait des
escroqueries de leurs maires : Angoulême (BOUCHERON, PS) et Nice (J.MEDECIN, droite).Il
a fallu changer d’équipe municipale et rétablir les finances.
L’abolition de la tutelle ne signifie pas l’abolition de tous contrôle. Il existe le déféré
préfectoral, corollaire du contrôle de légalité (le Préfet peut saisir le tribunal administratif,
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plusieurs milliers d’actes étant transmis annuellement au Préfet). Les déférés électoraux
représentent entre 0,26 pour mille et 0, 59 des actes. 20 à 40 % des procédures sont
interrompues en cours d’instance. Au final seules quelques centaines d’actes sont annulés. La
décentralisation n’a pas été synonyme de corruption.
Certes, tout ne transparaît pas dans les statistiques puisque un certain nombre d’actes illégaux
sont modifiés avant que la procédure soit lancée. Le comportement des élus s’est modifié vers un
souci de bonne gestion évident.
Par exemple, lors de l’attribution d’un permis de construire, c’est le Préfet qui arbitrait
entre la proposition du Maire et celle de la direction de l’équipement, la plupart du temps en
faveur du Maire. Le Maire jouait de cette facilité. Mais aujourd’hui, lorsque le Maire délivre un
permis de construire il ne doit pas faire n’importe quoi (c'est-à-dire porter atteinte à l’intérêt de
l’urbanisme communal), un tiers pouvant attaquer cette décision. Le maire prend le risque refuser un
permis pour l’intérêt de l’urbanisme de la commune.
C’est la solution la plus optimale qui est recherchée. Recherche pragmatique d’une solution
optimale.

La nouvelle fonction publique territoriale a su s’adapter aux difficultés de gestion. Les


fonctionnaires sont beaucoup plus sensibles à la formation, aux règles de bonne gestion. Il existe
un véritable souci de rentabilité du service. Les fonctionnaires sont beaucoup plus sensibles aux
règles de bonne gestion que les gestionnaires de l’Etat. Soucis de la rentabilité du services public
mis en avant alors qu’il est plus difficile à le faire admettre dans l’administration étatique.

a. La persistance d’un certain déficit démocratique

Elle est différente des attentes de la politique de décentralisation. Mais en réalité, il n’y a pas
plus de clarté dans les décisions. Il y a deux manifestations de ce phénomène.

• la situation produite par la décentralisation :


Aujourd’hui, pratiquement plus personne n’est responsable de la politique sectorielle. Là où on
pouvait espérer un schéma de répartition des responsabilités, on est en réalité en présence
d’institutions de concurrence et de complémentarité généralisée qui produisent elles-mêmes
des effets dysfonctionnels. Le partenariat, la co-administration, ne sont pas des
phénomènes négatifs, mais peuvent provoquer des phénomènes de compétition qui ne sont
pas guidés par le soucis de l’usager ou d’une politique de rentabilité de l’action publique
mais qui sont inspirées par la volonté de faire de la communication, de développer une
politique d’image, coûteuse pour les finances publiques, peu intéressante pour les citoyens.
Les collectivités territoriales interviennent simultanément dans des domaines où elles n’ont pas
de compétence exclusive. Exemple d’une rivalité au niveau publicitaire pour s’emparer de tel ou
tel dossier. Une certaine dose de communication est nécessaire, mais de nos jours, la
communication est de plus en plus publicitaire.
Un autre dysfonctionnement provient des opérateurs de politique publique qui en
partenariat ont besoin d’un coordinateur, d’un régulateur. Or, ce coordinateur est l’Etat,
et une re-centralisation insidieuse va rendre les affaires publiques encore moins
transparentes qu’avant. Ce concours des compétences et l’imbrication des responsabilités
contribuent à cette opacité.

• Le problème du déficit démocratique dans la pratique de la décentralisation :


Il est réel à deux égards. On constate une absence de relance de la démocratie participative
à la faveur de la décentralisation. Celle-ci est décevante, elle est l’affaire des élus et non pas
des citoyens, la promesse de prévoir des modalités de démocratie participative a été laissée
de côté pendant 10 ans.
En 1992, la loi ATR a ouvert une brèche en ce sens, mais ce qui y est prévu reste à l’état
d’embryon : la consultation locale, le referendum local étant encadrés par des mesures si
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restrictives que cette modalité de démocratie directe n’est en réalité qu’un instrument
supplémentaire à la disposition des élus. Cette consultation n’a qu’une valeur consultative, et
n’est réservée qu’aux électeurs et non pas à toute la population locale. De plus elle reste à
l’initiative des élus.
En 95, une loi s’ajoute à celle de 92. Apparaît l’initiative populaire (le droit d’initiative
populaire), et la possibilité de consultation donnée aux établissements publics
intercommunaux est étendue. Mais la consultation locale n’a que valeur d’avis, les élus
conservant la maîtrise de l’opération. En pratique, très peu de consultations ont été faites
(une centaine), de nombreuses consultations n’ont pas intéressé les citoyens (abstention
forte), et celles-ci sont instrumentalisées par les élus pour se faire confirmer
démocratiquement une décision. C’est pour cela qu’on ne peut pas dire que la décentralisation
soit allée dans le sens de la démocratie participative (c’est différent au Brésil, à Porto Alegre, où
l’expérience du budget participant à une partie du budget sert à prendre des décisions qui
viennent de la population en vertu d’une consultation locale. En terme de démocratie
représentative, l’implication du citoyen est paradoxalement venue affaiblir le projet et les
espoirs placés dans la décentralisation. L’expression de cette déception est la forte
abstention constatée lors des consultations locales. Les collectivités territoriales ont donc de
plus en plus de pouvoirs, le maire devient un personnage central de la commune, mais la
participation aux élections locales n’a jamais été aussi faible depuis 1980. Cependant, toutes
les élections locales ne se ressemblent pas, les scrutins et les enjeux sont différents ceci
expliquant les variations du niveau d’abstention. De pus, celle-ci est très différente selon le
type de circonscription. On observe un paradoxe entre abstention et enjeux de l’élection.
Par exemple, la participation aux municipales n’a cessé de diminuer alors que dans le
même temps les enjeux sont de plus en plus importants. En ce qui concerne les cantonales, les
mouvements de l’abstention sont plus erratiques. L’abstention constatée lors des régionales a
augmenté de 20 points en 20 ans. Mais ce phénomène varie en fonction du calendrier électoral
(proximité des législatives…).

Bilan :

On constate une augmentation tendancielle de l’abstention dans tous les pays


démocratiques et développés. Parallèlement, on peut observer une montée de l’individualisme
dans les sociétés contemporaines. Il y a différents facteurs à prendre en considération : il y a
différents types d’élection, la participation dépend du couplage ou non de l’élection avec un
scrutin national, et la décentralisation n’a pas provoqué un regain de participation lors des
élections locales, contrairement aux attentes.
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Chapitre 4 : les agents du système administratif

Question des effectifs de la fonction publique posée en permanence dans les préoccupations
gouvernementales. Il y a 45 millions de fonctionnaires en France.
Statut général : la fonction publique de l’Etat, des collectivités territoriales et hospitalières qui
représentent environ 24% de la pop active. Ils sont à la fois placés dans les statuts et des rôles c’est-à-
dire un ensemble de comportements et d’attentes de comportements.
Statut = ensemble des comportements qu’une personne peut attendre à l’égard des autres et à
l’égard d’elle-même.
Le rôle est l’inverse. Ces statuts et rôles sont nombreux et renvoient tous à la question de la
spécificité de la fonction publique qui se pose pour 2 raisons.
Le système français de fonction publique est construit sur la notion de « carrière » ; il y a
dans les mondes 2 modèles apparents :
• Modèle de l’emploi
• Modèle de la carrière

La distinction de la fonction publique est fermée (carrière) et ouverte (emploi).

Système de l’emploi : on se trouve mis à un poste déterminé de compétence professionnelle comme çà


se passe dans l’entreprise.
Système de la carrière : on consacre toute sa vie professionnelle à l’administration, on est recruté sur
un savoir-faire généraliste. On peut changer d’emploi en cours de carrière.
La fonction publique est organisée en corps d’emplois qui regroupent tous les emplois dont les
titulaires exercent des activités analogues. Ils comprennent une série de grades et des échelons à
l’intérieur desquels les fonctionnaires font carrière en franchissant les échelons puis les grades.

La fonction publique française (différente de la nord-américaine) est construite sur la notion


de carrière, ce qui situe les fonctions. En France la fonction publique a toujours été conçue par le
pouvoir politique comme un métier particulier s’apparentant à une fonction sociale, à une
magistrature (au sens philosophique). Cette idée que ce n’est pas un métier comme les autres est
affirmée par la Déclaration des droits de 1793 (en tête de la constitution de la Convention) : les
fonctions publiques ne peuvent être considérées comme des distinctions/récompenses mais comme des
devoirs. La fonction sociale est énoncée avec un caractère tranché, cette résolution est fondée sur
l’abolition du précédent système des offices et des privilèges. Mais cette conception est idéale et
différente de la réalité. Quand ils entrent dans la fonction publique, les fonctionnaires le font
pour gagner leur vie, ça s’est banalisé.
Traces dans le droit de la fonction publique : théoriquement le fonctionnaires ne touche pas
un salaire mais un traitement calculé pour lui obtenir son rang social, déconnecté de la
productivité de son travail.
Mais la réalité est différente. Ce traitement n’est pas négocié et ne fait l’objet d’un contrat,
il est fixé par l’Etat. Il ne s’agit pas de récompenser un travail.
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En réalité : les organisations syndicales et pouvoirs publics négocient. Des problèmes se posent
aujourd’hui de façon récurrente : problème de la productivité, de l’efficacité de la fonction publique.
Que faut-il faire du statut général des fonctionnaires ?

I. La constitution d’un système de fonctionnement de la fonction


publique.

A. Caractéristiques qui précisent le statut général des fonctionnaires : des offices au statut.

Sous l’Ancien Régime, la fonction pub est exercée par le biais de catégories de personnels,
conditions :
• Les Officier publics, ce sont les plus anciens serviteurs de l’Etat, ils sont titulaires d’un office
c’est-à-dire un fonctionnaire public pourvu par le roi (les nomme) rémunéré par gages modestes
du roi et complétés par redevances pour services rendus. Ils deviennent progressivement titulaires
de leur charge. Sous Louis XI, inamovibilité acquise. Le pouvoir royal va introduire la vénalité
des ressources. Très vite, on en viendra à l’hérédité des offices que le pouvoir royal se borne à
assortir de versements d’une taxe. Moyen d’avoir des ressources financières : la polette (taxe). Les
officiers publics sont des privilégiés, c’est contre ça que les révisions de 1789 se feront :
attribution au mérite plutôt qu’à l’hérédité. Le Système des officiers échappe à l’influence du roi,
il les double par des commissaires. Ils sont investis par le roi par une lettre de commission qui
suppose que le roi les choisisse librement. La commission est en principe provisoire, le roi peut les
révoquer librement. La plupart des hautes fonctions publiques seront attribuées à des
commissaires, grands serviteurs de l’Etat soumis au pouvoir hiérarchique du monarque. « Les
grands commis de l’Etat », ces officiers et commissaires constituent l’aristocratie de la fonction
publiques.

• Les Commis de ministère et des Ingénieurs sont une catégorie intermédiaire qui prend de plus
en plus d’importance. Ils sont nommés et révoqués par un chef de service et reçoivent des
traitements. Ils sont inscrit dans une hiérarchie et font carrière.
Au milieu du XVIII° siècle, pension de retraite. Ce système se rapproche de la fonction publique
contemporaine. Avec la révision, affirmation d’une bureaucratie, c’est-à-dire travaillant de
façon abstraite pour l’Etat et non pour une personne.
Sous l’Ancien Régime, bureau sous forme de maison, travail au domicile et domestication du
personnel, avec des avantages pour leurs agents.
Avec la Révolution, des règles générales et impersonnelles sont imposées : les agents ne sont
pas les serviteurs d’un homme mais de la nation. Le Trésor public prend en charge la rémunération
des agents, le clientélisme existe mais progression vers une administration objectivée. On
approche de la bureaucratie au sens wébérien.
Au XIXème siècle, développement des garanties statutaires amendant la conception
napoléonienne (hiérarchisée et autoritaire).
L’empire donne à certains corps un statut : corps des officiers étrangers. Premières avancées
notable avec le statut des militaires sous la monarchie de Juillet (1834).
D’autres éléments viennent s’y ajouter à cette évolution statutaire :
o Exemple : en 1853 le régime général des retraites est très novateur par rapport au
privé.
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o Début 20ème, avec en 1905 mise en place de la règle de la communication du dossier =


droit à recevoir leur dossier pour savoir ce qu’on leur reproche. Ces éléments ne font pas
l’objet d’un statut général, parce que celui-ci est pendant longtemps perçu par les
organisations de fonctionnaires comme étant attentatoire à leur situation de travailleurs
pendant tout le début de la III° République. Les associations de fonctionnaires qui existent
sont inspirées par un syndicalisme révolutionnaire qui prévaut dans le secteur privé. Ils
combattent l’idée d’un statut que l’Etat leur donnerait unilatéralement, ce qui
remettrait en cause leur solidarité avec la classe ouvrière. Ces associations
professionnelles se battent pour obtenir le droit syndical qui existe dans le privé. Mais
le gouvernement ne veut pas le reconnaître pour ses fonctionnaires, d’où un affrontement
très long sur un terrain double : les associations prof réclament le droit syndical et
refusent le statut ; l’Etat c’est l’inverse et jusqu’en 1941, ni droit syndical ni statut.

Sous le régime de Vichy, premier statut général des fonctionnaires élaboré en codifiant
l’espèce de « statut jurisprudentiel » que le Conseil d’Etat avait élaboré. En même temps que ce
statut donnait certaines garanties, il limitait les droits collectifs des agents (pas de droit syndical ni
droit de grève) et réserve de la fonction publique aux fonctionnaires non juifs sur un idéal raciste.
A la libération, ce statut sera abrogé comme l’ensemble des lois de Vichy. Mais notion de statut
général acquise parce que la principale organisation, la CGT, se rallie au statut pour des raisons
tenant au contexte politique. Un nouveau rapport de confiance existe entre syndicalistes et
gouvernants du fait qu’avec le tripartisme de l’époque entre MRP et SFIO et PC le statut général prend
une signification différente.
Trois idées du statut général :

• Le statut général c’est d’abord l’expression de l’autonomie du droit par rapport au droit du
travail car différences par rapport au conventions collectives et au droit du travail général.
Jusqu’en 46, ne voulaient pas en raison de solidarité avec la classe ouvrière.

• Statut est décrété et pas négocié en opposition avec la technique des contrats.

• Permet d’accepter le statut général, un corps de garanties données aux fonctionnaires à l’égard
de la puissance publique susceptible de mettre fin à l’arbitraire, contre l’autorité hiérarchique.
Le statut devient une référence incontournable à laquelle on ne peut plus toucher.

B. Edifice statutaire.

C’est une idée quelque peu bizarre que de vouloir donner un statut identique à un
ensemble aussi vaste et différencié que celui de la fonction publique.
Ce statut concerne un nombre mal défini et considérable de corps qui recouvrent une grande
diversité de métiers (médecins, ingénieurs, infirmières) : il existe entre 1 000 et 1 600 corps
différents. Certains sont en voie d’extinction, d’autres en pleine expansion. Cette uniformisation
des statuts est d’autant plus criante depuis la création du ministère de la fonction publique en 1981
confié au ministre communiste Anicet LE PORS: de 1983 à 1986 se construit un statut général. En
1982 on énonce les trois fonctions publiques :

• Etat
• fonction publique territoriale,
• fonction publique hospitalière.

Quatre lois formeront ce nouveau statut général :


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• Celle du 13 juillet 1983 (titre 1 du statut) qui comporte des dispositions communes pour les trois
fonctions publiques (1 loi pour chacune).
• Celle du 11 janvier 1984 qui touche à la fonction publique d’Etat (titre 2).
• Celle du 26 janvier 1984 sur la fonction publique territoriale (titre 3).
• Enfin, celle du 9 janvier 1986 (titre 4) sur le statut de la fonction publique hospitalière.

L’innovation principale de ce nouveau statut est la création de la fonction publique territoriale.


Une série d’objectifs sont énoncés.

1) L’unification du service public par un statut et par un règlement.

Il fait suite à une controverse jurisprudentielle sur la nature contractuelle ou statutaire du


fonctionnaire vis-à-vis de l’employeur.
Un arrêt du CE de 1909 (arrêt WINKELL) fut interprété comme confortant la thèse
contractuelle.
Mais la situation fut plus qu’incertaine. La loi de 1946 a réglé définitivement la question.
Le fonctionnaire est dans une situation statutaire et réglementaire et non contractuelle. Cela
accrédite la thèse selon laquelle être fonctionnaire n’est pas un métier comme les autres. C’est la
puissance publique qui fait respecter la logique statutaire.
Cette définition a été étendue en 1983 aux deux autres fonctions publiques. Cette
uniformisation ne peut cependant être que relative compte tenu de la diversité déjà évoquée.
Lorsque le statut général ne s’applique pas, on parle de dérogation.

• Les magistrats par exemple, les personnels des Assemblées parlementaires n’y sont pas assujettis.
Ils ont leurs propres statuts.

• Les militaires ont aussi un statut spécial.

Aussi, même pour les corps qui sont assujettis à ce statut général, il existe des modalités
d’application différentes, qui tiennent aux nécessités d’adaptation relatives à telle ou telle
profession. Le statut général est alors complété par des règles particulières.
On retient deux cas de figures :
• Lorsqu’il s’agit d’un corps ordinaire de la fonction publique, on ne fait qu’ajouter certaines
précisions.

• En revanche lorsqu’il s’agit d’un corps particulier, on établit une dérogation. Ainsi, les
fonctionnaires ont le droit de grève. Mais certains corps en sont privés en compensation
d’avantages matériels (exemple : la Police).

Il existe donc trois situations possibles :


• La première est celle des fonctionnaires qui se situent en dehors du statut général et qui ont
des dispositions propres.
• La seconde est celle des agents qui répondent à un statut particulier, précisé par le statut
général.
• Enfin, la troisième est celle du statut particulier qui est assorti d’une dérogation.

2) Le second objectif est celui de la professionnalisation.


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Le statut procède à une opération générale de classification des agents. On distingue ainsi
4 catégories de fonctionnaires. Un certain nombre de corps est aussi organisé en grades et échelons.
Cette classification se fonde essentiellement sur le niveau de recrutement.
• Les agents de catégorie A ont du présenté un diplôme de l’enseignement supérieur pour passer
le concours.
• Pour la catégorie B, c’est le Bac qui est exigé.
• Pour la catégorie C c’est le brevet.

A cette classification correspond une grille de traitement, pour situer les corps les uns par
rapport aux autres. Le statut comporte aussi des organisations de carrières : un principe essentiel est
celui de la séparation du grade et de l’emploi, le grade étant un titre qui confère à son bénéficiaire la
vocation à occuper un emploi qui lui est réservé. Le grade appartient donc au fonctionnaire tandis
que l’emploi appartient à l’administration. Un grade peut ainsi être conservé même si l’emploi est
supprimé. Cela implique qu’un fonctionnaire doive nécessairement être reclassé. Il n’y pas non
plus de relation entre le grade et l’emploi occupé.
C’est cette distinction qui va fonder la fonction publique territoriale. Jusqu’en 1984, si
l’emploi était supprimé, il y avait licenciement. La fonction publique territoriale était donc peu
attractive comparée à celle de l’Etat. Avec l’obligation de reclassement, on tend à l’égalisation des
statuts.
L’objectif de professionnalisation s’est aussi perçu à travers la généralisation du concours
comme mode de recrutement, c'est-à-dire par la sélection des plus aptes. C’est l’efficacité de la
fonction publique qui est recherchée à travers cet objectif, en même temps qu’un souci d’équité.
Le concours est la clé de voûte du système méritocratique.
La professionnalisation prévoit des règles en matière d’avancement (ancienneté pour
l’échelon et inscription au tableau d’avancement soumis à l’avis d’une commission administrative
paritaire).
Exemple : les maîtres de conférence ; on distingue 3 grades différents (première, deuxième ou
troisième classe). La titularisation n’intervient qu’après un ou deux ans de test.
La notation des fonctionnaires incombe aux chefs de services : il y a une note chiffrée et une
appréciation littéraire qui servent à la l’examen des promotions des agents.
Il existe des dispositions relatives aux règles disciplinaires pour les fonctionnaires qui
manquent à leurs obligations.

Cet objectif de professionnalisation fait face à certains problèmes. Par exemple, le principe
du recrutement par concours qui assure l’égalité entre les candidats se fait au prix d’une
validation de la culture scolaire et académique qui n’est pas toujours un test véritable pour
certaines aptitudes (travail en équipe, conscience professionnelle).
Concernant la procédure de notation, la pression syndicale donne une prime excessive à
l’ancienneté et ne permet pas d’évaluation fiable du travail fourni et des compétences individuelles
(progression d’un demi point chaque année). De plus, le fonctionnaire peut faire appel de sa note. Les
licenciements sont quasiment inexistants.

3) La reconnaissance du droit de citoyenneté aux fonctionnaires.

Le troisième objectif est la reconnaissance de droits liés à la citoyenneté aux fonctionnaires. Il


s’agit de garantir aux fonctionnaires un statut de citoyen à part entière, comme le respect des
principales libertés publiques.

• La première de ces libertés est la liberté d’opinion.

Interdiction de faire figurer dans son statut la mention de ses obligations politiques. Cette
liberté a été consacrée par le CE dans un arrêt BOREL du 28 mai 1958 qui réaffirme l’égalité
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d’accès à la fonction publique. Cet arrêt annule la décision du ministère de la fonction publique de
refuser à un candidat de passer le concours de l’ENM au motif qu’il était communiste. C’est une
présomption de discrimination puisque le ministère n’avait pas dévoilé le motif. Mais à la tribune de
l’Assemblée Nationale, le secrétaire d’Etat avait affirmé qu’il n’y avait pas de place pour les
communistes au sein de l’Etat.

• On consacre la liberté de conscience.

Liberté de professer l’ opinion que l’on veut dans son fort interne.

• La liberté d’expression.

Exprimer ses opinions à la portée du public. Cela doit se concilier avec les obligations du
fonctionnaire en matière de prosélytisme qui rompt le principe de laïcité de la fonction publique
plus une obligation/devoir de réserve qui n’est pas définie par un texte, qui est donc à géométrie
variable, en fonction de la nature du service dans lequel exerce le fonctionnaire (le devoir de réserve
est plus important lorsqu’on est militaire ou policier que lorsqu’on est enseignant), et en fonction de la
place qu’occupe le fonctionnaire dans la hiérarchie (un haut fonctionnaire incarne l’Etat). Selon les
paramètres donc, la liberté d’expression peut être tempérée (à l’étranger le devoir de réserve est
accru).
Exemple : en 1961, un candidat à l’ENA s’est vu refusé l’autorisation à concourir. On est en
pleine guerre d’Algérie et le candidat s’était exprimé en Tunisie contre la position gouvernementale. Il
n’a pu se présenter que l’année d’après et a été reçu.
Dans les faits, la violation du devoir de réserve n’est que peu l’objet de sanctions
disciplinaires. Il y a eu cassure générationnelle dans certains corps, des oppositions entre anciennes
(conservateurs) et nouvelles générations.
La discrétion professionnelle concerne un dossier ou un fait appartenant au service. Un
fonctionnaire ne doit en aucun cas faire connaître un fait appartenant au service, auquel cas il
serait passible d’une sanction disciplinaire.

• Les droits relatifs à la citoyenneté du fonctionnaire sont la liberté syndicale et le droit de grève.

C’est le statut général établit en 1946 qui apporte nombre d’avancées en ce domaine. Ces
droits existent pour les salariés du privé depuis une loi de 1884, mais cette loi ne s’appliquait pas à
la fonction publique : la plupart des juristes considéraient qu’il y avait antinomie entre syndicalisme et
fonction publique. Le doyen Haurioux se refuse à imaginer une lutte des classes à propos de la
fonction publique par exemple. La jurisprudence des années 1920 va augurer de la réforme de
1946. A cette époque les fonctionnaires s’organisaient sur le tas, se réunissaient en Assemblées et
adoptent ainsi un comportement proche de celui des syndicats. Au milieu des années 1920
commencent à être tolérés des syndicalismes de fait. Mais il faut attendre 1946 pour que le droit
syndical soit reconnu à la fonction publique.
Cette évolution va entraîner la reconnaissance du droit de grève. Jusqu’en 1946, faire grève
constituait une faute grave pour un fonctionnaire, passible de sanctions lourdes (c’est un crime contre
la patrie en décembre 1945). C’est pour cette raison que le droit de grève ne figure pas en tant que tel
dans le statut de 1946. On n’en parle pas, seul le préambule de la Constitution rappelant, dans une
formule générale, que « le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglemente ». Mais
comme le Préambule a valeur constitutionnelle, cela sous entend que les fonctionnaires peuvent
aussi en bénéficier, puisque la loi de 1946 reste muette. Les dispositions législatives qui iront en ce
sens ne seront pas prises avant 1963 et une loi générale qui réglemente l’exercice du droit de grève
dans la fonction publique (qui prévoit un préavis de cinq jours pour faire grève).
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Cette loi fait suite à une jurisprudence décisive du CE : arrêt Dehaene du 7 juillet 1950 qui
énonce deux points essentiels
o D’abord la disposition du Préambule s’applique à la fonction publique : le droit de
grève devient donc licite.
o Puis, puisque les lois annoncées par le Préambule ne sont pas intervenues, il appartient
au gouvernement, par son pouvoir réglementaire, de fixer lui-même, sous le contrôle du
juge, la nature et l’étendue des limitations devant être apportées à ce droit, en vue
d’en éviter un usage abusif ou contraire aux nécessités de l’ordre public.
Le CE précisera que la grève ne peut être déclenchée pour des motifs politiques
mais professionnels. Le gouvernement peut limiter l’exercice de ce droit en obligeant
certaines personnes à rester à leur poste. L’Etat peut tirer les conséquences financières
de la grève (retenue sur traitement notamment).
L’obligation de préavis instaurée en 1963 consiste à : informer le gouvernement (afin
qu’il prenne des mesures pour limiter les impacts négatifs liés à la grève), et laisser place à
la négociation pour empêcher la grève. En 1968, les syndicats se sont abstenus de tout
préavis.
Le droit de grève est devenu une arme de négociation, une démonstration de force
avant les négociations.
Se pose de façon récurrente le problème du service minimum, et la question des
conséquences pécuniaires de la grève.

4) La participation des fonctionnaires à la gestion publique.

Le quatrième objectif est celui de la participation des fonctionnaires à la gestion de la fonction


publique. Jusqu’en 1946, le modèle français d’administration (héritage napoléonien) se fonde sur
la hiérarchie et la non reconnaissance des syndicats. La reconnaissance de ceux-ci va de pair avec
la consécration du principe de participation des fonctionnaires à la détermination collective de la
fonction publique et des conditions de travail.
Depuis la fin de la 1ère GM, en GB existaient des Whitley councils qui permettaient de faire
gérer la fonction publique anglaise par des mécanismes paritaires.
C’est sur ce modèle que va se calquer la France en 1946, avec trois instances de types
différents :
• D’abord la commission administrative paritaire (CAP) dans laquelle siège des représentants de
la hiérarchie et des élus du personnel chargé de se prononcer en matière de recrutement, de
notation, d’avancement, d’affectation et de discipline concernant les agents.

• Puis un comité technique paritaire (CTP) avec des représentants du personnel désignés par les
organisations syndicales les plus représentatives. Les CTP sont compétents pour les problèmes
liés à l’organisation des services.

• Reste le Conseil supérieur de la fonction publique, doté d’une compétence d’ordre générale.
Il joue le rôle d’une instance d’appel à l’égard des CAP et CTP. Dans tous les cas ces
instances paritaires n’ont qu’un pouvoir d’avis à l’autorité compétente pour la prise de
décision. La présence et l’importance des syndicats dans ces instance a fait de la gestion de
l‘administration une co-gestion, garante des droits des fonctionnaires : la fonction publique n’est
plus assujettie à l’administration publique. Attachement des syndicats et des fonctionnaires à se
statut.
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II. L’anatomie de la fonction publique.

A. La question des effectifs.

C’est une question récurrente, qu’il s’agisse de diminuer les effectifs, ou de la mauvaise
qualité du service publique, ou qu’il s’agisse d’évoquer une réduction des coûts.
C’est un débat noyé sous des discours contradictoires, des chiffres mal exploités…

1) Le problème de la délimitation du statut.

La question est complexe : on sait déjà qu’il existe trois fonctions publiques. Est-ce que
l’on tient compte des effectifs militaires ou pas ? Des agents non titulaires ? Des auxiliaires ? Des
agents mis à dispositions d’entreprises publiques comme La Poste, EDF ?…
Entre 3 et 6 millions d’agents selon que l’on prend la définition stricte ou large du statut.
La difficulté à décompter le nombre de fonctionnaire tient essentiellement à la distinction entre
effectifs réels et effectifs budgétaires. Le nombre d’emplois budgétaires ne reflète pas la réalité. En
effet, certains de ces postes peuvent ne pas être remplis. Il arrive aussi que sur un même emploi
budgétaire correspondent plusieurs emplois réels, plusieurs personnes publiques. Par exemple, il
est fréquent que les jeunes doctorants recrutés en ATER ne représentent qu’un demi poste.

2) On ne peut pas comparer la fonction publique française avec celles des autres pays.

Une autre raison qui explique la difficulté de la question des effectifs de la fonction publique
tient à ce que le problème soit souvent abordé de façon comparative. Une comparaison des
effectifs français par rapport à d’autres pays est difficile : il y aurait en France plus de
fonctionnaires à budget équivalent. Or, on ne parle pas des mêmes catégories.
Cependant, on peut donner trois constatations indiscutables :
• La France fait partie des pays qui comptent, proportionnellement, le plus de fonctionnaires.
Elle rejoint la Suède, le Danemark et la Belgique dans le peloton de tête, en opposition avec des
pays comme le RU, l’Italie, la Belgique, l’Irlande, l’Espagne et le Portugal.

• Parmi le peloton de tête, la France n’est pas championne dans ce domaine : pour 100 000
habitants, la France compte 8 fonctionnaires, tandis que le Danemark compte environ 17
fonctionnaires (7 pour la Belgique)

• La fonction publique en France représente 27% de la population active (40% pour le


Danemark et 38% pour la Suède).
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La GB compte environ 5 fonctionnaires pour 100 000 habitants, 6 pour le Portugal, l’Irlande
et l’Italie. La France est donc plus proches de ces pays.
En terme d’évolution, la France, comme l’Allemagne et l’Italie, se situe dans une position
médiane, c'est-à-dire entre les pays qui ont connu une forte croissance des effectifs ces dix dernières
années (Belgique et Espagne) et les pays qui ont vu leurs effectifs stagner (Pays Bas).
Une comparaison ne peut être effectuée qu’en termes globaux or on ne peut pas mener de
politique globale à propos de la fonction publique. C’est là tout le problème du redéploiement des
effectifs aux conditions changeantes de l’action publique. Il y a eu ces dernières années une
diminution des effectifs en France (notamment au ministère de la Défense et au ministère des
affaires étrangères). Dans d’autres domaines en revanche on observe une augmentation constante
comme au ministère de l’Education nationale.
C’est pourquoi une appréhension globale n’est pas satisfaisante, pas réaliste.
Sur le long terme on observe cependant une relative stabilité des effectifs de la fonction
publique. Les politiques de réduction des effectifs relèvent plus des effets d’annonces, de discours que
de réalités. S’il est un facteur en revanche qui permette la diminution des effectifs c’est le facteur
démographique (départ à la retraite). Il est en effet plus facile de ne pas renouveler un poste que
d’en supprimer un. Le problème qui va se poser tient au caractère aléatoire des départs en
retraites, qui nécessite des politiques de redéploiement et de renouvellement, même si statistiquement
on pourrait s’en passer.

3) Le concours et les inégalités culturelles.

Quand à la composition des effectifs, théoriquement, selon la procédure méritocratique du


concours, l’ensemble devrait être homogène d’un point de vue culturel et social.
Or les inégalités persistent, dues essentiellement aux inégalités de patrimoine culturel, d’héritage
culturel. Les concours ne tiennent pas comptent de l’inégalité des chances (ça rappelle BOURDIEU
tout ça). La fonction de promotion sociale que les concours sont censés assurés n’est pas
véritablement assurée.

Il existe aussi dans la fonction publique une volonté très affirmée de promotion sociale par
les deuxièmes concours. Seulement ces deuxièmes concours offre aussi une seconde chance pour
faire carrière dans l’administration. Les diplômés sont donc mis au même rang que les non
diplômés. Ces concours sont ainsi plus favorables aux catégories les plus modestes. Mais ce rôle est
tempéré par ce qu’on appelle le vase communiquant. Il existe ainsi des faux candidats internes,
c'est-à-dire des personnes qui se présentent au titre de l’ancienneté mais qui ont un diplôme qui leur
permettent de se présenter au concours externe. Aussi, la mauvaise santé du marché du travail, a eu
pour conséquence d’accroître le nombre de candidats au concours. La sélectivité des concours s’est
donc accentuée, et certains diplômés ont repoussé leur intégration au niveau souhaité, et ont
cherché à bénéficier des cinq années d’ancienneté pour atteindre ce niveau par le concours interne.
C’est ce qu’on appelle un effet de repoussoir, qui se fait au détriment des non diplômés.

En ce qui concerne l’évaluation durant la carrière, là aussi il y a des manques ; en


Principe l’évaluation peut être faite à travers le stage ou la notation. Mais dans la pratique ces
procédures ont été vidées de leur contenu et l’évaluation n’a plus les conséquences qu’elle avait
avant.
Le stage est vidé de toute conséquences par une titularisation quasiment automatique, ce qui
provient de la trop forte importance du concours : théoriquement après le concours on est stagiaire et
non titulaire, et on n’est titularisé qu’après le stage. En principe ce dispositif est adapté à ce qu’on
recherche : le concours teste le niveau intellectuel du candidat et le stage teste son adaptabilité.
En pratique il est pratiquement impossible de s’opposer à la titularisation d’un agent.
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Le reclassement pour insuffisance pro est lui aussi tombé en désuétude en pratique. Il en
va de même pour la notation, qui est un système lourd et complexe et repose sur la production
chaque année par les chefs de service d’une note chiffrée et d’une appréciation littéraire sur la
manière de servir du fonctionnaire. Dans la pratique cette notation qui devrait conditionner le
déroulement de la carrière, a presque perdu toute sa portée. La notation chiffrée est le plus souvent
contrainte de respecter un barème soigneusement établi affectant une fourchette de note minimale et
max pour un grade et une ancienneté donnés.
D’une année sur l’autre la note du fonctionnaire doit être augmentée d’un quart de
point : si on veut l’augmenter plus il faut un rapport spécial justifiant cette mesure dérogatoire.
Si on refuse d’augmenter la note ou si on veut rétrograder c’est encore plus dur. En principe la
notation chiffrée est assortie d’une évaluation littéraire qui introduit les nuances que le chef de
service veut donner sur le fonctionnaire.

B. La division des rôles.

1) L’élite administrative.

L’administration est un milieu très hiérarchisé, au-delà de la hiérarchisation des fonctions. Il


existe une sorte de clivages entre deux ensembles distincts que sont l’élite dirigeante et le reste
des effectifs (c'est-à-dire le gros des effectifs). La fonction publique est ainsi à l’image de la société
globale.
La notion de hauts fonctionnaires, juridiquement floue, rend mal compte du système
administratif français car elle est surtout individuelle. Il vaut mieux parler d’élites administratives
qui désignent une entité à part entière, distincte du corps étudié, puisqu’à la sortie de l’ENA on
distingue deux profils :
• les administrateurs
• et les dirigeants.

On peut distinguer deux définitions :


• une restreinte qui regroupe dans l’élite les seuls emplois à discrétion du gouvernement,
• et une plus large qui intègre les nominations par décret du Président de la République.

On ne peut pas définir l’élite administrative par le passage dans une grande école.
Les élites administratives renvoient surtout aux grands corps de l’Etat, même si ceux-ci ne
résument pas à eux seuls toute l’élite administrative.
Celle-ci peut être appréhendée indirectement par une batterie d’indicateurs amenant à mieux
discerner les contours de cette élite :
• Juridiquement, seuls se détachent certains cercles d’agents qui sont dans une position
particulière :
o Soit qu’ils sont titulaires d’un emploi à la discrétion du gouvernement (ex : directeur
d’administration centrale, préfet, recteurs... : au total quelques centaines),
o Soit qu’ils sont nommés d’une manière particulière (ex : par décret du président de la
république). Au total, cela forme une catégorie assez vaste, voire trop vaste pour
pouvoir parler d’élite.

• Par rapport aux rémunérations : l’élite administrative serait alors celle qui reçoit les
rémunérations les plus élevées, c’est à dire celles qui concernent les « échelons lettres » (de A
à G). Mais dès lors, à quel niveau placer la barre ? De plus, on ne tient pas compte des évolutions
de carrière. On pourrait aussi prendre en compte la possibilité pour un agent public de
participer à la prise de décision politique. Le fonctionnaire prépare et exécute les décisions.
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Mais on ne peut pas cloisonner la décision de la conception de l’exécution. On distingue 3 strates


dans l’élite administrative :
o La première est celle où les emplois à rémunération élevée, relevant des décisions des
gouvernements qui participe fortement à la décision ;
o La seconde qui compte les membres des grands corps de l’Etat, à la polyvalence
reconnue ;
o Et en troisième strate, la frange des fonctionnaires appartenant à d’autres corps, qui
mettent un pied à l’échelle du pouvoir.

• Malgré ces difficultés dans la détermination de l’élite administrative, certaines catégories bien
identifiées de fonctionnaires sont caractérisées par une certaine polyvalence : à un moment
donnée de leur carrière, ils ont de fortes chances d’exercer des fonctions très différentes de
celles pour lesquelles ils avaient été recrutés à l’origine (soit parce qu’ils sont nommés dans
certains emplois à la discrétion du gouvernement, soit parce qu’ils sont investis de fonctions
d’expertise en marge de leur fonction traditionnelles, soit enfin parce qu’ils sont mis en
détachement). Ces individus sont le plus souvent membres des grands corps de l’Etat. On ne
s’intéressera donc qu’à ces grands corps.

2) Les grands corps de l’Etat.

C’est une catégorie imprécise mais très utile car on peut sans hésitations citer beaucoup de
ces grands corps :

• Le conseil d’Etat, l’inspection générale des finances, la cour des comptes (dont les membres sont
en général choisis parmi les 1ers classés de l’ENA), le corps d’ingénieur des Mines, des Ponts et
chaussées (dont les membres sont choisis en priorité parmi les meilleurs polytechniciens),
peuvent sans hésiter être qualifiés de grands corps.

• D’autres corps peuvent aussi prétendre à ce label : ingénieurs de l’armement, du génie rural, des
télécommunications, le corps diplomatique, préfectoral...

Si les frontières sont relativement imprécises, il existe des caractéristiques communes à tous
les grands corps :

• La plupart sont des institutions anciennes :

Ils sont souvent investies de mission d’inspection et de contrôle et leur création correspond
en général à la mise en place de l’Etat moderne (le CE est créé par la loi Pluviôse an 8). Leurs
caractéristiques sont ainsi figées depuis longtemps.

• Ils sont peu nombreux et ont un effectif restreint :

Les membres du CE sont moins de 300, les membres de la cour des comptes sont 360, les
inspecteurs des finances sont 200...
Cette faiblesse de l’effectif cohabite pourtant avec l’importance des missions qui leur sont confiées
(cf. explosion du contentieux, mais l’effectif du CE reste stable). En effet, le caractère élitiste vient
de la difficulté d’accès. Le CE a par exemple refusé que l’on touche à ses effectifs : a préféré
l’institution d’une autre juridiction, la Cour administrative d’appel.

• Un sentiment de solidarité corporative chez leurs membres:


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Ces corps sont des réseaux fournissant des ressources au bénéfice de leurs membres, afin
de défendre les avantages acquis au sein et en dehors de l’administration. Beaucoup d’études
montrent ainsi que l’appartenance à un grand corps est un élément primordial pour accéder à certaines
fonctions. Se développent donc des stratégies pour conserver les positions privilégiées, y compris
celles qui sont laissées à la discrétion du gouvernement.

• Une autorégulation liée à l’indépendance vis-à-vis du pouvoir.

Ces corps jouissent d’une indépendance statutaire (les carrières se jouent à l’ancienneté). Ils
échappent à l’emprise du pouvoir politique. Ils ont leurs propres instances corporatives. Cela permet
de défendre leur position, leurs emplois de débouchés. Très fort sentiment identitaire qui joue le rôle
de transmission des emplois de débouchés. Stratégie consciente ou inconsciente de défense du corps.

• Une représentation ambivalente, liée à l’opinion publique.

Les élites sont l’objet de l’attention des médias quand il n’y a pas d’événement majeur. A la
séduction pour ces élites confidentielles, fascinantes, s’opposent de vives critiques sur l’élitisme,
l’arrogance, pouvoir d’influence…
Mai 68 : serment des élèves de l’ENA de jurer de ne plus adopter la pratique : mieux classer=grands
corps. Ceux qui ont respecté le serment s’en mordent les doigts
.
Des fonctions particulières : il s’agit :

• de fonctions officielles, ordinaires : c’est leur vocation 1ère. Celle d’assurer avec autorité et
indépendance des taches de contrôle ou d’expertise permettant à l’Etat de renforcer sa
légitimité, de rationaliser son fonctionnement et d’étendre son emprise sur les corps sociaux.
Ex : ingénieurs des ponts et chaussées.

• de fonctions informelles, officieuses mais importantes : ils constituent un vivier dans lequel on
vient puiser des élites dirigeantes. Cette fonction de vivier ne s’arrête d’ailleurs pas aux
frontières de l’administration mais s’étend à la société civile via le « pantouflage ». On critique
souvent la faiblesse de la communication entre secteur privé et public, mais en fait cette
communication est donc assurée au sommet par la solidarité corporative.

• des fonctions d’innovations car on confie souvent aux grands corps la prise en charge des
changements nécessaires dans une organisation bureaucratique : ils sont en effet
suffisamment indépendants vis à vis du pouvoir politique pour que leur parole ne soit pas
suspectée de partialité, et en même temps font tout de même partie intégrante de
l’administration publique et en connaissent donc les problèmes.
Cette fonction est pourtant souvent mise en cause par des critiques fondées sur l’excès de
distance que les grands corps entretiennent vis à vis de la société et sur leur apparente
arrogance. C’est pourquoi, on fait aussi appel à la sphère privée pour assurer ce type de
fonction.

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