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CONFERENCE DE CONSENSUS :
Comprendre ensemble pour agir
CONTRIBUTIONS BIBLIOGRAPHIQUES
**************
Sommaire
Page 1
A. FAYET : Perspectives historiques sur la perception du suicide
Page 13
J. BONNEAU : Tentatives de suicide et décès par suicide, quelques points de repère sur la situation
bretonne comparée à la situation nationale
Page 22
O. PIQUET : Epidémiologie du suicide en Bretagne
Page 35
D. Travers : Descriptif du système de soins psychiatriques prenant en charge les tentatives de suicide
au CHU de Rennes
Page 37
V. MUNIGLIA : Texte de cadrage – Souffrance Psychique des jeunes en insertion
Page 47
F. SANSELME : Données de cadrage sur le suicide des jeunes
Page 49
V. MUNIGLIA : Texte de cadrage – Suicide- Souffrance- Milieux Professionnels
Page 63
A. CAMPEON : Le suicide du sujet âgé
Page 70
F. COLAS : Les réseaux ou dynamiques locales en prévention du suicide sur la Bretagne
Page 89
R. CHARDAVOINE : Les dispositifs de prévention du suicide en Bretagne
VI. GLOSSAIRE
Page 102
Quelques mots extraits …
Agathe FAYET-
Eléments de problématique
De toute histoire du regard que la société occidentale a porté sur ceux qui ont mis fin volontairement à leur
vie, le trait principal qu’il importe de garder à l’esprit tient dans les nuances de jugements et la distance des
pratiques à l’égard de la cohérence, de la stabilité et de la rigueur des lois humaines et religieuses qui
qualifiait et réglementait cet acte.
L’histoire de l’Occident dans son rapport à la mort volontaire est avant tout celle d’une condamnation d’un
acte perçu comme inhumain et celle d’un silence qui avait valeur de réprobation. L’Eglise comme l’Etat sous
tout régime se sont le plus souvent retrouvés unis dans une même attitude répressive à l’égard du suicide,
rejeté comme l’œuvre de Satan et affront au pouvoir en place et à la société dans son ensemble. Cependant,
les pratiques réelles ont pu différer et les mœurs évoluer plus rapidement que les lois en vigueur.
Le point essentiel qui distingue les époques les unes des autres tient davantage dans l’acuité avec laquelle la
question de la légitimité et des motifs du suicide a été interrogée. Comme G. Minois a pu le mettre en
évidence dans son Histoire du suicide1, la Renaissance et les Lumières sont à cet égard les époques les plus
riches. D’une question occultée par un dogme religieux qui condamnait sans appel le « meurtre de soi-
même », l’humanisme naissant et la philosophie des Lumières ont fait resurgir une véritable interrogation
sur les raisons et la nature d’un acte qui ne devait plus faire l’objet d’un jugement mais qui posait la question
fondamentale du sens de l’existence et de la liberté humaine. Ce faisant, la question du suicide sortait
momentanément des strictes limites de la morale. C’est au cœur de ce changement crucial qui s’opère dans
les mentalités des élites vis-à-vis de la mort volontaire que le terme de « suicide » fait son apparition (en
1700), remplaçant les termes accusateurs d’« homicide » ou de « meurtre de soi-même ».
La présente synthèse aura pour objet principal de montrer que, longtemps enfermée dans les carcans de la
morale, la pratique de la mort volontaire, appréhendée sous l’angle de ses motifs et de ses causes, restera,
malgré le transfert de l’autorité cléricale et religieuse à celle médicale et séculaire, renvoyée à la question de
la responsabilité du suicidé. Elle évacuera l’interrogation véritable de l’acte par le biais de l’irresponsabilité
du suicidé. Possédé par le diable, atteint de frénésie ou de mélancolie, ou bien encore souffrant d’un excès de
bile noire, celui qui attente à sa vie ne peut être en pleine possession de ses moyens ni de sa raison. Le suicide
philosophique, la décision consciente de se retirer volontairement du monde n’existe ou n’est jamais
véritablement envisagé ni accepté dans les moeurs. L’objection de la folie ou plus rarement de la maladie
dispense de juger mais aussi de comprendre. Le suicide sera dépénalisé en France en 1791, mais sa
condamnation persistera bien longtemps après.
1 G. Minois, Histoire du suicide, La société occidentale face à la mort volontaire, Fayard, Paris, 1995
1
De la condamnation chrétienne et civile du suicide : le plus grand des pêchés
Ni l’Ancien Testament ni le Nouveau n’établissent une doctrine ou une position définie sur le suicide.
Pourtant, reléguant à l’arrière plan et condamnant parfois tout un pan de son histoire qu’ont constitué les
martyrs volontaires, la religion catholique va imposer à la société médiévale un prisme qui marquera
longtemps la société occidentale, prisme à travers lequel le suicide sera perçu comme un acte funeste et le
pire pêché qui soit.
Du fait du silence relatif de la Bible, l’Eglise n’élaborera que peu à peu une position cohérente. C’est avec La
Cité de Dieu de Saint Augustin que s’instaure véritablement la doctrine rigoriste condamnant le suicide,
doctrine qui restera celle de l’Eglise durant des siècles. Ainsi, peut-on lire sous la plume de Saint Augustin
que « ceux qui sont coupables de leur mort n’ont pas accès à cette vie meilleure » que constitue la vie
éternelle. L’interdiction du suicide est fondée sur le cinquième commandement de Moïse qui impose : « Tu
ne tueras point », commandement qui s’applique aussi bien à soi-même qu’à autrui en vertu du fait que nul
autre que Dieu, son créateur, ne peut disposer de la vie selon son bon vouloir. La vie est un don sacré et seul
Dieu peut décider de son terme.
Les bases théologiques de l’interdiction du suicide et de sa qualification comme crime, au même titre que le
meurtre d’un tiers, se trouvent confirmées dans la scolastique de Saint Thomas d’Aquin. Les principes en
sont les suivants : le suicide est un crime contre la nature et contre la charité puisqu’il contrevient à la
tendance naturelle à vivre et au devoir de s’aimer soi-même. Il est de plus un crime contre la société dans la
mesure où notre appartenance à une collectivité implique que nous ayons un rôle à y jouer, rôle auquel nul
motif ne saurait justifier que l’on s’y dérobe. Enfin, le suicide est un attentat contre Dieu, seul dépositaire de
notre vie. L’homme n’est en aucun cas propriétaire de sa propre destinée.
A une époque où la religion constitue la manière de penser propre à la collectivité, la mentalité médiévale est
fortement imprégnée par la condamnation de Saint Augustin et de Saint Thomas et partage leur sentence : le
suicide est un crime, le désespoir un pêché et le suicidé un damné.
De cette interdiction religieuse va découler une explication du suicide qui emprunte à la rhétorique non
seulement du pêché mais plus encore à celle des forces du mal. La mise en cause d’une intervention du malin
trouvera un écho profond dans la mentalité superstitieuse du Moyen Age.
Dans sa thèse sur les représentations de la pendaison de Judas Iscariote, Anne Lafran montre que le suicide
de Judas s’inscrit dans une réflexion théologique et philosophique sur le libre arbitre. Autrement dit, est-on
libre de se tuer ? Le dogme catholique après Saint Thomas répond sans ambiguïté par la négative. Mais plus
encore, la question est la suivante : peut-on même penser cette liberté ? En aucune façon. Notre vie ne nous
appartient pas, elle dans les mains de Dieu et c’est un crime que de croire que l’on est libre de choisir sa mort.
L’impossibilité de penser le suicide dans les termes du libre arbitre se trouve scellée par un procédé puissant.
L’Eglise a recours au concept d’emprise démoniaque pour expliquer l’acte de se donner la mort. Dès lors que
le suicide s’apparente à un piège diabolique, il ne s’agit plus d’une mort volontaire. La volonté mise hors de
cause, la question de la liberté se trouve évacuée à son tour.
La cause désignée de la mort volontaire réside dans le désespoir, la desesperatio, qui n’est autre l’acte du
diable. En un mot, celui qui se suicide est possédé par Satan, « tenté par l’ennemi ». Comme l’explique
Georges Minois, « le désespoir n’est pas un état psychique, mais un pêché, dû à l’action du diable, qui
persuade le pêcheur de sa damnation certaine et lui fait douter de sa miséricorde certaine ». Cette
association entre le désespoir conduisant au suicide et l’influence des forces du mal sur l’esprit de celui qui se
tue fait du suicide nous l’avons dit le pêché parmi les pêchés. La condamnation du suicide joue un rôle
essentiel dans l’établissement du pouvoir de l’Eglise sur la communauté dans la mesure où elle s’inscrit dans
une pédagogie de la confession et de la « bonne mort » dispensée par cette dernière. En effet, au-delà des
pratiques d’exorcisme parfois pratiquées pour lutter contre la possession démoniaque, la confession
constituait le remède imaginé par l’Eglise au désespoir. Ce dernier consistant en un remord qui faisait douter
2
du pardon divin, il importait par la confession de le transformer en un repentir. Confesser ses fautes et ses
pêchés donnant accès au pardon et à l’absolution, permet de prévenir le suicide par remords et par crainte de
sa damnation.
Surtout, le lien entre le suicide et l’emprise du malin implique la stigmatisation de ceux qui se sont
désolidarisés du corps social et des valeurs chrétiennes. Parmi les sanctions infligées à ce dernier, la première
est son rejet symbolique et physique hors de la communauté. Loin du cimetière des croyants, il se voit refusé
la sépulture chrétienne.
La condamnation du suicide s’incarne dans la punition du cadavre qui subit le châtiment uni des autorités
religieuses et civiles dans un rituel qui emprunte largement aux croyances superstitieuses de l’époque, rituels
présents dans d’autres cultures dites primitives.
Avant de brosser rapidement les peines que l’on infligeait au cadavre, il importe donc de mettre en avant le
sens de cette punition. En effet, au-delà de la valeur d’exemple que comportaient ces sanctions publiques sur
le cadavre, toute une nébuleuse de croyances voulait que le corps du mort soit enterré en de telles
dispositions et de telle façon qu’il ne puisse plus venir hanter les vivants. D’où le fait qu’on lui enfonçait un
pieu dans la poitrine et qu’il devait être enterré sous une route, à des carrefours, afin qu’il ne puisse sortir de
terre. Perçu comme une forme de mort maléfique, la « male mort », il importait que le suicidé ne puisse
ressurgir parmi les vivants.
Mais avant la procédure de la sépulture en elle-même, le suicide donnait lieu à toute une procédure judiciaire
instruite par les autorités civiles. C’est à celles-ci qu’il appartenait de décider du sort du cadavre en
prononçant un verdict de suicide ou non. G. Minois rapporte une description de la procédure suivie dans la
plupart des provinces françaises « en cas de mort suspecte », description qui date du début du XVIIe siècle
mais qui était déjà en vigueur au moyen âge : « Après le procès-verbal décrivant les circonstances dans
lesquelles on a trouvé le corps, les chirurgiens font un rapport. Une enquête alors est menée sur la vie et les
mœurs du défunt ainsi que sur les causes probables de l’acte ayant provoqué la mort. Après quoi, un avis est
envoyé aux parents et, s’il y a bien eu suicide, un curateur est nommé pour prendre la défense de la victime.
[…] Une fois la condamnation prononcée, on va chercher le cadavre, on le traîne sur une claie, face contre
terre, et le cortège est précédé d’un sergent qui proclame la raison de l’exécution. » 2. Puis le cadavre est
pendu la tête en bas, le corps en position inversée et laissé là à l’exposition de tous.
De ce verdict prononcé par la justice civile dépendait également le sort de la famille. En effet, le suicide faisait
l’objet d’un autre type de sanction : la confiscation des biens du mort.
La pratique de la confiscation des biens apparaît dès les années 1205 en France et stipule que les biens
meubles ou immeubles, parfois les deux, sont confisqués à la famille pour revenir de plein droit au roi ou au
seigneur. Ces confiscations, tout comme le droit à la sépulture du mort et le traitement du cadavre,
dépendent de la qualification de la mort comme suicide mais aussi du type de suicide que l’enquête avait
révélé. En effet, l’enquête permettait aux autorités de faire une distinction entre les suicidés « felo de se » -
félon de soi-même - qui étaient reconnus coupables de crime et donc punis dans leur corps comme dans leur
lignée, et ceux reconnus irresponsables sous la mention « non compos mentis ». Dans ce dernier cas, la
famille ne souffrait pas la confiscation des biens. Laissant la famille le plus souvent sans ressources, la
pratique de la confiscation a pu constituer une source de revenu assez importante pour les autorités. Comme
le montre G. Minois, les intérêts économique liés à l’application rigoureuse de la loi ont pu maintenir
longtemps un contrôle vigilant de l’Etat sur les procédures judiciaires et les condamnations, et ce notamment
en Angleterre.
A l’inverse, la solidarité villageoise et l’intérêt des familles tendaient à essayer de faire passer le mort pour
fou. Déjà la folie fait son entrée dans le champ de l’explication de la mort volontaire, aux côtés du désespoir :
ou le diable ou la folie. Ces explications rejetteront de manière durable le suicide comme choix dans
l’inhumain, dans l’impensable, et finalement dans le silence.
2 « Le corps est pendu par les pieds à un gibet et, après son exposition jeté à la voirie avec les cadavres pourrissants des
3
Outre la distinction des qualifications du suicide entre désespoir menant à la pénalisation et folie exonérant
la sanction, la pratique réelle révèle des différences dans le traitement des suicidés selon ses motifs, la
personnalité et l’origine sociale du suicidé. Plus fondamentalement, la pratique reste plus souple et plus
nuancée que les réglementations canoniques et civiles en vigueur au Moyen Age. La morale distingue très tôt
les suicides « coupables » des suicides « excusables ». Cette dichotomie ne disparaîtra pas au cours de
siècles.
Des variations de la condamnation du suicide : des motifs, des classes et des moyens
La condamnation du suicide est loin d’être monolithique et l’hostilité au suicide, si elle est bien réelle,
concerne avant tout un certain type suicide, celui du peuple.
En outre, le suicide « égoïste » se caractérise par un moyen qui semble lui être propre et qui de ce fait sera
particulièrement condamné. Le mode de perpétuation du suicide dans le peuple réside alors essentiellement
dans la pendaison et de manière moins répandue dans la noyade. La pendaison devient le symbole du suicide
coupable et méprisable quand le suicide à l’arme blanche, à l’épée, est réservé aux nobles.
Le suicide du peuple n’est ni motivé par de grandes idées ni en adéquation avec les canons de l’héroïsme et il
s’exécute de manière grossière. « La corde est un genre de mort dont l’infamie est si bien décidée qu’un
homme qui le choisirait dans le désespoir, à moins qu’il fût de la lie du peuple, serait irrémissiblement
déshonoré parmi les honnêtes gens. Il faut le poison, le fer ou le feu. L’eau est encore un désespoir
roturier4 ».
La morale commune juge les raisons du suicide, ses circonstances et s’appuie même sur des critères
esthétiques. Ainsi, le suicide à l’arme blanche incarne la noblesse du suicide par amour ou par bravoure,
quand le suicide par noyade ou pendaison renvoyait aux affres personnels et égoïstes d’un individu
impuissant à transformer son existence ou à trouver le courage de la supporter. Là où le paysan miséreux, la
veuve ou encore l’artisan ruiné succombaient au désespoir, le noble qui se tue fait preuve d’un courage que la
littérature assimilera à l’héroïsme. Là où le suicide du rustre s’apparentait à une désertion et à un abandon, le
suicide du noble est au contraire le signe de sa liberté et de sa capacité à maîtriser le cours de son existence.
Les raisons motivant l’acte de se tuer vont permettre d’établir une sorte de classification des suicides.
Certains pourront être excusés par la beauté du geste, d’autres seront haïssables. Sans que l’on puisse ici
rentrer dans les détails des argumentations en faveur ou contre le suicide qui se sont développées au long des
siècles sous la plume de philosophes, de religieux et de juristes, il importe de souligner l’effort de
recensement et de classification théoriques des suicides qu’ont entrepris les casuistes catholiques au XVIIe
siècle. Dans le but d’édifier une morale concrète qui puisse répondre à tous les cas de figure, les casuistes ont
tenté de classifier et d’envisager tous les types de suicides possibles afin de dire s’ils étaient permis dans
G. Minois rapporte un extrait d’un article publié au XVIIIe siècle dans le Connoisseur, en Angleterre qui rend
assez bien compte des inégalités de traitement des suicidés suivant leurs origine sociales : « Un pauvre gueux
sans le sou peut être exclu du cimetière, mais le suicide avec un pistolet finement ciselé ou une épée à la
garde parisienne mérite à l’élégant propriétaire un enterrement pompeux et un monument vantant ses
vertus à Westminster Abbey »5.
L’approche religieuse du suicide condamne sans appel ce qu’elle qualifie de crime et renvoie la question de la
mort volontaire à l’action des puissances malines. L’approche morale du suicide distingue elle les motivations
nobles qui sont le signe de l’héroïsme et de la liberté et les raisons méprisables des lâches. Peu à peu
cependant une véritable réflexion sur le suicide va éclore, faisant passer le suicide du champ de la morale au
champ de la médecine. Si la légitimité du suicide reste ininterrogée, le passage d’une explication religieuse à
une explication causale est opéré et le suicide devient davantage du ressort des médecins et de la science que
de l’Eglise.
Dès le XVIe siècle, certains médecins et intellectuels se penchent sur le processus psychologique qui conduit
au suicide. De l’explication religieuse du désespoir on passe à une notion qui n’est plus morale mais
psychologique : la mélancolie.
Si les explications varient et si elles appartiennent à une conception de la médecine propre à une époque, ce
courant a ceci de décisif que le suicide lui apparaît comme la résultante d’une maladie de l’esprit favorisée
par des circonstances extérieures difficiles. Cette nouvelle appréhension du suicide a pour conséquence non
seulement de le séculariser en désacralisant ses causes mais aussi de le déculpabiliser. Tout un courant de
médecins et de philosophes du XVIIe et du XVIIIe siècles envisagera le suicide comme une conséquence de
désordres physiologiques dus à la mélancolie. Fruit de lésions des fonctions ou déséquilibre du cerveau, le
suicide relève désormais aux yeux de certains de la médecine plus que de la religion.
La mélancolie est définie comme un type de folie. S’il ne s’agit plus du diable ni de causes surnaturelles, il
reste que le suicide demeure impensable hors du cadre de la folie. La question du libre arbitre face à la mort
n’est pas moins occultée par la médecine qu’elle ne l’avait été par la religion. Bien au contraire, l’âge classique
redouble le silence qui pesait sur la rationalité et la légitimité du la mort volontaire, en témoigne le
traitement réservé à ceux qui réchappaient de leur tentative.
Comme le décrit M. Foucault7, on retrouve dans les maisons d’internement toutes les catégories de la
profanation et parmi elles, ceux qui ont « voulu se défaire ». Le traitement du suicide répond aux mêmes
évolutions que les autres genres de blasphèmes : « jusqu’au milieu du XVIe siècle, les violences du verbe et du
geste relèvent de vieilles peines religieuses : carcan, pilori, incision des lèvres au fer rouge […] ». De même,
le suicide était puni dans la chair du cadavre. A partir de la seconde moitié du siècle, les maisons
d’internement prendront le relais : « les maisons d’internement jusqu’à la fin du XVIIIe siècle sont pleines de
« blasphémateurs », et de tous ceux qui ont fait acte de profanation. Le blasphème n’a pas disparu […] Il est
devenu affaire de désordre : extravagance de la parole qui est à mi-chemin du trouble de l’esprit et de
l’impiété de cœur ». M. Foucault souligne le caractère emblématique du suicide à cet égard : « Cette évolution
dans le régime des blasphèmes et des profanations, on pourrait la retrouver assez exactement à propos du
suicide, qui fut longtemps de l’ordre du crime et du sacrilège ; et à ce titre le suicide manqué devait être
puni de mort. […] Mais, ici comme pour les profanations, comme pour les crimes sexuels, la rigueur de
l’ordonnance [de 1670] semble autoriser toute une pratique extrajudiciaire dans laquelle le suicide n’a plus
valeur de profanation. Sur les registres des maisons d’internement, on rencontre souvent la mention « a
voulu se défaire » […]. En elle-même, la tentative de suicide indique un désordre de l’âme qu’il faut réduire
par la contrainte. On ne condamne plus ceux qui ont cherché à se suicider, on les enferme, et on leur impose
un régime qui est à la fois une punition et un moyen de prévenir toute nouvelle tentative. » Ce « régime »
consistait à les soumettre à ce que M. Foucault appelle les « appareils de contrainte » utilisés plus tard
comme thérapeutique par les scientifiques du XIXe. Ces appareils qui consistaient en une cage en osier, dont
seule la tête pouvait sortir et dans laquelle on avait les mains liées, ont été pour la première fois appliqués à
cette nouvelle catégorie de fous, les mélancoliques qui avaient tenté de se suicider.
La médecine du XIXe siècle contribuera à son tour à faire du suicide « une maladie honteuse ». Comme le
montre G. Minois9, le Traité médico-philosophique sur l’aliénation mentale ou la manie du docteur Pinel
attribue la tendance suicidaire à une faiblesse d’esprit et préconise pour guérir le malade un choc violent.
Surtout, il est d’avis que la répression est encore le meilleur moyen de prévenir les tendances suicidaires :
« Des moyens énergétiques de répression et un appareil imposant de terreur doivent seconder les autres
effets du traitement médical et du régime10 ». La médecine répond au désir de mort volontaire par un
traitement davantage moral que proprement médical. On parle de « sédatifs moraux » tels que la douche
froide, l’isolement, la faim et la soif et d’autres procédés du genre impliquant des instruments tels que des
« fauteuils de répression ». Il est aussi question de traitements psychologiques consistant à porter atteinte à
leur amour propre. Ainsi, on peut lire sous la plume d’un médecin de l’époque : « N’employez pas les
consolations, car elles sont inutiles ; n’ayez pas recours aux raisonnements, ils ne persuadent pas. […]
Beaucoup de sang-froid et, quand cela devient nécessaire, de la sévérité. Que votre raison soit leur règle de
conduite. Une seule corde vibre encore chez eux, celle de la douleur ; ayez assez de force pour la toucher11 ».
D’autres explications attribuent le comportement suicidaire à un excès de liberté ou encore à l’absence de foi.
« Si l’homme n’a pas point fortifié son âme par les croyances religieuses, par les préceptes de la morale, par
les habitudes d’ordre et de conduite régulière, s’il na pas appris à respecter les lois, à remplir ses devoirs
envers la société, à supporter les vicissitudes de la vie, […], il sera plus disposé que tout autre à terminer
volontairement son existence dès qu’il éprouvera quelques chagrins ou quelques revers. » C’est un véritable
réquisitoire moral que l’on lit sous la plume du fondateur de la théorie psychiatrique qu’a été Esquirol, bien
plus qu’une explication d’ordre psychique.
Le XIXe siècle verra ainsi le glissement de la médecine à la morale et même à la moralisation en matière de
suicide. Celui-ci sera perçu comme une atteinte aux valeurs de la société. Bien que dépénalisée depuis la
Révolution française, la mort volontaire reste l’objet des condamnations. Le suicide ne fait plus désormais
l’objet d’une procédure pénale ni de sanctions, mais il fait partie des interdits sociaux.
La question de la liberté de l’homme face à la mort est plus que jamais taboue dans une société qui verra le
suicide devenir un objet d’étude non plus seulement pour la médecine et la psychiatrie mais aussi pour la
sociologie. La tentative d’explication sociologique du suicide débouchera à son tour et malgré elle sur une
condamnation morale : la sociologie en s’emparant de l’objet de la médecine met en cause la société, ce qui a
pour conséquence de cristalliser encore un peu plus la culpabilisation et le tabou qui entourent la mort
volontaire.
La révélation du rôle des facteurs socio-économiques parmi les causes possibles du suicide est antérieure à
l’approche sociologique proprement dite. Ces premières mises en cause sociales tendaient davantage à
déculpabiliser le suicide. Elles avaient en effet vocation à favoriser sa dépénalisation en faisant du suicidé une
victime et non un criminel. Dès le XVIIIe siècle, il s’est trouvé des auteurs parmi lesquels Diderot pour
souligner le rôle des conditions socioéconomiques. Cette première approche met l’accent sur les causes du
suicide davantage que sur l’acte lui-même et insiste par conséquent sur la prévention du suicide, délégitimant
sa pénalisation.
Dès 1637, le Traité12 consacré entièrement à la question du suicide du pasteur anglican John Sym pose la
question du suicide sous l’angle de sa prévention : « On empêche moins le meurtre de soi-même en
soi-même.
7
fournissant des arguments contre l’acte […] qu’en découvrant et en éliminant les motifs et les causes qui
poussent à l’accomplir13 ». Outre la démence, J. Sym évoque parmi ces causes les gens de pauvre condition
qui ont souffert de grands malheurs. Sans que les facteurs sociaux et économiques ne soient déjà directement
mis en cause, l’idée que la misère puisse être un déterminant du passage à l’acte apparaît déjà en filigrane. Il
faudra attendre le siècle des Lumières pour que les explications d’ordre sociologique fassent leur entière
apparition dans le champ des causes du suicide.
Diderot, bien qu’hostile au suicide, s’interroge hors de tout prisme moral sur les facteurs déclenchants et ce
faisant, sur les moyens de prévenir ce phénomène. La lutte contre le suicide passe selon lui par l’instauration
et la garantie de conditions sociales, politiques et culturelles à mêmes de détourner les hommes du
pessimisme et du désespoir. C‘est en luttant contre les maux qui mènent à l’acte de se tuer et non par des
discours moraux et des argumentaires théoriques que l’on peut agir contre le suicide : « Voici les causes
principales du suicide. Si les opérations du gouvernement précipitent dans une misère subite un grand
nombre de sujets, attendons-nous à des suicides […]14 ». La mise en cause des conditions de vie et du rôle du
pouvoir civil ne saurait être plus explicite.
La prévention des tendances suicidaires ne peut faire l’économie d’une lutte plus vaste qui dépasse le cadre
strict du destin individuel et passe au contraire par la lutte contre la misère et l’injustice, contre la tyrannie et
l’ignorance. En un mot, la clef ne réside plus dans une vie équilibrée et des mœurs saines mais dans un ordre
social et politique juste qui garantisse à chacun des conditions de vie meilleures. A l’instar de Diderot, on
peut lire sous la plume de Delisle de Sales la même indignation face à l’unique réponse du pouvoir au suicide
que constitue la pénalisation : « Si on mettait la politique à prévenir les suicides plutôt qu’à les punir15 ! »
La mise en évidence de l’impact des facteurs sociaux, économiques et politiques s’accompagne d’une mise en
cause du rôle du pouvoir politique aussi bien du point de vue de sa réponse inadéquate, la répression, que de
sa responsabilité dans l’instauration d’une société juste. Ces explications causales posent en effet la question
de la capacité de l’Etat à garantir un ordre social équitable. Cette mise en cause du pouvoir, bien que
déresponsabilisant le suicidé et plaidant pour la dépénalisation de la mort volontaire, aura des conséquences
funestes. Le pouvoir, sur la défensive, verra dans le suicide une attaque contre sa légitimité et l’ouverture
d’une brèche dans son autorité. Dès lors, le suicide apparaît comme « une accusation contre le corps social et
ses responsables. […] Le suicide est un reproche, une accusation, voire une insulte aux vivants et, surtout, à
ceux qui ont à charge le bonheur de la collectivité16 ». Surtout, celui qui se désolidarise volontairement du
corps social témoigne de sa défiance envers les croyances et la morale établies. Le suicide s’apparente aux
yeux du pouvoir à un déni de son idéologie et de sa compétence.
D’autres tentatives explicatives empreintes de sociologie verront le jour sous la plume d’un Montesquieu ou
d’une Madame de Staël, tantôt mettant l’accent sur l’influence du climat, tantôt distinguant les types de
suicides, suicides d’amour, suicides philosophiques ou suicides criminels. Mais la première véritable étude
proprement sociologique sur le sujet revient à E. Durkheim.
Les causes sociales du suicide permettent d’identifier trois types distincts de mort volontaire : le suicide
égoïste, le suicide altruiste et le suicide anomique. Le premier type de suicide concerne les individus les
moins bien intégrés dans les structures sociales que sont le groupe familial, la communauté religieuse ou la
collectivité politique. Le suicide altruiste touche lui les individus qui sont au contraire membres de sociétés
très intégratrices et dans lesquelles il peut être légitime de se sacrifier pour les autres. Enfin, le suicide
8
anomique est induit par les bouleversements de la société du XIXe siècle, par les effets désintégrateurs de
l’industrialisation, société déréglée et anarchique qui laisse l’individu livré à lui-même.
Si le suicide devient un objet d’étude légitime pour la psychiatrie et pour la sociologie au XIXe siècle, si les
statistiques apportent la preuve du phénomène et permettent de lui chercher des causes, rien ne permet de
conclure qu’objet d’étude le suicide devient compréhensible. Un abîme demeure entre l’explication du suicide
et la tentative de compréhension de la mort volontaire et de son désir. Si l’étude de Durkheim met en lumière
des facteurs sociaux, elle ne s’accompagne aucunement d’une remise en cause de la société par elle-même et
le phénomène, bien que partiellement expliqué, doit rester dans l’ombre, dans le silence que l’on impose à ce
qui accuse ou du moins qui dérange l’ordre établi.
Taboue elle aussi est la question du droit de libre mort. La sociologie durkheimienne évacue d’un geste les
motifs individuels et subjectifs désignés comme une forme de rationalisation ad hoc de la part de ceux qui
ont été victimes de forces sociales qu’ils ne maîtrisent pas. Ces motifs individuels sont pourtant apparus sur
la scène à travers la multiplication et la lente systématisation des lettres laissées par les suicidés pour
expliquer et justifier leur acte. Déposséder le suicidé de sa subjectivité, lui ôter le sens qu’il donne à son acte,
revient à nouveau à occulter le véritable questionnement que pose le suicide. La question existentielle est tue,
choquante, inconvenante et du fait de l’explication sociologique inutile, voire farfelue.
Il permet, contrairement à Durkheim pour qui aucun lien n’existait entre le suicide et la folie ou la névrose,
une conception « plus complémentaire et pacifiée des relations entre psychiatrie et sociologie ». « Chaque
suicide relève à la fois des deux points de vue. « Suivant qu’on se place à l’un ou à l’autre, on y verra l’effet
d’un trouble nerveux, qui relève de causes organiques, ou d’une rupture de l’équilibre collectif qui résulte de
causes sociales. » C’est le point de vue qui crée l’objet. 18 ». Dès lors le défi est de s’interroger sur l’interaction
des motifs psychologiques et psychiques et des facteurs sociologiques. Autrement dit, quels sont les effets que
produisent les déterminants sociologiques du suicide sur l’état de santé physique et psychique des individus ?
Il ne nous est pas possible de rentrer plus en profondeur dans l’analyse d’Halbwachs, ni dans celles de ses
successeurs. Sa contribution est cependant essentielle en ce qui concerne notre objet dans la mesure où il
réintroduit la question de la subjectivité au cœur d’une explication scientifique de type causal. La question du
suicide reste difficilement appréhendable hors d’un retour à l’individu lui-même. Historiquement, c’est peut-
être au sein de la philosophie que l’on peut trouver les interrogations les plus nombreuses et les plus
poussées sur la motivation et le caractère existentiel de l’acte suicidaire. La science ne répond pas au
pourquoi, ni ne s’intéresse à un cas particulier mais tente davantage d’appréhender un phénomène dans
lequel les différents suicides se fondent en un seul et unique objet d’étude.
18 BAUDELOT Christian, ESTABLET Roger (2006), « Suicide : changement de régime. Un observateur hors pair,
Maurice Halbwachs », intervention au colloque « Dialogue avec Maurice Halbwachs », Paris, décembre 2005. Liens
socio, janvier 2006 [http://www.lienssocio.org/article.php3?id_article=1116]
9
Conclusion : de la morale des Anciens et du questionnement philosophique
Dans ce panorama rapide de la perception et du traitement de la mort volontaire à travers l’histoire, nous
avons passé sous silence l’effort des philosophes pour penser l’acte de se tuer. Pourtant si l’on cherche
l’interrogation toujours occultée par les autorités religieuses et civiles sur le droit de libre mort ou du moins
sur sa rationalité, c’est bien dans leurs ouvrages qu’il faut se plonger. Moore, Hume, Montaigne, Madame de
Staël, Voltaire et bien d’autres se sont posés la question des raisons et de la légitimité qu’a un individu de
choisir ou non de sa mort. Bien avant eux, les Grecs et les Romains ont écrit sur la question et nombreux sont
les suicides célèbres de l’Antiquité. Faire un inventaire des différentes positions ou le tour des innombrables
auteurs qui se sont penchés sur la question nous est impossible. Souligner le fait que le questionnement a bel
et bien existé sous la plume des philosophes et insister sur l’absence de réponse définitive permet cependant
de voir sous un autre jour la perception du suicide et son évolution à travers les siècles.
Loin d’avoir porté un regard unique et un jugement monolithique sur le suicide, l’Antiquité portait un regard
différencié sur les suicides en interrogeant ses motivations et en reconnaissant la liberté de l’homme face à sa
mort. Elle ne fut pas exempte de condamnations, parmi lesquelles celle d’un Aristote pour qui aucun suicide
ne saurait être excusé. C’est une injustice contre soi-même et contre la collectivité. Mais, si les points de vue
étaient nuancés, du moins l’Antiquité a-t-elle eu le mérite de poser ouvertement la question du droit de libre
mort et l’intuition de la diversité des suicides.
A la question d’Hamlet, fait écho l’affirmation de Macbeth pour qui l’existence n’est qu’ « une ombre
mouvante, un pauvre comédien, qui s’agite un moment sur la scène, et puis qu’on n’entend plus. C’est une
histoire racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur et qui n’a pas de sens22 ». L’absurdité de
l’existence, les maux que la vie inflige sont autant sinon de justifications du moins d’interrogations qui
contraignent à un véritable questionnement le suicide comme choix. Le suicide réfléchi, rationnel et
conscient n’est plus là rejeté aux bans des insanités, ni contré par l’objection de la folie. C’est définitivement
au cœur de la littérature, du théâtre et de la philosophie que l’interrogation a droit de cité et ne s’en prive pas.
Nous empruntons la conclusion de cette brève perspective historique à Henri de Montherlant23 : « Il n’y a
rien de plus mystérieux qu’un suicide. Quand j’entends expliquer les raisons de tel suicide,
j’ai toujours l’impression d’être sacrilège. Car il n’y a que le suicidé qui les ait connues, et
qui ait été en mesure de les comprendre. Je ne dis pas de les faire comprendre ; elles sont le
plus souvent multiples et inextricables, et hors de portée d’un tiers. »
Si la leçon des penseurs est celle de l’incommunicabilité du passage à l’acte du suicide, elle n’est nullement
celle de l’inaction. Tous ont tenté de réfléchir aux causes du suicide et à la façon de le prévenir. A bien des
égards ils ont su préfigurer les explications sociologiques et médicales. Les mots d’Henri de Montherlant
plaident non pour une résignation mais pour une approche du phénomène suicidaire qui sorte enfin du
prisme moral. La leçon qu’il tire est d’abord celui du refus du jugement du suicidé ou du suicidant. S’il faut
tenter d’expliquer et d’agir sur le phénomène suicidaire, il faut cesser de le juger à l’aune de principes moraux
impuissants à le comprendre et stériles à le prévenir.
11
Jacques Bonneau, TMO Régions -
Il convient tout d’abord de souligner qu’on est conduit à raisonner sur 3 concepts qui doivent clairement être
distingués comme vont le montrer les pages suivantes :
La littérature ne fait pas ou peu référence au nombre de suicidants (absence de données sur le nombre
moyen de tentatives pour un suicidant).
Pour les deux autres concepts, si les données sur les suicidés sont comparativement plus nombreuses que
celles sur les tentatives de suicide, il semble important dans une logique de prévention de connaitre la
situation bretonne au regard des deux phénomènes.
Taux de
Estimation
Taux de TS décès par
du nombre
pour 10 suicide Nombre de
Population de Nombre de
000 pour tentatives
de 15 ans tentatives décès par
habitants 10 000 pour un
et plus de suicide suicide
de 15 ans habitants décès
(TS)
et plus de 15 ans
(a)
et plus
Bretagne 2 416 000 11 700 48 861 3,6 14
France Métropolitaine 48 193 500 195 000 40 10 632 2,2 15
12
1 LES TENTATIVES DE SUICIDE, DONNEES DE CADRAGE
Comme mentionné en introduction, l’accès à des données statistiques sur les tentatives de suicide est
difficile. Au niveau national, il n’existe pas de registre, on procède donc par enquête et estimation. En
Bretagne, un registre a été mis en place depuis peu.
Les données disponibles ne concernent pas toujours les mêmes années, alors qu’on pourrait observer des
évolutions (à l’instar de ce qu’on observe sur les suicides).
Rappelons enfin qu’on mesure ici des tentatives et non pas des suicidants, une personne ayant pu faire
plusieurs tentatives lors d’une même année.
Estimation de 195 000 tentatives de suicide en France Métropolitaine en 2002 (estimation du nombre de TS
prises en charge par l’ensemble du système de soins).
Estimation 2002 population 15 ans et plus France Métropolitaine : 48 255 000 personnes
Source :
DREES, Ministère de la Santé et des Solidarités
revue Etudes et Résultats, numéro 488, mai 2006, sous le titre
« Suicides et tentatives de suicide en France », page 6
http://www.sante.gouv.fr/drees/etude-resultat/er488/er488.pdf
En ne prenant en compte que les TS prises en charges par les services d’urgences des établissements de
santé, on dénombre 162 000 TS (soit 83% de l’ensemble des TS prises en charge par l’ensemble du système
de soins).
Taux de TS pour
Nombre de
10 000 habitants
tentatives pour
de 15 ans
un décès
et plus
Aquitaine 26,6 11,0
Bretagne 35,8 8,7
Midi Pyrénées 25,2 14,0
Nord-Pas-de-Calais 44,3 14,5
Rhône Alpes 33,0 14,5
Total 33,1 12,5
Source : FNORS PREMUTAM
Tableau tiré de :
ORS Bretagne. Tentatives de suicide (pages 54-55) In : La santé de la
population en Bretagne. Etat des lieux préparatoire à la mise en place du plan
régional de santé publique. Décembre 2004
http://www.orsbretagne.fr/1_pages/sante04/pdf_sante/ORSB-TSuicide.pdf
13
1.3 Au niveau de la Bretagne
Estimation Moyenne
Enquête 1990 Enquête 1995
2000 2000
Nombre 5 958 8 010 9 000-10 230 9 600
Tableau tiré de :
ORS Bretagne. Tentatives de suicide (pages 54-55) In : La santé de la
population en Bretagne. Etat des lieux préparatoire à la mise en place du plan
régional de santé publique. Décembre 2004
http://www.orsbretagne.fr/1_pages/sante04/pdf_sante/ORSB-TSuicide.pdf
Estimation annuelle de 11 700 tentatives de suicide en moyenne (prises en charges par les services d’urgences
des établissements de santé)
Ce résultat estimé est donc supérieur à celui des années 1990 à 2000, progression pouvant trouver plusieurs
explications : orientation plus fréquente dans le cas d’une tentative, amélioration du système de décompte et
croissance éventuelle du phénomène.
Source :
Piquet Odile, Tréhony Alain, Suicide et tentative de suicide en Bretagne, ORS
Bretagne, février 2007 (8 pages)
http://www.orsbretagne.fr/99_up99load/2_docupload1/orsbd11239802004.
pdf
Ainsi, le taux de tentative de suicide estimé en Bretagne serait supérieur de 20% au taux
national.
Cet écart pourrait provenir d’un nombre moyen de tentatives par suicidant plus élevé en Bretagne qu’en
France Métropolitaine. Il faudrait que ce nombre de tentatives par suicidant breton soit environ 40% plus
élevé que la moyenne nationale pour que la part des suicidants bretons soit ramenée à 5% des suicidants du
niveau national. Une telle hypothèse reviendrait à considérer que le taux de décès pour un suicidant serait
60% supérieur en Bretagne à ce qu’il est en France Métropolitaine, hypothèse peu probable. On en déduit
que l’indicateur des tentatives de suicide supérieur en Bretagne est bien le reflet d’un nombre relatif
supérieur de suicidants.
14
2. LES DECES PAR SUICIDE, DONNEES DE CADRAGE
Là encore, on est confronté à des difficultés de mesure, bien que le décès par suicide soit mieux mesuré que
les tentatives. Cependant la DRESS estime pour 2003 qu’il y a eu 13 000 décès par suicide pour 10 700
recensés (soit une sous estimation d’un cinquième).
En France Métropolitaine, 10 632 décès par suicide ont été recensés en 2002, soit un taux de 2,2 pour 10 000
personnes de 15 ans et +.
Source :
Suicides et tentatives de suicide en France
Etudes et résultats - Direction de la Recherche, des Etudes, de l'Evaluation et
des Statistiques N° 488 – mai 2006, 8 pages
http://www.sante.gouv.fr/drees/etude-resultat/er488/er488.pdf
861 décès par suicide en Bretagne en 2002, soit une taux de 3,6 pour 10 000 personnes de 15 ans et plus.
On décompte ainsi 14 tentatives de suicide pour un décès. La tentative de suicide se traduit plus souvent par
le décès en Bretagne qu’au niveau national.
Source :
Piquet Odile, Tréhony Alain, Suicide et tentative de suicide en Bretagne, ORS
Bretagne, février 2007 (8 pages)
http://www.orsbretagne.fr/99_up99load/2_docupload1/orsbd11239802004.
pdf
15
3. DE LA TENTATIVE DE SUICIDE AU DECES, DONNEES DETAILLEES
Taux de décès par suicide pour 10 000 hab Base 100 la moyenne
Tranche âge Hommes Femmes Ensemble Hommes Femmes Ensemble
15 - 24 1,2 0,3 0,8 57 16 37
25 - 34 2,6 0,8 1,7 121 36 79
35 - 44 3,6 1,1 2,3 166 52 109
45 - 54 3,4 1,5 2,5 159 69 114
55 - 64 3,1 1,4 2,3 145 66 105
65 et + 5,5 1,6 3,2 258 75 149
Total 3,2 1,1 2,2 151 53 100
Tableau tiré de :
Source : Rhizome n°11, avril 2003 « La souffrance est-elle sexuée », Michel
Debout, Thierry FAIC et Françoise FACY
http://unafam38.free.fr/DOCS-TELECHARGER/ORSPERE/Rhizome11.pdf
16
Si les données datent de 1999, elles donnent cependant un cadrage précis de phénomènes clairement sexués
et fortement influencés par l’âge, avec même de forts effets croisés.
Les femmes se caractérisent par un nombre important de tentatives (+70% par rapport aux hommes).
Les hommes connaissent par contre un nombre plus important de décès par suicide, 3 fois plus que chez les
femmes.
Les femmes tentent plus souvent de se suicider, les hommes y parviennent plus souvent.
Dans le même esprit, les moins de 45 ans tentent plus souvent de se suicider, les personnes plus âgées y
parviennent plus souvent.
700 Hommes
600 Femmes
500
400
300
200
100
0
< 15 15-24 25-34 35-44 45-54 55-64 65-74 75 ans
ans ans ans ans ans ans ans et +
Bien que les périodes soient différentes, que les données bretonnes soit en nombre et non pas en taux et que
l’on soit toujours confronté à des difficultés de mesure, on peut émettre deux hypothèses :
• Les tentatives de suicide masculines en Bretagne sont certes moins nombreuses que les tentatives
féminines, mais avec des écarts plus réduits qu’au niveau national. Les hommes bretons tentent plus
souvent de se suicider.
• De même, au-delà de 45 ans, on observerait en Bretagne des taux de tentatives de suicide
sensiblement supérieur à ce qu’ils sont en France Métropolitaine.
Ce résultat sexué s’observe également lors de l’analyse des décès par suicide. Si les taux de décès par suicide
sont supérieurs chez les Bretonnes à ce qu’ils sont chez les Françaises, on note un écart bien plus important
chez les hommes.
Le taux de suicide des hommes est, jusqu’à 69 ans, bien plus important en Bretagne qu’en France
Métropolitaine.
17
Taux de suicide selon le sexe et l'âge, période 2001-2003 (par tranche d’âge quinquennale)
Hommes France métropolitaine
Hommes Bretagne
Femmes France métropolitaine
Femmes Bretagne
100
80
Taux bruts pour 100 000
60
40
20
0
15- 20- 25- 30- 35- 40- 45- 50- 55- 60- 65- 70- 75- 80-
19 24 29 34 39 44 49 54 59 64 69 74 79 84
ans ans ans ans ans ans ans ans ans ans ans ans ans ans
On peut alors faire l’hypothèse que la spécificité bretonne s’explique principalement par une spécificité
masculine de 25 à 74 ans, avec auprès de cette population un niveau sensiblement plus élevé de tentatives de
suicide. Les modes opératoires masculins conduisant plus souvent au décès, il en découle un phénomène de
sur-suicidité masculine, se répercutant sur le taux global homme + femme.
60
Bretagne
50,5
France Métropolitaine
Taux bruts pour 100 000
50
40,2 40
38
40
30,4 32
30
33,7
28,3
20 24,9
14,5 21,8 24,6
10 16,2
8,1
0
15 - 24 25 - 34 35 - 44 45 - 54 55 - 64 65 - 74 75 - 84
ans ans ans ans ans ans ans
18
En reprenant le prisme d’analyse des tentatives de suicide (et non plus les décès par suicide), on observait en
Bretagne (1990) des taux supérieurs en zone urbaine par rapport aux zones rurales, résultats allant quelque
peu à l’encontre du discours habituel.
Taux de tentatives de suicide accueillies en services d’urgence, suivant l’âge dans les villes
bretonnes et sur l’ensemble de la région - 1990
Enfin, en France comme en Bretagne, le taux de décès par suicide serait orienté à la baisse.
70
60
50
40
30
20
10
0
1981 1984 1987 1990 1993 1996 1999 2002
Ces résultats semblent cependant surprenants, tout du moins en ce qui concerne la Bretagne. On a vu
précédemment que le nombre de décès par suicide semblait avoir sensiblement augmenté entre 1990 et
2005, pour partie en raison d’un effet d’amélioration de la collecte des données. La progression de la
population bretonne dans son ensemble ne pourrait à elle seule expliquer la baisse du taux de décès.
19
4 INTERROGATIONS
Ces dernières analyses montrent bien les difficultés des approches épidémiologiques. En entrant dans le
détail des résultats, on est régulièrement confronté à des incohérences, à des évolutions dont on ne peut dire
si elles proviennent d’une amélioration de la collecte des informations ou d’une réelle évolution. Ces
interrogations sont-elles de nature à remettre en cause l’analyse ici développée ?
La mise en œuvre d’actions en Bretagne passe sans doute par une analyse fouillée et objective des spécificités
bretonnes. Pour autant, ce peut être l’objet d’un débat. Faut-il connaitre avec précision pour agir ?
L’analyste néophyte est surpris par le nombre de travaux sur la question, la multiplicité et l’hétérogénéité des
sources (au plan national ou local). Peut-on véritablement tirer des enseignements des chiffres ?
En outre, les analyses fines sur des populations très ciblées (par exemple les femmes de 25 à 34 ans au sein
de la région) reposent sur des « volumes » réduits, donnant des variations peut-être aléatoires (on ne revient
pas ici sur les études basées sur l’analyse de 42 personnes par exemple donnant des résultats en
pourcentage).
La prévention du suicide ne doit-elle pas passer par la prévention des tentatives de suicide et donc par une
compréhension épidémiologique détaillée des suicidants (plutôt que des tentatives de suicide).
L’expérience mise en place en Franche Comté (Observatoire Régional des Tentatives de Suicide en Franche
Comté) semble en la matière exemplaire, intégrant le repérage du nombre de tentatives par suicidant. Une
analyse complète intégrant les modes opératoires et les caractéristiques individuelles des suicidants pourrait
alors éclairer plus objectivement sur les populations à risque et permettre d’optimiser une politique publique.
Mais pour être pleinement opérationnelle du point de vue épidémiologique, une telle expérience ne
mériterait-elle pas de dépasser le cadre de quelques régions pour être étendue au niveau national.
Les mesures épidémiologiques détaillées sur la question du suicide doivent-elles être le fait de la prise de
conscience et du dynamisme de quelques régions ou le relais ne doit-il pas être pris au plan national,
permettant une collecte locale, une analyse nationale et des comparaisons régionales (et infra régionales) ?
20
Odile PIQUET –
Chargée d’études santé publique- épidémiologie, Observatoire régional
de santé de Bretagne
Rétrospective 1986-2007 : les études sur les tentatives de suicide et la mortalité par suicide
Une accumulation d’apports à la connaissance du phénomène suicidaire est visible au cours de cette période :
elle a pour point de départ, en 1986, une approche des actes suicidaires de la part de l’INSERM (Institut
national de la santé et de la recherche médicale) dans le contexte psychosocial des années quatre-vingt. En
Bretagne, un enregistrement des tentatives de suicide est organisé sur l’année 1990, dans les services
d’urgence des hôpitaux. En 1996 débute une série de Conférences régionales de santé : le suicide en Bretagne
est qualifié de priorité de santé publique et des programmes régionaux de santé sur « souffrance psychique
et phénomène suicidaire » sont mis en œuvre. Cependant, en 2001, en France, il n’existe pas de recueil de
données systématique sur les tentatives de suicide, elles ne font l’objet que d’une estimation. Cette estimation
est mise à jour en 2006. En Bretagne, avec la mise en place de 8 Unités médico-psychologiques dont les
équipes médicales sont spécialisées dans la prise en charge des suicidants, une enquête annuelle, sur les
tentatives de suicide, démarre en 2000. Les résultats de cette enquête réalisée dans les UMP de 2000 à 2005,
conduisent à une estimation moyenne annuelle de 11700 tentatives de suicide prises en charge par les
services d’urgence et la psychiatrie de liaison des hôpitaux bretons. Le nombre annuel moyen de décès par
suicide en Bretagne sur les années 2000-2004 est de 863. Le nombre de tentatives de suicide estimé pour la
Bretagne représente donc 13 fois le nombre de décès par suicide.
1986-1991
En France, 1986 est marquée par la publication d’une étude épidémiologique de l’INSERM « Suicide et
tentatives de suicide aujourd’hui ». Des disparités régionales de mortalité par suicide y sont présentées : taux
de suicide supérieurs à la moyenne nationale dans les régions du nord-ouest, en opposition à des taux de
suicide inférieurs dans les régions méridionales et dans la région parisienne. L’approche épidémiologie des
tentatives de suicide, réalisée par l’Unité de recherche INSERM sur les sociopathies, avec le concours
d’équipes hospitalières, fournit des résultats détaillés.
En Bretagne, une étude sur la mortalité par suicide est publiée par l’INSEE en 1986, et par l’Observatoire
Régional de Santé en 1987.
1992-1996
En Bretagne, la première enquête sur les tentatives de suicide, est réalisée en 1990 sur l’année entière, dans
les 26 services d’urgence des hôpitaux généraux bretons. Les résultats sont publiés en avril 1992. Le nombre
de tentatives de suicide enregistrées s’élève à 5996 (dont 3671 femmes). Le taux standardisé est de 33
tentatives de suicide pour 10000 femmes, et de 20 pour 10000 hommes. Les taux sont supérieurs dans les
populations urbaines. Les suicidants sont chômeurs dans une proportion de 2 à 3 fois supérieures selon les
âges (par rapport au pourcentage de chômeurs en population générale). L’utilisation des médicaments est
prépondérante : 8 tentatives sur 10. Plus de la moitié des tentatives sont des récidives. Les taux comparatifs
21
de tentative de suicide sont présentés sur cartes à l’échelon cantonal. Une comparaison des résultats dans les
départements bretons et les villes bretonnes, a pu être établie avec ceux de la publication de l’INSERM : trois
départements de la région Midi-Pyrénées, les villes de Bordeaux et Pontoise. Cette enquête a pu être menée
sur l’année 1990 grâce à la collaboration des équipes des services d’urgence. Le traitement des données et le
rapport ont été effectués par l’ORS Bretagne.
En Bretagne, la première étude cartographique de la mortalité par suicide est publiée en janvier 1993 avec
résultats à l’échelon cantonal (étude réalisée par l’ORS Bretagne).
En Europe, une participation à l’étude multicentrique menée par l’OMS région Europe sur les gestes
suicidaires « Multicentre study on parsuicide », est assurée par Agnès Batt, chercheur INSERM, affectée au
Département de Santé Publique, faculté de médecine, université de Rennes 1.
Davidson F., Philippe A., Suicide et tentatives de suicide aujourd'hui. Etude épidémiologique. Editions
INSERM ; Collection Grandes enquêtes. 1986 (173 pages)
Grignon J.-M. Le suicide en Bretagne. INSEE - Octant N°86, mai 1986 (pages 18-20)
Chaperon J., Tréhony A., La mortalité par suicide en Bretagne, ORS Bretagne, 1987 (32 pages)
Trehony A., Batt A., Depoivre C., Tron-Pasquet I., Les tentatives de suicide en Bretagne, ORS Bretagne,
1992, (53 pages)
Tron-Pasquet I., La mortalité par suicide en Bretagne de 1980 à 1990 : situation dans les départements
bretons par rapport à la France. Etude cartographique à l’échelon cantonal, ORS Bretagne, 1992 (80
pages)
Batt A., Depoivre C., Eudier F., TRON I., Tréhony A. The epidemiology of parasuicide in Brittany, France –
1990. In : Attempted suicide in Europe. Findings from the Multicentre Study on Parasuicide by the WHO
Regional Office for Europe. Chapter XV pages 245-252, 1994
22
1997-2000
En Bretagne, l’année 1996 est marquée par la 1ère Conférence régionale de santé, qui place le suicide parmi les
priorités régionales de santé.
En France, 1997 est l’année de la parution des tableaux de bord des Observatoires régionaux de la santé « La
santé observée dans les régions de France », la cartographie de la mortalité par suicide montre la France
coupée en deux de part et d’autre d’une ligne Bordeaux-Genève, avec une exception en Ile-de-France.
En Ille-et-Vilaine, une enquête auprès des médecins généralistes est menée dans des cantons du nord du
département : étude sur la compréhension du phénomène suicidaire (étude réalisée par INSERM, ICONES,
ORS Bretagne).
En Bretagne, l’ORS recense et analyse les actions de prévention du risque suicidaire, selon leur objectif
principal : service d’écoute téléphonique, lieu d’écoute et d’accueil, actions d’information, formation de
professionnels (c’est le volet Bretagne du bilan PREMUTAM).
5 ORS réalisent les bilans régionaux commandités par PREMUTAM : Epidémiologie des suicides et
tentatives de suicide, prise en charge hospitalière des suicidants, prise en charge par les médecins de ville,
actions de prévention.
Les ORS retiennent le thème du suicide dans leur congrès à Nantes en 2000 et cinq ateliers se déroulent sur
deux journées (La recherche : données récentes ; Soins aux suicidants : état des lieux ; La prévention par les
actions de terrain ; Actions de terrain : premières évaluations ; Prévention du suicide : des pistes pour
l'action).
En Ille-et-Vilaine, en 1998, un guide intitulé « Souffance psychique et phénomène suicidaire » a été distribué
aux professionnels, pour améliorer la prise en charge des personnes à risque. Une évaluation de l’utilisation
de ce guide a été menée un an plus tard.
8 ORS mènent une évaluation d’actions de prévention du suicide : évaluation de guides et répertoires,
d’actions de formation et d’informations, d’actions favorisant le travail interdisciplinaire.
Fédération nationale des Observatoires régionaux de santé (FNORS) La santé observée dans les régions de
France. Synthèse nationale des tableaux de bord régionaux sur la santé. Chapitre 8.5 Les suicides
(8pages).1997
Batt A., Bohec C., Frattini M.-O., Les tentatives de suicide dans la clientèle des médecins généralistes :
enquête dans des cantons du nord de l'Ille-et-Vilaine, ORS Bretagne, 1997 (58 pages)
Bauchet M., Tréhony A., Prévention du risque suicidaire : repérage des actions réalisées en Bretagne, ORS
Bretagne,
mars 1997 (71 pages)
Suicide, dépression : la recherche ; Soins aux suicidants, état des lieux ; La prévention par les actions de
terrain ; Actions de terrain, premières évaluations ; Prévention des suicides, des pistes pour l’action.
Congrès des Observatoires régionaux de santé, 28-29 septembre 2000, Nantes
Tréhony A., Alvestegui G., Souffrance psychique et phénomène suicidaire : évaluation du guide pour les
professionnels en Ille-et-Vilaine - ORS Bretagne, mars 2000 (30 pages)
Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales d’Ille-et-Vilaine, Caisse Primaire d’Assurance
Maladie d’Ille-et-Vilaine, Caisse régionale d’assurance maladie de Bretagne, Union des mutuelles d’Ille-et-
Vilaine, Souffrance psychique et phénomène suicidaire. Un guide pour les professionnels en Ille-et-Vilaine
– 1998
Fédération nationale des Observatoires régionaux de la santé (FNORS), ORS de Bourgogne, Bretagne,
Champagne-Ardenne, Franche Comté, Basse-Normandie, Pays de la Loire, Poitou-Charentes, Rhône-Alpes,
Evaluation de 8 actions de prévention du suicide. Août 2000 (55 pages)
http://www.fnors.org/Fnors/Ors/Travaux/Suicide.pdf
23
2001-2003
En France est donnée une première estimation du nombre de tentatives de suicide donnant lieu à un recours
au système de soins. Cette estimation d’un nombre 160 000 tentatives de suicide vues par an, est effectuée à
partir de trois sources : réseau sentinelles de médecins généralistes, diverses enquêtes menées auprès des
services d’urgence des hôpitaux, PMSI.
En Bretagne, l’évaluation dans le cadre du PRS (Programme régional de santé, Souffrance psychique et
phénomène suicidaire) se fait auprès d’acteurs associatifs et professionnels et auprès des lieux d’écoute en
Bretagne.
En Bretagne, les données de surmortalité par suicide sont précisées par l’étude des décès par suicide selon la
catégorie socioprofessionnelle, dans la population active de 25 à 59 ans : chacune des catégories
socioprofessionnelles présente une surmortalité par rapport à la France, l’écart maximal entre la Bretagne et
la France, se situe dans la catégorie " Ouvriers ", où la survenue des décès par suicide est multipliée par 2,
chez les hommes et chez les femmes.
En Bretagne, des indicateurs de mortalité à l’échelon des pays sont élaborés : carte de la mortalité par suicide
par pays sur le regroupement des années 1994-1998 (hommes, femmes). Les 21 pays bretons sont comparés à
la moyenne régionale.
Des travaux pluridisciplinaires sont menés en Bretagne dans le cadre du programme intitulé « Sursuicidité
en Bretagne, contribution à une explication socioculturelle » La Mutualité Française a lancé une étude sur le
suicide en collaboration avec la DRASS de Bretagne. Le rapport de synthèse est accompagné des 7 annexes
correspondant aux rapports intégraux des équipes qui ont participé à cette recherche
Badeyan G., Parayre C., Mouquet M.-C., Tellier S., Dragos S., Ellenberg E.
Suicides et tentatives de suicide en France, une tentative de cadrage statistique. Etudes et résultats DREES
N°109 avril 2001
http://www.sante.gouv.fr/drees/etude-resultat/er-pdf/er109.pdf
Clappier P., Tréhony A., Evaluation du programme régional de santé "souffrance psychique et phénomène
suicidaire". Enquête auprès d’acteurs associatifs et professionnels. ORS Bretagne, 2001 (33 pages)
http://www.orsbretagne.fr/PDF2003/Eval_PRSsuicide.pdf
Dupuis-Belair N., Subileau B., Préfecture de la région, Direction régionale des affaires sanitaires et sociales.
(DRASS), Les lieux d’accueil et d’écoute, les points santé en Bretagne
http://bretagne.sante.gouv.fr/publications/rapports/2002/oct/eu54.pdf
Observatoire Régional de Santé de Bretagne, Mortalité par suicide selon la catégorie socio-professionnelle
en Bretagne – ORS Bretagne, 2002 (6 pages) http://www.orsbretagne.fr/Fiches2002-
2003/F3mortalitesuicide.htm
Observatoire Régional de Santé de Bretagne, La santé dans les 21 pays de Bretagne. Synthèse. 2003 (50
pages) http://www.orsbretagne.fr/PDF2003/ORSB_synthese_Pays.pdf
24
2004-2007
En Bretagne, en 2004, sont publiées pour la première fois des données sur les tentatives de suicide recensées
dans les 8 Unités médico-psychologiques depuis l’année 2000 (une UMP par secteur sanitaire). Les données
issues des UMP sont présentées dans le cadre des résultats antérieurs d’investigation sur les tentatives de
suicide en Bretagne : l’enquête de 1990, l’enquête Prémutam de 1995, l’enquête sur la santé des jeunes de
2001.Cette enquête dans les UMP est actuellement la seule source d'information sur les tentatives de suicide
prises en charge par les services d’urgence des hôpitaux bretons. Le plus récent rapport annuel de cette
enquête a été publié en novembre 2006 sur les données de l’année 2005.
En France, en 2006, l’estimation du nombre de tentatives de suicide ayant donné lieu à un contact avec le
système de soins (195000 TS en 2002, une même personne pouvant être concernée par plusieurs de ces
tentatives en cas de récidive dans l’année) est mise à jour.
En décembre 2006, en Bretagne, première analyse des données du PMSI (base régionale PMSI 2004)
décrivant les caractéristiques des séjours hospitaliers pour tentatives de suicide. Ce rapport ne fournit que
des données bretonnes (région et départements), il n’y a pas de données françaises de référence.
En février 2007, en Bretagne, une publication de 8 pages de l’ORS Bretagne, fait le point sur l’épidémiologie
du suicide, à partir des données disponibles.
En France, la Fédération nationale des Observatoires régionaux de santé (FNORS), rend compte des
disparités régionales concernant la mortalité par suicide en France. Cette étude permet de signaler que la
Bretagne est particulièrement touchée par la surmortalité par suicide mais les taux de décès par suicide dans
la population bretonne de plus de 65 ans, ne sont pas les plus élevés de France : la Bretagne se situe au 6ème
rang des régions françaises en surmortalité par suicide dans ce groupe d’âge, après Picardie, Poitou-
Charentes, Centre, Pays-de-la-Loire, Limousin.
ORS Bretagne. Tentatives de suicide (pages 54-55) In : La santé de la population en Bretagne. Etat des lieux
préparatoire à la mise en place du plan régional de santé publique. Décembre 2004
http://www.orsbretagne.fr/1_pages/sante04/pdf_sante/ORSB-TSuicide.pdf
Pennognon L., Tréhony A., ORS Bretagne Les tentatives de suicide prises en charge par les Unités Médico
Psychologiques en Bretagne. Résultats de l’enquête pour l’année 2005 Novembre 2006 (30 pages)
http://www.orsbretagne.fr/1_pages/PDF/rapportUMP2005.pdf
Suicides et tentatives de suicide en France Etudes et résultats - Direction de la Recherche, des Etudes, de
l'Evaluation et des Statistiques N° 488 – mai 2006, 8 pages
http://www.sante.gouv.fr/drees/etude-resultat/er488/er488.pdf
Piquet O., Tréhony A., Suicide et tentative de suicide en Bretagne, ORS Bretagne, février 2007 (8 pages)
http://www.orsbretagne.fr/99_up99load/2_docupload1/orsbd11239802004.pdf
Fédération Nationale des Observatoires Régionaux de Santé (FNORS) Le suicide dans les régions françaises
Février 2007 (8 pages) http://www.orsbretagne.fr/99_up99load/2_docupload1/orsbd11239902004.pdf
25
L’état des lieux en Bretagne aujourd’hui
Répartition des tentatives de suicide prises en charge par les UMP en Bretagne en 2004 (dans 6
secteurs sanitaires sur 8)
800
Nombre de TS prises en charge
700 Hommes
600 Femmes
500
400
300
200
100
0
< 15 15-24 25-34 35-44 45-54 55-64 65-74 75 ans
ans ans ans ans ans ans ans et +
Piquet O., Tréhony A., Suicide et tentative de suicide en Bretagne, ORS Bretagne, février 2007 (8 pages)
http://www.orsbretagne.fr/99_up99load/2_docupload1/orsbd11239802004.pdf
26
Les décès par suicide
L’insuffisance des effectifs dans les tranches d’âges extrêmes (5-14 ans : aucun décès en 2004, au-delà de 85
ans : 19 décès), ne permet pas de les présenter dans les taux par âge. L’évolution des effectifs de décès par
suicide des personnes de 85 ans et plus, en Bretagne, apporte deux constats importants :
o de 1994 à 2000, le nombre total dépasse 30 décès chaque année
o depuis 2001, le nombre de décès a diminué, il est de 19 en 2004
Nombre de décès par suicide en Bretagne, concernant les personnes âgées de 85 ans ou plus
1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004
Hommes 10 10 6 10 16 17 10 17 18 23 20 22 28 21 19 26 20 20 14 14
Femmes 5 7 9 9 11 8 16 9 6 19 13 9 8 11 16 12 8 6 4 5
Total 15 17 15 19 27 25 26 26 24 42 33 31 36 32 35 38 28 26 18 19
Source : INSERM CépiDc, Score santé
Taux de suicide selon le sexe et l'âge, période 2001-2003 (par tranche d’âge quinquennale)
Hommes France métropolitaine
Hommes Bretagne
Femmes France métropolitaine
Femmes Bretagne
100
80
Taux bruts pour 100 000
60
40
20
0
15- 20- 25- 30- 35- 40- 45- 50- 55- 60- 65- 70- 75- 80-
19 24 29 34 39 44 49 54 59 64 69 74 79 84
ans ans ans ans ans ans ans ans ans ans ans ans ans ans
27
Les taux de décès par suicide diminuent
L’observation des taux comparatifs de suicide sur deux décennies, de 1981 à 2003, montre une croissance
jusqu’en 1987, suivie d’une diminution de 1988 à 1990, puis d’une période de stabilité sur 1990-93.
Le calcul de l’évolution des taux entre 1993 et 2003, montre une baisse générale, en Bretagne et en
France mais la baisse observée en Bretagne est inférieure à celle observée en France métropolitaine:
- Chez les hommes, le taux est passé de 51 à 43 pour 100 000 habitants en Bretagne (de 33 à 27 en
France)
- Chez les femmes, le taux est passé de 15 à 13 pour 100 000 habitants en Bretagne (de 11 à 9 en
France)
Evolution des taux comparatifs de mortalité par suicide de 1981 à 2003, en Bretagne et en France
Hommes France métropolitaine
hommes Bretagne
Femmes France métropolitaine
Femmes Bretagne
Taux standardisés pour 100 000
70
60
50
40
30
20
10
0
1981 1984 1987 1990 1993 1996 1999 2002
Pour l’ensemble de la population (hommes + femmes) l’évolution des taux par tranche d’âge, entre 1993 et
2003, pointe des disparités. En Bretagne, 3 tranches d’âge bénéficient nettement d’une diminution : 25-34
ans, 15-24 ans, 75-84 ans. La tranche d’âge 65-74 ans connaît une évolution irrégulière.
Dans les tranches d’âge de 35 à 64 ans, l’évolution n’est pas favorable, en particulier pour les personnes de
45-54 ans.
Evolution des taux de décès par suicide, selon la tranche d’âge, en Bretagne (1993-2004)
80 80
15-24 35-44
60 25-34 60 45-54
65-74 55-64
40 75-84 40
20 20
0 0
93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04
Source : INSERM CépiDc Source : INSERM CépiDc
28
Perspectives : quels recueils de données ?
Cette partie intitulée perspectives, est un recensement des sources de données existantes en Bretagne ou
dans d’autres régions à titre d’exemples. Elle comprend, tout d’abord, les recueils de données directement
liées au phénomène suicidaire (les statistiques sur les causes de décès, les hospitalisations pour tentatives de
suicides), mais aussi, d’un point de vue plus large, les structures, services et professionnels aptes à répondre
aux besoins des populations.
Les données pour l’étude de la mortalité par suicide sont disponibles, celles qui concernent la morbidité
(l’acte suicidaire et ses causes, les soins prodigués, le devenir de la personne ayant accompli cet acte) sont
récentes. 1986, année de publication de l’étude épidémiologique de l’INSERM, peut être prise comme point
de départ des travaux de recherche sur les gestes suicidaires.
Ces statistiques des causes médicales de décès permettent de présenter la mortalité par suicide par catégories
sociales : un tableau a été dressé pour la France sur la période 1984-1994 par Nicolas Bourgoin, démographe
à l’INED (Institut national d’études démographiques), sur la population de 20 à 49 ans. L’auteur y analyse
aussi les relations entre chômage et suicide, et la liste des catégories socioprofessionnelles inclut une
catégorie intitulée « inactifs (autres que retraités) » comprenant les chômeurs ayant, ou n’ayant jamais
travaillé, les femmes au foyer, les anciens actifs, les handicapés et les bénéficiaires du RMI.
Bourgoin N., Suicide et activité professionnelle, Population 1999 N°1, pages 73-102 (tableau présenté dans
l’ouvrage de C. Baudelot, R. Establet, Suicide l’envers de notre monde, Editions du Seuil, 2006)
Remarque : le bulletin de décès à propos de l’item concernant la profession, n’est pas spécialement renseigné
avec toute la rigueur nécessaire à l’établissement de la statistique. Les études selon les catégories sociales
sont particulièrement complexes et l’information concernant la profession indiquée au moment du décès, ne
représente pas systématiquement tout le passé professionnel du sujet.
Les Observatoire Régionaux de Santé ont développé avec leur fédération nationale (FNORS) une Base de
données intitulée Score santé (http://www.fnors.org). Une série d’indicateurs sur la mortalité par suicide est
disponible :
o Décès par suicide chez les hommes
o Décès par suicide chez les femmes
o Taux de mortalité par suicide chez les hommes
o Taux de mortalité par suicide chez les femmes
o Taux comparatif de mortalité par suicide
o ICM par suicide
Le recueil de données concernant les tentatives de suicide est récent (par rapport à celui concernant les décès
par suicide), et les données disponibles sont insuffisantes pour décrire précisément le phénomène selon des
séries spatio-temporelles. Les gestes suicidaires orientés vers les établissements de santé peuvent être l’objet
d’un enregistrement spécifique.
A l’échelon national, l’estimation du nombre de tentatives de suicide, en 2002, la plus récente, est réalisée à
partir de 3 sources de données :
o le réseau sentinelles auprès des médecins généralistes,
o l’enquête réalisée par la DREES auprès de 150 services d’urgence des hôpitaux en 2002,
o le Programme de Médicalisation des Systèmes d’Information – PMSI (information exploitée sur 184
établissements de France métropolitaine ayant codé les tentatives de suicides).
Les séjours hospitaliers pour tentatives de suicide en Bretagne (base régionale PMSI)
La première analyse des données sur les tentatives de suicide, de la base régionale PMSI MCO 2004, par
l’ORS Bretagne (décembre 2006) fournit des résultats pour la région et les quatre départements, mais ces
données ne sont pas actuellement comparées à des données françaises de référence. Le PMSI (Programme de
médicalisation des systèmes d’information) est un outil conçu pour la gestion de l’activité hospitalière, utilisé
par défaut, il ne peut remplacer un système d’information pertinent sur l’épidémiologie des gestes
suicidaires, avec des équipes produisant des rapports de recherche. Les statistiques à partir de la base
régionale PMSI portent sur les séjours hospitaliers ayant pour motif « tentative de suicide », selon le sexe,
l’âge, les caractéristiques du séjour hospitalier, la zone géographique (lieu de domicile). Cette base régionale
PMSI est constituée des séjours en soins de courte duré MCO (Médecine générale et spécialités médicales,
spécialités chirurgicales et gynécologie-obstétrique) et n’inclut pas les tentatives de suicide accueillies dans
les services d’urgence, main non suivies d’hospitalisation en MCO. L’issue de ces tentatives de suicide prises
en charge par les services d’urgence est soit, un retour à domicile, soit une hospitalisation directe en
psychiatrie.
30
Hägi M., Crouzet J., Woronoff A. S., Monnet E.,
Mortalité et morbidité suicidaire en Franche Comté. Etude des variations géographiques infra-
régionales. Premiers résultats.
Observatoire hospitalier des tentatives de suicide en Franche-Comté. Septembre 2005 ((46 pages)
Enquête permanente dans les services d’urgences des hôpitaux franc-comtois. Résultats 2003,
évolution 2000-2003
Observatoire hospitalier des tentatives de suicide en Franche-Comté, Observatoire régional de la
santé Franche-Comté (4 pages)
Monnet E., Chatelain F., Jannin V. et le groupe franc-comtois pour l’analyse de la morbidité
hospitalière par tentative de suicide
Les suicidants âgés de moins de 25 ans en Franche-Comté. Six années d’enregistrement : 2000 à
2005. Enquête permanente dans les services d’accueil d’urgences des hôpitaux franc-comtois
Observatoire régional des tentatives de suicide - ORSTS Franche-Comté (4 pages)
Les suicides. Synthèse (Données 2003 de l’Observatoire Régional des tentatives de suicide en
Franche-Comté) présentée par l’ORS de Franche-Comté http://ors-
franchecomte.org/docs/SObs_Suicide_2006.pdf
Les statistiques descriptives, faites à partir de la base de données, comprennent : Incidence hebdomadaire ;
Distances entre domicile et centre de prise en charge ; Part relative des suicidants aux urgences ;
Caractéristiques de la prise en charge des suicidants selon le centre hospitalier ; Age des événements ;
Catégories sociales et professionnelles ; Ressources ; Modes de vie ; Affection psychiatrique contemporaine ;
Evénements antérieurs ; Affections psychiatrique, somatique et addiction ; Provenance et sortie, contact
précédent un événement ; Score de Beck (outil de dépistage de la tentative de suicide) ; Modes de sortie ; Age
et délais de récidive ; Suivi des récurrences.
Les données permettent aussi l’analyse des facteurs de risque, l’analyse des récidives, l’analyse chronologique
du geste suicidaire.
L’objectif du Pôle épidémiologique et social du Suicide en Rhône-Alpes est de mesurer l'incidence de l'acte
suicidaire traité par les urgences hospitalières afin d'établir les caractéristiques de chaque département et
d'évaluer les mesures de prévention et de formation organisées en Rhône-Alpes. Ces actions et les
publications du Centre Régional de Prévention des Conduites à Risques (CRPCS) sont disponibles à l’adresse
suivante : http://www.ersp.org/assoc/cndt/suicide.html
La recherche de dossiers par le mot « suicide » sur le site web de l’Institut national de recherche et sécurité
http://www.inrs.fr/ donne quatre réponses :
o Le stress au travail (2005)
o Travail et agressions. Etat des lieux et prévention des risques (2003)
o Harcèlement moral : généralités (2003)
o La violence au travail dans les pays de l'Union : une réalité à prendre au sérieux (1998)
31
Des travaux sur possible corrélation entre milieu de travail et suicide sont menés et les références suivantes
en témoignent :
Margraff A., Graser M., Manaouil C. Prise en charge du suicide au titre de la réglementation sur les
accidents du travail - Archives des maladies professionnelles et de l’environnement, 2006, N°3, pages
513-520
A l’échelon national, le plan Santé au travail 2005-2009 est à l’origine de la transformation de l’Afsse en
Afsset (Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail) qui a conduit l’agence à une
organisation nouvelle de ses missions, afin de pouvoir fournir une expertise scientifique indépendante sur
l’évaluation des risques en milieu professionnel.
En Bretagne, le Programme Régional de Prévention des risques pour la santé liés à l'environnement général
et au travail de Bretagne – PRSE, est disponible sur : http://bretagne.sante.gouv.fr/pages/1sante/plan-
sante-publique/prse/page-accueil.html
D’un point de vue plus large, une contribution à la prévention des risques pour la santé liés au travail, est
apportée par le rapport du Conseil Economique et Social de Bretagne « Conditions de travail en Bretagne –
décembre 2004» sur saisine du Conseil régional. Ce rapport rend compte d’investigations menées sur deux
thèmes en Bretagne : troubles musculo-squelettiques, stress au travail.
Une caractéristique du territoire breton en matière d’infrastructures concernant la santé de la population, est
l’opposition entre le bord de mer et l’intérieur des terres. A l’exception de l’agglomération de Rennes, la
population est concentrée autour des villes situées sur le littoral. L’implantation des établissements de santé
et des cabinets de spécialistes médicaux est associée à la localisation de ces principales villes. Le littoral et
l’agglomération de Rennes sont, par conséquent mieux desservis. L’offre de soins de proximité (médecins
généralistes, pharmacies, services de soins à domicile pour personnes âgées), constitue un réseau couvrant
néanmoins les zones où la population est moins dense.
Les travaux menés dans le cadre du Schéma Régional d’Organisation Sanitaire (SROS), en Bretagne sont
disponibles sur le site web de l’Agence Régionale de l’Hospitalisation (ARH) :
http://www.arh-bretagne.fr/partenaires/sros3restructure/grandpublic.htm
L’offre de soins est décrite dans des bilans rendant compte de la distribution selon le découpage
géographique des 21 pays, ou des 8 secteurs sanitaires.
L’offre de soins libérale en Bretagne. Données par pays. URCAM Bretagne (Février 2006
http://www.urcam.assurance-
maladie.fr/fileadmin/BRETAGNE/SanteBretagne/Offre/Offre_de_soins_lib_rale_par_pays_bretons.pdf
32
Santé mentale, psychiatrie, prise en charge des suicides, ont fait l’objet d’études et de bilans :
Territoires et santé en Bretagne. Rapport remis à l’ARH, Alain Even, Laurent Tardif (2004)
Voir pages 27-32 Réflexion sur la territorialisation : groupe de travail "Territoires en santé mentale"
http://www.arh-
bretagne.fr/partenaires/sros3restructure/assises/Territoires%20et%20santé%20en%20Bretagne.pdf
Petitjean F., Bilan de la mise en œuvre du SROS 1999-2004. Prise en charge des suicides. Travaux
préparatoires au SROS 3ème génération
http://www.arh-
bretagne.fr/partenaires/psychiatrie%20&%20sante%20mentale/Bilan%20SUICIDE_FP%20Version%20défi
nitive.doc
Etat des lieux de la prise en charge des suicidants dans le département du Morbihan
Recommandations d’actions Etude pour la DDASS et la CPAM du Morbihan
Contacts : Docteur TUAL-DENOEL F., Dr JAFFRE M Février 2003
Responsables de l’étude : Docteur SANNINO N. DONIO V., BONTE J.
http://www.cpam56.fr/PDF/etudsuicid.pdf
Les besoins en psychiatrie et santé mentale peuvent être mesurés, pour vérifier l’adéquation avec l’offre
réelle. Un exemple de cette mesure est illustré par une enquête dans le département de la Mayenne :
Observatoire Régional de la Santé des Pays de Loire. Nantes, Syndicat Inter Hospitalier en santé mentale de
la Mayenne. (S.I.H.) Délais d'attente pour une consultation psychiatrique en Mayenne - 2005. (19 pages)
http://www.sante-pays-de-la-loire.com/fileadmin/telechargements/autres/2006delaipsy53.pdf
L'objectif de cette enquête est de mesurer le délai nécessaire à l'obtention d'un rendez-vous avec : - un psychiatre
libéral, - une consultation en Centre médico-psychologique (CMP), - une consultation au Centre de cure ambulatoire en
alcoologie et toxicomanie (CCAAT), - une consultation au Centre de thérapies familiales en santé mentale. Les
questionnaires ont permis de préciser les délais moyens d'attente pour les nouveaux patients et pour les patients déjà
suivis.
Au cours des deux décennies passées, les études concernant d’une part, les jeunes (15-24 ans) et d’autre part,
les personnes âgées (au-delà de 65 ans ou de 75 ans), ont été plus nombreuses que celles concernant le
groupe d’âge 25- 64 ans.
Des études spécifiques par tranche d’âge décennales (25-34ans, 35-44 ans, 45-54 ans) sont possibles en ce
qui concerne les décès par suicide et les tentatives de suicide.
L’âge adulte évoque la période en activité professionnelle, mais il est indispensable de ne pas écarter des
études, la population sans emploi, au chômage, les personnes isolées ou en situation de précarité.
Conclusion
Une dynamique de prévention du suicide passe par des capacités à synchroniser de nombreux acteurs et
organismes, par des moyens d’assurer un suivi d’indicateurs montrant l’évolution du phénomène suicidaire
selon différentes approches. Les pratiques professionnelles invoquent couramment les facteurs de risque,
l’approche par les facteurs protecteurs argumente d’autres points de vue. C’est ainsi l’existence de conditions
favorables pour maintenir les groupes de population en bon état de santé et en état de bien-être social, qui
peut aussi être observé et décrit.
33
Docteur David TRAVERS-
Chef de clinique assistant Service Hospitalo-Universitaire du Professeur Bruno MILLET-
C.H.U. de RENNES
1- L’équipe psychiatrique :
Au S.A.U., la prise en charge est continue 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. L’équipe infirmière fonctionne en
autonome. L’équipe médicale est renforcée par l’ensemble des psychiatres travaillant au Centre Hospitalier
Guillaume Régnier, l’ensemble assurant les gardes de nuit ainsi que les samedis après-midi, dimanches et
jours fériés.
Globalement, les suicidants (patients ayant fait une tentative de suicide, 1500 par an environ au C.H.U.) sont
vus par un psychiatre :
- systématiquement lorsqu’ils sont hospitalisés au S.A.U.
- en règle générale lorsqu’ils sont hospitalisés dans les services du C.H.U
Le patient rencontre en premier lieu l’infirmier de l’équipe psychiatrique. Celui-ci a un rôle particulier :
- D’accueil du patient (et de sa famille) avec information sur la prise en charge à venir.
- D’évaluation initiale du patient, de son état psychiatrique.
- De point de repère pour le patient (et la famille) au milieu des urgences.
- De prise en charge spécifique psychiatrique (contact, apaisement, protection, communication).
4- L’orientation du patient :
Quel que soit le cas, un soin psychiatrique est proposé au patient. Une sortie s’accompagne donc du
renforcement positif du suivi antérieur, d’une orientation vers une structure ambulatoire en cas d’absence de
suivi antérieur. Le réseau d’aval, qu’il soit hospitalier ou ambulatoire est informé de la décision de sortie, de
sa modalité.
35
Virginie MUNIGLIA-
Texte de cadrage :
Souffrance psychique des jeunes en insertion
Depuis le début des années 1990, les problèmes de santé mentale, et plus particulièrement la souffrance
psychique, ont été soulignés à la fois comme conséquences et comme handicaps majeurs des trajectoires les
plus précaires. Ainsi, la loi de lutte contre les exclusions de 1998 met l’accent sur l’accès des plus démunis
aux dispositifs de santé et insiste, notamment à travers la mise en place des Programmes Régionaux d’Accès
à la Prévention et aux Soins (PRAPS), sur la nécessité d’engager une réflexion sur une meilleure prise en
charge de la souffrance psychique chez les personnes en situation d’exclusion et de précarité. Les enquêtes
relèvent d’ailleurs une « surreprésentation des problématiques psychoaffectives et des troubles mentaux
d’une part et d’autre part de leur gravité »24 parmi cette population.
Sur ce plan, les jeunes semblent faire l’objet de préoccupations spécifiques. Ils apparaissent, à travers les
différents rapports25, comme particulièrement vulnérables en matière de souffrance psychique. Ainsi, selon
Marie Choquet, parmi les problèmes de santé des 10-24 ans, les troubles liés à la santé mentale se révèlent
prévalents26. Les plaintes psychosomatiques (céphalées, douleurs digestives, dorsalgies…), la fatigue et les
perturbations du sommeil sont fréquentes à l’adolescence ; « 13% des garçons et 27% des filles cumulent
plusieurs de ces plaintes ». Les troubles de l’humeur (inquiétude, nervosité, déprime, dépression) sont
également très présents27 et « entre 5% et 7% des jeunes se sentent cliniquement déprimés ». Quant aux
tentatives de suicide et aux idées suicidaires, elles concernent un pourcentage inquiétant des jeunes. En effet,
« dans une population d’adolescents scolarisés, 6,5% (8% des filles, 5% des garçons) ont déjà fait une
tentative de suicide. Parmi les non-scolaires, cette proportion atteint 15% (18% des filles et 12% des
garçons) ».
On peut d’ailleurs noter que, d’après l’enquête CFI-PAQUE28, les jeunes non scolarisés semblent les plus
touchés par les problèmes de santé mentale.
« Un terme qui revient dans presque toutes les études qualitatives concernant les jeunes
en difficulté, est celui de honte, avec tout ce que cela implique de perte d’estime de soi, de
désengagement des relations avec les autres, de désintérêt pour la sphère publique, de
perte d’énergie (« pourquoi me demander ce que je ferai dans un mois, alors que je ne sais
pas ce que je ferai demain et même ce soir »). Il est difficile dans ces conditions de bâtir et
de proposer une stratégie de soins. Pas de projet, donc pas de sens. Cette absence de sens
explique que la souffrance psychique s’exprime davantage par l’angoisse, la dépression,
voire par des violences éruptives que par des valeurs positives, telles que le combat
politique ou la révolte raisonnée »29.
24 Rapport du groupe de travail « Souffrance psychique et exclusion sociale », sous la dir. de Philippe Jean Parquet,
pour le Secrétariat d’Etat à la lutte contre la précarité et l’exclusion, Ministère des Affaires sociales, du travail et de la
solidarité, septembre 2003.
25 Haut Comité de la Santé Publique, Rapport du groupe de travail sur « La souffrance psychique des adolescents et des
ses effets sur la santé, Rennes : éditions E.N.S.P., février 1998, p. 197.
29 Haut Comité de la Santé Publique, La Progression de la précarité en France et ses effets sur la santé, op. cit., p. 197.
36
La santé mentale des jeunes apparaît donc comme une préoccupation importante, particulièrement pour les
jeunes en insertion. L’intérêt pour cette question semble d’ailleurs se manifester dès la fin des années quatre-
vingt au sein de certaines Missions locales30 avant de devenir omniprésente au sein de l’ensemble des
politiques d’insertion sociale, qu’elles concernent les jeunes ou les « exclus », à la fin des années quatre-
vingt-dix.
Depuis une dizaine d’années, la notion de souffrance, souvent qualifiée de psychique, s’est imposée comme
une évidence pour appréhender la situation des personnes victimes de « la nouvelle question sociale » liée
aux mutations de la société salariale et aux formes de précarisation du marché du travail. Ainsi, Le Haut
Comité de la Santé Publique, dans son rapport de 1998, estime que :
« La souffrance psychique est actuellement, dans le domaine de la santé, le symptôme
majeur de la précarité31 et que son ampleur ne peut être ignorée dans la mise en place de
dispositifs de prise en charge médico-sociale »32.
La souffrance psychique désigne donc une manière particulière de « souffrir par le social, d’être affecté dans
son être psychique par son être en société »33. Cette notion accrédite ainsi une lecture particulière de la
précarité et l’exclusion qu’il serait sans doute nécessaire d’éclairer à travers une précision des contours de la
définition de la souffrance psychique et des enjeux qu’elle soulève comme mode de qualification des
problèmes sociaux.
Ce sont d’abord les intervenants, travailleurs sociaux dans les quartiers, animateurs locaux
d’insertion, conseillers de Missions locales, enseignants dans les zones d’éducation prioritaire, qui, mis en
difficulté sur le terrain dans leurs missions d’insertion, font remonter la plainte au début des années quatre-
vingt-dix. Ils font part de problèmes ou de difficultés psychologiques chez certains usagers, qu’ils définissent
essentiellement comme des freins à l’insertion et qui « grippent le fonctionnement normal des dispositifs
sociaux »34. Face à la récurrence des échecs dans certains parcours d’insertion, que ce soit au niveau du
travail, du logement ou de la vie sociale, les intervenants s’interrogent sur la possibilité même d’établir une
relation d’aide. Ces troubles semblent atteindre le psychisme des individus sans toutefois relever de la
maladie mentale. On parle ainsi de « mal-être », de souffrance « sociale », « psychosociale »,
« psychologique » pour tenter de qualifier un problème pour lequel les catégories habituelles cessent d’être
opératoires et les savoirs et les savoir-faire se révèlent impuissants.
Ce désarroi des professionnels de terrain va trouver un écho dans l’espace public grâce à la diffusion
du Rapport Strohl-Lazarus35 en 1995, rapport qui va devenir le document de référence pour les décideurs
chargés de produire des politiques nouvelles et pour les professionnels chargés de les mettre en œuvre. Dans
texte, la souffrance psychique marque, d’ailleurs, d’abord l’affect des professionnels confrontés à la grande
misère des victimes de la crise avant de désigner l’affect des victimes elles-mêmes. Didier Fassin parle ainsi
d’un « affect contagieux » qui toucherait à la fois « la victime de l’inégalité, de la violence, de la
discrimination, de la précarisation », « le témoin, soit qu’il assiste à la souffrance, soit qu’il assiste la
personne souffrante », mais aussi « celui qui commet la violence ou exerce la domination », le jeune agressif
étant lui-même considéré comme victime de l’ordre social36.
Outre cette hésitation sur la désignation du sujet de la souffrance, le rapport fait part de la difficulté à définir
l’origine de cette souffrance qui constitue un problème large et diffus. En effet, il est impossible d’établir une
relation de causalité directe et univoque entre condition de vie et santé mentale. La distinction entre des
facteurs de souffrance liés à « une condition sociale (pauvreté, insécurité, dévalorisation statutaire) » et des
30 M.-C. FREIRE, La Santé et l’insertion des jeunes, contribution des missions locales, Ministère de l’emploi et de la
solidarité, Délégation interministérielle à l’insertion des jeunes, 2001, p. 74.
31 Le Haut comité de la santé publique retient comme définition de la précarité « un processus de fragilisation conduisant
à une plus grande vulnérabilité devant un certain nombre de handicaps sociaux, coûteux pour l’individu et susceptibles
d’entraîner un glissement vers des situations plus durables et plus dramatiques, proches de la grande pauvreté et de
l’exclusion ». (La Progression de la précarité en France et ses effets sur la santé, op. cit., p. 37).
32 Ibid, p. 10.
33 D. FASSIN, Des Maux indicibles, sociologie des lieux d’écoute, Paris : La Découverte (coll. « Alternatives sociales »),
2004, p. 9.
34 A. LAZARUS, H. STROHL, Pauvreté, précarité et pathologies mentales. Une souffrance que l’on ne peut plus cacher,
Rapport du groupe de travail « Ville, santé mentale, précarité et exclusion sociale », Délégation interministérielle à la
Ville et au développement social urbain, Délégation interministérielle au R.M.I., février 1995, p. 12.
35 A. LAZARUS, H. STROHL, op. cit.
36 D. FASSIN, Des Maux indicibles, sociologie des lieux d’écoute, op. cit., p. 64.
37
facteurs qui relèveraient d’une « condition subjective (en rapport avec une transition générationnelle, une
rupture biographique, des difficultés existentielles) » ou de fragilités pathologiques latentes37, s’avère
périlleuse.
Le rapport tente donc d’échapper à une vision strictement déterministe qui se contenterait d’affirmer que la
précarité sociale induit une souffrance psychique. Ainsi, si les troubles présentés par les personnes en
difficulté sociale n’entrent pas dans les catégories de la nosographie psychiatrique traditionnelle, elles ne
peuvent pas non plus être rattachées aux seules conditions sociales. En fait, la souffrance psychosociale est
surtout définie par des symptômes : la honte, la perte d’estime de soi, le désinvestissement de la relation à
l’autre, la perte d’énergie, l’échec récurrent, la dénégation, l’absence de liens sociaux, l’agressivité…
« [La souffrance psychique] a un pied dans le symptôme mais elle génère des contours
élastiques qui, débordant le symptôme, viennent redéfinir de manière plus exigeante ce
qu’on entend par santé mentale. De même, on ne sait pas très bien jusqu’à quel point
cette souffrance psychique croît et jusqu’à quel point ce qui s’étend n’est pas aussi la
légitimité de son langage à dire l’éventail de toutes les formes de souffrance, toutes ces
souffrances que portent les inégalités structurelles ou les nouvelles formes d’exclusion,
par exemple »38.
La souffrance psychique reste donc une notion aux contours flous et c’est cette ambiguïté même qui révèle
son caractère problématique à la fois dans la pratique des intervenants de terrain mais aussi dans la
définition des politiques qui sont censées la prendre en compte.
Sur le plan sanitaire, cette conception implique une recomposition de la psychiatrie ; elle s’inscrit dans une
perspective de santé mentale, que l’on pourrait opposer schématiquement à une perspective
psychopathologique, qui tente de faire le pont entre psychiatrie et santé publique. A l’opposé du modèle
curatif, modèle de la « réparation », de la psychiatrie classique, qui repose sur le traitement des pathologies
mentales fondé sur la relation patient - soignant, l’approche de santé mentale s’intéresse aux personnes en
bonne santé mais ayant des problèmes ; elle vise le bien-être et déplace son intervention hors des murs de
l’institution psychiatrique. Elle concerne donc un spectre de problèmes extrêmement large :
« A un extrême, elle désigne les psychoses adultes et infantiles, à un autre, le
développement personnel (« la thérapie pour les normaux ») ou ce que la psychiatrie
appelle la « santé mentale positive » »40.
D’autre part, cette approche des difficultés sociales en termes de souffrance psychique implique également
une recomposition de l’action sociale à travers la promotion d’une approche psychologique au sein des
dispositifs sociaux, auprès du public mais aussi auprès des intervenants.
37 Ibid., p. 64.
38 A. LOVELL, Travaux préparatoires à l’élaboration du Plan Violence et Santé en application de la loi relative à la
politique de santé publique du 9 août 2004, Commission « Violence et santé mentale », Mars 2005, p. 5.
39 A. LAZARUS, H. STROHL, op. cit., p. 17.
40 A. EHRENBERG, « Remarques pour éclaircir le concept de santé mentale », Revue française des affaires sociales,
n° 1, 2004, p. 85.
38
Prise en charge de la souffrance des jeunes : quels principes pour l’action publique ?
L’institutionnalisation de la souffrance psychique des jeunes comme problème public trouve sa première
traduction à travers l’élaboration d’une politique nationale de l’écoute qui s’appuie sur deux circulaires. La
circulaire Barrot41, datée du 14 juin 1996 et rédigée par le ministère du Travail et des Affaires sociales,
concerne les « points d’accueil pour les jeunes âgés de 10 à 25 ans » (PAJ) et vise à « répondre au mal-être
des adolescents ». La circulaire Gaudin42, datée du 10 avril 1997 est le fait du ministère de l’Aménagement du
territoire, de la Ville et de l’Intégration. Elle porte sur les « points écoute pour les jeunes et/ou parents »
(PEJ) et cherche à « répondre au besoin de pouvoir exprimer les problèmes ressentis ». La circulaire du 12
mars 200243, qui vise à assurer la mise en place d’un « réseau unifié des points d’accueil et d’écoute jeunes »
(PAEJ), vient abroger les deux textes précédents, tout en conservant les principes. L’objectif réside dans la
« prévention des conduites à risque des jeunes, qu’il s’agisse du risque de désocialisation ou de risque pour la
santé » ; les méthodes valorisées sont « l’accueil, l’écoute, l’orientation et l’accompagnement parental ou la
médiation parents enfants ».
S’il semble bien que le Rapport Strohl-Lazarus ait servi de référence pour la rédaction de ces circulaires, on
peut souligner le décentrement quant à ses préoccupations, au moment de la traduction de ses propos dans le
registre de l’action publique. En effet, alors que le texte sur la souffrance mettait en avant le mal-être des
intervenants, et donc les difficultés du travail social aujourd’hui, dans les circulaires sur l’écoute, il n’en est
plus fait mention. Ce sont les affects des jeunes, et éventuellement leurs répercussions sur la sphère familiale,
qui constituent le point d’ancrage de l’intervention publique. Ce déplacement des préoccupations conduit
également à un déplacement de la logique politique à l’œuvre ; c’est la perception des problèmes des jeunes
sur un mode individualisé qui prédomine. Leurs difficultés apparaissent moins liées aux conséquences des
dérégulations socio-économiques qu’à une nature particulièrement vulnérable liée à la période de
l’adolescence. Le registre d’interprétation de la souffrance des jeunes est essentiellement psychologique. La
circulaire Barrot fait ainsi état des « difficultés relationnelles, conflits familiaux, fugues, mal de vivre, échec
scolaire, conduites dépendantes » qui constituent « des symptômes qui appellent une réponse précoce à
travers un travail d’écoute et de médiation ». La circulaire de 2002 souligne que les familles doivent être
« soutenues dans leur fonction éducative » mais nulle part il n’est fait mention des questions d’insertion
professionnelle ou d’accès à l’indépendance et au statut d’adulte.
Didier Fassin44 analyse ainsi la réponse qu’offre la société, en écoutant la souffrance des victimes des
inégalités qu’elle produit, comme relevant d’un souci de compassion, la formulation des problèmes sociaux
en terme de souffrance psychique impliquant que les faits et gestes des usagers soient relus en terme affectif
plutôt que comme le résultat de la dérégulation socio-économique. Il y voit également un souci de
pacification, les questions d’ordre public étant au fondement des circulaires :
« La focalisation sur les jeunes en situation de marginalité ou de marginalisation,
fugueurs ou toxicomanes, indique clairement un souci de contrôle social et d’ordre
public »45.
En effet, ce qui semble inquiéter les pouvoirs publics apparaît au sein de la circulaire de 2002 ; les
manifestations du mal-être des jeunes y sont qualifiées ainsi :
« Attitudes de repli sur soi, actes de violence sur soi ou sur les autres, conduites à risques,
actes de délinquance de plus en plus précoces et graves, décrochages scolaires et ruptures
familiales, errance et précarité ».
41 Circulaire n°96/378 du 14 juin 1996 relative à la mise en place de points d’accueil pour les jeunes âgés de 10 à 25 ans,
ministère du Travail et des Affaires sociales et secrétariat d’Etat chargé de l’Action humanitaire.
42 Circulaire DAS/DSF1 n°97/280 du 10 avril 1997 relative à la mise en place de points écoute pour les jeunes et/ou
d’accueil et d’écoute jeunes, Direction générale de l’action sociale, Sous-direction des politiques d’insertion et de lutte
contre les exclusions, Direction générale de la santé et Sous-direction de la santé et de la société. Cf. Annexes.
44 D. FASSIN, Des Maux indicibles, sociologie des lieux d’écoute, op. cit.
45 Ibid., p. 38.
39
C’est bien ici le souci de la jeunesse dangereuse et en danger qui justifie l’action publique mais dans un souci
de réduction des risques plutôt que d’égalité sociale. Ces interventions s’inscrivent dans la continuité des
politiques d’insertion, cependant, l’insertion sociale est désormais déconnectée de l’insertion professionnelle.
Il n’est pas non plus question de proposer une prise en charge psychologique ou psychiatrique puisque ces
structures doivent démédicaliser et déprofessionnaliser leur présentation. Il ne s’agit donc ni de soigner, ni
de trouver un emploi mais plutôt de garantir un minimum de liens avec la société. Les PAEJ ont ainsi
« vocation à accueillir notamment les jeunes qui adoptent une attitude de rejet ou de retrait »46.
Cette façon d’aborder la question sociale, en étant attentif au mal-être des personnes, en difficulté n’est pas
inédite ; l’écoute n’est pas une compétence nouvelle des professionnels du social. Ce qui constitue une
évolution, cependant, dans la conception de l’action publique réside dans l’institutionnalisation de ces
tendances au sein de ces circulaires. Selon Didier Fassin, la traduction des inégalités sociales dans le lexique
de la souffrance et le choix d’y répondre par l’institution de lieux d’écoute ont de fortes répercussions quant
au modèle de régulation politique :
« En se situant du point de vue des individus, le processus de psychologisation à l’œuvre,
en particulier en ce qu’il rabat le social sur la psyché, leur impose une manière de se
présenter devant les autres dans un double registre pathétique et individuel : d’une part
les affects liés au malheur sont mis en avant ; d’autre part, les discours sont constitués sur
le mode biographique. Il n’y a guère d’espace pour dire la violence des interactions dans
lesquelles on se trouve pris (à l’école, dans son travail, avec la police, etc.) ou l’injustice
des situations auxquelles on est confronté (en tant que jeune de milieu pauvre ou
d’origine étrangère, en tant que demandeur d’emploi, etc.). Il n’y a pas beaucoup de place
non plus pour des solutions d’ordre général (mettant précisément en cause l’ordre des
choses), mais seulement pour des explications particulières renvoyant à des histoires
singulières et à une capacité personnelle à faire face »47.
On est ici bien loin des préoccupations et des préconisations dont le groupe de travail « Ville, santé mentale,
précarité et exclusion sociale » avait fait part au sein du rapport Une souffrance qu’on ne peut plus cacher.
La dimension proprement sociale de la souffrance y était fortement soulignée ainsi que la nécessité de ne pas
substituer un traitement psychologique à un traitement politique global de ces questions ; l’accent était mis
sur les difficultés rencontrées par les intervenants sociaux dans le cadre de la relation d’aide en l’absence de
perspective d’emploi pour une partie de la population particulièrement fragilisée par les dérégulations socio-
économiques.
La conception de la souffrance psychique des jeunes au sein des programmes régionaux d’accès à la
prévention et au soin
La souffrance psychique en rapport avec la précarité a également été identifiée comme un problème
prioritaire au sein des Programmes Régionaux d’Accès à la Prévention et aux Soins (PRAPS)48, qui visent à
améliorer l’accès des populations en situation précaire aux dispositifs de prévention et de soins, en faisant
reculer les inégalités en matière de santé. En effet, la question de la souffrance psychique, se situant à cheval
entre le médical et le social correspond parfaitement au champ de compétence de ces programmes. Cette
préoccupation généralisée a d’ailleurs conduit à la rédaction d’une circulaire d’orientation relative aux
actions conduites dans le champ de la santé mentale dans le cadre des PRAPS49. Ce texte propose une
formulation institutionnelle de réflexions conduites dans le cadre des différents PRAPS et émanant
directement des professionnels de terrain. Il s’agit donc d’une synthèse des différentes expériences, attentes
et besoins locaux face à la vulnérabilité nouvelle d’une partie du public. Ici, ce sont les personnes en situation
de précarité qui constituent la principale cible. Les jeunes sont bien sûr particulièrement concernés et
semblent toujours constituer un public spécifique mais la référence à leur situation sociale est ici explicite.
Les interrogations formulées à propos de la prise en charge de la souffrance psychique s’organisent autour de
trois axes principaux :
46 Circulaire DGS-DGAS n°2002/145 du 12 mars 2002 relative à la mise en oeuvre d'un dispositif unifié des points
d'accueil et d'écoute jeunes.
47 D. FASSIN, Des Maux indicibles, sociologie des lieux d’écoute, op. cit., p. 185.
48 Institués par le volet santé (article 71) de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les
exclusions.
49 Circulaire DGS/6C/DHOS/O2/DGAS/DIV n° 2001/393 du 2 août 2001 d’orientation relative aux actions de santé
conduites dans le cadre des programmes régionaux d’accès à la prévention et aux soins (PRAPS) dans le champ de la
santé mentale. Cf. Annexe.
40
Tout d’abord, l’action directe auprès des publics démunis doit permettre d’offrir aux personnes en situation
de précarité, voire d’exclusion sociale, une opportunité d’écoute, de soutien psychologique, de prévention et
d’accès au soin ; l’objectif n’étant pas de faire du soin sur les lieux de prise en charge sociale mais d’assurer
un relais vers la psychiatrie ou la psychologie. Ce type de dispositif passe souvent par :
« la présence d’un professionnel de la psychiatrie ou d’une équipe pluridisciplinaire) dans
les lieux de vie et de passage de ces populations (centres sociaux, missions locales, foyers
de jeunes travailleurs, centres d’hébergement et de réinsertion sociale…) ou dans les lieux
« banalisés » où sont intégrées les fonctions d’accueil, d’écoute et de soins afin d’animer
un dispositif d’écoute et d’expression de la souffrance et apporter aux personnes en
grande précarité ainsi qu’à leurs aidants, un soutien individuel ou collectif »50.
Le soutien aux intervenants, en contact avec ces publics, constitue également une préoccupation centrale ; les
attentes touchent à la nécessité d’une qualification accrue des acteurs de première ligne leur permettant
d’identifier les problèmes rencontrés par les personnes en situation de précarité, de décoder et d’analyser les
demandes, d’assurer les premiers stades d’écoute et de soutien pré-thérapeutique ainsi qu’un
accompagnement adéquat vers le dispositif de soin lorsque c’est nécessaire. A cet égard, les PRAPS peuvent
soutenir des actions « de formation des professionnels », « de supervision, d’analyse des pratiques
institutionnelles et d’appui technique des professionnels sociaux dans leur pratique quotidienne (aider au
dépistage d’un trouble psychique, orienter) » ainsi que « des démarches multi-partenariales,
pluridisciplinaires, d’identification des possibilités mutuelles et des limites de chacun »51.
Enfin, l’axe d’intervention principal, qui sous-tend les deux premiers, concerne la possibilité de dépasser les
clivages entre la psychiatrie et le social. Il s’agit, en fait, de favoriser la coopération entre les équipes de
psychiatrie et les travailleurs sociaux afin de mieux repérer la souffrance psychique et les troubles de la santé
mentale et d’améliorer la cohérence des prises en charge sociale et sanitaire du public concerné :
Contrairement aux circulaires sur l’écoute des jeunes, les grands axes d’intervention qui se dégagent des
PRAPS s’apparentent donc clairement aux préoccupations formulées dans le Rapport Strohl-Lazarus. Dans
les deux cas, en effet, le rapprochement entre les acteurs du secteur social et ceux de la santé mentale,
l’atténuation des frontières entre ces secteurs, paraissent primordiaux ; la transversalité des initiatives est
50 Circulaire DGS/6C/DHOS/O2/DGAS/DIV n° 2001/393 du 2 août 2001 d’orientation relative aux actions de santé
conduites dans le cadre des programmes régionaux d’accès à la prévention et aux soins (PRAPS) dans le champ de la
santé mentale.
51 Ibid.
52 Circulaire DGS/6C/DHOS/O2/DGAS/DIV n° 2001/393 du 2 août 2001.
41
valorisée. D’autre part, l’intérêt porté au soutien des professionnels de terrain met l’accent sur les
questionnements quant à l’évolution de la relation d’aide :
On observe même une certaine méfiance vis-à-vis des dispositifs d’écoute en direction des usagers du social ;
le risque d’une psychiatrisation du social n’est pas négligé. Ainsi, les dernières orientations des PRAPS
semblent privilégier les dispositifs offrant un appui aux professionnels, permettant un renforcement des
compétences des travailleurs sociaux à répondre aux problématiques de la souffrance psychique, afin de
prévenir un risque de médicalisation excessive des problèmes de précarité et d’exclusion54. De même, le
rapport sur la souffrance précise bien que la fonction d’écoute doit être offerte comme « aide supplémentaire
à des usagers en difficultés particulières, qu’elle ne doit pas être un préalable à l’offre d’insertion, qu’elle ne
doit pas s’y substituer »55.
53 « Prise en charge de la souffrance psychique et des troubles de la santé mentale dans les situations de précarité et
d’exclusion », document de synthèse du groupe de travail ministériel, DGS - Bureau de la santé mentale (DGS/6C),
décembre 2001, annexe 6 de la Circulaire DGS/SD6D n° 2002/100 du 19 février 2002 relative à l’élaboration des PRAPS
de deuxième génération. Cf. Annexes.
54 Cf. V. MUNIGLIA, Souffrance psychique, précarité, exclusion, comment faire ? Analyse des modalités et dispositifs de
prise en charge de la souffrance psychique et des troubles de la santé mentale dans les situations de précarité et
d’exclusion en Bretagne : enseignements, recommandations, aide à la décision, DRASS Bretagne, novembre 2004, 29 p.
55 A. LAZARUS, H. STROHL, op. cit., p. 45.
42
Ce que les jeunes en disent
Des entretiens menés auprès de jeunes fréquentant les Missions locales, portant sur leur itinéraire
d’insertion et la façon dont ils l’avaient vécu, nous permettent de souligner quelques sentiments récurrents
par rapport à leur expérience d’insertion56.
On peut tout d’abord relever que les logiques institutionnelles peuvent elles-mêmes être source de souffrance
pour les jeunes en insertion. Les usagers ont ainsi fait part, à plusieurs reprises, des problèmes liés à une
forme de parcellisation de leurs problèmes et de leur accompagnement. Ce phénomène semble
particulièrement mal vécu ; ils ont l’impression d’être promenés d’un intervenant à l’autre, d’une structure à
l’autre sans qu’il y ait de cohérence entre ce que peuvent proposer les uns et les autres.
D’autre part, la multiplication des mesures conduit à une forme de complexité considérable et les jeunes ne
parviennent plus à décoder les objectifs de chaque prestation. Les logiques de dispositifs, la rigidité des règles
administratives, la nécessité de devoir répondre à des critères stricts pour pouvoir bénéficier des différentes
aides et outils existants, suscitent, elles aussi, l’incompréhension du public, qui les interprète comme une
impuissance des professionnels à maîtriser la relation d’aide ou comme une forme d’indifférence à leurs
difficultés ou bien encore comme une preuve de mauvaise volonté, voire de défiance à leur égard.
Il faut également noter que les jeunes rencontrés faisaient une distinction claire entre leurs attentes quant à
une prise en compte de leurs problèmes matériels et un travail avec un spécialiste en santé mentale. En effet,
s’ils pouvaient être favorables, voire demandeurs, quant à une prise en considération de la dimension
psychique de leurs difficultés dans leur parcours d’insertion, ils s’adressaient, cependant, à la Mission locale
avant tout pour être aidés par rapport à des problèmes concrets.
Conclusion
On peut donc dire que le traitement des difficultés psychiques des individus ne peut en rien pallier les
problèmes propres au public de la Mission locale, ceux de l’insertion professionnelle. Les difficultés des
jeunes résident, en effet, notamment dans la précarisation de leurs parcours d’insertion professionnelle qui
les ont rendus fortement dépendant de la solidarité familiale puisqu’ils ne bénéficient que très faiblement de
la solidarité publique : ils n’ont pas accès au R.M.I. avant vingt-cinq ans s’ils n’ont pas d’enfant. à charge et
remplissent difficilement les critères nécessaires à l’indemnisation chômage puisqu’ils occupent souvent des
formes d’emploi atypiques et de courte durée. On peut alors se demander si le développement d’outils tels
que l’analyse de la pratique ne contribue pas à alimenter une lecture psychologique des difficultés des
personnes, occultant par là même des lectures sociales attentives aux effets de structures socio-économiques
ou politiques.
56V. MUNIGLIA, Souffrance psychique et insertion des jeunes : formulation d’un problème public et recomposition des
logiques d’action des professionnels de la Mission locale, mémoire présenté pour le Master 2 « Action et espaces publics
en Europe », sous la direction de Patricia Loncle, IEP de Rennes, 2005.
43
REPERES BIBLIOGRAPHIQUES
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prospective »), 1994, 347 p.
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Souffrance psychique et exclusion sociale, sous la dir. de Philippe Jean Parquet, pour le Secrétariat d’Etat à
la lutte contre la précarité et l’exclusion, Rapport pour le Ministère des Affaires sociales, du travail et de la
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Travaux préparatoires à l’élaboration du Plan Violence et Santé en application de la loi relative à la
politique de santé publique du 9 août 2004, Commission « Violence et santé mentale », Mars 2005, 79 p.
44
Franck SANSELME -
Chercheur associé au CESDIP
Franck Sanselme propose une synthèse des données épidémiologiques mettant en lumière
l’importance du phénomène suicidaire chez les jeunes Bretons.
La surmortalité (aussi bien masculine que féminine) par suicide en Bretagne chez les 15-24 ans devance
largement, avec 13,8 décès par suicide pour 100 000 jeunes, le taux national qui est de 8. Il souligne
également que la Bretagne devance nettement ses régions limitrophes (Basse Normandie et Pays de la Loire)
quant au taux de mortalité par suicides.
Les tentatives de suicide des jeunes âgés de 10 à 24 ans, soit un taux de 39,4 pour 10 000 habitants, arrivent
(selon les chiffres de 1990) pour la Bretagne en deuxième position, derrière le taux de 45,5 des 25-35 ans.
Rapportées au type d’établissement scolaire fréquenté, les tentatives de suicide chez les jeunes bretons sont
supérieures chez les élèves inscrits dans les lycées agricoles et professionnels ; ces résultats sont à rapprocher
des taux élevés mesurés au sein de deux CSP : ouvriers et agriculteurs.
Le sursuicide des jeunes bretons est historiquement daté. Le phénomène prend de l’amplitude à partir des
années 70. Les statistiques enregistrent pour les 15-24 ans un doublement (pour les femmes) et un
triplement (pour les hommes) des taux de suicide entre 1925 et 1982.
9% des jeunes interrogés déclarent avoir fait au moins une tentative de suicide au cours de leur vie. Une
proportion en augmentation au regard du résultat de l’enquête INSERM de 1993 (6,5%) et de celui de
l’enquête des Côtes-d’Armor de 1994 (7%). Dans la tranche d’âge des 14-15 ans, les tentatives de suicides sont
proportionnellement plus nombreuses chez les filles. Parmi les 2% de jeunes ayant fait plusieurs tentatives de
suicide, près de la moitié déclarent que personne ne s’en est rendu compte et seulement 1 sur 5 a été ou est
pris en charge par un médecin et un psychologue. L’invisibilité sociale et la faible prise en charge médicale du
phénomène sont ici frappantes.
Parmi les facteurs transgénérationnels recensés par Franck Sanselme, la surconsommation d’alcool chez les
jeunes multiplie le risque de crise suicidaire, ceci d’autant plus que ces adolescents auraient été confrontés à
des situations de maltraitance. A cela s’ajoutent d’autres facteurs aggravants comme l’atavisme (plutôt
féminin) familial dépressif, la vie familiale difficile, la pauvreté et la fragilité du lien social, une estime de soi
négative, un attachement fort à la mère et à la famille maternelle (« matricentrisme » ou matriarcat), le fond
dépressif, le deuil pathologique, la prégnance et la fragilité de l’identité régionale collective. Tous ces facteurs
sont ramenés à trois formes de violence au cœur du processus suicidaire : choc traumatique, rupture des
liens sociaux, conflits identitaires.
D’autres approches mettent plutôt en évidence la particularité du suicide des jeunes en insistant sur le
rapport spécifique qu’ils entretiennent à la vie et à la mort. Le suicide est ainsi compris comme une forme de
protestation contre la vie, contre la banalité du quotidien, contre les frustrations qu’il induit et l’effet déceptif
qu’il provoque. Ce serait ainsi la difficulté à accepter le décalage entre une vie rêvée, une vie idéale, absolue et
une vie réelle qui serait à l’origine des tendances dépressives observées chez les jeunes et du risque suicidaire
qui leurs est associé. En ce sens, le suicide s’affirmerait comme une forme dramatique de rébellion qui ne
parviendrait pas à s’exprimer dans des formes plus ritualisées (pratiques à risque, pratiques festives,
engagement, subculture…).
45
Face à ce phénomène, l’académie de Rennes a engagé une démarche de sensibilisation auprès
des établissements. Une plaquette d’information a notamment été réalisée. Elle met en
perspective le phénomène notamment sous l’angle épidémiologique et offre un premier
niveau d’information sur le repérage des situations à risque et sur les conduites à
adopter. Des formations collectives en milieu scolaire ont également été initiées à la fois pour
sensibiliser les équipes éducatives et pour améliorer la prévention du risque suicidaire en
instaurant des dispositifs d’alerte. Ces formations ont visiblement donné de bons résultats
mais ont été abandonnées en 2005. Dans la continuité des démarches engagées, la
problématique du suicide a été reprise dans un certain nombre de projets d’établissement,
affirmant ainsi le rôle de l’école en matière de prévention. Pour compléter le dispositif des
commissions de suivi associant infirmier scolaire, CPE, médecin et assistante sociale ont été
instaurées. Il s’agit de lieu de réflexion et de mise en commun des observations dont l’objectif
est d’agir lorsqu’une situation de risque est repérée (notamment en rencontrant ou en
alertant les familles).
Enfin, un certain nombre de démarches ciblent directement les élèves en abordant les questions de
prévention dans un registre beaucoup plus large. Il s’agit d’instaurer un dialogue avec les élèves sur les
notions de bonheur à l’école, d’estime de soi en dehors de la réussite scolaire, d’initiative, de valorisation des
élèves. Cette approche permet dans un second temps d’aborder plus directement la question du suicide avec
les élèves.
46
Virginie MUNIGLIA
Texte de cadrage :
Suicide – souffrance – milieux professionnels
(à partir d’un travail effectué pour le Comité technique régional du Programme régional de santé
« Prévenir le suicide en Bretagne » 2004-2008 - DRASS de Bretagne)
Il semble tout d’abord important de souligner que les tentatives de suicide et les suicides aboutis, sur
les lieux de travail, semblent augmenter en fréquence58. D’après les quelques cas qui ont pu faire l’objet d’une
investigation clinique approfondie, il apparaît que ces conduites suicidaires se situent dans l’enchaînement :
« injustice, absence de réaction de solidarité de la collectivité de travail, réaction violente qui s’achève par un
retournement de la violence contre sa propre personne »59. Si, étant donné le faible nombre d’investigations
cliniques exhaustives publiées à ce jour, il est difficile d’établir comme une vérité scientifique le fait de tenir
toutes les tentatives de suicide et tous les suicides sur les lieux de travail pour des conséquences de rapports
sociaux au travail,
« L’acte suicidaire commis sur le lieu de travail est de toute évidence un message adressé
à la collectivité de travail. Le suicide doit être tenu a priori pour un équivalent de la
violence comme conséquence des rapports sociaux de travail, jusqu’à ce que la preuve
d’une autre étio-pathogénie puisse y être opposée de façon argumentée et crédible »60.
De plus, l’incidence de ces évènements sur la dégradation des rapports sociaux au travail est loin
d’être négligeable puisque, « dans plusieurs cas rapportés, un suicide est, peu de temps plus tard, suivi par un
puis par deux autres suicides, qui reproduisent presque à l’identique les données du premier drame de la
série »61.
Mais la question de la prévention du suicide en lien avec le milieu professionnel ne concerne-t-elle
que les suicides sur les lieux de travail ? Dans la plupart des cas, en effet, il semble impossible d’effectuer un
lien direct entre un suicide ou une tentative de suicide et les conditions de travail. Les problèmes relevant de
la sphère privée et ceux relevant de la sphère professionnelle sont profondément intriqués. Il est difficile de
57 Cf. les travaux de Christophe Dejours et de son équipe au Laboratoire de Psychologie du Travail du Conseil National
F. LANIECE, I. KRYVENAC, « Etude des suicides liés au travail en Basse-Normandie », Travailler, n 12, pp. 91-98.
59 C. DEJOURS, Commission « Violence, travail, emploi, santé », Travaux préparatoires à l’élaboration du Plan
Violence et Santé en application de la loi relative à la politique de santé publique du 9 août 2004, Mars 2005, p. 28.
60 Ibid., p. 29.
61 Ibid., p. 29.
47
distinguer le rôle propre des facteurs professionnels de celui de la structure psychique et de la vulnérabilité
préexistante de l’individu ; ils s’entretiennent souvent mutuellement.
Il reste toutefois que, depuis de nombreuses années, les salariés expriment, au travers d’enquêtes de
la DARES ou de l’Agence européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, le sentiment
d’une dégradation continue de leurs conditions de travail, source de mal-être. La plainte croissante en termes
de stress, de déprime, de burn-out (épuisement professionnel) ou encore de harcèlement moral, traduit cette
souffrance. Ainsi, « 29% des salariés européens, contre 20% il y a quinze ans, se plaignent du stress dans leur
vie professionnelle »62.
D’autre part, en Bretagne, chacune des catégories professionnelles présente une surmortalité par
rapport à la France, « l’écart maximal entre la Bretagne et la France, se situe dans la catégorie « ouvriers »,
où la survenue des décès par suicide est multipliée par deux, chez les hommes et chez les femmes ».63 Si rien
n’indique que cette surmortalité soit effectivement liée à des facteurs professionnels, ces données nous
permettent toutefois de mettre en évidence la fragilité particulière de certaines catégories de la population
active dans cette région.
Il faut d’ailleurs souligner qu’en Bretagne « la population active paie un lourd tribut au suicide ».64
Ainsi, en 2000, les 25-54 ans représentent 54% des effectifs de décès par suicide dans cette région.65 Notons
également que, d’après l’enquête U.M.P. initiée par la DRASS de Bretagne, la moitié des tentatives de suicide
accueillies dans les unités médico-psychologiques bretonnes, en 2002, sont faites par des personnes entre 25
et 44 ans (54,1%), et 23,8% concernent les 45-64 ans.66 Bien qu’il faille, bien sûr, prendre un certain nombre
de précautions quant à l’interprétation de ces chiffres67, les 25-54 ans constituent une cible importante en
matière de prévention du suicide. Pourtant, la multiplication des politiques visant des catégories spécifiques
(jeunes, population en milieu carcéral, personnes âgées) pourrait conduire à négliger la population dans sa
globalité. L’approche de la prévention du suicide par le milieu professionnel pourrait alors permettre de
considérer la population active dans son ensemble, indépendamment de facteurs plus spécifiques de
vulnérabilité, et offrir ainsi une ouverture sur la promotion de la santé mentale adulte.
62 Selon l’enquête européenne sur les conditions de travail de la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions
de vie et de travail de Dublin (2000), in Organisation du travail et nouveaux risques pour la santé des salariés, Rapport
du Conseil Economique et Social présenté par Eliane Bressol, Les éditions des Journaux Officiels, 2004, p. 67.
63 « Mortalité par suicide selon la catégorie socioprofessionnelle en Bretagne », O.R.S. Bretagne, janvier 2002, p. 3.
64 Programme régional de santé, Prévenir le suicide en Bretagne, 2004-2008, Ministère des Affaires sociales, du travail
et de la solidarité, Ministère de la santé et de la protection sociale, Direction régionale des affaires sanitaires et sociales de
Bretagne, Préfecture de Bretagne, URCAM Bretagne, mars 2004, p. 15.
65 D’après des données de l’INSERM tenant compte du poids relatif de chaque tranche d’âge. Cf. le Programme régional
Les facteurs de souffrance psychique au travail ont été beaucoup étudiés au plan national et européen
depuis les années quatre-vingt-dix. Les notions de charge mentale, de stress, de santé mentale au travail
appartiennent désormais au vocabulaire syndical, politique et scientifique. La médiatisation des notions de
stress68 et de harcèlement moral69 a tout d’abord contribué à la dénonciation des mauvaises conditions de
travail des salariés. Mais, renvoyant à une approche individuelle des sources de mal-être, elle n’engage pas,
dans un premier temps, de réflexion quant à la façon d’agir sur les causes liées aux conditions de travail.
Pourtant, selon Christophe Dejours, même si la centralité du travail vis-à-vis de la santé relève d’une
dynamique individuelle, la construction de l’identité et de la santé mentale par le travail sont
fondamentalement tributaires de l’organisation collective du travail70. C’est donc à travers une approche
collective de la souffrance au travail que l’on va pouvoir s’interroger réellement sur les facteurs et les
répercussions d’affections psychiques apparemment liées aux modes d’organisation du travail ; on parle
d’ailleurs de troubles psychosociaux, afin de faire le lien entre les ressentis individuels et les situations
collectives71.
L’évolution de modes d’organisation du travail apparaît ainsi comme une source importante de mal-
être. En effet, depuis ce qu’il est convenu d’appeler la crise des années soixante-dix, les économies ont connu
des mutations structurelles qui se sont traduites, notamment, par un poids croissant de l’exigence de
rentabilité financière et une concurrence accrue entre les entreprises. De nouvelles exigences (flux tendu,
qualité, diversité des produits, flexibilité de la main d’œuvre) ont conduit à des remises en cause relatives des
organisations tayloristes72 et fordistes73 du travail (mobilisation des compétences et du savoir être des
salariés, nouvelles formes d’interdépendances dans le travail, de rapports aux clients/usagers et de modes de
contrôle hiérarchique de l’activité). Les nouvelles formes d’organisation du travail, dans un contexte de
compétitivité accrue, conduisent à un accroissement du poids relatif des facteurs mentaux et psychologiques
dans les préoccupations de santé au travail.
68 Selon l’Agence Européenne pour la Santé et la Sécurité au Travail de Bilbao, un état de stress « survient lorsqu’il y a
déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes que lui impose son environnement et la perception
qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face ».
69 L’ouvrage de Marie-France Hirigoyen, Le Harcèlement moral : la violence perverse au quotidien (1998), contribue
largement à la médiatisation croissante de ce phénomène qui trouve un aboutissement juridique dans la loi de
modernisation sociale du 17 janvier 2002 (articles L.122-49 à 51 du code du travail), qui institue cette pratique en délit :
« Aucun salarié ne doit subir les agissement répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une
dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique
ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
70 C. DEJOURS, Commission « Violence, travail, emploi, santé », op. cit., p. 13.
71 Travail et changement, Prévenir le stress d’origine professionnelle, Réseau ANACT, n°298, Octobre-novembre 2004,
p. 2.
72 Le taylorisme s’appuie sur une « organisation scientifique du travail ». Il s’agit d’une division technique du travail,
organisée par postes (et non par métiers), qui repose à la fois sur une division horizontale du travail, c'est-à-dire une
fragmentation maximale des tâches entre les différents postes, et sur une division verticale du travail, qui implique une
séparation complète de la conception technique du produit par les ingénieurs et de son exécution par les ouvriers.
73 Le fordisme s’appuie sur les principes du taylorisme et de l’organisation scientifique du travail. L’introduction de la
chaîne de montage, et donc du travail à la chaîne, accentue le contrôle des cadences et la parcellisation des tâches tout en
favorisant une standardisation des produits.
49
Plusieurs facteurs, liés aux évolutions du monde du travail et susceptibles d’engendrer des troubles
psychosociaux, peuvent être mis en évidence74 :
L’intensification du rythme de travail : les nombreuses contraintes pour satisfaire la clientèle
associées à la nécessité de réduire les coûts, à une exigence forte de qualité et d’une plus grande
variété des produits rendent nécessaire un engagement plus intense des travailleurs au quotidien. Il
faut également souligner qu’au sein de nombreuses entreprises, les organisations de type tayloriste
persistent. Les salariés y connaissent une augmentation de charges, ils sont soumis à des contraintes
articulaires dues à des gestes répétitifs, à des cadences élevées ou à des positions qui forcent une ou
plusieurs articulations. Ils subissent une tension constante et élevée de nature à « déclencher chez les
salariés des phénomènes anxieux à la perspective de ne pas pouvoir tenir les délais imposés »75.
Les ambivalences de l’autonomie : les nouveaux types de management encouragent l’autonomie mais
il s’agit, en fait, d’une indépendance sous contrainte d’objectifs, et donc de résultats, qui implique un
coût en termes de responsabilité et qui impose une « auto-discipline génératrice de charge mentale et
de stress »76.
Le paysage de l’emploi en Bretagne présente certaines spécificités qu’il faut prendre en compte. En effet, si
les médecins du travail bretons soulignent, comme sur le plan national, une augmentation des pathologies
psychiques (anxiété, dépression, névroses graves…) qui reste difficile à mesurer, en revanche, certaines
particularités régionales apparaissent clairement. Ainsi, en 2002, les troubles musculo-squelettiques
(T.M.S.)77 représentent 91,9% des maladies professionnelles en Bretagne, soit une augmentation de 234% par
rapport à 199678. Or, l’origine de ces affections semble plurifactorielle, résultant notamment d’interactions
entre des éléments physiques, personnels et psychosociaux.
L’explosion des T.M.S. ces dernières années en Bretagne constitue donc un révélateur de la souffrance au
travail. Notons que ces affections sont particulièrement nombreuses dans l’agro-alimentaire (agriculture et
industries agro-alimentaires, représentent respectivement 19 et 37%, soit 56%, des T.M.S.).
74 Cf. Organisation du travail et nouveaux risques pour la santé des salariés, op. cit., pp. 66-88.
75 Organisation du travail et nouveaux risques pour la santé des salariés, op. cit., p. 81.
76 Ibid.
77 Pathologies affectant les tissus (tendons, nerfs, muscles, gaines synoviales…) situées à la périphérie des articulations.
78 Conseil Economique et Social Régional de Bretagne, Les conditions de travail en Bretagne, p. 14.
79 Ibid., p. 19.
50
Axes d’intervention autour de la souffrance psychique en milieu professionnel
La Caisse régionale d’assurance maladie (CRAM) : Le service prévention de la CRAM joue un rôle
d’accompagnement, de conseil, auprès des entreprises sur le plan de l’organisation du travail
(intervention gratuite dans les entreprises sur des questions telles que la prévention du stress
professionnel)
DEVELOPPER LES ETUDES EPIDEMIOLOGIQUES SUR LA SOUFFRANCE PSYCHIQUE ET LE SUICIDE EN LIEN AVEC LES MILIEUX
PROFESSIONNELS
La sensibilisation aux risques psychosociaux suppose de s’appuyer sur des données solides. Pourtant il est
remarquable qu’aucune étude d’envergure n’ait été menée en France, jusqu’à fort récemment (Cf. l’encadré
ci-dessous), sur les conséquences des risques psychosociaux sur la santé ou encore sur les tentatives de
suicides et les suicides liés à des facteurs professionnels. Il existe bien quelques enquêtes locales80 mais leurs
résultats ne sont pas généralisables et ne peuvent donner lieu à des comparaisons.
80Cf. notamment P. BESSE, T. FOGLIA, I. MILLOT, « Connaissance et prise en charge des suicidés et suicidants en
milieu de travail » (Enquête O.R.S. Bourgogne 1999-2000), Prévention du suicide et pratiques de réseaux, Atelier
Suicide et milieu professionnel, pp. 3-6.
GOURNAY M., LANIECE F., KRYVENAC I., « Etude des suicides liés au travail en Basse-Normandie », Travailler, n°12,
pp. 91-98.
51
Le programme Samotrace : mise en place d’un système de surveillance de la
santé mentale au travail81
Chacun de ces volets est mis en place dans deux zones géographiques pilotes sur
une période de deux années (2005-2007): la région Centre (et voisines) et la région
Rhône-Alpes (uniquement les départements du Rhône et de l’Isère).
Le programme « s’appuie sur un partenariat local étroit, d’une part avec les
médecins du travail et d’autre part avec les médecins conseils de l’Assurance
maladie. Les données de cette phase pilote permettront d’établir un premier état
des lieux des troubles de santé mentale selon l’emploi. À terme, un objectif
d’extension nationale et de pérennisation est souhaité ».
ARNAUDO (DRTEFP Centre), F. BARDOT (Institut de médecine du travail du Val de Loire), J. ALBOUY (DRTEFP
Centre), D. HUEZ (Société de médecine du travail du Val de Loire), J.-Y. DUBRE (DRTEFP Pays de la Loire), F.
THEBAUD (DRTEFP Poitou-Charentes), J. GERMANAUD (DRSM Centre), M. GOLDBERG (Umrestte/InVS-DST,
Lyon), E. IMBERNON (Umrestte/InVS-DST, Lyon) et les médecins du travail et conseils de Samotrace,
3ème Journée scientifique du Département santé travail – Risques professionnels : quelle veille sanitaire ?, Résumés des
interventions, Ministère de la santé et des Solidarités, novembre 2006.
52
Le soutien aux aidants naturels, au Québec82
Partant du principe que les employés qui prêtent une oreille attentive à leurs
collègues contribuent à désamorcer la souffrance psychique professionnelle, et
donc à prévenir le suicide, le Syndicat de l’enseignement de Champlain, au Québec,
a développé un réseau destiné à encadrer et soutenir ces aidants.
Ceci suppose, tout d’abord, une reconnaissance de leur intervention par les
principaux acteurs de l’entreprise (direction, représentants du personnel) se
traduisant, notamment, par une collaboration financière et une souplesse
supplémentaire vis-à-vis de ces salariés (particulièrement concernant le temps
consacré à la discussion informelle avec les autres salariés).
Exploiter le Document Unique : les services de l’Inspection de travail, dont le rôle est de conseiller
les entreprises quant à l’application du droit, doivent encourager les chefs d’entreprise à prendre en
compte les risques psychosociaux dans le Document Unique83, en leur rappelant leur obligation
légale.
L’autoévaluation des conditions de travail : la mise en place, pour les entreprises, d’outils
d’autoévaluation de leurs conditions de travail, établis avec la perspective d’améliorer leur
performance, pourrait permettre aux entreprises de se rendre compte, par elles-mêmes, de la
nécessité d’intervenir sur les conditions de travail. Dans cette perspective, l’ARACT d’Aquitaine a
réalisé un Guide pour une démarche de prévention pluridisciplinaire et une analyse plurifactorielle
des risques psychosociaux84.
82 A. PAQUETTE, J. POISSANT, « Les aidants naturels : un bouclier contre la détresse en milieu de travail », Prévention
du suicide et pratiques de réseaux, Atelier Suicide et milieu professionnel, pp. 14-18.
G. LOISELLE, A. PAQUETTE, « Actions préventives en santé mentale au travail », Revue le Vis-à-vie, vol. 14 nº 1, 2004.
83 Le Document Unique est un document juridique, rédigé par l’employeur, faisant suite à une évaluation et comportant
un inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail de l’entreprise. Article L 230-1 du Code du travail.
84 C.BRUN, Risques psychosociaux. Guide pour une démarche de prévention pluridisciplinaire, ARACT Aquitaine,
recoupement des résultats des consultations gratuites et spontanées des salariés permettant de
repérer des zones où des signes de souffrance chez les salariés se concentrent de façon anormale et
annoncent le risque de crise violente.
le médecin du travail dispose, en théorie, d’un tiers de son temps de travail pour des activités non
cliniques (interventions en milieu de travail pour connaître les entreprises, leur environnement, leur
production, les risques qu’elles génèrent, leur ambiance ou encore leur direction) Difficultés
rencontrées
54
Un dispositif collectif de lutte contre la violence au travail au Centre
Hospitalier psychiatrique Gourmelen, à Quimper
le constat d’une inaptitude au poste ou à tout emploi dans l’entreprise, et la proposition, par
écrit, de la mutation du salarié à un autre poste ou son licenciement86. L’inaptitude du
salarié peut être déclarée dans l’urgence87 par le médecin du travail dans le cas où le
maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour la santé ou la
sécurité de l’intéressé ou celles des tiers88.
Les médecins du travail peuvent s’appuyer sur la mobilisation des Centres de consultation en pathologies
professionnelles afin d’obtenir un avis sur les étiologies et des aptitudes professionnelles. Il s’agit de
structures d’expertise pluridisciplinaires qui utilisent le plateau technique de l’hôpital. Elles permettent,
notamment, d’obtenir un avis psychiatrique.
55
L’intervention du médecin du travail en entreprise :
Le rôle du C.H.S.C.T.
Le C.H.S.C.T. peut recourir, aux frais de l’entreprise, à un expert agréé en cas de risque grave constaté ou de
projet important modifiant les conditions de travail.
89 Source : Institut National du Travail de l’Emploi et de la Formation Professionnelle, « Souffrance mentale au travail,
Nous avons également vu que, bien souvent, les situations de crise (harcèlement, violence en direction du
personnel ou des usagers…) étaient révélatrices de la dégradation des rapports professionnels. Sans doute
devraient-elles, à ce titre, être suivies d’une analyse rétrospective dans l’après-coup. En effet, ces analyses
peuvent, à la fois, servir de matériel de travail, de sensibilisation, d’information et de formation, en direction
des salariés et permettre d’apporter des réponses ciblées aux conflits qui ont généré de la violence.
90 www.harcelement.org
Y. LIEGEOIS, « Souffrances et maux au travail », Nouvelle Vie Ouvrière, 1er mars 2002.
Cf. également le film documentaire de Sophie Bruneau et Marc-Antoine Roudil, Ils ne mourraient pas tous mais tous
étaient frappés.
91 Depuis, une seconde consultation « Souffrance et travail » s’est ouverte, sous la responsabilité du Docteur Soula, au
LA VICTIMOLOGIE
La victimologie est une des formes d’intervention actuellement développées. Il s’agit d’une « approche
clinique qui se veut thérapeutique des troubles psychiques consécutifs aux traumatismes et préventifs vis-à-
vis d’un certain nombre de conséquences psychopathologiques ou de la chronicisation des troubles aigus à
distance du traumatisme »92.
Toutefois, pratiquée par des cliniciens qui connaissent la psychopathologie mais pas les questions touchant à
l’organisation et aux conditions de travail, elle ne permet pas de remonter à l’analyse de celles-ci ; elle reste
centrée sur une approche individuelle.
L’ANALYSE POST-CRITIQUE
Une analyse « post-critique » semble, ici encore, une perspective qu’il ne faut pas négliger. L’absence
d’investigation ou d’action menée dans l’après-coup de l’incident aggrave les risques de dégradation des
rapports sociaux. Les questionnements par rapport aux modes d’intervention sont, en fait, les mêmes que
pour la conduite à tenir après toute crise violente au sein du collectif de travail.
Le recours à l’aide d’une ressource extérieure à l’entreprise et spécialisée dans ce type d’intervention, telle
qu’un cabinet de psychopathologie du travail agréé, est sans doute nécessaire.
92C. DEJOURS, Commission « Violence, travail, emploi, santé », op. cit., p. 44.
93Commission « Violence, travail, emploi, santé », « Les cellules d’urgence médico-psychologiques et autres dispositifs »,
Travaux préparatoires à l’élaboration du Plan Violence et Santé en application de la loi relative à la politique de santé
publique du 9 août 2004, Mars 2005.
94 Depuis mai 2003, le dispositif prévoit la mise en place d’une cellule permanente par région et dans chaque
Le principal obstacle à l’intervention sur les questions de santé mentale dans les milieux professionnels
réside dans la forte opposition des entreprises face à l’évocation de tout ce qui peut toucher à la souffrance
psychique.
Il est donc important de valoriser toute forme d’intervention prenant en compte cette difficulté et proposant
des outils pour la dépasser. Ainsi, les démarches mettant en avant le caractère néfaste de la détresse
professionnelle sur la productivité de l’entreprise, en s’appuyant sur des indicateurs objectifs, sont
particulièrement intéressantes.
D’autre part, l’analyse des différents axes d’intervention sur la souffrance psychique professionnelle a mis en
évidence le rôle incontournable des services de santé au travail. Nous avons, toutefois, souligné que les
médecins du travail rencontraient de fortes difficultés lorsqu’ils s’intéressaient aux questions de souffrance
psychique en milieu professionnel.
Il semble donc important de promouvoir les actions visant à soutenir les médecins du travail dans leurs
démarches, qu’il s’agisse de formation, d’appui extérieur ou encore d’inscription dans un réseau
pluridisciplinaire. La valorisation de l’expertise de ces professionnels est aussi primordiale. A ce titre,
l’inscription du médecin du travail dans un réseau de soignants constitue sans doute un bon outil.
Enfin, nous avons pu observer que les C.H.S.T. représentaient des acteurs importants de la lutte contre la
souffrance psychique en milieu professionnel. Leurs prérogatives (développement de la prévention des
risques ; possibilité de recourir à un expert agréé en cas de risque grave ou de projet important modifiant les
conditions de travail ; investigation, enquête, recherche des causes ou de l’enchaînement causal en cas de
crise) sont indispensables à la mise en œuvre d’interventions dans ce domaine. Or, comme nous l’avons déjà
souligné, les C.H.S.C.T. sont absents dans les entreprises où le nombre de salariés est inférieur à cinquante
(les entreprises qui comptent moins de dix salariés ne disposent même pas, quant à elles, de représentants
du personnel).
Il pourrait donc être intéressant, concernant les petites entreprises, d’étendre les prérogatives du médecin du
travail et celles de l’inspecteur du travail afin qu’ils puissent constituer un dispositif solide de prévention,
d’alerte, de prescripteur et d’investigation.
REPERES BIBLIOGRAPHIQUES
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veille et de prévention des risques professionnels en PACA, n° 1, Février 2002, pp. 1-7.
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prendre en charge ; actes de la conférence de consensus (Octobre 2000), 2001, pp. 45-65.
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59
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BRUN C., Risques psychosociaux. Guide pour une démarche de prévention pluridisciplinaire, ARACT
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DEJOURS C., Travail, usure mentale, Paris : Bayard Culture (Coll. « Littérature générale »), 2000, 270 p.
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consensus (Octobre 2000), 2001.
60
A.CAMPEON-
L’espérance de vie a fortement augmenté au cours des dernières décennies et il est probable, qu’à l’avenir,
elle continuera de croître. Cette évolution n’est pas sans poser de nouvelles interrogations quant à la qualité
des années de vie gagnées, en particulier aux âges les plus avancés. Autrement dit, vivre plus longtemps
nécessite de se demander dans quelles conditions et pour quel accompagnement. Le drame causé par
l’hécatombe de la canicule de l’été 2003 en est un témoignage, il a révélé, en creux, la vulnérabilité et
l’isolement de nombreuses personnes âgées. De la même manière, les nombreux suicides dans cette tranche
d’âge interpellent notre société et interrogent notre capacité collective à fournir les conditions matérielles et
sociales propices à un vieillissement intégré et porteur de sens pour ceux qui le vivent.
→ Le suicide
Les chiffres de la mortalité par suicide de la population âgée sont aujourd’hui connus. Ils corroborent les
premières intuitions faîtes par le sociologue Emile Durkheim (1897) à la fin du siècle dernier, lorsque celui-ci
notait que les taux de suicide avaient tendance à progresser avec l’âge. Ce constat se vérifie puisque le taux de
décès par suicide des personnes âgées en France arrive en première place par rapport au reste de la
population (Figure 1).
Figure1 : Taux de suicide pour 100 000 habitants selon le sexe et l’âge en 2002.
Plus encore, ce taux progresse de manière spectaculaire chez les hommes de plus de 70 ans, alors qu’on
observe une hausse plus légère chez les femmes. Dans tous les cas, l’âge le plus critique se situe entre quatre-
vingt cinq ans et quatre vingt neuf ans.
En 2000, en Bretagne, 30% des décès par suicide sont le fait des 65 ans et plus. Cette tendance est plus
particulièrement prononcée chez les hommes : la surmortalité masculine par suicide après 60 ans est deux
fois plus élevé chez les hommes que chez les femmes, tandis qu’après 85 ans, ces taux masculins sont 5 à 6
fois plus élevées que ceux des femmes95.
95
Notons qu’un certain nombre de chercheurs s’entendent pour dire que les taux officiels de décès par
suicide chez les personnes âgées sont plus sous-estimés que par rapport aux autres classes d’âges.
61
Le suicide en institution
Une récente étude démontre que les taux de suicide pour les hommes et pour les femmes qui résident en
maison de retraite sont plus importants que les taux relevés chez les populations âgées vivant au sein de leur
domicile : 1.4 fois plus fréquent pour les hommes et 1.2 fois plus souvent chez les femmes au-delà de 75 ans.
Ces chiffres semblent toutefois moins prononcés en service médicalisé de long et moyen séjour qu’en maison
de retraite96. En outre, il est utile de noter que selon l’enquête Paquid « la fréquence de la dépression dans la
population générale âgée est de 13%, 30% chez les sujets âgées hospitalisés, et de 30 à 50% de ceux en
institution »97.
Cette progression constante du suicide avec l’avancée en âge n’est pas le fruit du simple hasard : au-delà de
raisons psychologiques où encore médicales qui peuvent exister, elle s’explique aussi par les profonds
remaniements identitaires que peut imposer le processus de vieillissement. En effet, comme pour le reste de
la population, le suicide chez les personnes âgées doit être considéré dans un cadre multidimensionnel où le
risque de suicide découle de l’interaction complexe de facteurs de risque, de vulnérabilités personnelles et
d’éléments déclencheurs du comportement suicidaire. Ils sont nombreux : un passage douloureux en retraite
qui fragilise l’identité, la survenue d’un handicap ou d’une maladie qui rend les déplacements et l’accès à la
vie « du dehors » moins aisée, le décès d’un proche, un déménagement tardif et mal accepté parce qu’imposé,
etc. La mort du conjoint(e) constitue bien souvent l’un des premiers chocs traumatiques de l’avancée en âge
(plus traumatisant que le passage à la retraite) en ce sens que cet événement bouleverse la vie de celui, ou de
celle, qui reste : « le décès du partenaire conjugal entraîne l’effondrement des « allant de soi » de la vie
quotidienne, (qu’) il fait vaciller le sentiment de « sécurité ontologique » et conduit à une perte de
signification de l’existence98 ». De nombreuses études ont ainsi démontré la forte surmortalité associée au
choc du veuvage, notamment chez les veufs99.
Tous ces événements, apparaissent à cet égard comme autant d’événements - ruptures susceptibles d’affecter
considérablement la vie de la personne âgée (Batt et coll., 2007). Or à ce sujet, force est de constater que le
bien-être relatif des 60-75 ans contraste avec la fragilité des plus de 80 ans, fragilité qui peut se lire à
plusieurs niveaux. Jusqu’à 75 ans environ, les personnes vivent majoritairement en couple et disposent d’un
revenu par unité de consommation relativement élevé. Au-delà de ces âges, leur situation peut se dégrader
sous l’effet d’une part croissante de personnes âgées vivant seules, de l’augmentation de la prévalence
d’incapacités et d’une certaine paupérisation qui peut se lire, entre autre, dans des conditions d’habitats
précaires (Bickel et Cavalli, 2002). Il n’est alors pas rare que les sentiments d’ennui, d’inutilité où encore
d’abandon se mêlent au sentiment de solitude, multipliant en conséquence les risques de repli sur soi et de
repli chez soi. Autrement dit, au « grand âge », certaines personnes âgées se retrouvent en situation de
« vulnérabilité », ce qui peut augmenter le risque de souffrance psychique et conduire au suicide, pour peu
qu’elles n’aient pas les ressources ou les supports nécessaires.
La radicalité des moyens utilisés par les personnes âgées (pendaison majoritaire chez les hommes et chez les
femmes) explique le taux élevé de décès par suicide au sein de cette population, à l’inverse des jeunes
générations pour qui les tentatives de suicide sont prédominantes (tableau 1).
Tableau 1 : Relation entre tentative de suicide et décès selon le sexe et l’âge.
Femmes hommes
15- 25 ans 1 décès pour 160 TS 1 décès pour 22
TS
+ de 65 ans 1 décès pour 3 TS 1 décès pour 1 TS
Source : AMYOT J-J., Guide de l’action gérontologique, Dunod, 1997.
96 Voir à ce sujet Casadebaig F, Ruffin D, Philippe A, Le suicide des personnes âgées à domicile et en maison de retraite
prononcés, notamment durant les premières années du deuil. Les veufs sont, par exemple, beaucoup plus nombreux à se
suicider que les veuves, ou que leurs homologues célibataires et mariées. Voir Andrian J., « Le suicide des personnes
âgées. Gérontologie et société, n°90, 1999.
62
Cependant, les conséquences d’une tentative sont souvent plus graves chez le sujet âgé dans la mesure où
l’acte est commis sur un corps « fragilisé » qui résiste généralement moins bien aux agressions. En outre, il
ne faut pas oublier que la mesure des tentatives de suicide, tout âge confondu, est beaucoup plus difficile,
d’une part parce qu’elles ne font pas l’objet d’un recensement systématique et d’autre part parce qu’il est
parfois malaisé de savoir quelles intentions ont guidé une tentative. Une récente étude de l’Observatoire
Régionale de la Santé en Bretagne (ORSB) montre qu’une faible proportion des tentatives de suicide prises
en charge par les services d’urgences des hôpitaux concernent les personnes âgées (3% des TS prises en
charge sont le fait des 65-74 ans et 2% celui des plus de 75 ans). Ceci est dû en partie à leur nombre absolu
plus faible, mais l’on peut aussi s’interroger sur l’orientation de cette population en cas de suicide (Primault,
2006).
Une autre manière d’aborder la tentative de suicide (avérée) est de parler d’équivalents suicidaires, bien que
l’interprétation de ce terme soit beaucoup plus ambiguë100. Il n’y a d’ailleurs pas, en la matière, de données
fiables et exploitables. En effet, l’équivalent suicidaire est une sorte de « suicide passif » ou « latent » qui
n’est pas forcément guidé par une intention explicite de se donner la mort mais qui révèle néanmoins d’une
prise de risque (conscience ou inconsciente) importante. Chez la population âgée, il semble que ces
comportements soient significatifs bien que généralement discrets.
Ce rappel épidémiologique permet de constater que le suicide du sujet âgé représente non seulement un
véritable problème de santé publique mais également un véritable enjeu social. En effet, compte tenu du
vieillissement de la population on peut craindre une aggravation du phénomène suicidaire dans les années à
venir. C’est, en tous cas, le constat que font de nombreux observateurs : « la tendance qui pourrait être
observée, suite à l’entrée importante de la population dans cette tranche d’âge où le suicide est un
phénomène plus fréquent, serait une hausse potentielle des taux de suicide chez la personne âgée »101 ; « les
générations du « baby-boom » semblent avoir une plus forte propension au suicide, en particulier les
hommes. La tendance spontanée pourrait donc être, hors des effets des politiques de prévention, à une
hausse potentielle des taux de suicides avec le vieillissement des générations nées après-guerre »102.
« C’est dans le regard que l’homme porte sur son propre vieillissement et dans le regard que la
société porte sur les vieillards qu’il faut rechercher la véritable cause des suicides des personnes
âgées »103
En dépit de ces chiffres et de ces mises en garde, le suicide du sujet âgé ne semble pourtant pas faire l’objet
de la même considération politique que le suicide des adolescents qui, pour sa part, a trouvé très tôt (dès les
années 80) une légitimité institutionnelle et préventive (Campéon, 2005). Il y a deux raisons essentielles à
cette indifférence relative du suicide des personnes âgées.
- la première tient sans doute au fait que si le suicide arrive en place importante selon l’âge, il demeure une
cause de décès relativement marginale par rapport aux autres causes de mortalité à ce stade de la vie. Alors
qu’il constitue la deuxième cause de décès en France chez les 15- 24 ans104, il ne représente que 1,2% des
décès au-delà de 65 ans. Cette situation participe du peu d’intérêt accordé au suicide des personnes âgées au
regard d’autres problèmes médicaux quantitativement plus meurtriers.
- la seconde raison s’origine dans la représentation négative qu’a notre société de la vieillesse et, plus
fondamentalement encore, de la mort. En d’autres termes, si le suicide du sujet âgé bouleverse moins que le
100 Pour reprendre la formulation de F Davidson et ses collaborateurs (1974), « l’équivalent suicidaire n’est tel que parce
L’intérêt d’une réflexion sur le suicide des personnes âgées, et donc des formes de prévention à y apporter,
nécessite de prendre en considération cette dernière assertion : les mécanismes déclencheurs d’une crise
suicidaire chez le sujet âgé ne sont pas simplement à chercher du côté des personnes qui vieillissent mais
également, et peut être surtout, du côté de leur environnement (matériel, relationnel et symbolique). C’est
précisément là, dans la création d’un environnement plus favorable, plus riche en supports (Caradec, 2005),
que la prévention du suicide du sujet âgé trouve sa pertinence et sa cohérence.
La prévention du suicide des personnes âgées est aujourd’hui reconnue comme une priorité de santé
publique bien que paradoxalement, pour les raisons évoquées ci-dessus, on dénombre encore peu
d’initiatives spécialement orientées vers cette population. Le PRS suicide souligne, par exemple, que les
spécificités de certains publics, comme les personnes âgées, ne sont pas suffisamment pris en compte. Un
récent travail mené par Alice Primault (2006), stagiaire à la Drass, a permis de dresser un bilan des actions
préventives menées en Bretagne sur cette population. Nous reprendrons donc ici les principaux
éléments de ce rapport, tout en les complétant lorsque nécessaire.
105 En 1930 déjà, devant la progression des taux de suicide, Halbwachs écrivait :« Considérons que parmi ces désespérés,
il en est un grand nombre qui, malades ou âgés, n’ont devancé que de peu la date … Au reste combien d’entre eux étaient
ou auraient été à la charge de la famille… Il n’y a rien d’anormal dans le fait… que ceux dont l’existence est pour (la
société) une charge, une gêne, une cause de tristesse… s’en retranchent plus ou moins volontairement. », M. Halbwachs,
Les causes du suicide, Paris, Le lien social, (réed.), 2002.
64
- Des comités de quartiers se mobilisent également pour lutter contre l’isolement des Personnes âgées.
Le comité de quartier Sud- Gare de Rennes a monté un groupe de travail sur ce sujet. La réflexion
collective et la mutualisation des moyens engagés depuis deux ans dans cette instance (élus,
membres du quartier, professionnels du soin à domicile, etc.) a permis de déboucher sur l’ouverture
d’un accueil pour personnes âgées isolées tous les vendredi après-midi dans une maison de quartier.
Il s’agit du point Rencontre Amicale du Vendredi (RAVe)
- Des citoyens âgés ont monté une association appelé « solidarité des aînés » destinés à recevoir, tous
les jeudis, des habitants du quartier Colombier pour des après-midi détente (jeux, goûter…). Des
animations ponctuelles sont parfois organisées (conférencier, repas le dimanche, etc.).
- Certaines caisses de retraite complémentaire, comme le groupe Mornaix, ont mis en place un réseau
de bénévoles pour aller visiter les ressortissants isolés.
- L’association « Le Parisolidaire » (Rennes) propose une cohabitation intergénérationnelle entre une
personne âgée et un étudiant.
SOUTIEN DES AIDANTS NATURELS :
Les aidants familiaux sont les premiers confrontés à la souffrance psychique des personnes âgées, mais aussi
les premiers en capacité de la repérer et d’agir. Souvent démunis face à la complexité de l’accompagnement,
il est important de les soutenir. Différentes initiatives sont organisés en ce sens, notamment sous la forme de
réunions d’informations et de groupes de discussions autour de problématiques liées au vieillissement :
- Initiatives du « bistrot mémoire » qui organise chaque mercredi des rencontres autour de la maladie
d’Alzheimer à Rennes.
→ Plusieurs rencontres citoyennes ont été organisées en Bretagne dont certaines par le collectif JNPS. Il
s’agit d’un type d’action spécifique participant à la fois d’un débat public, d’une sensibilisation du public, et
de la construction de partenariats à travers la connaissance des acteurs intervenant dans le champ au sein
d’un territoire. Ces initiatives ont lieu dans l’ensemble des départements bretons. En 2004 par exemple, le
collectif JNPS d’Ile et vilaine a organisé une session sur le thème « Le suicide des personnes âgées : tabou ? ».
→ La troupe professionnelle du « théâtre du Chaos » propose la pièce Un si bel automne. L’objectif est de
sensibiliser la population retraitée à la souffrance psychique et au phénomène suicidaire. Des comédiens
jouent des scénettes abordant des thèmes tels que le passage à la retraite, la disparition d’un être cher, la vie
affective, les liens entre générations, ou encore l’entrée en établissement, afin d’aborder la solitude,
l’isolement et le risque suicidaire. Ces pièces ont été présentées fin 2005 dans le pays de Guingamp, à
Tréguier, Paimpol et Lannion, devant plusieurs centaines de personnes, touchant aussi bien les personnes
vivant en institutions qu’à domicile, des jeunes retraités comme des plus de 75 ans.
→ Une fiche technique « bien-être et équilibre psychique des personnes âgées » destinée à tous les
professionnels travaillant auprès des personnes âgées vient d’être élaborée dans le Morbihan. Créée par le
Comité Départemental d'Éducation pour la Santé du Morbihan (Codes 56) en collaboration avec la DDASS
56 et la CPAM, elle rappelle les principes d’intervention et d’action auprès des personnes âgées, les attitudes
65
professionnels à tenir, les facteurs de protection et de vulnérabilité de ce public, ainsi que la charte relative
aux droits et libertés de la personne âgée.
→ Le service de psychiatrie de Quimperlé s’est spécialisé depuis peu dans la prise en charge des dépressions
et des troubles bipolaires106. Cette unité, développée dans une optique multidisciplinaire et de travail en
réseau, est également spécialisée en gérontopsychiatrie et peut donc aisément travailler sur le traitement de
la dépression chez les personnes âgées.
L’expérience italienne107 : un service de télé-aide avait été mis en place pour les personnes âgées et
consistait en un système d’alarme que le client pouvait activer pour demander de l’aide. Ce service
était doublé d’un service de télé-contrôle contactant les clients deux fois par semaine pour vérifier
s’ils ont besoin de quelque chose et pour leur apporter un soutien affectif. L’étude menée sur 12135
personnes âgées ayant bénéficiées de ces services pendant quatre ans a montré que seulement un
suicide a eu lieu, alors que d’un point de vue statistique on aurait pu s’attendre à sept suicides. Cette
expérience nous enseigne que le taux de suicide peut diminuer chez les personnes âgées si l’on va au-
devant de leur demande, sans attendre qu’ils sollicitent eux-mêmes une aide.
La prise en charge
Le SROS III (Schéma Régional d’Organisation des Soins), qui a pour vocation de répondre aux besoins de
santé physique et mentale de la population, décline deux volets en lien avec la prise en charge du suicide des
personnes âgées : Le volet spécifique « prise en charge des personnes âgées » et le volet « psychiatrie
et santé mentale ».
106
Autrefois appelé maniaco-dépression, le trouble bipolaire fait partie des troubles de l'humeur, auxquels
appartient également la dépression récurrente.
107
De Leo D, Carollo G, Dello Bueno M, Lower suicide rates associated with tele-help/ tele-check service for
the elderly at home. American Journal of Psychiatry, 1995, 152 : 632-634
66
La postvention
La postvention fait l’objet de certaines actions en Bretagne. Elles sont généralement tout public, et ne
s’adresse pas spécifiquement aux personnes âgées.
→ Un groupe de travail, mis en place par la DDASS 22, élabore actuellement un référentiel sur la postvention
prévu pour la fin de l’année 2006. Les acteurs pourront ainsi s’y référer pour plus d’informations sur les
actions réalisées dans ce domaine.
PRISE EN CHARGE DES PROCHES ENDEUILLES PAR DES PROFESSIONNELS DE LA SANTE MENTALE :
Les professionnels peuvent intervenir sur la prise en charge, c’est à dire l’aide et l’accompagnement
psychologique de la famille, des proches, et des professionnels venant de vivre le suicide d’une personne de
l’entourage.
→ Le Centre hospitalier Charcot dans le Morbihan, spécialisé en psychiatrie, a par exemple créé une unité
d’aide aux familles endeuillées par suicide (UAFE). L’unité propose des consultations avec un professionnel,
des groupes de discussion, et une orientation vers des praticiens psychothérapeutes de ville. Les plus de 60
ans représentent environ 15% des personnes prises en charge par l’unité.
MISE EN RESEAU :
La souffrance psychique et le phénomène suicidaire chez la personne âgée doivent être appréhendés dans
une optique de prise en charge transversale parce que commune à d’autres problématiques.
Les réseaux de santé gérontologiques sont un autre exemple de fonctionnement décloisonné de proximité
qui permet une prise en charge global des personnes âgées par les professionnels de santé assurant des soins
primaires : médecins généralistes, spécialistes, autres professionnels libéraux, SSIAD. Ils permettent de
108
Associations Le Geste et le Regard, Jusqu'à La Mort Accompagner La Vie (JALMALV), et Deuil
Espérance (pastorale de la santé)
67
coordonner les interventions entre les différents secteurs sociaux, médico-sociaux et sanitaires autours de la
personne âgée, et une meilleure transmission des informations. Il existe actuellement six réseaux
gérontologique en Bretagne109.
La lettre d’information « Réseau de vie » sur la prévention du suicide est éditée pour un large public dans le
Morbihan (3500 correspondants) et permet une mise en réseau et une information régulière des
professionnels.
- Le n°5 de septembre 2005 était entièrement consacré au phénomène suicidaire chez les sujets âgés. Une
fiche technique sur le repérage de la dépression des personnes âgées y était jointe.
- Le n°7 de février 2007 fait un point sur le groupe de travail n° 6 (prévention du suicide des personnes
âgées) et des actions engagées.
109
Réseau Géront’ouest Trégor, Réseau gérontologique brestois, Réseau gérontologique du canton de Port-
Louis, réseau Harp.s@nté, Réseau Pol Aurélien, Réseau Géront’Emeraude.
110
Des actes ont été publiés à la suite et sont disponibles sur demande à l’association.
68
Repères bibliographiques
Ouvrages
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Caradec V., « Les ‘supports’ de l’individu vieillissant. Retour sur la notion de ‘déprise’ », dans Caradec V,
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Articles
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Andrian J. Le suicide en pleine force de l’âge : quelques données récentes. Cahier de Sociologie et de
Démographie Médicale, XXXVIème année: 1996.
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Bickel J.F et Cavalli (S), De l'exclusion dans les dernières étapes du parcours de vie : un survol., Gérontologie
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Campéon A, « Du faire vivre au laisser mourir » (pp. 47-64) dans Batt- Moillo A et Jourdain A, (dir.), Le
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France, Revue d’Epidémiologie et de Santé Publique, vol 51 n°1, février 2003.
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Rapports
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Bretagne Occidentale, DDASS, 2001.
Primault A, « La prévention du suicide des personnes âgées en Bretagne », PRS 2004-2008, 2006.
69
F.COLAS-
Activité promotion de la santé, Mutualité Française Bretagne (29)
I. ELEMENTS DE CADRAGE
1. La notion de réseau
Nous avons retenu différentes définitions qui mettent l’accent tour à tour sur les différents attributs d’un
réseau (cf. encadré 1 ci-après). Ces critères nous permettront de comparer les réseaux ou collectifs
prévention du suicide repérés sur la Bretagne à cet « idéal type » du réseau.
Il est fait référence à la composition d’un réseau et à la nécessaire pluridisciplinarité de ses membres. Un
réseau : c’est la « mise en commun de plusieurs savoir-faire et de personnes ressources ». Il rassemble des
« compétences différentes et complémentaires ». Il réunit « des acteurs des institutions sanitaires et
sociales, des associations intervenant dans les champs médicaux et sociaux ainsi que les bénévoles
intervenant dans le même domaine ». La charte des réseaux de santé accorde également une place aux
usagers : « usagers, professionnels et bénévoles participent ensemble à la définition des priorités (…) ».
L’inscription territoriale d’un réseau est pointée. Les acteurs sont « issus d’une même unité
géographique » ou bien « dispersés dans une zone géographique donnée ».
Le mode de participation au réseau est souligné. Il s’agit toujours d’une « coopération volontaire », le
réseau démarrant avec « un petit noyau de volontaires ». Les acteurs « sont réputés accepter librement
d’être parties prenantes d’un dispositif ouvert ». La qualité des échanges en découle ; les membres d’un
réseau ont « le souci de se respecter et d’échanger autour des pratiques des uns et des autres ». Ils
« entretiennent entre eux des rapports par définition égalitaires. » Pour que les échanges entre les acteurs
hétérogènes s’organisent, le réseau doit se doter d’un dispositif de coordination occupé par une personne
faisant office de point de référence. Le rôle du coordinateur est alors primordial dans la conduite des
échanges : « Celui-ci n’est en aucun cas un « chef » ou un « leader » mais avant tout un facilitateur ».
Le fonctionnement d’un réseau est explicité. Un réseau suppose « un minimum d’organisation » et une
méthodologie propre à l’animation : détermination de « normes et valeurs partagées » mise en place d’une
« évaluation réaliste des besoins et du contexte », « définition d’un projet et d’objectifs ».
Il est rappelé le but d’un réseau, à savoir « une approche globale des besoins des individus pris en
charge ». Le réseau s’appuie pour cela sur le décloisonnement des pratiques professionnelles. Il rejette ainsi
les « approches étroitement sectorisées » ou la « juxtaposition de plusieurs approches distinctes ».
70
b. La distinction entre partenariat et réseau
Bien souvent, une distinction est faite entre le travail en partenariat et le travail en réseau. Le premier est
vécu comme plus contraignant parce que le plus souvent imposé et contractualisé. Le deuxième suppose
une participation volontaire des acteurs, une gestion non hiérarchisée, l’absence ou le dépassement
d’enjeux institutionnels. Dans le fonctionnement d’un réseau, il s’agit bien souvent de réinventer les relations
entre les acteurs, relations n’engageant a priori ni institutionnellement ni affectivement.
« Le réseau ne se décrète pas ; qu’il soit formel ou informel, il ne devrait pas être une fin en soi, mais
plutôt un outil facilitant la prise en compte de points de vue ou de professions différentes. »
(Luc Hincelin, consultant à LH Conseil Agence en promotion de la santé, article paru dans Pl’Aisne Santé,
janvier 2001).
« On n’y adhère pas, on n’y est pas recruté, on s’en sert. Ses membres, ou plutôt ses acteurs, quelles que
soient leurs attaches ou leurs absences d’attaches institutionnelles, sont réputés accepter librement
d’être parties prenantes d’un dispositif ouvert où chacun participe à la production, à la diffusion et à la
mutualisation des informations qui y circulent comme des offres de services qui s’y échangent. (…)
Tout projet se doit d’être utile pour chacun des acteurs qui s’y implique. »
(M. JESU, chargé de mission enfance familles in actes de la 3ème journée départementale du Réseau
d’Ecoute, d’Appui et d’Accompagnement des Parents du Finistère : La mise en réseau des acteurs
professionnels et non professionnels du soutien à la parentalité : pourquoi ? comment ? p. 37)
« Dans le domaine socio-sanitaire, le fonctionnement en réseau relève avant tout d’une approche globale
des besoins des individus pris en charge. Celle-ci suppose tout spécialement un rejet des approches
étroitement sectorisées, conduisant soit à favoriser un traitement à partir d’une démarche unique (que
celle-ci soit médicale, psychologique, sociale, éducative…) à l’exclusion des autres, soit à la juxtaposition
de plusieurs approches distinctes mais sans réelle communication les unes avec les autres. (…)
Une autre caractéristique majeure du réseau est sa dimension horizontale. Les différents points de vue,
démarches, acteurs, organismes… qu’il réunit entretiennent entre eux des rapports par définition
égalitaires. Le réseau s’oppose diamétralement à l’idée d’une hiérarchie en ce qu’il envisage des
partenaires disposant d’une égale légitimité à s’exprimer et à agir, et dont aucun ne peut se prévaloir
d’un ascendant ou d’une autorité sur les autres. (…)
Cette dimension égalitaire – opposée à la structure pyramidale de l’organisation – doit également faire
l’objet d’une attention vigilante lorsqu’ est défini le rôle du coordinateur du réseau : celui-ci n’est en
aucun cas un « chef » ou un « leader », mais avant tout un « facilitateur » dont la mission est de favoriser
la communication entre les partenaires et de renforcer l’articulation de leurs actions, mais en aucun cas
un rôle de direction ou de contrôle. »
71
(Lilian MATHIEU, sociologue, rapport d’étude pour le CRAES, Conceptions et pratiques du travail en
réseau, en prévention de la souffrance psychique des adolescents, 2000, p. 18 à 21)
« On s’accorde pour définir un réseau comme un ensemble organisé d’individus, dits acteurs du réseau,
dispersés dans une zone géographique donnée, de compétences différentes et complémentaires, qui
agissent pour un objectif commun et selon des normes et des valeurs partagées, sur la base d’une
coopération volontaire pour améliorer la prise en charge des malades. » (…)
« A l’origine d’un réseau, on trouve souvent une bonne idée et un petit noyau de volontaires réunis autour
d’un animateur. Voilà pour le démarrage. Mais dans la majorité des cas, le succès a un autre prix : une
évaluation réaliste des besoins et du contexte, la définition d’un projet et d’objectifs, la constitution
d’une équipe par une réflexion sur le réseau comme forme de coopération entre
professionnels. Autrement dit, un travail aboutissant à un premier cahier des charges.»
(Créer et piloter un réseau de santé, un outil de travail pour les équipes, ouvrage collectif, éd ENSP, 2004,
p.37)
Le travail d'un réseau de santé a pour but un accompagnement global et cohérent des personnes, en vue
de l'amélioration de leur santé, réalisé par les différents intervenants médico-psycho-sociaux et les
bénévoles. (…)
Les acteurs du réseau construisent des pratiques coordonnées qui assurent la continuité et la cohérence
de l'accompagnement sanitaire et social et favorisent la participation des personnes à cette démarche.
Le travail en réseau réunit des acteurs des institutions sanitaires et sociales, des associations intervenant
dans les champs médicaux et sociaux ainsi que les bénévoles intervenant dans le même domaine.
Usagers, professionnels et bénévoles participent ensemble à la définition des priorités pour développer
une démarche de promotion de la santé qui réponde aux besoins de la population et des individus.
L’apparition de nouvelles pathologies comme celles du SIDA ont nécessité la mise en œuvre de formes
innovantes d’accompagnement et de suivi tant médical que social (réseaux ville-hôpital), les approches
sanitaires et sociales marquées par la spécialisation se trouvant relativement inadaptées.
Les pouvoirs publics ont encouragé ce type d’organisation et de fonctionnement au travers du Fonds d’aide
à la qualité des soins de ville (FAQSV) géré par l’Union régionale des caisses d’assurance maladie
(URCAM) et l’Union régionale des médecins libéraux (URML) ou la Dotation régionale des réseaux (DRDR)
géré par l’URCAM et l’Agence régionale d’hospitalisation (ARH), le développement des réseaux devant
permettre une maîtrise des coûts.
Les réseaux de santé financés aujourd’hui en Bretagne concernent le cancer, les soins palliatifs, le diabète,
la périnatalité, les maladies cardiaques, les maladies chroniques, la gérontologie, le handicap et les
addictions.
Les réseaux prévention du suicide repérés sur la Bretagne ne bénéficient pas des financements des réseaux
de santé mais sont des réseaux de proximité financés par l’Etat sur les crédits d’intervention.
3. Les réseaux prévention du suicide : une inscription dans le Programme régional de santé
« prévenir le suicide en Bretagne 2004-2008 »
Les réseaux prévention du suicide existant sur la Bretagne s’inscrivent dans le second programme régional
de santé (PRS) 2004-2008.
72
Le second PRS privilégie une approche globale de santé et prévoit des interventions promotionnelles,
préventives et curatives. Le constat est posé qu’il ne suffira pas, pour diminuer le taux de suicide, de mener
un ou deux types d’actions isolées. Seule une chaîne de soins (de la promotion de la santé à la prévention,
la prise en charge et à la postvention) peut permettre la mise en œuvre d’une dynamique et donner des
réponses aux personnes en souffrance psychique. Le mot « soins » est entendu ici au sens large du mot
anglais « care », soit « prendre soin ».
Les réseaux illustrent bien cette stratégie du PRS, à savoir le déroulement d’une chaîne de soins. Les
acteurs de prévention et du soin doivent se représenter comme participants de cette chaîne de soins et
interagir avec les autres maillons. La mise en réseau des différents acteurs doit permettre de créer cette
dynamique et cette interaction.
Les réseaux mis en œuvre répondent alors à l’objectif du PRS à savoir : « mettre à disposition des acteurs
de terrain les outils et méthodes pertinents pour une intervention efficace » . Ce dernier objectif prévoit de
« poursuivre l’amélioration de la connaissance du phénomène pour l’action », d’ « améliorer le dispositif de
formation-information des acteurs » et de « promouvoir le partenariat et le fonctionnement en réseau ».
Un comité technique régional est responsable de la programmation du second PRS et des instances
départementales sont chargées de faire vivre le PRS localement.
Le comité technique régional est piloté par la DRASS. Onze groupes de travail thématiques ont été créé
pour faciliter la déclinaison du PRS : Référentiel promotion de la santé ; Observation des tentatives de
suicide ; Formations / stratégie régionale ; Formation milieu pénitentiaire ; Suicide et milieux professionnels ;
Accès aux moyens les plus létaux ; Prévention du suicide des personnes âgées ; Réseaux ; Postvention ;
Ethique ; SROS III. Les instances départementales alimentent la réflexion de ces groupes de travail. Le
groupe de travail « Réseaux » est coordonné par la DDASS du Finistère. C’est dans le cadre de ce groupe
de travail qu’une démarche régionale d’évaluation des réseaux prévention du suicide existants sur la
Bretagne a été proposée puis validée et financée.
Le comité technique régional a impulsé une dynamique et fédéré les acteurs départementaux lors du
démarrage du second PRS. Il a défini un programme de travail ambitieux. Aujourd’hui, ce groupe semble
moins activé. Actuellement, l’URCAM et les CPAM semblent moins s’investir sur le sujet alors qu’au départ
elles co-pilotaient le programme aux côtés de la DRASS et des DDASS.
Le CTS du Morbihan est sans doute celui qui est le plus moteur au sens où il anime 14 groupes de travail
chargés de produire des protocoles, des évaluations et de mettre en œuvre des actions de sensibilisation du
grand public ou d’information des professionnels. Il a créé une revue d’information pour les acteurs de
terrain intitulé « Réseau de vie ». Le CTS a envisagé, un temps, la régionalisation de la revue. Finalement,
le CTS a fait le choix de conserver une revue départementale au contenu plus étoffé mais avec une parution
moins fréquente. Le dernier numéro présente l’intérêt de donner une vue d’ensemble des initiatives menées
sur le département du Morbihan (Numéro 7, février 2007).
Le Comité du Finistère est celui qui accompagne le plus la mise en réseau des acteurs locaux : quatre
réseaux fonctionnement sur le département.
Les instances départementales sont inégalement animées. Cela peut avoir des répercussions sur les
initiatives locales.
73
4. Le volet psychiatrie et santé mentale du Schéma Régional d’Organisation des Soins 2006-2010
(SROS III)
Pour la période 2006-2010, le SROS s’attache à poursuivre l’objectif de garantir à toute personne l’accès à
des soins de qualité en réponse à ses besoins propres, au long d’un parcours de soins continu et cohérent,
assurant une prise en charge globale dans toutes ses composantes : sanitaire, sociale et médico-sociale.
b. L’implication des professionnels de santé hospitaliers dans les réseaux locaux de prévention du suicide
Nous retrouvons dans les réseaux ou collectifs prévention du suicide des professionnels de santé issus du
secteur hospitalier spécialisé : il s’agit principalement d’infirmiers psychiatriques, de psychologues et de
cadres de santé. Ils représentent souvent les unités d’accueil médico-psychologiques (UAMP) des centres
hospitaliers ou les centres médico-psychologiques (CMP). Ils ont à cœur de décloisonner les pratiques
professionnelles pour un meilleur suivi des patients.
A titre d’exemple, le Centre Hospitalier Etienne Gourmelen de Quimper met à disposition du réseau
prévention du suicide des jeunes du pays de Cornouaille huit professionnels à hauteur de quarante heures
par an et par professionnel (professionnels de l’UAMP, des CMP, de l’équipe de liaison, du Centre du couple
et de la famille, du service Accueil Drogue Info, de la Maison thérapeutique du collégien et du lycéen.)
Les réseaux, groupes et collectifs de prévention du suicide financés dans le cadre du PRS « Prévenir le
suicide en Bretagne 2004-2008 » ont été invités à participer à une formation – action sur l’évaluation, menée
par l’Atelier de l’évaluation en prévention et promotion de la santé. Financée par la DRASS de Bretagne et
organisée par la Mutualité Française Bretagne, cette formation s’est effectuée en 6 rencontres entre
septembre 2005 et octobre 2006. La formation avait pour objectif de permettre aux acteurs des réseaux,
collectifs et groupes locaux de prévention du suicide, de mettre en place une méthodologie et des outils
communs d’évaluation de leurs actions.
74
Le médecin de santé publique de la DDASS du Finistère a participé à l’ensemble des travaux du groupe.
Nous nous appuyons sur ce groupe régional d’évaluation des réseaux pour alimenter la réflexion sur
l’évolution des pratiques.
Nous évoquerons très peu le réseau de psychiatrie de crise de Lorient ; il s’agit en fait d’un réseau ancien de
prise en charge, organisé autour de l’unité d’urgence de l’hôpital général, peu investi dans la prévention
primaire. Ce réseau n’a pas donné suite à la démarche régionale d’évaluation des réseaux.
Sur la thématique qui nous concerne, il est possible que d’autres dynamiques existent ou vont voir le jour à
l’échelle des villes dans le cadre des Ateliers santé villes (ASV) ou à l’échelle des pays avec les projets
territoriaux de santé.
Ils constituent l’axe santé des Contrats Urbains de Cohésion Sociale (CUCS), nouveau cadre de la Politique
de la Ville. Ces ateliers sont des instances de coordination et d’animation d’un programme de santé local. Ils
doivent permettre une articulation dynamique entre la politique de la ville et la politique de santé. Les ASV,
ont alors pour objectif de faciliter la mobilisation et la coordination des différents intervenants par la création
et le soutien à des réseaux médico-sociaux.
Depuis 2003, des projets territoriaux de santé sont expérimentés en Bretagne avec l’appui de l’Etat, de
l’Assurance Maladie et du Conseil régional. Il s’agit, au travers de cette animation, de développer une
approche communautaire à l’échelon de territoires locaux, d’améliorer la mise en cohérence des actions et
des moyens et la coordination des acteurs. Six pays (Centre Ouest Bretagne, Trégor Goëlo, Plöermel,
Guingamp, Saint-Malo, Vitré) sur les 21 que comptent la région Bretagne et une ville (Rennes) sont engagés
dans la démarche et ont recruté des animateurs territoriaux de santé pour mettre en œuvre les projets.
Pour l’heure, nous n’avons pas connaissance de réseaux prévention du suicide animés par ces instances.
Sur le Morbihan, le réseau de veille et de vigilance de Pontivy réfléchit avec la DDASS à l’opportunité
d’accoler le réseau à une animation territoriale de santé.
75
2. Présentation synthétique des réseaux ou dynamiques locales repérées
29 Pays de Châteauneuf Collectif pour la prévention Tout public Centre social Mars 2003
du suicide et de la ULAMIR
souffrance psychique du
pays de Châteauneuf
76
Dpt Territoire Appellation Objectifs
d’intervention
22 Lannion, Projet de mise en réseau entre Mettre en réseau les hôpitaux de Guingamp,
Paimpol, la Fondation Bon Sauveur et Lannion, Paimpol
Guingamp Cap jeunes et projet de mise Développer les échanges avec les acteurs de la
en réseau interhôpital prévention
Améliorer le suivi des patients à la sortie de
l’Hôpital
29 Bassin de Brest Comité permanent de Mobiliser les acteurs de terrain
prévention de la souffrance Constituer un pôle ressource capable de
psychique et des phénomènes conseiller les acteurs de terrain et d’élaborer
suicidaires. des propositions pour les décideurs locaux
29 Ville de Réseau prévention du suicide Consolider le réseau d’acteurs locaux
Landerneau des jeunes Favoriser la coopération entre acteurs et les
échanges de pratiques
Informer les parents sur le mal être à
l’adolescence
29 Pays de Réseau prévention de la Mobiliser les acteurs locaux
Cornouaille souffrance psychique et des Permettre la connaissance et les échanges de
conduites suicidaires des pratiques
jeunes Définir des actions de prévention
Améliorer l’accueil et l’écoute des jeunes
29 Pays de Collectif pour la prévention du Soutenir et former les professionnels et
Châteauneuf suicide et de la souffrance bénévoles dans un rôle de veille et de détection
psychique du pays de du niveau d’urgence.
Châteauneuf Partager des outils et des moyens communs
Sensibiliser et informer la population
35 Département Le Collectif « Ensemble Organiser sur le territoire des rencontres
d’Ille et Vilaine Prévenons le Suicide» Ille et citoyennes
Vilaine, (CoEPS 35) Donner la parole à des non spécialistes
Créer un espace où le tabou du suicide puisse
être levé dans un échange d’expériences et
d’informations
Promouvoir la méthodologie des rencontres
citoyennes
Démultiplier les rencontres sur des
thématiques proches.
35 Département PEPPS Promouvoir ensemble Sensibiliser les professionnels sur la
d’Ille et Vilaine une prévention primaire du thématique et développer leur information et
suicide leur connaissance
Diffuser une plaquette de communication
grand public
56 Secteur de Réseau de veille et de vigilance Favoriser la connaissance mutuelle
Pontivy et Assurer une information complète sur les
Locminé ressources disponibles
Affiner le diagnostic local
Construire des partenariats
Sensibiliser les professionnels
Informer le grand public
77
3. Les attributs des différents réseaux de prévention du suicide repérés
Le groupe régional d’évaluation des réseaux recommande qu’un réseau de prévention du suicide, pour être
efficace, doit « accueillir des membres des différents champs d’intervention : sanitaire et social, mais
également socio-éducatif, judiciaire, insertion… ». « Certains réseaux ou collectifs sont nés « dans la ville »,
avec des acteurs sociaux désireux d’intervenir sur un sujet auquel ils sont confrontés, et sont peu reliés au
secteur sanitaire. Ils auront à faire l’effort de s’articuler à un dispositif de soins. D’autres sont nés « à
l’hôpital, à partir d’un service de psychiatrie ou d’une unité spécialisée dans la prise en charge des
suicidants. Ils devront s’ouvrir aux intervenants extérieurs, éducateurs, enseignants, acteurs de prévention,
travailleurs sociaux ou de l’insertion. »
Il importe de réunir des acteurs différents pour illustrer la chaîne de soins et rendre ainsi cohérents les
objectifs du PRS. Le groupe régional d’évaluation des réseaux souhaite voir « encourager le développement
de réseaux de proximité réunissant des acteurs des secteurs de la santé, du social, de l’éducation, de
l’insertion…, permettant une articulation entre la promotion de la santé mentale, la prévention de la
souffrance psychique et du suicide et le soin spécialisé ».
Des catégories d’acteurs peuvent toutefois manquer ou être insuffisamment représentés selon les réseaux :
les professionnels de santé sur Châteauneuf et Pontivy, les représentants associatifs sur Brest, les milieux
socio-éducatifs sur Guingamp, les acteurs de la jeunesse (animateurs jeunesse, coordinateurs enfance
jeunesse) sur le pays de Cornouaille. Les médecins généralistes sont absents de l’ensemble des réseaux
prévention du suicide en Bretagne. D’aucuns ont suivi une formation animée par le CRES de Bretagne lors de
la mise en œuvre du premier PRS. Cette formation avait pour objectif de sensibiliser les médecins
généralistes sur la question du mal être et de la souffrance psychique des jeunes.
A la préconisation énoncée ci-dessus, nous pourrions rajouter l’importance du travail en réseau avec les
médecins généralistes. L’évaluation de la prise en charge des suicidants dans le département du Morbihan
menée en février 2003 par le cabinet conseil CEMKA pour le compte de la DDASS et la CPAM du Morbihan
pointe un problème de suivi des patients après hospitalisation et souligne le manque de liens formalisés avec
les médecins généralistes pour imaginer un tel relais. L’enquête fait également ressortir une demande de
renforcement des liens entre acteurs : « 75% des professionnels interrogés dans l’enquête considèrent
comme utile la formalisation d’un réseau de prise en charge. Cette opinion est plus prononcée pour les
médecins généralistes exerçant dans des zones rurales ». Nous pouvons regretter qu’il n’ait pas été
préconisé un réseau de prévention plutôt qu’un réseau centré sur le soin. Toutefois, « concernant les
formations, le thème du dépistage et de la prévention est demandé principalement par les professionnels de
première ligne tels que les médecins généralistes, les travailleurs sociaux, l’Education nationale ».
Ce sont principalement des réseaux de professionnels. Des bénévoles peuvent faire partie des réseaux ; ils
sont toutefois toujours rattachés à une association (SOS amitié, Jonathan Pierres Vivantes, Sources…). Ils
peuvent avoir du mal à trouver leur place dans les réseaux. Par exemple, les représentants des organisations
de parents d’élèves associés sur le réseau de Landerneau ont exprimé des difficultés de positionnement face
aux professionnels.
78
Les usagers ne font pas partie des réseaux existants. Ils peuvent s’exprimer lors de temps forts qui leur sont
destinés (conférences, rencontres citoyennes). Le collectif d’Ille et Vilaine qui souhaite donner la parole à des
non spécialistes n’accueille pas en son sein des individualités : « Pour rejoindre le collectif, il faut entre
autres, être missionné par une structure ou une association. »
Les différents réseaux s’inscrivent à l’échelle de ville, de pays, de bassin de vie, de circonscription d’action
sociale, de département. Il semble difficile de définir quelle est la bonne superficie d’un réseau. Les contours
d’un réseau sont par définition difficilement délimitables.
Ils peuvent donc répondre à des logiques urbaines ou à des logiques de pays dans les zones rurales. Sur le
Finistère, quatre pays sont plus ou moins couverts par des réseaux prévention du suicide. Le pays de Morlaix
tend à manquer à l’appel. Sur le Morbihan, le réseau de veille et de vigilance de Pontivy et Locminé prend
appui sur deux circonscriptions d’action sociale du Conseil général qui vont au delà du pays de Pontivy.
Le territoire couvert par un réseau a toutefois des incidences sur sa composition. Un territoire très grand
peut conduire à un nombre trop important de personnes dans le réseau ; ce qui peut nuire à son efficacité.
Sur le pays de Cornouaille, la constitution de micro-réseaux par communauté de communes ou par territoire
d’action sociale fait partie des propositions issues de l’évaluation.
« De même, l’augmentation du nombre des partenaires rend-elle plus lourdes et plus difficiles la circulation
des informations, l’expression des opinions et avis, et nuit-elle à l’interconnaissance entre les membres ».
(Lilian MATHIEU, sociologue, rapport d’étude pour le CRAES, Conceptions et pratiques du travail en réseau,
en prévention de la souffrance psychique des adolescents, 2000, p.20)
A l’inverse, un réseau en milieu rural peut être confronté à la rareté des partenaires ou membres de réseaux
potentiels du fait de la faiblesse de l’équipement sanitaire et social. Il faut alors « faire avec ce que l’on a ». Le
collectif de Châteauneuf du Faou a ainsi pointé les problèmes importants de prise en charge psychiatrique
dans le secteur et le manque de professionnels de santé associés. Depuis ce travail d’évaluation, ce dernier
collectif a étendu son territoire d’intervention au pays du Centre Finistère (cantons de Châteauneuf du Faou,
Pleyben, Huelgoat et Carhaix). Une nouvelle dynamique semble s’être créée avec la présence de
professionnels issus de Carhaix.
La recommandation du groupe régional d’évaluation des réseaux est d’ « assurer une couverture territoriale
en veillant à ce que chaque réseau soit relié à un service de psychiatrie pouvant accueillir et prendre en
charge les personnes en souffrance psychique ».
L’organisation en réseau favorise bien l’interconnaissance et est aussi source d’enrichissement des pratiques.
Parmi les points positifs d’un réseau, les membres du groupe régional notent les mots clés suivants :
« partage de la même culture, du même langage » ; « échanges nombreux sur des situations concrètes » ;
« réalisation de projets » ; « formation pour les membres du réseau » ; « connaissance réciproque et début
de partage de l’information ».
79
A titre d’exemples :
L’évaluation des réseaux prévention du suicide des jeunes sur les pays de Landerneau et Cornouaille montre
que les deux réseaux permettent à ses membres de :
Mieux identifier les structures locales,
Se constituer un carnet d’adresses
Approfondir la problématique.
Mieux orienter les jeunes en souffrance
Se sentir moins isolé dans sa pratique professionnelle.
L’impact du groupe sur les participants à Pontivy Locminé se mesure à plusieurs niveaux :
L’évolution du point de vue sur la problématique suicidaire.
L’apport de connaissances qui résulte avant tout des apports mutuels entre les participants.
Une plus grande aisance dans la capacité de parler de la souffrance psychique ou du suicide.
Une meilleure capacité pour agir.
L’ensemble des réseaux souligne la motivation forte de ses membres. Nous sommes là dans une démarche de
type volontaire. Le motif de participation peut être uniquement professionnel. Il peut aussi être pluriel et
s’expliquer également par des raisons personnelles. La présence dans le réseau répond moins souvent à des
sollicitations institutionnelles. Les membres des réseaux semblent prendre plaisir à travailler ensemble et
parlent de convivialité.
Il n’existe pas une forme de coopération. Cependant la base de tous les processus coopératifs est bien
l’échange de ressources, c’est-à-dire l’échange d’informations, de conseils, de compétences, de connexions
avec d’autres réseaux existants. La communication interne au réseau joue un rôle essentiel. Pour favoriser
l’interconnaissance et la personnalisation des liens, les réunions régulières sont indispensables. Elles sont
d’ailleurs un moyen de vérifier l’implication de chacun des membres du réseau. Cette régularité de réunion
est alors synonyme de fort investissement en temps. Les réunions permettent aux membres des réseaux de se
mettre d’accord sur les actions à entreprendre sur la base d’un diagnostic partagé.
Ainsi, sur le pays de Cornouaille, un travail important a été mené pour expliciter les missions et rôles de
chaque membre du réseau, décrire les atouts et limites de chaque professionnel, lister tous les besoins non
couverts et enfin proposer des priorités d’action.
80
Le travail de diagnostic peut conduire certains réseaux à améliorer l’offre sanitaire et sociale en proposant
des formes abouties de structurations ( mise en place d’un Point Accueil Ecoute Jeunes (PAEJ) sur le pays de
Cornouaille, proposition d’une Maison des adolescents sur le pays de Brest, création d’une écoute
téléphonique dédiée aux jeunes sur le Finistère). A l’inverse, la création d’un PAEJ sur Paimpol, en dehors de
l’existence d’un réseau, peut favoriser la mise en lien des acteurs de terrain.
L’organisation en réseau suppose une connaissance fine de l’ensemble des acteurs intervenant aux différents
niveaux de la chaîne de soins pour pouvoir orienter au mieux les personnes en souffrance et éviter l’isolement
professionnel. La création d’annuaires, répertoires peut répondre à ce besoin de connaissance de
l’environnement social et médical. Ce type d’outils appelle quelques commentaires. L’élaboration d’outils
n’est pas systématique. Tous les réseaux repérés n’ont pas constitué d’annuaire ou répertoire.
Nous pouvons citer quelques annuaires, guides, répertoires repérés en Bretagne :
« Guide des acteurs de prévention du suicide des jeunes sur le pays de Landerneau » (2001) (épuisé)
« Annuaire des acteurs de prévention du suicide sur le pays de Châteauneuf » (2004)
« Guide / répertoire des acteurs de prévention du suicide des jeunes sur le pays de Cornouaille » (2006)
(en cours de diffusion).
Certains réseaux s’appuient sur des documents déjà existants au niveau départemental :
« Eléments de réseau pour la prise en charge médicale des suicidants par secteur dans le Morbihan ».
Ces outils sont variés : du simple carnet d’adresses au guide pédagogique. Des répertoires restent centrés sur
les acteurs du soin. D’autres listent l’ensemble des maillons de la chaîne de soins. Ce qui sous-entend qu’un
professionnel du soin pourra orienter une personne en souffrance vers un professionnel du champ social,
éducatif. Chaque réseau a tendance à créer son propre outil. On peut y voir un moyen de favoriser la
coopération à partir d’un exercice concret.
Sur l’Ille et Vilaine, le groupe de travail PEPPS a réalisé une plaquette pour présenter leur démarche aux
acteurs de terrain et les inciter à être en veille et à trouver des relais. Ce document ne fait cependant pas
office de répertoire ou annuaire.
L’utilité de ces outils n’a pas été évaluée. La pertinence des annuaires est d’ailleurs interrogée par le
sociologue Lilian Mathieu à propos des réseaux intervenant sur la question de la santé mentale des jeunes en
Rhône Alpes (voir encadré ci-après). Sur le pays de Cornouaille, le guide / répertoire semble fortement
demandé par les professionnels les moins représentés dans le réseau. La diffusion du guide est accompagnée
d’une fiche d’adhésion au réseau. Elle est pour l’instant peu remplie.
« Tout se passe comme si, pour des intervenants se tenant (de façon volontaire ou non) quelque peu à
l’écart des « réseaux » préexistants, l’annuaire devait permettre d’accéder au type d’intervention
disponible grâce aux relations personnalisées qui se déploient à l’intérieur de ceux-ci. Dans cette
perspective, l’annuaire présentant une telle précision d’information ne serait pas tant un outil permettant
d’intégrer le réseau qu’un moyen pour ceux qui ne souhaitent pas pleinement s’engager dans un
fonctionnement réticulaire de bénéficier de certains des avantages que propose celui-ci sans avoir à payer
ce qui leur apparaît comme les principaux inconvénients. »
(Lilian MATHIEU, sociologue, rapport d’étude pour le CRAES, Conceptions et pratiques du travail en
réseau, en prévention de la souffrance psychique des adolescents, 2000)
81
2. L’organisation d’actions
Dans le but d’améliorer la prévention du suicide, les réseaux repérés sur la Bretagne ont défini la mise en
œuvre de nombreuses actions en direction des professionnels et/ou du grand public. Nous distinguons les
actions de sensibilisation qui visent à changer les opinions, les attitudes des actions de prévention qui visent
à modifier les pratiques professionnelles.
Parmi les actions de sensibilisation, nous pouvons citer les forums, journées d’information destinées aux
acteurs de terrain. Exposés en plénière et travail en atelier constituent l’armature de ces temps forts.
Ces journées cherchent à encourager les acteurs à se saisir de la question de la prévention de la souffrance
psychique et des phénomènes suicidaires : elles aboutissent bien souvent à la mise en place d’actions
nouvelles ; elles peuvent ainsi servir de levier.
A titre d’exemples :
Le comité brestois a organisé en novembre 2006 son quatrième forum à destination des professionnels. Le
premier forum concernait la prévention du suicide des jeunes. Il a permis la création d’un groupe de travail
sur l’amélioration de l’accueil et l’écoute des jeunes, la conduite d’une étude sociologique, la création d’une
ligne téléphonique dédiée aux jeunes et enfin le montage d’un projet de type « Maison des adolescents ». Le
troisième forum visait la sensibilisation des acteurs de terrain sur la prévention du suicide des personnes
âgées. Là encore, un groupe de travail s’est constitué et a mis en œuvre des formations destinées aux aidants.
Sur le Morbihan, le travail en ateliers lors d’une journée d’information et d’échanges sur la Souffrance
psychique et les conduites suicidaires en juin 2003 a facilité la mise en place d’actions. Ainsi un programme
expérimental de promotion de la santé mentale a vu le jour en 2004 dans un établissement scolaire suite aux
échanges dans un des ateliers consacrés à la prévention du suicide et la promotion de la santé.
D’autres actions concernent le grand public : de la conférence « classique » aux rencontres citoyennes (voir
encadré 3 pour la présentation du concept de rencontres citoyennes).
Une sensibilisation des élus est en réflexion sur le pays de Cornouaille. Les élus locaux peuvent être un levier
à la mobilisation des animateurs jeunes peu présents dans le réseau. En milieu rural, ils sont aussi bien
souvent des acteurs de première ligne. Il convient de leur donner les outils nécessaires au passage de relais.
Des documents supports peuvent faciliter l’information du grand public et/ou des professionnels ; ils
donnent des informations départementales ou présentent des personnes ressources sur un territoire donné :
« Guide pour les parents d’adolescents sur Landerneau », « Adolescence à fleur de peau ou Précis de
navigation à l’usage des parents » élaboré dans les Côtes d’Armor puis régionalisé, « Besoin d’être… écouté ?
… aidé ? des structures, des associations… sur le pays de Redon ».
Une plaquette régionale a été créée à destination des jeunes : « Oser en parler ».
Le CTS du Morbihan a rédigé des fiches techniques pour les professionnels : « bien être et équilibre
psychologique des jeunes », « bien être et équilibre des personnes âgées ».
82
ENCADRE 3 : Rencontre citoyenne
Le Collectif « Ensemble, prévenons le suicide Ille et Vilaine » (COEPS 35) a créé en 1999 la méthode
« Rencontre citoyenne – d’une parole taboue au débat public », persuadé que des citoyens non spécialistes
peuvent apporter un regard neuf sur la question du mal être et du suicide.
La méthode est déclinée sur différentes thématiques : Identité sexuelle et suicide ; Suicide des personnes
âgées ; Travail, études : échecs et réussites, des liens avec le suicide ? ; Ensemble, comprenons mieux les
troubles du comportement et particulièrement : Ensemble, prévenons le suicide.
Ces rencontres sont destinées à échanger et à débattre. Des « porte-parole » expriment le fruit d’une
réflexion commune et interrogent des « consultants » associatifs et professionnels. Le public présent
participe lui aussi au débat. Elles permettent l’émergence d’idées simples, concrètes, humaines pour une
prévention « citoyenne ».
La méthode a été formalisée et validée. Elle est retenue par le PRS comme méthode à démultiplier.
(D’après la plaquette du COEPS 35)
83
IV. ENTRE RESEAU PRATIQUE ET RESEAU ORGANISÉ
Les réseaux repérés semblent osciller entre deux modèles dominants décrits par le sociologue Lilian
Mathieu : le réseau pratique et le réseau organisé (voir encadré 4). En effet, s’ils sont plutôt informels, ils
tendent à se rapprocher d’un mode d’organisation davantage formalisé.
a. Le réseau pratique
Les membres participent aux réseaux sur la base du volontariat. Ils cherchent avant tout à mieux se connaître
pour mieux s’interpeller si besoin est. Se connaître et se reconnaître constituent d’ailleurs la première étape
d’un travail en réseau. Cela passe par la réalisation de guides, répertoires pour les membres des réseaux.
L’activité du réseau peut en rester là mais il n’est pas sûr que le réseau produise durablement du
changement.
Cette forme de coopération peut se révéler fragile. Le renouvellement des membres peut être déstabilisant.
Les nouveaux membres mettent du temps à trouver leurs marques. Parfois, le renouvellement des membres
du réseau ne s’opère pas. Un professionnel d’une structure donnée, très investi dans le réseau, peut ne pas
être remplacé par un collègue, s’il est amené à quitter le réseau, puisqu’il n’y a pas d’engagement de la
structure à le faire.
Le manque de visibilité institutionnelle est pointé. L’absence de statut oblige les membres des réseaux à se
rattacher à une structure porteuse pour bénéficier de subventions.
Les réseaux démarrent souvent avec un petit noyau de volontaires et peuvent vite s’étendre. Cela réclame
alors une autre organisation, un autre investissement. Les réseaux sont vite chronophages.
b. Le réseau organisé
Trois réseaux travaillent actuellement à la rédaction de convention et charte pour préciser les points d’accord
qui unissent les membres des réseaux, pour clarifier la place et le rôle de chacun, pour expliciter le mode de
fonctionnement et surtout acter l’existence des réseaux auprès de l’ensemble des institutions concernées.
Une recommandation du groupe régional d’évaluation des réseaux est d’ « éviter l’épuisement des acteurs
des réseaux de proximité ayant pris une certaine ampleur, en finançant leur animation et leur organisation
(1/4 ETP par réseau) ».
84
CONCLUSION
Il nous semble important de continuer à mobiliser tous les acteurs intervenant auprès des publics en
souffrance psychique. Il s’agit alors de rassembler les acteurs des différents champs pour couvrir l’ensemble
de la chaîne de soins et décloisonner les pratiques.
Il convient de rappeler que le suicide est l’affaire de tous. Ce postulat fait l’objet d’un consensus tant national
qu’international. Le Québec parle de « sentinelles » pour inviter tout un chacun à jouer un rôle dans la
prévention du suicide (cf. Suicide Action Montréal, Canada). Nos voisins des pays de Loire privilégient aussi
une approche communautaire : « Le projet (de Loire Atlantique) est construit autour d’une idée motrice :
faire de la prévention, surtout dans le domaine du suicide, c’est favoriser le renforcement de la solidarité
entre les membres d’une communauté afin que chaque acteur puisse être potentiellement une ressource à
l’égard d’un de ses membres en souffrance. Ainsi, il n’était guère possible d’écarter les aspects primaire
(information, formation) et secondaire (repérage) de la prévention. » (Le suicide et sa prévention, ouvrage
collectif, ENSP, 2005)
Les réseaux doivent essayer d’intervenir à tous les niveaux des déterminants de santé et agir sur tous les
facteurs influençant ces déterminants. Les objectifs des réseaux de proximité doivent viser aussi bien
l’optimisation du dispositif sanitaire et social de prise en charge que la mobilisation sociale et l’information
de toutes les personnes concernées.
Pour mener à bien ces coopérations et pérenniser ces dynamiques, il est important de continuer à soutenir
les réseaux dans le sens d’une reconnaissance de l’investissement en temps des professionnels. Il convient de
réfléchir à la fonction animation des réseaux existants. Dans le Maine et Loire, la formalisation d’un réseau
angevin « souffrance psychique et précarité », regroupant plus de 100 professionnels du social, de la santé et
de la psychiatrie passe par « la création d’un poste de coordinateur de type « ingénieur réseau » habitué à
formaliser les procédures et à piloter les concertations, des temps de rencontres et de formations
communes, le développement et la diffusion d’outils d’information et de communication ». (Le suicide et sa
prévention, ouvrage collectif, ENSP, 2005)
L’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) a étudié l’impact de onze stratégies recensées, au
niveau des suicides, des tentatives de suicide, des idéations suicidaires ou au niveau des principaux facteurs
de risque qui y sont associés. Les résultats de l’étude font l’objet d’une publication « Avis scientifique sur la
prévention du suicide chez les jeunes ». Il y est souligné que la recension des écrits ne permet pas de conclure
à l’existence de données probantes en ce qui a trait à l’efficacité des onze différentes stratégies de prévention.
Toutefois, l’institut considère qu’aucune des onze stratégies analysées ne devrait être écartée, à l’exception
des activités de sensibilisation qui s’adressent à des groupes de jeunes.
Nous avons retenu deux recommandations pour l’aide à l’action (voir encadré 5 ci-dessous pour le détail des
deux recommandations choisies).
La septième recommandation de l’INSPQ vise à encourager le développement de réseaux de sentinelles dans
les milieux de vie des jeunes à condition toutefois de clarifier la procédure (personnes concernées, contenu
de la formation, réponses apportées…).
La onzième recommandation concerne directement les réseaux. Elle propose de soutenir les initiatives de
mise en réseau des partenaires engagés en prévention du suicide.
85
ENCADRE 5 : recommandations de l’INSPQ (extraits)
7. Encourager le développement de réseaux de sentinelles dans les milieux de vie des jeunes
« Les sentinelles sont des personnes qui, en raison de leur travail dans le milieu scolaire (enseignants,
personnel de soutien) ou dans la communauté (entraîneurs, animateurs de maisons de jeunes)
entretiennent des liens privilégiés avec les jeunes et sont susceptibles de recevoir leurs confidences et de
les aider. ».
11. Soutenir les initiatives de mise en réseau des partenaires engagés en prévention du suicide
« Il n’y a pas d’évidences que des programmes qui visent à mettre en réseau différents partenaires
impliqués dans la prévention du suicide soient susceptibles de prévenir les comportements suicidaires
comme tels ou de modifier favorablement les comportements de recherche d’aide ou de demande d’aide,
car aucune étude n’a tenté d’évaluer ces aspects. On sait toutefois que le succès des programmes repose
toujours en partie sur la capacité de créer un climat de collaboration entre les différents partenaires.
Cette condition s’applique autant dans le domaine de la prévention du suicide. Ces initiatives doivent
donc être encouragées.
(Avis scientifique sur la prévention du suicide chez les jeunes, Institut national de santé publique du
Québec, 2006)
86
René CHARDAVOINE-
DU SUICIDE EN BRETAGNE
La mise en œuvre d’un Programme national de prévention du suicide a été décidée en 1998, par le secrétaire
d’Etat à la santé et à l’action sociale (111), en lien avec les régions ayant élaboré un programme régional de
prévention du suicide, « afin de passer en dessous de la barre symbolique de 10.000 morts par suicide par
an ». Une priorité confirmée par la suite lors de la journée nationale de prévention du suicide, en février
2000 (112)
La ligne d'action régionale répond ainsi à celle développée France entière à travers les Conférences nationales
de santé mises en place par les ordonnances de 1996. Notons que celle de 1997 approuvant le Plan 1996-
2000, retenait ainsi déjà la prévention du suicide parmi ses dix priorités et se référait à ce propos, entre
autres, déjà à l'expérience de la Bretagne
Aujourd’hui en France (en 2000), 160.000 personnes font une tentative de suicide par an et 12.000
personnes décèdent par suicide. Le suicide est un phénomène particulièrement préoccupant dans la
population jeune. Il s’agit de la première cause de mortalité dans la classe d’âge des 25 à 34 ans et la 2ème
cause de mortalité chez les jeunes de 15 à 24 ans.
La conférence nationale de santé a retenu en 1997 la prévention du suicide parmi les dix
priorités de santé publique et quatorze régions ont reconnu cette problématique comme une priorité
régionale.
Parmi elles, 10 régions ont mis en place un programme régional de prévention du
suicide (Bretagne ; Bourgogne ; Champagne -Ardennes ; Franche-Comté ; Lorraine ; Basse-Normandie ;
Haute-Normandie ; Pays de Loire ; Poitou-Charentes ; Rhône-Alpes). Et 2 régions ont mis en place un
programme régional sur la santé des jeunes intégrant un volet phare concernant la prévention suicide :
Nord-Pas-de-Calais ; Provence-Alpes-Côte-d’Azur.
Les développements régionaux des dernières années prennent en retour appui sur de nombreuses actions
désormais initiées par les pouvoirs publics France entière :
Les actions mises en œuvre dans la prévention du suicide à travers les PRSP, de 1ère génération :
Un temps fort de la prise en charge des personnes ayant fait une tentative de suicide est leur accueil à
l’hôpital.
Dans le cadre du programme national de prévention du suicide et à la demande du directeur général de la
santé,
- l’agence nationale de l’accréditation et de l’évaluation (ANAES) a élaboré des recommandations sur la
« Prise en charge hospitalière des personnes après une tentative de suicide » [diffusées à
l’ensemble des établissements de santé et des médecins généralistes].
111
Bernard KOUCHNER
112
Mme Dominique GILLOT
87
- un audit clinique effectué par l’ANAES dans les différentes régions, afin d'aider les établissements de
santé à poursuivre leurs efforts dans la qualité de ce suivi (1999-2000).
- conduite par la Fédération nationale des observatoires régionaux de santé (FNORS) d'une
évaluation d’actions de prévention primaire mises en place dans les 10 régions ayant élaboré un
programme de prévention du suicide, afin d’établir un cahier des charges permettant d’optimiser la qualité
des actions concernées au regard de l’objectif de diminuer le nombre de suicide.
- ouverture en 1999 d'un site Internet du ministère sur la prévention du suicide (www.sante.gouv.fr)
pour diffuser au fur et à mesure l’état d’avancement du programme national de prévention du suicide, les
conclusions du travail du conseil scientifique, les différentes recommandations pour améliorer la qualité
des actions diffusées et l’état des lieux sur la mise en œuvre des programmes régionaux de santé.
- organisation d'une conférence de consensus en 2000, afin de mieux cerner la crise suicidaire
patente et/ou latente.
Cet avis, sans traiter directement de la prévention du suicide, tente ainsi de privilégier une approche globale
des processus - "privilégiant un continuum de la prévention aux soins" - du système de santé, faisant
ressortir ses insuffisances, tout en soulignant ses insuffisances actuelles – le déploiement de "stratégies en
amont des soins"… n'ont, entre autres, "pas été conduits avec la même vigueur vis à vis du suicide". Il
souligne ainsi "l'intérêt d'une régulation nationale et régionale décloisonnant les trois grands modes
d'exercice : ville, hôpital, médico-social, tous trois profondément solidaires, dans l'efficience comme dans la
perte d'efficacité" (pp. 4 et 5).
88
▪ La Stratégie nationale d'actions face au suicide
Le Plan Psychiatrie et santé mentale 2005-2008 a prévu en particulier, dans son axe spécifique
dépression et suicide, l'évaluation de la Stratégie nationale d'actions face au suicide 2000-
2005.
Un cabinet spécialisé dans l'évaluation des politiques publiques, Eureval, a remis son rapport final à la
Direction générale de la santé, le 28 décembre 2006.
• Stratégie nationale d’actions face au suicide 2000/2005
• Rapport d'évaluation
• Synthèse
• Annexes
- La mission régionale de santé (MRS), URCAM / ARH (instaurée par la loi du 13/8/2004)
La M.R.S., créée depuis le 12 avril 2005 en Bretagne, est dirigée alternativement, chaque année, par
le directeur de l'ARH et le directeur de l'URCAM. Claude Humbert a pris le relais d'Annie Podeur en
Janvier 2006.
89
Lieu de concertation, le comité de coordination ville-hôpital mensuel permet aux deux directeurs de
faire le point sur tous les sujets communs avec le concours des responsables de la DRASS, de la
CRAM et de la Direction Régionale du Service Médical.
Au sein de la MRS Bretagne, l’URCAM et l’ARH ont ainsi élaboré un programme de travail qui
comporte 12 projets. Entre autres :
- Propositions d’organisation de la permanence des soins en articulation avec les
urgences
- Communication sur le bon usage du système de soins en cas d’urgence
- Installation des professionnels libéraux dans les zones démographiquement sensibles
- Développement des réseaux de santé
- Les échanges d’information entre les acteurs de santé, libéraux et hospitaliers : la plate-
forme régionale de télésanté a vu le jour en 2005. Elle met à la disposition des professionnels
de santé, des établissements et des réseaux des outils facilitant les échanges informatisés,
notamment la gestion des identifiants des professionnels et des patients. Son financement
est assuré par la dotation de développement des réseaux.
- Prescriptions hospitalières délivrées en ville
- Elaboration d’un diagnostic partagé ARH /URCAM (*)
Ces actions s’inscrivent intégralement dans le programme régional commun de l’assurance maladie.
L’ensemble des propositions et programmes de la M.R.S. seront soumis annuellement pour avis à la
conférence régionale de santé.
Associant étroitement et à chaque étape l'ensemble des composantes du réseau breton de l'assurance
maladie : organismes des trois régimes, CRAM, services médicaux, ce programme à trois ans est la
déclinaison des orientations communes en projets par axe d'intervention et par thématique
prioritaire. De par la loi, il devient le programme unique de référence sur la régulation. A ce
titre, il couvre l'ensemble des activités sur les champs ambulatoire, hospitalier et médico-social et des
modes d'intervention (amélioration des pratiques, prévention, éducation pour la santé,
contrôle mais aussi les activités pérennes, telles que les avis du service médical, le suivi
conventionnel, la gestion des fonds d'intervention comme le FAQSV, la DRDR, le FNPEIS
...
90
Des instances opérationnelles en charge de missions particulières
Des instances engagées, selon leurs compétences propres, France entière, comme en Bretagne, dans les
programmes et actions de santé publique, de prévention du suicide et de promotion de la santé mentale.
Le Collège Régional d'Education pour la Santé de Bretagne (CRES) ainsi que les CODES, ses
Comités Départementaux (en relation avec l'INPES),
L'Observatoire Régional de Santé de Bretagne (l'un des ORS, en relation avec la FNORS)
Son rôle
La conférence régionale de santé contribue à la détermination des objectifs régionaux de santé publique et à
l’évaluation des programmes pluriannuels régionaux de santé publique qui constituent le plan régional de
santé publique.
Quelques dates (en Bretagne) :
▪ Décembre 2004 : Version 1 du PRSP réalisation d’un état des lieux des problèmes de santé spécifiquement
bretons, des actions déjà existantes et des ressources mobilisables dans la région.
▪ 24/01/06: présentation de la version définitive du PRSP lors de l’installation de la CRS : des choix de
priorités, et définition pour chacune de ces priorités, des actions à mettre en oeuvre.
▪ 13/04/06 : Vote du RI de la CRS et des PRSP/PRSE
Sa composition
La CRS de la région Bretagne est composée de 110 membres regroupés en 6 collèges. Sa Présidence est
assurée par Madame J. POMMIER, enseignante-chercheure en santé publique (ENSP).
▪ Le Schéma Régional d'Organisation des Soins - SROS - en Santé mentale 2001-2005, élaboré
sous la responsabilité de l'ARH de Bretagne, arrêté du 23 avril 2001,
▪ Prévenir le suicide en Bretagne 2004-2008, PRS II, Préfecture de Région & URCAM, mars 2004,
▪ Les Programmes Régionaux d'Accès à la Prévention et aux Soins (PRAPS) en faveur des
personnes en situation de précarité, programme quinquennal
Chef de projet : Mme Nicole DUPUIS-BELAIR, DRASS (conseiller technique 'Travail social'),
- PRAPS 2001-2002 (I)
- PRAPS 2003-2006 (II)
▪ Elaboration d'un Diagnostic partagé sur l'organisation du système de santé (où en est-il ?)
92
3- Le pilotage des programmes
Préalable : les informations qui suivent sont reprises du texte officiel le plus récent, le Plan Régional de
Santé Publique 2006-2010, La Bretagne en santé ( 114), essentiellement dans ses parties Prévenir le suicide
en Bretagne (pp.87-89) et Santé mentale (pp. 105-107); complétées par un entretien récent avec la DRASS.
Elles précisent ainsi le PRS, Programme Régional de Santé Prévenir le suicide en Bretagne 2004-2008,
mars 2004, 107 pages [celui-ci parfaitement résumé dans le tiré à part de 4 pages très largement diffusé lors
de son lancement].
Références
▪ France entière, la prévention du suicide a été identifiée comme priorité nationale par le Haut Comité de
Santé Publique dès 1994. Un Plan 2001-2005 a ainsi défini une stratégie nationale d'actions contre le suicide
et pour sa prévention. Ses axes étaient :
▪ En Bretagne, après un 1er PRS, Souffrance psychique et phénomène suicidaire (1997-2001), un 2ème PRS
est en cours (2004-2008), ce dernier mis en œuvre en avril 2004.
114 Un PRSP 2006-2010 d'accès aisé - du survol à l'étude détaillée - de par les différents supports proposés par la DRASS
115 Lien : http://www.sante.gouv.fr/htm/dossiers/sante_mentale/plan_2005-2008.pdf (ce document fait 98 pages)
93
Les thèmes d'actions du PRS II
Ses thèmes et domaines d'actions sont :
- l'engagement d'études pour une meilleure connaissance du phénomène,
- le développement de réseaux,
- l'information du public,
- l'écoute des personnes suicidaires,
- des formations pluridisciplinaires au repérage,
- le développement de dispositifs spécialisés dans les services d'urgence et pour l'hospitalisation.
Plusieurs catégories de population font, dans le cadre du PRS II, déjà l'objet d'une approche spécifique :
- les personnes âgées,
- les personnes détenues,
- les milieux professionnels.
-
D'autres, n'y figurent pas encore en tant que tels :
- jeunes, adolescents et jeunes adultes (18-25 ans),
- adultes
Aussi, les territoires présentant les taux les plus élevés de mortalité par suicide comme de tentatives de
suicide, n'auraient pas fait jusqu'à présent l'objet d'approches différenciées. Or, les programmes en place
seront à adapter aux populations auxquelles ils s'adressent et intégrer les divers types d'interventions qui les
concernent. Initiés au niveau régional, ils devraient être déclinés aux niveaux départementaux et par pays .
116 La promotion de la santé mentale en pratique, Guide pour l'action, juin 2006, 24 pages, DRASS / CRES Bretagne
117 Rencontre citoyenne, d'une parole taboue au débat public - Méthode, Octobre 2004, 31 pages, Collectif JNPS 35
118 Les lieux d'accueil et d'écoute en Bretagne, fin 2004, note DRASS (Nicole Dupuis-Belair, CTR en travail social),
119 Suicides par arme à feux, projet en cours, PRS II GT56 (accès aux médicaments, lieux sensibles, autres aspects ?)
120 Offre de formations ciblées de médecins généralistes, scolaires du travail
121 Mise en place de consultations spécialisées (Volet Santé mentale du SROS)
94
3/- le repérage et la prise en charge des personnes en crise suicidaire :
- développer les formations au repérage et à la conduite à tenir face à une crise suicidaire (122),
- organiser les services de soins pour la prise en charge de personnes en crise suicidaire ou ayant fait
une tentative de suicide (cf. le SROS III, en cours),
4/- la postvention :
- développer une offre d'accompagnement de l'entourage sur l'ensemble du territoire (123),
- mettre en œuvre des interventions dans les communautés après suicide (124),
Nota (xx) :
Les quelques brèves références ci-dessous pointent les travaux les plus récents dont la Conférence de
Consensus doit être informée. La plupart de ces travaux sont évoqués par ailleurs par les contributions
thématiques réunies par le Groupe Bibliographique.
122 Formation à la prévention du suicide Cahier des Charges, Cadrage de l'offre, Mai 2006, 10 pages
123 Des recommandations sont en cours d'élaboration par un PRS GT 22, préalablement au développement de l'offre.
124 Que sait-on des protocoles d'interventions que suivraient certaines communautés ?
125 Expérimentation d'observations territorialisées (AFRESC) : recueil des données des UMP des hôpitaux (ORS)
126 Evaluation des actions des réseaux existants, mars 2007, PRS GT 29 ()
127 La prévention du suicide des personnes âgées en Bretagne, DRASS (Alice PRIMAULT), 32 pages, décembre 2006
128 Le suicide en milieu professionnel, V. MUNIGLIA
95
IV- L'intervention de la société civile : premiers repères
De multiples instances associatives issues d'initiatives de la "société civile" interviennent et tiennent une
place d'autant plus importante dans les dispositifs dédiés au suicide, à sa compréhension et à sa prévention
que leurs modes d'approches à la fois diversifiés et concrets de l'enjeu a bien souvent précédé, guidé puis
accompagné les développements opérés par les pouvoirs publics (pour mémoire)
S'agissant de la prise en considération du suicide et de sa prévention, tant des décès que des tentatives de
suicide, ces instances ont donc une importance toute particulière :
Alors même que dresser un état des lieux de ces mouvements, des programmes qu'ils portent, des services
qu'ils rendent et des résultats qu'ils obtiennent, ne nous est pas possible, un premier repérage nous paraît
indispensable des acteurs qui s'y retrouvent et des instances qui les regroupent et/ou les représentent (à
compléter) :
- le Collectif "Ensemble Prévenons le Suicide" (COEPS 35 d'Ile et Vilaine) (129),
- le Collectif Inter-associatif de Santé de Bretagne (CISS Bretagne), constitué depuis décembre
2005, interlocuteur des pouvoirs publics quant à la représentation des usagers dans différentes
instances (dont la Conférence Régionale de Santé) (130),
- SOS Amitiés France, fédération d'associations départementales et/ou locales (131) [on notera les
principes structurants de l'écoute pratiquée : l'anonymat, le non-jugement, la non-directivité, la
différenciation entre un suicidaire, évoquant une intention, une mise en perspective possible d'un
suicide, et un suicidant en cours de passage à l'acte]
- L'antenne Bretagne de l'association nationale Jonathan Pierres Vivantes (ANJPV),
regroupant des parents ayant perdu un enfant quelle que soit la cause du décès et les convictions
religieuses [partenaire de l'UNAF, l'antenne anime des rencontres et échanges spécifiques autour de
suicides vécus par les gens qu'elle réunie…]
Ces mouvements, confrontés de longue date à des enjeux de promotion , de communication tant "politique"
que "grand public", à des besoins de soutiens de tous ordres, se sont généralement organisés France
entière, à travers des associations à l'origine d'initiatives collectives de grande envergure, jouant de plus en
plus un rôle porteur déterminant quant aux développements d'actions touchant au suicide et à sa
prévention.
129 Coordonné par Sylvie Galardon, le COEPS 35 mène depuis 2 ans une action locale expérimentale au Pays de Vitré-
Portes de Bretagne et y a organisé ainsi ce 17/3 à RETIERS une "Rencontre citoyenne pour prévenir le suicide".
130 Né dès fin 2004, à travers un Comité Régional des Usagers, axé au départ sur les greffes et le don d'organe, regroupant
"une trentaine d'associations issues des trois familles d'associations oeuvrant dans le domaine de la santé". A noter que,
depuis, un CISS France entière s'est constitué… (CISS Infos, N°3, janvier-février 2007)
131 dont la pratique est organisée par une CHARTE DE SOS AMITIE, structurant l'offre - le Service d'aide par téléphone -
les qualités et aptitudes de l'écoutant (y compris la formation continue exigée de chacun) et la mise en perspective d'une
écoute mutuelle recherchée, dite, écoute et solidarité.
96
- L'Union Nationale pour la Prévention du Suicide (UNPS) : à l'origine, une nouvelle
association, la JNPS, fondée en 1996 par six associations en vue de promouvoir une Journée
nationale pour la Prévention du Suicide, annuelle, le 5 février, en place depuis 1997; devenue
l'UNPS en 2000 en vue de rassembler plus largement les mouvements concernés : aujourd'hui 33
associations, et un Conseil d'Administration de 17 membres que préside le prof. Michel Debout.
Les thèmes successifs des colloques annuels tenus à Paris illustrent bien les problématiques peu à
peu développées ainsi, France entière (complétés, depuis peu, par des Journées régionales) :
"Le suicide, fléau social et sujet tabou" le 5 février 1997, à l'Assemblée Nationale
"Prévenir le suicide, c'est possible" le 5 février 1998 au Conseil Economique et Social
"Défi médical, défi social : je m'engage" le 5 février 1999, Maison des Agriculteurs
"Choisir la vie" le 4 février 2000, à l'UNESCO
"Politiques Locales, Politique Globale" le 5 février 2001, à l'UNESCO
"Suicide : La relation humaine en question" du 4 au 7 février 2002, à l'UNESCO
"Violence et Suicide au travail" le 5 février 2003, à la Maison de la RATP
"Droit, éthique, suicide : interdire, assister ou prévenir" du 2 au 6 février 2004, Maison de la
RATP, La Sorbonne.
"Certitudes et incertitudes de la prévention" les 4 et 5 février 2005, au Centre Chaillot Galliera.
"Envie de la vie : Le suicide n'est pas une fatalité" du 2 au 4 février 2006 au Conseil Economique
et Social.
97
ANNEXE : LES PRINCIPAUX TEXTES DE REFERENCE EN BRETAGNE
I/- Les documents officiels de la région (des plus récents aux plus anciens, en diffusion large)
▪ La Bretagne en santé - Plan Régional de Santé Publique 2006-2010, Préfecture de Région Bretagne,
- le rapport de présentation broché, 188 pages, assorti des membres du Groupe-Projet et de deux annexes
: La santé de la population en Bretagne, Synthèse, décembre 2004, ORS Bretagne, 23 pages, et l'Avis de la
Conférence Régionale de Santé.
- une affiche grand format en présentant les grandes lignes : les finalités du PRSP 2006-2010 (cadre
législatif innovant), l'état de santé des Bretons, les déterminants de santé (des données qui interpellent),
les objectifs (x 3), les stratégies (x 4), les programmes (x 14), les approches populationnelles (x 4), ainsi
que des programmes "supports" (x 3),
▪ Prévenir le suicide en Bretagne 2004-2008, Préfecture de Région DRASS & URCAM, mars 2004,
133
- le rapport de présentation (du PSP) , 107 pages,
- un "tiré à part", 4 pages imprimées - sa présentation en grande diffusion [une priorité de santé publique,
les enseignements tirés du bilan du premier PRS 1999-2003, le contexte conceptuel, l'objectif commun
(réduire l'incidence du suicide), les 5 stratégies transversales, ses 6 objectifs spécifiques et axes d'action],
- La prévention du suicide des personnes âgées en Bretagne, Alice PRIMAULT, décembre 2006, 32 pages
- La promotion de la santé mentale en pratique, Guide pour l'action, 24 pages, Sonia VERGNIORY (CRES de
Bretagne), juin 2006,
134
- Formation à la prévention du suicide : Cahier des charges , mai 2006, 10 pages,
132 Noter, en particulier, la partie concernant la prévention du suicide qui y intègre désormais la souffrance psychique
133Produit près de deux ans avant le PRSP (d'où la nécessité de se reporter au PRSP, pour le PRS, des pages 87 à 89, la
santé mentale, des pages 105 à 107, et, à quelques ajouts quant aux approches par population cible).
134
Dont les 9 membres du GT : Christelle COLAS (DDASS 29), Bertrand COLEMAN (DRASS), Charles COQUELIN (CH
Bégard), Dr. Claire MAITROT (Rectorat), Anne-Marie PALICOT (CRES), Dr. F. PETITJEAN (DRASS), Colette PICOT
(DDASS 35), Dr. Florence TUAL (DDASS 56) et Prof. Michel WALTER (CHRU Brest)
98
II-1/- Quelques textes de référence (source François PETITJEAN, du plus récent aux plus anciens)
▪ SROS III / Prise en charge du suicide - Les recommandations du groupe de travail - Thèmes : Les
urgences à l'hôpital, en amont et en aval, par population spécifique (enfants & adolescents, personnes âgées,
détenus), approches qualité, postvention, observation/recherche, réseau & partenariats, 15 transparents
repris en texte le 10/4/07,
▪ Rencontre citoyenne : d'une parole taboue au débat public – Méthode, Octobre 2004, Collectif "Journée
Nationale pour la Prévention du Suicide d'Ile et Vilaine", 32 pages,
▪ Quatre initiatives locales pour un programme régional de santé, Yannick Barbançon, DSP MFB, 4 pages,
reprises d'une communication du 13 octobre 2004 au Québec,
▪ Les lieux d'accueil et d'écoute en Bretagne, Nicole Dupuis-Belair, 4 pages, note non datée de la DRASS
Thèmes : contexte, actions 2000-2001, étude CATALYS, projets 2005,
▪ Construction d'un système d'observation des tentatives de suicide, reprise des transparents de présentation
de l'AFRESC, septembre 2006, 3 pages
▪ Le Dispositif d'évaluation "chemin faisant" du PRS 2004-2008, document de travail, juin 2004, 43 pages,
Note introductive (4 pages), puis, Programmations régionale et interdépartementales, puis, départementales,
annuelles (les types d'actions ciblées), le bilan départemental annuel, l'évaluation départementale
"chemin faisant" enfin : l'offre est-elle complète ? Y-a-t-il une approche par population et territoire
prioritaire ? Y-a-t-il une approche communautaire ? Y-a-t-il une démarche qualité ? le dispositif est-il
performant ? puis - à l'identique - l'évaluation pays "chemin faisant" (assorties de grilles d'analyse
détaillées),
▪ Prévenir le suicide en Bretagne - Bilan 2005 - Perspectives 2006, Dr. François PETITJEAN (DRASS / MIR
adjt. 135), 20 slides 136, Présentation orale au CTR du 12 mai 2006,
▪ Santé publique : la Bretagne articule plan régional et projet territorial, Dr. François PETITJEAN (DRASS /
MIR adjt), in Santé de l'homme, n°383 mai-juin 2006, pp. 23-24 (137),
▪ Le système de santé régional en Bretagne : mise en perspective, évolution, enjeux, Dr. François Petitjean,
CCB le 12 juin 2006, présentation orale en 45 slides (8 pages)
Mots-clés : Age; Bretagne; Centre santé mentale; Domicile; Donnée statistique; Estimation; Méthodologie; Prise charge
médico-sociale; Profession santé; Recours soins; Sexe; Suivi malade; Tentative suicide; Urgence psychiatrique; 2000-
2005; 2005
▪ Cinquième Conférence Régionale de Santé [Alcool, Tabac, Drogue, Précarité, Cancer, Suicide, Santé
environnement], DRASS, le 20 février 2001 à l'ENSP, 105 pages
Lien : http://bretagne.sante.gouv.fr/publications/rapports/2001/sept/crs2001.pdf
Extraits : (1-3), les membres du jury (85), les expressions (104-105), les conclusions du jury (86-99), dont,
sur "Souffrance psychique et phénomène suicidaire" (87-88)
▪ Propositions d'un corpus d'indicateurs répondant à l'objectif 3 du PRSP "Améliorer la qualité de vie", Eric
Le Grand, consultant Santé Publique (138), 39 pages, 21 avril 2006
Lien : http://www.platoss-bretagne.fr/docs/etudes/Rapport_QDV.pdf
135 Le Dr. François PETITJEAN a été en fonction à la DRASS de 2002 à 2006 et a coordonné à ce titre tant la mise en
place du PRS 2004-2008 (II), que celle du PRSP 2006-2010 (maintenant à l'ENSP).
136 Envoi du 27/2/07 - Messages repris en 3 pages puis commentés lors de notre rencontre le 5/4/07
137 A disposition, la version définitive de l'article extraite le 10/4 du site de l'INPES qu'en version intermédiaire (le 5/4)
Lien : http://w4-web143.nordnet.fr/guide/sommaire/index.htm
Autopsie psychologique : démarche qui consiste à tenter d’établir les causes d’un suicide. C’est la mise en
œuvre d’un ensemble d’outils servant à l’analyse ; documents biographiques (souvenirs et témoignages et
interviews des proches et de la famille), et autobiographiques (Correspondance, journal intime, notes, lettres
d’adieu) afin de mieux saisir les raisons et les mobiles qui ont poussé une personne à sa mort.
Crise Suicidaire : Période, pendant laquelle une personne est en proie à une intense souffrance psychique
dont elle ne sait comment en sortir.
On peut croire fréquemment qu’une crise se produit de manière spontanée. En fait, il est possible qu’un
grand choc, comme une mortalité subite, un accident, précipite un état de crise. Cependant et d’une façon
générale, on peut constater une progression qui évolue de l’état d’équilibre vers un état de vulnérabilité qui
culminera par un état critique de crise.
Cette notion de crise suicidaire est fondamentale dans la prévention du suicide. CAPLAN en 1974, définit la
crise en fonction de trois critères : un stress grave qui précipite ou déclenche l’état de crise, un déséquilibre
émotif profond qui envahit la personne et l’accumulation de tentatives pressantes et répétées par la
personnes pour résoudre le problème déclenché par le stress et pour rétablir l’équilibre. Généralement, ces
réponses permettent de maintenir un équilibre satisfaisant. Toutefois, un évènement, des changements
importants, peuvent rompre cet équilibre en venant éprouver ces mécanismes d’adaptations. Lorsqu’une
personne perd ses capacités à faire face aux agents stressants elle peut se retrouver alors dans un état de
fragilisation et de vulnérabilité. Elle a épuisé son répertoire de réponses habituelles, elle évalue sa situation
de manière négative et tous ces sentiments continuent à accroître la tension, l’angoisse qui devient de plus en
plus difficile à atténuer, et rentrer dans une crise émotionnelle qui embrouille de plus en plus sa réalité. Elle
peut alors, se diriger rapidement vers une phase de désorganisation et de confusion KIRD, 1993). Au bout du
compte, peut s’ensuivre une période de crise et de trouble intense qui selon Monique SEGUIN durera entre
six et huit semaines.
L’état de crise est une phase de déséquilibre intense qui se caractérise par deux grandes étapes : la
désorganisation suivie d’une période de récupération. Entre ces deux étapes, il peut, dans certaines
occasions, y avoir une période de passage à l’acte qu’on appelle la phase aiguë. C’est dans cette phase aiguë
qu’aura lieu la tentative de suicide.
Il est très important d’adapter un type d’accompagnement ou d’intervention en fonction d’une bonne
évaluation de l’évolution d’une crise.
Processus suicidaire d’après Jean Louis TERRA :
- Débute lorsque l’idéation du suicide devient une solution envisagée face à la souffrance, à l’angoisse.
- La crise a des étapes identifiables qui définissent le degré d’urgence
- Elle peuvent se développer plus rapidement chez des personnes attentes de troubles mentaux.
- Les personnes font en général tout pour éviter d’en arriver jusqu’à l’exécution de leur intention.
- De ce fait la crise est un équilibre métastable, réversible jusqu’au dernier instant, les personnes appelant
souvent au secours quand leur geste n’est pas immédiatement mortel.
- La très grande majorité des personnes en crise suicidaire ne font pas de tentative, mais le taux varie selon
l’âge, le sexe, et la présence ou non de troubles psychiques.
- Parmi les personnes qui font une tentative, l’immense majorité en réchappe, mais le taux des rescapés
dépend très fortement du moyen de suicide employé.
Conduite à risque : comportement dangereux par lequel une personne se trouve dans un état proche du
suicide ou de la tentative, mais où la mort n’est pas consciemment recherchée.
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Conduite suicidaire : comportement par lequel une personne met délibérément sa vie, ou sa santé en
danger.
Echec : un des facteurs qui favorise le suicide est l’échec en général qui engendre l’humiliation ou la honte
qui mène au découragement ou au désespoir (échec amoureux, perte d’emploi, d’un statut social, perte de la
garde des enfants)
Flash : première phase dans la description Canadienne de la période « pré suicidaire », première
apparition de l’idée suicidaire
Fuite : le suicide est très souvent un acte par lequel un individu ou un groupe tente d’échapper au malheur,
qui peut prendre des formes multiples. Echapper à un fait, à un état ou un objet perçus ou éprouvés comme
mauvais et intolérables.
Pacte de suicide : Accord convenu entre particuliers pour mourir ensemble par mort volontaire (couples,
collectifs, tout récemment nous trouvons des exemples de sites Internet proposant des rendez-vous pour
mourir ensemble)
Parasuicide : le mot désigne tout acte extrême et par lequel on risque la mort, de manière consciente ou
confuse, mais dont les acteurs diffèrent des suicidaires, des suicidants, ou des suicidés dans le sens direct ou
leur intention directe n’est pas de se tuer. Ainsi la médication massive, l’automutilation, l’usage excessif de
drogues ou d’alcool, les conduites extrêmes et les sports à risque, la très grande vitesse au volant
appartiennent à cette catégorie.
Postvention : terme d’apparition récente et qui concerne tout ce qui est possible de tenter après un suicide.
C’est aussi bien la prévention de la récidive après une tentative enrayée, que la prise en compte de
l’entourage, etc...
Prévention : Il s’agit de mettre en œuvre l’ensemble des moyens nécessaires pour éviter les suicides.
Rumination ou fixation : troisième phase dans la description Canadienne de la période « pré suicidaire »,
il ne semble plus y avoir d’autre solution.
Suicide : « On appelle suicide tout cas de mort qui résulte directement ou indirectement d’un acte, positif ou
négatif, accompli par la victime elle-même et quelle savait devoir produire ce résultat ». Telle était la
définition de DURKHEIM en 1897
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Suicide assisté : (Assistance au suicide) La notion de suicide assisté n’a que peu de rapport avec le
phénomène général du suicide et ne s’applique qu’aux cas de personnes atteintes de maladies mortelles
L’expression assistance (médicale) au suicide si l’on sous entend l’assistance à la personne sur sa demande,
qui opte pour le suicide dans le cas d’une maladie grave, sans issue et accompagnée de douleurs, que l’on ne
peut pas soulager adéquatement (L’euthanasie est accomplie par une personne autre que le malade).
Tentative de suicide : (TS en jargon médical) acte délibéré par lequel une personne se cause un préjudice
physique dans l’intention de se donner la mort ou d’obtenir un changement d’état psychique et/ou physique,
et dont l’issue n’a pas été fatale. Toute conduite par laquelle une personne tente délibérément de s’enlever la
vie, geste à la suite duquel, ayant survécu, elle a nécessité des soins (sur les plans physique ou psychologique)
Typologies du suicide : Il ne sert à rien de parler du suicide en général. Il n’y a pas un suicide mais des
suicides. Le profil des personnes qui s’enlève la vie, leurs problèmes et les situations dans lesquelles elles sont
engagées, le sens qu’elles veulent donner à leur acte, le but qu’elles poursuivent ainsi que les facteurs qui ont
contribué à leur décision sont multiples et variés. On chercherait en vain une réponse unique à la question
qu’est ce qui fait qu’un être humain en vient à attenter à ses jours ? Diverses théories manifestent avec une
rare éloquence la complexité de la démarche suicidaire. Et d’autre part, il n’est pas aisé de dresser une
typologie exacte, praticable et utile pour tout de ce phénomène toujours en évolution – étudier les typologies
par les différentes approches ; sociologique, psychologique, médicale, etc.
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