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Jean Darrouzès

Remarques sur des créations d'évêchés byzantins


In: Revue des études byzantines, tome 47, 1989. pp. 209-237.

Résumé
REB 47 1989 France p. 209-237
J. Darrouzès, Bemarques sur des créations d'évêchés byzantins. — L'origine des sièges épiscopaux byzantins à partir du 9e
siècle n'est guère connue que par des mentions disparates qui demandent un certain effort d'interprétation. L'auteur examine le
cas de deux métropoles (Trébizonde et Euchaïta), celui de l'évêché de Maximianai, suffragant de Nicée, et la création des
évêchés de Thèbes par le métropolite Kalokténès. Le dernier paragraphe étudie les premières mentions d'union et de donation
de sièges, qui suggèrent une évolution de la pratique administrative vers le 12e siècle.

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Darrouzès Jean. Remarques sur des créations d'évêchés byzantins. In: Revue des études byzantines, tome 47, 1989. pp. 209-
237.

doi : 10.3406/rebyz.1989.1813

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_0766-5598_1989_num_47_1_1813
REMARQUES SUR DES CRÉATIONS
D'ÉVÊCHÉS BYZANTINS

Jean DARROUZÈS

Dans un article précédent j'ai étudié les variations du nombre des


évêchés byzantins dans les listes administratives (notitiae)1, mais je
me suis arrêté aux questions de critique textuelle afin de distinguer
dans ces documents ce qui dépend de la tradition manuscrite, en
particulier les omissions et les additions qui ne signifient pas
nécessairement suppression ou création. Malgré le nombre des copies,
ces listes ne sont qu'un lointain reflet du mouvement réel, car il en
faudrait plusieurs par siècle et bien datées pour suivre l'évolution. Les
actes2 relatifs à la création des évêchés ou à leur promotion sont
inexistants et les témoignages extérieurs n'interviennent que pour des
cas exceptionnels, qui peuvent donner le change sur la procédure
normale. J'examinerai ici quelques cas typiques moins par l'impor
tancedes sièges que par la nature du témoignage : deux cas de
création de métropoles et deux cas de création d'évêchés.
En premier vient le cas de Trébizonde qui aurait reçut le titre de
métropole du patriarche Méthode, selon une source du 14e siècle, alors
que le concile de 787 atteste l'union de Phasis avec Trébizonde. Le
second cas est la création de la métropole d'Euchaïta attribuée à
Photius ; il y a lieu de relire le témoignage des adversaires du
patriarche et de rechercher l'origine exacte. Les deux cas de fondation
d'évêché concernent l'évêché de Maximianai (9e s.) et les évêchés de
Thèbes (12e s.), dont les témoignages attribuent la création au
métropolite local : c'est un problème à la fois historique et canonique.
En dernier lieu je relèverai les premières mentions d'union des sièges
et de donation qui montrent la naissance de nouvelles pratiques au
début et au cours du 12e siècle.

1. REB 44, 1986, p. 5 s.


2. Les actes patriarcaux sont cités d'après le numéro des Regestes : V. Grumel,
V. Laurent, J. Darrouzès, Regestes des actes du patriarcat de Constantinople,
fasc. I-III (n~ 1-1202), fasc. IV (n» 1203-1782), fasc. V-VII (n« 2000-3286).

Revue des Études Byzantines 47, 1989, p. 209-237.


210 J. DARROUZÈS

1. La métropole de Trébizonde

Le premier document qui parle expressément de la création d'une


métropole à Trébizonde est le synaxaire de saint Athanase surnommé
Daimonokatalytès (briseur de démons) ; ce texte, dont on ne connaît
qu'une copie du 18e siècle, remonterait jusqu'au 14e siècle3; il est
indépendant d'un autre auteur, Joseph Lazaropoulos4, qui situe
l'épiscopat d'un saint Athanase sous l'empereur Basile Ier. Le
synaxaire déclare que le saint, venu à Constantinople pour guérir la
fille de Théodose le jeune5, fut ordonné archevêque par le patriarche
Méthode par ordre impérial et sur vote commun du sénat et du
synode ; après quoi l'empereur le renvoya comblé de présents dans sa
ville de Trébizonde, élevée en son honneur du rang d'évêché à celui de
métropole. Ni Théodose (II?), ni Basile Ier cité par Lazaropoulos, ne
peuvent être associés au patriarche Méthode, dont le patriarcat tient
tout entier sous le règne de Theodora et Michel III. En plus de cet
anachronisme flagrant, faut-il relever l'opposition entre archevêque et
évêché? Souvent évêque et évêché se prennent dans un sens
générique ; mais c'est la terminologie de l'élection qui est tout à fait
conventionnelle pour un personnage renommé : intervention impérial
e, plébiscite du sénat et du synode. Le lieu commun de la libéralité
impériale exprime certainement une réalité, mais ce n'est pas ce
document qui en donne la date et l'auteur.
L'indice le plus ancien de l'ascension de la ville se trouve dans les
listes du concile de Nicée (787) : le métropolite de Phasis, dit
simplement évêque de Phasis dans le protocole des quatre sessions,
signe une première fois évêque de Phasis ou (ήτοι) Trébizonde, une
deuxième fois évêque de Trébizonde tout court6. A cette date donc,
Phasis n'était plus qu'un souvenir et le siège était transféré à
Trébizonde ; le rapport entre les noms unis par ήτοι est obscur, lorsque
l'état des localités n'est pas connu ; mais celui qui pouvait signer
simplement : de Trébizonde, sans ajouter le nom de l'autre siège,
Phasis, devait être titulaire effectif de Trébizonde. Le fait est
d'autant plus remarquable que ces deux villes n'appartiennent pas à

3. A. Papadopoulos-Kérameus, Κ istorij Trapezunta, VV 12, 1905, p. 139-141.


4. Auteur d'une synopse des miracles de s. Eugène (BHG 612) : A. Papadopoulos-
Kérameus, Fontes historiae imperii Trapezuntini, I, Saint-Pétersbourg 1897, p. 53, 57,
58 (mentions d 'Athanase sous Basile Ier)·
5. A. Papadopoulos-Kérameus, art. cit. (n. 3), p. 139; l'éditeur suppose que le
prototype portait τοϋ μιαροΰ Θεοφίλου au lieu de μικροϋ Θεοδοσίου que donne la copie ;
cela ne résout pas le problème, puisque Méthode ne fut pas patriarche sous Théophile.
6. Mansi 13, 137C, 384A; sur ces listes, voir BEB 33, 1975, p. 17.
REMARQUES SUR DES CRÉATIONS D'ÉVÊCHÉS 211

la même éparchie ; par conséquent il y eut nécessairement des actes de


l'autorité pour légaliser cette cohabitation et achever l'unification des
deux sièges, celui de la Lazique et celui du Pont Polémoniaque.
Au concile de 680/681, Trébizonde et Phasis ont encore une
situation indépendante ; Trébizonde se range auprès des trois autres
sièges de son éparchie, tandis que Phasis n'apparaît qu'une fois dans
la liste de souscription de la session 17, et encore dans la seule version
latine ; sa place en finale est anormale, comme si l'évêque avait signé
à part et en retard. Cette anomalie est compensée à la signature des
canons, une dizaine d'années plus tard, où Phasis est à son rang de
métropole7. En 787, Christophore de Phasis, signant aussi de
Trébizonde, siégeait dans cette ville. La différence entre la première
et la deuxième signature indique peut-être que le sort des deux
évêchés fut réglé à l'occasion du concile ; après avoir été évêque de
Phasis avec le siège de Trébizonde vacant en supplément, Christophor
e aurait été transféré à ce second siège, perdant ainsi son premier
titre, devenu fictif. Aucun des actes émis à cette occasion n'est connu.
On peut imaginer les interventions supérieures d'après deux cas cités
par Balsamon. Un métropolite de Klaudioupolis avait reçu la
permission de transférer sa résidence à Héraclée du Pont qui était
vacante et on lui avait accordé aussi le droit de siéger, qui n'était pas
accordé normalement pour l'évêché donné en plus ; c'est pourquoi le
canoniste s'étonne qu'après avoir reçu ce droit le bénéficiaire portât
encore le titre de Klaudioupolis8. Il y eut aussi un archevêque de
Derkos qui voulut s'installer à Philéas, un archiprêtré de son ressort,
parce que cette localité était très peuplée ; le synode ne l'y autorisa
pas9. A plus forte raison, lorsque deux évêchés de province différente
étaient en causé, il était nécessaire de recourir à l'empereur et au
patriarche pour résoudre les conflits de juridiction et de partage des
territoires.
Ces changements n'allaient pas sans difficulté, car les notitiae (listes
d'évêchés) anciennes ont de la peine à suivre le mouvement; elles
supposent une existence légale du siège de Phasis jusqu'à la fin du
9e siècle et elles hésitent sur le statut réel de Trébizonde. Voici le
tableau des mentions de Trébizonde par rapport au Pont Polémonia-

7. Mansi 11, 992B; cf. 629A, 651, 680E. Un tableau synoptique a été dressé par
R. Riedinger, Die Präsenz- und Subscriptionslisten des VI. oekumenischen Konzils
(680/681) und der Papyrus Vind. G. 3, Bayer. Akad. d. Wiss., Philosophisch- historische
Klasse, Abhandlungen, N. F., Heft 85, München 1979, p. 18-20.
8. Sur le canon 16 d'Antioche : PG 137, 1317-1320; Rhallès et Potlès, Σύνταγμα,
HI, p. 154-157.
9. Sur le canon 15 de Nicée : PG 137, 284A; Rhallès et Potlès, Σύνταγμα, II,
p. 147-148.
212 J. DARROUZÈS

que et à la Lazique dans les notices 1 à 7, celle-ci étant la notitia de


Nicolas Ier et Léon le Sage (les chiffres arabes donnent le numéro
d'ordre dans l'édition)10.

Pont Polémoniaque Lazique


Notitia évêché archevêché Phasis Trébizonde
1 134 — 32 et 413 —
2 296 78 31 et 382 —
4 251 75 33 et 434 —
5 — 78 27 — —
6 — — 27 — 34
7 — — — — (33) et 556

Le tableau montre clairement l'évolution du statut de Trébizonde.


La notice 1 inscrit seulement l'évêché dans l'éparchie du Pont
Polémoniaque (de même la notice 3, non relevée ici). Les notices 2 et
4, sans supprimer l'évêché suffragant de Néocésarée, inscrivent
l'archevêché juste après Sébastopolis11 ; la notice 5, qui n'a pas les
évêchés suffragants, a les mêmes archevêchés que la notice 4. Si le
rapport des listes a un sens historique, Trébizonde fut le premier
archevêché créé après le 6e concile où la ville se range encore sous la
métropole de Néocésarée. Dans la partie droite du tableau, Trébizon
de apparaît comme successeur de Phasis à la tête de l'éparchie de
Lazique ; la métropole ancienne est citée jusqu'à la notice 6, toujours
à son rang primitif : 27e dans toutes les notices antérieures. Mais cette
notice enregistre aussi le passage de Trébizonde dans les rangs des
métropoles12, de la même manière que la notice 4 l'avait inscrite au
rang des archevêchés. D'après cette liste, Trébizonde, qui vient juste
après Hiérapolis (33e dans la liste ancienne), aurait été aussi la
première métropole créée, avant Amorion et l'annexion de la Cilicie
(Séleucie). Cette notice, qui garde Phasis et inscrit Trébizonde,
exprime exactement la situation qui existait au concile de 787 : le
titre de Phasis survit, mais le siège avait disparu et son titulaire

10. J. Darrouzès, Notitiae episcopatuum Ecclesiae constantinopolitanae, Paris 1981


(dans la suite cité simplement Notitiae).
1 1 . Sébastopolis est le dernier de liste (33e) de la notitia ancienne des archevêchés,
comme Hiérapolis (33e) parmi les métropoles; pour l'entrée de Trébizonde dans les
rangs des archevêchés, voir Notitiae : p. 2187e~78 (Sébastopolis, Amorion, Trébizonde),
251 74-75 (Sébastopolis, Trébizonde, Amorion étant passé dans les métropoles p. 24939).
12. Notitiae, p. 268; c'est le cas de répéter que les notitiae ne représentent pas un
ordre chronologique absolu et que chacune peut avoir des lacunes ; ainsi la notice 6, par
rapport à la 4 et à la 2, semble déclasser Amorion venant après Trébizonde.
REMARQUES SUR DES CRÉATIONS D'ÉVÊCHÉS 213

occupait alors l'évêché de Trébizonde. La dernière phase de


l'ascension de la ville s'inscrit dans la notice 7, où Phasis n'est plus
mentionnée tandis que l'éparchie de Lazique subsiste nominalement
comme territoire de Trébizonde, sans aucun des évêchés de Phasis.
Quoique le principe n'ait jamais été formulé, c'est un fait que la
chancellerie patriarcale donne aux provinces ecclésiastiques un nom
différent de celui des provinces civiles. Contrairement aux notices
antérieures, la notice 7 omet le nom de province dans la liste des
métropoles et des archevêchés ; il apparaît seulement dans la liste des
métropoles avec suffragants. Or dans les lettres de Nicolas, auteur
présumé de cette liste et au début de son règne, le métropolite Basile
reçoit le titre de Chaldia13, c'est-à-dire du thème dont Trébizonde
était le chef-lieu. Pour ceux qui tiennent absolument à fixer la date,
parfois au jour près, de ces compilations, officielles ou non, c'est une
difficulté insurmontable que la titulature de la notitia 7 ne soit pas
appliquée strictement dans les lettres de Nicolas. Cette anomalie de
titulature a peut-être un rapport avec une autre affaire évoquée aussi
dans une lettre du même patriarche. Écrivant à un personnage qui
doit être un envoyé patriarcal (exarque), Nicolas lui demande
d'envoyer à Constantinople celui qui a transformé l'évêché du
métropolite de Chaldia en archevêché14. V. Grumel a pensé que cette
lettre était adressée au stratège du thème et que Basile de Chaldia
aurait prétendu s'intituler archevêque comme les titulaires des grands
sièges (Césarée, Éphèse, Héraclée, Thessalonique)15. Il paraît cepen
dantinvraisemblable que le patriarche demande à un subalterne, fût-
il son exarque, d'envoyer à Constantinople le métropolite du lieu. Les
lettres du patriarche à Basile de Chaldia sont amicales et ne font
allusion à aucun différend ; on se demande pourquoi dans la lettre à
l'exarque il serait désigné anonymement et de façon un peu cavalière.
Enfin si l'expression évêché du métropolite peut signifier la métropol
e, le sens obvie d'évêché suffragant n'est pas à exclure ; dans ce cas,
le métropolite local n'avait aucun raison ni aucun pouvoir de
transformer en archevêché un de ses évêchés.
Partant de la titulature de Basile de Chaldia, qui est inexpliquée, il
faut se demander si la composition de son éparchie correspondait

13. Nicolas Ier, lettres 114 et 128 : PG 111, 329 et 345 ; Jenkins-Westerink, p. 400 et
422 ; cf. V. Grumel, Regestes, n° 741 et 742.
14. Nicolas Ier, lettre 741821 : Jenkins-Westerink, p. 322; PG 111, 284A.
15. C'est la raison avancée par V. Grumel, Regestes, n° 774; cf. V. Laurent, Le
Corpus des sceaux de l'empire byzantin, Paris 1963, V/l, n° 764. Est-il vraisemblable
qu'un métropolite de Trébizonde, dont le siège était auparavant archevêché et qui
avait donc reçu une promotion, aurait ambitionné à cette date de reprendre le titre
inférieur?
214 J. DARROUZÈS

exactement à celle de l'éparchie de Lazique16 inscrite dans la


notitia 7. Il se trouve qu'à la même date, c'est-à-dire sous le
patriarcat de Nicolas, une affaire d'archevêché, celui de Rhizaion,
était aussi d'actualité; ce suffragant de Néocésarée, à l'est de
Trébizonde, faisait aussi partie du thème de Chaldia et se trouvait en
bonne position pour subir les changements provoqués par la chute de
la métropole de Phasis. En effet, au concile de Nicée (787), son évêque
siège avec ses confrères du Pont Polémoniaque ; au concile de Sainte-
Sophie, il siège aux rangs supérieurs, entre Germé et Keltzènè,
détaché par conséquent de sa province. Le passage du nom dans les
notitiae est tardif et incohérent.
— notitiae 1-4 : pas de mention de Rhizaion, sauf en notitia 3, 581,
où la ville se trouve précisément en Lazique17 , mais cette compilation
ne relève pas seulement des évêchés.
— notitia 7 : Rhizaion est archevêché (7,96), mais ajouté aussi au
Pont Polémoniaque par le bon manuscrit D (7,318, apparat) et
d'autres; ce manuscrit (Monac. 380), dans sa liste des archevêchés,
inscrit Rhizaion comme archevêché, en doublet par conséquent
(7,112).
Ensuite l'évêché se maintient dans les notitiae 10 et 14, tandis que
les listes d'archevêchés (8, 11, 12, 15) conservent le nom de Rhizaion,
mais avec des déformations invraisemblables.
D'après ces listes, tout se passe donc comme si l'histoire de
Rhizaion commençait avec la notitia 7, c'est-à-dire vers le patriarcat
de Nicolas Ier . C'est en effet sous ce patriarche que le métropolite de
Néocésarée présenta une réclamation pour le retour sous sa juridic
tion de l'évêché de Rhizaion18, promu archevêché par le patriarche
Germain Ier. Comment expliquer une réclamation aussi tardive, alors
que Rhizaion, mentionné pour la première fois au concile de 787, est
rangé parmi les évêchés du Pont Polémoniaque (Néocésarée). De leur
côté les notitiae anciennes ne connaissent pas Rhizaion19, ni comme

16. On ne sait pas pourquoi les noms de province (éparchie) sont omis dans les listes
de métropoles et d'archevêchés par la notitia 7; ces noms figurent seulement dans la
liste des suffragants, qui n'appartient peut-être pas à la taxis publiée par le patriarche
Nicolas.
17. La notitia 3, qui reflète des sources disparates difficiles à identifier, se distingue
en situant Rhizaion (écrit 'Ρίζου : Notitiae, p. 241 581), en Lazique, sous la métropole de
Phasis; c'est peut-être le premier indice des vicissitudes de l'évêché; une fois que le
siège métropolitain se transporte à Trébizonde, on ne comprend pas le rattachement de
Rhizaion au Pont Polémoniaque (Néocésarée).
18. Tous les actes concernant Rhizaion sont connus uniquement par la mention
dans l'acte de Nicolas III, en 1084 : V. Grumel, Regestes, n°938; dans cet acte,
contrairement à l'interprétation de F. Dölger (Regesten, n° 1015), il ne s'agit pas de
l'érection de la métropole de Néocésarée.
19. Le nom de Rhizaion ne se trouve ni dans Hiéroklès ni dans Georges de Chypre;
malgré la difficulté du témoignage unique, la notitia 3 fournit une donnée importante.
REMARQUES SUR DES CRÉATIONS D'ÉVÊCHÉS 215

évêché ni comme archevêché : que signifie ce silence? Il semble bien


que l'acte invoqué à l'appui des prétentions de Néocésarée est un
faux, puisque l'archevêché en fin de compte n'apparaît qu'au concile
de Sainte-Sophie. Il n'est donc pas invraisemblable que cette affaire
d'archevêché, dans la lettre de Nicolas, qu'il est difficile de rapporter
au siège de Trébizonde, concerne en fait celui de Rhizaion ; il était en
Chaldia, son origine était suspecte à cette date et le resta encore
pendant longtemps. Il manque un argument positif pour emporter la
conviction ; en particulier on ignore qui en réalité soutenait cette
promotion. En fait, la lettre de Nicolas, dans le paragraphe qui
précède l'allusion à l'archevêché, parle d'un évêque coupable de
plusieurs infractions ; ni V. Grumel, ni les derniers éditeurs n'ont
pensé à faire le rapprochement entre ce personnage et celui qui doit
être envoyé au patriarche pour enquête. Si ce n'est pas Basile de
Chaldia, pourquoi ne serait-ce pas l'évêque de Rhizaion?
En conclusion, si l'origine de la métropole de Trébizonde n'est pas
tout à fait éclaircie, la vérification des témoignages ne sera pas stérile.
La métropole existait certainement avant le règne de Basile Ier et
fonctionnait dès le concile de 787 où Trébizonde remplaçait déjà
Phasis ; sa promotion, antérieure peut-être, du moins à titre
provisoire, à la constitution du thème de Chaldia, s'acheva avec la
constitution de cette unité administrative dont le métropolite porta
un certain temps le nom. L'Église préféra conserver le nom de
Lazique, en souvenir de l'éparchie disparue.

2. La métropole d'Euchaïta

Euchaïta entra comme métropole dans la notitia 7, au 51e et dernier


rang, qui signifiait sans doute sa création récente. Il a été admis que
la création datait du second patriarcat de Photius20, entre 880 et 886,
bien que Théodore Santabarènos ne soit pas désigné expressément
métropolite. Les actes relatifs à cette affaire sont perdus, mais deux
controversistes, Nicétas David dans la Vita Ignatii et Stylien de
Néocésarée dans sa lettre au pape, accusent Photius d'avoir dépouillé
Euphémianos de son archevêché pour y installer Théodore Santabarèn
os. Tels sont les témoignages à étudier.
Voici d'abord le passage de la Vita Ignalii relatif à l'affaire ; après
avoir rapporté l'éviction de Nicéphore de Nicée en faveur d'Amphilo-
chios de Cyzique, l'auteur poursuit : «Comment donc passerions-nous

20. V. Grumel, Regestes, n° 527 ; V. Laurent, Le Corpus des sceaux de l'empire


byzantin, V/l, p. 585; cf. EO 34, 1935, p. 463 n. 2.
216 J. DARROUZÈS

sous silence la conduite de Photius à l'égard d'Euphèmianos l'évêque


bien connu d'Euchaïta? Puisque Santabarènos, en tant que voisin,
convoitait cet évêché, le patriarche met de force le premier en
disponibilité et il ordonne à sa place le second ; non content de cela il
enlève aux métropolites voisins autant d'évêchés qu'en désirait
Santabarènos et il lui en fait don ; encore mieux, le patriarche le fait
siéger auprès de lui et le désigne protothronos»21.
La promotion de Santabarènos, qui était moine, pose les mêmes
problèmes canoniques que celle d'Amphilochios à Nicée, puisque les
deux commencent par l'expulsion du prédécesseur. L'ordination de
Théodore eut lieu après 880, car Euphèmianos représentait encore
Euchaïta au concile de Sainte-Sophie ; il ne fut pas ordonné pour
Patras22, ni envoyé par Photius auprès de Jean VIII23.
Voyons d'abord ce que peut signifier dans ce passage le voisinage de
Santabarènos par rapport à l'archevêque d'Euchaïta. Le nom de
famille de Théodore, au dire de la Vie de Nicolas Stouditès24, dérive
de Santabaris, localité de Phrygie sur la route de Nakolia à
Philomèlion ; ce n'était pas un évêché et il n'y a aucun rapport de
voisinage avec Euchaïta25. Les éditeurs de Photius supposent que
Théodore avait été ordonné auparavant pour un évêché voisin
d'Euchaïta : hypothèse peu vraisemblable, puisque les ordinations
pour les évêchés des métropoles ne dépendaient nullement du
patriarche et l'auteur de la Vie aurait employé un terme signifiant le
transfert (μετατίθησι), non l'ordination (χειροτονεί), selon la démonstrat
ion de V. Grumel pour exclure l'identification de Santabarènos avec
Théodore de Patras.
Cette allusion au voisinage restant obscure, qu'en est-il d'une
donation à Théodore d'évêchés voisins? Ordonné en remplacement
d'Euphèmianos, Théodore prenait rang d'archevêque autocéphale26
et sans subordonnés, à la différence du métropolite qui était aussi
autocéphale, mais avec des suffragants. Pendant le procès qui leur fut
intenté après la déposition de Photius, celui-ci déclara à son ami :

21. Mansi 16, 289AB; PG 105, 572.


22. V. Grumel, Qui fut l'envoyé de Photius auprès de Jean VIII?, EO 32, 1933,
p. 439-443.
23. B. Laourdas et L. G. Westerink, Photii epistolae, I , p. 108 (ep. 65).
24. PG 105, 912.
25. W. Ramsay, The Historical Geography of Asia Minor, London 1890, p. 235, 434 ;
l'auteur dit que la localité était évêché suffragant de Nakolia (une métropole sans
évêché, du 11e siècle).
26. Terme employé dans les titres de notitiae, seul ou comme qualificatif
d'archevêque : Nolitiae, p. 205, 217, 232, etc. ; il n'est plus en usage après la notitia 7 :
voir p. 273, 293, etc.
REMARQUES SUR DES CRÉATIONS D'ÉVÊCHÉS 217

«Par le salut de mon âme, kyr Théodore, tu es archevêque27 dans le


siècle présent et pour le siècle à venir.» En théorie l'archevêque aurait
pu recevoir des évêchés en donation sans être métropolite, mais les
donations de ce genre ne semblent pas en usage à cette époque et de
toute manière elles auraient entraîné des irrégularités ; le patriarche
en effet n'avait pas d'autorité directe sur les évêchés de ses
métropolites et il aurait dû employer la contrainte.
Enfin, selon Nicétas David, le patriarche donna à Théodore un titre
de protothronos (tenant du premier siège après le patriarche) en le
faisant asseoir auprès de lui28. Dans l'assemblée synodale c'est le
métropolite de Césarée qui était premier de liste et occupait le
premier siège. Le patriarche allait-il s'attaquer à un privilège aussi
ancré dans les coutumes ecclésiastiques et mit-il son favori à ce rang
suprême29? La lettre de Stylien permet d'avancer une explication
plus satisfaisante.
Le témoignage de Stylien de Néocésarée n'a presque rien de
commun avec le précédent. «Ignace étant décédé, aussitôt Photius
s'installe sur son trône ; prenant aussi avec lui Santabarènos, devenu
grâce à lui grand familier de l'empereur, il le fit évêque d'Euchaïta.
Des monastères considérables situés dans d'autres éparchies et
dépendant d'autres évêques leur furent enlevés pour être donnés en
plus à Santabarènos, de manière qu'ils soient unis à Euchaïta et que
Santabarènos puisse y ordonner des évêques»30.
Il est remarquable que le terme protothronos ne figure pas dans ce
texte ; la faveur accordée à Santabarènos, peut-être avant même son
ordination, devait être de celles qu'un patriarche pouvait accorder. Il
ne s'agit pas d'une préséance dans son éparchie, selon la suggestion de
Patricia Karlin-Hayter31, puisque tout métropolite et archevêque est
premier de droit chez lui, mais d'une place auprès du patriarche et
octroyée peut-être par l'empereur. Le titre correspondant à ce
privilège était celui de syncelle, très ancien dans l'Église, dont la
fonction consistait à assister le patriarche ; le titre était conféré par

27. Dans ce contexte, le patriarche aurait pu employer le terme générique d'évêque ;


il donne certainement à Théodore son titre exact, qui exclut celui de métropolite. Le
récit dans Théophane Cont. : Bonn, p. 84 ; cf. Patricia Karlin-Hayter, Vita
Euthymii, Bruxelles 1970, p. 50.
28. L'auteur glose clairement le terme : παρ' έαυτφ καθίζων πρωτόθρονον τούτον
κατωνόμαζε (Mansi 16, 289); cela ne doit pas s'appliquer aux préséances synodales.
29. La donation du rang honorifique (τόπος) d'un siège supérieur à un métropolite
inférieur, sans transfert effectif, ne semble pas en usage à l'époque ; sur l'usage
postérieur, voir J. Darrouzès, Le registre synodal du patriarcat byzantin au xiv siècle,
Paris 1971, p. 273-277.
30. Mansi 16, 433.
31. Vita Euthymii, p. 154 note.
218 J. DARROUZÈS

investiture impériale et donné généralement à des moines32. Or le


premier métropolite cité comme syncelle se trouve être le métropolite
d'Euchaïta Philarétos33. Il se trouve aussi qu'un sceau a conservé le
nom d'un archevêque d'Euchaïta Philarétos; le P. Laurent l'a daté
d'abord du 9e siècle, puis du 10e, par rapprochement avec le
métropolite syncelle34, puisque la lettre d'Alexandre de Nicée
adressée au métropolite date de 945-946. L'éditeur du sceau, qui
donne pour la fondation de la métropole les années 880-886, doit
expliquer la réapparition du titre d'archevêque après cette date et il
suppose que le métropolite Philarétos voulait manifester par là sa
prétention au titre d'archevêque à l'imitation d'un métropolite de
Trébizonde35. L'hypothèse me semble un peu académique et éloignée
de la réalité, car on n'imagine pas que le métropolite d'Euchaïta, si
près de la date où l'archevêché fut promu au rang des métropoles, ait
considéré comme un honneur de reprendre l'ancien titre. Mais si
Philarétos archevêque est le même personnage que Philarétos
métropolite syncelle, il s'ensuit qu'il fut le témoin et le bénéficiaire de
la promotion du siège. Cela paraît possible, bien qu'il faille admettre
un épiscopat de plus de quarante ans pour Philarétos et concilier son
titre d'archevêque avec la date de publication de la notitia 7 qui
reconnaît la métropole.
Quoi qu'il en soit de Philarétos, la lettre de Stylien, en employant
pour l'acte d'ordination la formule banale (έπίσκοπον έποίησεν), veut
dire que Théodore Santabarènos reçut le siège episcopal tel qu'il
était; il succédait sans plus à l'archevêque Euphèmianos; rien
n'indique que le patriarche ait créé à cette occasion une métropole
pour son favori. A son ordination ou peu après Théodore reçut une
donation, non pas d'évêchés, comme dit Nicétas David, mais de
monastères importants appartenant aux diocèses voisins ; si les
voisins furent spoliés, c'est qu'il y avait des moyens plus ou moins
canoniques de faire don des monastères. Autre chose cependant est de

32. J. Darrouzès, Recherches sur les offikia de l'Église byzantine, Paris 1970, p. 17-
19; N. Oikonomidès, Les listes de préséance byzantines des ixe et xe siècles, Paris 1972,
p. 308.
33. Lettre d'Alexandre de Nicée adressée à Philarétos : J. Darrouzès, Épistoliers
byzantins du Xe siècle, Paris 1960, p. 73.
34. V. Laurent, Sceaux byzantins inédits, EO 32, 1933, p. 53-54; Idem, Le Corpus
des sceaux, V/l, n° 764, p. 585-586. Dans le Corpus, l'auteur émet aussi l'hypothèse
d'une rétrogradation de la métropole, supposée créée par Photius, au rang d'archevê
ché. Il n'y a pas d'exemple d'une rétrogradation de ce genre; on peut se reporter à
l'acte de 1084, où les métropolites réclamaient le retour des évêchés devenus
métropoles, pour constater que le pouvoir impérial, auteur de ces créations, ne revenait
pas sur ces actes : Regestes, n° 938.
35. Voir ci-dessus n. 15.
REMARQUES SUR DES CRÉATIONS D'ÉVÊCHÉS 219

donner des monastères, autre chose d'autoriser Théodore à y ordonner


des évêques, puisqu'ils ne sont pas destinés à recevoir un siège
episcopal, non plus qu'un archevêché à recevoir des évêques
subordonnés. Cela équivalait à faire d'Euchaïta une métropole. Rien
n'empêchait Photius de procéder à cette promotion du moment qu'il
avait la faveur impériale et que Santabarènos était aussi introduit
auprès de l'empereur; cependant les deux adversaires ne prononcent
pas le titre de métropolite et ils semblent insister ainsi sur
l'irrégularité des moyens employés pour doter l'archevêque d'un
certain nombre de suffragants ; la procédure était en effet d'autant
plus osée que le titulaire d'Euchaïta n'était pas métropolite.
Le témoignage de Nicétas David et de Stylien n'est donc pas des
plus clairs concernant la fondation d'une métropole à Euchaïta. Celui
de la notitia 7 est formel mais n'implique pas que la métropole ait été
fondée en faveur de Théodore Santabarènos. Malgré le châtiment
infligé au favori de Photius par Léon VI, la ville n'eut pas à souffrir
de la déchéance de l'archevêque. Ce fut probablement Philarétos qui
profita de la promotion au rang de métropolite, car on ne connaît
aucune mention de titulaire entre Théodore et Philarétos, qui était
encore métropolite vers 945 après avoir porté le titre d'archevêque.
La notitia 7 attribue à la métropole d'Euchaïta quatre évêchés,
dont la réalité a été mise en doute ; l'édition critique montre que ces
évêchés sont bien authentiques, quoique éphémères36. Que représen
tent exactement les noms de Gazala, Koutziagra, Sibiktos et
Barianè? On ne les connaît ni comme des évêchés des éparchies
voisines, ni comme des monastères notables ayant donné leur nom à
une localité ou désignés par le toponyme, de sorte qu'il est impossible
de dire s'il s'agit d'évêchés extorqués aux voisins (Vita Ignatii) ou
d'évêchés créés (lettre de Stylien), ni même si ce sont des évêchés
remontant à l'ordination de Théodore Santabarènos. L'histoire de ces
évêchés paraît d'ailleurs s'arrêter dès le 10e siècle. En effet la
notitia 9, qui couvre la seconde moitié du 10e siècle, déclare
expressément que la métropole d'Euchaïta n'a pas de sièges
subordonnés37. Si les notitiae suivantes reprennent les noms donnés
par la notitia 7, c'est qu'elles copient la notitia antérieure sans tenir

36. Notitiae, p. 77-78, 287 (not. 7, 687-690, 694), 332 (not. 10, 669-672).
37. Notitiae, p. 306 (not. 9, 557), 334-335 (not. 10, 683, 692) ; les recensions b c d de la
notitia 10 suivent la notitia 9, tandis que la recension a, qui contient des apports
nouveaux (jusqu'au 13e s.), est revenue à la notitia 7 et garde les évêchés. Il faut
ajouter ici que la liste des métropoles avec suffragants de la notitia 7 n'a pas
nécessairement la même date de composition que la liste simple. Ces évêchés pourraient
être une création postérieure (fin 9e siècle-début du 10e), destinée peut-être à régulariser
la situation du siège et à corriger les abus signalés par les controversistes Nicétas David
et Stylien.
220 J. DARROUZÈS

compte de la note négative de la notitia 938, reproduite seulement par


une recension isolée (notitia 10, 692). Selon toute vraisemblance ces
évêchés eurent la vie très courte et ne furent plus pourvus d'évêques
peut-être après le décès du premier titulaire. Avant la fin du 10e siècle
la métropole d'Euchaïta passait donc pour ne pas avoir de
suffragants.
Peu après le temps où la notitia 9 déclarait la métropole d'Euchaïta
dépourvue de suffragants, la notitia 8, dont la liste des métropoles et
des archevêchés va jusqu'à la fin du 10e siècle, introduit dans les rangs
un archevêché d'Euchaneia39. D'après le Synaxaire, cette localité
voisine d'Euchaïta avait reçu la dépouille du second Théodore, le
Stratélate, transférée d'Héraclée du Pont, lieu du martyre40. Après la
victoire de Dorostolon (ou Dristra), en 971, Jean Tzimiskès fit rebâtir
l'église qui abritait la tombe du Stratélate et donna à la ville le nom
de Théodoroupolis. Quoique les chroniqueurs commettent plusieurs
confusions à ce sujet, il apparaît clairement que le titre archiépiscopal
fut une suite des libéralités impériales. Si l'identification avec Çorum
(à trente-cinq kilomètres d'Euchaïta) proposée par N. Oikonomidès
s'avère exacte41, le nouvel archevêché était en situation pour limiter
le territoire d'Euchaïta ; il serait vain cependant de spéculer sur un
antagonisme entre deux lieux de pèlerinage, puisque dans les
années 963-971 un métropolite syncelle d'Euchaïta nommé Philothée
joue un rôle de premier plan comme ambassadeur impérial, sous
Nicéphore Phocas et Jean Tzimiskès. Ce qui est certain c'est que
l'ascension d'Euchaneia dans la hiérarchie fut rapide : archevêché à la
fin du 10e siècle (notitia 8, 124), Euchaneia est métropole peu après,
avant le milieu du 11e siècle (notitia 11,66). Et de même que la
première promotion provient vraisemblablement de l'empereur
Jean Tzimiskès, la seconde doit aussi son origine à une faveur
impériale, car le premier titulaire de la métropole, nommé Nicolas,
était économe d'une fondation impériale, la Néa Ekklèsia, et

38. On a daté la notitia 9 (alias Néa Tadica) de l'année 945/946. Dans cette
hypothèse le métropolite Philarétos, en fonction à cette date, n'aurait pas eu de
suffragants, alors que les évêchés cités furent peut-être créés ou régularisés en sa
faveur. Une datation trop stricte de ces listes composites conduit souvent à quelque
impasse sur l'un ou l'autre point.
39. Notitiae, p. 294 (not. 8, 124).
40. A ASS, Propylaeum ad acta novembris, col. 452-453 (7 février), 738 (8 juin,
mémoire de la translation).
41. N. Oikonomidès, Le dédoublement de saint Théodore et les villes d'Euchaïta et
d'Euchaneia, An. Boll. 104, 1986, p. 329-335. Chez les chroniqueurs le témoignage le
plus surprenant est celui de Léon diacre, un contemporain, pour lequel l'action de
Jean Tzimiskès consista à changer le nom de Dorostolon en Théodoroupolis ; et il ne dit
mot d'Euchaneia ; cf. Notitiae, p. 92-93.
REMARQUES SUR DES CRÉATIONS D'ÉVÊCHÉS 221

s'intitule «homme de Theodora, augousta et porphyrogénète»42. La


fonction du métropolite et son titre un peu surprenant d'homme de
l'impératrice signifient nettement que sa promotion au siège d'Eucha-
neia et peut-être la promotion de l'archevêché lui-même furent
assurées par le pouvoir impérial.
En résumé il est difficile de proposer une conclusion décisive sur la
fondation de la métropole d'Euchaïta. Il ne semble pas que Photius
en ait été l'auteur ni que Théodore Santabarènos ait été le premier
métropolite de la ville malgré les faveurs reçues. Philarétos,
archevêque puis métropolite, serait plus indiqué, bien que la datation
reste encore un peu en suspens. La promotion d'Euchaneia fournit un
point de comparaison significatif: de même que celle-ci, doit son
ascension à l'intervention des empereurs, Euchaïta doit aussi
davantage aux empereurs qu'aux patriarches, car c'est sur ce siège
qu'apparaît le premier métropolite syncelle, titre de droit impérial qui
fut accordé à Philarétos et à son successeur Philothée43.

3. L'ÉVÊCHÉ DE MaXIMIANAI

Les Notitiae episcopatuum accueillent quelques notes historiques de


divers annotateurs qui ont relevé la date d'une fondation de siège ou
de sa promotion à un rang supérieur. En particulier une recension de
la Notitia 10 en garde une petite série qu'on peut lire en apparat de
l'édition44; ce compilateur ne s'est intéressé qu'à des promotions de
métropoles (Hypaipa, Attaleia, Argos, Lacédémone, Paronaxia) dont
il indique l'auteur ; régulièrement l'initiative ou l'acte principal vient
de l'empereur, le patriarche n'étant cité que deux fois, au sujet
d'Attaleia (notitia 10,428) et de Lacédémone (10,493). Comme il
s'agit du patriarche Eustrate, peu entreprenant et dont l'histoire n'a
retenu aucun acte notoire, c'était une action de routine, un acte
d'acquiescement et d'enregistrement. Au sujet des évêchés on ne
rencontre qu'une seule note ancienne, relative à la création de
l'évêché de Maximianai attribuée aux métropolites de Nicée,

42. C'est le premier titulaire connu. La mention se trouve dans le manuscrit Athos
Laura Β 105 : revue Γρηγόριοζ 6 Παλαμάς 1, 1917, p. 154 ; sur photographie la date n'est
plus lisible ; l'éditeur, S. Eustratiadès, avait marqué à l'encre dans son exemplaire de la
revue (acquis par notre institut) la date de 922, mais il lisait encore indiction 10,
année 6500 (colophon, f. 332V). En 992 (année 6500), l'indiction est 5 ; d'après la
carrière de Nicolas et la mention de Theodora, on peut envisager la date de 1042.
43. On ne peut dire si c'est le successeur immédiat ; si c'était le cas, le règne des
deux métropolites aurait couvert les deux tiers du 10e siècle.
44. Notitiae, p. 102; les notes se trouvent en apparat aux lignes 11, 428, 448, 493 de
la notitia 10.
222 J. DARROUZÈS

Nicéphore et Alexandre (9e et 10e siècles), comme si aucune autorité


supérieure n'avait eu besoin d'intervenir45.
Il faut tout d'abord écarter une conclusion tirée de cette note pour
la datation de la notitia qui l'a accueillie : notitia 4 dans la nouvelle
numération, ou de Basile de Ialimbana selon la dénomination de
V. Laurent et V. Grumel. En effet cette note fut écrite après 945,
dernière date connue de la carrière d'Alexandre de Nicée ; même en
supposant que celui-ci procéda à la restauration de Maximianai sous
le second patriarcat de Nicolas Ier, il reste encore une bonne distance
jusqu'à l'épiscopat de Nicéphore. L'insertion de la note est donc tout
à fait indépendante de la composition de la notitia qui l'a reçue ; c'est
par hasard que l'annotateur est tombé sur un exemplaire de cette
notitia, quelque 40 à 70 ans après la date supposée de sa parution ; il
aurait pu, et théoriquement il aurait dû, inscrire sa note sur un texte
mis à jour, c'est-à-dire la notitia 7, attribuée à Nicolas Ier et Léon le
Sage. Laissant de côté cet aspect de la note et son rapport avec la
notitia, qui n'est pas essentiel, il vaut mieux aborder le problème
canonique et historique de cette fondation attribuée à deux
métropolites.
Selon les calculs de V. Grumel, Nicéphore, créé par le patriarche
Ignace, dut prendre possession de son siège vers 84846 ; il semble s'être
maintenu sous le patriarche Photius sans difficulté notable, représen
ta Nicée au concile de 669, mais fut remplacé au retour de Photius
(877) par Amphilochios de Cyzique, puis Grégoire Asbestas, deux
favoris du patriarche. Ayant gouverné son diocèse pendant vingt ans,
Nicéphore eut le temps de s'en occuper ; comme la date de fondation
n'est pas donnée, on ne peut dire si elle eut lieu sous Ignace ou sous
Photius (leur premier patriarcat), ni si le départ de Nicéphore
contraria directement le développement de l'évêché. Il est probable
que le changement eut un effet simplement négatif; sans qu'il y eût
besoin d'annuler la fondation, il suffisait que les successeurs de
Nicéphore ne procèdent pas à des ordinations pour que le nouveau
siège fût en quelque sorte neutralisé.
Comme les documents concernant Maximianai manquent totale
ment, la correspondance d'Ignace de Nicée47, qui occupa le siège entre
845 et 848, fournit des renseignements très concrets sur la restaura-

45. Notitiae, p. 254 : notitia 4, 199 apparat; citée par V. Laurent, EO 34, 1935,
p. 467; V. Grumel, BEB 19, 1961, p. 198; sur la place de cette note dans la notitia 4,
voir Noiitiae, p. 44-45.
46. V. Grumel, BEB 19, 1961, p. 200-201.
47. M. GÉDÉON, Άδηλου (Θεοφάνους Νικαίας) έπιστολαί, Νέα Βιβλιοθήκη, Ι, 1903 (seul
paru) ; une nouvelle édition par C. Mango est annoncée ; sur Ignace, voir Wanda
Wolska-Conus, De quibusdam Ignatiis, TM 4, 1970, p. 329-360.
REMARQUES SUR DES CRÉATIONS D'ÉVÊCHÉS 223

tion d'un autre évêché de la métropole, celui de Taïon, qui donnent


une idée de l'état dans lequel Alexandre de Nicée put trouver
Maximianai après l'abandon du siège. Voici le passage important de la
lettre 17, au dioikètès de Taïon48 : «L'évêché de Taïon avait perdu
depuis de nombreuses années le nom d'évêché et avec le nom ses
droits de propriété attachés au titre. Veuve en effet et sans époux
jusqu'à ces dernières années, (l'Église) était en sommeil ; revêtue du
sac de deuil et du vêtement de tristesse, elle déplorait d'être sans
enfants, ou plutôt d'être déserte. Cependant le Dieu qui donne à des
êtres vieux, décrépits et en voie de perdition, de rajeunir par
rénovation et qui daigne ramener tout près ce qui était loin, a jugé
bon que cette (Église) abattue par une ruine ancienne se relève et
revoie la libre lumière ; il a voulu qu'elle reçoive son antique privilège
et revête sa propre dignité. Cela est arrivé à bonne fin non par l'effet
d'une volonté propre, mais plutôt avec le consentement des grands
empereurs qui tirent de Dieu leur éclat et avec le concours de l'Église
universelle. Et voici que (Taïon) prend titre de ville, siège sur un trône
et possède un pasteur qui s'appuie sur le bâton de l'enseigement et
appelle ses ouailles aux sources de vie, établi qu'il est et promu par la
grâce de l'Esprit.» Ensuite le métropolite rappelle à cet administra
teur la dette qu'il a contractée à l'égard de l'évêché. Il était de
notoriété publique que le père du notable s'était emparé d'une
propriété de l'évêché et l'avait léguée à son fils. Dans une autre lettre
adressée à l'évêque de Taïon lui-même49, il est question d'une autre
dette, mais de l'évêché à l'égard de la métropole. Le métropolite qui
avait procédé à la restauration du siège lui avait prêté des objets
sacrés appartenant à la métropole ; ce n'était pas une donation et ces
objets n'étaient pas rayés des inventaires de la métropole.
D'après ces renseignements, la ruine de Taïon devait remonter à
une ou deux générations, vers le début du siècle (la lettre date de
846/847), car la mainmise sur les propriétés fait supposer une période
d'abandon. La désertion de cette ville fut peut-être une conséquence
des incursions arabes jusqu'en Bithynie, qui provoquèrent aussi le
repli vers la capitale des moines bithyniens et l'établissement de
Platon et Théodore au Stoudios50. En effet la perte de l'évêché est
attribuée à l'absence de population et son rétablissement était donc
conditionné par celui de la cité grâce au retour de la population. Il ne
semble pas que les persécutions iconoclastes soient la cause de cette
ruine ; tout au plus le désordre introduit dans la hiérarchie contribua-
t-il au prolongement des difficultés. Le métropolite Ignace ne nomme

48. M. Gédéon, op. cit., col. 16.


49. Lettre 10 : M. Gédéon, op. cit., col. 10-11.
50. Vita s. Theodori Studitae (BHG 1754) : PG 99, 257-260 (§ 20).
224 J. DARROUZÈS

pas ce prédécesseur qui s'employa à la restauration de Taïon ; ce ne


fut pas sans doute Théophane, prédécesseur immédiat, qui ne dura
qu'un an, mais le métropolite antérieur dont le nom et les dates ne
sont pas assurés51.
La rénovation d'un évêché abandonné même depuis longtemps
n'offrait pas les mêmes difficultés que la création d'un nouveau siège,
à cause des droits acquis contre lesquels la prescription ne jouait pas.
Balsamon cite à ce propos, dans le commentaire du canon 13 de
Nicée II relatif aux dégâts et aux usurpations de la période
iconoclaste52, l'exemple de l'évêché de Mégara tombé complètement
dans l'oubli et rétabli de son temps en faveur de la métropole
d'Athènes par ordonnance impériale et acte synodal. Ce fut la
procédure employée pour Taïon, de sorte que l'exemple de sa
restauration permet d'imaginer les opérations relatives à Maximia-
nai : requête du métropolite au pouvoir impérial, appuyée sans doute
sur une pétition de la localité, décision impériale et confirmation par
l'Église (patriarche et synode) des privilèges octroyés à la cité et à la
métropole. Quel que fût donc l'état de l'évêché au moment où le
métropolite Alexandre prit l'affaire en mains, il n'avait qu'à faire
valoir les titres de fondation. Il n'y a pas d'exemple qu'un évêché ait
été supprimé par un acte positif d'annulation, de sorte qu'Alexandre
n'eût peut-être pas besoin de recourir au pouvoir : il lui suffisait de
procéder à une ordination pour le siège existant. Cependant comme
une interruption entraînait aussi une dégradation du patrimoine, un
recours à l'État et même aux tribunaux était indispensable, comme le
montre l'exemple de Taïon, dont l'évêché est restauré par décision
impériale et avec le concours de l'Église «œcuménique», c'est-à-dire
du patriarche et du synode de Constantinople.
Mais au sujet de Maximianai, l'évêché créé par Nicéphore et
confirmé par Alexandre, une question se pose concernant l'interven
tion patriarcale dans les affaires de Nicée. Selon V. Grumel, le siège
de Maximianai aurait été supprimé par Photius, ou bien il aurait subi
des vicissitudes que le glossateur du Vaticanus 167 ignorait ou n'a pas
voulu rapporter53. Je préfère la seconde hypothèse, parce que la
suppression d'un siège n'est pas prévue parmi les actions ou les

51. Les deux prédécesseurs de Théophane sont Pierre et Inger.


52. PG 137, 956; Rhallès et Potlès, Σύνταγμα, II, p. 613; dans la seconde partie
de ce commentaire, Balsamon traite de l'aliénation des monastères, au sujet desquels
les documents sont très nombreux.
53. V. Grumel, REB 19, 1961, p. 204-205; l'auteur se place dans l'hypothèse où le
siège de Maximianai, fondé sous le premier patriarcat d'Ignace, aurait été supprimé
comme acte d'Ignace. C'est supposer aussi sans preuve que l'acte est purement
patriarcal et non un acte métropolitain, ou un acte impérial à la requête du
métropolitain.
REMARQUES SUR DES CRÉATIONS D'ÉVÊCHÉS 225

sanctions canoniques. Il y a cependant un témoignage que V. Grumel


n'a pas utilisé et qui aurait pu favoriser la première hypothèse. Au
début de son second patriarcat (877), Photius contraignit Nicéphore
de Nicée à la démission, afin d'attribuer à Amphilochios de Cyzique le
siège devenu vacant54; peu de temps après, au décès d'Amphilochios,
il l'attribua à Grégoire (Asbestas) de Syracuse, qui représenta le siège
au concile de 880 et décéda aussi peu après. Ce fait est cité comme
exemple d'acte arbitraire commis par Photius, mais pour le métropol
ite Nicéphore la démission du siège de Nicée ne fut pas nécessair
ement une vexation ; le poste d'orphanotrophe offert en échange du
siège métropolitain, quoique moins honorifique, avait sans doute des
avantages appréciables pour le métropolite en fin de carrière. Dans
ces conditions les actes du métropolite ne furent sans doute pas mis en
cause, même après son éviction de Nicée, et rien ne permet d'affirmer
une suppression positive du siège. D'autres vicissitudes, et jusqu'au
Tome d'Union (920), ont pu affecter le statut et la stabilité de
l'évêché, sans que le patriarche Photius y soit pour quelque chose.
La perturbation des états épiscopaux apparaît clairement dans la
liste du concile de 879-880 où certains sièges ont deux ou trois
titulaires, dont on ne sait pas toujours lequel exerçait effectivement le
ministère ni à quel patriarche il devait sa consécration. Maximianai
ne figure pas dans cette liste de présence où la Bithynie de Nicée
comptait trois évêchés : Mêla, Gordoserba et Linoè, ce dernier avec
deux titulaires, Basile et Cyrille. Les mêmes causes produisirent les
mêmes effets sous les patriarcats de Nicolas Ier et Euthyme. La
lettre 109 de Nicolas, destinée à Constantin de Laodicée55, rapporte la
requête d'un évêque repentant qui avait quitté son évêché et qui
demande à être réintégré ; le patriarche considère qu'il est au pouvoir
du métropolite d'accéder à cette demande, bien que le siège ait été
pourvu entre-temps, et il déclare que le retour du premier évêque est
conforme à la coutume observée dans l'Église jusqu'à maintenant; le
second évêque sera mis en disponibilité jusqu'à ce qu'une place
vacante se présente pour le caser. Il est remarquable, dans cette
lettre, que le patriarche affirme clairement l'indépendance du
métropolite local dans l'administration de son territoire et fait appel à
une coutume qui ne paraît pas tellement enracinée dans la tradition.
A vrai dire, la situation de l'évêque remplaçant, que Nicolas désigne
proédros et auquel il faut procurer une éphoreia56, n'est pas

54. Vita Ignatii : PG 105, 582.


55. PG 111, 328A ; B. Laourdas-L. G. Westerink, Nicolai epistolae, p. 109; le
destinataire est identifié par l'édition critique.
56. L'emploi des termes proédros et éphoreia dans le contexte de cette lettre établit
une distinction entre l'évêque auquel Nicolas propose de restituer son siège et celui qui
226 J. DARROUZÈS

absolument claire, de sorte qu'il est risqué d'en tirer une conclusion
trop catégorique. Disons simplement que l'évêché de Maximianai fut
soumis à des vicissitudes comparables à celles du suffragant de
Laodicée et que la création de l'évêché bithynien ainsi que sa
confirmation pouvaient être attribuées aux métropolites sans que par
là soit exclue la participation des autorités supérieures.

4. Les suffragants de Thèbes

Le canon 6 de Sardique traite de la création des évêques, qui


parfois ne se distingue pas de la création d'un nouvel évêché57. On
n'installera pas un évêque là où un prêtre suffît; cependant il faut
nommer des évêques là où il y en avait auparavant; si une ville
s'accroît au point de mériter un évêché, elle obtiendra le siège. Le
canon n'envisage pas l'éventualité de la décadence qui rendrait
l'évêque inutile, de sorte que le titre episcopal une fois acquis ne
s'éteint pas et ne tombe pas sous la prescription. Le synode de
l'éparchie, qui a pouvoir d'élire les évêques, a également la capacité
de créer de nouveaux évêchés selon les besoins. C'est à la fin de son
commentaire que Balsamon place une allusion aux évêchés de Thèbes
créés par le métropolite Kalokténès.
Le canoniste rapporte d'abord l'objection que certains élevaient
contre ce privilège de l'antiquité qui donnait au siège episcopal un
droit imprescriptible. Si la ville était ruinée et dépeuplée, était-ce une
raison suffisante d'y maintenir un évêque uniquement parce qu'il y en
avait un auparavant? Le seul critère qui devait motiver la présence
d'un évêque, celui qui avait décidé la création des évêchés anciens,
était l'importance de la population. Il fallait donc abandonner à leur
sort ces villes dont la population était anéantie par une invasion
ennemie ou toute autre cause et installer les évêques dans une cité
populeuse, même si auparavant elle n'en avait jamais eu58.

l'administrait; à cette époque proédros n'avait pas sans doute la signification qu'il prit
plus tard ; un évêque doté d'un second siège comme administrateur ne se disait pas
évêque du lieu, mais seulement proédros. En disant aussi qu'il faut trouver une
éphoreia pour le proédros, le patriarche ne pense pas uniquement sans doute à un
évêché, mais aussi à une charge administrative donnée parfois en compensation de
l'évêché perdu ; voir l'exemple de Nicéphore de Nicée promu orphanotrophe.
57. PG 137, 1445-1448; Rhallès et Potlès, Σύνταγμα, III, p. 244-247.
58. Il faut relever le passage où le canoniste oppose les deux termes έκ νέου et έκ
παλαιού (PG, 1445° ; Σύνταγμα, ρ. 245-246) ; opposition entre des évêchés créés à neuf et
les évêchés existant depuis longtemps; il ne faut pas voir dans έκ νέου l'idée de
restauration d'un évêché qui a existé autrefois.
REMARQUES SUR DES CRÉATIONS D'ÉVÊCHÉS 227

La solution théorique présentée comme souhaitable ne passa pas


dans les faits de manière systématique, sinon Balsamon aurait
certainement allégué des cas d'application. Les exemples qu'il va citer
dans le commentaire du canon, au nombre de deux, concernent d'une
part les évêchés d'Asie Mineure en faveur desquels Manuel Comnène
prit des mesures de conservation, d'autre part les évêchés fondés par
le métropolite de Thèbes Kalokténès de sa propre initiative.
L'action de Manuel Comnène s'entoure de circonstances exceptionn
elles, non prévues dans le canon de Sardique qui est une loi générale,
mais susceptibles d'entraîner des modifications de la carte des sièges
épiscopaux et de porter atteinte au privilège de l'antiquité. L'emper
eur était d'avis que les évêques soient maintenus dans les villes
d'Anatolie occupées par les Agaréniens et il émit un décret commun
pour ces évêchés : à leur départ, précaution contre ceux qui ne
partiraient pas59, les évêques recevraient une subvention spéciale
pour subvenir à leurs besoins. Il refusait que des évêques soient placés
dans des bourgades misérables où leur dignité serait bafouée ; comme
le dit Balsamon un peu plus haut, des prélats minables et marchant à
pied exposeraient au mépris le titre episcopal. Un autre témoignage
permet de préciser la date et l'occasion de cet acte : le discours
d'Euthyme Malakès vers l'automne 1161, lorsque Kilidj Arslan vint à
Constantinople en visite officielle et entendit même le discours, s'il
faut en croire les interpellations grandiloquentes de l'orateur. Malakès
met en scène les brebis qui réclament au pasteur impérial des chiens
contre les loups, des chiens spirituels, gardiens du troupeau du Christ.
L'empereur persuade les barbares de relâcher leur persécution et
d'admettre dans chaque ville les protecteurs spirituels : «Cela était
adopté et tu (Manuel) procèdes de nouveau aux épousailles des Églises
(diocèses) ; tu fais des largesses aux époux (évêques), afin qu'ils fassent
bonne figure au mariage. Tu donnes un époux aux veuves (Églises
vacantes) et les veuves que tu maries ce ne sont pas des jeunes,
comme le veut le décret de l'Apôtre, mais celles qui sont veuves
depuis longtemps et se consument du désir d'un époux. Maintenant
donc les Églises d'Orient portent de nouveau du blanc, après avoir
déposé le sombre habit des veuves»60.

59. Un décret de Manuel Comnène, en 1173, rappelait aux évêques le devoir de


résidence dans le diocèse; édité dans HEB 31, 1973, p. 310-317; cf. Dölger, Regesten,
η» 1333Α.
60. A. Papadopoulos-Kérameus, Nodes Petropolitanae, Saint-Pétersbourg 1913,
p. 182-183 (§26); sur la situation générale en Asie Mineure à cette date, voir
Sp. Vryonis, The Decline of Medieval Hellenism in Asia Minor, Los Angeles 1961,
p. 208-210.
228 J. DARROUZÈS

Malakès laisse entendre que la décision de l'empereur survint grâce


à des concessions du sultan. Balsamon d'ailleurs ne l'ignore pas, car il
dit ailleurs dans un endroit où il parle des évêchés vacants que le
sultan, les Latins et les autres Agaréniens permettent aux évêques
d'administrer leur propre Église et de s'occuper des chrétiens61. Ces
évêques ne pouvaient se maintenir que grâce à cette tolérance ; encore
fallait-il que la communauté soit assez importante pour lui fournir un
soutien matériel et moral. C'est pourquoi l'empereur excluait les villes
ruinées, parmi lesquelles certainement des évêchés anciens et même
des métropoles ; cependant les jeunes dont parle Malakès ne doivent
pas être des évêchés nouveaux, puisqu'il les oppose à ceux qui sont
vacants depuis longtemps. Comme on n'en sait pas plus sur ces
décrets, sur leur application et sur leur durée, il faut retenir seulement
que l'intervention impériale est indispensable dès que le temporel est
en jeu. A entendre l'orateur, on croirait même que l'empereur fait les
ordinations.
Le second exemple donné par le canoniste, tout à l'opposé du
premier, fait ressortir, comme dans le cas de Maximianai, l'initiative
d'un métropolite : «Le très saint métropolite défunt Kalokténès
ayant décidé de créer des évêques à neuf62 (pour des localités qui n'en
avaient jamais eu), la question se posa en synode sous le très saint
patriarche défunt Michel, ancien consul des philosophes, si le
métropolite devait avoir une décision synodale pour innover ainsi. Et
tous de dire que l'innovation de celui de Thèbes ne serait légitime que
par décision du grand synode, conformément au canon apostolique
prescrivant à l'évêque de ne rien faire qui dépasse sa compétence sans
décision synodale.» Sur le plan canonique le principe est parfaitement
clair, quoique son application au cas de Thèbes ne le soit pas tout à
fait, du moins par rapport au canon de Sardique ; celui-ci parle du
synode provincial, et le canoniste, du synode patriarcal (le grand
synode) ; il doit être sous-entendu que Thèbes, étant au départ une
métropole honorifique, sans suffragants, n'avait pas le moyen de
procéder à des élections et des ordinations d 'évêques et que le recours
au grand synode était donc indispensable. On ne sait quelle fut la
sanction ; annulation des actes en approbation par économie ?
Le métropolite Jean Kalokténès était décédé au moment où
Balsamon écrivit la «seconde interprétation» du canon, le patriarche
Michel III aussi. Michel Choniatès métropolite d'Athènes, intronisé
en 1182, eut pour correspondants deux métropolites de Thèbes, Jean
et Manuel; Jean ne dut pas dépasser de beaucoup l'année 1182.

61. Commentaire du canon 16 d'Antioche, dans la seconde interprétation : PG 137,


1317-1321 ; Rhallès et Potlès, Σύνταγμα, III, p. 156-157.
62. Dans le contexte, ces évêchés s'opposent à ceux qui existent de temps
immémorial : voir note 58.
REMARQUES SUR DES CRÉATIONS D'ÉVÊCHÉS 229

Balsamon cite de lui une autre action mémorable, la création d'une


société de femmes qui émettaient des vœux de religion, mais ne
prenaient pas d'habit religieux : c'étaient des sœurs laïques, comme il
en existait autrefois, dit le canoniste ; il n'y en avait plus à
Constantinople ni de maison pour les accueillir63. Par cette initiative
le métropolite s'était acquis un grand renom, et ce prestige le servit
sans doute aussi pour la création des évêchés.
D'après les Nolitiae, la métropole de Thèbes fut créée au 10e siècle.
Elle se trouve dans le groupe des huit métropoles qui s'ajoutèrent aux
cinquante et une de la notitia 7 et dont la dernière est Pompèiou-
polis64, attestée pour la première fois au synode en 997. La seule
métropole de ce groupe qui avait des évêchés est celle d'Hidrous
(Otrante). Cependant la notitia 13, qui a enregistré des créations plus
récentes jusqu'au 12e siècle65, attribue à la métropole de Thèbes cinq
évêchés : trois sont communs aux deux recensions (Kanala, Zaratoba,
Kastorion), deux sont attestés par une seule des deux recensions
(Trichia, Platana)66. La tradition du texte limite au 12e siècle la
création de ces évêchés qui a pu se faire en deux étapes : d'abord trois
sièges, puis deux. En un sens, ce développement est comparable à
celui de la métropole de Nicée, honoraire à sa fondation, et qui réussit
à s'entourer d'évêchés par créations successives. Dans la correspon
dance de Michel d'Athènes, il n'y a aucune allusion à un différend
avec la métropole de Thèbes, comme aurait pu en provoquer un
empiétement sur le territoire d'Athènes. Jean Kalokténès se contente
donc du territoire affecté à sa métropole. Une circonstance dut
favoriser son entreprise : Thèbes était la résidence du préteur de
l'Hellade et c'est par l'intermédiaire de ce haut personnage qu'il put
obtenir la faveur impériale. Tout reste obscur dans cette affaire :
l'élection et l'ordination des candidats pour les évêchés, la collabora
tion du pouvoir civil, la neutralité pour ainsi dire du synode ; celui-ci
ne reproche à Kalokténès d'autre irrégularité que de n'avoir pas
demandé la permission. Cela signifie sans doute qu'il n'y eut pas de
sanction contre le métropolite et qu'on accepta le fait accompli.

63. Commentaire du canon 16 de Chalcédoine : PG 137, 445 ; Rhallès et Potlès,


Σύνταγμα, II, p. 257 ; les faits cités par Balsamon sont l'unique source de la vie de
Kalokténès, qui est cité dans le Synodikon : J. Gouillard, TM 2, 1967, p. 109e.
64. Noliliae, p. 83 (not. 8, 63).
65. Notitiae, p. 150, 366 (not. 13, 751-756).
66. La tradition latine donne une preuve indirecte de l'existence de deux évêchés,
Kastoria et Zaratova : G. Fedalto, La Chiesa latina in Oriente, II, Padova 1981, p. 70-
71, 240; J. Koder et F. Hild, Hellas und Thessalia {TIB, I), Wien 1976, p. 184-185
(cf. p. 178 Kaïstorion), 283. Une recension des Notitiae donne l'équivalence Zaratova/
Thespiai ; il n'y a pas de distinction autre qu'orthographique entre Kaïstorion et
Kastorion.
230 J. DARROUZÈS

Abstraction faite du cas particulier de la métropole de Thèbes, qui


n'avait pas de synode, on peut se demander si le synode patriarcal ne
restreignait pas dans sa réponse la portée du canon de Sardique qui
reconnaissait clairement au synode local le droit de créer de nouveaux
sièges selon les besoins de la population. C'est en vertu de ce canon
que Nicéphore de Nicée a pu procéder à la création de Maximianai.
Mais il y a une grande marge entre le décret d'un canon ancien et son
application réelle plusieurs siècles après.
Faute de preuve directe, les notitiae offrent un indice significatif
que les listes d'évêchés provinciaux varient indépendamment du
synode et du patriarche. Lorsque Balsamon parle de l'hypotyposis de
Léon déposée au chartophylakeion67, il s'agit uniquement, d'après ce
titre et le contexte, de la liste de préséance des métropolites et des
archevêchés soumis au patriarcat, non de la liste de chaque éparchie,
car la juridiction du patriarche était limitée en ce point par le pouvoir
propre du métropolite et du synode provincial. Dès que les notitiae, à
partir du 10e siècle, commencent à enregistrer des variantes du
mouvement des provinces, on rencontre des accroissements inexpli
qués dans l'une ou l'autre province. Le problème se pose par exemple
pour la liste de Césarée de la notitia 7 : alors que l'ensemble des
manuscrits donne une liste de 7/8 évêchés, un témoin isolé en a 15 ; les
noms ne peuvent pas provenir de la chancellerie, le chartophylakeion,
mais c'est une source locale qui a enregistré ces noms (Aragéna,
Sobésos, Hagios Prokopios, Tsamandos, Sirichos et Dasmendos)68,
témoignant d'une activité particulière dans la région au cours des
luttes contre l'hérésie des 9e et 10e siècles. Même constatation au sujet
de l'éparchie de Trébizonde dans la notitia 9; un seul manuscrit,
originaire de cette ville, admet une addition de 11 noms, qui
représentent une extension particulière du territoire69; cette croissan
ce correspond sans doute au règne de Jean Tzimiskès, mais aucune
source de l'histoire locale ne fournit d'explication70.
Passant à la notitia 13, qui a enregistré précisément les évêchés de
Thèbes, on doit remarquer de nouveau que les deux manuscrits du
texte sont indépendants et n'ont pas subi le contrôle d'un bureau

67. PG 138, 312A; Rhallès et Potlès, Σύνταγμα, III, p. 516-517; cité dans mon
article précédent : REB 44, 1986, p. 29 n. 24. Le titre cité par Balsamon est celui de la
notitia 16, la seule à utiliser le terme hypotyposis pour la liste des métropoles
«classique» depuis le 10e siècle, mais qui est un développement de l'original représenté
par la notitia 7, dont le titre est τάξις.
68. Notitiae, p. 68.
69. Notitiae, p. 303 (not. 9, 424-434).
70. On n'écartera pas la possibilité d'une contamination avec une liste civile ; de
toute manière cette addition ne représente qu'un moment de l'histoire de la province :
Notitiae, p. 109-110.
REMARQUES SUR DES CRÉATIONS D'ÉVÊCHÉS 231

administratif; certes le titre de l'un des manuscrits annonce que les


sièges soumis au patriarche sont cités dans l'ordre du tableau (taxis)
des métropoles déposé au chartophylakeion71, mais cela ne veut pas
dire que les évêchés des métropoles étaient inscrits dans le même
tableau ; la rédaction même de ce titre exceptionnel, qui ne se trouve
pas dans l'autre manuscrit (mutilé), établit une distinction entre les
deux éléments de la composition : les métropoles elles-mêmes, rangées
selon leur ordre de préséance au synode patriarcal, et les évêchés de
chaque métropole, que le chartophylakeion ne contrôlait pas directe
ment.La liste de Russie, incluse pour la première fois dans une notitia
(13, 759-770), soulève la question de l'origine de ses évêchés : le
patriarche, qui ordonnait tous les métropolites, eut part nécessair
ement à la fondation de la métropole, mais les évêchés dépendaient des
autorités locales. Beaucoup plus longue que la liste de Thèbes, celle de
Larissa présente dans l'un des manuscrits une addition notable de
huit noms, qui est le premier état d'une croissance de dix-neuf noms,
toujours par rapport à un fonds ancien, mais attestée à une date
postérieure72. Chose remarquable concernant l'éparchie de Larissa :
en 1371, le patriarche Philothée connaît la liste de ses évêchés
uniquement d'après un rapport du métropolite qui eut de la peine à
recenser ses propres suffragants73.
En conclusion les témoignages sur la création des évêchés de
province, interprétés à la lumière du canon de Sardique, permettent
d'envisager un pouvoir réel des métropolites ; selon les besoins de la
population, sans supprimer les évêchés anciens, ils avaient la capacité
de créer de nouveaux sièges. Les exemples de Maximianai et des
évêchés de Thèbes en sont une preuve. De leur côté les notitiae font
certainement écho à des actions locales lorsqu'elles enregistrent des
groupes d'évêchés nouveaux dans des conditions qui ne font pas
apparaître l'intervention ou l'initiative du pouvoir central; il serait
sans doute présomptueux d'attribuer toutes les nouveautés à la même
cause, mais l'action des hiérarchies locales ne doit pas être sous-
estimée.

5. Union ou donation de sièges?

De même qu'on ne connaît pas d'actes de fondation d'évêché ou de


métropole à l'époque byzantine, la tradition n'a pas conservé non plus

71. La mention du dépôt au chartophylakeion est une donnée ajoutée postérieur


ement
aux titres : Notitiae, p. 272, 290 (apparat au titre des notitiae 7 et 8).
72. Le témoin de cette liste est le Pans. 1362 : Notitiae, p. 110, 339.
73. Regestes, n° 2630; Notitiae, p. 110.
232 J. DARROUZÈS

ceux qui devaient confirmer un changement de statut, équivalant


parfois à une nouvelle fondation, comme l'union de deux évêchés ou
la donation de l'un à l'autre74. Ainsi la métropole de Trébizonde doit
son origine à un acte d'union avec Phasis dont la forme juridique est
indéfinissable ; l'opération est sans doute sous-entendue par ήτοι
Τραπεζουντος que le métropolite de Phasis ajoutait à son titre. Mais
l'emploi de cette particule est loin de résoudre les questions
pendantes, car elle peut signifier dans les listes conciliaires et autres
des rapports divers entre les deux noms : soit l'équivalence entre le
nom de lieu ancien et un nom dynastique (exemple : Théodosioupolis-
Perpérina, déjà au concile de Chalcédoine), soit la succession d'un
toponyme à un autre dont on ne connaît pas en général la cause : ainsi
l'ensemble des équivalences réunies par un érudit pour la province de
Lydie dans une recension de la notitia 10, qui ne sont pas
nécessairement officielles ni toutes de même sens75.
Le premier acte connu d'union de deux sièges est tardif. Le
patriarche Philothée, en 1369, soumet la métropole de Sardes à celle
de Philadelphie, de sorte que le métropolite de Philadelphie occupe le
rang et le siège de Sardes à perpétuité avec tous les pouvoirs de
l'évêque légitime76. L'acte lui-même ne prononce pas le mot d'union,
mais une note de l'année suivante définit l'opération comme l'union
de Sardes à Philadelphie77; elle consistait pratiquement à supprimer
le siège de Sardes, dont le territoire était occupé par les Turcs. Des
actes semblables durent se produire avant cela, par exemple pour
Trébizonde qui prend le relais de Phasis déchue. Le Traité des
Transferts, où l'union de trois couples d'évêchés est signifiée par
ήνωνται, emploie dans le même contexte les termes corrélatifs εδόθη et
ελαβεν, qui laissent supposer des opérations différentes par lesquelles
on pouvait aussi aboutir à une fusion. Ces exemples se trouvent dans
la partie du traité qui recueille des actes datables du patriarcat de
Nicolas III, aux nos 49-54.

74. K. M. Rhallès, Περί ενώσεως και επιδόσεως επισκοπών, Έπετηρις τοϋ Έθν.
Πανεπιστημίου, Athènes 1911, ρ. 185-217; cet article ne cite pas d'acte de ce genre
antérieur au 14e siècle.
75. Noiitiae, p. 105 (tableau), 312-313 : texte de la recension a, qui ne doit pas être
antérieur pour cette partie au 14e siècle, bien que le contenu général remonte au
11e siècle ; sur les équivalences exprimées par ήτοι, voir HEB 44, 1986, p. 36-37. En plus
des divers sens relevés, il faut retenir aussi qu'il y a des équivalences purement
formelles du type Stauroupolis ήτοι Karia : la métropole est désignée tantôt par le nom
de province tantôt par le nom de la ville.
76. MM, I, p. 509-510 (n° 255) ; cf. Regestes, n° 2559.
77. Non édité dans MM, I, p. 539 (résumé du n° 288). Dans un acte postérieur du
22 mars 1397, le patriarche Antoine déclare unies en une seule les deux métropoles
d'Attaleia et de Sidè : MM, II, p. 276-277 (n° 513); cf. Ftegestes, n° 3042.
REMARQUES SUR DES CRÉATIONS D'ÉVÊCHÉS 233

εδόθη : Maroneia donnée à Lemnos (49) ; Abydos, puis Apros, données


à Axioupolis (53) ; Sotèrioupolis donnée à Alaneia (54).
Ιλαβεν : Gangres reçoit Amasée (50) ; Léontopolis reçoit Arcadioupolis (51) ;
Athyra reçoit Sergentzès (52).
ήνωνται : sont unies Paros et Naxia, Sougda et Phoulla, Alania et
Sotèrioupolis (54, autre recension)78.
En principe, selon le titre, le traité recueille les cas de transfert d'un
évêque d'un siège à un autre, et aucun de ces termes ne devrait
exprimer ni l'union de deux évêchés sous un seul titulaire, ni la
donation à un évêque d'un évêché supplémentaire, puisque dans ces
deux cas l'évêque garde son premier siège et n'est pas réellement
transféré. Depuis toujours le transfert fut quelque peu suspecté en
raison du lien moral qui mariait l'évêque à son évêché79; l'occupation
des lieux par l'ennemi ou les hérétiques, en rompant les liens,
fournissait une excuse recevable, puisque l'évêque devenu σχολάζων
était disponible. Cependant tous les exemples ne contiennent pas ce
terme, employé seulement à propos de Gangres (50), Léontopolis (51),
Axioupolis (53), dont les titulaires reçoivent un nouveau siège sans
doute par transfert ; mais il n'est pas dit expressément que le
bénéficiaire a abandonné son premier titre. Les termes de donation
introduisent une cause de doute sur la nature de l'acte, qui semble
plus complexe qu'un simple transfert. L'évêque d'Axioupolis, en
disponibilité, reçoit la donation d'Abydos, puis celle d'Apros; on ne
sait si Abydos était déjà métropole au moment du premier acte ou
seulement évêché d'Hellespont ; d'un côté comme de l'autre, le
transfert redoublé soulève des difficultés, tandis qu'on peut imaginer
des donations successives80. De même le titulaire de Rossano (Sicile)
fut transféré à Lemnos et ensuite lui fut donnée Maroneia ; c'est un
transfert suivi d'une donation secondaire. Dans ces deux cas au moins
les termes de transfert et de donation sont pris dans le sens strict.
Ce qui distingue la donation et le transfert, c'est le droit d'occuper
le siège. Balsamon en parle dans le commentaire du canon 16
d'Antioche81, où il fait état de discussions contemporaines sur les

78. J. Darrouzès, Le Traité des transferts. Édition critique et commentaire,


BEB 42, 1984, p. 182.
79. La comparaison de la viduité est courante pour désigner la vacance du siège :
voir la citation de Malakès dans le paragraphe précédent (note 60).
80. Si Abydos n'était qu'évêché, il fallait obtenir l'assentiment du métropolite de
Cyzique ; si la métropole était déjà fondée à Abydos, l'évêque d'Axioupolis serait passé
d'abord à la métropole, puis à un archevêché (Apros ne devint métropole que vers 1170-
1178). La succession possible des actes serait le transfert à la métropole d'Abydos, puis
la donation de l'archevêché d'Apros.
81. PG 137, 1317-1320; Rhallès et Potlès, Σύνταγμα, III, p. 155-156 (lre interpré
tation), 156-152 (2e) ; la seconde interprétation cite les concessions faites par le sultan au
sujet des évêchés d'Asie Mineure (ci-dessus, n. 61, p. 227).
234 J. DARROUZÈS

termes σχολάζων et σχολάζουσα et signale des concessions abusives du


droit de siéger. Dans la première interprétation, il semble dire que
l'évêque en disponibilité va occuper le siège vacant sans perdre son
premier titre ; s'il s'agissait du véritable transfert, le canoniste aurait
employé le terme propre, μετάθεσις, non celui de παραχώρησις, qui
évoque une concession ou une tolérance. Dans la seconde interprétat
ion, qui commence par une allusion aux difficultés que soulevait la
définition des termes σχολάζων (évêque), σχολάζουσα (Église épiscopa-
le), le canoniste propose la distinction entre le transfert à un siège
vacant et la donation d'un second siège à un évêque nécessiteux qui
garde son premier siège et par conséquent ne peut absolument siéger
sur le second. Le terme épidosis n'est pas prononcé82, mais les actes de
ce genre vont devenir de plus en plus fréquents jusqu'au 14e siècle. Ce
serait une faute impardonnable contre les canons de permettre au
bénéficiaire d'une pareille donation de siéger sur le trône episcopal
dont il n'est pas titulaire ; seul l'évêque en disponibilité qui prend
possession d'un siège vacant reçoit ce droit ; d'ailleurs ce n'est plus
une donation, mais un transfert, comme l'indiquent les deux exemples
apportés par Balsamon : Grégoire de Nazianze transféré à Constanti
nople, Michel d'Amasée à Kérasous83. Le dernier exemple cité est
celui d'une dérogation à la règle : le métropolite de Klaudioupolis
reçoit la permission de siéger à Héraclée du Pont, qui est son
suffragant, parce que sa ville métropolitaine est occupée par
l'ennemi ; Balsamon s'étonne qu'il continue à porter son titre de
Klaudioupolis alors qu'il siège à l'évêché d'Héraclée84.
Ces considérations canoniques ne sont pas inutiles pour éclairer le
dernier exemple du Traité des transferts, celui d'Alania et Sotèriou-
polis (ou Sotèropolis) ; l'action concernant ces deux sièges est
exprimée en effet selon les recensions en termes de donation ou
d'union : d'une part Sotèrioupolis est donnée à Alania, d'autre part

82. On Ht cependant : της κατά λόγον οικονομίας διδομένης τινί εκκλησίας ; l'acte de
donation est clairement formulé.
83. Le transfert de Michel à Kérasous fut remarqué du fait que le métropolite
acceptait un siège de rang inférieur à celui d'Ankara : voir le Traité des transferts,
KEB 42, 1984, p. 184, 210 (n· 58).
84. Le repli du métropolite de Klaudioupolis sur Héraclée suivit l'attaque des Turcs
contre la ville, en 1179. Héraclée du Pont devint métropole au 13e siècle; le premier
(vraisemblablement) occupant fut Nicéphore attesté de 1232 à 1250. Dans l'acte de
1250, le métropolite est dit occupant du «topos» de Klaudioupolis, c'est-à-dire de son
rang au synode ; cela est consigné pour la première fois dans la not. 17 (Notitiae, p. 394),
où il est dit que Pontohérakleia a reçu le rang de Klaudioupolis, qui était le 17e au
moment de cette promotion ; une note de la not. 15 (Notitiae, p. 386) place cette
promotion entre les années 1204 et 1260. Ce cas ressemble tout à fait à celui de Phasis
et Trébizonde : le repli du métropolite dans un évêché provoque la promotion de celui-
ci en remplacement de la métropole perdue.
REMARQUES SUR DES CRÉATIONS D'ÉVÊCHÉS 235

Alania et Sotèrioupolis sont unies, de même que Paros et Naxia,


Sougda et Phoulla. En quoi consista exactement cette union, seul
l'acte officiel pourrait l'indiquer par les formules de son dispositif.
Celui-ci devait être quelque peu embarrassé ou formulé de manière
peu rigoureuse, car les commentateurs ne relèvent aucun acte
d'hénosis. Peut-être cet acte n'était-il pas d'origine patriarcale,
puisque Balsamon rapporte l'opinion qu'une ordonnance impériale
était nécessaire, selon certains, pour permettre à un évêque de siéger
sur un trône autre que le sien85; quoique cette remarque ne vise pas
spécialement l'union de deux sièges, il est bien possible que
l'empereur intervenait souvent dans ces actions.
La plus ancienne note d'union de deux évêchés date de 1083 :
«Paros et Naxia furent promues (έτιμήθησαν) et il y eut (γέγονε) une
métropole, en mai, indiction 6, année 6591 »86. L'alternance du pluriel
et du singulier dans les verbes est sans doute purement stylistique ; le
verbe principal, qui signifie la dignité métropolitaine accordée à un
évêché, ne concerne pas l'union des évêchés eux-mêmes, car c'est une
opération différente et bien distincte, effectuée peut-être antérieure
ment. Un peu plus tard, en 1105, l'union d'Alania et Sotèrioupolis,
dont parle le traité, s'exprime par une titulature insolite et même
unique. Jean Monastèriotès s'intitule métropolite et archevêque
d'Alania Sotèrioupolis, le premier titre allant avec Alania et le second
avec Sotèrioupolis87. Si une telle titulature fut proposée par la
chancellerie dans la rédaction de l'acte, cela veut dire qu'elle était
exceptionnelle et qu'il n'existait pas encore de formule satisfaisante
pour exprimer la situation canonique du métropolite bénéficiaire d'un
second siège. Plus tard le bénéficiaire d'un siège supplémentaire sera
désigné comme proédros de ce second siège, dont il assure l'adminis
tration ou perçoit les revenus sans avoir le droit de s'installer sur le
trône episcopal du lieu88. Au 12e siècle, cette défense de l'installation

85. Toujours dans le commentaire du canon 16 d'Antioche (n. 81) ; mais le canoniste
dit auparavant que l'acte se fait aussi par décret synodal. Le droit impérial sur les
métropoles fut une affaire de coutume jusqu'à Jean V Paléologue : Regestes, n° 2699,
art. 2.
86. Notitiae, p. 112, 328 (apparat à 554); c'est une note incomplète ou contaminée
par une autre relative à Trajanoupolis ; cela ne change pas le sens de l'acte concernant
Paronaxia.
87. Note du manuscrit Alhos Vatoped. 925 : Kirsopp Lake, III, pi. 193. Le
colophon est suivi d'une signature probablement autographe où l'auteur ne semble pas
ajouter le titre d'archevêque; celui-ci peut cependant se trouver dans la partie non
lisible sur la planche photographique ; le métropolite ajoute le titre de proèdre des
protosyncelles qui doit avoir résisté à la réforme du début du règne d'Alexis Comnène.
88. C'est le sens habituel du terme au 14e siècle. Cependant Théophylacte
d'Attaleia, en faveur de qui la métropole de Sidè fut unie à Attaleia (Regestes, n° 3042),
est dit dans la conclusion de l'acte proédros de Sidè (MM, II, p. 277) comme les autres
236 J. DARROUZÈS

n'était pas bien établie, puisque Balsamon signale la permission


abusive d'occuper le siège ; la double titulature utilisée par le
métropolite-archevêque, qu'elle soit officielle ou non, indique clair
ement que le titulaire exerçait d'un côté tous les droits du métropolite,
de l'autre tous les droits de l'archevêque, y compris celui de siéger à
Sotèrioupolis, contrairement au droit strict qui réservait le trône
episcopal au titulaire propre et unique de l'évêché ; en prenant donc le
titre de Sotèrioupolis, le métropolite manifestait son droit d'archevê
que du lieu.
Aucun témoignage significatif ne permet de préciser l'histoire des
deux autres couples d'évêchés, Paronaxia et Sougdophoulla, qui
furent unis à la même époque. Du moins la formation d'un nouveau
nom administratif atteste la réalité de l'union, qui aboutissait
pratiquementii la disparition de l'un des deux sièges. On constate une
légère différence entre les deux, car Paronaxia devint le titre exclusif
d'une métropole, tandis que Sougdaia, malgré l'usage courant du titre
officiel (Sougdophoulla), restait aussi en usage. Ainsi la dernière
notitia qui cite ces unions dit que le métropolite de Sougdaia s'intitule
en plus de Phoulla, comme Alania ajoute à son titre Sotèrioupolis ; le
second siège n'était plus qu'une fiction administrative. En dernière
analyse c'est ce qui distingue la donation de l'union ; celle-ci,
devenant définitive, provoque la disparition d'un des deux évêchés,
tandis que la donation préserve en principe le droit du siège et assure
même d'une certaine façon sa continuité.
Au point de départ de cette étude j'ai fait abstraction des lois
générales et des coutumes byzantines qui régissent le pouvoir de
l'empereur en cette matière. Une fois admis le principe que les
circonscriptions ecclésiastiques suivent l'ordre des circonscriptions
civiles, tous les actes qui concernent le statut territorial des diocèses
tombent d'une façon ou de l'autre sous la juridiction impériale89.
Dans aucun des cas envisagés ici le privilège impérial n'est mis en
cause, bien que des conflits se soient produits durant cet intervalle
(9e-12e s.), en particulier au début du règne d'Alexis Ier Comnène,

bénéficiaires d'une épidosis, alors que la titulature signifiant l'union serait : métropolite
d'Attaleia et Sidè. Les preuves tirées de la titulature n'ont pas toujours une valeur
absolue ; dans les mentions isolées et dans les notitiae les termes d'union (ήνώθησαν,
συνήφθη) et les conjonctions (καί, ήτοι) sont toujours difficiles à interpréter du point de
vue historique et canonique : voir ci-dessus, n. 75, et Notitiae, p. 169 n. 1.
89. Les canons fondamentaux sont ceux de Chalcédoine 12 et 17, In Trullo 38 ; voir
N. MiLAë- M. Apostolopoulos, Τό έχχλτησιχστιχόν Sixxiov της ορθοδόξου χνχτολίχης
Έχχλησίχς, Athènes 1906, p. 419-420; S. Κ. Stéphanidès, Ή υπό των βυζαντινών
αυτοκρατόρων άνύψωσις επισκοπών καί αρχιεπισκοπών και μητροπόλεων, Νέοζ Ποιμήν 1, 1919,
ρ. 587-607; Α. Michel, Die Kaisermacht in der Ostkirche (843-1204), Darmstadt 1959,
p. 14-27.
REMARQUES SUR DES CRÉATIONS D'ÉVÊCHÉS 237

après une période où les empereurs avaient abusé du droit de créer


des métropoles90; en réponse aux objections de l'Église l'empereur,
loin de renoncer à ce droit, annonce que désormais avant une nouvelle
création il en référera au patriarche. Mais les contemporains ou les
divers auteurs qui parlent de la création d'un siège ou d'un acte de
promotion n'entrent pas dans les détails de procédure ; ils ne
considèrent qu'un aspect de l'action et par rapport à un personnage,
patriarche ou métropolite, qu'on veut louer ou blâmer. La part prise
par une autorité ecclésiastique à une action qui dépend en dernier
ressort de l'empereur prend ainsi une importance disproportionnée
avec la réalité. C'est à la critique littéraire et historique de restituer
à ces mentions sporadiques leur dimension exacte.

Jean Darrouzès
Institut français d'Études byzantines

90. Décret de 1087 : Dölger, Regesten, n°1140; le décret met fin au débat
représenté dans les actes patriarcaux par un procès-verbal très détaillé de 1084 :
Regestes, n° 938.

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