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GOHIER Malo
POINT Benoît
Réflexion sur la
réalité de la Anthropologie
prison dans le
tissu urbain Urbaine
mitoyen
Pour introduire cette réflexion sur la place de la prison dans la société et plus particulièrement dans la
ville, on pourrait citer une phrase que Winston Churchill a dit un jour « montrez-moi vos prisons et je
vous dirai quel genre de gouvernement vous avez ». Cette citation très célèbre invite les sociétés
démocratiques à réfléchir sur une meilleure intégration du système carcéral dans la société mais aussi
de la prison dans son environnement spatial, les deux étant fortement liés.
Pour notre étude, un regard extérieur sur la prison nous a semblé être plus approprié qu’une analyse
de la vie carcérale puisque l’anthropologie urbaine est une discipline avant tout fondée sur
l’importance accordée aux relations de la société avec la ville.
Université de Marne-La-Vallée
Cité Descartes
77420 Champs-sur-Marne
L3 STPI Génie Urbain
REMERCIEMENTS
Nous remercions les commerçants qui ont acceptés de servir de relais pour récupérer les
questionnaires, les services de la mairie de Fresnes qui nous ont généreusement donnés les cartes
que nous recherchions, ainsi que le livre des associations de la commune. Nous tenons à
remercier tout particulièrement les personnes qui ont accepté de répondre à nos questionnaires et
celles qui se sont soumises avec générosité au jeu des entretiens.
1
TABLE DES MATIERES
2
INTRODUCTION
A l’heure où la France est fortement critiquée par l’Union Européenne pour ce qui est de
l’état de ses prisons et du niveau de confort qu’elles offrent à ses détenus, le propos de l’ex chef
du gouvernement britannique lors de la seconde guerre mondiale ressurgit avec vigueur.
L’important balayage médiatique autour des centres pénitentiaires a attiré notre attention,
et ainsi nous avons choisi de nous intéresser aux relations entretenues entre les prisons et leur
environnement urbain proche.
Dans cette étude, inscrite dans notre cours d’anthropologie urbaine, il ne s’agira pas
d’étudier la place de la prison et de l’incarcération dans la société, ni même l’état actuel du
système carcéral français mais il est évident que nous serons obligés, ne serait-ce que
brièvement, d’y faire référence, sans quoi nous ne pourrions totalement cerner tous les aspects
qui gravitent autour de notre recherche. Dans la mesure où l’on se place dans une enquête de
sociologie urbaine, il s’agira pour nous, non pas de regarder la prison de l’intérieur mais plutôt
de l’extérieur et à partir de là, d’essayer d’évaluer l’impact que peut avoir un centre pénitentiaire
sur le tissu social et urbain mitoyen.
Dans une première partie nous présenterons la problématique et la méthode de notre
enquête. Nous aborderons d’abord des notions plutôt théoriques sur la place de la prison dans
une société démocratique comme la France, puis nous introduirons les questions fondamentales
qui se posent sur les relations qui existent entre la ville et la prison. Dans un deuxième temps,
nous parlerons de l’étude que nous avons menée sur le centre pénitentiaire de Fresnes, une des
plus grandes prisons françaises. L’objet est d’établir les relations qui lient la prison à la ville.
Finalement nous ferons une synthèse des résultats de l’enquête et nous nous interrogerons sur la
cohérence de la méthode que nous avons employée et sur les aspects à approfondir pour une
meilleure compréhension du sujet.
3
I. Problématique et méthode
1. La situation française
LE PORTRAIT
Même si l’objectif de cette étude ne se trouve pas dans l’analyse du système carcéral
français, on ne peut prétendre s’intéresser à des questions qui lui sont rattachées si on ne dresse
pas un minimum le tableau de ce dernier. On ne peut pas comprendre comment la ville va
interagir avec l’établissement pénitentiaire si on n’a aucune idée de son fonctionnement et de sa
réalité.
Quelques chiffres, tout d’abord, pour dresser un panorama très général du système
carcéral actuel :
- la part des femmes dans la population carcérale est de l’ordre de 3.7 %, soit environ
96.3 % d’hommes,
- un taux de détention en France de l’ordre de 85 pour 100 000 habitants contre 702
aux Etats-Unis (la population carcérale américaine étant un cas à part car ayant
quadruplée en 30 ans),
- un tiers des personnes incarcérées sont des prévenus (personnes en attente d’un
jugement), les deux autres tiers sont des condamnés (particularité française),
- 31 % des condamnés purgent une peine inférieure à un an, 32 % une peine comprise
entre un et cinq ans et 37 % une peine supérieure à cinq ans,
- les principaux chefs d’accusation sont les agressions sexuelles et les viols (22.2 %),
les vols simples ou aggravés (20.3 %), les infractions à la législation sur les produits
stupéfiants (12.7 %) et les homicides volontaires (9 %)1.
Au 1er décembre 1999, le taux moyen d’occupation des prisons françaises était de 119 %.
Plus de la moitié (51%) des établissements pénitentiaires avaient une densité de population
supérieure à 100 %, soit plus de prisonniers que de places disponibles, répartis de la manière
suivante :
- 31 % des prisons se situaient entre un taux d’occupation de 100 et 150 %
- 13 % entre 150 et 200 %
- 7 % supérieur à 200 %
L’ACTUALITE
La France est un très mauvais élève en Europe. Afin de retrouver son rang, d’éviter des
sanctions plus importantes de la part de la communauté internationale et par voie de
conséquence dans le but de redorer quelque peu son blason, le gouvernement, via son ex-
ministre de la justice, Dominique Perben, a proposé une loi, adoptée en 2002, qui prévoit la
construction de 7 000 places supplémentaires ainsi que la rénovation de 4 000 places existantes
qui ne répondent pas aux objectifs de confort demandés par l’Union Européenne. Cette politique
est en cours de réalisation avec la construction de plusieurs établissements en France comme à
Bourg-en-Bresse (01), Mont-de-Marsan (40), Rennes et Vezin-le-coquet (35),…
1
Données recueillies sur Encarta 2005.
4
Maintenant que nous situons mieux ce qu’il en est de la position du système carcéral
français, ses difficultés aussi bien quantitatives que qualitatives d’accueil, nous allons tenter de
comprendre comment, à travers le temps, l’idée de l’enfermement s’est imposée à notre société.
Le but, ici, est de comprendre pourquoi ces prisons existent, cet éclairage est essentiel à une
bonne compréhension de l’étude menée par la suite puisque la prison, en tant qu’institution et
matérialité de l’espace urbain, constitue l’objet vers lequel tous les projecteurs seront tournés.
DURANT L’ANTIQUITE
Avant de parler du système français, intéressons-nous à la manière dont les romains et les
grecs à l’antiquité s’occupaient des indésirables, de ceux qui avaient une certaine déviance par
rapport à la norme. A cette époque on préférait la privation des droits civiques ou bien l’exil à
l’enfermement pour punir un citoyen qui avait été considéré dangereux pour l’ordre public ou les
bonnes mœurs. Les prisons existaient tout de même mais étaient principalement destinées aux
prisonniers politiques et aux grands criminels.
A L’EPOQUE MOYENAGEUSE
La révolution marque une nouvelle approche dans les objectifs qui sont donnés à la
prison. Les philosophes des Lumières sont très critiques sur les pratiques punitives (les
supplices) exhibées à la foule durant l’ancien régime. Lors de la Révolution, ce sont les élites qui
aboliront ces formes de barbarie même s’ils opteront pour une autre mise en scène de la punition
à savoir la guillotine. La population, quant à elle, reste attachée à ces spectacles et on rapporte
souvent que, lors de la première utilisation de la guillotine à Paris, le peuple attroupé s’est mis à
crier « rendez-nous nos supplices !2 ». L’exaltation envers les supplices comme jadis envers les
combats de gladiateurs et plus récemment les travaux de Stanley Milgram montrent à quel point
l’être humain peut être traversé de violence et de cruauté, comme si cela faisait parti intégrale de
sa nature. Il faut attendre Jeremy Bentham et son fameux panoptique pour qu’une nouvelle idée
de la justice naisse, ce dernier propose une nouvelle prison où les cellules convergeraient toutes
vers une unique salle de surveillance. La prison est devenue « la peine idéal-typique des
démocraties2 » car la liberté était considérée depuis la Révolution comme le bien le plus précieux
5
de la société, sa privation devient donc « la sanction la plus cruellement ressentie par le citoyen
qu’elle frappera2 ».
Après avoir passé en revue, très synthétiquement, les différentes étapes de la construction du
système carcéral français (mais celui-ci vaut aussi pour un grand nombre de démocraties en
place), nous allons aborder avec un peu plus de détails ce que la législation française entend
défendre à travers son système pénitentiaire, autrement dit, les objectifs qu’elle assigne à ce
dernier.
L’ESPRIT REVOLUTIONNAIRE
Pour connaître le rôle actuel du système pénitentiaire français, il faut aller voir l’article
premier de la loi de juin 1987 qui le définit comme un service public participant à l’exécution
des sentences pénales et au maintien de la sécurité publique. Mais, outre cet aspect sécuritaire,
cet article réaffirme la notion de réinsertion sociale des personnes. On a donc deux objectifs,
sanctionner l’individu et lui donner toutes les chances de repartir dans la vie après avoir purgé sa
peine dans le but d’éviter toute récidive ; récidive qui remettrait en cause l’efficacité du système.
L’analyse de cet article est très intéressante dans le sens où deux objectifs sont énoncés sans
vraiment analyser les difficultés qui pourraient y avoir à répondre aux deux en même temps.
Cette erreur est fondamentale et permet de mieux comprendre les difficultés actuelles du système
et surtout l’enjeu majeur qui devra être analysé par les pouvoirs publics, mais avant tout par les
citoyens en tant qu’acteur de la démocratie : comment concilier sécurité et réinsertion. Ainsi « si
on associe forcément à l’objectif sécuritaire la vision d’une prison étanche, la notion de
2
Anne-Marie Marchetti avec la collaboration de Philippe Combessie, « la prison dans la Cité »,
Desclée de Brouwer, 1996, p.16
3
Commission extra-municipale du Respect des Droits, « Prisons de Lyon, regards et réflexions »,
juin 2000, p. 10
6
réinsertion évoque, quant à elle, les idées de porosité et d’échanges. D’un côté donc sécurité et
fermeture, de l’autre, réinsertion et ouverture4 ». Il semble que le modèle actuel de la prison
traditionnelle ne soit pas en mesure de répondre aux deux objectifs et donc que d’autres systèmes
doivent être expérimentés puis plus rigoureusement analysés par les chercheurs afin de garantir
le respect total de notre législation. De nouvelles formes de pénalisation sont d’ores et déjà en
place sans qu’il y ait un retour d’expérience suffisant pour être généralisées, on peut penser à la
semi-liberté, le bracelet électronique, les placements extérieurs ou encore les Jeunes en Equipe
de Travail5.
Afin de continuer sur cette première partie plutôt introductive mais néanmoins
indispensable, il serait bon, à l’heure où il semble que les pouvoirs publics aient pris le sujet
enfin au sérieux (du moins en ayant déjà fait l’effort de reconnaître notre retard en la matière), de
réfléchir aux solutions qui pourraient être trouvées quant à la question de la réinsertion des
prisonniers. Dans la mesure où ce mot signifie « retour à la vie sociale6 », il paraît légitime de se
poser la question de l’insertion des prisons dans le tissu urbain, les deux approches semblant
fortement liées.
La place de la prison est dans la ville, avant tout parce que la prison est née de
l’urbanisation. Au moyen âge, les villages hébergeaient la majeure partie de la population et le
contrôle social pouvait s’exercer au plus prêt des habitants. Les comportements marginaux
pouvaient ainsi être facilement détectés et les problèmes pouvaient être résolus localement. Les
fauteurs de trouble pouvaient être chassés du territoire ou châtiés sur place. Par la suite, avec le
développement du commerce et des industries, les villes prennent plus d’importance, se peuplent
de paysans entrainant « une diminution du maillage d’interconnaissance et la création de corps
de professionnels spécialisés dans la contrôle et le maintien de l’ordre, ainsi que le soutien aux
personnes démunies7». Trois sortes de bâtiments en résultent :
- salles d’attente et parfois de torture, adjacentes aux tribunaux, situées en plein cœur des
villes,
- hôpitaux généraux et autres lieux destinés à occuper et prendre en charge les vagabonds
et les mendiants (hospices de Beaune par exemple) situés dans les faubourgs,
- les bastilles où étaient enfermés tous ceux qui n’avaient pas la sympathie du roi, se
situaient dans les faubourgs, voir complètement isolées sur des îles (château d’If dans la rade de
Marseille).
Aussi, au moyen-âge, on pouvait construire les prisons dans les quartiers où la violence et
les problèmes étaient monnaie courante, ceci afin de bénéficier des mesures de sécurité de ces
infrastructures pour rendre les lieux plus sécurisants. Peu à peu, les mentalités ont changé et
depuis le milieu du 19ème siècle jusqu’à récemment, les prisons étaient la plupart du temps
rejetées vers les campagnes.
4
Anne-Marie Marchetti avec la collaboration de Philippe Combessie, « la prison dans la Cité »,
Desclée de Brouwer, 1996, p. 9
5
Pour plus d’informations, voir Anne-Marie Marchetti avec la collaboration de Philippe
Combessie, « la prison dans la Cité », Desclée de Brouwer, 1996, p. 198, 199 et 202
6
Définition empruntée au dictionnaire d’Encarta 2005
7
Philippe Combessie, « La ville et la prison, une troublante cohabitation », article paru dans la
revue Projet, n° 269, 2002, pp.70-76.
7
Ce phénomène, appelé « relégation géographique et sociale des prisons8 » vise à tenir les
prisons éloignées des villes et plus particulièrement des centres urbains. Cela se traduit par des
stratégies au niveau local et national pour « éviter à certains lieux la stigmatisation que produit la
présence d’une prison8 » en reléguant les centres pénitentiaires dans « des lieux de moindre
visibilité sociale8 ».
Ainsi, depuis bien longtemps, face au développement des villes et plus récemment à
l’embourgeoisement des centres urbains, les prisons sont « de façon systématique, écartées des
secteurs les plus nobles. Les anciennes sont détruites ou conservées et reçoivent d’autres
affectations plus dignes de la qualité de l’environnement et moins stigmatisantes8 » comme cela
fut le cas avec l’ancienne prison du centre de Strasbourg qui a perdu sa fonction initiale pour
devenir l’Ecole Nationale d’Administration.
« A tous les niveaux on rejette les prisons. On les a éloignées de Paris, des lieux
touristiques ou chargés d’histoire, le conseil général du chef lieu de canton, la mairie du centre
ville …9 ».
Cette philosophie, se retrouve notamment dans le programme 13 000, lancé en 1987 et
qui organise la construction d’une vingtaine de prisons nouvelles toutes « éloignées de Paris et
de tous centres urbains8 ». Cette logique de relégation sociale est renforcée par une logique
économique car après l’annonce du programme, beaucoup de communes se sont portées
volontaires pour accueillir une prison. Certaines grandes villes ont encouragé leurs voisines
rurales, par des compensations financières, à proposer des terrains (car elles voyaient l’occasion
de supprimer leurs anciennes prisons souvent vétustes). Face à l’engouement grandissant des
petites communes pour le projet 13 000, il fut pris la décision que « si les communes en veulent,
elles devront donner leurs terrains8 ».
Concernant notre sujet d’étude, à Fresnes, la position de la prison (implantée initialement
à l’écart de la ville de Fresnes-lès-Rungis, coupée de tous les centres administratifs) résulte d’une
opération de relégation à la périphérie parisienne. Comme le mentionne « un document des
autorités des départements de la Seine de 18858 », inscrivant le projet dans « un programme
d’éloignement des prisons de la capitale8 », Fresnes répondait à l’époque de sa construction au
critère principal d’implantation, à savoir « un site isolé, dans une région où ne se porte pas la
villégiature […] et en dehors du panorama de lieu saint8 ».
Depuis cette époque, les mentalités ont encore évolué et l’implantation des prisons est
devenue un sujet sensible, source de multiples préoccupations pour les autorités. Ainsi,
l’implantation de prisons est sujette à l’hostilité des responsables politiques locaux, de la
population vivant aux alentours des futurs sites concernés, comme se fut le cas pour l’ouverture
en 2004 d’un centre pénitentiaire dans la périphérie de Meaux (77). Dans certaines villes, cette
opposition s’est traduite par exemple par la contestation « de plusieurs centaines de défenseurs
de l’environnement qui ont attiré l’intérêt du Président de la République en fonction9 » ou par
« l’enchaînement au monument aux morts de membres du conseil municipal9 ».
8
Philippe Combessie, « Prisons des villes et des campagnes. Etude d’écologie sociale », Editions de
l’Atelier – Editions ouvrières, 1996, p. 19 et 20
8
Philippe Combessie, « Prisons des villes et des campagnes. Etude d’écologie sociale », Editions de
l’Atelier – Editions ouvrières, 1996, p. 20, 21, 22, 24, 25, 27 et 42.
9
Claude Veil et Dominique Lhuilier, « La prison en changement », Eres, 2000
8
pas ou qu’il soit associé au mot réinsertion8 ». A Blois d’Arcy la maison d’arrêt s’appelle maison
d’arrêt des Yvelines et celles de Fresnes, portaient comme nom lors de l’inauguration le 19
juillet 1898, « Les prisons départementales de la Seine à Fresnes-lès-Rungis ». A l’extrême, il fut
même proposé dans une commune pour éviter le stigmate carcéral « de modifier le cadastre pour
que la prison dépende d’une autre commune et change de nom8 » ou « de modifier la
dénomination de la commune pour atténuer le tort moral8 ».
L’autre problème des villes à l’égard des prisons concerne le consensus lié à la mort des
détenus, en effet « quand les détenus meurent en détention, que la famille ne se préoccupe pas de
la sépulture du défunts, ce sont les autorités du lieu du décès qui la prennent en charge8 ». A
Fresnes les autorités usant d’arguments symboliques et hygiéniques ont obtenu la mise en place
d’un cimetière spécial affecté à l’inhumation des prisonniers.
Après avoir étudié le contexte dans lequel s’inscrit notre étude, nous allons maintenant
présenter les questions que l’on se pose ainsi que notre démarche afin de mieux cerner ce sujet
quelque peu délaissé par la société.
B. Questionnement personnel
1. Objectifs de l’étude
L'objet de notre étude est d'analyser les relations établies entre la ville et les prisons. Le
terme de « ville » sera pris au sens large, c'est-à-dire en prenant en compte aussi bien la structure
physique (morphologie du bâti, des voiries,...) qu'économique (prix du foncier, type d'activité
rencontrée,...) et sociale (relations entre habitants, trajectoires résidentielles, mobilité, perception
de l'espace...). Le terme prison regroupe, quant à lui, les notions d'architecture, d'insertion
urbanistique mais aussi les flux engendrés par l'activité (personnel pénitentiaire, visiteurs,
détenus,...) ainsi que des notions plus abstraite comme l’image renvoyée à la société (rumeurs,
vision générale, préjugés).
Un intérêt secondaire relatif à cette étude réside dans le fait qu'aucun des membres du
groupe n'est sensibilisé à ce sujet. Cela constituera donc aussi un enrichissement personnel, en
dehors du cadre scolaire, et nous apportera une vision concrète de l'incidence d'un tel
établissement sur la ville. Étant donné le temps qu'il nous est imparti et l'éloignement de notre
lieu d'enquête, il nous a fallu opter pour une démarche plutôt sociologique que purement
8
Philippe Combessie, « Prisons des villes et des campagnes. Etude d’écologie sociale », Editions de
l’Atelier – Editions ouvrières, 1996, p. 83.
10
Myriam Ezratty-Bader, « Architecture et prisons : rapport présenté à Monsieur le garde des Sceaux
par la commission d’étude », ronéo, Paris, Direction de l’administration pénitentiaire, 1985, pp. 84-85.
9
anthropologique, l’immersion et l’observation participante n’étant pas réalisable dans ces
conditions.
Dans notre note d’engagement, nous avions choisi d’étudier deux types de population :
une vivant à côté d’un centre pénitentiaire, la seconde dans une zone concernée par
l’implantation prochaine d’une prison. L’objectif était d’établir une relation entre prénotions et
réalité, c'est-à-dire entre les préjugés, les représentations que l’on a de la prison et les impacts
concrets d’une prison sur son environnement. Nous voulions nous baser sur les prisons de
Fresnes et de la Santé, comparer et regrouper les résultats des enquêtes sur les deux sites. Faute
de moyens (coût des frais de transport, problème d’impression des questionnaires en grande
quantité,…), de temps et compte tenu de la complexité de l’étude (première étude
anthropologique), nous nous sommes recentrés sur une seule prison, celle de Fresnes. Nous
avons privilégié une approche qualitative plutôt que quantitative.
La prison de Fresnes, qui était initialement située en dehors de la ville, sur un coteau
presque inhabité et qui est maintenant située dans l’agglomération, entourée par la ville et de
nombreuses infrastructures, va nous permettre de savoir comment la ville a intégré un tel
établissement et comment elle fonctionne dans sa proximité immédiate.
2. Prénotions
Comme nous l’avons dit aucun de nous trois et aucune de nos connaissance n’habite prêt
d’une prison. Comme tout le monde nous avons bien sûr des prénotions. Nous les avons acquises
par nos connaissances personnelles, pendant nos études, en regardant les séries télévisées et des
films essentiellement (La grande évasion, Alcatraz, Prison break pour ne citer qu’eux).
Pour la bonne réalisation d’une étude de type anthropologique, il est important de ne pas
prendre parti et de ne pas émettre de jugement personnel afin de rester neutre. Toutefois, nous
émettons inévitablement quelques hypothèses de travail auxquelles nous espérons avoir des
réponses lors de l’étude sur le terrain. Nous prendrons le soin, bien sûr, que ces préjugés
n’interfèrent pas dans nos jugements et nos démarches.
Parmi, nos hypothèses nous pensons que la proximité d’une prison engendre de façon
inévitable des gênes (de type sonore, visuelle et peut être olfactive…) et des modifications sur le
tissu urbain (position des bâtiments, intégration de la prison, mouvements générés….). Ainsi,
nous espérons comprendre comment les riverains, venus après la création de la maison d’arrêt se
sont acclimatés à la présence d’un tel édifice à proximité et quels sont les efforts fournis pour
rendre cet espace (au premier abord non attractif) plus attrayant.
Ainsi, nous allons sur le terrain avec pour hypothèse que bien que la maison d’arrêt de
Fresnes soit aujourd’hui entourée par la ville, elle reste toutefois séparée de celle-ci, en rupture
avec son environnement mitoyen.
10
3. Problématique
« La ville étant devenu un milieu de vie dominant, tout ce qui se passe dans la ville relève
de la sociologie urbaine11 », la prison étant maintenant parfaitement insérée dans la commune de
Fresnes, son étude relève donc de la sociologie urbaine.
Notre étude portera donc sur l’analyse des rapports entre la prison et son environnement
immédiat. Ainsi nous posons pour problématique : Quelles sont les conséquences sociologiques
de la présence d’une prison urbaine avec son environnement avoisinant ?
C. Conception de l'enquête
1. Schéma d'intelligibilité
Cette étude s’intéressant aux différentes relations qui unissent la prison et la ville, il va de
soit que notre entrée d’étude est ici l’espace. Nous ne nous intéressons pas à un groupe social en
particulier mais bien aux différentes populations qui occupent, de manière transitoire ou
permanente, l’aire d’étude (voir paragraphe suivant). Nous n’étudions pas non plus un système
d’organisation spécifique mais les différents systèmes présents sur notre site, systèmes pouvant
répondre à des logiques différentes, l’étude sera aussi de cerner les différents enjeux de ces
logiques. Enfin, nous ne nous centrerons pas sur un processus mais tenterons d’analyser tous les
processus remarquables sur notre espace comme ceux de gentrification ou paupérisation des
lieux, de rejet, d’indifférence ou bien d’acquiescement du paysage urbain et des activités
spécifiques au centre pénitentiaire… L’entrée espace, ici la prison de Fresnes, est comme son
nom l’indique un lieu par lequel on s’introduit, le but est de comprendre son influence, son
importance dans l’espace physique mitoyen mais pas seulement, nous nous intéresserons bien sûr
à son influence sur le tissu social afin d’établir un tableau complet sans quoi l’étude pourrait être
qualifiée de simpliste.
Le schéma d’intelligibilité pour lequel nous avons opté est celui de l’organisation, le but
n’étant pas de rechercher des causalités de faits (que nous aurions appréhendées pendant des
observations, des entretiens, des questionnaires, …) mais plutôt de comprendre comment tous les
acteurs du secteur d’étude sont en relation, comment ils interagissent et bien entendu quelles sont
les incidences de ces processus dans la vie des individus même, mais aussi dans celle du quartier.
2. Champs d'étude
On entend par champs d’étude, aussi bien la sphère sociale que la zone géographique
concernée. Dans notre cas les deux sont intimement liées puisque c’est cette dernière qui va
déterminer la population que l’on va enquêter. Cette zone doit correspondre à une échelle
relativement juste qui nous permettra de répondre aux questions que nous nous posons sans trop
nous en éloigner. Le choix de la prison de Fresnes est décisif car c’est une prison urbaine
entourée de logement et de commerces. Nous allons réaliser notre enquête sur son
environnement immédiat, à savoir l’espace urbain qui jouxte directement la prison ou bien qui
peut être concerné directement ou indirectement par cette dernière. Par directement on entend
par exemple un logement qui a vu sur la prison et indirectement un logement qui peut subir
uniquement les conséquences de son fonctionnement.
11
Discours de M. Toubon lors d’un cours d’anthropologie de licence 3
11
Pour notre type d’étude, nous analyserons le tissu social de l’espace se trouvant à
proximité de la prison, la répartition de la population vivant autour de ce type de construction
afin de comprendre et de décrire la structuration spatiale spécifique des abords d’une prison.
Nous aborderons notamment l’étude des effets de volume et de la densité de population vivant à
proximité du centre pénitentiaire et les comportements développés du fait de la particularité de
ce cadre de vie. Il sera ainsi intéressant de voir comment une prison est capable de créer une
culture spécifique pour les habitants vivant à proximité.
En prenant en compte le fait que la prison de Fresnes fut édifiée dans un environnement
vierge de toute habitation et que maintenant, des bâtiments se sont implantés tout autour, nous
allons tenter de comprendre comment les espaces urbains à proximité de la maison d’arrêt ont été
investis par la population.
Nous avons réalisé à partir de cartes satellites un plan détaillé de notre zone d’étude avec
les différents types de bâti présents12 . Après avoir vu quelle sera le périmètre étudié, nous allons
maintenant nous intéresser à notre démarche d’étude.
3. Méthodologie
Nous avons préparé un questionnaire pour notre enquête. C’est à notre avis la manière la
plus simple de toucher le plus grand nombre de personnes au voisinage de la prison. Celle-ci
étant située au cœur d’un tissu urbain, il nous fallait questionner un maximum d’habitants, ce qui
nous était impossible uniquement avec des entretiens. Le fait d’utiliser un questionnaire nous
permet d’établir des questions précises, standardisées. Cette standardisation implique que les
habitants auront tous les mêmes questions, celles-ci étant parfois guidées comme un QCM. De
leurs réponses, nous ambitionnons d’établir un avis général du ressenti des habitants du
périmètre d’étude sur la prison, de réaliser des statistiques sur leur représentativité sociale et de
dégager des tendances.
Dans un second temps, nous nous sommes rendus sur place pour réaliser des entretiens
individuels dans le but de compléter l’étude quantitative. Le but étant ici de dialoguer avec les
acteurs de l’espace considéré (passants, habitants, commerçants,…) en espérant aborder des
sujets auxquels nous n’aurions pas pensés mais qui les touchent suffisamment pour qu’ils nous
en fassent part.
En nous rendant sur place nous avons déjà une certaine perception de l’espace qui pourra
compléter notre étude sur la population et l’environnement.
Cette partie problématique et méthode s’est attachée à mettre en place les bases de la
compréhension de notre étude en présentant le contexte, notre questionnement et en précisant la
méthodologie qui sera notre pour cette recherche. La partie qui suit est entièrement consacrée à
notre étude proprement dite dans laquelle nous présenterons plus précisément notre espace
d’étude, la mise en œuvre des outils anthropologiques utilisés et enfin les résultats obtenus que
nous interprèterons.
12
Voir carte du périmètre d’étude en annexe 1
12
II. Présentation, enquête et résultats
1. Histoire de la prison
La prison de Fresnes (de son vrai nom : Les prisons départementales de la Seine) se situe
à Fresnes dans le Val-de-Marne (94).
Elle fut dessinée par l'architecte Henri Poussin (concepteur de la maison de correction de
Montesson dans les Yvelines en 1895), implantée au milieu de champs13 (achetés à bons prix).
La prison fut inaugurée le 19 juillet 1898. Elle présentait une architecture innovante en
totale rupture avec les conceptions traditionnelles du 19ème siècle (abandon de la disposition en
forme d'étoile pour adopter la construction de bâtiments longitudinaux) et se voulait hygiénique
et fonctionnelle, en séparant notamment les diverses catégories de prisonniers.
Ainsi, pour la première fois en France, les blocs cellulaires furent disposés
perpendiculairement à un corridor central, desservant les autres blocs et les pièces communes
avec des bâtiments de forme longitudinales placés parallèlement les uns aux autres et séparés par
des espaces de 50 mètres de largeur.
Elle servira notamment de modèle pendant près d'un siècle à bien d'autres prisons en
France comme les Baumettes (à Marseille) ou aux Etats-Unis (Rikers Island à New York).
A sa conception, la prison de Fresnes était la plus grande prison de France (elle sera
détrônée en 1968, avec la construction de la prison de Fleury-Mérogis) et reste aujourd’hui avec
le centre pénitentiaire de Fleury-Mérogis et de Paris-la-Santé, l’un des trois grands
établissements pénitentiaires de la région parisienne et aussi un des plus importants de France.
Elle est composée de trois structures construites sur une surface d’environ quatre hectares : une
maison d’arrêt pour hommes (1 346 places) qui abrite le service médico-psychologique régional
(48 places), une maison d’arrêt pour femmes (98 places) et l’Etablissement Public de Santé
National de Fresnes (EPSNF) qui dispose de 101 lits et est rattaché au ministère de la Santé.
13
Voir photos de la prison au moment de son inauguration en annexe 2
13
Lors de l'Occupation, la prison fut réservée pour les prisonniers britanniques et les
résistants. Elle devint alors un lieu de torture sous le joug de la gestapo. A la Libération, lors de
l’épuration, de nombreux collaborateurs y furent incarcérés. La maison d'arrêt se dota alors d'un
"couloir de la mort", spécialisée dans l'incarcération de condamnés à mort "politiques" (jusqu’en
1951 où on décida de transporter les condamnés politiques à la prison de la Santé) mais recevant
également des prisonniers de droit commun.
En 1950, la prison de Fresnes accueillit les occupants de la prison militaire du Cherche
Midi, vieille et vétuste, qui ferma ses portes la même année.
Dès 1954, il fut prévu d'exécuter les condamnés à mort du Val-de-Marne à Fresnes. Pour
cela, une guillotine "machine de mort" y fut installée en 1978 sur une dalle de béton lisse, avec
un robinet pour permettre de laver les bois après exécution, dans un local de la prison. Toutefois,
elle n’a jamais servi.
En 1978, il fut décidé que tous les condamnés à mort de France seraient désormais
incarcérés dans un quartier réservé de la prison de Fresnes et douze cellules furent spécialement
conçues pour accueillir les hommes voués à la guillotine.
La dernière exécution eut lieu en 1977 à la prison de Marseille-les-Baumettes et la peine
de mort fut abolie en France le 9 octobre 1981 à travers la loi d’Abolition défendue par M.
Badinter, le ministre de la justice de l’époque. Concernant l’abolition de la peine de mort on peut
ajouter qu’elle a été inscrite dans la Constitution française le 23 février 2007.
Depuis, Fresnes est redevenue une maison d'arrêt classique et reçoit aujourd’hui des
prévenus (détenus en attente de jugement) ainsi que les condamnés dont la condamnation
définitive n’excède pas un an.
L’hébergement des détenus se compose de cellules individuelles d’une surface de 9 à 10
m² toutes équipées de WC et de lavabo avec eau chaude mais les douches restent collectives.
L’établissement dispose d’équipements collectifs qui permettent la mise en place de
nombreuses activités socio-éducatives et d’un local d’accueil pour les familles en attente de
parloir (inauguré en 2000), et animé par des bénévoles (grâce au partenariat développé par
l’établissement avec des associations caritatives).
En 2003, la prison comptait 1 418 places, 1 264 destinées aux hommes, 98 aux femmes,
un quartier d'arrivée pouvant accueillir huit détenus, et un hôpital pouvant soigner 48
prisonniers. Au 1er juillet 2003, 1764 détenus vivaient derrière les murs de la prison de Fresnes.
La population carcérale reste néanmoins bien inférieure à celle de Fleury-Mérogis, plus
grande prison d’Europe, qui atteint plus de 4 000 détenus.
2. Caractéristiques du bâti
Avec des cartes satellites et photos aériennes nous avons pu repérer les lieux et définir
une zone d’étude. Nous avons choisi de distribuer notre questionnaire aux logements les plus
proches de la prison, ceux se trouvant dans le périmètre d’étude. Avant d’arriver sur place, la
nature de notre échantillonnage nous était inconnue, nous savions juste que les logements étaient
composés aussi bien de maisons que d’immeubles mais nous ne connaissions pas les types de
logements qu’ils constituent (sociaux, propriétés,…).
Une fois sur place, nous avons réalisé un travail d’observation afin de s’approprier
pleinement notre espace d’étude.
14
On s’est aperçu que la prison était totalement absorbée par le tissu urbain et entourée de
toute part par des voies d’accès. Les immeubles sont peu présents au voisinage immédiat du mur
d’enceinte. Il y a toujours une rue pour séparer le bâtiment carcéral du reste.
La prison est bordée au Sud par l’avenue de la division Leclerc et l’autoroute A86.
A l’Est, de petits immeubles de faible hauteur, des maisons et un groupe scolaire font face à la
prison.
Au Nord-Est les immeubles sont plus hauts, une dizaine d’étages, ils sont aussi plus espacés. Un
chantier de construction de logements et commerces en rez-de-chaussée est en route.
Au Nord, sont implantés des immeubles d’habitation de quatre étages entrecoupés de rues.
Derrière se trouvent des immeubles d’habitation plus hauts sur le modèle des grands ensembles.
On trouve aussi un petit centre commercial composé d’une presse, d’une pharmacie, d’une
boulangerie et d’un commerce de proximité.
A l’Ouest, on trouve des maisons et de petits immeubles et quelques commerces et industries
(pharmacie D.Meunier, boulangerie Le Fournil, pizzeria, étude d’architecte, petites entreprises).
On voit donc au premier abord que la morphologie urbaine aux alentours de la prison est
hétérogène. Les habitats sont aussi bien collectifs qu’individuels, des commerces sont présents
mais en faible quantité.
Une zone tampon existe entre les bâtiments pénitentiaires à proprement dit, c'est-à-dire
ceux où sont logés les prisonniers (entourés d’un mur d’enceinte d’environ cinq mètres de
hauteur) et l’espace public. Dans celle-ci on trouve des bâtiments réservés aux employés de la
prison. Cette zone est délimitée par un haut grillage plastifié vert en mailles serrées.
Dans la zone tampon, une véritable petite ville s’est érigée, constituée de bâtiments
presque tous propriété du centre pénitentiaire (Ministère de la justice) et d’un réseau de ruelles
internes. Ces bâtiments, tous destinés aux employés de la prison (environ un millier), sont de
hauts immeubles de logements de fonction (le long du quartier pour hommes) ou des maisons
individuelles pour les directeurs (le long du quartier pour femmes), des logements sociaux plus
petits (dans tout le reste de la prison) et des bâtiments de service annexes à la prison (cantine,
garages, salles de dépôt, foyer destinés aux employés de la prison, gymnase).
Il est également à noter que l’entrée de cette « zone tampon » est la même que celle de la
prison. Elle est également celle des prisons et est surveillée en permanence par un poste de garde
qui régule les entrées et sorties des véhicules.
A l’intérieur de ce que nous avons appelé la zone tampon, nous distinguons trois types de
constructions, des bâtiments (logements de fonction) en briques du même style que les prisons,
les bâtiments de logements sociaux datant des années 60 en façade peinte et de même style plutôt
simple et enfin des constructions toutes récentes, de style moderne (à l’Est de l’Etablissement
Hospitalier Public National et au Sud du quartier pour femme).
Sur le plan purement esthétique, nous avons été témoin d’une forme de camouflage de la
prison, ainsi, vue des routes aux alentours, les bâtiments pénitentiaires ne sont pratiquement pas
visibles, en effet, ils sont presque toujours dissimulés derrière des barrières végétales ou des
bâtiments situés à l’intérieur de la zone tampon.
Sur le plan morphologique, nous avons observé que les bâtiments aux alentours de la
prison évoluent progressivement en hauteur, ainsi, les constructions les plus proches sont
15
moyennement élevées (petits immeubles d’habitation à l’ouest) puis progressivement, plus ils
s’éloignent de la proximité du centre pénitentiaire, plus ils s’élèvent.
Enfin, sur le plan spatial, la propriété de la prison est délimitée tout autour par un réseau
de voies dense épousant la forme de celle-ci auquel sont reliées des rues de moindres
importances. A l’intérieur, les bâtiments présents sont desservis des voies de gabarit modeste
reliées à une large rue principale droite (stationnement des deux côtés) s’allongeant devant
l’entrée sud des bâtiments pénitentiaires et reliée par l’intermédiaire d’une voie à entrée unique.
3. Caractéristiques sociales
Nous ne connaissons pas les types de milieux sociaux présents. Nous ne savons pas si la
population est riche, pauvre, jeune, âgée. Nous ne savons pas non plus de quels types sont les
logements : si ce sont des logements sociaux, d’accession à la propriété, des propriétés, des
locatifs privés. Notre questionnaire permettra donc de répondre à ces critères qu’une première
approche documentaire et visuelle sur site ne nous permet pas de percevoir à priori.
Nous avons constaté une sorte de coupure sociale entre le périmètre de la prison et le
reste de la ville. Nous avons été surpris de voir si peu de commerces aux alentours comme si
ceux-ci avaient peur de s’installer à proximité d’un tel établissement.
1. Recueil de données
Afin de réaliser une étude complète de ce sujet, nous avons commencé par faire des
recherches sur internet afin d’avoir un premier aperçu. Nous nous sommes rendu à la
bibliothèque nationale François Mitterrand (BNF) afin de recueillir des données plus précises
avec des documents papiers auxquels nous n’aurions pas accès autrement. Dans cette enceinte,
nous avons consulté principalement des documents de Philippe Combessie qui a réalisé plusieurs
études instructives sur le thème de la perception des prisons par leur environnement. Nous avons
passé une journée entière à nous documenter. Nous pouvons dire que cette recherche nous a été
très utile pour la conception de notre dossier. Tous les ouvrages qui nous ont permis d’avancer
dans nos recherches sont indiqués dans notre bibliographie.
Nous sommes aussi allés à la mairie de Fresnes, aux services techniques et aux archives
afin d’avoir un état de l’évolution dans le temps du voisinage de la prison et de son urbanisation.
Nous avons récupéré des cartes et plans de Fresnes à différentes dates. Profitant de notre passage
en ce lieu nous avons aussi désiré nous renseigner sur l’existence d’associations entre la prison et
le reste de la ville. Un livret regroupant toutes les associations du territoire nous a été transmis.
2. Questionnaire
14
Voir questionnaire vierge en annexe 3
16
pas le questionnaire aux commerçants car il ne leur ait pas destiné. Nous envisagerons par la
suite d’avoir un entretien en face à face avec eux.
Notre sondage est donc en quelque sorte aléatoire car nous ne connaissons rien de la
population visée. La population mère est composée des habitants à proximité mais aussi des
fonctionnaires pénitentiaires vivant dans les logements situés dans l’enceinte. Nous avons appris
l’existence de ces logements uniquement en allant sur place car en vue aérienne il nous était
impossible de faire de distinction.
D’abord une partie routinière qui constitue presque tous les questionnaires existants. Elle
permet en effet de réaliser une détermination sociale de l’échantillon interrogé. Elle comprend
l’ensemble des variables indépendantes (âge, richesse,...) qui peuvent avoir des relations avec la
prison. Ces relations ne nous sont pas connues à la réalisation, elle nous apparaitrons au
recueillement des réponses. On a divisé cette partie du questionnaire en différents thèmes :
-la situation personnelle avec le sexe et l’âge de la personne interrogée,
-la situation familiale avec des réponses proposées. Il faut que la personne raye les
mentions inutiles (seul[e] sans enfant, seul[e] avec enfant(s), couple sans enfant, couple avec
enfant(s) et le nombre d’enfant(s)),
-la catégorie sociale (étudiant, actif, inactif, retraité),
-la situation résidentielle, type d’habitat (locataire, propriétaire, autres et depuis combien
de temps la personne vie dans le quartier),
-le capital scolaire (niveau d’étude),
-la situation professionnelle (profession, distance du travail : inférieure à un kilomètre,
entre un et cinq kilomètres, entre cinq et dix kilomètres et supérieure à dix kilomètres).
Ensuite nous avons rédigé une partie comprenant les variables dépendantes, c'est-à-dire
celles en rapport direct avec notre sujet d’étude. Pour cette partie, nous avons décidé de coupler
des QCM avec différents degrés d’appréciation et des questions où la population peut répondre
librement et faire part de ses avis en totale liberté. Voici les questions que nous avons posées :
- attrait du quartier (faible, moyen, fort),
- tranquillité, sécurité (faible, moyenne, forte),
- fréquentation du quartier (faible, moyenne, forte),
- accès aux services (faible, moyen, fort),
- accès aux transports en commun (faible, moyen, fort),
- comment trouvez-vous l’intégration de la prison dans le quartier ?
- comment pourrait-on favoriser son intégration ?
- est-elle source de gênes, si oui lesquelles ?
Après que le questionnaire eut été élaboré nous l’avons tiré à 450 exemplaires pour être
sûr de toucher le maximum de population. Nous sommes donc allés sur place les distribuer dans
les boîtes aux lettres du quartier. Nous nous sommes entretenus avec deux pharmacies et une
boulangerie (lieux fréquemment ouverts et en contact avec la population locale) pour leur
demander si les questionnaires pouvaient leur être déposés une fois complétés ; ce qui nous a été
accordé sans problème.
Nous sommes allés sur les lieux les mardi 6 et 13 février 2007. Les personnes avaient
donc respectivement deux et une semaine pour répondre afin de tous les récupérer en même
temps le mardi 20 février 2007.
17
Avant de poser les questions, nous avons procédé à une brève présentation de notre
groupe et de notre sujet d’étude. Il faut savoir que ce questionnaire est anonyme. Nous leur
avons expliqué premièrement qu’aucune donnée personnelle ne figurerait dans le mémoire et
deuxièmement qu’aucune donnée ne serait utilisée à d’autres fins que celles de notre recherche.
3. Entretiens
Nous devons d’abord définir la population que nous souhaitons interroger. Celle-ci sera
composée des commerçants voisins de la prison mais aussi des habitants et des passants que nous
arriverons à interroger ainsi que les surveillants de la prison habitants dans la zone tampon. Nous
espérons avoir un échantillon le plus représentatif possible du quartier. Les limites seront les
mêmes que pour le questionnaire, à savoir le voisinage proche de la prison de Fresnes. On doit
constituer un échantillon qualitatif, significatif devant refléter l’objectif de l’étude.
Pour que les entretiens se passent dans les meilleures conditions, nous devons réaliser un
guide d’entretien dont l’ordre des thèmes est libre. Ce guide a pour but de réaliser un entretien
précis, afin de ne pas oublier d’aborder certains aspects du sujet et de rendre les entretiens
globalement tous identiques et complets. Il doit avoir une neutralité bienveillante, c'est-à-dire
qu’il ne doit pas être trop distant ni trop familier. Il doit mettre l’individu à l’aise en instituant un
rapport convivial.
Voici les thèmes qui ont été abordés et les questions types qui ont pu être posées lors de
l’entretien :
• Qualité de l’espace :
- Prix du foncier
- Desserte et accès au quartier (transport, voirie)
• Ressenti :
- Comment vivez-vous le fait d’habiter à proximité d’une prison ? (avantages et
inconvénients)
- Quelle est l’insertion du quartier par rapport à la prison ?
1. Questionnaires
Le 20 février 2007 nous nous sommes rendus aux trois points de réception des
questionnaires où nous espérions récupérer la totalité ! Sur les 450 postés, seuls douze nous ont
été retournés, soit environ 2,7 %.
SITUATION PERSONNELLE
Sexe :
Hommes : 8 (50%) Femmes : 6 (37,5%) Inconnus : 2 (12,5%)
Âge :
-de 40 ans : 0 40-50 ans : 4 (25%) 50-60 ans : 1 (6,25%)
60-70 ans : 2 (12,5%) 70-80 ans : 4 (25%) 80 et + : 5 (31,25%)
SITUATION FAMILIALE
CATEGORIE SOCIALE
SITUATION RESIDENTIELLE
15
Voir questionnaires remplis en annexe 4
19
0-10 ans : 1 10-20 ans : 2 20-40 : 0 40-50 ans : 5 + 50 ans : 3
Type de propriété :
Locataire : 4 (33%) Propriétaire : 6 (50%) Autres : 2 (16%)
SITUATION PROFFESSIONNELLE
Niveau d’étude
BEPC : 1 (8,3%) BAC : 4 (33%) BAC+2 : 1 (8,3%)
BAC+5 : 3 (25%) Inconnus : 3 (25%)
DISTANCE DE TRAVAIL :
- de 1 km : 3 entre 1 et 5 km :1 entre 5 et 10 km : 2
+10 km : 1 Inconnu : 5
ATTRAIT DU QUARTIER :
TRANQUILITE, SECURITE :
FREQUENTATION
Il y a plus ou moins 12 résultats car certains couples ont répondu sur le même questionnaire et
d’autres n’ont pas répondus du tout à certaines questions.
2. Entretiens
Nous allons faire dans cette partie un résumé de tous les entretiens que nous avons eu le
mardi 13 février 2007.
1ère entretien : une personne promenant son chien dans la rue Marc Sangnier (15 minutes)
C’est un homme d’environ une cinquantaine d’années en train de promener son chien que nous
avons abordé. Il habite dans le quartier de la Vallée aux Renards depuis 16 ans, il est locataire et
travaille de nuit. Il nous a dit qu’il a habité dans un autre quartier du même type (grands
20
ensembles) et trouvait sécurisant la présence des rondes régulières et fréquentes induites par la
présence de la prison. Il nous annonce alors des chiffres assez étonnants, une patrouille toutes les
30 minutes voire toutes les 10 minutes lors d’arrivées de détenus. Concernant la qualité de vie
dans le quartier, il a souligné la faiblesse de l’offre de services et de commerces mais aussi qu’un
petit centre commercial et des logements sociaux et d’accession à la propriété en lieu et place du
groupe scolaire de la Vallée aux Renards allaient sortir de terre. Il dénonce aussi la faiblesse du
réseau de transport et nous a indiqué la mise en place d’une navette pour les personnes âgées
vers les zones commerciales.
2ème entretien : une personne plutôt âgée descendant la rue Marc Sangnier (40 minutes)
Sur cet entretien, nous avons eu beaucoup de chance puisque la personne s’avérait être un ancien
employé de l’hôpital pénitentiaire et revenait, pour la première fois après son arrêt d’activité, sur
place en pèlerinage. Il a déclaré avoir 83 ans, avoir travaillé comme contractuel durant trente ans
dans l’hôpital et habité près de vingt-cinq ans dans un logement de fonction à l’intérieur de la
caserne, autant dire que pour nous cet homme est une providence ! Il nous a informé que
l’hôpital de Fresnes était le seul hôpital pénitentiaire existant pour tout le Nord de la France,
c’est-à-dire qu’un prisonnier brestois ayant besoin d’une hospitalisation était directement
transféré à Fresnes. L’autre hôpital pour le Sud de la France était situé aux Baumettes à
Marseille. Ensuite, il nous a parlé de l’organisation de la prison qu’il a qualifiée de « véritable
mafia » à un moment. En effet, des Corses (directeur, sous-directeurs, surveillants) ont pendant
un certain temps « gouverné » la prison, rendant le fonctionnement assez opaque, de nombreuses
bagarres pouvaient alors éclater dans un café italien voisin de la prison. Concernant l’intégration
du personnel à la ville, celle-ci était quasiment nulle :
- D’une part, beaucoup de surveillants venaient d’autres régions de France et donc
avaient tendance à s’isoler ou se regrouper entre eux,
- D’autre part parce que la mutation des surveillants à Fresnes était souvent une
punition et non une promotion. Leur passage était souvent bref et donc n’incitait pas
l’intégration,
- Les surveillants de Fresnes jouissaient d’une mauvaise réputation pour leur brutalité
envers les détenus (le contrôle était bien moins strict qu’à l’heure actuelle).
22
3. Interprétation
QUESTIONNAIRES
La majorité des personnes ayant répondu aux questionnaires sont des personnes
relativement âgées, plus de la moitié a plus de 70 ans. De plus, la majorité a un niveau d’étude
supérieur ou égal au bac, ce qui est d’autant plus remarquable que la population est âgée (les
bacheliers étaient beaucoup moins nombreux à leur époque).
La moitié est propriétaire et vie depuis longtemps dans le quartier. Il ressort du questionnaire que
le quartier est faiblement attractif mais tranquille et sécurisant. Il est assez fréquenté,
moyennement bien desservi et point faible que nous avons déjà signalé : peu de services aux
alentours pour les habitants.
Sur la question de l’intégration de la prison dans le quartier nous avons remarqué que la
majorité connait l’histoire spécifique du quartier, à savoir que la prison était là avant les
habitations. Elle est considérée comme une ville dans la ville, mise un peu à l’écart, «entité
complètement à part dans la ville de Fresnes », mais les gens s’y sont habitués, « elle fait partie
du paysage » mais ont l’impression qu’elle n’est pas intégrée dans le quartier, que « l’intégration
dans le quartier est quasi nulle ».
Pour favoriser son intégration les conseils sont divers : « réduire son développement »,
« prise en compte des besoins des personnels pénitentiaires », « création de parking pour les
visiteurs et de toilettes », « remettre l’entrée principale sur la N186 », « information auprès des
habitants ».
A la question si la prison est source de gênes une bonne partie a répondu qu’il n’y a pas
de gêne particulière, mais que des problèmes au niveau du stationnement et une image
préjudiciable sont à noter.
ENTRETIENS
Ces quatre entretiens se sont révélés très instructifs dans le sens où les personnes
interrogées ont tous des profils différents rendant ainsi notre échantillon plutôt représentatif du
quartier. Les discours se complètent assez bien et heureusement pour notre analyse ne se
contredisent pas. Du fait de la complémentarité des informations que nous avons pu recueillir et
des redondances normales pour ce genre d’exercice, il ne nous a pas paru nécessaire de continuer
encore les entretiens même si bien sûr, nous sommes conscients que plus nous faisons
d’investigations, meilleure sera la compréhension des systèmes relationnels dans l’espace étudié.
Après avoir présentés notre démarche et les premiers résultats, nous allons maintenant essayer de
les interpréter, de faire une autocritique de la manière dont nous avons menée cette étude et enfin
aborder d’autres sujets relatifs à cette recherche pour que le lecteur intéressé puisse poursuivre
son cheminement intellectuel.
23
III. CONCLUSION GENERALE
Dans ces parties nous allons comparer les prénotions que nous avions avant l’étude et que
nous avons développées dans la partie I.B.2. avec les données recueillies par les questionnaires,
les entretiens, les observations et les recherches documentaires. Nous allons présenter notre
nouvelle perception de l’espace.
Nous ne nous attendions ni à ce qu’une zone si importante soit réservée aux surveillants
et à leur famille ni à ce qu’ils vivent dans un espace confiné entre deux enceintes et coupés de la
ville alors qu’ils travaillent déjà derrière des murs. Il n’y a pas de coupure entre leur lieu de
travail et leur lieu d’habitation. Cet espace ressemble à une ville dans la ville et permet de faire le
lien entre la prison et les habitants du quartier. Cette zone permet aux citoyens de ne pas avoir un
lien direct avec le mur d’enceinte contrairement à la prison de la Santé à Paris par exemple.
Par notre observation de terrain et à travers les documents issus de la mairie16 nous avons
étudié le processus d’urbanisation autour de la prison. Sur le plan architectural, nous avons
observé que les bâtiments se sont implantés d’abord à l’Ouest, puis cette urbanisation est
remontée vers le Nord est a atteint plus récemment l’Est (où se déroulent actuellement des
opérations de construction). Autrefois route nationale Paris/Orléans/Versailles, aujourd’hui (A86
et N186, cet axe de circulation a toujours marqué une coupure physique entre le Nord (quartier
de la prison) et le Sud de Fresnes (centre historique de la commune où se trouvent la mairie,
l’église et le marché). A travers nos différents entretiens, nous avons eu la confirmation que les
quartiers Nord ont souvent été délaissés par la mairie au profit du Sud. Néanmoins, en se rendant
sur les lieux, nous avons remarqué une forte activité de construction que se soit d’immeubles
d’habitation (logements sociaux et privés), de commerces et de services publics (antenne relai de
la mairie, direction régionale des services pénitentiaires) au plus près de la clôture grillagée de la
zone tampon. Cela montre la volonté de la mairie de redonner vie à ce quartier, même si encore
beaucoup de travail peut-être réalisé.
16
Voir cartes de Fresnes à différentes époques en annexe 5
24
2. Les gênes
GÊNES AUDITIVES
En nous rendant sur place nous n’avons pas perçu de bruit spécifique venant de la prison
alors même que nous avons fait par deux fois le tour de l’enceinte principale. En revanche, nous
avons entendu l’arrivée de convois de police signalés par leurs sirènes et cela à intervalles
relativement réguliers d’une fois par heure. Lors de nos entretiens, nous nous sommes aperçus
que la population ne faisait plus très attention à ce bruit qui est surtout présent près de la sortie de
prison et le long de l’avenue de la Liberté. Selon les riverains, il y a souvent des abus de la part
de la police concernant l’emploi des sirènes.
Les seules fois où les habitants des alentours perçoivent les bruits des prisonniers sont
lors des matchs de football retransmis à la télévision et de temps en temps des coups de klaxon
sont émis par des inconnus pour prévenir leurs amis de leur présence afin de discuter par-dessus
le mur d’enceinte.
GÊNES OLFACTIVES
Contrairement à une idée reçue, nous n’avons observé aucune gêne, aucune odeur
dérangeante et les habitants ne s’en plaignent pas non plus.
CONSEQUENCES
Etant donné le peu de gênes engendrées par la prison et la présence d’une zone tampon,
celle-ci a réussie à se faire oublier de la population. La coexistence spatiale entre cette prison et
son environnement urbain semble pleinement réussie.
La conclusion de notre étude rejoint celle de Philippe Combessie qui dit que « de façon générale,
les personnes résidant aux alentours d’une prison ignorent cet établissement qui est ressenti
comme une marque infamante sur leur territoire. Elles ne s’accommodent de ce voisinage
indésirable qu’en gommant le caractère pénitentiaire de ces bâtiments qui deviennent ainsi des
édifices presque ordinaires. »
3. La qualité de vie
Comme nous l’avons déjà dit, les commerces sont peu présents dans la zone. Un ancien
employé de la prison nous a indiqué lors du deuxième entretien qu’il existait à son époque une
centrale d’achat. C’est une sorte de commerce de proximité autogéré par le personnel pour sa
propre consommation. Elle était détaxée et attirait beaucoup d’employés, c’était aussi un lieu de
fourniture pour les prisonniers (cigarettes, livres,…). Pour éclaircir le sujet, nous voulions nous y
rendre mais celle-ci étant fermée, nous l’avons inscrite dans notre guide d’entretien pour les
interviews suivantes. Lors du troisième entretien, un surveillant nous a indiqué que cette centrale
d’achat est très peu utilisée aujourd’hui car non seulement les produits ne sont plus détaxés mais
en plus leur coût est supérieur au prix du marché.
25
TRANSPORTS
De l’avis général et par nos constatations nous pouvons affirmer que la zone est plutôt
bien desservie par les bus au niveau de l’entrée de la prison mais que la fréquence de passage est
insuffisante en dehors des heures de pointe. Ce phénomène est à relativiser car présent dans de
nombreuses communes de banlieue parisienne. Pour les habitants situés sur les parties Nord (la
vallée aux renards) et Est de la prison, la mairie de Fresnes s’étant rendu compte du problème de
desserte des transports a mis en place des navettes communales de « transport social » et « la
ligne 184 prolongée, devrait desservir le centre ville, les quartiers de la Peupleraie et la Vallée
aux Renards aujourd'hui à l'écart de l'offre transport17».
QUARTIER SECURISE
Un centre pénitentiaire accroit l’effet de sécurité dans le quartier où il est implanté. Lors
du premier entretien la personne a clairement abordée le sujet en le présentant comme un
avantage notamment avec des rondes de police plus importantes qu’ailleurs. Outre la sécurité
accrue aux alentours du centre pénitentiaire, il en va de même pour toute la commune car elle
bénéficie d’une augmentation des effectifs de police et de gendarmerie. Par exemple pour la ville
de Bourg-en-Bresse (01), 40 000 habitants, qui accueillera en 2008 une prison de près de 690
détenus, 17 emplois seront créés dans la police et 23 dans la gendarmerie.18
Toutefois ce sentiment de sécurité a été mis à mal suite à l’évasion de Antonio Ferrara le
jeudi 13 mars 2003. Celle-ci digne d’un scénario hollywoodien a vu ce détenu, réputé pour ses
fréquentes évasions, s’évader après un assaut, d’un groupe armé, mené au lance-roquettes et à
l’explosif après avoir fait diversion en mettant le feu à un restaurant proche et à plusieurs
véhicules. Ceci a montré aux habitants que le risque zéro n’existe pas et qu’une prison ne sera
jamais un établissement ordinaire, cela a fait l’effet d’une piqure de rappel.
UN QUARTIER RECONSIDERE
17
Site de la communauté d’agglomération du val de bièvre,
http://www.pld-valdebievre.fr/article/simpletext/448/
18
Dossier de presse, ville de Bourg-en-Bresse, réunion publique du 23 mars 2006, le futur centre
pénitentiaire et son insertion dans le paysage.
19
Voir site du PLU de l’Haÿ-les-roses, http://www.lhay-plu.fr/article/articleview/170/1/3/
26
B. Limites techniques de la mise en œuvre
QUESTIONNAIRE
Notre première difficulté a été de trouver des questions pertinentes ne laissant pas place à
la confusion. Malheureusement, nous devons admettre que certaines questions ont été mal
interprétées. Elles nous semblaient pourtant claires. En revoyant notre questionnaire, nous nous
apercevons que certaines questions étaient imprécises (par exemple, on demande la profession de
l’homme et de la femme alors que le niveau d’étude ne peut être répondu que par une seule
personne, idem pour l’âge et la catégorie sociale).
La deuxième difficulté a été de savoir combien de questionnaires nous devions produire.
Au début nous étions partis sur 100 questionnaires pour deux prisons (Fresnes et la Santé).
Finalement, après avoir été à Fresnes les distribuer sur une seule rue, nous nous sommes aperçus
de la nécessité absolue d’en imprimer 350 de plus et de nous concentrer uniquement sur la prison
de Fresnes. De plus, des problèmes liés à l’impression nous sont apparus sur ces derniers
exemplaires (surchauffe de l’imprimante de la salle informatique). Il nous a fallu l’aide d’un
syndicat étudiant pour finir de les imprimer (ces derniers possédant un matériel plus approprié).
Avant d’aller sur place nous aurions dû nous renseigner sur les commerces du site afin de
savoir chez lesquels nous pouvions faire déposer les questionnaires au lieu d’écrire leur adresse à
la main sur les 450 exemplaires, ce qui nous a fait perdre un temps précieux.
Sur la question « comment trouvez-vous l’intégration de la prison dans le quartier ? », la
plupart des personnes nous ont rétorqués qu’il ne pouvait y avoir d’intégration puisque la prison
était présente avant les habitations et que c’est à ces dernières de s’accommoder. De notre point
de vue de futurs aménageurs urbanistes nous pensons que même si les habitations viennent après
la prison, celles-ci doivent pouvoir être pensées afin d’intégrer l’environnement préexistant. La
question sur le nombre d’enfants nous semble maintenant sans intérêt pour notre étude, l’erreur
vient du fait que nous n’avons pas pensé, en la rédigeant, à ce qu’elle pouvait nous apporter. La
partie « distance du lieu de travail » aurait été utile si la population était composée
majoritairement d’actifs, ce qui n’est pas du tout le cas, mais nous ne pouvions pas le prévoir.
Nous aurions aussi dû mieux expliquer notre étude et présenter notre groupe car la
pharmacienne a reçu des coups de fils de personnes s’interrogeant sur le but de notre démarche.
Le fait de laisser nos coordonnées les auraient surement rassurés.
Nous avons eu la chance que parmi les quelques questionnaires retournés, deux ont été
complétés par des directeurs des prisons. Ceux-ci ont apporté un regard pertinent sur notre sujet.
Comme nous l’avons dit plus haut, nous avons été surpris du peu de réponses obtenues.
Nous nous interrogeons donc sur la pertinence du questionnaire. Cela peu noter aussi un certain
désintéressement des habitants à ce sujet. Etant donné que nous n’avons pas de retour sur
expérience on ne peut savoir si c’est un bon résultat ou non.
ENTRETIENS
Nous avons eu beaucoup de chance de tomber sur des gens aux profils différents et aux
connaissances importantes. Nous aurions peut-être dû essayer d’obtenir un rendez-vous avec le
directeur de la prison, ou encore de réaliser plus d’entretiens afin de compléter et diversifier
encore plus nos recherches.
27
RECHERCHES DOCUMENTAIRES
La plupart des ouvrages que nous souhaitions consulter se trouvaient dans la section
recherche, uniquement réservée aux chercheurs. Nous n’avons trouvé aucun livre spécifique à la
prison de Fresnes. Sur internet, étaient présentes seulement des données généralistes. Nous nous
en sommes servis exclusivement pour la partie contexte du dossier. A la mairie de Fresnes nous
n’avons récolté presqu’aucune information mis-à-part quelques cartes.
Après réflexion, nous avons pensé qu’il aurait été judicieux de récupérer les
questionnaires en porte-à-porte chez les gens. Cela nous aurait permis, à la fois d’obtenir plus de
questionnaires en aidant les personnes à y répondre et d’obtenir des entretiens en même temps si
la personne le désirait. Cette démarche aurait bien sûr demandé plus de temps sur place, mais
aurait peut-être été source de complications (interphones, personne absente,…). De toute
manière il semble qu’aucune démarche ne peut satisfaire à 100% les besoins d’une étude de ce
type, l’accès à l’ensemble de la population étant quasiment impossible.
Afin de mieux comprendre l’intégration des prisons et non pas d’une prison, il est évident
que nous aurions dû mener notre étude sur plusieurs prisons, cela afin de comparer celles-ci dans
différentes ambiances, à différents stades d’intégration. Notre idée première (étude des prisons
de Bourg-en-Bresse, de la Santé et de Fresnes) était dans cette perspective. Le fait que nous ne
l’ayons pas réalisée est seulement dû à un manque de temps et de moyens. Cette étude était de
toute évidence trop complexe pour notre niveau (première expérience) et pour ce que l’on nous
demandait. Il est à noter que cette approche comparative aurait été plus généraliste que notre
étude du cas spécifique de la prison de Fresnes.
C. Elargissement du sujet
1. Architecture de la prison
Pour l’intégration des prisons, nous pouvons nous intéresser au problème de son
architecture. Apporter un nouveau souffle lors de sa conception pour renouveler l’image qu’elle
renvoie à la société et repenser son organisation interne pourrait améliorer son efficacité, du
point de vue de la réinsertion par exemple. Les besoins architecturaux évoluent dans le temps et
une prison qui correspond aux critères d’aujourd’hui pourrait paraître totalement dépassée plus
tard, c’est le cas notamment de la prison de Fresnes, qui était un modèle de prison à la campagne,
fruit de nombreuses études sur son organisation interne. « Il faut une architecture barbare et
terrible » écrivait Blondel en 1771. Ledoux son élève proposera par la suite un projet
particulièrement édifiant à Aix-en-Provence, d’une brutalité sans précédent. Etant donné qu’il est
impossible de prédire l’avenir, il est intéressant de regarder les besoins actuels du système
pénitentiaire et d’analyser les réponses actuelles des architectes à ce sujet. En France, Pierre
Sartoux et Augustin Rosenstiehl font figure d’avant-gardistes à ce sujet en intégrant les notions
de progressisme et d’humanisme qui animent nos sociétés actuelles. Pour ce qui est de
l’architecture intérieure de la prison, il dénonce le fait par exemple qu’à Fleury-Mérogis, les
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prisons pour hommes et pour femmes aient été conçues de la même manière sans prendre en
compte les sensibilités très différentes des deux populations20.
2. Repenser l’urbanisme
Certes nous pouvons jouer sur l’architecture pour améliorer l’efficacité des prisons vis-à-
vis des objectifs qui lui sont fixés mais on peut aussi repenser son insertion urbanistique.
Aujourd’hui, la prison n’a plus d’urbanité, elle est souvent au loin, éloignée de la ville et
de son espace social, cachée et honteuse. Il faudrait peut-être lui redonner son statut
d’équipement public à part entière, l’intégrer à un tissu urbain préexistant en jouant sur les
façades pour donner du cachet au bâti, comme nous l’avons fait par le passé (c’est moins vrai
aujourd’hui quand on regarde le tribunal de Bobigny ou certains autres établissements publics
récemment construits) avec nos écoles, nos tribunaux et tous les bâtiments qui faisaient la fierté
de la France et la grandeur de notre République.
On peut aussi jouer sur l’intégration des prisons en évitant de les séparer des habitants par
de larges avenues disproportionnées les encerclant.
Nous avons vu tout au long de l’étude que les gens et les municipalités ont de gros
problèmes à accepter une prison près de chez eux. Pour améliorer l’intégration de ces dernières
dans la société et plus particulièrement dans la ville, il serait intéressant de ne plus la rejeter et
aussi de prendre en considération les bienfaits qu’elle peut apporter. On peut noter que c’est une
manne financière pour les villes qui les accueillent, elles intègrent les prisonniers dans le compte
de la population, ce qui a pour conséquence pour la ville de récupérer plus de subventions, bien
qu’elles refusent souvent de financer leurs activités culturelles et sportives. La ville gagne aussi
en population avec l’arrivée massive de personnel pénitentiaire. Le maire peut même voir son
salaire augmenter avec cette augmentation de population22.
Une fois construite et opérationnelle, tout est fait pour cacher son existence et pour
l’oublier, « rare sont les prisons fléchées et indiquées sur des panneaux23 », notamment à
20
Voir article construire l’abolition, vers la prison constitutionnelle publié le 25/02/2004 sur
www.Ciberarchi.com
21
Voir photo du Metropolitan Correctional Center de Chicago en annexe 4
22
Anne-Marie Marchetti avec la collaboration de Philippe Combessie, « la prison dans la Cité »,
Desclée de Brouwer, 1996, p. 43
23
Philippe Combessie, « Prisons des villes et des campagnes. Etude d’écologie sociale », Editions de
l’Atelier – Editions ouvrières, 1996, p. 83.
29
Fresnes, où notre pratique du terrain l’a démontrée. C’est d’autant plus aberrant que cette
commune est uniquement connue des français pour sa prison et que l’historique de la ville,
présenté sur son site internet, ne la mentionne que sur deux ou trois lignes.
CONCLUSION
Notre étude nous a permis d’approfondir un sujet qui nous était presque inconnu. Cela
s’est avéré très enrichissant et nous avons réussi à comprendre la situation de personnes vivant à
proximité d’une telle infrastructure. Cette recherche pourra peut-être avoir des répercussions
dans notre vie professionnelle future, non seulement sur le fond (peut-être aurons-nous à traiter
d’implantations et d’intégrations de prisons) que sur la forme (découverte des méthodologies
propres à la sociologie pour la réalisation d’études d’impact ou de satisfaction par exemple).
BIBLIOGRAPHIE
Documents papier :
Documents numériques :
• Encarta 2005
• Site de la communauté d’agglomération du val de bièvre,
http://www.pld-valdebievre.fr/article/simpletext/448/
• Dossier de presse, ville de Bourg-en-Bresse, réunion publique du 23 mars 2006, le futur
centre pénitentiaire et son insertion dans le paysage.
• Site du PLU de l’Haÿ-les-roses, http://www.lhay-plu.fr/article/articleview/170/1/3/
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