Вы находитесь на странице: 1из 17

Raymond-Joseph Loenertz

Ordre et désordre dans les Mémoires de Jean Cantacuzène


In: Revue des études byzantines, tome 22, 1964. pp. 222-237.

Citer ce document / Cite this document :

Loenertz Raymond-Joseph. Ordre et désordre dans les Mémoires de Jean Cantacuzène. In: Revue des études byzantines,
tome 22, 1964. pp. 222-237.

doi : 10.3406/rebyz.1964.1327

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_0766-5598_1964_num_22_1_1327
ORDRE ET DÉSORDRE DANS LES MÉMOIRES

DE JEAN CANTACUZËNE

I. Une inversion dans les chapitres xxi-xxvni du Livre II. —


II. Analyse des sections interverties. — III. Explication du phénomène.

I. Une inversion dans les chapitres xxi-xxviii du livre II

Le désordre qui règne dans les chapitres xxi-xxviii du Livre II des


Mémoires de Christodule — pseudonyme littéraire du moine Joasaph,
ex-empereur Jean Cantacuzène — est notoire. Tous les historiens
qui ont dû les employer s'y sont heurtés, s'en sont plaints, ont essayé
d'y remédier au moins en partie, dans la mesure où le sujet qu'ils
traitaient les y obligeait (1). Les travaux préparatoires pour une édi
tion commentée des chroniques brèves byzantines, de celles à tout le
moins qui fournissent une contribution réelle à la connaissance des
derniers siècles de l'empire, me contraignent à mon tour d'affronter le
problème. Si j'ai quelque chance de réussir mieux que mes prédécess
eurs, c'est que les études byzantines ont fait des progrès énormes
depuis le début de ce siècle. On a mis à notre disposition des instru
ments perfectionnés de travail historique et rendu accessibles des
sources nouvelles. Les chroniques brèves ont renouvelé les conditions
du travail en ce qui concerne la critique de Grégoras et de Canta
cuzène, de Sphrantzès, Doucas et Chalcocandyle (2). Ceci dit pour
éviter le reproche de témérité, abordons notre problème.
(1) « Mais ou Ire qu'un certain désordre semble s'être mis dans les notes ou les souvenirs
de Canlacuzène, il faut répéter que dans foule cette partie de son histoire la chronologie est
brouillée »; P. Lkmkulk, L'émirat d'Aydin, Byzance et. l'Occident. Recherches sur la « Geste
d'U mur- pacha », Paris 1957, 7.'ί-7Ί. — « Pendant les sept années qui suivirent, se pressent
une foule d'événements dont la chronologie surtout est difficile : celle de Cantacuzène est
particulièrement impossible, celle de Grégoras a grand besoin d'éclaircissements »; V. Pari-
sot, Cantacuzène, homme d'état et historien, Paris 1815, 111.
(2) Les chroniques brèves 47, 52 et 15 (il faut les aborder dans cet ordre) du
recueil Lam pros- Aman tos sont des sources primaires ou l'écho direct de sources primaires.
Leur témoignage doit l'emporter, pour le xive et le début du xv° siècle, sur celui des compilat
eurs tardifs Ducas et Chalcocandyle, qui ne donnent de la tradition qu'un écho indirect
et brouillé. On peut négliger le Pseudo-Phrantzès du prétendu Chronicon mains, car on
connaît maintenant les sources de ce faussaire (qui ne savait pas même que l'auteur qu'il
R. J. LOENERTZ : SIR LES MEMOIRES DE JEAN CANTACUZÈNE 223

En été 1330 Andronie III Paléologue et Michel III Sisman, tsar


des Bulgares, alliés contre le kralj des Serbes, Etienne Uros III, envah
irent, chacun de son côté, le territoire serbe (3). Andronic et son
armée campaient en Pélagonie — la région de Bitolj-Monastir (4) —
quand se produisit l'éclipsé solaire du 16 juillet. Grégoras, pédant
comme toujours, profite de l'occasion pour étaler ses connaissances
astronomiques. La mention de ce phénomène naturel, calculable,
confère à la chronologie des événements racontés une certitude rare.
Le 23 ou 24 juillet, à Velbuzd (Küstendil), Uros battit Michel Sisman,
qui fut blessé, fait prisonnier, et succomba à ses blessures le 28 juil
let (5). Il laissait deux veuves, car il avait répudié en 1326 sa première
femme, Anna-Néda, sœur d'Uros, pour épouser Theodora Paiéologine,
sœur d 'Andronic III, et veuve de Théodore Svjetoslav, son prédéces
seur (6). Néda, qui s'était retirée auprès de son frère a\^ec ses enfants,
profita de la victoire serbe et du désarroi que devait causer la mort
de Michel III. Elle retourna en Bulgarie, chassa sa rivale grecque du
palais de Trnovo, et fit proclamer tsar Jean-Etienne, Sisman, le fils
qu'elle avait eu de Michel III. Le règne de Jean-Etienne (7) et la
régence de sa mère durèrent peu. Les bojars élevèrent sur le trône

démarquait s'appelait Sphrantzès et non Phranlzès) et c'est aux sources qu'il faut renvoyer.
En traitant de rinauthenticité du Chronicon mains (Miscellanea G. M errat i, I. Ill, Shidi
e Testi, 123, Vatican 1946, 273-309) j'ai essayé de montrer (p. 296-307) que le faussaire
employa le Βι&λίον ιστορικόν du Pseudo-Dorothée de Monembasie, ouvrage de la fin du
xvie siècle. Or on vient de démontrer que toute la partie de cet ouvrage où se trouvent les
passages cités par moi copient simplement VHcthesis chronira de 1517; E. Zakhari \υυι ,
Μία 'Ιταλική πηγή του ψευδο-Λωροθέου. Πελοποννησιακά. 5 (1961) 46-59. Au point de vue de
l'inautlienticité du Chronicon mains cette découverte intéressante ne change rien, car Georges
Sphrantzès, né en 1400, n'a sûrement pas copié un ouvrage écrit en 1517.
(3) Sources principales Greg. IX \1-\'λ = I 454. 7-456, 7 Schopen. Cant. II 21 = I 428.
4-430, 15 Schopen.
:

(4) II ne s'agit pas de la ville, mais de la région, dont elle était la capitale et portait le
nom ; Πελαγόνων χώρα dit Grégoras (455, 20) et dans Cantacuzène (428, 15) le contexte
montre aussi que c'est une région. Rappelons qu'on n'identifie plus aujourd'hui Pelagonia-
Monaslir avec l'antique Heraclea Lyncestis, dont Florina occupe plus ou moins le site;
Hieroci.ks, Synecdonus, éd. E. Honigmann, Bruxelles 1939, 14 n° 639, 1 e( 15 n° 5.
(5) C. Jirkckk, Geschichte der Bulgaren, Prag 1876, 294, 295; Geschichte der Serben, I,
Gotha 1911, 362.
(6) Sur Theodora ν. Fr. Dölgkr, Paraspora, Ettal 1961, 222-230, Einiges über Theodora,
Zarin der Bulgaren (1308-1330). On y corrigera un détail : la « mère de l'empereur », prison
nièreet mourante, que Theodora, devenue la moniale Théodosie, visita, soigna et enierra.
n'était pas la mère d'Andronic III (et de Theodora), la moniale Xéné, morte à Thessalonique
en été 1333, mais celle de Jean Cantacuzène, Theodora; Cant. III 36 = II 222, 15-223. 3.
Î7) Sur le règne de Jean-Étienne Sisman (1330-1331) voir A. Burmov, Istonja na Blgarija
prez vremeto Sismanovci, Godisnik na Sofijskija Universitet, Istoriko-filologieeskij Fakultet,
t. ΧΕΙ II (1946-47). fasc. 2. Ivan-Stefan 1330-1331. Ees sources qui racontent l'avènement
de Jean-Étienne mettent en évidence, pour une raison qui nous échappe, le rôle île sa mère.
( )n en a conclu à tort que le prince était mineur. Burmov (p. 9 n. 34) sur les traces de 1. Dujcev
munir*1 qu'il devait avoir environ trente ans.
224 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

Jean-Alexandre Sisman, neveu de Michel III et fils de Sracimir. Il


régna jusqu'à sa mort, en 1371.
Jusqu'ici tout le monde est d'accord : Grégoras et Gantacuzène,
Grecs et Bulgares, historiens anciens et critiques modernes. Les
divergences d'opinion et les difficultés réelles commencent quand on
en vient aux faits et gestes d'Andronic III et de son armée après
la journée de Velbuzd.
A en croire Grégoras, qui traite l'affaire en moins de deux lignes
(456, 5-7), Andronic rentra au plus vite (τήν ταχίστην) à Byzance,
et attendit l'année suivante (6839 = 1330-31) pour s'immiscer dans
les affaires de Bulgarie. Les modernes en ont conclu qu'il attendit
jusqu'au printemps 1331.
D'après Jean Cantacuzène (430, 22-431, 20) Andronic demeura
sur ses positions, en Macédoine, assez longtemps pour y apprendre
l'expulsion de sa soeur et l'intronisation du fils de Michel III et de
Anna-Néda. Alors il consulta son état-major — Cantacuzène devait
être là, bien qu'il ne le dise pas — et on décida de profiter des troubles
pour régler quelques vieux comptes avec les Bulgares, en donnant
pour prétexte l'offense faite à la sœur de l'empereur et à la dynastie
des Paléologues. Laissant sur place une partie de l'armée, sous les
ordres de Syrgiannès Paléologue Philanthropène (récemment nommé
gouverneur de Thessalonique) pour couvrir la frontière, Andronic
conduisit le reste à Andrinople (8). De là il partit au bout de quelques
jours et envahit la Bulgarie. Il occupa sans coup férir Anchialos,
Mésembrie, Aétos, Kténia, Rhossokastron, Diampolis, et après cette
campagne-éclair il rentra dans sa capitale.
Voilà certes un compte-rendu des faits clair et précis, riche en
détails malgré sa brièveté, qui donne une version tellement logique
des événements, qui est l'œuvre d'un témoin tellement autorisé, que
personne n'aurait osé lui préférer la version de Grégoras, s'il ne s'était
pas produit, juste à cet endroit des Mémoires de Cantacuzène, un
dégât fâcheux, qui jeta le discrédit sur toute cette partie de l'ouvrage.

(8) Sur la personne et la carrière de Syrgiannès Paléologue Philanthropène, fils d'un chef
coinan baplisé cl, d'une nièce de Michel VIII par la sœur de ce dernier, épouse de Joannice
Cantacuzène, voir S. Binon, « A propos d'un prostagma inédit d'Andronic III Paléologue »,
Byzantinische Zeitschrift, XXXVIII (1938) 133-155; 377-407. Condamné à la prison perpét
uelle en 1822 par les deux Andronic, momentanément réconciliés, qu'il avait trahis tous
les deux, il fut gracié en 1328 ou 1329 par Andronic III, à la demande de Jean Cantacuz
ène, son parent. Durant la maladie grave qui menaça, en hiver 1329-1330 les jours d'An
dronic III, Cantacuzène, le régent, lui confia le gouvernement des provinces occidentales
de l'empire; cf. Fr. Dölckr, Regesten der K aiser Urkunden des oströmischen Reiches, 4. Teil
(1282-1341), München-Berlin 1960, 2764 et 2766.
H. S. LOENERTZ : SUR LES MÉMOIRES DE JEAN CANTAC.l'ZÈNE 225

Le désordre qui en résulta commence immédiatement après renoncé


du retour d'Andronic à Byzance : εις Βυζάντιον έπανηκε (431, 20).
Ces mots nous conduisent à Constantinople, au terme d'un été qui est
sûrement celui de l'année 1330, au moins dans la pensée de l'auteur.
Personne ne le nie, pas même ceux qui estiment que l'historien s'est
trompé, anticipant d'une année ou d'un semestre la campagne-éclair
d'Andronic en Bulgarie (9).
La narration continue, dans l'état présent du texte, par les mots
διατρίβοντι δέ εκεί. Le lecteur, s'il n'est pas averti, entend néces
sairement qu'on va lui raconter une histoire qui s'est passée durant
ce séjour particulier qu'Andronic fit à Byzance au retour de la dite
campagne en Bulgarie. ( )r on lui raconte l'élection du patriarche
Jean XIV Calécas, qui eut lieu en lévrier 1334, comme nous savons
aujourd'hui (10). Faut-il croire que Jean Cantacuzène a commis dél
ibérément et consciemment la grosse erreur ou la grosse maladresse
que sa formule de transition constitue ou implique?
Ce n'est pas tout. Cette formule malheureuse ouvre une section
littérairement très-heureuse, nettement délimitée, rationnellement
composée, logiquement et chronologiquement ordonnée. L'analyse
que nous donnerons plus loin en mettra en évidence, nous l'espérons,
l'unité, le plan, les articulations. Elle commence, comme nous l'avons
dit, en février 1334, avec l'élection du patriarche Jean Calécas. Elle
atteint son point culminant le 23 août de la même année, avec l'assas
sinatde Syrgiannès sur les bords du Galykos, en Macédoine (11). Elle
se termine sur les mots « et l'empereur passa cet hiver à Thessalo-
nique » (458, 16). l'hiver étant, indubitablement, celui de 1334-1335.
Et ici l'ordre cède de nouveau le pas au désordre. Sans doute, à
la ligne suivante (458, 17) le printemps commence, et l'empereur est à
Thessalon ique (459, 9). Seulement le printemps n'est pas celui de.
l'année 1335! C'est celui de l'année 1331, dans la pensée de l'auteur

(9) Parmi ceux qui oui opté, directement ou indirectement., pour l'année 13.31, plaçant
en 1332 la bataille et le traité de paix de Khossokastron, il y a M. P. Lf.merle (L'émirat
d'Ai/din. 73-7Ί), mais il le t'ait comme à regret, et seulement sur l'autorité des savants bul
gares qu'il cite (73 n. 2 et 7Ί n. 1). M. Doi.gkr Regelten. 2709, 277Ί, 277G-79, lient, au cont
raire, pour Canlacu/ène et l:!30- 1 33 1.
(10) V. Latrent, ■< La chronologie des patriarches de Constantinople de la première
moitié du \ iv1-' siècle (129Ί-1350) ,.. R.E.B. (Ί9Ί9) 1 -'* Γ> -155; ν. ρ. 15-Ί.
(11) La date precise de la morl de Syrgiannès est connue par le Chvonicon brève Thessu-
Innicrnse ; éd. R.-.l. Lokmîktz. Déinélrius Ci/donès, Currcs/iondancr, t.. 1 (Slndi e Tesli, 18<>).
Vatican 1956, 17 4, nu 1. (Corriger une faute a la ligne 2 au lieu de ζω <μγ'> lire ς£ϋ <μό'>.
comme il est imprimé correctement en note). S. Binon connaissait de celle notice seulement
:

un texte partiel et inexact, et ne pouvait pas se rendre compte de toute sa valeur, qu'il
iivai néanmoins eut revue, et en lin de compte, acceptée: Β Ζ., XX XVI 1 1 38i> el n. 5.
I

15
226 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

Et ceux qui, de nouveau (et à tort, croyons-nous), l'accusent d'erreur


disent tout au plus que c'est celui de 1332. Même dans cette hypothèse
le désordre est patent.
Il y a mieux. La section qui suit (458, 17-476, 2) est de nouveau bien
délimitée, littérairement composée, habilement ordonnée, comme
nous essayerons de faire voir en l'analysant.
Nous verrons qu'elle commence au printemps 1331, quand
Andronic III sut que Jean-Alexandre l'avait emporté dans la compét
ition pour le trône bulgare, et lui avait aussitôt repris presque toutes
ses « conquêtes » de l'été précédent. Elle comporte, au beau milieu, la
mention du décès de l'impératrice-mère, la moniale Xéné, morte en
été 1333 et ensevelie à Thessalonique, où l'empereur assista à ses funér
ailles (12). Après une expédition en Thessalie et une entrevue amicale
avec Etienne Dusan, kralj des Serbes, en Macédoine, Andronic retourne
à Constantinople via Thessalonique, où cette fois il ne s'attarde pas
(476, 1-2). Avant la fin du mois d'août il est à Constantinople, d'où il
s'en va ravitailler Nicomédie et conclure la paix avec Orkhan (13).
Il passe l'hiver 1333-1334 à Constantinople, et durant ce séjour
Jean Calécas est élu patriarche.
De cet ensemble de faits il résulte, clair comme beau jour, que le
δΐ,ατρίβοντί. δέ έκεΐ de 431, 20 fait suite aux mots Βυζάντιον ήκεν
de 476, 2, tandis que les mots και ού πολλαΐς ήμέραις de 476, 2 intro

ït)Xéné est décédée un an el. demi environ après Andronic II (Cant. II 28 = Ι 473, ΙΟΙ
2), à Thessalonique, où elle fut enterrée. Orégoras prononça l'oraison funèbre, qu'il ne
manqua pas d'insérer dans son Histoire (X 6, 2 = I 490, 14-495, 1 1). On y voit (490, 14-15)
que l'empereur assista aux funérailles de sa mère. — Av. Th. Papadopii.os, Versuch einer
Genealogie, der Palaiologen [München] 19:58, 36 n° 59 écrit « Xene ... soll später ins Gefängnis
gekommen sein, wo sie bis zu ihrem Tode im Jahre 1333 verblieb. » On chercherait en vain
:

une allusion à ce fait dans les sources qu'il cite. Il doit s'agir d'une confusion avec un épisode
de la guerre civile entre les deux Andronic : en 1322 Andronic II fit amener de force sa bru
à Constantinople (Cant. I 26 = I 129, 11-130, 6). Mais loin de la mettre en prison, ilia renvoya
comme ambassadrice auprès d'Andronie III, qui, entre- temps, avait occupé Thessalonique :
Cant. I 34 = I 166, 10-12.
(13) La date précise et précieuse est fournie par l'inestimable Chronique brève du cod.
Mosquen. 426; éd. B. T. Gorjanov, Vizantijskij Vretnennik, II (1949) 281-287. On y lit, aux
lignes 97-100, le texte que le H. P. V. Laurent a traduit et commenté, R.E.B. VII (1949)
211. Cantaeuzène (II 24 = I 446, 16-448, 7) raconte l'épisode et le lie au procès de Syrgiannès
d'une façon qui ne laisse pas de place au doute. Syrgiannès fut donc jugé à Constantinople
en août ou en septembre 1333, s'enfuit alors à Galala et en Eubée, puis en Serbie, où il pro
voqua l'invasion de printemps 1334. Grégoras (X 5, 2 = I 489, 17) exagère singulièrement
quand il dit que Syrgiannès écrivit à l'empereur, d'Eubée, un an après sa fuite (ou après
le début de son procès). S. Binon (B.Z. XXXVIII, 383-384) n'avait aucun moyen pour
contrôler l'assertion de Grégoras. — M. Döm;kr, qui a connu trop tard la Chronique du
Mosquen. 426 pour l'exploiter à fond, place l'épisode en automne 1330 (v. Regesten, 2762)
et donne l'impression qu'il s'agit d'une ambassade partie de Constantinople, alors que
l'empereur était en rade de Nieomédie, et de là traitait avec Orkhan. Corriger en conséquence
le regeste 2762, qu'il faut {»lacer après le n° 2800. ·
R. J. LOENERTZ : SUR LES MÉMOIRES DE JEAN CANTACUZENE 227

duisent le récit d'événements qui se passèrent en 1335, à savoir l'expé


dition d'Andronic III à Lesbos et tout ce qui s'y rattache (14).
Il faut donc lire la section 431, 20 διατρίβοντι — 458, 16 Θεσσαλονίκη,
racontant des faits de l'année 1334, après la section 458, 17 "Αμα
δέήρι — 476, 2Βυζάντιον, qui fait la chronique des années — 1331-1333.
Gomment ne pas penser que l'auteur, conformément aux exigences
du plus simple bon sens lui destinait cette place, qui est sienne? Mais
alors, pourquoi ne l'occupe-t-elle pas? C'est ce que nous essayerons
de comprendre quand nous aurons terminé l'analyse des deux sec
tions, qu'il est temps d'entreprendre.

II. Analyse des sections interverties

Pour mettre en lumière l'ordre qui règne dans chacune des deux
sections dont l'inversion a causé tant de confusion, nous les résumons
en trois tableaux synoptiques. Le premier correspond à la section
1331-1333 (458, 17-476, 2), le second à la section 1334-1335 (431, 20-
458, 16). Ils sont divisés en 27 paragraphes, avec une numérotation
continue, dont nous nous servirons pour éviter des renvois fréquents
et fastidieux au texte. Le paragraphe 19 du deuxième tableau embrasse
une portion plutôt longue du récit, laquelle forme un tout littéraire,
et qu'on peut subdiviser en neuf articles. Nous l'avons fait dans le
tableau III, où les articles sont désignés par les neuf premières lettres
de l'alphabet.
Les dates en regard des paragraphes veulent mettre en évidence la
chronologie impliquée, mais rarement énoncée, dans la narration de
Cantacuzène. Nous pensons qu'elle est historiquement valable; mais
ce point est ici secondaire; il importe surtout qu'elle soit cohérente
et sans contradiction interne.
Pour renforcer un peu le squelette grêle de la chronologie extraite
du texte nous avons inséré — en italiques — dans nos tableaux quel
ques dates, historiquement certaines celles-là, provenant d'autres
sources, comme Grégoras, les Chroniques brèves, les chartes ana
lysées dans les Regesten de M. Fr. Dölger. Telles sont p. e. les dates
de la prise de Nicée par les Turcs, de la naissance de Jean V Paléo-
logue, du séjour d'Andronic III à Nicomédie en 1333, de l'assassinat
de Syrgiannès.

(I'll P. Li·: m KRi.r. Uéitiifdt dWi/dm. 1 07- 115. -— Lue l'ois de plus la Chronique du ms. de
Moscou ! Γ. Γ.. Π, 2ΝΊ. lin. 1<ιΓ>- 1 07 précise el continue les résultats du la critique And rouie
.

pri la nur au mois de niai 1 '-\'Λ~>.


ι

;
I
228 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

Voici donc nos tableaux, auxquels fera suite un commentaire approp


rié.

1331-1333

(1) 1331, début prin- Andronic III, apprenant que Jean-Alexandre,


temps, Thessalo- neveu de Michel 111 Sisman, s'est rendu maître
nique de la Bulgarie et a repris les villes occupées par
les Grecs après la journée de Yelbuzd, sauf
Mésembrie, rentre à Byzance et mobilise son
armée. — 458, 17 άμα — 459, 15 πολεμησείων.
(2) 1331, printemps, Pendant la mobilisation Andronic s'en va ravi-
Nicomédie tailler Nicomédie, bloquée par les Turcs
d'Orkhan. — 459, 15 μεταξύ — 460, 14 Κωνσταντίν
ου..
1331, mars 2, Nicée. Prise par les Turcs. — Greg. IX 13, 2 — 1 458,
12-22. Vizantijskij Vremennik, 2 (1949) 283,
86-88. Reçue des Études Byzantines, 7 (1949) 209.
1331, juin 1, Didy- Andronic 111 donne les pouvoirs nécessaires aux
mol iq ue ambassadeurs qu'il envoie à Venise, négocier le
prolongement de la trêve d'Octobre 1324. — Dölger,
Regesten n° 2773.
(3) 1331, juin-juillet.. Andronic III conduit son armée en Bulgarie, y
fait le dégât, réoccupe les places reprises par
Jean-Alexandre Sisman, sauf Anchialos. —
460, i'\ και διατρίψας — 460, 22 Μυσούς.
(4) 1331, juillet, Rhos- Andronic, campé près de cette place, négocie
sokastron avec Jean-Alexandre, campé près d'Aétos. —
460, 22 και έλθών — 464, 8 έκατέρους.
(5) 1331, juillet 17, Premier traité de paix d'Andronic III avec
Rhossokastron . Jean-Alexandre. — 464, 8 τοιαύτα — 464, 11
αλλήλων.
(6) 1331, juillet 18, Combat et deuxième traité de paix d'Andronic
Rhossokastron . avec Jean-Alexandre. — 464, 12 Της αυτής —
469, 18 είρημένον.
(7) 1331, juillet 19, Andronic III et Jean-Alexandre dînent ensem-
Rhossokastron . ble. — 469, 18 εις την ύστεραίαν — 470, 12
οίκείαν.
(8) 1331, juillet 20 ss., Andronic III reste quelques jours dans cette
Rhossokastron . place, puis rentre à Didymotique et congédie
son armée. — 470, 12-13 βασιλεύς — στρατιάν.
R. .1. LOENERTZ : Sl'Ii LES MÉMOIRES DE JEAN CAÎnTACUZENE 229

(9) 1331, août 1-15, Po Andronic III et Jean Cantacuzène obtiennent


rous en Thrace. sans combat que les Turcs d'Umur-beg, débar
quésen nombre sur les côtes thraces, repartent
sans piller le pays. — 470, 16 και μετά — 473, 5
Άσίαν.
(10) 1331. août, Didy- Andronic III y passe une année, sans avoir à
motique combattre aucune guerre. — 473, 5-7 βασιλ
εύς... έχων.
(11) 1332, février, 12, Le moine Antoine, ex-empereur Andronic II,
Constantinople . meurt. — 473, 7-10 : μετά δέ τοϋτο... γεγονώς.
Greg, IX 14, 1 ^ 1 WO, 11 -IS .
1332, juin, 18, Jean V Paléologue y naît. Greg. Λ 3 = 482,
Didyinotique . . . 1-483, 20; Andronic 111 s'y rend.
(12) 1333, juin-juillet La moniale Xéné, ex-impératrice Marie, veuve
environ, Thessa- de Michel IX, y meurt (et y est enterrée. Andron
lonique ic 111 assiste aux funérailles). — 473, 10-11
και μετά... έτελεύτησεν. (Greg. Λ 6 — 1 490,
ll-lô.)
13) 1333, juin environ, Etienne Gabriélopoulos, seigneur en Thessalie,
Thessalie étant mort, Monomaque, gouverneur de Thessa-
lonique, occupe ses états, sauf quelques places
qui se donnent à Jean Doucas (Orsini), despote
(TArta. — 473, 12 ύπό δέ τους — 474, 5 Άκαρ-
νανίαν.
(1/j) 1333, juin-août Andronic III, informé (à Thessalonique) des
environ, Thessal affaires de Thessalie, s'y rend, reprend les places
ie . .. . occupées par Jean Doucas, reçoit l'hommage
des Albanais de Thessalie, et retourne à Thessa
lonique. — 474, 5 βασιλεύς — 474, 20 Θεσσαλον
ίκη ν..
(15) 1333, juillet Andronic III, invité par Etienne Dusan, kralj
ron, Radovozdo des Serbes, lui fait une visite amicale de sept
en Macédoine. . jours. — 474, 20 μετ' ού πολλας — 475, 25
παρασχομένω. .
(16) 1333, juillet-août. . Andronic 111 retourne à Thessalonique, s'y
arrête peu et rentre à Constantinople. — 476,
1-2 : βασιλεύς... Ηυζάντιον.
133-3, août, Cons Andronic 111 part pour Aicomédie, qu'il ravitaille
tantinople et oii il fait la paix avec Or khan. — Vizanlijskij
Vremennik, 2 (1949) 283, 97-100. Cf. Gant.
446, 20-44S, ô.
230 REVUE DES ETUDES BYZANTINES

II

1334-1335

(17) 1334, février, Con Jean Calécas, prêtre séculier, originaire d'Apros
stantinople. . . . et membre de la chapelle impériale, est élu
patriarche œcuménique. — 431, 20 διατρίβοντι —
435, 20 μικρόν.
(18) 1334, début prin Andronic III anéantit une bande turque qui
temps pillait le pays de Rhaidestos, mais arrive trop
tard pour empêcher une autre, qui pillait Kissos,
Polybotos et Aconite, de partir avec son butin.
— 435, 21 βασιλεύς — 436, 10 αυτών.
(19) 1330-1333 Histoire antérieure de Syrgiannès, servant de
préambule au § suivant 436, 10 Συργιάννης — 451,

·
2 ώκισμένην. Voir le détail au tableau III.
(20) 1334, printemps . . Andronic III se rend à Didymotique et concent
re son armée, pour faire face à l'invasion serbe
que Syrgiannès cherche à provoquer. — 451, 2
πυθομένω — 451, 1 έκστρατεύσων.
(21) 1334, début été, Di- Andronic ITI donne à Paléologue Sphrantzès
dymotique. . . . le commandement de quelques places-frontière
et le charge de s'emparer de Syrgiannès par ruse.
Puis il part pour Thessalonique. — 451, 6
Άσχολουμένω — 454, 8 βαδίζων.
(22) 1334, été Sphrantzès, invité par Syrgiannès à se joindre
à lui, feint d'accepter et tous les deux se rendent
auprès d'Ktienne Dusan, qu'ils décident à envahir
le territoire grec. On campe sur l'Axios. — 454, 8
Σφραντζγ) — 455, 3 ποταμόν..
(23) 1334, été, Chalcidi- Andronic III et Cantacuzène, qui étaient cam
que pés entre Rendina et Thessalonique, donnent
la chasse à une importante bande turque, puis
entrent à Thessalonique. — 455, 3 και ό βασιλεύς
— α Ot), 1/ ήμεραις..
(24) 1334, août 23, Ga- Sphrantzès assassine Syrgiannès, rejoint l'em
lykos pereur à Thessalonique et reçoit sa récompense.
456, 17 Συργιάννης — 547, 14 έκαστοι.
(25) 1334, août Etienne Dusan enterre Syrgiannès et fait la
paix avec Andronic III. Les deux souverains se
rencontrent sur le Galykos. Les villes qui avaient
suivi Syrgiannès rentrent dans l'obédience im
périale. — 457, 14 Κράλης — 457, 24 πάλιν.
R. J. I.OEiNERT/. : SUR LES MÉMOIRES DE JEAN CANTACUZENE 281

(26) 1334, été-automne. Etienne Dusan, menacé d'une invasion


groise, demande et obtient un secours armé
d'Andronic. Mais les Hongrois se retirent sans
avoir franchi la frontière serbe. — 457, 24 ύπο
δέ τους — 458, 15 οϊκείαν.
(27) 1334-1335, Thessa- Andronic III y passe l'hiver. — 458, 15-16 και
Ionique 6 βασιλεύς... Θεσσαλονίκη.

Ill

1330-1333. Détail du § 19.

{(ή 1329- 1331), hiver ... Andronic 111, malade, libère Syrgiannès et le
fait gouverneur de Thessalonique. — /i36, 10
Συργιάννης — 436, 12 ώμολόγει.
(h) 1330 ss Syrgiannès commence à s'armer. — 436, 12
έπειτα — 437, 6 αρ/ειν.
(r) 1330 ss Syrgiannès conspire. — 437, 7 ό δ'ετι — 437, 15
βουλευσομένω.
(d) 1333, printemps-été, Arsène Tzamplakôn accuse Syrgiannès auprès
Chalcklique d'Andronic III. — 437, 1.5 άλλα ταΰτα — 446, 15
προσέχειν.
(e) 1333, juillet -août ... Syrgiannès accompagne Andronic 111 à
tantinople, afin d'y être jugé. — 446, 16 βασι
λεύς — 446, 20 άπανταν.
(/') 1333, aoùt-septem- Andronic III ravitaille la ville et fait la paix
bre, Xicomédie . avec Orkhan. — 446. 20 μελλόντων — 448, 5
.

έπανηκε.
(tif) 1333, aoùl-septein- Andronic 111 juge Syrgiannès. -— 448, 5 και
bre, Constantino- μηδέν — 449, 25 ομολόγων.
pie
(h) 1333, automne .... Syrgiannès s'enfuit de Constantinople à Calât a,
de là en Eubée, puis en Serine. — 449, 25 επιγε
νόμενης — 450, 21 ύποποιήσειν.
(/) 1334, printemps . . Etienne Dusan, sollicité par Syrgiannès, envahit
.

le territoire grec. — 450, 21 Κράλης ■—- 451, 2


ώκισμένην. — La suite au tableau H, § 20.

A l'aide du premier de ces tableaux le lecteur attentif distinguera


dans la première partie (le la section J (§§ 1-9) d'un coté le récit prin
cipal (§§ I et 3-8). de l'autre deux épisodes que le narrateur y a ratta
chés (§§ 2 et 9). Le récit principal a pour objet la guerre de Bulgarie.
232 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

depuis les préparatifs commencés au printemps (§1) jusqu'au retour


des soldats dans leurs foyers en juillet (§ 8). Le premier des deux
épisodes — visite d'Andronic III à Nicomédie — est inséré dans le
récit, parce qu'il eut lieu effectivement pendant les préparatifs de
la guerre. Le second — rencontre d'Andronic III et de Jean Canta
cuzène avec Umur-beg — commença exactement quinze jours après
que l'empereur et le grand domestique furent rentrés de Bulgarie.
Ce qui suit (§ 10) n'est pas un récit, pas même celui d'un simple
épisode, mais la constatation qu'il n'y a rien à raconter, au moins
en matière de faits d'armes, pour l'année suivante, car ce fut une
année de paix.
Le narrateur continue : « Après cela ... ». — « Après cela », c'est
après la guerre de Bulgarie et l'épisode d'Umur-beg, pendant l'année
de paix dont on vient de parler. « Après cela », en février 6840-1332,
quinzième indiction, l'ex-empereur Andronic II décéda, exactement le
soir du 12 février, comme nous l'apprend Nicéphore Grégoras (15).
Cette date, la seule date complète de toute la section I, est le terme
normal où devait aboutir le récit des événements du printemps et
de l'été 1331. L'ordre chronologique est irréprochable. Et par rapport
à cette date, absolue et unique, Cantacuzène fixe plus ou moins clair
ement celles de deux autres décès : la moniale Xéné, ex-impératrice
Marie, veuve de Michel IX et mère d'Andronic III, mourut « un an
et demi » après Andronic II. Etienne Gabriélopoulos, seigneur en
Thessalie, mourut « vers la môme époque ». Le chiffre « un an et demi »
est évidemment un chiffre rond, et l'expression « vers la môme époque »
est vague au point que nous ne savons même pas si Gabriélopoulos
mourut avant ou après Xéné (16). Par bonheur ce manque de préci-

(15) Andronic II décéda dans la nuit du 12 au 13 février. La nouvelle se répandit donc


dans la ville le 13 au matin. C'est, pourquoi tous les témoins sauf Grégoras donnent ce jour
comme celui du décès, y compris l'excellent chroniqueur du cod. Mosquen. 426; Viz-. Vrem. π
(1949) 283, 90-9'« ; cf. V. Laurenl dans Écho« d'Orient, XXXVI (1937) 170 et n. 6. — Grégoras
(460, 4-461, 8) rapporte plusieurs phénomènes naturels qu'il considère comme présages de
cette mort. Entre autres (460, 9-1 1) un tremblement de ferre le soir du 17 janvier précédent,
fête de sainl Anloine abbé, patron monastique du défunt, et, le jour même de la mort (Ί60,
1 1-461, H) un ouragan el. un raz de marée d'une violence excepl ionnelle. Le Pseudo-Phranlzès
(I 5 = 32, 10-13 Bekker et 37, 13-16 Papadopoulos) confond les deux phénomènes. Papa-
dopoulos (37, ad lin. 13) identifie mal la source du Pseudo-Phrantzès. Au lieu de renvoyer
à Nie. (iiiKc. 460, 4-23 il eile Nie. Gnn(;. 202, 7-14. Ici Grégoras résume Pacliymère (Andr.
Pal., Ill 15 = II 233, 9-235, 10 Bekker). L'un el l'autre parlent du tremblement de terre
de juin-juillet 1296.
(16) Grégoras, qui prononça l'oraison funèbre de Xéné, nous apprend que l'empereur
(>(aif présent (490, 14-15). Mais rien ne nous dit si Andronic III vint à Tliessalonique exprès
pour Jes funérailles où s'il y élail déjà avant la mort de sa mère. Quant, à la date du décès
Grégoras est encore plus vague que Cantacuzène. Après avoir raconté le procès et la fuite de
Syrgiannès il rapporte le décès de Xéné qu'il rattache à ce qui précède moyennant la formule
ΙΑ. I. l.OENERTZ, : SUR LES MÉMOIRES DE JEAN CÀNTU.rzÈNE 233

sion n'affecte pas l'unité littéraire du morceau. Sans doute l'historien


saute à pieds joints par dessus plus d'une année. Mais il nous en avertit,
et il avoue rondement que, pour le temps qui s'écoula entre la mort
d'Andronic II et celles de Xéné et de Gabriélopoulos, il n'a rien à
raconter (17). La mention des trois décès et de l'intervalle qui sépare
le premier des deux autres, est comme un raccord très visible, et voulu
tel, qui relie sommairement deux groupes de récits : d'un côté ceux
de la guerre bulgare de 1331 et des épisodes connexes, de l'autre
ceux des événements de Thessalie et de Macédoine, déclenchés en
été 1333 par la mort d'Etienne Gabriélopoulos (18). Ceux-ci se te
rminent sur le retour de l'empereur à Constantinople (§ 16). Aucune
date n'est donnée, mais le chroniqueur du manuscrit 426 de Moscou
nous apprend qu'Andronic III partit de Constantinople avant la
fin d'oût 1333, pour aller ravitailler Nicomédie et faire la paix avec
Orkhan (19). Le séjour d'Andronic ΠΤ dans les provinces occident
ales prit donc fin avant l'été, vers la mi-aoùt au plus tard (20).
Nous avons dit plus haut que la section dont on vient de lire l'ana
lyse n'occupait pas la place que l'auteur des Mémoires lui destinait

τούτων οϋτω: εχόντων (490, Π). Or Syrgiannès fut jugé el pril la fuite après que l'empe
reur fui rentré à Constantinople, et après qu'il eùl fait sa seconde visite à Nicomédie, celle
où il conclut la paix avec Orkhan: Cant. II 24 -= 446, 16-20 el Ί48, 5-7; Fi';. Vrem. Il
(1949) 283, 96-11)0.
(17) Pour l'époque correspondante Grégoras raconte seulement la mort de Théodore
Métochite, survenue le 13 mars 1332 (47Ί, 12-481, 24), puis la naissance de Jean Y Paléo-
logue à Didymolique, le 18 juin 1332, et les joutes et tournois que l'empereur fit célébrer
à celte occasion (482, 1-483, 20), enfin (par erreur) la deuxième partie de la guerre de Bul
garie de 1331 (48:!, 21-483, 20) dont, il a déjà raconté la première partie — l'offensive de
Jean-Alexandre — au bon endroit, en 1331 (Ί58, 3-12). Pour compléter la chronique, de
l'année 1332 il faul recourir aux nos 2781-87 des Regesien de M. Fr. 1 »olger.
(18) riur Etienne Gabriélopoulos et les fantaisies mises en circulation à son sujet par
K. Hopf ν. ce que j'ai écrit dans Archivum Fralrum Praedicatorum, XXV (1955) 184-185
et P. Lkmkhlk, L'émirat dWydin, 119 et n. 5.
(19) Voir ci-dessus p. 107 n. 13. — Andronic III alla deux fois ravitailler Nicomédie;
d'abord avant sa campagne en Bulgarie (1331 selon Cantaeuzène, 1332 selon Grégoras),
puis avant le procès, de Kyrgiannès (1333. VIII). Comme par suite de l'inversion que nous
éludions la deuxième visile, dans le texte actuel de Ganlac.uzène, est racontée avant la pre
mière on l'a placée en 1330; Dölof.r, Regesten, n° 2762; G. G. Arnakks, Oi πρώτοι 'Οθωμανοί.
\Te.rte und Forschungen zur byzantinisrh-neugrierhisrhen Philologie. XLI) Athènes 1945,
195. Dé plus, comme durant celte visite, Andronic III fit la paix avec Orkhan, et que l'autre
visile suppose l'empereur en guerre avec l'émir, Arnakes (p. 196) a conclu que ce dernier
δέν έτήρτ,σε τα συμφωνημένα. Π est vrai que la guerre recommença après la paix d'août 1333
et que les Turcs prirent la ville. Mais tous les torts étaient-ils nécessairement et uniquement
du côté ottoman? Ne faut-il pas au moins envisager la possibilité qu'Andronic n'ait pas payé
le tribut, et que l'émir se soil trouvé en droit de rouvrir les opérations, sans manquer à la
parole donnée? Le portrait que (race Canlaciizène de l'ennemi qu'il prit pour gendre n'est
pas celui d'un homme sans foi ni loi.
20; 11 faudra modifier en conséquence les regestes 2797-2800 de M. Dolger. qui sont d'été
333, non d'automne.
I
234 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

quand il la rédigea. Nous constatons maintenant que, si elle n'est pas


à sa place, en revanche tout y est à sa place, et l'ordre règne dans
ses limites, bien qu'elle soit elle-même une cause de trouble et de
désordre. L'examen de la section II conduit à une conclusion semb
lable.
On y discerne deux parties : §§ 17-18 et §§ 19-27. Chacune comporte
un récit principal, formant un tout organique, auquel sont rattachés
accidentellement deux épisodes contemporains (21). Au centre des
deux récits évoluent deux figures auxquelles le narrateur portait un
intérêt personnel : sa créature, le patriarche Jean XIV Calécas, et son
parent Syrgiannès Paléologue Philanthropène. Le premier récit
commence en février 1334, avec l'élection de Jean Calécas (§ 17).
Après l'épisode du § 18 vient l'histoire de Syrgiannès, depuis sa libéra
tionen hiver 1329-1330, jusqu'à sa fin tragique, le 23 août 1334, sur
les bords du Galykos. On termine en rapportant que l'empereur passa
l'hiver suivant (1334-1335) à Thessalonique (§ 27). Les dates extrêmes
sont certaines. Mais, qu'on y prenne garde, on n'en trouve aucune, ni
celles-là, ni d'autres, dans les Mémoires (22). Elles n'en démontrent
pas moins l'unité chronologique de la section. Unité qui n'est pas
compromise, malgré les apparences, par le retour en arrière très expli
citeque l'on remarque après le § 18. Cantacuzène écrit des Mémoires
et il écrit de mémoire (23). En racontant l'épisode turc du § 18 il
pense déjà au péril serbe, qui obligea, peu après, l'empereur de partir
pour la frontière menacée (§§ 20-21). Ce souvenir évoquait fatalement
celui de Syrgiannès, l'homme qui avait suscité le péril, et des faits et
gestes qui l'avaient par degrés conduit au point où il en était en ce
printemps de 1334. Par la pensée Cantacuzène devait remonter à
l'hiver 1329, où, pendant la maladie d'Andronic III, il avait tiré de
sa prison l'homme qui menaçait maintenant. Du § 18 au § 19 le
passage est brusque et littérairement maladroit, car le lecteur
n'apprend pas assez vite pourquoi on lui parle soudain de Syrgiannès.
Mais combien la transition est naturelle dans l'esprit du narrateur!
L'abandon momentané de l'ordre chronologique n'aboutit pas au
désordre, loin de là, car un ordre logique s'y substitue. Le § 19 est

(21) Tous ces épisodes que ratl.ar.fie à l'ensemble un simple lien chronologique sonl en
fait des épisodes « turcs »; §§ 2 el 9 du lableau I, §§ 18 et 2.'i du lableau II; § / du tableau III.
(22) Excepté toutefois une allusion (i.'iC), 11) à la maladie d'Andronic III de 1.Ί29-ΐ:ί:!(ΐ,
qu'on [»eut à peine appeler une date.
(23) Ce fait explique à la fois la rareté des dates précises et un occasionnel lapsus memoriae
comme ceux que j'ai signalés dans Oricnlalia Christiana Periodica XIX (1953) 178 et n. :î et
de nouveau dans Archivum FF. J'rardicaiorum XXX (1960) 1 69- 1 70.
R. J. LOENERTZ : SUR LES MEMOIRES DE JEAN C Α.ΝΤΛ Cl'ZÈNE 235

l'exposition nécessaire d'une action dramatique, qui se noue au


printemps 1334 (§ 21) et que dénoue, en été 1334 le « coup de poignard
du Galyc » (24). Naturellement l'histoire antérieure de Syrgiannès
ramène le narrateur à l'époque dont il traite dans notre section I, plus
spécialement au début et à la fin de l'été 1333. Pendant qu'Andro-
nic III séjournait dans les provinces occidentales, où commandait
Syrgiannès, avec le titre « domestique des thèmes d'Occident » (25),
ce dernier fut accusé de haute trahison par le grand papias, Arsène
Tzamplakôn (26). Et, quand Andronic rentra dans sa capitale, Syr
giannès raccompagna, pour y être JLigé (27). En racontant les évé
nements de 1333 (section I, §§ 12-16) Cantacuzène garde le silence
sur Syrgiannès. Il se réservait évidemment d'en parler dans notre
section II, qu'il a pu, d'ailleurs, composer avant la section I, bien
qu'elle raconte dans l'ensemble des événements postérieurs.
Nous pouvons conclure : l'unité de chacune des deux sections est
certaine, l'ondée en chronologie, en psychologie, en logique. Le désor
dre que nous avons dénoncé dans cette partie des Mémoires de Jean
Cantacuzène tient à l'interversion de deux portions des Mémoires
dont chacune est un tout littéraire, Lin et entier, bien ordonné, conçu
et rédigé pour être lu tel que nous le lisons, mais pas à la place où
nous le lisons. Cette constatation dicte la réponse à la question que
nous avons posée à la fin de notre chapitre i.

III. Ex ρ τ . ι c. a τ ι ( > ν d υ pu κ s ο m è χ ε

L'inversion est un accident nullement inouï dans la transmission


d'un ouvrage manuscrit. Ainsi les exégètes du Nouveau Testament
semblent d'accord pour dire que le chapitre vi du quatrième Évangile
doit être lu avant le chapitre v, et, pour citer un exemple très proche
de celui qui nous occupe, les chapitres xlv-lxix du livre XXXVII de

(2Ό V. P.VRisox, Ciinldruzt'nc, 12(i: noire § 24. ['ourla date v. ci-dessus, p. 1 M > n. II.
(25| Diilger, liegesien n" 2 7»i(j : cf. 2 7 β Ί
(

(2(')| S. BiNov Ihjz. Zeilschr. XXXVHI. :>8:î-:<84. Irompé par Grégoras. date cel événe-
.

nionl, et le procès consécutif de Syrgiannès à Constantinople, de l'année \X\1. Pour la dale-


véritable v. la note suivanle. (trégoras (X 5, 2 = ] 4SI), 171 prétend que Syrgiannès éerivil
à l'empereur d'Eubée, où il s'était réfugié, après un an. Vraisemblablement il y a malentendu
Syrgiannès a. pu fuir en août fi842-i:î:îTi et envoyer sa lettre au début de l'année suivanle,
c'est-à-dire en septembre (»8-Ί :-!- 1 :îx:{.
(27 La date du procès et de la fuite le Syrgiannès esl liée indissoluble! lent, à celle du
1

(second) voyage d'Àndronie 111 à Nieon édie. où il fil la paix avec Orkha i. < *r Andronic
pari il pour Nicomédie avant la lin du m lis d'août WV.ÏA: \'ιζ. Y rem. II (194 '.)) 28o, 97-100.
Corriger en conséquence |.)üi.<;kr. Reiicstr /, n" 27iî2. qui doit prendre place ; près 1<> n» 2800
lui- uè nu- λ dater, nun me les n"s l'V'-W. tr I :i :>:■!. date du séjour d'Andron c en Thessaliei.
ι
1
236 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

Nicéphore Grégoras ont leur place entre le chapitre iv et le chapitre ν


du XXXVIe livre (28). Parfois l'inversion est due au déplacement
fortuit d'un ou plusieurs feuillets ou cahiers dans l'exemplaire que
le copiste transcrivait. Ceci n'est sûrement pas arrivé dans notre cas.
En effet les portions déplacées par suite d'un accident de ce genre
n'ont à peu près aucune chance d'être l'une et l'autre un tout littéraire
complet, dont le début et la fin coïncideraient par le plus grand des
hasards avec le début et la fin des parties déplacées! Or les portions
interverties du livre II de Cantacuzène sont, comme nous avons vu,
des unités littéraires entières et intactes, le début et la fin de chacune
coïncidant exactement avec le début et la fin des sections déplacées!
Il faut donc chercher une explication qui rende compte de ce dernier
fait en même temps que du déplacement. Cette explication, Valentin
Parisot l'a entrevue il y a plus d'un siècle :

Tout bien pesé on ne peut pas se dissimuler qu'il y a en interversion


des faits pour les guerres de Bulgarie et de Servie, interversion due à
ce que Cantacuzène, ayant travaillé séparément les deux récits, aura
ensuite mis peu de soin à les coordonner (29).

Appliquant systématiquement le principe que Parisot énonce,


voyons ce qui a pu et dû se passer dans le cas des deux sections inter
verties. Cantacuzène les rédigea séparément, mais plus ou moins
simultanément. Q)uand il racontait dans la section I les événements
de l'été 1333 (tableau I §§ 12-16) il en laissa de côté quelques-uns,
qu'il raconte dans la section II (tableau III, articles d-h), parce qu'ils
font partie de l'histoire de Syrgiannès. Quand il écrivait les §§ 12-16
de la section I il avait donc rédigé la section II, ou bien il en avait
formé un plan très détaillé, en fonction duquel il omettait quelques
faits qui entraient dans le cadre chronologique de la section I. Le
moment venu d'intégrer les deux sections dans l'ouvrage total, il
remit au copiste chargé d'ajuster celui-ci deux cahiers, contenant

(28) I. Hkkkkk (t. III, [). 552) nota ce désordre au début- du chapitre xi-v. Il aurait bien
fait, et mieux servi son lecteur, s'il l'avait noté aussi à la lin du chapitre x.xxvi 1 (p. 50,'i).
Mieux encore, il aurait dû rélabliiTordre authentique et rejeter en marge les mots καΐταΟτα...
έπαναλήψομαι νυν que le copiste intercala pour remédier à l'hiatus béant qui sépare — et
pour cause — le chapitre xxxvn -Ί5 de celui qui précède.
(2'J) V. Parisot, Canlacuzène, 112. — Parisot, qui énonce le principe de l'inversion, ne
cherche pas à délimiter les sections interverties. Eût-il essayé de le faire qu'il n'y aurait pas
réussi. Ignorant la date du procès de Syrgiannès et celle de son évasion de Constantinople
ci-dessus p. 107 n. l.'i) révélées par la chronique brève de Moscou, ignorant celle de la mort de
Syrgiannès, révélée par la chronique brève l.hessalonicienne, il ne pouvait pas reconnaître
l'unité littéraire des deux sections, fondée en grande partie sur l'unité chronologique.
R. J. I.OENERTZ : SIR LES MEMOIRES DE JEAN CANTAClZÈiNE 237

les deux sections à insérer. Le copiste-ajusteur, travaillant sous la


surveillance plus ou moins étroite et selon les directives plus ou
moins claires de l'auteur, venait de transcrire le récit de la campagne
bulgare d'été-automne 1330, qui s'achevait sur le retour d'Andro-
nic III à Constantinople en automne 1330/6839 (εις Βυζάντιον
έπανήκε 431, 20). A cet endroit Cantaeuzène avait commis une erreur
fatale : il oublia de dire que l'empereur alla passer l'hiver, ou du
moins la fin de l'hiver, 1330-1331 à Thessalonique, où on le retrouve
au printemps suivant (άμα ήρι 458, 1 = Tableau I, § 1). Le copiste
chargé d'écrire la suite avait en main deux récits, consignés dans deux
cahiers distincts. Celui qu'il aurait dû copier d'abord commençait
par les mots άμα ήρι. άρ/ομένω γράμματα ήκε βασιλεΐ έκ Βυζαντίου
(458, 1). Pour les raccorder à ce qui précédait il aurait fallu expliquer,
ne fut-ce qu'en deux mots, pourquoi l'empereur, qu'on avait laissé
à Byzance, recevait maintenant des lettres de Byzance! Le copiste
y perdit son... grec et regarda l'autre cahier. Celui-ci commençait
vraisemblablement ainsi : διατρίβοντι τω βασιλεΐ εν Βυζαντίω έπεί και ή
Βυζαντίων 'Εκκλησία χηρεύουσα ήν... Pour raccorder cette phrase à
celle qui terminait le récit précédent il suffisait d'insérer un δε après
διατρίβοντι, de supprimer le τω βασιλεΐ devenu inutile, et de
remplacer le nom de la ville par le démonstratif έκει. Tout
s'arrangeait à merveille... au moins en apparence! On peut se demand
er si Cantaeuzène a jamais relu ses Mémoires en entier. L'unanimité
de la tradition manuscrite fait penser que non (30).
R. J. LOKNERTZ.

(H0) "Une fois admise l'inversion dont nous venons de traiter il sera permis de se demander
s'il n'y en a pas d'autres dans l'ouvrage. 11 vaudrait la peine, p. e. d'examiner si la section
Bekker t. Ill Ί3, 4 Τών Καντακουζτ,νφ Γ>:>, 1 άποφαίνειν ne doit pas être lue après 62, 19
φροντίς.

Вам также может понравиться