La Grande Époque

EpochTimes.com
ÉDITION 151
WWW.LAGRANDEEPOQUE.COM UN REGARD NOUVEAU SUR UN MONDE EN ÉVOLUTION 1 – 15 MARS 2009 • BIMENSUEL

► P. 10 Environnement ► P. 9 Nouveau regard ► P. 15 Art de vivre

Les Îles Maldives Le cinéma NégaWatts et
menacées au temps réchauffement
du passé climatique

La radio en ondes courtes, Chine

Les députés canadiens
p. 5

seul média non censuré en Chine se mobilisent pour la

libération de l’avocat
chinois Gao Zhisheng

International p. 2

La Colombie
lâche ses
paramilitaires…
au compte-
gouttes

Zimbabwe p. 2

Probable tentative
d’assassinat
Getty Images
contre Morgan
Radio France Internationale met fin à la diffusion de ses émissions en chinois en ondes moyennes (en direction de l’Ile-de-France) et Tsvangirai
envisagerait de couper les ondes courtes (en direction de la Chine) pour ne plus être disponible que sur Internet. Véritable vecteur d’in-
formation en Chine où la liberté d’expression n’existe pas, la radio en ondes courtes reste le seul moyen d’information non censurée.
Michel Wu, ancien rédacteur en chef à RFI et chef du service en mandarin, et Marie Chen, représentante en France de la radio Sound
of Hope, radio libre qui émet en ondes courtes en Chine, répondent aux questions de La Grande Époque.
Lire la suite page 4

Tenter de sortir la Syrie de l’isolement

COUP FUMANT OU COUP D’ÉPÉE DANS
L’EAU ?
La Syrie serait-elle cette pièce maîtresse
manquant à la paix au Moyen-Orient ? Cet
élément qui, si jamais amadoué, permet-
trait de casser le fameux « axe du mal »
tel que décrété par l’administration amé-
ricaine précédente ? Barack Obama et
son équipe n’ont pas caché leur intention
d’adopter une position modérée face à
Téhéran et Damas, dans une plus grande
stratégie visant à réconcilier les États-
Unis avec le monde musulman. Alors que
Washington possède peu de leviers pour
faire plier l’Iran sur la question de son pro-
gramme nucléaire, il semble qu’elle a
quelques jetons pour négocier un rappro-
chement avec la Syrie.
Mais encore plus important, Damas
montre de l’intérêt pour un tel dénoue-
ment.
Les contacts diplomatiques entre repré-
sentants américains et syriens n’ont cessé
de s’intensifier dernièrement et ils auraient
même, discrètement, débuté avant l’entrée
en fonction de la nouvelle administration.
Les plus notables récemment ont été
ceux réalisés entre le sénateur démo-
crate John Kerry, ex-candidat à la Maison
Blanche et président du Comité des Affai-
res étrangères du Sénat américain, et le
président syrien Bashar Assad. Les deux
hommes se sont rencontrés le 21 février
dernier à Damas.
« Tandis que nous ne sommes certai-
nement pas d’accord sur certaines ques-
tions, ce que j’ai entendu et ce que je vais
ramener avec moi – ce que j’espère que
nous pourrions mettre en place pour en
tirer avantage – c’est la possibilité d’une
vraie coopération sur nombre de différen-
tes questions en commençant immédiate-
ment, en commençant bientôt », a déclaré
John Kerry, selon AP.
Avant Kerry, bon nombre d’émissai- International p. 2
res américains ont visité Damas. Le jour-
nal émirati The National fait état, durant les
cinq dernières semaines et en excluant la Argentine et Chili
visite de Kerry, de trois délégations améri-
caines en Syrie. contre la couronne
Lire la suite page 3 anglaise

ÉCONOMIE SOCIÉTÉ ART DE VIVRE CULTURE

Maria Nowak, pionnière du
microcrédit en Europe.
Page 7
Page 2 ................ International
Page 3 ................ International
Page 4 ............................ Chine
Comment améliorer l’insertion
des personnes à mobilité
réduite ?
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Page 5 .............................. Chine
Page 6 .............................. Chine
Page 7 ....................... Économie
APRIL, chevalier des logiciels
libres.
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Page 8 ................... Droits humains
Page 9 .................. Nouveau regard
Page 10 .................. Environnement
Retour sur le succès de la
Divine Performing Arts à Paris.
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Page 11 ................................ Petites annonces Page 14 ........................ Société
Page 12 ................................................ Voyage Page 15 ................. Art de vivre
Page 13 ................................ Santé et bien-être Page 16 ........................ Culture

Epoch Times Paris Genève Bruxelles Londres Berlin New York Dublin Lima Taipei Tokyo... 1 700 000 exemplaires
2 International
La Colombie lâche ses paramilitaires… au compte-gouttes
Le 3 mars, Hebert Veloza Gar-
cia, un des plus redoutés des
anciens paramilitaires colom-
biens, a été extradé vers les
États-Unis pour trafic de dro-
gue. D’après le Los Angeles
Times, Veloza est arrivé à New-
York où il doit être jugé. Les
groupes de défense des droits
humains craignent pourtant qu’il
n’ait de ce fait pas à dévoiler
les crimes dont il a été l’instiga-
teur en Colombie.
DEVANT la justice colombienne, Veloza
a reconnu avoir commandité des massa-
cres, personnellement tué plus de 100
personnes et participé à des milliers de
crimes – en particulier l’extorsion et l’ex-
pulsion forcée de fermiers. Le procureur
Nubia Chaves précise que 480 meur-
tres exécutés sur son ordre sont recon-
nus par Veloza – 2.500, affirme le Herald
Tribune. Des centaines de guérilleros de
gauche auraient également été tués au
Nord de la Colombie par les commandos
de Veloza Garcia, avant qu’il soit cap-
turé en 2007.
C’est pour cette raison que six asso-
ciations de défense des droits de
l’homme avaient demandé à la justice
américaine de retarder l’extradition du
chef militaire, afin d’avoir le temps de
faire la lumière sur l’ensemble des cri-
mes dont est accusé Veloza. Capturé
en avril 2007, celui-ci faisait en effet
partie des chefs paramilitaires coopé-
rant le plus avec la justice pour bénéfi-
cier de la loi « Justice et Paix » qui offre
la clémence de la justice en échange
d’une aide au démantèlement des grou-
pes d’extrême droite ou d’extrême gau-
che. Une clémence qu’il ne rencontrera
pas aux États-Unis, raison pour laquelle,
dans les six mois de délai de son extradi-
tion, celui-ci a collaboré très activement
Un futur paradis blanc pour l’or noir. Vous avez dit cercle vicieux ?
Argentine et Chili contre la couronne anglaise
LES PARLEMENTAIRES argentins et chi-
liens ne sont toujours pas d’accord entre
eux sur la propriété d’une zone de l’An-
tarctique potentiellement riche en pétrole
et qu’ils se disputent depuis des années.
Ils sont par contre sur une ligne parfaite-
ment homogène pour ce qui est de rejeter
les revendications de la Grande-Bretagne
sur ces mêmes territoires.
Afin de le faire savoir, le 7 mars, un
groupe de politiciens argentins et chiliens
s’est rendu sur le continent glacé avec
comme objectif affiché de donner un peu
de piquant à une déclaration par laquelle
ils entendent influer sur le sujet.
Le Royaume-Uni a en effet, en 2007,
revendiqué plus de 500.000 kilomè-
tres carrés de fond océanique supposé
riche en hydrocarbures, et attend courant
du mois de mai un positionnement des
Nations-Unies sur le sujet.
Alors qu’au Nord, Canada et États-Unis
se disputent la propriété des voies mariti-
mes qu’ouvrent la fonte des glaces aux
pôles, au Sud les revendications de sou-
veraineté sur l’Antarctique refont donc sur-
face, après soixante années de statu quo.
Là aussi, c’est la fonte des glaces liée au
réchauffement climatique, et plus que tout
l’épuisement des grandes réserves d’hy-
drocarbures qui stimule des convoitises
diverses sur ces régions encore inexploi-
tées.
Pourtant, le traité de l’Antarctique, signé
en 1959 et implémenté en 1961, fait du
continent une réserve interdite à toute acti-
www.lagrandeepoque.com
Le lourd passé des paramilitaires colombiens. Démantèlement d’arsenal fin 2007.
avec le tribunal spécial sur les crimes
des paramilitaires
D’après la BBC, « les victimes pen-
sent qu’il est extradé parce qu’il en sait
trop sur l’identité de ceux qui ont tra-
vaillé avec les paramilitaires. » Le Géne-
ral Rito Alejo del Rio par exemple, déjà
arrêté pour meurtre, est cité par Veloza
comme ayant été un de ses complices ;
or le général a longtemps entretenu des
liens étroits avec le Président colombien
Alvaro Uribe.
En moins d’une année ce sont 17
chefs paramilitaires colombiens qui ont
été extradés vers les États-Unis, à cha-
TORSTEN BLACKWOOD/AFP/Getty Images
vité militaire et à toute revendication terri-
toriale.
La faille du traité, même s’il a été signé
par 46 pays dont la Grande-Bretagne, est
sa définition de l’Antarctique : le continent
est défini comme l’ensemble des terres et
glaces en dessous du 60e degré de latitude
sud, sans qu’aucune mention soit faite du
plateau continental polaire.
Or ce plateau continental, c’est-à-dire
l’ensemble de la surface immergée de
l’Antarctique, est l’endroit sur lequel pour-
raient s’implanter de futures plateformes
offshore.
Une dizaine de nations (dont la France,
l’Espagne, la Russie, l’Australie et le Bré-
sil) revendiquent aujourd’hui des parties de
l’Antarctique – et donc un contrôle sur les
eaux territoriales correspondantes. La lar-
geur de ces eaux territoriales étant appe-
lée à passer de 370 km aujourd’hui à
610 km comme conséquence de la nou-
velle convention sur la Loi maritime des
Nations-Unies, ce sont des potentiels
gigantesques d’exploration minière pour
les différentes nations candidates.
Pour revenir au Chili, à l’Argentine et à la
Grande-Bretagne, la situation est d’autant
plus difficile que les revendications conflic-
tuelles entre les pays datent de 1943 et ont
déjà mené, en 1982, à une guerre entre
Argentine et Grande-Bretagne autour de
la possession de l’archipel des Malouines.
De quoi anticiper un refroidissement des
relations avec la couronne britannique.
A. G.
que fois en raison de leur activité dans le
trafic de drogue.
« Il n’y avait pas de raison pour une
extradition en urgence comme celle-ci »,
commente Ivan Cepeda, porte-parole
du Mouvement Nationale des Victimes
de Crimes d’État, cité par l’Associated
Press : « Nous ne demandions pas qu’il
ne soit pas extradé, mais seulement que
cela soit retardé pour qu’il puisse tout
avouer. »
Le Time est critique sur ce système
d’extradition, qu’il juge inefficace : car
si les États-Unis affirment que la pro-
duction de cocaïne a chuté de 680 ton-
Zimbabwe : probable tentative
d’assassinat contre Morgan Tsvangirai
Au Zimbabwe, les proches du
Premier ministre Morgan Tsvan-
girai disent avoir rencontré le chef
de l’opposition. Celui-ci est con-
vaincu que l’accident de voiture
qui a coûté la vie à son épouse
le 6 mars était une tentative d’as-
sassinat contre lui. Ce qui rap-
pelle une vieille manie de Robert
Mugabe et pose donc de sérieu-
ses questions sur la stabilité du
gouvernement d’union tout juste
créé.
POUR des analystes interrogés par CNN,
l’accident est suspicieux, à peine un mois
après que le MDC (Mouvement pour un
Changement Démocratique), le parti de
Morgan Tsvangirai, ait réussi à trouver un
accord avec le Président Mugabe sur la
gouvernance du pays. « J’ai des doutes
sur les accidents de la route au Zimbabwe
qui impliquent des personnalités de l’oppo-
sition », indique Tom McDonald, ambassa-
deur américain au Zimbabwe entre 1997 et
2001. « Le Président Mugabe a un passif
d’accidents de voitures étranges dans les-
quels des personnalité proéminentes meu-
rent – c’est un peu son mode opératoire
pour éliminer les personnes non appré-
ciées. »
L’Ambassadeur McDonald cite comme
exemple la mort du ministre de la Défense
Moven Mahachi en 2001, du ministre de
l’Emploi Border Gezi en 1999 et d’Elliot
Manyika, en 2008.
« Donc, quand j’entends que Tsvangirai
a eu un accident, je m’interroge », ajoute M.
Mc Donald.
Officiellement, alors que les Tsvangi-
rai rentraient chez eux depuis Harare le 6
mars, le conducteur d’un camion sur l’autre
voie s’est endormi au volant, a dévié et
percuté de plein fouet la voiture du Pre-
1 – 15 MARS 2009 ●
MAURICIO DUENAS/AFP/Getty Images
nes en 2002 à 535 tonnes en 2007, les
Nations-Unis croient au contraire que
sur la même période elle est passée
de 580 tonnes à 630 tonnes. Le journal
regrette par exemple le coût de chaque
extradition pour les contribuables amé-
ricains (transport et hébergement de
témoins, frais de traductions…), mais
reconnaît cependant que le système a
l’avantage d’éviter la manipulation de la
justice colombienne, illustrée par le cas
d’un procureur arrêté en 2008 pour avoir
collaboré avec un baron de la drogue.
La Cour suprême colombienne a
pourtant, fin février, fait prendre un tour-
L’insécurité routière selon Robert Mugabe.
mier ministre. Susan Tsvangirai, épouse
de l’homme politique et mère de ses six
enfants, a été tuée alors que lui-même
n’était que légèrement blessé.
Le camion en question étant un véhicule
de l’agence américaine USAID, certains
médias croient déjà pouvoir remettre en
cause l’hypothèse d’une tentative d’assas-
sinat, sans trouver surprenant que dans ce
surprenant accident, il est assez frappant
que le véhicule impliqué soit précisément
celui qui va permettre au ZANU-PF, le parti
de Robert Mugabe, de nier toute responsa-
bilité dans une nouvelle tentative d’élimina-
tion de Morgan Tsvangirai.
Autre signe parlant, après 24 heu-
res d’observation à l’hôpital Avenues Cli-
nic et après avoir reçu la visite de Robert
Mugabe, Tsvangirai s’est envolé samedi 7
mars pour le Bostwana. Il doit officiellement
La Grande Époque
nant inattendu aux pratiques d’extradi-
tion en refusant celle des leaders des
FARC impliqués dans la prise d’otage
de la franco-colombienne Ingrid Betan-
court. Elle refuse ainsi la compétence
américaine pour des crimes commis en
Colombie et non liés au trafic de dro-
gue.
« Le risque que je vois dans cette
décision est qu’elle met en danger le
processus des extraditions, qui a été
vital dans la lutte contre le trafic de dro-
gue », comment le vice-ministre de la
Justice Rafael Nietosaid dans une inter-
view avec le Christian Science Monitor.
« C’est une interprétation restrictive [de
la loi sur les extraditions] qui a mon avis
est en faveur des délinquants. »
Pour le Miami Herald qui ne décolère
pas, la décision contredit une jurispru-
dence de 2004 qui avait autorisé l’extra-
dition de Ricardo Palmera, alias Simon
Trinidad, responsable de l’enlèvement
de trois Américains et sans aucune acti-
vité connue liée à la drogue.
L’Ambassadeur américain William
Brownfield est lui-même perplexe :
« Même si nous acceptons cette déci-
sion, nous devons remarquer que la
justice colombienne est arrivée à une
conclusion différente plusieurs fois dans
le passé face à des faits similaires », a-
t-il commenté devant la presse colom-
bienne.
Veloza était Commandant dans l’Union
des Forces d’Autodéfense de Colombie
(AUC), un des principaux groupes para-
militaires constitués dans les années 80
pour lutter contre la guérilla communiste
des FARC. Epaulés par des trafiquants
de drogues et de riches propriétaires qui
les payaient pour leur soutien. Les mili-
ces sont devenues des armées privées
responsables de la mort de milliers de
personnes, et ont opéré elles-mêmes le
trafic de drogue. Depuis 2002, le gouver-
nement d’Alvaro Uribe a extradé plus de
800 suspects aux États-Unis, essentiel-
lement pour trafic de drogue.
AURÉLIEN GIRARD
DESMOND KWANDE/AFP/Getty Images
y subir des examens complémentaires ; à
moins que ce départ soit surtout néces-
saire pour le préserver d’un autre accident
de la route.
Deux jours avant l’accident, Morgan
Tsvangirai alertait les députés sur le fait
que la détention de prisonniers politiques
affectait le retour des investisseurs étran-
gers dans le pays. Le vice-ministre de
l’Agriculture, Roy Bennett, un fermier blanc
nommé par Tsvangirai, a été arrêté le jour
de sa prestation de serment, le 13 février,
et accusé de terrorisme. Le FMI, qui réa-
lise à partir du 8 mars sa première mission
depuis 2006, jugera sur pièces si la situa-
tion permet aujourd’hui de reconstruire le
Zimbabwe, ancien « grenier à grain » de
l’Afrique et aujourd’hui pays dévasté par la
désastreuse politique de Robert Mugabe.
A. G.
La Grande Époque ● 1 – 15 MARS 2009
Tenter de sortir la Syrie de son isolement
Suite de la première page
Puis, le 26 février, l’ambassadeur
syrien à Washington, Imad Moustapha,
s’est entretenu avec un haut responsa-
ble du Département d’État américain,
Jeffrey Feltman, en charge du Proche-
Orient.
« Nous croyons que cette rencontre
ouvre des possibilités pour la Syrie et les
États-Unis de s’engager sérieusement
au niveau diplomatique et politique et de
discuter de tous les domaines de préoc-
cupation mutuelle », a déclaré M. Mous-
tapha à la presse suite à la rencontre.
La secrétaire d’État, Hillary Clinton,
qui était sur le point d’entamer une tour-
née au Moyen-Orient, a cependant indi-
qué qu’il ne fallait pas conclure qu’un
réchauffement des relations entre les
deux pays était imminent. Les États-Unis
ont retiré leur ambassadeur à Damas en
2005, après l’assassinat de l’ancien Pre- Un berger druze et ses chiens sur le plateau du Golan.
mier ministre libanais Rafik Hariri, dans
lequel la Syrie fait figure de principal
suspect.
OBSTACLES
L’intérêt des États-Unis de voir la Syrie
changer son fusil d’épaule est important.
Mais, comme l’appareil diplomatique de
Washington le signale, il y a certaines
questions sur lesquelles il ne semble y
avoir aucun point d’entente possible.
La Syrie a un impact direct sur la
sécurité régionale dans ses relations
avec le Liban, l’Iran, l’Irak, la Palestine
et, bien entendu, Israël.
Le Liban est, pour Damas, une ques-
tion nationale. Jusqu’au printemps 2005,
la Syrie avait depuis 30 ans des milliers
de troupes positionnées au Liban.
Même après le retrait, elle a conservé
une influence politique significative, et
les partis politiques libanais sont encore
souvent définis comme étant pro-syriens
ou anti-syriens. À défaut de pouvoir être
maître du Liban, la Syrie compte sur une
alliance stratégique avec ce pays vis-à-
vis d’Israël et dans le domaine écono-
mique.
Cette influence syrienne sur la vie poli-
tique libanaise est un irritant pour l’Occi-
dent, alors qu’autant l’Union européenne
(UE) que les États-Unis souhaiteraient
voir un Liban leur étant favorable.
Mais le problème est encore plus pro-
fond et porte un nom : Hezbollah. L’or-
ganisation radicale chiite est qualifiée
de terroriste par l’UE et Washington
mais, pour Damas, il s’agit d’un mou-
vement légitime de résistance à Israël.
Pour la Syrie, rompre avec le Hezbollah
serait d’abandonner à la fois un allié poli-
tique au Liban et une force militaire de
dissuasion ayant fait ses preuves con-
tre Israël.
« Le Hezbollah ne représente un dan-
ger pour personne », a déclaré le pré-
sident Assad en janvier dernier dans
une entrevue avec l’hebdomadaire alle-
mand Der Spiegel. Il assure également
que le « Hezbollah est une organisation
indépendante qui fait aujourd’hui partie
du gouvernement [libanais]. Et le Liban
est une nation indépendante dont nous
acceptons la souveraineté. »
Il est d’ailleurs impossible de par-
ler de la relation Syrie-Hezbollah sans
parler de l’Iran. La Syrie est largement
vue comme un point de transit pour les
armes que Téhéran fournit au Hezbol-
lah. Rompre cette ligne d’approvision-
nement serait dramatique pour le groupe
radical chiite évoluant dans un pays par-
tageant des frontières avec un seul autre
pays, soit Israël.
Mais comment détourner Damas
de Téhéran, ou du moins affaiblir leur
alliance stratégique ? Le retrait améri-
cain d’Irak pourrait certes faire retom-
ber les tensions et rendre une position
syrienne agressive moins nécessaire.
Une Syrie plus ouverte à l’Occi-
dent pourrait représenter un atout pour
approcher l’Iran quant à son programme
nucléaire.
En ce qui a trait à l’Irak, les États-Unis
ont déjà accusé la Syrie d’être un point
de passage pour les combattants se ren-
dant dans ce pays pour affronter les for-
ces américaines. Avec le retrait annoncé
par Obama et une situation sur le terrain
qui a progressé significativement depuis
trois ans, obtenir certaines garanties
John Kerry à Damas.
syriennes pourrait aider à stabiliser
davantage l’Irak.
La question palestinienne ne peut évi-
demment pas être évitée non plus. Le
groupe radical sunnite Hamas, qui con-
trôle la bande de Gaza et qui a fait face
à une offensive israélienne en janvier
dernier, reçoit un appui considérable de
la Syrie. Son chef, Khaled Meshaal, est
d’ailleurs basé à Damas.
LE PLATEAU DU GOLAN
Certains estiment qu’une restitution
du plateau du Golan à la Syrie, capturé
par Israël en 1967, règlerait une grande
partie des maux du Proche-Orient et
transformerait totalement la dynamique
régionale.
Selon Bashar Al-Assad lui-même, la
clé de la paix se trouve là. « Nous, les
Syriens, voyons ça ainsi : nous ne recon-
naissons pas Israël et Israël est encore
notre ennemi – il occupe une partie de
notre territoire, le plateau du Golan. Si
les Israéliens se retirent du Golan, nous
allons les reconnaître. D’abord la paix,
ensuite la reconnaissance, et non pas le
contraire », a-t-il affirmé au Der Spiegel.
Des discussions à cet égard ont été
engagées entre Israël et la Syrie au cours
des derniers mois, surtout par l’entremise
de la Turquie. La Syrie veut le Golan et
en retour Israël veut que Damas cesse
son appui aux organisations qui luttent
contre lui. S’ensuivrait une normalisation
des relations et des ententes de sécu-
rité visant à écarter l’armée syrienne de
la frontière, note un analyste du jour-
nal Haaretz. Ce dernier poursuit cepen-
dant en notant que la formule est simple,
mais qu’elle n’a jamais été appliquée.
LOUAI BESHARA/AFP/Getty Images
« Cette formule semble simple, en com-
paraison des négociations complexes
avec les Palestiniens », écrit Aluf Been.
« De plus, il n’y a pas de questions reli-
gieuses émotionnelles tendues avec
le Golan, contrairement à la situation
avec les Palestiniens, avec des ques-
tions épineuses comme Jérusalem,
les réfugiés et les colonies juives qui
ont été construites sur des sites bibli-
ques en Cisjordanie. Le bénéfice stra-
tégique d’une accommodation avec la
Syrie semble aussi évident : amener
ce pays du « camp de la résistance »
vers le groupe des pays modérés dans
la région qui une fois pour toutes effa-
cerait le danger d’une « grande guerre »
CERN MEYRIN
(terminus bus 56-CERN)
entrée B - bâtiment 500 - amphithéâtre
MARDI 17 MARS 2009 – 20h 30
Le duo « SINTONIA »
clavecin à quatre mains
avec Catia Rocci
et Maria Clotilde Sieni
Au programme : W. A. MOZART
MARDI 24 MARS 2009 – 20h 30
Paola FURETTA violoncelle solo
Au programme :
Max Reger – Hans Werner Henze
Janet Beat – Paul Hindemith
Entrée libre – collecte
Nos concerts sur notre site :
www.concerts-cern.com
et sur les sites : www.whys.org et
www.agendadegeneve.ch
www.lagrandeepoque.com International 3
entre Israël et ses voisins et qui offrirait
à la Syrie une opportunité de modernisa-
tion et de développement économique »,
poursuit-il. « Néanmoins, tous ces
efforts d’accord n’ont jamais abouti. »
On se demande actuellement si l’arri-
vée au pouvoir de Netanyahu et de la
droite en Israël constituera un obsta-
cle à ces pourparlers, même s’ils ne
vont habituellement nulle part. Cer-
tains craignent l’adoption d’une posi-
tion israélienne plus belliqueuse, alors
que d’autres font remarquer que les
dernières guerres ont été menées
par un gouvernement centriste.
Bashar Al-Assad a déjà une opinion de
Netanyahu, jugeant qu’il n’a pas été un
« homme fort » alors qu’il était premier
ministre de 1996 à 1999. « En ce qui a
trait au prochain gouvernement israélien,
nous ne perdrons pas espoir. Toutefois,
la tendance semble être que chaque
génération successive en Israël est plus
radicalisée [que la précédente]. Peut-être
que la suivante ne sera pas intéressée à
faire la paix du tout, mais juste à combat-
tre », laisse-t-il entendre au Der Spiegel.
Ainsi, pour Assad, la question de la paix
repose entièrement sur les épaules d’Is-
raël, aux prises au jour le jour avec une
menace non conventionnelle.
MENACE CONVENTIONNELLE
Si les menaces non conventionnel-
les viennent des groupes opposés à
l’existence d’Israël, les menaces con-
ventionnelles, elles, ne proviennent pas
seulement de l’Iran. Selon l’institut de
renseignement privé de défense Jane’s,
la Syrie construirait une usine d’armes
chimiques adjacente à un site de lance-
ment de missiles Scud.
« En tant que proliférateur de longue
date d’armes chimiques, la Syrie sem-
ble développer sa capacité de produc-
tion », écrit Jane’s le 12 février dernier.
L’institut se base sur des images satel-
lites qui montrent l’emplacement exact
du site.
Jane’s indique que cela ne signifie
pas que la Syrie se prépare à une offen-
sive, mais plutôt qu’elle veut augmenter
ses capacités de défense et de réplique
advenant une attaque d’Israël. En sep-
tembre 2007, un raid de l’aviation israé-
lienne avait détruit un site suspect en
Syrie, dédié au nucléaire selon Tel-Aviv
Uriel Sinai/Getty Images
et Washington et construit avec l’aide
de la Corée du Nord. La Syrie affirme
qu’il s’agissait d’une installation mili-
taire normale.
Peu après le bombardement du site
nucléaire suspect, la Syrie a nivelé
le site et a entrepris la construction
d’une installation semblable à celle qui
avait été détruite, rapporte le New York
Times. La structure serait maintenant un
site de lancement de missiles.
UN BEAU RÊVE
Les États-Unis à eux seuls risquent
de gaspiller beaucoup d’efforts diplo-
matiques s’ils font cavalier seul en ten-
tant de sortir la Syrie de leur isolement.
Qu’ont-ils à offrir ? Ils peuvent jouer le
Liban, en déclarant en coulisses que
la Syrie conserve pleinement sa zone
d’influence. Ils peuvent jouer la carte
économique, en promettant aide et
investissements. Quoi d’autre ?
CONVERGENCE D’INTÉRÊTS
Avant d’en arriver là, Bashar Assad
devra tempérer ses propos, lui qui
assure que les tactiques terroristes du
Hamas sont « définitivement » justi-
fiées. Car après tout, appuyer des grou-
pes islamistes qui opèrent à quelques
kilomètres de chez soi, tout en répri-
mant ceux qui agissent dans son pays,
est une stratégie peu durable.
C’est à ce niveau que les intérêts
américains et syriens peuvent conver-
ger. Les États-Unis préfèrent de loin un
régime autoritaire laïque à un régime
autoritaire islamique.
En octobre 2008, un raid américain
en Syrie avait déclenché une tempête
diplomatique et la colère des Syriens.
Cette attaque audacieuse menée par
des commandos visait le terroriste ira-
kien Abu Ghadiya. Alors que la Syrie a
protesté ouvertement, le Times Online
indique qu’elle était complice dans l’af-
faire.
« Abu Ghadiya était craint des
Syriens en tant qu’agent de l’islam fon-
damentaliste qui était hostile au régime
laïque de Damas. Ce serait convenable
si la Syrie ou les États-Unis pouvaient
l’éliminer », écrit le Times.
La base d’une alliance est souvent un
ennemi commun.
ANTOINE LATOUR
4 Chine www.lagrandeepoque.com
Les ondes courtes, seul média non censuré en Chine
LGÉ : Comment le programme en
langue chinoise de RFI est-il né ?
Michel WU : La création de l’émission
en mandarin a été décidée après le mas-
sacre de Tiananmen en 1989. À l’épo-
que, il y avait un élan international contre
le massacre. L’Assemblée nationale fran-
çaise a adopté une résolution demandant
d’anticiper un plan de création d’émis-
sions en langues étrangères à RFI dans
le cadre de l’action culturelle de la France
à l’étranger.
Il y a eu un concours en automne
1989 auquel j’ai participé et avant Noël
de la même année, j’ai été reçu par le
président de RFI Henri Teznas du Mon-
cel et son directeur des langues Nicolas
Levkov. Celui-ci, fort de son origine bul-
gare et de son expérience syndicale, a
mis tout son poids dans la création de
la première émission radiophonique fran-
çaise en ondes courtes en mandarin. J’ai
connu successivement trois présidents.
C’est sous André Larquié que nous som-
mes passés d’une à deux heures d’émis-
sion et sous Jean-Paul Cluzel, à trois
heures. Mes trois présidents avaient tous
une vision claire sur le pays cible et son
régime. Notre émission en ondes courtes
a été inaugurée le 2 avril 1990 au musée
Guimet. Ce jour-là, c’était Sophie Lee au
micro. Notre parrain était Pierre Berger
et notre marraine Jeannie Longo. Nous
avons bénéficié alors du soutien effectif
de toute une génération de diplomates
français dont Michel Lummeau, Robert
Perseil, Nicolas Chapuis, Pierre Barrou et
d’autres. Tout au long des années 90 la
contradiction entre les valeurs et la diplo-
matie n’a pas été si évidente.
LGÉ : Aviez-vous une idée de l’im-
pact de ces émissions en Chine ?
Michel WU : À cette époque-là, il y
avait une vraie chape de plomb sur la
Chine. Aucune information sur la réalité
ne filtrait. Le seul moyen pour les Chinois
de savoir ce qui se passait chez eux et à
l’extérieur, c’était les radiodiffuseurs inter-
nationaux, les ondes courtes.
Six mois après la première émission,
j’ai reçu un lot de courriers. Un écho très
large applaudissait cette voix chinoise en
provenance de Paris. Parmi ces lettres, il
y avait celles d’anciens collègues, de jour-
nalistes haut placés, je reconnaissais leur
écriture. Ils m’encourageaient à continuer.
J’ai même reçu une lettre d’un monas-
tère du Tibet. Les moines disaient être
très heureux de trouver à côté des Amé-
ricains et des Anglais une voix qui venait
de la France.
J’ai même reçu, au milieu des années
90, une lettre d’un cadre de l’école du
Parti de Pékin – le creuset du PCC (Parti
communiste chinois). Il m’a demandé de
transmettre une longue lettre au PCF
qui disait : ‘J’ai appris par RFI que vous
avez abandonné la dictature proléta-
rienne. Vous avez repris la bonne voie
de la social-démocratie. Faisons ensem-
ble pour en finir à jamais avec le commu-
nisme’.
Je me souviens également avoir reçu
la lettre d’un géologue. Il m’avait dit : ‘Je
suis votre fidèle auditeur. Je suis homo-
sexuel. Je suis sous la pression. Je risque
de me suicider’. J’ai rédigé un petit texte
que j’ai diffusé dès le lendemain. Et deux
semaines plus tard, j’ai reçu sa réponse :
‘Vous m’avez sauvé !’ Je lui avais dit : ‘Je
vous comprends, je vous comprends mais
ne cherchez jamais à vous suicider, il faut
toujours garder un espoir !’
Je me rappelle aussi d’une lettre d’un
paysan du nord-est qui disait : ‘Nous vous
écoutons chaque jour. Nous savons que
vous êtes de la belle France. Chez nous,
nous avons un problème. Dans le village,
nous n’avons que des garçons. Pourriez-
vous nous trouver une fille française pour
que nous puissions avoir nos enfants ?’ Il
critiquait la politique du planning familial.
Je garde de très bons souvenirs car cette
chaîne de radio a déclenché l’espoir.
LGÉ : RFI risque de mettre fin aux
ondes courtes et annonce vouloir ren-
forcer l’internet. Mais on sait qu’en
Chine l’internet est censuré et que les
internautes sont controlés ?
Michel WU : En effet, la Chine a mis en
place tout un arsenal qui s’appelle le bou-
clier d’or. Ils ont introduit des techniques
très sophistiquées pour contrer la libre-cir-
Le syndicaliste Han Dongfang dans les studios de Radio Free Asia le
8 janvier 2008. Han Dongfang a joué un rôle important pour la création
du premier syndicat indépendant en Chine en juin 1989.
culation de l’information sur internet.
Donc le seul moyen, si la France et
les Français veulent aider le peuple chi-
nois à évoluer, le plus efficace, ce sont
les ondes courtes car il faut dénoncer les
mensonges et éclairer le peuple. Lorsque
les droits de l’Homme seront respectés
en Chine, les relations France-Chine ne
seront pas aussi mauvaises.
LGÉ : Vous avez déclaré que la con-
tradiction entre les valeurs et la diplo-
matie n’était pas si évidente ?
Michel WU : Mes parents en Chine,
ce qu’ils écoutaient, c’était Voice of Ame-
rica. Puis la BBC a suivi. À l’époque c’était
simple, la démocratie contre le fascisme.
Il n’y avait pas de langue de bois, on ne
craignait pas les incidents diplomatiques
ni les enjeux économiques. Par la suite,
pendant la Guerre froide, c’était presque
la même situation, c’était la confrontation.
La radio Free Europe a beaucoup contri-
bué au réveil des Européens de l’Est et
donc à la chute du mur de Berlin.
Avec la chute du mur de Berlin, on a cru
que c’était la fin du communisme. Mais
pas du tout. C’était vrai en Europe mais
pas en Asie. Lorsque la Chine se lance
dans le marché, on commence à parler de
mondialisation. La Chine a bien compris
les choses. On a voulu faire de la Chine
le marché de l’Occident mais le monde
entier est devenu le marché de la Chine.
On continue de garder une certaine illu-
sion sur le marché chinois en pensant
qu’on peut y gagner de l’argent.
Les intérêts économiques prévalent. La
majorité des radiodiffuseurs sont financés
par les pouvoirs publics. En même temps,
ils entretiennent des relations amicales
avec le régime en place. Pékin a saisi la
balle au bond : ‘Vous voulez des intérêts
économiques ? alors taisez-vous sur les
droits de l’Homme. Si vous nous critiquez,
on annule les contrats’.
Lorsque Bernard Kouchner a dit que la
diplomatie et les droits de l’homme sont
en contradiction, remettant en question la
création d’un secrétariat d’État aux droits
de l’homme, j’ai bien compris qu’il n’em-
ployait pas la langue de bois. Il disait la
vérité.
Mais la radio n’est-elle pas censée
informer de la vérité, y compris des cri-
tiques, des aspects négatifs ? La mis-
sion est tout à fait différente, surtout en ce
moment. Il faut bien comprendre que les
choses ont beaucoup évolué en Chine.
La Chine du XXIe siècle n’est plus celle
où le Général de Gaulle a établi des rela-
tions. À l’époque, pendant les années 60,
la Chine apparaît comme un conquérant
en Asie sous un maquillage ‘sauveur du
peuple’. Les gens parlaient à profusion de
l’Étoile rouge, de la Longue marche, etc.,
avec une propagande et une position de
force en Asie.
Aujourd’hui, le régime chinois a révélé
sa nature. La nature répressive, et sur-
tout la nature idéologique de ce régime
n’ont pas du tout changé. D’ailleurs, avec
le marché, il a surtout renforcé la répres-
sion politique. Les Chinois sont réprimés
et réduits à néant. C’est le peuple qui est
perdant.
Beaucoup d’hommes politiques et la
plupart des gens ont compris. Ils ne sont
pas en phase avec le communisme. Mais
dans leur travail ils doivent privilégier les
intérêts économiques. Il faut vendre la
AFP
France. Les valeurs humaines ça ne se
monnaye pas. Tandis que le matériel, les
Airbus, les trains, les centrales, c’est diffé-
rent, on a besoin d’argent.
On vient de célébrer le 60e anniver-
saire de la Déclaration Universelle des
Droits de l’Homme. Je crois que tou-
tes les diplomaties de l’Occident doivent
inclure ce document dans leur travail. Il
faut continuer d’avoir le courage de criti-
quer. Critiquer n’est pas injurier. C’est aux
journalistes à passer l’information sous la
meilleure forme.
Le communisme en Chine n’est pas un
royaume éternel. Il risque de s’écrouler.
Depuis le début du XXIe siècle, ce n’est
plus du tout la même situation. Il existe
une résistance qui s’est réunie, surtout en
Amérique du Nord, en Australie. Le pou-
voir de Pékin n’arrive plus à les réduire
au silence.
Quand sonnera la Chine démocrate,
ce sera l’heure du bilan. Le peuple chi-
nois dans la souffrance dira : ‘Quand nous
étions persécutés, sous la répression,
qu’est-ce que vous avez fait ?’
On ferme les ondes moyennes pour
des raisons disons économiques ou tech-
nologiques, mais je crois que c’est avant
tout pour des raisons politiques. Parce
qu’après les ondes moyennes, que va-
t-on faire des ondes courtes ? En tant
qu’Européen du XXIe siècle, il faut renfor-
cer les ondes courtes pour aider le peu-
ple chinois.
À Paris, si on veut continuer à connaî-
tre la vérité de la Chine, il faut écouter
Sound Of Hope, c’est la seule radio qui
parle de la vérité sans gêne. Pour les Chi-
nois qui résident à Paris, les chercheurs
ou les sinologues, pour tous ceux qui veu-
lent s’informer sur la réalité chinoise, c’est
Sound of Hope qu’on peut capter facile-
ment à Paris.
LGÉ : Sound of Hope diffuse ses pro-
grammes en région parisienne1 mais
aussi en Chine par les ondes courtes.
Marie Chen, pouvez-vous nous présen-
ter cette radio ?
Marie CHEN : Sound of Hope est une
radio libre qui établit un pont entre les cul-
tures de l’Orient et de l’Occident. Nous
diffusons une information objective défen-
dant les valeurs de liberté, de démocratie
et de respect des droits de l’homme.
SOH couvre effectivement presque
toute la Chine par les ondes courtes et
moyennes surtout les petites et moyennes
villes et les zones rurales.
Nous diffusons globalement 24h/24 en
direct en langue chinoise. Notre force :
nous avons des journalistes dans de nom-
breux pays et la diffusion se fait selon les
horaires diurnes des différents pays d’Est
en Ouest. Par exemple, Taiwan, pendant
la journée, diffuse sur l’actualité taïwa-
naise puis lorsque le jour se lève, ici en
Europe, on prend le relai sur l’actualité
européenne.
En plus du mandarin, nous diffusons
aussi en coréen, en anglais, en allemand,
en espagnol et en français.
LGÉ : Par quel moyen obtenez-vous
les infos de Chine ?
Marie CHEN : Nous obtenons des infor-
mations de première main car ce sont les
Chinois qui, au péril de leur vie, nous ren-
seignent sur l’actualité par téléphone. Les
mouvements sociaux par exemple sont
1 – 15 MARS 2009 ● La Grande Époque
innombrables. Les gens nous appellent et les Chinois.
nous rapportent les faits. Michel WU : Moi j’ai fait une enquête
à ce sujet. De mauvaises langues pour-
LGÉ : Le régime n’a-t-il pas essayé raient dire que SOH est une radio de
de brouiller les ondes ? Falun Gong. Mais Falun Gong, c’est
Michel WU : Brouiller une radio coûte quoi ? j’ai fait plusieurs années d’enquête
presque aussi cher que d’en créer une. Il y à titre de journaliste. Falun Gong c’est
a maintenant une vingtaine de radiodiffu- une communauté, la communauté qui a
seurs vers la Chine. S’ils veulent brouiller le plus souffert de persécutions politiques
toutes les radios, ils peuvent alors oublier en Chine. Le reste n’est que mensonge.
leurs chaînes nationales. La radio est le J’ai rencontré beaucoup de pratiquants
moyen le plus efficace. de Falun Gong qui sont des intellectuels
Quand j’étais enfant, pendant l’occu- de haut vol, ce sont des gens honnêtes
pation japonaise, souvent après le dîner, que le Parti ne peut ni acheter ni corrom-
mes parents m’envoyaient jouer. Ils ne me pre. Jamais un groupe n’a connu une telle
donnaient pas d’explication. Alors un jour, persécution, cela fait dix ans et cela per-
par la fenêtre, – à cette époque les fenê- dure !
tres n’étaient pas vitrées, elles étaient fer- Sound of Hope a réussi car c’est la
mées par du papier – j’ai fait un petit trou radio qui diffuse le plus d’interviews obte-
et j’ai pu observer mes parents l’oreille nues directement depuis la Chine.
collée à la radio. Plus tard, j’ai compris
qu’ils écoutaient Voice of America. J’avais LGÉ : Comment travaillent les jour-
été très marqué à cette époque. nalistes de Sound of Hope depuis la
L’internet est contrôlé, on peut savoir Chine quand on sait les risques encou-
facilement ce que font les internautes. rus à communiquer par téléphone ?
La radio, c’est génial, c’est le plus grand Marie CHEN : Ils font un travail extraor-
espoir ! dinaire. Chaque jour, ils risquent leur vie.
Ils se portent volontaires et gardent l’ano-
LGÉ : L’audience de SOH augmente nymat. Il y a aussi de nombreux Taïwa-
de façon exponentielle. Quelles sont nais qui téléphonent en Chine et qui
les réactions de vos auditeurs ? s’informent auprès des Chinois sur ce qui
Marie CHEN : En effet, nous avons se passe dans les localités, les régions.
enregistré une très forte augmentation C’est comme cela que l’information sort
l’année dernière, et cela sans compter l’in- de Chine.
ternet. Nous estimons 200 à 300 millions Puis, lorsque les informations sont
d’auditeurs en Chine continentale, toutes rediffusées sur les ondes courtes, la
couches sociales confondues. Chine du Nord apprend enfin ce qui se
Le commentaire qu’on entend le plus passe au Sud de la Chine. Le peuple chi-
souvent de la part de nos auditeurs c’est : nois a évolué. Ils ne veulent plus écouter
‘Vous êtes notre seul espoir. Vous êtes la propagande, ils attendent une informa-
notre lumière’. Chaque jour, nous rece- tion objective et véridique.
vons un nombre considérable de réac- Michel WU : Je vous donne un exem-
tions : ‘Vous nous représentez, vous êtes ple récent : avant et après le Nouvel
notre voix à l’extérieur’. ‘C’est grâce à An, les Chinois ont crié un slogan public à
vous que nous existons’. ‘Nous espérons Shanghai et à Canton : ‘À bas le commu-
que dans un futur proche vous pourrez nisme !’. Les radiodiffuseurs internatio-
être basés en Chine’. ‘Je vous écoute cha- naux ont-ils le droit de répercuter cette
que jour et j’aimerais bien vous envoyer vérité ? S’ils le font, ils risquent d’être rap-
de l’argent pour vous aider mais c’est très pelés à l’ordre par le Quai d’Orsay ! SOH
difficile ici’. ne se préoccupe pas de cela, SOH diffuse
Récemment un capitaine au long cours l’information. Sans cela, vous manquez à
a entendu l’éditorial des Neuf commentai- votre devoir de journaliste !
res sur le Parti communiste chinois diffusé Les radiodiffuseurs internationaux doi-
sur la radio. Dès qu’il est descendu dans vent évoluer avec le temps et retrouver
un port, il a cherché à se le procurer et il un point d’équilibre entre pragmatisme
a rapporté toutes ces informations à ses et idéalisme. Au niveau de la rédaction,
proches et à ses collègues. on doit continuer à déployer nos efforts
en ne considérant pas ce poste comme
LGÉ : Quel genre de programmes un gagne-pain. Il ne faut pas oublier que
diffusez-vous ? des Chinois, nos compatriotes, souffrent
Marie CHEN : Nous diffusons des pro- là-bas. Chaque jour ils attendent qu’on
grammes sur la politique et l’économie leur apporte les informations dont ils ont
de la Chine. Nos experts chinois, taïwa- besoin. Il faut renforcer la discipline, ren-
nais, occidentaux décortiquent les chiffres forcer la rigueur et se mettre en garde
donnés par Pékin et dressent leur propre contre le harcèlement politique du pou-
analyse de la situation. Ces experts sont voir de Pékin. Le régime a déployé, redé-
majoritairement des Chinois qui ont vécu ployé de grands efforts pour essayer de
en Chine et qui donnent un point de vue racheter certains médias de l’Occident.
tellement différent. Des dissidents qui ont Les radiodiffuseurs qui diffusent en Chine
souffert du régime interviennent aussi sur n’échappent pas à leur emprise. Tous les
nos ondes et font part de leur vécu. rédacteurs doivent être conscients qu’un
Michel WU : SOH a été créée par jour ou l’autre, ils risquent d’être abordés
des Chinois qui ont fait leurs preuves. par des agents de Pékin qui font pression
Ils ont maintenant des dizaines de mil- en les écartant de la bonne voie, en leur
lions d’auditeurs en Chine. Moi j’écoute demandant d’utiliser la propagande au
souvent Sound of Hope sur le site web, lieu de faire un bon reportage.
c’est la seule radio chinoise qui parle de Ainsi, il m’est arrivé en 2001 d’être
la situation en Chine sans aucune gêne. invité à prendre un café par un conseiller
C’est cela le plus important car tout le de l’ambassade de Chine à Paris. Il m’a
monde veut entendre des informations remis un sac rempli de documents de pro-
objectives et véridiques. Quelles que pagande contre le Falun Gong afin que je
soient les idéologies, les différents points contribue à discréditer le mouvement.
de vue, nous ne voulons que la vérité ! L’émission en ondes moyennes de RFI
Nous les Chinois, en avons assez de cette en Ile-de-France, elle est supprimée, on
propagande de Pékin. Je recommande n’en parle plus. Mais pour les ondes cour-
vivement SOH. tes en Chine, il faut retrouver, surtout à la
lumière de la Déclaration Universelle des
LGÉ : Dans quel contexte Sound of Droits de l’Homme, dont la France est
Hope a-t-elle été créée ? signataire, un nouveau point d’équilibre
Marie CHEN : La radio SOH a été et surtout ne pas abandonner, car c’est la
créée en 2003 à Los Angeles par quel- meilleure façon de soutenir le peuple chi-
ques personnes qui pratiquent le Falun nois. En ayant à cœur les valeurs humai-
Gong. Ils n’y connaissaient rien en tech- nes, il faut continuer à faire des efforts, ne
nique, et n’avaient pas d’argent mais ils pas considérer les métiers du journalisme
avaient la volonté d’informer les Chinois comme un gagne-pain mais faire cons-
de Chine. La volonté de tous a été de ciencieusement le travail en étant très
combattre pour une bonne cause : infor- vigilant contre l’intervention et l’ingérence
mer sur la répression du Falun Gong en des agents de Pékin.
Chine et pour la liberté d’information car Propos recueillis par
le peuple chinois est tellement noyé dans ISABELLE MEYER
cette propagande que beaucoup pensent
que les médias d’État disent la vérité. 1 www.sondelespoir.org
Alors on a loué un créneau de quelques www.sohnetwork.com
heures sur les ondes et petit à petit nous Contact Marie Chen :
avons pu diffuser vers la Chine et informer mankiang@soundofhope.org
La Grande Époque ● 1 – 15 MARS 2009
Députés et activistes canadiens se mobilisent pour la
libération de l’avocat chinois Gao Zhisheng
Nous sommes toujours sans nou-
velles de Gao Zhisheng, l’un des
avocats spécialistes des droits
de l’homme les plus reconnus en
Chine avant que ses prises de
position ne provoquent la colère
du Parti communiste chinois.
LORS d’une conférence de presse la
semaine dernière à Ottawa, députés et
défenseurs des droits de l’homme se sont
exprimés publiquement en faveur de Gao
Zhisheng, attirant l’attention sur son récent
enlèvement survenu alors qu’il venait de
publier le récit de deux mois de tortures
subies en détention fin 2007.
« J’ai été électrocuté sur tout le corps à
coup de matraques électriques et je sentais
que mon cœur, mes poumons et mes mus-
cles commençaient à bondir sous ma peau
de manière incontrôlable. Je me tordais de
douleur sur le sol, tentant de ramper pour
m’éloigner », raconte-t-il.
« Chaque fois qu’on me torturait, on me
menaçait d’être à nouveau torturé si j’en
parlais. On m’a même dit : ‘Et cette fois ce
sera devant ta femme et tes enfants’ ».
David Kilgour, ancien député et ancien
secrétaire d’État pour l’Asie-Pacifique, a
parlé du passé de Gao Zhisheng et de sa
situation actuelle.
« On sait peu que Gao Zhisheng est né
dans une caverne en Chine rurale. Et sa
famille était si pauvre qu’elle n’avait même
pas pu se permettre un cercueil à 10 dollars
pour enterrer le père lorsqu’il est décédé ».
David Kilgour a poursuivi en décrivant
comment Gao Zhisheng était devenu l’un
des dix meilleurs avocats de Chine et qu’il
vouait son temps à ceux qui sollicitaient
son aide. « Un homme hors du commun »,
porté disparu depuis maintenant plus de
cinq semaines.
David Kilgour a lu deux lettres écrites
par Canadian Friends of Gao Zhisheng,
un groupe de soutien à l’avocat. L’une des
lettres, adressée au dirigeant chinois Hu
Jintao, indique que les autorités ont faus-
sement accusé Gao Zhisheng d’interfé-
rer dans les affaires d’État et demande sa
libération.
« Président Hu, vous ne pourrez pas réa-
Un ancien millionnaire quitte le Parti communiste chinois
ZHOU Guangfu était un des premiers mil-
lionnaires de Chongqing. Les autorités
l’ont arrêté sans raison et détenu pour
lui confisquer tous ses biens. Durant sa
détention, il a été transféré successive-
ment dans huit prisons différentes, et sou-
mis à diverses formes de torture. Depuis
sa libération, Zhou continue d’être suivi et
harcelé par la police. Le 22 février 2009,
alors qu’il était sans abri, Zhou a formelle-
ment annoncé qu’il démissionnait du Parti
communiste chinois (PCC) et de tous ses
organes affiliés.
Zhou a déclaré : « Le PCC blesse, har-
cèle et extorque de l’argent aux gens. En
tant que victime, je déclare fermement que
je me retire de la Ligue de la Jeunesse
communiste et des Jeunes Pionniers ».
Zhou a lancé son entreprise en 1985. Il
a mis à profit ses connaissances sur les
métaux pour faire fortune en transformant
L’ancien député et ancien secrétaire d’État pour l’Asie-Pacifique David
Kilgour et Alex Neve, secrétaire général d’Amnistie Internationale
Canada, lors d’une conférence de presse pour la libération de l’avocat
porté disparu Gao Zhisheng.
liser la cohésion sociale si vous ne cessez
pas la répression violente de votre propre
peuple. Nous vous demandons de libérer
Gao Zhisheng immédiatement ».
Pour Alex Neve, secrétaire général
d’Amnistie Internationale Canada, Gao
Zhisheng « est tout simplement un héros
des droits de l’homme ».
Alex Neve a mentionné que Gao était au
front de la défense des droits de l’homme
en Chine et qu’il faisait partie d’un petit
– mais courageux – groupe d’avocats
essayant de défendre les droits devant les
tribunaux chinois, sachant très bien qu’ils
pourraient eux-mêmes être victimes de
sanctions.
« Ceci est une description très fidèle de
Gao Zhisheng, de son courage au service
des droits de l’homme et du terrible prix
qu’il paie pour cela. Gao Zhisheng est un
avocat remarquable et admirable qui s’est
récemment dressé à plusieurs reprises
pour défendre des Chinois persécutés et
dont les droits les plus élémentaires ont
été bafoués, incluant ceux qui pratiquent le
Falun Gong, les chrétiens clandestins et les
démocrates ».
En retour, Gao Zhisheng a subi une
des déchets en matériaux utilisables. Pen-
dant plusieurs années il est resté l’homme
le plus riche de Chongqing.
Mais le 24 septembre 1991, la Cour du
peuple du district de Beipei a condamné
Zhou à 12 ans de prison pour avoir intri-
gué contre le gouvernement en ven-
dant des produits non autorisés. Tous
ses biens ont été confisqués, soit une
valeur totale de 1.180.743 yuans (135.579
euros).
Zhou a été transféré dans sept prisons
avant d’arriver à la prison de Xinjiang à
Aksu, dans la région du Xinjiang. C’est
là qu’il a purgé la plupart de sa peine. Il
a été soumis à des travaux d’esclavage
interminables. Parfois on le forçait à res-
ter debout plié en deux à angle droit dans
un coin. Il a aussi été déshabillé et fouetté
à l’aide de tiges d’osier par des gardiens. Le pétitionnaire Zhou Guangfu
Il a également été victime d’abus sexuels. originaire de Chongqing.
La Grande Époque
« campagne permanente de violations des
droits de l’homme : les menaces, le har-
cèlement, les arrestations arbitraires, la
détention illégale et la torture ».
Il ajoute qu’« il ne fait aucun doute »
que Gao Zhisheng est détenu par les for-
ces de sécurité chinoises et gardé dans un
lieu secret.
« Il y a toutes les raisons au monde de
craindre que dans de telles circonstances
il risque à nouveau d’être l’objet de gra-
ves tortures. Le gouvernement canadien
doit prendre cette affaire à bras le corps
face aux autorités chinoises et encoura-
ger d’autres gouvernements à lui emboî-
ter le pas ».
Wayne Marston, député de Hamilton
Est-Stoney Creek, est le porte-parole du
Nouveau Parti démocratique (NPD) en
matière des droits de l’homme et il siège
sur le Sous-comité des droits internatio-
naux de la personne.
Wayne Marston a déclaré qu’il était
essentiel que le Canada agisse en tant que
défenseur des droits de l’homme au pays
comme à l’étranger.
« Il est important pour notre gouverne-
ment, via le ministère des Affaires étrangè-
La Grande Époque
www.lagrandeepoque.com
La Grande Époque
Le critique libéral des Affaires
étrangères Bob Rae soutient
l’appel de son confrère Irwin
Cotler pour la libération de
Me Gao.
res, de contacter le gouvernement chinois
et de s’assurer qu’il comprenne nos inquié-
tudes, les inquiétudes de notre pays et les
inquiétudes de notre population, et que
nous travaillions fort pour le secourir ».
Grace Wollensak, de l’association du
Falun Dafa du Canada, a de son côté
affirmé que Gao Zhisheng était surtout
emprisonné pour avoir défendu les droits
des pratiquants de Falun Gong.
« Le traitement horrible qu’il subit devrait
être une sonnette d’alarme pour la com-
munauté internationale au sujet du mépris
total du régime chinois quant aux droits de
l’homme et à la primauté du droit », a-t-elle
déclaré.
Grace Wollensak a affirmé que la tor-
ture et les mauvais traitements que Gao
Zhisheng a subis sont comparables à ce qui
est infligé aux pratiquants de Falun Gong.
Selon elle, il y aurait plus de 3.242 morts de
persécution confirmés.
« Ceci illustre vraiment le danger de mort
auquel Gao fait face ».
Dans une lettre récente, Gao Zhisheng
raconte comment les tortionnaires lui ont
dit qu’ils lui serviraient les douze leçons
de torture utilisées contre les pratiquants
de Falun Gong et qu’ensuite ils le torture-
Lors d’une interview par La Grande Epo-
que, Zhou a confié le récit effroyable des
mauvais traitements qu’il a subis par les
autorités chinoises.
Il raconte : « Ils m’ont forcé à m’asseoir
sur un tabouret les jambes tendues devant
en forçant un condamné à monter sur mes
jambes et y rester pendant deux heures.
Ils me frappaient dès que je bougeais. »
Zhou se souvient : « Notre repas du
soir, vers 22h, consistait en une bouillie de
maïs froide avec du pain, et des conser-
ves de minuscules morceaux de légumes
salés. Je devais me procurer des fruits
de coton, des grenouilles ou des racines
d’herbes pour apaiser ma faim tout en fai-
sant attention de ne pas être vu pendant le
travail. Quand on trouvait un morceau de
peau de melon d’hiver jetée par les gar-
diens, c’était un festin. »
À un moment donné, il a été témoin
Paris Genève Londres
Plus d’articles sur
www.lagrandeepoque.com
Lima Dublin Taipei
Chine 5
raient à mort sans que l’on puisse retrou-
ver sa dépouille.
« Ses tortionnaires ont constamment lié
ses mauvais traitements à ceux qu’ils infli-
gent au Falun Gong », poursuit Grace Wol-
lensak.
« Nous faisons appel au Canada pour
qu’il demande aux autorités chinoises de
libérer Gao et de mettre fin à la persécution
du Falun Gong, cause défendue avec tant
de courage par Gao ».
Le député libéral Irwin Cotler a égale-
ment émis une déclaration demandant
aux autorités chinoises de libérer Gao
Zhisheng.
Lorsque le critique libéral en matière
d’Affaires étrangères, Bob Rae, s’est fait
demander s’il appuyait le geste d’Irwin Cot-
ler, il a répondu : « Nous sommes très fiers
au Parti libéral d’avoir quelqu’un comme
Irwin qui se bat pour les droits de l’homme
et, bien sûr, je soutiens son appel ».
Lors de la conférence de presse, Alex
Neve et David Kilgour ont tous deux fait
remarquer que dans le passé le Canada
est souvent resté muet sur la question des
droits de l’homme en Chine. Selon eux,
cela a changé et on doit reconnaître que
le Premier ministre, Stephen Harper, s’est
exprimé plus directement en faveur de la
défense des droits de l’homme.
Alex Neve estime que le Canada a
besoin d’une stratégie plus globale pour
aborder les droits de la personne en Chine.
Il souligne que la relation du Canada
avec la Chine comporte plusieurs élé-
ments : la culture, l’immigration, les
échanges étudiants, le commerce et les
investissements.
« Ce dont nous avons besoin, finale-
ment, c’est une stratégie qui considère la
relation d’une manière holistique et qui s’as-
sure que les droits de l’homme sont au pre-
mier plan, peu importe les avenues utilisées
pour faire affaire avec la Chine ».
Wayne Marston juge quant à lui que le
Canada peut jouer un rôle unique en raison
de sa réputation internationale.
« Nous jouons au-dessus de notre poids
politique dans le monde ». Il estime que
les autres pays considèrent le Canada
comme une référence au sujet des droits
de l’homme.
MATTHEW LITTLE
d’une scène où les gardiens ont forcé un
condamné à s’agenouiller dans la neige,
nu. Ils appliquaient de la vapeur chaude
sur son visage en permanence et la réac-
tion au contact du froid, deux heures plus
tard, a provoqué une paralysie. Il est resté
handicapé à vie. Mais il n’y avait aucune
trace de blessure apparente.
D’après Zhou, les gardiens infligeaient
souvent aux détenus des sévices sexuels
en piquant leurs parties génitales avec
des cure-dents ou en les électrocutant
avec des matraques électriques. Par
ailleurs, un jour que sa femme (à l’épo-
que) est venue lui rendre visite, les gar-
diens l’ont raccompagnée à l’hôtel. Elle a
réussi à leur échapper. Mais habituelle-
ment, si la famille n’obéit pas aux ordres
des gardiens, le prisonnier est soit tor-
turé, soit tué.
WANG MEILING
New York Berlin
Montréal Genève...
6 Chine www.lagrandeepoque.com 1 – 15 MARS 2009 ● La Grande Époque

Nouvelles des correspondants de la radio Son de l’Espoir (Sound of Hope Network : www.sohnetwork.com)
MARK RALSTON/AFP
Les pétitionnaires de Pékin sont souvent
battus et arrêtés par la police.
LE PUBLIC AU SECOURS D’UNE JEUNE FILLE
TABASSÉE PAR LA POLICE
Le 4 mars, premier jour du Congrès national du peu-
ple du Parti communiste chinois, a été troublé par une
émeute dans la gare du Sud à Pékin, et par une immo-
lation sur la Place Tiananmen. La manifestation de la
colère publique à la gare du Sud a éclaté après qu’une
jeune fille pétitionnaire a été arrêtée et battue par des
policiers.
Gui Fen-Li, pétitionnaire de Hebei qui a vu l’inci-
dent, indique que la jeune fille a été emmenée dans
une voiture et battue. Sa mère a alors commencé à
hurler et des centaines de pétitionnaires du secteur ont
alors entouré la voiture en criant « À bas la corruption,
mort aux fonctionnaires avides ». Selon Li, les péti-
tionnaires ont alors assailli la voiture, cassé les fenê-
tres et les phares avant de frapper les policiers avec
des bouteilles. La jeune fille est, elle, ressortie du véhi-
cule avec le visage tuméfié suite aux coups portés par
les policiers.
La veille, une femme âgée du Shandong avait éga-
lement été battue par 4 ou 5 policiers, qui s’étaient rapi-
dement fait encercler et rouer de coups par les autres
pétitionnaires qui ont brûlé leurs képis et détruit leur
véhicule.
Dans un autre incident, une pétitionnaire désespé-
rée et âgée d’une trentaine d’année s’est immolée par
le feu sur la Place Tiananmen. D’après un témoin ocu-
laire, Mme Shu-rong Tsong de Jilin, la femme était ori-
ginaire de Xi-An et avait 30 ans. Le drame a eu lieu
au niveau du pont de Jin-Shui près de la Place Tia-
nanmen.
LE CHÔMAGE AU-DELÀ DES CHIFFRES OFFI-
CIELS
La crise financière mondiale a lourdement affecté
l’économie de la Chine qui est basée en grande par-
tie sur son industrie d’exportation. Ceci a provoqué une
hausse subite du chômage et une augmentation expo-
nentielle des manifestations de chômeurs ou de tra-
vailleurs non payés.
Selon les chiffres officiels du régime communiste,
plus de 20 millions d’ouvriers migrants qui ont quitté
leur province pour rejoindre les villes sont sans emploi.
Les experts considèrent cependant que le chiffre réel
est probablement deux fois plus élevé puisque les pro-
vinciaux restés chez eux subissent également le chô-
mage.
Pour Zhi-Yong Wang de l’académie chinoise des
AUJOURD’HUI EN CHINE
Sciences sociales, plus de 100 millions de fermiers et Des recherches taïwanaises publiées en 2008 indi-
d’ouvriers sont directement affectés par la crise, et le quent que les plus importantes dépenses militaires
chômage va frapper 34 millions d’ouvriers supplémen- cachées de la Chine sont dédiées à des constructions
taires. Wang estime que le taux du chômage réel en souterraines à grande échelle ainsi qu’à un front de
Chine est de 8 à 9 %. Le gouvernement sous-estime- défense aux frontières. Le Pentagone, enfin, ne cesse
rait largement les chiffres en ne comptabilisant les chô- de s’inquiéter du développement de missiles de croi-
meurs que dans les grandes zones urbaines. sière et de missiles balistiques chinois, de la capacité
Début mars des travailleurs récemment licenciés de destruction de satellites montrée en 2007, et de l’ac-
se sont réunis autour du siège social de la Banque tivité croissante de l’espionnage informatique.
de Chine à Pékin, juste avant l’ouverture du Congrès Les dépenses militaires de la Chine telles qu’affi-
national du peuple. D’après le Pr. Wang, le retour aux chées auprès des Nations unies sont une vue partielle
provinces prôné par le parti communiste chinois n’est qui ne mentionne pas les dépenses en recherche et en
pas une solution à long terme et est très mal vu par développement militaire.
les ouvriers migrants. Selon des statistiques de 2008,
le revenu moyen des villages est 3 fois inférieur à celui MALADIE ÉTRANGE DANS LA PROVINCE DE
des villes. YUNNAN
Une maladie non identifiée est apparue dans la pro-
UN DÉFENSEUR DES DROITS DE L’HOMME vince chinoise méridionale de Yunnan. Neuf person-
DISPARU À PÉKIN nes sont tombées malades et une est morte. Selon
Les affaires continuent malgré tout à Pékin. Les usi- le Yunnan Daily, elle est apparue sur un chantier de
nes fonctionnent et les gens vivent leur vie autant qu’on construction dans le village de Biyuhe de la banlieue
le leur permet. Les autorités continuent aussi à enlever de Zhongpai du comté de Lanping. Le 27 février, une
des défenseurs de droits de l’homme. Cette fois c’est équipe de recherche du centre de contrôle des mala-
Huang Xiaomin, une personnalité originaire de Chen- dies épidémiques du Yunnan a fait une description
gdu qui est la victime. La sœur de Huang a révélé sa des symptômes : fièvre, douleurs abdominales, vomis-
disparition et suppose qu’il a été arrêté pour les mêmes sements, œdème, douleur et paralysie. Aucun agent
raisons que leur autre frère, Huang Xiaming, arrêté pathogène n’a encore été identifié. FORMATION DE CRISE POUR 3.000 FONCTION-
l’année dernière pour avoir aidé des victimes du trem-
blement de terre de Sichuan. Sa maison a été mise L’APPEL DES MÈRES DE TIANANMEN
à sac et tous ses biens confisqués. Son frère, Huang La veille de la session annuelle du Congrès national
Yunmin, 50 ans, juge à la retraite, a subi le même sort. du peuple (CNP) et de la conférence consultative politi-
que du peuple chinois (CCPPC), des parents des vic-
times du massacre de Place Tiananmen ont réclamé
l’ouverture d’un dialogue au sujet du massacre. Selon
le journal Apple Daily de Hong Kong, dès 1995, les
mères de Tiananmen ont sans relâche écrit des lettres
ouvertes au CNP et au CCPPC.
L’année 2009 marquant le vingtième anniversaire
du massacre, Mme Ding Zilin, membre fondateur des
« mères de Tiananmen » demande, au delà d’une
enquête, de compensations, et de poursuites péna-
les contre les responsables, l’ouverture de discussions
publiques sur le sujet et une enquête d’opinion.
PATRICK LIN/AFP
Dans une lettre ouverte intitulée, « Ayez le courage
Exercices militaires chinois. de briser la zone interdite et regardez en face le mas-
sacre », les mères de Tiananmen affirment que le gou-
INQUIÉTANTE CROISSANCE DU BUDGET MILI- vernement a intentionnellement minimisé le massacre
TAIRE CHINOIS de la place Tiananmen. Mme Ding a perdu son fils de
Le régime communiste chinois a annoncé mercredi 17 ans, Jiang Jielian, en juin 1989.
4 mars qu’il augmentera son budget militaire de 14.9 %
en 2009 pour un total de 70,24 milliards de dollars cette GRIPPE AVIAIRE À WUHAN, BLOCAGE DES
année. Une annonce qui ravive les appels à la transpa- MÉDIAS
rence des experts internationaux, préoccupés par l’ex- La grippe aviaire a frappé les zones Xinzhou et
pansion militaire du régime communiste. Huangpo de Wuhan, province de Hebei. Pendant la
L’expert en sécurité Rory Medcalf de l’institut Lowy nouvelle année chinoise, des centaines de milliers de
pour la politique internationale à Sydney, en Australie poulets ont été abattus et des habitants rapportent plu-
trouve étonnant que la Chine maintienne ce niveau de sieurs cas d’infection humaine. De nombreuses zones
dépenses en dépit de la crise économique mondiale, de Wuhan auraient été frappées par l’épidémie pen-
et commente qu’une augmentation de 15 % n’est « en dant la nouvelle année lunaire, sans que les informa-
aucun cas négligeable ». tions aient pu être transmises à l’extérieur.
Le Japon s’inquiète également de la tendance, Un éleveur de volailles du district du lac de l’Ouest
comme l’exprime Takeshi Akamatsu, porte-parole du affirme par exemple à notre journaliste que la zone Liji
ministère des Affaires étrangères qui regrette le man- de Xinzhou a été affectée et qu’un bon nombre de pou-
que total de transparence de Pékin au sujet de son pro- lets ont été abattus. Mme Zhang, de Liji, affirme elle
gramme militaire. que l’épidémie est dans beaucoup d’endroits à Wuhan,
mais « les médias n’ont pas le droit d’en parler, et nous
ne sommes pas autorisés à en parler aux gens en
dehors de la ville. Mais il y a en effet des cas de grippe
aviaire, et les poulets ne sont pas comestibles. »
En janvier, huit personnes de Pékin, du Shandong,
de Guizhou, du Shanxi, du Xinjiang, du Guangxi, et du
Hunan ont été infectées par le virus H5N1 de la grippe
aviaire. Cinq d’entre elles sont mortes.
LA POLICE TIRE SUR UN MOINE TIBÉTAIN
Au Tibet oriental, un moine s’est immolé dans la ville
d’Aba, devant le commissariat de police local. D’après
des témoins oculaires, il criait des slogans, portait un
drapeau tibétain et une image du dalaï lama. La police
chinoise a tiré à 3 reprises sur le moine, qui serait mort.
Environ cinq cents moines ont tenu une cérémonie
rituelle chez lui.
L’événement s’est produit peu de temps après que
1.000 moines ont été empêchés par la police d’entrer
dans le hall principal du monastère de Kirti pour des
prières tibétaines de nouvelle année.
Le rassemblement avait été interdit par les fonction-
naires chinois qui ont intensifié la présence policière
en prévision du cinquantième anniversaire du soulè-
vement tibétain.
NAIRES
Depuis le 18 février et jusqu’au mois juin, un total
de 3.080 membres du bureau national de sécurité
publique chinois vont recevoir dix jours de formation
spéciale à Pékin. Ils apprendront comment traiter le
nombre de plus en plus important de protestations
publiques. Selon un reportage du 5 janvier de l’Agence
de presse officielle Xinhua, l’année 2009 doit voir un
accroissement des conflits sociaux. Afin de faire face
au nombre de plus en plus important des protestations,
le Parti communiste chinois a déjà organisé une forma-
tion nationale en novembre pour 2.800 secrétaires des
comités du Parti dans les comtés.
UN MEMBRE DU MOUVEMENT FALUN GONG
DANS L’ENFER SHANGHAÏEN
Zhou Bin, 43 ans et membre du mouvement boudd-
histe Falun Gong a été condamné à 12 ans de prison
par les autorités chinoises.
Sa mère vient de divulguer aux médias les traite-
ments qu’il subit en détention. En particulier, lors d’une
récente séance de torture le 24 février 2009, Zhou Bin
a été grièvement blessé aux parties génitales.
Motivé par les bienfaits qu’il a retiré lui-même de la
pratique du Falun Gong, Zhou Bin avait informé son
entourage de la répression sanglante qui frappe le
mouvement depuis 1999 et dénoncé la propagande
mensongère du régime.
En janvier 2001, pour être allé manifester à Pékin,
il a été condamné à 12 ans de prison par la justice de
Shanghai.
Le site internet du Falun Gong Minghui décrit la pri-
son Tilanqiao de Shanghai comme un « lieu d’un autre
âge » où des tortures sont infligées de manière routi-
nière. Plusieurs pratiquants de Falun Gong détenus à
cet endroit y auraient déjà perdu la vie.

50.862.211 Chinois ont démissionné du Parti après avoir lu les Neuf commentaires sur le Parti Communiste. Ce mouvement de démissions reste
ÉDITORIAL pour le peuple un moyen d’expression non violent, apolitique et sans précédent dans la société chinoise face à la dictature et à la corruption géné-
ralisée au sein du régime. La Grande Époque publie un extrait traduit de cette série éditoriale chinoise dans chacun de ses numéros.

Suite du sixième commentaire infinie viendrait de « la lutte entre le ciel et la terre ».

Une chose aussi belle que la musique a, cepen-

dant, été utilisée par le PCC comme outil de lavage de
cerveau. Des chants comme Le socialisme est magni-
fique, Il n’y aurait pas de nouvelle Chine sans le Parti
communiste, et beaucoup d’autres, sont chantés de
l’école maternelle à l’université. En chantant ces chan-
sons, les gens ont graduellement accepté les signifi-
cations des paroles. De plus, le PCC a volé les airs
des chansons folkloriques les plus populaires et les
a remplacés par des paroles louant le Parti. Cela a
servi à détruire la culture traditionnelle et à promou-
voir le Parti.
Un des documents classiques du PCC, le Dis-
cours (de Mao) au Forum sur la littérature et les arts à
Yan’an, plaçait la culture et l’armée comme « les deux
fronts de bataille ». Il déclarait que la force militaire
était insuffisante ; une « armée des arts littéraires »
était aussi nécessaire. Ajoutant que « les arts littérai-
res devraient servir la politique » et que « les arts litté-
raires de la classe prolétarienne… sont les outils et les
vis de la machine révolutionnaire ». « L’athéisme » et
la « lutte des classes » sont devenus le noyau dur de
la « culture du Parti », ce qui va totalement à l’encon-
tre de la culture traditionnelle.
La « culture du Parti » a vraiment rendu un service
remarquable en aidant le PCC à obtenir le pouvoir et le
contrôle sur la société. L’armée, les prisons, les forces
de police, la culture du Parti appartiennent au même
outil politique brutal, bien que la « brutalité cultu-
NEUF COMMENTAIRES Cette culture du PCC a directement entraîné une
sérieuse dégradation de l’environnement naturel, et
relle » soit différente des autres formes de violence dule mouvement du 4 mai 1919, certains intellectuels cette dégradation est devenue un problème majeur
régime. Cette brutalité culturelle, en détruisant 5.000 en quête d’un succès rapide et d’un bénéfice immé- pour la Chine d’aujourd’hui. Prenez l’eau par exem-
ans de culture traditionnelle, a diminué la volonté du diat ont tenté de trouver une issue pour la Chine en ple. Ayant abandonné la valeur traditionnelle : « Un
tournant le dos à la culture traditionnelle pour adop-
peuple, et nuit à la cohésion de la nationalité chinoise. homme noble apprécie la richesse mais il s’enrichit
Aujourd’hui, beaucoup de Chinois n’ont plus qu’une ter la civilisation occidentale. Pourtant, les conflits et de manière décente », le peuple chinois a sans motifs
connaissance très limitée de la culture traditionnelle. les changements dans le domaine culturel sont restés ravagé et pollué l’environnement naturel. Actuelle-
Certains mettent sur le même pied les 50 années de un sujet de contestation académique sans que l’État ment, plus de 75 % des 50.000 kilomètres des rivières
« culture du Parti » et les 5.000 ans de culture tradi- ne s’en préoccupe. Mais quand le PCC est apparu, il en Chine sont impropres à la vie des poissons ; plus
tionnelle. C’est vraiment triste pour le peuple chinois.a élevé les conflits culturels au niveau d’un combat à d’un tiers des eaux souterraines ont été polluées pen-
Beaucoup ne se rendent pas compte qu’en s’opposant mort pour le Parti. Donc le PCC a commencé à atta- dant les dix dernières années, et la situation continue
à la prétendue culture traditionnelle ils s’opposent en quer directement la culture traditionnelle, en utilisant d’empirer. Un « spectacle » d’une étrange sorte s’est
fait à la « culture du Parti » du PCC et pas à la vraie des moyens destructeurs directs ainsi que d’autres produit dans la rivière Huaihe : un enfant jouant dans
culture traditionnelle de la Chine. moyens plus sournois consistant à « garder les impu- l’eau saturée de pétrole a créé une étincelle qui, en
Beaucoup de gens espèrent remplacer le système retés et rejeter la quintessence ». touchant la surface de la rivière, a allumé une flamme
chinois actuel par le système démocratique occiden- La destruction de la culture nationale a été aussi de cinq mètres de haut. Le feu s’élançant dans l’air,
tal. En réalité, la démocratie occidentale a aussi été le processus d’établir « la culture du Parti ». Le PCC plus de dix saules dans les alentours ont été calci-
établie sur une base culturelle, à savoir celle de la a corrompu la conscience humaine et le jugement nés. On peut facilement comprendre qu’il est impos-
chrétienté, qui maintient que « Tous sont égaux aux moral, conduisant ainsi les gens à se retourner con- sible pour ceux qui boivent l’eau de ne pas développer
yeux de Dieu » et qui respecte ainsi la nature humaine tre la culture traditionnelle. Si la culture du pays est des cancers ou d’autres maladies. D’autres problèmes
et les choix humains. Comment la « culture du Parti » complètement détruite, l’essence de la Chine disparaî- environnementaux, tels que la désertification, la salini-
despotique et inhumaine du PCC pourrait-elle être uti- tra avec elle, ne laissant qu’un nom vide de sens. Cet sation au nord-ouest de la Chine et la pollution indus-
lisée comme base d’un système démocratique de type avertissement n’a rien d’exagéré. trielle dans les régions développées sont tous liés à la
occidental ? En même temps, les dommages physiques subis perte de respect de la société envers la nature.
par la société chinoise du fait de la destruction de la
Conclusion culture traditionnelle sont dramatiques. Pour en savoir plus : Les neuf commentaires sur
La Chine a commencé à dévier de sa culture tradi- La culture traditionnelle valorisait l’unité du ciel et www.lagrandeepoque.com
tionnelle à l’époque de la dynastie Song (960-1279), et des humains et une coexistence harmonieuse entre Version audio disponible sur le site de la radio Son
cette culture n’a cessé de se dépraver depuis. Après l’homme et la nature. Le PCC a déclaré qu’une joie de l’Espoir : www.sondelespoir.org
La Grande Époque ● 1 – 15 MARS 2009
Maria Nowak, pionnière du microcrédit en Europe
EN CE temps de crise financière et de
tarissement généralisé du crédit, les
publicités récemment apparues dans les
rues pour vanter les mérites du micro-
crédit ont de quoi surprendre. En effet, si
l’attribution du Prix Nobel de la Paix 2006
à l’inventeur du microcrédit Muhammad
Yunus a permis de vulgariser le mot et
sa signification, la mise en œuvre de ce
nouveau mode de financement semblait
être réservée aux pays du tiers-monde
et aux populations les plus démunies. La
France n’est pas brusquement devenue
un pays pauvre, mais l’usage du micro-
crédit n’a pas attendu la crise actuelle
pour s’y implanter et s’y répandre. Grâce
à une pionnière, Maria Nowak, dont le
magazine Empreintes sur France 5 a
diffusé un passionnant documentaire
« Maria Nowak, la banquière de l’es-
poir » réalisé par Olivier Wlodarczyk.
UNE ÉCONOMISTE DÉCIDÉE À
« DONNER UNE CHANCE AUX
EXCLUS »
Maria Nowak est née en 1935 à Lvov,
en Pologne, mais l’horreur de l’occupa-
tion nazie l’a contrainte à s’enfuir en
1943. Elle s’installe clandestinement
avec une partie de sa famille en France
en 1946, et commence par subir l’humi-
liation que connaissent la plupart des
réfugiés qui ne maîtrisent pas la langue,
n’ont pas de papiers et ne peuvent sur-
vivre qu’avec des petits boulots. Grâce
à une ténacité hors du commun, elle
réussit à étudier et obtient le diplôme
de l’Institut d’Études Politiques de Paris
en 1956, puis de la London School of
Economics en 1959. Elle réalise un
voyage d’étude en Guinée et soutient
une thèse sur l’économie rurale, puis
entre à la Caisse centrale de coopé-
ration économique. Maria Nowak reste
cependant profondément mobilisée
par l’idée de « donner une chance aux
exclus ». Aussi sa rencontre en 1985
avec Muhammad Yunus, alors fonda-
teur de la Grameen Bank, la convainc
de transposer le modèle du microcrédit
en France, à une période où le gouver-
nement ne sait plus comment faire pour
endiguer le chômage, qui dépasse alors
les 2 millions de personnes, et où 5 mil-
►Politique monétaire
Les taux des banques centrales convergent vers 0 %
LA BANQUE centrale européenne (BCE)
a abaissé son principal taux d’intérêt jeudi 5
mars de 50 points de base pour le ramener
à 1,50 %, un plus bas historique. Depuis la
création de la zone euro, il n’est jamais des-
cendu en dessous de 2 % et a atteint son
record à 4,75 % en mai 2000. Ce taux était
encore à 4,25 % en juillet 2008, sa réduc-
tion est de 2,75 % depuis octobre 2008. Il
s’agit donc d’un changement dans la stra-
tégie de la BCE qui a reconnu la gravité
de la crise économique et financière. Face
aux difficultés de la transmission de sa poli-
tique monétaire à la sphère réelle, le niveau
de 1,50 % ne constitue pas un plancher pour
la BCE qui a laissé entendre qu’elle pour-
rait être amenée à d’autres réductions de
taux dans les mois à venir. Plusieurs indi-
cateurs justifient pleinement cette baisse
de taux : le repli, sans précédent depuis la
réunification en 1990, du PIB allemand au
quatrième trimestre de 2,1 %, tiré par une
baisse de 7,3 % des exportations, la remon-
tée rapide du chômage dans l’ensemble de
la zone euro à 8,2 %, soit + 1 % en un an, un
plus haut depuis mi-2006, et la confirmation
d’une baisse de l’inflation.
Les prévisions globales pour la zone euro
pour 2009 et 2010 ont été révisées forte-
ment à la baisse. Le Conseil des gouver-
neurs de la BCE table désormais sur un
scénario de contraction de la croissance de
-2,7 % cette année, alors qu’il prévoyait un
recul de - 0,5 % il y a trois mois. Pour 2010,
la BCE anticipe une croissance proche de
0 % au lieu d’une hausse de 1 % précé-
demment. La reprise de croissance est envi-
sagée au plus tôt en 2010. Elle est basée
principalement sur la baisse récente des prix
des matières premières et les mesures bud-
gétaires de relance de l’activité qui ont pour
objectif de restaurer la confiance des agents
économiques.
Le 5 mars, la Banque d’Angleterre (BoE) a
également baissé son taux d’intervention de
www.lagrandeepoque.com Économie 7
Jacques Demarthon/AFP/Getty Images
Muhammad Yunus (G), inventeur du microcrédit, Maria Nowak (M), présidente de l’ADIE, et Christian Noyer (D), gouverneur de la Banque de
France, lors de la présentation « Les perspectives de microcrédit en France et dans les pays industrialisés ».
lions de personnes sont à ce jour en état zones rurales. Leur niveau de formation COMME LEITMOTIV sécurité ». Concernant les sans-papiers,
de précarité. est très variable, mais 6 % sont illettrés et Mais Maria Nowak ne s’arrête pas celle qui a connu l’immigration et l’exclu-
24 % savent à peine lire, écrire et comp- là. Elle rejoint la Banque Mondiale en sion affirme que ce problème est injuste
LA PIONNIÈRE DU MICROCRÉDIT ter. Mais cela n’empêche pas l’ADIE de 1991 pour aider au développement du et qu’il est « contraire au bon sens de ne
EN FRANCE ET EN EUROPE faire confiance à ces personnes et à leur microcrédit en Europe centrale, reçoit la pas accueillir des gens qui sont pleins
En 1989, elle fonde l’ADIE (Associa- projet, si modeste soit-il, du moment qu’il Légion d’Honneur en 1998, devient con- d’idées, plein d’énergie ». Enfin, en tant
tion pour le Droit à l’Initiative Economi- est viable et que son porteur est capa- seillère spéciale de Laurent Fabius entre qu’économiste, Maria Nowak n’hésite
que), qui vient en aide aux personnes ble et déterminé. Et les résultats sont au 2000 et 2002, et constitue le Réseau pas à opposer le capitalisme, qui s’ap-
exclues du marché du travail et du sys- rendez-vous : depuis sa création, l’ADIE Européen de la Microfinance en 2003. parente « au pouvoir des plus riches »,
tème bancaire et survivant grâce au RMI a permis de créer 53.426 entreprises et Ce parcours exemplaire d’une femme au libéralisme, qui est « la liberté d’en-
(Revenu Minimum d’Insertion), en leur 66.511 emplois, avec un taux de péren- hors du commun, qui a connu les hon- treprendre pour tous », ni à affirmer que
prêtant de l’argent pour créer leur entre- nité de 64 % après 2 ans d’existence (du neurs tout en restant proche des plus « la mondialisation est fausse parce
prise et leur propre emploi. Les clients même ordre que la moyenne nationale), démunis, n’a entamé ni sa modestie qu’elle est basée sur la circulation du
de l’ADIE, dont plus du quart sont chô- et un taux d’impayés réduit de 6,8 %. ni son franc parler. Elle est convain- capital et pas du tout du travail, ce qui
meurs, viennent des quartiers fragiles cue que « la liberté est quelque chose économiquement n’a pas de sens ».
des zones urbaines, mais également des LA LIBERTÉ D’ENTREPRENDRE dont les gens ont autant besoin que de PATRICK C. CALLEWAERT
Vers un rebond de la construction,
une tendance à long terme
Suivre l’industrie de la cons- construction des bureaux pendant les
truction et anticiper les tendan- années 80 ». Il y a une multitude de fac-
teurs qui ont provoqué la crise financière
ces dans ce domaine est une d’aujourd’hui. « Je pense que la cupidité
spécialité depuis quinze ans de en est un, mais aussi la déréglementa-
l’économiste Robert Murray1, tion et la complexité des instruments
mais dans ce contexte de crise financiers qui ont contribué au déclen-
chement de cette crise. Et c’est quelque
économique et financière, faire chose que la réglementation à l’avenir
des prévisions n’est pas une regardera probablement de plus près »,
tâche aisée. a-t-il précisé.
« Je pense que nous sommes vrai-
ment en train de payer le prix de la
« C’EST notre objectif d’avoir une vision déréglementation du financement de
claire de l’industrie », souligne Robert l’immobilier et que l’investissement du
Murray, directeur des affaires écono- secteur bancaire s’est vraiment arrêté
miques à Mc Graw-Hill Construction. à l’automne de 2008 ». Mais Robert
Ralph Orlowski/Getty Images News Robert Murray établit des prévisions qui Murray croit qu’il y aura un retour à une
Jean-Claude Trichet, président de la Banque centrale européenne, sont utilisées par les sociétés de diffu- réglementation plus stricte dans le sec-
annonce la baisse de taux d’intérêt le 5 mars 2009 à Frankfurt en sion de l’information et assume la fonc- teur financier et espère que « le calme
Allemagne. tion de porte-parole de la société en tant prévaudra lors d’un renforcement de la
que chef économiste. Cette fois-ci, il a réglementation, mais en même temps
Taux directeurs des banques centrales principalement sur des titres d’État, mais une grande conviction que la direction il ne faudrait pas que ce renforcement
les dettes d’entreprises du secteur privé ne qu’il prévoit est la bonne. « Je pense soit trop excessif, car si vous le fai-
Pays Taux directeur sont pas exclues. Il s’agit d’une avancée que nous avons bien établi la direc- tes trop, vous allez également freiner
Zone Euro 1,50% majeure de la BoE pour agir sur l’écono- tion de la tendance et je la caractérise la croissance ». Les temps ont changé
États-Unis 0,25% mie. La BCE a déclaré qu’elle étudiait dif- comme prudente, mais précise », a-t- pour les promoteurs, mais il y a encore
férentes possibilités, mais pour l’instant elle il dit à la conférence intitulée ‘Gérer la des projets en cours. « Chercher des
Canada 0,50%
opte pour la poursuite des injections de liqui- construction durant la crise financière’, niches dont l’activité peut encore être
Japon 0,10% dités dans le système bancaire. Les autres organisée par Mc Graw-Hill la dernière décente et regarder des projets à venir,
Royaume-Uni 0,50% banques centrales vont-elles suivre l’exem- semaine de février à New York. Aupa- même si c’est difficile à faire », a-t-il con-
Suisse 0,50% ple de la BoE ? ravant il y avait de fortes baisses, mais seillé. « Pour quelqu’un qui peut obtenir
Suède 1,00% Aux États-Unis, Canada, Japon, ce qui est différent par rapport au ralen- le financement, en termes de coût de
Norvège 2,50% Royaume-Uni et Suisse, les taux directeurs tissement actuel, c’est « l’ampleur des financement attractif, [et] en termes de
Australie 3,25% sont quasiment à zéro. Parmi les pays indus- difficultés du système financier et la faible coût en ce qui concerne des maté-
trialisés, l’Australie affiche encore un niveau façon dont il réagira en face d’un rapide riaux, il est vraiment grand temps d’aller
50 points de base pour le ramener à 0,50 %, de taux d’intérêt supérieur à 3 %. Le taux rebond » a-t-il dit. de l’avant ».
soit une baisse totale de taux de 4,50 % en directeur de la BCE va-t-il converger vers « Comme vous le savez bien, nous CHARLOTTE CUTHBERTSON
six mois. En même temps, elle a annoncé zéro ? Certains économistes prévoient avons déjà eu de fortes baisses d’acti- LA GRANDE ÉPOQUE
un déploiement de mesures non convention- d’ores et déjà une nouvelle baisse de 0,50 % vité précédemment comme par exem- NEW-YORK
nelles en accompagnement de sa politique en mai prochain, puis une baisse supplé- ple au début des années 1980 ou 1990.
monétaire. Elle va faire marcher sa planche mentaire de 0,50 % en juin, ce qui devrait Chaque crise a ses spécificités propres. 1Robert Murray est titulaire d’une
à billets pour financer des rachats d’actifs ramener le taux directeur vers 0,50 %, en Si l’on regarde le ralentissement qui a licence de l’université de Princeton,
à hauteur de 75 milliards de livres dans les ligne avec celui des autres pays. eu lieu au début des années 1990, il d’un MBA et d’un Master en économie
trois prochains mois. Ces rachats porteront HANNA L. SZMYTKO correspond à la quantité excessive de de l’université de Columbia.
8 Droits humains
112 licences d’exploitation minière
accordées sur le territoire des Bushmen
DEPUIS que les Bushmen ont été
expulsés de leur territoire dans la
Réserve naturelle du Kalahari central,
en 2002, le gouvernement du Botswana
a accordé 112 licences d’exploitation
pour explorer dans la Réserve. 16 d’en-
tre elles ont été attribuées pour l’ex-
ploration d’uranium et 40 pour celle du
charbon.
Il y a un peu plus de six ans que le
gouvernement a expulsé plus de 600
Bushmen de la réserve, mais il conti-
nue de nier une quelconque relation
entre les projets d’exploitation minière
et ces évictions.
Le ministre de la faune et de la flore
Kitso Mokaila s’est prononcé en faveur
de l’exploitation minière à l’intérieur de
la réserve, en affirmant que « cela a tou-
jours été la politique du gouvernement
du Botswana d’exploiter les mines là où
il y a des minéraux. Le Botswana s’est
construit grâce à l’exploitation minière.
Ce sera une très bonne chose (que d’ex-
ploiter les mines dans la réserve) ».
Les Bushmen ont gagné un procès
historique en 2006 par lequel la Haute
Cour du Botswana confirma leur droit
de retourner sur leurs terres au sein de
la réserve et jugea leur expulsion « illé-
gale et anticonstitutionnelle ». Mais le
gouvernement a pris toutes les mesu-
res nécessaires pour les empêcher de
retourner dans la réserve, leur refusant
l’accès à un puits qui est leur principale
source d’eau et leur interdisant de chas-
ser pour se nourrir. Pourtant, l’exploita-
tion minière dans la réserve nécessitera
le forage de plusieurs puits et créera un
bouleversement immense tant pour les
Bushmen que pour la faune et la flore.
Survival a toujours été convaincue
que les Bushmen ont été expulsés
pour permettre l’accès de la réserve
aux activités minières. L’organisation a
mené une campagne d’envergure qui a
poussé la compagnie De Beers à ven-
dre sa concession minière au sein de
Brèves d’espoir
NICOLE REILLE, PIONNIÈRE DE L’INVESTISSEMENT
ÉTHIQUE
Économe de la congrégation de Notre-Dame,
Nicole Reille est appelée à gérer les ressources
financières de sa congrégation. Présente dans 13
pays, y compris dans les pays en développement,
la congrégation de Notre-Dame est confrontée à
deux impératifs : d’un côté, faire fructifier les res-
sources des sœurs européennes pour pouvoir les
partager avec les sœurs qui se trouvent dans des
pays pauvres ; de l’autre côté, valoriser les retrai-
tes des religieuses françaises pour faire face à
leur vieillissement. Nicole commence alors à s’in-
téresser aux placements boursiers intéressants.
Mais au cours de réunions régulières avec les
autres économes de la congrégation, elle est
interpellée par ses consœurs : « Elles s’inquié-
taient que notre argent soit placé dans les entre-
prises qui étaient en train de piller leurs pays ! »
se souvient-elle. Avant d’investir son argent, elle
décide qu’il faudra questionner les entreprises,
pour voir si elles sont en accord avec la morale
chrétienne.
En 1983, Nicole Reille rassemble 39 autres
congrégations religieuses dans l’association
« Ethique & investissement ». Son objectif : iden-
tifier les entreprises en adéquation avec la doc-
trine sociale de l’église (édictée lors du Concile
Vatican II) et respectueuse des pays pauvres,
pour y investir. En recherche de partenaires, elle
présente son projet au Centre français du patro-
nat chrétien (CFPC). En 1983, Meeschaert crée
ainsi le premier fonds éthique en France. Pour
composer le portefeuille actionnaire, Meeschaert
s’engage à respecter les critères éthiques propo-
sés par l’association. Une liste, finalisée et for-
malisée en 1988, comprend 20 paramètres tels
que l’utilité sociale des biens produits, la création
d’emplois, la formation des salariés, les condi-
tions de travail et de sécurité, l’emploi de person-
nes handicapées et de jeunes défavorisés. Des
critères spécifiques sont prévus pour les entrepri-
ses implantées dans des pays du Sud, garantis-
sant qu’elles participent au développement local.
Face à la crise de 2008-2009, elle revendique
l’importance de la réflexion et de la sensibilisa-
tion sur l’éthique dans l’économie. « Les action-
naires devraient faire valoir leur droit de vote et
www.lagrandeepoque.com 1 – 15 MARS 2009 ● La Grande Époque
Le Printemps
des droits
humains
la réserve à Gem Diamonds, pour un
montant de 34 millions de dollars. Cette DEPUIS sept ans, les jeunes militants
dernière compte mener ses activités d’Amnesty International en France con-
minières dans la communauté bush- sacrent les premiers jours du printemps
man de Gope. à la promotion d’une thématique parti-
Survival mène une campagne contre culière des droits humains à travers le
Gem Diamonds et Graff Diamonds qui « Printemps des droits humains ».
détient 9 % des parts de Gem. L’orga- Cette année, ils se mobiliseront mas-
nisation a écrit à Victoria Beckham, Eli- sivement du 20 au 22 mars pour ouvrir
zabeth Hurley et Naomi Campbell, qui cette nouvelle édition et continueront
apparaissent toutes les trois sur le site leurs actions jusqu’à la fin du mois de
internet de Graff, leur demandant de mai. L’accent sera mis sur la lutte con-
renoncer à porter les diamants Graff tre la traite des êtres humains à travers
tant que les Bushmen ne pourront pas des évènements tels que des concerts,
rentrer chez eux, avoir accès à l’eau et des conférences ou encore des projec-
chasser en toute liberté. tions de films prévus dans plusieurs vil-
Stephen Corry, directeur de Sur- les de France. L’objectif de ces lycéens
vival a déclaré : « Ce n’est pas une et étudiants est de sensibiliser le grand
coïncidence que le gouvernement du public, et en particulier la jeune généra-
Botswana ait accordé plus de 100 tion, à la situation des victimes du trafic
licences d’exploitation à l’intérieur de d’êtres humains qui constitue une grave
la Réserve du Kalahari central depuis violation des droits humains.
que les Bushmen en ont été expulsés, Les Antennes Jeunes d’Amnesty
et qu’il ait fait en sorte qu’ils ne retour- International France d’une trentaine de
nent pas sur leurs terres. Au regard du villes en France ont répondu à l’appel et
droit international, les Bushmen ont le organisent ce septième Printemps des
droit d’être consultés pour ces opéra- droits humains à Aix-en-Provence, Bor-
tions minières, mais comment peuvent- deaux, Clermont-Ferrand, Grenoble,
ils mener des discussions significatives Lyon, Lille, Marseille, Nantes, Paris,
concernant l’utilisation de leurs terres Rennes, Toulouse, Saintes, Stras-
alors que le gouvernement les empê- bourg, Orléans, etc.
che d’y vivre ? » La traite des êtres humains est
www.survivalfrance.org un phénomène très répandu dans le
monde. Chaque année, plusieurs mil-
lions de personnes en sont victimes.
Manifestation de membres Elles sont exploitées sexuellement, uti-
de Survival , association de lisées comme force de travail bon mar-
Droits Humains, en février ché, ou encore vendues pour leurs
devant la Graff Diamond Store organes.
de Londres, pour réclamer au Amnesty International s’engage par-
propriétaire Laurence Graff ticulièrement contre la traite des fem-
d’annuler l’exploitation minière mes et déplore que les personnes qui
de diamants prévue sur les terres en sont victimes soient trop souvent
des Bushmen du Kalahari au considérées comme délinquantes pour
Botswana. racolage passif et que leurs droits ne
soient donc ni respectés, ni protégés.
Peter Macdiarmid/Staff/Getty Images Europe www.amnesty.fr
Avec l’agence d’informations Reporters d’Espoirs
de prise de parole lors des assemblées généra- lisation qui consiste à apprendre aux sourds à moyenne de six animations quotidiennes en Ile-
les », affirme-t-elle. « En même temps, il faut con- parler et à lire sur les lèvres tout en leur pro- de-France, VSArt diffuse la culture par des visi-
tinuer à faire pression sur les gestionnaires pour posant des appareillages pour « écouter ». Le tes de musées (« Ce soir, je sors »), des ateliers
qu’ils créent davantage de fonds éthiques à pro- second s’appuie sur l’éducation en language des d’initiation à l’art (« Récré-art » : peinture, dessin,
poser à leurs clients ». signes français (LSF) et part du principe que les sculpture et « VSArt Jeunes ») des conférences
Pour en savoir plus : ecogencnd@free.fr sourds doivent pouvoir développer des connais- ou des concerts. Chaque animation est enca-
sances sur ce mode de communication qui leur drée par un bénévole-accueillant et réalisée par
PHILIPPE RENARD : DONNER DU BIO AU PLUS est propre. Alors que dans beaucoup de pays un bénévole professionnel. Qu’ils soient confé-
GRAND NOMBRE les deux méthodes se côtoient, en France, l’ora- renciers, musiciens ou acteurs, les membres des
Issu d’une famille nombreuse et rurale, il passe lisation est restée le seul choix possible jusqu’en équipes de VSArt proposent de partager tout au
sa tendre enfance à lécher les casseroles de sa 1991. long de l’année leur passion bénévolement.
grand-mère paternelle, alors cuisinière au ser- En 2001, Jacques Sangla lance l’idée d’une Pour en savoir plus : www.vsart.org
vice d’un châtelain. Adolescent, il s’oriente natu- télévision sur Internet spécialement adaptée pour
rellement vers des études de cuisine. Diplômé de les personnes sourdes. Il fonde à Toulouse l’asso- LE TRANSPORT DE MARCHANDISES REMET LES
l’école d’hôtellerie de Liège, il s’installe comme ciation Websourd. La société commence par pro- VOILES
traiteur et ouvre avec son épouse son premier duire et diffuser des informations dont les sourds Même s’il est le moins énergivore de tous les
restaurant près de liège en 1983 [...]. sont généralement privés (actualités, explications types de fret, le transport maritime reste une
En partenariat avec les membres de BioForum de démarches administratives, annonces d’évè- source non négligeable de gaz à effet de serre.
(association représentant la filière agricole biolo- nements culturels et sportifs, etc.) via un site web Responsable de 90 % du transport de marchan-
gique en Wallonie), notre homme mène alors une qui propose des contenus bilingues à la fois écrits dises mondial, son trafic a bondit de 80 % entre
campagne de communication auprès des pro- et traduits en LSF. Ce site, consultable gratuite- 1992 et 2007, passant de 18 à 32 milliards de ton-
ducteurs bio pour les inciter à adapter leur offre ment, est quotidiennement mis à jour. nes par miles transportés
aux professionnels de la restauration collective. Mais la grande révolution initiée par Web- Frédéric Albert imagine une compagnie de
Conditionnement en vrac, livraison aux horaires sourd concerne aussi la téléphonie : en sous- transport maritime qui acheminerait ses mar-
d’ouverture des cantines, respect draconien des crivant à des comptes « VisiO08Pro » et chandises uniquement par voilier, comme au
délais de distribution…. « VisiO08Perso », les sourds ont la possibilité, siècle dernier. Après trois ans d’études et de per-
Le chef applique alors une recette simple : con- dès lors qu’ils sont équipés de supports adap- suasion, la CTMV voit enfin le jour en juin 2008, à
sommer moins, mais mieux. Il explique : « Alors tés connectés à Internet (visiophone, ordinateur Béziers. Unique en Europe, elle revendique être
qu’il me faut 25 kg de légumes conventionnels et bientôt téléphone portable 3G), de téléphoner le premier transport maritime « propre ».
pour préparer 100 litres de potage, je n’utilise que à qui bon leur semble. Garantissant une navigation sous voile au
18 kg de légumes bio pour la même quantité de Pour en savoir plus : www.websourd.org, moins 75 % du temps (un moteur étant utilisé
produit fini ! La différence tient dans la matière www.visio08.com/index.php lors des manœuvres portuaires), la CTMV s’en-
sèche, en plus grande quantité dans les produits gage également à respecter un strict cahier des
naturels, alors que les fruits et légumes traités SOIGNER ET AIDER PAR L’ART charges : relations avec ses fournisseurs et dis-
sont gonflés d’eau ». C’est en constatant les bienfaits de la musique tributeurs, conditions de travail des salariés, con-
Peu à peu, le grammage de la viande est dimi- sur un malade gravement atteint par Alzheimer ception du voilier… Sa démarche s’inscrit dans
nué au profit des légumes, le pain bio est servi en
que Françoise Vercken a eu l’idée de créer l’as- le développement durable. Depuis juillet 2008,
moins grande quantité mais s’avère plus nourris- sociation Volontariat et Soutien par l’Art (VSArt) 25.000 bouteilles de vin ont été transportées par
sant… Au final, le léger surcoût des aliments à en 1986. Dans le but de faire connaître et de par- la CTMV vers l’Irlande et le Royaume-Uni. La
l’achat se trouve largement amorti ! tager les effets positifs de l’art et de la culture, société, qui emploie cinq à sept personnes, vise
Pour en savoir plus : elle a développé une équipe de bénévoles qui les 200.000 bouteilles d’ici décembre 2009.
philippe.renard@ethias.be intervient auprès des plus vulnérables. Malades Pour en savoir plus : www.ctmv.eu
hospitalisés, personnes âgées ou handicapées
QUAND LE WEB RÉVOLUTIONNE LE QUOTIDIEN DES mais aussi jeunes des quartiers sensibles et per-
SOURDS sonnes sans domicile ou en détention, tous ont le
Deux courants se sont opposés en France au droit d’accéder à l’art et ainsi d’oublier leur triste
sujet de l’éducation des personnes « nées sour- quotidien. Avec plus de 1.000 intervenants béné-
des », environ 400.000 en France. Celui de l’ora- voles répartis sur tout le territoire national et une

NOUVEAU REGARD
WWW.LAGRANDEEPOQUE.COM
►Chronique d’un observateur du 7e
Le cinéma ne puise-t-il pas ses ressources dans le passé ?
DEPUIS plusieurs mois le cinéma a ten-
dance à produire beaucoup de films
documentaires. Le septième art s’éloi-
gne peu à peu de la réalité fictionnelle
pour prendre le chemin de la description
du détail propre à une époque révolue
qui s’enfonce pour se protéger dans la
sécurité de la vérité historique. Souvent
le film atteint l’histoire et se propage
dans un univers disparu mais toujours
vivace dans l’esprit du spectateur :
soit parce qu’il a vécu les événements
décrits dans le film, soit parce que sa
famille lui a transmis un héritage fait
d’anecdotes et de préceptes moraux.
PROMENADES DANS LES
ANNEES 30
Les noces rebelles de Sam Mendes
traite de la vie d’un couple désirant vivre
« hors norme » dans les années 30.
D’après une nouvelle de F. Scott Fitzge-
rald, le film parle d’aujourd’hui en col-
lant à une réalité dépassée et prend ses
sources dans la recrudescence du puri-
tanisme conservateur que le nouveau
président des États-Unis Obama mettra
du coeur à faire disparaître.
L’échange de Clint Eastwood situé
un peu plus loin dans le temps met en
scène des méchants et des gentils dans
une histoire vraie se situant en 1928 où
le politique se mêle à l’anecdote. Sean
Penn, président du dernier festival de
Cannes, aurait aimé remettre la palme
d’or à Clint Eastwood à qui il doit son
Oscar du meilleur acteur pour son inter-
prétation de Jimmy Markum dans Mys-
tic River.
SUPERMAN, LA CONSCIENCE DE
L’ÊTRE
Walkyrie est un film d’histoire qui n’a
pas eu le retentissement qu’il aurait dû
avoir, retraçant pourtant un fait excep-
tionnel dans l’histoire du nazisme : la
tentative d’assassinat d’Adolph Hit-
ler. Son réalisateur Bryan Singer qui
s’était fait remarquer avec son polar
Usual suspects puis s’est spécia-
Instant terrestre www.instanterrestre.com
Hommage à Monod
Ce n’est pas Fernando Botero qui renierait l’harmonie de ces dunes aux formes si généreuses. Comme
un artiste, le Sahara crée l’émotion et la poésie là où on ne l’attend pas. Mais parler du désert sans citer
Théodore Monod n’aurait pas de sens. Cet humaniste n’avait pas son pareil pour évoquer ces paysages
ondoyants, pour nous conter ces régions secrètes lors de ses longues méharées. Il a vécu avec l’enthou-
siasme de ceux qui ne vieillissent pas car c’était un acteur contemplatif. Ses mots parlaient de solitude, mais
aussi de ce besoin d’évasion, de liberté, redonnant matière et existence à ce monde inconnu du profane.
La Grande Époque
UN REGARD NOUVEAU SUR UN MONDE EN ÉVOLUTION
M le maudit de Fritz Lang (1931)
lisé dans les super-héros (X-Men, et
Superman), la suite logique pour ce réa-
lisateur aurait été de trouver des super-
hommes dans l’histoire et de les faire
jouer dans des films, comme dans Walk-
yrie. Il est certain qu’Hollywood déploie
son savoir-faire en matière de recons-
titution historique, le déroulement des
faits semblent être respectés. Le savoir-
faire du réalisateur est incontestable.
Tom Cruise occupe sa place de héros
pour cette opération blanche. Pourquoi
avoir attendu si longtemps pour tuer cet
homme ? Il faut le rappeler : six mois
plus tard, Hitler se donnera la mort,
mais entre ces deux événements plu-
sieurs millions d’êtres humains auront
eu le temps d’être exterminés, le colo-
nel Claus von Stauffenberg, borgne et
manchot a échappe à la mort en Tunisie
bombardé par les Anglais, mais pas à
sa condamnation finale. Il faudra atten-
dre La chute d’Olivier Hirschbiegel pour
voir Hitler se suicider. Des spectateurs
s’apitoieront peut-être sur les héros de
La chute. Dans ce film, aucune allusion
aux destructions, aux morts par millions,
aux juifs exterminés dans les chambres
Texte et photo de Stéphane Cabaret
EpochTimes.com
Angelina Jolie dans L’échange de Clint Eastwood (2008).
à gaz, à la folie meurtrière qui était la foi
première de « ces hommes de l’impossi-
ble ». Ce réalisateur qui semblait savoir
ce qu’il faisait a été sans doute, même
involontairement la proie des néga-
tionnistes qui sévissent encore dans le
monde et même en Allemagne. Walk-
yrie ne va pas jusque-là mais malheu-
reusement procède de la même idée du
spectaculaire. Est-ce un hasard si les
acteurs sont marqués par leur appar-
tenance à des sphères filmiques histo-
ricisées. Térence Stamp joue le général
à la retraite Beck, Kenneth Branagh le
général Tresckow, et le comique Eddie
Izzard, le général Fellgiebel.
LE FANTASTIQUE POUR RASSU-
RER ET PROTÉGER L’INCONS-
CIENT MALADE
Lorsque notre société se sent
malade, elle a recourt au fantastique,
à la science-fiction, aux films sombres
de vampires. Tous ces choix artistiques
et commerciaux naissent dans l’incons-
cient des artistes et des décideurs qui
tiennent l’industrie cinématographique.
Twilight de Catherine Hardwicke, élé-
gante variation sur le thème de Dra-
cula décrit une famille américaine avec
ses problèmes quotidiens qui devien-
nent spectaculaires au travers du viseur
de la caméra : une jeune fille de 17 ans
tombe amoureuse d’un garçon apparte-
nant à une famille de vampires qui la
protège d’un environnement dangereux
habité par des êtres maudits guidés par
le mal. De manière plus subtile Morse
de Thomas Alfredsson, loin des stan-
dards hollywoodiens conte une histoire
de deux jeunes Suédois de 12 ans :
Oscar, le souffre douleur de son école,
et Eli, jeune fille vampire de 12 ans.
Leurs fragilités respectives les poussent
à s’aimer et à se protéger. Il faut noter
qu’Eli protège Oscar et le sauve de la
mort en usant de sa force vampiresque.
Film suédois lumineux et renouvelant la
forme comme le fond, Morse redonne
un sang neuf au genre. La patrie d’Ing-
mar Bergman n’a pas fini de faire réson-
ner les enseignements du maître que
les jeunes générations recueillent avec
humilité.
En plein fantastique L’Étrange his-
toire de Benjamin Button de David Fin-
cher nous précipite dans le non-sens du
temps et révèle l’instabilité de la société
américaine avec son histoire. D’abord
la crise que les États-Unis n’ont jamais
prise en compte considérant les histoires
passées comme pouvant se reproduire
pourtant King Kong déferlant dans les
rues de New-York aurait dû faire réflé-
chir le pouvoir politique : les problèmes
économiques ne peuvent se résoudre
avec des avions et des mitrailleuses,
King Kong est abattu, mais le problème
de 1929 loin d’être résolu perdurera jus-
qu’à aujourd’hui, contaminant même les
autres économies. Le cinéma n’est pas
loin car L’Étrange histoire de Benjamin
Button est un enfant abandonné qui naît
vieux et qui au cours de sa vie rajeunira.
Sa mort est sa naissance et sa fin est sa
jeunesse. Film romanesque minutieuse-
ment bâti et réalisé par l’auteur du film
policier Seven et de Fight Club. Brad
Pitt et Cate Blanchett sont excellents.
Peut-être pourrait-on dire que le film
fantastique ou de science-fiction serait
une sorte de documentaire inconscient
de nos vies et de la représentation de
nos rapports avec la société ?
Harvey Milk de Gus Van San réa-
lise une biographie en même temps
qu’une étude filmique sur le personnage
d’Harvey Milk, personnage aussi légen-
daire qu’un Malcom X dont Spike Lee
adapta la biographie pour le cinéma.
Harvey Milk fut le premier personnage
ÉDITION 151
1 – 15 MARS 2009 • BIMENSUEL
américain à afficher son homosexua-
lité et faire reculer le précepte absurde
selon lequel il faudrait pour vivre bien,
vivre caché. Il s’agit bien d’un genre de
racisme, Harvey Milk a voulu une justice
pour tous loin du puritanisme galopant
utilisé par des politiques à cours d’argu-
ments conceptuels. Les homosexuels
ont toujours servi de boucs émissai-
res, comme les noirs ou les juifs... Élé-
phant a servi de modèle pour réaliser ce
film, les plans longs et rapprochés per-
mettent d’analyser l’état psychologique
des personnages. Formidable démons-
tration d’humanité grâce à un jeu et une
mise en image où rien n’est en trop,
une sorte de loi de l’économie specta-
culaire.
LE FANTOME DE JOHN CASSAVE-
TES
Dans l’univers des spectacles il y a
le catch qui faisait naguère les nuits
des insomniaques. Roger Couderc
commentait avec sa voix du sud, com-
muniquant énergie et chaleur. Les cat-
cheurs sont des acrobates chevronnés
qui jouent un rôle, ce sont aussi des
acteurs. Le terme de « chiqué » est
sans cesse utilisé dans le film sans
savoir qu’au demeurant le spectacle est
le plus important et non pas son issue.
Filmé comme un John Cassavetes dans
Gloria, Darren Aronofsky le réalisateur
de Wrestler s’attache à une analyse
de l’univers social de son personnage.
Mickey Rourke dont ses derniers films
connus La fièvre au sang (1983) et
Angel heart (1987) a ici renoué avec
un cinéma d’auteur à la mesure de son
talent. Comme le cinéma indépendant
américain, ou comme un certain cinéma
français étudiant le social, The Wrest-
ler explore l’intimité de ces hommes de
l’ombre que seule la lumière du specta-
cle restaure un moment de leur âme.
L’autre de Patrick Mario Bernard et
Patrick Trividic adapté de l’Occupation
roman d’Annie Ernaux tisse un person-
nage de femme jalouse, tombée dans
les abîmes de la solitude. Dominique
Blanc talentueuse actrice est superbe
dans ce beau rôle de femme seule dans
la vie. Elle a obtenu un prix mérité à la
Mostra de Venise. Là aussi nous avons
à faire à un documentaire intérieur où
les sentiments de tous ordres s’affron-
tent.
LE MIROIR DU PASSÉ SE LIT DANS
LES OEUVRES CLASSIQUES
Il ne faut pas négliger les classiques,
Italo Calvino l’écrivait dans son essai
sur les livres à ne pas manquer. À la
cinémathèque française, au Forum des
images où en plus de la possibilité de
visionner des films on peut suivre des
conférences : les « mangeurs de pelli-
cules » sont rois.
Metropolis de Fritz Lang (1927) avec
une bande sonore légère se visionne
avec un plaisir consommé jusqu’à cette
phrase à double sens lorsque le contre-
maître représentant les ouvriers serre la
main du patron « entre le cerveau et la
main il y a le cœur », dit-il. Le scéna-
rio est de Théa von Harbou qui devint
l’épouse de Fritz Lang jusqu’à son immi-
gration en 1933 aux États-Unis. M le
Maudit de Fritz Lang (1931) peint l’ar-
restation par des bandits d’un assassin
d’enfants. Victime à son tour cette fois
de la vindicte populaire M se fait arrê-
ter et juger par un tribunal populaire qui
le condamne à mort. Sauvé par l’inter-
vention de la police, un tribunal d’état
le jugera.
Le cinéma se dirige vers tous les
points où l’être humain est sensé pou-
voir être filmé pour dénoncer plutôt que
s’endormir, les injustices qui habitent
quotidiennement nos vies.
ALAIN PENSO
10 Environnement www.lagrandeepoque.com 1 – 15 MARS 2009 ● La Grande Époque

Le réchauffement climatique menace les Iles Maldives

LA COMMUNAUTÉ internationale s’in-
quiète de la fragilité des Maldives. À
cause du changement climatique, les
îles sont menacées de disparition. Les
Maldives sont constituées de 1.200 îles
coralliennes. Elles sont situées au sud
de l’Inde (450 km environ) et 80 % des
terres de l’archipel sont établies à moins
d’un mètre du niveau de la mer. Lors de
la conférence sur le développement et le
changement climatique à Lisbonne, du 7
au 9 novembre 2007, le président Mau-
moon Abdul Gayoom avait déjà déclaré :
« Jamais dans notre histoire nous n’a-
vions vu autant d’îles affectées à un tel
degré. Ces augmentations de marée
nous rappellent tristement le tsunami
dévastateur de 2004 et sont un avertis-
sement clair des catastrophes futures ».

80 % DES 1.200 ILES MALDIVES SOUS LES

EAUX À LA FIN DU SIÈCLE
Le GIEG (Groupe Intergouverne-
mental d’Experts des Nations Unies sur
l’Evolution du Climat) avait évalué que le
niveau des mers devrait s’élever de 18 à
59 centimètres d’ici à 2100. Cela signifie
que 80 % des 1.200 îles Maldives dis-
paraîtrait sous les eaux à la fin du siè-
cle. L’ONU veut définir en urgence une
stratégie d’adaptation des îles au chan-
gement climatique. Raquel Rolnik, con-
seillère du relogement à l’ONU, déclare
après sa visite aux îles : « Les Maldives
et leurs atolls, en raison de leur carac-
tère géologique et topographique uni-
que et leur système environnemental
fragile, ressentent déjà les effets des
changements climatiques. On peut, par
exemple, le constater avec l’accéléra- Torsten Blackwood/Getty Images
tion de l’érosion côtière, la plus grande D’après les experts, les îles Tuvalu disparaîtront sous les flots d’ici à 2050. Les plages et végétations se font rares, le goudron ne protège plus
fréquence de tempêtes et des inonda- le sol des remontées aquatiques. L’exode des réfugiés climatiques a commencé…
tions, et la hausse du niveau de la mer,
qui menacent cet archipel de très peti- de décisions concernant ces réinstalla- ques qui en découleront, obligeront 50 des plus grandes villes du monde sont migratoire relativement important entre
tes îles ». tions, dans la conception des nouvel- millions de personnes à migrer dans le sur la côte ou sur des estuaires. Une Tuvalu et la Nouvelle-Zélande puis-
les maisons et les infrastructures. Ceci a monde d’ici à 2010. Les instances inter- étude européenne appuie ces dires par qu’à peu près un tiers de la population
TROUVER DES TERRAINS ET PRÉVOIR pour résultat des structures qui ne sont nationales devront prévoir l’installation l’étude de 22 zones sensibles environ- tuvaluane habite déjà aux alentours
LES RÉINSTALLATIONS pas toujours compatibles avec la vie des de ces populations, car, faute d’organi- nementales. L’université de Liège coor- d’Oakland en Nouvelle-Zélande ». Il
À court terme, 300.000 habitants communautés ». sation, les pays devront accueillir coûte donne ce travail pour l’Asie du Sud-est ajoute : « D’après les différentes études
devraient trouver un refuge assez rapi- que coûte ces réfugiés climatiques et et s’est penchée sur le cas de l’archipel disponibles aujourd’hui, on estime que
dement. Cependant, les terrains sont 50 MILLIONS DE PERSONNES À MIGRER ceci dans des conditions d’urgences. de Tuvaluun, un groupe d’îles de l’océan le niveau des mers augmentera d’en-
rares et les îles susceptibles d’accueillir DANS LE MONDE DANS UN AN Pacifique, dont le plus haut sommet est viron un mètre d’ici la fin de ce siècle.
les migrants sont déjà surpeuplées. La En 2005, la moitié de l’île de Bhola UN MILLIARD DE RÉFUGIÉS CLIMATIQUES à peine élevé de quatre mètres au-des- Cela veut dire que seront touchés, non
rapporteuse spéciale sur le logement est engloutie par les eaux, occasion- D’ICI À 2050 sus du niveau de la mer. seulement des petits États insulaires
adapté a précisé qu’« il y avait une res- nant 500.000 sans-abri. Les habitants L’ONU estime que le nombre de réfu- mais également des zones deltaïques et
ponsabilité internationale pour aider à de Bhola ont été décrits comme faisant giés climatiques s’élèvera à 50 millions FRANÇOIS GEMENNE À LA RADIO BELGE côtières, par exemple en Asie du Sud-
définir les stratégies d’adaptation, ceci partie des premiers réfugiés climatiques d’ici à 2010 et qu’ils devraient être 150 RTBF est, et on sait que ce sont des zones qui
doit être fait rapidement ». « La recons- dans le monde. Le 11 octobre de cette millions en 2050. Un rapport de l’ONG Actuellement l’archipel est souvent sont très densément peuplées. Je pense
truction qui a suivi le tsunami (de 2004) même année, une étude est publiée britannique Christian Aid, daté de mai inondé par les eaux salées et la popula- notamment aux grands deltas de l’Asie
peut servir de leçon », a-t-elle ajouté. par les Nations unies. Elle tire le signal 2007, estime que la terre comptera plus tion tend à quitter le territoire. François du Sud-est mais aussi au delta du Nil
Raquel Rolnik, conseillère de l’ONU d’alarme. L’Institut pour la sécurité envi- d’un milliard de réfugiés climatiques Gemenne, associé au Centre d’étu- en Égypte ». Les réfugiés climatiques
sur le relogement des populations a ronnementale et humaine de l’univer- d’ici à 2050. Les Nations unies considè- des de l’ethnicité et des migrations de seront sans doute un jour plus nom-
remarqué : « Dans les sites de réinstal- sité des Nations unies à Bonn estime rent que près de 40 % de la population l’université de Liège, déclare lors d’une breux que les réfugiés économiques ou
lation que j’ai visités, j’ai parfois aperçu que les dommages générés sur l’envi- mondiale vivant près des côtes devien- interview faite par la radio belge RTBF politiques.
un manque de participation dans la prise ronnement et les changements climati- draient des exilés. En effet, la plupart : « On observe pour le moment un flux HÉLOÏSE ROC

Protéger les tortues marines de Guyane, un projet ambitieux

LE MINISTÈRE de l’Écologie, du Déve-
loppement Durable et de l’Aménagement
du Territoire français finance un plan
de restauration des tortues marines en
Guyane sur quatre ans. Le programme
est intitulé CARET2. Un budget de 2,8
millions d’euros a été accordé à ce pro-
jet afin d’« étudier les tortues marines
pour mieux les protéger et ainsi valoriser
leur présence sur le territoire du plateau
des Guyanes ». De nombreux partenai-
res locaux, scientifiques, politiques, sont
associés à l’étude, mais l’organisation
de la recherche a été donnée au WWF-
France et l’ONCFS.
Trois espèces de tortues marines fré-
quentent les plages de la Guyane : la tor-
tue verte, la tortue olivâtre, et la tortue
luth. Mais c’est plus particulièrement la
tortue luth qui est reconnue par les Guya-
nais comme le symbole mythique du ter-
ritoire. En effet, ses caractéristiques sont
uniques. C’est la plus grosse tortue du
monde, son poids est conséquent de 500
à 800 kg, et sa longueur de 2 mètres est
exemplaire. Par ailleurs sa carapace est
quasi inexistante, elle est constituée de
plaques osseuses juxtaposées et recou-
verte d’une peau épaisse, rigide, don-
nant l’apparence du cuir. C’est pour ça
qu’on la nomme « la tortue cuir ».
LA TORTUE LUTH ET LA RECHERCHE
La tortue luth est une espèce en dan- Nature (UICN), elle est victime de nom- œufs – et les locaux pratiquent aussi prend les sacs plastique pour des médu- moyens adaptés à la protection de ces
ger. Selon la liste rouge de l’Union Inter- breux prédateurs – les oiseaux s’atta- le ramassage des oeufs... De plus, elle ses et s’étouffe lors de l’absorption. espèces.
nationale pour la Conservation de la quent aux bébés lors de l’éclosion des souffre de la pollution des mers : elle
ainsi de pouvoir continuer à offrir aux
nombreux touristes l’incroyable specta-
cle de sa ponte, l’association guyanaise
de protection de la nature Kwata met en
évidence les plages les plus importan-
tes de reproduction. Les plages de l’île
de Cayenne accueillent plus de 80 %
des pontes de tortues olivâtres et luths
pour l’ensemble du plateau des Guya-
nes. Kwata a mis en évidence ce site
de ponte en 1998, comme étant le plus
important pour l’ensemble de l’Améri-
que du Sud. Depuis, de nombreux béné-
voles se sont engagés à la protection
des espèces. Le marquage a débuté
en 1977. Les tortues venant pondre sur
les plages de Guyane ont été marquées
par des bagues et c’est en 1995 qu’el-
les ont été pourvues de puces électroni-
ques introduites sous la peau de l’épaule
gauche.
Ces puces électroniques permettent
de suivre les tortues venant pondre sur
les plages durant la saison de ponte.
Ainsi les scientifiques connaissent les
différentes plages sur lesquelles elles
viennent pondre au cours d’une saison.
Depuis trois ans les tortues sont munies
de balises argos permettant de les sui-
Tarik Tinazay/Getty Imagevre en mer, et ceci sur plusieurs mois.
Malgré un haut niveau de protection international, ces espèces mythiques sont en danger d’extinction. Les données relevées donnent de pré-
Comme de nombreuses espèces aujourd’hui, elles font partie de cette biodiversité malmenée. cieux renseignements sur la vie de ces
animaux et permettent de connaître les
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12 Voyage www.lagrandeepoque.com 1 – 15 MARS 2009 ● La Grande Époque

L’oasis Siwa en Égypte : une source d’inspiration

pour l’histoire
LA palmeraie très dense de l’oasis de DES ORACLES prendre la périlleuse traversée du désert
Siwa dissimule son importance histori-
Siwa est également le berceau des afin de recevoir les prophéties de son ora-
que très appréciée pour qui est prêt à faire
conteurs, appelés hakawati en arabe. cle.
un long voyage dans cette région déserti-
Ils créent et transmettent oralement des L’oracle de Siwa est devenu tellement
que torride. récits d’aventure, entremêlés de magie puissant et célèbre que le roi Cambyse,
Autrefois l’une des oasis les plus inac-
et de mysticisme, où figurent des djinns. le premier souverain perse de l’Égypte, en
cessibles d’Égypte, Siwa se trouve au
Ces contes ne sont pas seulement diver- l’an 525 av. J.-C., a envoyé une armée de
milieu du désert occidental, à environ 50
tissants. Ils sont également destinés à 50.000 hommes pour conquérir son terri-
kilomètres de la frontière libyenne, entou-
reconduire les règles de la morale. Dans toire et le renverser, car il avait prédit sa
rée par les dunes de la Grande mer de
la tradition de Shéhérazade, le récit imbri- mort. En conséquence de cette tentative
sable et du plateau calcaire de l’époque
qué d’une histoire unique peut durer des d’invasion, l’ensemble de l’armée a dis-
miocène moyen. jours, voire des semaines. paru au milieu du désert occidental sans
Siwa reste un lieu isolé regorgeant de
En raison des anciennes traditions tri- laisser de trace. À ce jour, aucune recher-
beauté et de mystère. La voûte céleste
bales qui subsistent à Siwa, c’est une che n’a pu confirmer ce qui est arrivé aux
de ce paradis désertique stimulera faci-
pratique courante pour une fille de se soldats même si, selon les écrits laissés
lement votre imagination et vous songe-
marier dès l’âge de quatorze ans. Après le par l’historien grec Hérodote, une tempête
rez aux merveilleux contes des djinns des
mariage, les femmes de Siwa ne sortent de sable les aurait probablement englou-
Mille et une nuits. pratiquement jamais de la maison sans tis avec leurs armures et tout le matériel
La ville et les villages voisins de cette
un voile de mousseline noire qui couvre qu’ils transportaient.
oasis abritent plus de 20.000 habitants
l’ensemble de la tête et du visage. Même Inutile de se demander pourquoi, en
qui sont pour la plupart des Berbères qui
si les touristes et les rares étrangers qui l’an 331 av. J.-C., le légendaire Alexan-
parlent la langue locale, le tasiwit, aussi
résident à Siwa portent des vêtements Anna Skibinsky
dre le Grand est allé consulter l’oracle de
appelé le siwi. La population est divisée
occidentaux, la communauté demeure Siwa. Il s’y est rendu pour avoir la con-
en neuf tribus, chacune administrée par
conservatrice. Siwa est une oasis au milieu du désert libyen, entourée de la Grande firmation – ce qu’il avait lui-même déjà
son propre chef. Les crimes commis par
Bien que Siwa possède un cachet mer de sable, l’une des plus vastes étendues de dunes de la planète. décidé – qu’il était le descendant direct
les Isiwan (habitants de Siwa, en berbère)
omniprésent, il est difficile à cerner. Siwa En plus de ses caractéristiques géologiques uniques, c’est un site qui et le fils du dieu Amon, aussi connu sous
sont traités au niveau local dans les tribus,
est tout simplement un îlot de verdure où a influencé le cours de l’histoire. le nom de Zeus ou Jupiter par les Grecs.
ce qui, selon les résidents de Siwa, empê-
l’air est doux et frais, d’où jaillit l’eau pure De tous les visiteurs de Siwa, il a été le
che le gouvernement égyptien d’interve-
et où la vie peut exister au milieu de cen- égyptien, est encore debout, bien qu’il Siwa que certains touristes sont incapa- plus célèbre et, sans lui, l’oasis aurait été
nir. Comme exemple de peine prescrite
taines de kilomètres de terre aride et de soit en partie en ruines sauf les murs de bles d’entrer dans le temple à cause de perdue dans l’histoire. Alexandre a quitté
par un chef, un homme a été condamné
désert torride. Quoi qu’il en soit, il n’est la chambre principale. Les visiteurs pénè- sensations paranormales qui se font sen- Siwa en triomphe. On ne sait ce que l’ora-
à prolonger d’un mois le jeûne traditionnel
pas étonnant que les plus puissants ora- trent dans une atmosphère complètement tir à l’intérieur. cle lui a chuchoté, mais cela l’aura sans
du Ramadan qui est observé dans toute
cles du monde antique proviennent de différente de celle des constructions ber- D’après les recherches archéologiques, doute conforté dans son idée et incité à
l’Égypte. cette magnifique oasis. bères qui ont été construites plus tard et le temple d’Amon aurait été construit au conquérir l’Asie.
Le temple de l’Oracle, officiellement qui sont également en ruines. VIIe siècle av. J.-C. et aurait vu de nom- ANNA SKIBINSKY
SIWA, BERCEAU DES CONTEURS ET appelé le temple d’Amon d’après le dieu Le bruit circule parmi les habitants de breux rois et de grands hommes entre- LA GRANDE ÉPOQUE

Des geysers et des fleurs dans le comté d’Yilan

À l’est de la ville de Taipei à Taiwan se trouve Yilan, la destination touristique favorite des résidents,
un lieu qui étonne les étrangers.
TAIPEI – On raconte que le geyser réap-
paraît à un endroit différent après chaque
pluie et que seuls les gens du coin savent
où creuser pour le trouver.
Autour de cette source d’eau en ébulli-
tion de dix mètres de diamètre se réunis-
sent des personnes de tous âges. Ils ont
acheté sur place ou apporté leurs propres
paniers et leurs petits filets contenant du
maïs, des œufs, des crevettes, des pata-
tes douces et tout ce qui peut être bouilli.
Il n’y avait pas de place pour les retarda-
taires, La cuisson du maïs dure environ
45 minutes. Les personnes les plus réac-
tives avaient déjà déposé l’ensemble de
leurs provisions, scellé leurs filet dans le
bouillon et étaient parties se baigner pen-
dant que les autres étaient accroupies et
attendaient. Toutefois, pour de nombreu-
ses personnes, l’excitation de contempler
le geyser compensait l’attente.
Le geyser ne jaillit pas toujours au
même endroit. Il attire régulièrement
plusieurs centaines de visiteurs cha-
que jour. Les opérateurs de fêtes forai-
nes et d’étals illégaux de nourriture sont
omniprésents car, aux dires des gens du
coin, c’est moins cher pour eux de payer
les amendes pour une exploitation illé-
gale que de payer des impôts. Autour
du geyser, on trouve, d’un côté, une ran-
gée de tentes de jeux proposant des prix
inhabituels ; de l’autre, les barbecues et
les tabourets où les filets et le maïs sont
vendus. Les camionnettes et les chai-
ses sont dispersées de façon aléatoire,
et les familles s’assoient pour dévorer
leurs butins brûlants sortis directement
de cette source. Cuire des aliments dans
le geyser est censé avoir meilleur goût
et être plus sain que les aliments ordi-
naires.
Alors que quelques-uns attendent que
leur maïs soit cuit, d’autres qui n’ont pas
faim tentent leur chance aux jeux. En lan-
çant des fléchettes avec succès dans de
petits ballons d’eau accrochés à un pan-
neau par exemple, les gagnants peuvent
recevoir soit un chat en porcelaine vernie
ou une petite boîte de jus de fruits. Il y a
d’autres jeux comme une rangée de flip-
pers hybrides, mi-électroniques mi-méca-
niques, et cacophoniques – dont presque
tous les sièges sont occupés par des jeu-
nes – et, à côté, un simple jeu de lancer
de balle (molle) qui, lui, est désert.
Toutes ces activités insolites rassem-
blées autour du geyser au milieu de nulle
part ne forment qu’une partie des attrac-
tions du comté d’Yilan. Les visiteurs
peuvent également aller à la montagne
Taiping, à la rivière Dongshan, au parc
Qinshui et sur la côte.
LES AUTRES ATTRACTIONS DU
COMTE D’YILAN
Même le petit canton à proximité du
geyser, appelé Loudong, est célèbre. Le
samedi, une foule afflue dans l’un de ces
petits restaurants servant le petit-déjeu-
ner, nommé Bu Rou. Comme si on était
en attente d’un concert rock, les barriè-
res sont mises en place et plus de cent
personnes accaparent la rue et attendent
jusqu’à l’après-midi. Les policiers doivent
même parfois maintenir l’ordre parmi les
clients. La spécialité du restaurant est
une viande cuite dans des œufs battus,
de la farine et assaisonnée de prover-
biales épices secrètes et accompagnée
d’une sauce. Le propriétaire a égale-
ment été plusieurs fois interviewé par
des chaînes de télévision, ce qui attire
la clientèle.
La montagne Taiping est renommée
pour l’excellente qualité de son bois qui
était exporté au Japon il y a plusieurs
années. Les arbres dans certaines zones
sont maintenant coupés, mais la mon-
tagne est encore célèbre pour son pré-
tendu « parc à thème de la forêt » qui
permet aux citadins éreintés de se déten-
dre pendant quelques jours, en séjour-
nant dans des cabanes en rondins et en
buvant du thé.
Les gens de la ville peuvent aussi faire
un voyage vers la forêt de Qilan et se pro-
mener autour de la maison d’été du vieux
Chiang Kai-shek. Ils peuvent aussi se
rendre à la rivière Dongshan où la célè-
bre course des bateaux-dragons a lieu
chaque année lors du Festival des lan-
ternes. Près de la rivière Dongshan, se
trouve le parc Qinshui où se tient, en
juillet et en août, une série de festivals
ayant pour thème l’eau, offrant concerts,
fontaines, piscines et plus encore.
Fidèle à son nom (la traduction litté-
rale veut dire « se rapprocher de l’eau »),
près des fontaines, les visiteurs appren-
dront comment l’eau est conservée et,
par la même occasion, recevront aussi
des explications sur la formation des
arcs-en-ciel.
Mais un voyage familial à Yilan n’est
pas complet si l’on ne s’arrête pas pour
admirer les fleurs. Tous les itinéraires
touristiques pour les véhicules sont bor-
dés par des rizières en jachère, pleines
de petites fleurs colorées. La tradition ne
date que depuis l’an 2000 lorsque le tou-
risme autour d’Yilan a commencé à se
développer.
Le Gouvernement a financé les agri-
culteurs afin qu’ils plantent des fleurs
pour laisser reposer la terre. L’embellis-
sement nécessite peu de labeur après la
semence. Les citadins arrêtent leur voi-
ture, s’engagent dans un fossé boueux
dans une mer jaune, rouge, pourpre et
rose et prennent des photos en grigno-
tant de la nourriture achetée aux étals
illégaux mis en place pour les touristes.
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Solution
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La Grande Époque ● 1 – 15 MARS 2009 www.lagrandeepoque.com Santé et Bien-être 13
Les bienfaits de l’hypnose prénatale
Les prêtres égyptiens et les conditionnées tout au long de sa vie. le thérapeute est bon, il prendra le temps
druides pratiquaient déjà l’hyp- nécessaire pour que la personne arrive à
QU’EST CE QUE L’HYPNOSE PRÉNATALE se laisser aller. C’est pourquoi une séance
nose thérapeutique. Au XVIIIe et L’hypnose prénatale utilise la techni- d’hypnose privée peut prendre entre 1
XIXe siècle, l’hypnose a été étu- que ericksonienne et suit la théorie selon heure 30 et 2 heures 30. Le papa est le
diée par différents médecins laquelle l’être humain a de grandes capa- bienvenu : en suivant la méthode, il pourra
cités, diminuées, voire réduites par nos lui-même aider la maman à entrer en hyp-
dont Mesmer, Charcot et Freud. peurs, nos conceptions. L’hypnose passe nose au moment de l’accouchement.
C’est au XXe siècle que Milton à travers ces notions et les corrige en
H. Erickson découvre l’hypnose envoyant des messages positifs. Des pen- CE QU’APPORTE CETTE MÉTHODE
pour se soigner lui-même puis sées qui ne seraient pas compatibles avec Avant l’accouchement, la femme
les convictions du patient ne pourraient apprend à se décontracter, tant physique-
ses patients. Aujourd'hui, l’hyp- l’influencer, d’où l’importance d’établir un ment que psychologiquement. Elle a un
nose peut être utilisée pour aider dialogue avant la séance. Dans le cas meilleur sommeil et développe une séré-
la femme à vivre une grossesse d’une grossesse, l’hypnose va travailler nité et une confiance qui sont bénéfiques
et un accouchement dans la sur les peurs liées à l’accouchement, sur au fœtus et peuvent même réduire forte-
la capacité d’être mère, sur la relation ment tous les petits maux de la grossesse.
sérénité et selon son ressenti. positive avec son enfant afin de dévelop- L’hypnose peut augmenter la sécrétion
per sa confiance en sa capacité de don- d'endorphines pour soulager les douleurs.
L’HYPNOSE est un phénomène naturel ner la vie. La mère apprend à gérer ses douleurs
qui stimule l’inconscient. Il ne s’agit pas et à entrer en contact avec son fœtus, ce
d’imposer des choses au patient en pas- QUAND ET COMMENT ? qui favorise l’accouchement et lui donne la
sant outre sa volonté. Au contraire, la per- L’hypnose prénatale se déroule géné- possibilité de gérer le travail avec un mini-
sonne hypnotisée accroît son acuité alors ralement durant les quatre derniers mois mum de douleur jusqu’à la délivrance.
que son corps est dans un état second de la grossesse. Les sessions sont espa- Avec l’aide de son mari, elle peut ainsi
proche du sommeil. En aucun cas, le thé- cées de quelques semaines. Elles se pra- décider de refuser un accouchement pro-
rapeute ne peut influencer son patient si tiquent en individuel ou en petit groupe voqué ou une péridurale. Cet acquis, de
celui-ci n’est pas consentant. durant 1 heure 30 à 2 heures 30. De retour retour à la maison, lui donnera confiance
Erickson pensait que l’inconscient est à la maison, la future maman va approfon- en sa capacité de bien s’occuper de son
un puits sans fond empli de connaissan- dir les séances à l’aide d’un CD. L’hyp- enfant.
ces et de compétences. Le patient peut, nose prénatale demande à la future mère D'ailleurs, on sait aujourd'hui que le foe-
sous hypnose, faire ressortir des sou- une participation active. D’ailleurs, l’un des tus est très réceptif aux stimuli extérieurs.
venirs enfouis. Ceci peut provoquer une objectifs de cette méthode est justement Déjà dans le ventre de sa mère, il réagit à
série d’émotions que le thérapeute doit de permettre à la femme de mieux parti- ses émotions. On pourrait en déduire que
être en mesure de gérer pour permet- ciper en gérant son accouchement selon l’enfant peut porter le stress et les peurs
tre au patient d’intégrer positivement ce son instinct. de sa mère toute sa vie. On voit ici com-
vécu. C’est la raison pour laquelle il est Mais l’effet de l’hypnose diffère d’une bien il est important que la maman soit
vivement conseillé d’être suivi par un pro- femme à l’autre. Ces différences provien- sereine et heureuse.
fessionnel compétent. En autohypnose, il nent du fait que la personne arrive plus ou CATHERINE KELLER
est possible de trouver des solutions que moins à lâcher le contrôle de son mental LA GRANDE ÉPOQUE
le conscient bloquait par des conceptions pour permettre d’atteindre l’inconscient. Si GENÈVE Photos.com

Respecter le temps de sommeil pour une bonne santé

COMME LE temps accordé au som- taux d’erreurs professionnelles (médi-
meil diminue de plus en plus à cause cales et autres), le manque de vigilance
du rythme effréné de la vie moderne, dans des situations à risque et les acci-
un nombre croissant de personnes se dents de travail et ceux de la route.
retrouvent avec un déficit chronique de Pour la santé en général, sachant
sommeil qu’on appelle « dette de som- que le sommeil régénère et stimule
meil » ou « syndrome d’insuffisance de notre système immunitaire, on peut en
sommeil ». Les personnes qui coupent déduire que la dette de sommeil dimi-
sur leurs heures de repos pour gagner nue notre capacité à se défendre con-
du temps deviennent des anorexiques tre les agresseurs organiques comme
du sommeil et mettent ainsi en danger les virus, les bactéries et les parasi-
leur santé. tes. Cette fragilité nous expose à toutes
À la base de certains problèmes sortes de maladies invasives. En effet,
comme la prise de poids, la fatigue des études ont démontré qu’une heure
chronique, la fibromyalgie et la dépres- de sommeil en moins affecte directe-
sion, il peut se cacher un problème de ment le système immunitaire. Celui-ci
sommeil jumelé à une mauvaise alimen- est inhibé et la sensibilité aux infections
tation et à un manque d’exercice. augmente.
Selon les chercheurs, dans les 40 Une autre conséquence qu’il est
dernières années, notre sommeil a rac- important de connaître en rapport avec
courci de 2 heures. En 2000, 30 % des un déficit chronique de sommeil, est
gens dormaient moins de 6 heures. Et celle qui affecte les hormones de l’ap-
les études montrent que plus notre défi- pétit. Les scientifiques distinguent deux
cit de sommeil est grand, plus élevée hormones : la ghréline qui stimule l’ap-
est notre dette de sommeil et plus long- pétit et la leptine qui est responsable
temps il faut pour l’effacer. Ces heu- de la satiété. Or le manque de som-
res de sommeil escamotées rendent le meil aurait des conséquences direc-
corps plus fragile et ainsi plus vulnéra- tes sur la synthèse de ces hormones :
ble aux maladies et infections. la ghréline est produite en excès, alors
Comme le bon sommeil permet au que la production de leptine se voit dimi-
cerveau d’avoir une perspective positive nuée. Comme résultat, la sensation de
des choses, l’inverse se produit lors- faim est moins bien régulée, causant
qu’on ne dort pas assez : on broie du une tendance à manger plus. Les cher-
noir, on se sent facilement malheureux cheurs américains ont démontré que
et frustré, on s’emporte parfois pour un Photos.com moins on dort, plus l’indice de masse
rien. De plus, certains problèmes physi- Le manque de sommeil perturbe nos activités. corporelle (IMC) est élevé. Il semble-
ques s’accentuent tels que les maux de rait aussi que pour compenser la baisse
tête ou d’estomac, les douleurs muscu- ressentir le besoin de sommeil. Il risque réussir à accomplir ses tâches. Cette etc.) l’endormissement en sera grande- d’énergie due au manque de sommeil,
laires ou articulaires. d’avoir alors de la difficulté à s’endormir, réduction de temps qui s’ajoute aux ment perturbé. le corps réclame plus de nourriture.
ce qui amplifie son déficit de sommeil. nombreux saboteurs d’énergie (stress,
LA DETTE DE SOMMEIL À TOUT Les adolescents ont besoin d’un mini- suralimentation et pollution) intensifie LES DOMMAGES DUS AU MANQUE AVOIR UN BON SOMMEIL
ÂGE mum de 9 heures et demie de som- la dette de sommeil. Si pour fonction- DE SOMMEIL Pour maintenir une bonne qualité de
Le déficit de sommeil peut commen- meil, ce qui est rarement respecté. De ner quand même à plein régime, l’adulte Pour de nombreuses raisons, le man- repos, on doit redoubler de discipline.
cer très jeune. Les bébés, qui norma- plus, ils subissent un phénomène natu- prend des produits psychoactifs comme que de sommeil fait partie des maladies L’hygiène du sommeil sera la garan-
lement dorment très bien, tant que leur rel apparaissant à la puberté, celui du des excitants pour le garder éveillé, des modernes et certains chercheurs par- tie d’un sommeil régénérateur. En voici
environnement ne les perturbe pas, syndrome de retard de phase. Ce syn- antidépresseurs pour cacher son man- lent même d’épidémie. La dette de som- les principaux éléments : bouger le plus
sont de plus en plus victimes d’un man- drome consiste à avoir un sommeil que d’entrain et des somnifères pour le meil a de multiples répercussions sur la possible pour avoir une bonne fati-
que de sommeil. L’une des causes les décalé dont l’endormissement se pro- faire dormir, tout son système interne qualité de l’éveil. Parmi celles-ci, nous gue (marche, danse, golf, etc.), sortir
plus fréquentes est l’arrêt de leur som- duit de plus en plus tardivement. L’ado est gravement déréglé. retrouvons une fatigue anormale dans au moins 30 minutes par jour ou s’as-
meil dû à l’horaire des parents qui tra- devient ainsi un noctambule et s’endort En avançant en âge, la fragilité de la journée, des troubles de la mémoire seoir dans un lieu bien éclairé (balcon,
vaillent et doivent le conduirent pour le généralement après minuit, mais doit se l’organisme s’accentue. Le cerveau et de la concentration et une diminution terrasse, véranda, etc.) pour synchroni-
faire garder ailleurs. lever généralement tôt le matin. se détériore peu à peu et la qualité du des performances. Il en résulte aussi de ser l’horloge biologique. Il est préféra-
À l’âge scolaire, les horaires du lever À l’âge adulte, le cycle veille-sommeil repos en subit les conséquences. Le l’irritabilité et des troubles de l’humeur. ble aussi de limiter la sieste à une seule
sont souvent tôt le matin, ce qui oblige s’équilibre enfin. La durée moyenne se sommeil de la personne âgée se modi- Chez la personne âgée, les risques de par jour pour garder une dose de fati-
l’enfant à se lever avant la fin de son situe entre sept et huit heures de som- fie avec les caractéristiques suivan- chute et de fractures viennent augmen- gue suffisante pour la nuit, de boire
sommeil. Il se rend en classe avec une meil. Cependant, libre de décider ce tes : un besoin d’aller au lit de plus en ter les conséquences graves. plus d’eau afin d’éviter la déshydrata-
dette de sommeil qui l’empêche d’être qu’il fera de son temps, l’adulte a ten- plus tôt et un sommeil trop léger que le Parmi les conséquences du man- tion qui nuit grandement à la qualité du
attentif. Le soir, la télévision, l’ordina- dance à prioriser tout (travail et loisirs) moindre bruit dérange. Si un problème que de sommeil qui ont un impact sur sommeil.
teur et les jeux vidéo stimulent à l’ex- avant son sommeil. Il devient donc un de santé cause des douleurs (rhuma- la vie des autres, nous retrouvons l’hy- NICOLE GRATTON
trême son cerveau l’empêchant de petit dormeur de cinq ou six heures pour tismes, arthrites, mauvaise digestion, persomnolence diurne qui augmente le ALTERNATIVE SANTE
14 Société www.lagrandeepoque.com 1 – 15 MARS 2009 ● La Grande Époque

Améliorer l’insertion des personnes à mobilité réduite

SELON UNE enquête de l’INSEE réali-
sée en 2007, 45 % des personnes han-
dicapées de 20 ans et plus ne savent
ni lire, ni écrire, ni compter. Ce chiffre
impressionnant présage donc des dif-
ficultés à poursuivre des études puis à
s’insérer professionnellement pour cette
population, notamment quand les établis-
sements et les outils pédagogiques ne
sont pas adaptés à leur handicap.
Afin de pallier ces difficultés, des solu-
tions d’adaptation sont peu à peu mises
en place.
Ainsi, les personnes subissant un han-
dicap les privant de leurs membres supé-
rieurs peuvent maintenant avoir accès
à l’informatique grâce à un système de
commande, le Visioboard, qui permet de
diriger une souris d’ordinateur d’un sim-
ple coup d’œil. Dans le contexte actuel
où la communication par informatique
devient quasi-essentielle, on imagine les
retombées positives que peut permettre
l’utilisation de ce système de commande,
tel que la reprise possible d’études ou
simplement une meilleure intégration
sociale.

DIRIGER UNE SOURIS D’ORDINA-

TEUR JUSTE AVEC LES YEUX
Lancé en 2003 par une PME française
d’optique, ce système était initialement
destiné à l’usage d’une clinique ophtalmo-
logique. Mais, l’idée est ensuite venue de
l’adapter en un outil spécifique à l’usage Photos.com

des personnes déficientes motrices pour
leur permettre d’utiliser un ordinateur.
Le principe est simple : diriger une sou-
ris d’ordinateur juste avec les yeux.
Pour cela, deux caméras repèrent, l’une
la position des yeux, l’autre la direc-
tion du regard. Un bras articulé permet
de positionner les caméras en fonction
du handicap pour une utilisation assise
ou couchée. Un détecteur de présence
assure ensuite le démarrage et la mise
en veille du système automatiquement. Il
ne reste plus alors qu’à sélectionner une
fonction sur l’écran en la fixant du regard
ou en clignant de l’œil pour l’activer.
Actuellement, et malgré le coût encore
un peu élevé (de 18.000 à 20.000 euros),
une cinquantaine d’appareils sont déjà
en fonctionnement chez des particu-
liers ou au sein d’organismes divers.
Mais le matériel informatique n’est pas
le seul secteur nécessitant une adapta-
tion pour permettre une meilleure inté-
gration des personnes à mobilité réduite.
C’est le cas notamment des universités
qui reçoivent en France environ 10.000
étudiants à mobilité réduite et qui doi-
vent donc aménager leurs infrastructures
pour permettre l’hébergement, la circula-
tion et l’intégration de ces étudiants han-
dicapés.
L’université de Toulouse s’est fixée
pour objectif d’empêcher que certains ne
soient obligés de quitter la ville pour pour-
suivre leurs études dans des lieux plus
adaptés, ou encore qu’ils n’aient d’autre
choix que de suivre des cours par corres-
pondance.
PERMETTRE À DES HANDICAPÉS
DE POURSUIVRE LEURS ÉTUDES
Depuis la rentrée universitaire 2007,
la résidence universitaire Clément
Ader accueille des étudiants handica-
pés dépendants. À l’origine de cette
initiative, le SAHEHD (Service d’accom-
pagnement et d’hébergement pour étu-
diants handicapés dépendants) et le
CROUS (Centre régional des œuvres
universitaires et scolaires) de Toulouse,
qui se sont associés autour d’un même
objectif : permettre à des étudiants han-
dicapés non autonomes de poursuivre
leurs études et de loger sur le campus.
Avec l’aide d’une ergothérapeute, 20
des 250 studios de la résidence ont
été aménagés de manière à garan-
« L’article L. 323-1 du code du travail français impose aux entreprises de plus de 20 salariés d’avoir un quota de 6 % de salariés handicapés. »
tir un maximum d’indépendance. Les recrutement visant à valoriser la diversité née (CDI). Ainsi, un des employés a par cap. Et pour cela, l’aide de la médecine
locataires handicapés peuvent ainsi se et le potentiel de tout candidat. exemple pu acheter un scooter pour se du travail devient primordiale. Puis il y a
débrouiller seuls pour cuisiner, se laver En effet, lorsque Yann Orpin devient rendre au travail. En outre, l’entreprise la reconversion qui là encore, requiert du
ou encore se coucher. Dans la jour- gérant de Cleaning, l’entreprise de net- étant consciente du risque représenté doigté et de la psychologie de la part des
née, les étudiants sont accompagnés toyage créée en 1996 par sa mère, il y par les accidents de la rue, elle privilé- responsables des ressources humaines.
par leur auxiliaire de vie personnelle. La embauche un ancien maçon atteint par gie aussi le recrutement selon la zone de Car il faut déceler le handicap à temps
nuit, une veille est assurée par une per- des problèmes de dos pour un poste résidence de façon à réduire au minimum puis rapidement proposer une reconver-
sonne qualifiée (engagée par le Con- de comptable. C’est alors le début d’une les déplacements des employés. sion à des personnes qui souvent, font le
seil général) pour dispenser des soins. politique de recrutement basée sur la même métier depuis 20 ou 30 ans ! Dans
Dans un souci d’intégration sociale, la motivation et la valorisation du poten- ADAPTER LES POSTES DE TRAVAIL ET ce cadre, un accompagnement par une
résidence a été conçue pour favoriser le tiel personnel. Par la suite, l’intégration PRÉVENIR LES HANDICAPS Agence d’Insertion des Travailleurs Han-
rapprochement entre tous les étudiants. de trois employés sourds a été per- Mais il y a aussi le cas des personnels dicapés peut être précieux.
Ainsi, des espaces communs tels que çue comme l’occasion de former toute dont l’activité professionnelle va déclen- Enfin, afin de prévenir les handicaps,
les salles de rencontre ou de réunion, le l’équipe au langage des signes. Dans cher à long terme, une incapacité quel- des formations peuvent être mises en
coin repas, la bibliothèque, le salon TV la même logique, pour permettre à une conque, notamment pour les métiers de place au sein des entreprises dites « à
et l’accès à Internet ont été spécialement employée limitée dans l’usage de ses manutention. Il s’agit alors pour l’entre- risque », en partenariat avec des ergo-
aménagés. Des étudiants bénévoles mains de travailler, l’entreprise a moder- prise de garder son employé en adap- nomes des Agences régionales pour
accompagnent leurs camarades handi- nisé son équipement en achetant une tant son poste de travail, ce qui entraîne l’amélioration des conditions de travail1,
capés pour assurer la gestion du quoti- machine laveuse automatique. parfois des coûts d’installation beaucoup quand il y en a. L’entreprise peut alors
dien : faire des courses, se rendre à un Le recrutement s’effectue en parte- trop élevés pour l’entreprise, ou alors aussi engager un processus de certifi-
rendez-vous chez le dentiste, à une sor- nariat avec l’antenne locale de l’Agence en le redirigeant vers un autre secteur cation OHSAS 18 801 (santé et sécu-
tie au théâtre ou au cinéma, ou encore nationale pour l’emploi (ANPE), des adapté à son handicap tout étant maîtrisé rité au travail).
pour effectuer des démarches adminis- associations d’insertion locales, les professionnellement par l’employé. Tout LA GRANDE ÉPOQUE
tratives. Cap Emploi, etc. Afin de permettre à un programme donc, qui nécessite, dans AVEC REPORTERS D’ESPOIRS
Cette résidence, qui est actuellement ses employés d’avoir accès aux crédits, un premier temps, une reconnaissance
1
la seule de Toulouse à pouvoir accepter tous les contrats sont à durée indétermi- par l’employé lui-même de son handi- www.anact.fr
des étudiants à mobilité réduite, pourrait
faire des émules dans la région et per-
mettre à d’autres universités de se doter
elles aussi de ce système d’accueil.
Mais, après les études, vient ensuite le
souci d’être embauché et dans un con-
texte de crise de l’emploi, la difficulté est
alors doublement présente.
EMPLOYER UN HANDICAPÉ
Pourtant, l’article L. 323-1 du code du
travail français impose aux entreprises
de plus de 20 salariés d’avoir un quota de
6 % de salariés handicapés. Or, en 2007,
le taux d’emploi des travailleurs handi-
capés était seulement de 4,1 % dans le
secteur public et de 3,7 % dans le privé.
Il s’avère donc que sur 106.000 entrepri-
ses françaises assujetties à l’obligation,
la moitié seulement est en conformité à
la loi tandis que l’autre moitié n’emploie
aucun travailleur handicapé (source Age-
fiph, 2008).
De plus, les entreprises qui embau-
chent reçoivent une subvention for-
faitaire de 1.600 euros par l’Agefiph.
Dans cette optique, Yann Orpin, gérant
de l’entreprise de nettoyage Cleaning
depuis 2002, pratique une politique de

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La Grande Époque ● 1 – 15 MARS 2009
APRIL, chevalier des logiciels libres
DEPUIS 1996, APRIL, une association
française riche d’environ 4.300 membres
(dont des grandes entreprises comme
Steria ou Sun microsystems), promeut
et défend les logiciels libres, et agit sur
les sujets connexes tels que l'interopéra-
bilité ou le respect de la vie privée des
utilisateurs. Elle œuvre auprès des politi-
ciens en leur démontrant tous les avanta-
ges des logiciels libres. Dans le domaine
de l'éducation, par exemple, elle inter-
vient pour que les professeurs intéressés
puissent les utiliser dans leurs classes,
ce qui permet aux élèves de travailler à
la maison.
QU’EST CE QU’UN LOGICIEL LIBRE ?
Tout le monde a entendu parler des
logiciels libres et connaît Linux, etc. La
plupart des logiciels libres sont aussi gra-
tuits. Comment est-ce possible ? Des
informaticiens passionnés fabriquent
des programmes sur leur temps person-
nel ou professionnel. Certains sont rému-
nérés pour leur travail, d'autres non. Ces
programmes leur appartiennent mais ils
les partagent avec d’autres usagers. Ils
transmettent leur savoir sur la toile ou
à l’occasion de journées de partage au
cours desquelles les « initiés » expli-
quent aux novices quels logiciels instal-
ler, comment les utiliser. Les entreprises
qui investissent dans le développement
de logiciels libres trouvent leur intérêt
dans l'utilisation de ceux développés par
d'autres. Ainsi, quand un utilisateur, pro-
fessionnel ou non, donne quelque chose
à la communauté, il profite en retour de
l'investissement global de toute la com-
munauté. Ce phénomène est quelquefois
appelé « cercle vertueux ».
Les logiciels libres offrent qua-
tre libertés. La plupart sont distribués
sous licence GNU GPL de la FSF (free
software foundation), mais il existe bien
d'autres licences libres. Ces licences
permettent d’utiliser ce logiciel selon nos
besoins. Les informaticiens ont le droit
d’étudier ce programme et de le modifier
si nécessaire. Les logiciels sont copia-
bles à volonté. Ils acceptent les modifi-
cations qui peuvent être partagées par
l’ensemble de la communauté. De plus
www.lagrandeepoque.com Art de vivre 15
et Internet ». Le projet tente de créer une
haute autorité, l’Hadopi, qui pourra sanc-
tionner les internautes sans passer par
un tribunal, par exemple en coupant leur
connexion Internet, dans le but officiel
de favoriser l’offre légale de contenus.
L’April a exprimé des inquiétudes auprès
des députés, notamment dès lors que le
rapporteur a demandé à ce que l'obliga-
tion d'interopérabilité des « moyens de
sécurisation » ne soit pas inscrite dans
la loi.
L’HADOPI RECOIT LES SAISINES DES
AUTEURS ET SANCTIONNE LES PIRATES
Un premier courriel avertit le fraudeur
qu’il agit dans l’illégalité. S’il continue, il
reçoit une lettre recommandée et s’il per-
siste, sa connexion internet est coupée de
3 à 12 mois. D’autre part, l’Hadopi impose
aux détenteurs d’accès internet des
« moyens de sécurisation » pour empê-
cher que leur connexion puisse com-
mettre des infractions. Ces moyens de
sécurisation ne doivent être ni gratuits, ni
interopérables. La question qui reste en
suspens est « comment prouve-t-on son
innocence si on utilise des logiciels qui ne
Photos.com
sont pas validés par l'Hadopi ? ».1
en plus de créateurs transfèrent leurs conserver les anciens ordinateurs bien aussi leurs inconvénients. Il faut prendre « On ignore tout de la nature de ces
droits d'auteur à la FSF pour être défen-
plus longtemps. Dans le même ordre du temps pour apprendre à les utiliser. De moyens de sécurisation : on ne sait pas
dus si le contrat de licence n’était pasd’idée, les documents formatés par plus, tous ne sont pas au point, connais- ce qu'ils font, ni où ils s'installent, et quelle
respecté. Word, par exemple, ont une espérance sent des bugs voire ne fonctionnent pas est la maîtrise que l'utilisateur pourra en
Les logiciels libres sont à l’image de
de vie d’environ 10 ans. Passé ce délai, du tout. Pour s’en sortir, il ne faut pas avoir, » déplore Alix Cazenave, respon-
la toile, autonomes et dispersés à tra- le support ne sera plus assuré par l'édi- hésiter à tâtonner et une aide avertie est sable des affaires publiques de l'April.
vers le monde. Chacun peut apporter teur, car cela n'est plus rentable, donc ils bienvenue. « Qu'ils ne fassent pas le jeu d'éditeurs
sa pierre à l’édifice. Il y a des modéra-
deviennent illisibles. Or en France, léga- On confond facilement un logiciel libre pratiquant la vente liée serait un mini-
teurs qui vérifient les données, corrigent
lement, une entreprise doit conserver ses avec un freeware. Ce dernier est un logi- mum ! » Cette loi tient également à empê-
les erreurs. Par exemple, une personne documents 30 ans. Un logiciel libre uti- ciel gratuit mais son langage informatique cher l’obligation pour les logiciels d’être
souhaite traduire un logiciel dans sa lan-
lise des formats ouverts, ce qui garantit n’est pas connu, ni partagé. De plus, une interopérables, ce qui nuit gravement aux
gue maternelle. Une fois la traduction la pérennité des documents. Les formats fois qu’il est connu, il devient très souvent logiciels libres mais avant tout aux utilisa-
mise en ligne, chacun peut améliorer ouverts ont cet avantage que plusieurs payant, en tout cas pour pouvoir l’utiliser teurs d’ordinateur.
cette version. Il y a très peu de person-
logiciels vont pouvoir les implémen- dans sa totalité. Pour la 9e année, l’association va orga-
nes malintentionnées. Lorsqu’une fausse ter parfaitement. Iils assurent aussi que niser des journées « Libre en Fête » qui
information apparaît, elle ne reste jamais
leurs spécifications seront toujours con- QUE FAIT APRIL ? permettent de découvrir les logiciels
bien longtemps. Il y a toujours quelqu’un
nues. Il sera toujours possible de les relire Auprès des politiciens, April explique libres. Pour connaître où et quand cette
présent pour vérifier les données et leset de les réutiliser. Il n'est plus nécessaire les avantages pour l’administration d’uti- activité à lieu près de chez vous, visitez le
rectifier si besoin est. d'être rentable pour supporter un for- liser des logiciels libres. Mais l’associa- site www.libre-en-fete.net.
mat, ou offrir une fonctionnalité supplé- tion est aussi présente quand il s’agit de CATHERINE KELLER
LES AVANTAGES ET LES INCONVENIENTS mentaire. défendre les libertés des internautes. En LA GRANDE ÉPOQUE
DES LOGICIELS LIBRES Il existe un choix incroyable de logi- ce moment, l’Assemblée nationale fran- GENÈVE
La plupart d’entre eux sont peu gour- ciels qui permet à chacun de travailler caise débat d’une loi pour la protection
mands en ressources ce qui permet de avec ce qui lui convient le mieux. Ils ont des droits d’auteurs, baptisée « création Pour en savoir plus : www.april.org

Négawatts contre réchauffement climatique

UN NÉGAWATTS, C’EST QUOI ?
Un négaWatt, c’est un watt non con-
sommé. Par exemple, remplacer une
ampoule classique de 100 watts par une
ampoule basse consommation de 20 watts
revient à utiliser cinq fois moins d’énergie
pour assurer le même niveau d’éclai-
rage. La puissance électrique nécessaire
est ainsi réduite de 80 watts. En d’autres
termes, le remplacement de cette lampe
génère 80 watts en moins. On parle alors
de « production de 80 négaWatts ». Les
gisements de négaWatts sont impression-
nants : ils représentent à eux seuls plus de
la moitié de la consommation mondiale
actuelle d’énergie !
NégaWatt est aussi une association qui
rassemble aujourd’hui 110 experts et pra-
ticiens, tous impliqués à titre professionnel
dans la maîtrise de la demande d’énergie
ou le développement des énergies renou-
velables. Tous s’expriment et s’engagent
dans l’association à titre personnel et
indépendant. Les experts de NégaWatt
ont établi collectivement le « scénario
négaWatt 2000-2050 ». Bonne nouvelle :
il est possible d’inverser la tendance du
dérèglement climatique. Il est possible
de construire une société qui diminuerait
par quatre ses émissions de gaz à effet de
serre d’ici à 2050, tout en satisfaisant nos
besoins d’énergie.
En 2050, dans la France du scéna-
rio NégaWatt, on se déplace davantage
qu’aujourd’hui, avec une plus grande part
via bus ou rails. On consomme la même
quantité d’électricité qu’aujourd’hui pour
satisfaire deux fois plus de besoins, on se
chauffe correctement...
Bien plus qu’une vision à l’horizon 2050,
le scénario NégaWatt part de la situation
actuelle et indique les étapes successives
qui tiennent compte des possibilités tech-
nico-économiques et sociales. Ce sont
des propositions réalistes, fondées sur des
faits établis et prouvés par l’expérience.
IMPACT DES NÉGAWATTS SUR LE
CLIMAT
En 2001, le GIEC1 concluait à l’unani-
mité qu’un phénomène de réchauffement
climatique dû à l’activité humaine mettait
en grave danger l’équilibre de la planète.
Nombreux sont les professionnels,
les chercheurs, qui préparent l’ère de
l’« après pétrole », s’affairant à trouver
et à mettre en oeuvre des technologies
pour remplacer le pétrole. La question
de la maîtrise de la consommation est, en
revanche, peu traitée.
Or c’est une question de bon sens :
l’énergie la plus propre et la moins coû-
teuse est celle que l’on ne consomme
pas. Avons-nous vraiment besoin d’autant
d’énergie ? N’y a-t-il pas d’autres maniè-
res de s’organiser dans la vie au quotidien
pour en dépenser moins ? La technologie
ne peut-elle pas permettre d’optimiser son
utilisation ?
L’association Global Chance avait déjà
travaillé dans les années 80 sur un « scé-
nario » fondé sur la maîtrise de l’énergie
et les énergies renouvelables. Plus récem-
ment, l’association NégaWatt a mis au
point un scénario fondé sur une démar-
che en trois temps : la sobriété, l’effica-
cité et les renouvelables. Ils ont réalisé
ainsi un travail important de quantification
des économies possibles d’énergie par la
sobriété et l’efficacité, qu’ils ont appelées
les « NégaWatts », ainsi qu’une évalua-
tion de la production potentielle des renou-
velables.
LA SOBRIÉTÉ, C’EST 20 % DE
L’ÉNERGIE ÉCONOMISÉE
La sobriété énergétique consiste à sup-
primer les gaspillages. Il s’agit, par exem-
ple, d’acquérir ou d’acquérir à nouveau
des réflexes aussi élémentaires que de
mettre un couvercle sur la casserole d’eau
qui chauffe (190 W contre 720 W sans
couvercle !), ou de dégivrer son freezer
ou congélateur dès que la couche de givre
atteint 3 ou 4 mm (5 mm de givre entraî-
nent une surconsommation de 30 %).
NégaWatts ne signifie pas vivre comme nos ancêtres.
Dans la maison, régler le chauffage à 15°
C pour la nuit et 19° C en journée est lar-
gement suffisant, et en plus profite à la
santé... En faisant ses courses, la sobriété
consiste à choisir les produits les moins
coûteux en énergie, c’est-à dire les pro-
duits locaux et de saison, les produits qui
ont peu ou pas d’emballage, etc.
Pour faire les bons choix, il suffit de s’in-
terroger : comment ont-ils été fabriqués ?
D’où viennent-ils ? Comment sont-ils con-
ditionnés ?
Dans nos déplacements, nos besoins
peuvent être réduits considérablement en
organisant intelligemment l’espace (urba-
nisme), en ayant recours au télétravail, au
co-voiturage, en choisissant les transports
photos.com
collectifs et les transports doux (vélo, mar-
che) plutôt que la voiture.
L’EFFICACITE, C’EST 35 % D’ÉCONO-
MIE D’ÉNERGIE
L’efficacité énergétique vise à réduire
les pertes. Le potentiel d’amélioration de
nos bâtiments, de nos moyens de trans-
ports et des appareils que nous utilisons
est en effet considérable : il est possi-
ble de réduire d’un facteur de 2 à 5 ces
consommations d’énergie et d’économi-
ser aussi beaucoup de matières premiè-
res, à l’aide de techniques déjà largement
éprouvées.
En matière de carburants, nous pour-
rions atteindre une consommation
moyenne de 3,3 litres aux 100 km, con-
tre 7,6 litres en 2000, pour le parc de voi-
tures. Techniquement, nous savons dès
aujourd’hui fabriquer des véhicules à 3
litres aux 100 km. Le transport des mar-
chandises pourrait être reporté vers les
solutions les plus performantes : rail, voies
fluviales, cabotage et le transport aérien
vers les transports ferroviaires pour les
trajets de moyenne distance.
En matière d’électricité, les équipe-
ments actuels les plus énergétivores
pourraient être renouvelés : le potentiel
d’économies sur les appareils, en fonc-
tionnement et en veille est considérable.
Par exemple, « sur un modèle courant de
réfrigérateur, 86 % des pertes d’énergie
proviennent des déperditions de chaleur
par les parois, 10 % sont dûs au refroi-
dissement des aliments et 4 % seule-
ment aux infiltrations d’air et à l’ouverture
des portes. Remplacer un vieil appareil
sans attendre qu’il tombe en panne par
un modèle très bien isolé, de classe A ou
B, s’avère donc un choix très vite gagnant,
divisant par deux ou trois la consommation
1
d’énergie ».
Dans l’habitat, c’est dès la conception
qu’il faut agir pour être plus efficace et
abaisser la consommation à 29 KWh/ m²/
an à confort égal, contre 100 actuellement.
Un vaste programme de rénovation ther-
mique des logements existants permettrait
de diviser les besoins énergétiques pour la
production de chaleur par 3 ou 4 (actuel-
lement environ 180 KWh/m²).
La consommation moyenne d’eau
chaude sanitaire, pourrait être ramenée
à 30 litres par jour et par personne, au
lieu de 50 litres aujourd’hui, par la géné-
ralisation d’équipements simples tels que
les réducteurs de pression, les douchettes
à turbulences, tout en améliorant le rende-
ment des équipements.
L’ÂGE DE FAIRE
www.lagedefaire.org
1
Source : La maison des NégaWatts
La Grande Époque ● 1 – 15 MARS 2009
SHEN YUN – DIVINE PERFORMING ARTS à Paris
Marie-Sylvia Manuel :
« La qualité et la délicatesse »
MARIE-SYLVIA Manuel, comédienne et met-
teur en scène, professeur d’art dramatique,
présidente de la compagnie Mascarille, qui
avait déjà vu le spectacle Divine Performing
Arts l’an dernier, est à nouveau revenue cette
année. « Ce sont des sentiments qui revien-
nent, c’est-à-dire l’émerveillement, la beauté,
l’admiration devant tant de travail, devant tant
de netteté, devant tant de beauté », a-t-elle
conclu à la sortie du spectacle le 1er mars
2009. « C’est magnifique ».
Le spectacle de cette année a aussi été une
découverte pour elle : « Les ballets sont nou-
veaux, les couleurs sont différentes, les histoi-
res sont différentes ». En effet, le spectacle de
Divine Performing Arts a offert aux spectateurs
des œuvres nouvelles cette année, créées
avec autant de beauté que les années pré-
cédentes. Pour Marie-Sylvia Manuel, « l’émer-
veillement est toujours le même ».
En ce qui concerne la danse, « on retrouve
toujours la touche de Divine Performing Arts,
c’est à dire la qualité et la délicatesse », a-
t-elle poursuivi, et côté qualité technique, «
il y a un excellent renouvellement des dan-
seurs et des danseuses, tous ont des bases
extraordinaires de danseurs classiques, clas-
siques pour nos yeux occidentaux, mais
classiques dans le côté chinois et c’est abso-
lument impeccable. J’imagine que s’ils étaient
dans la troupe de l’Opéra de Paris, ce seraient
des danseurs étoile, c’est évident ». Puis, en
comparant avec la culture occidentale, elle a
expliqué : « Au point de vue athlétique, c’était
extraordinaire car tous sont acrobates aussi.
Je crois que dans notre danse classique occi-
dentale, les danseurs sont aussi des athlè-
tes mais évidemment il y a beaucoup moins
d’acrobaties puisque ce n’est pas dans la cul-
ture française même si les danseurs en sont
capables. Et puis aussi cette précision, cette
grâce, et cette gentillesse, toujours le sourire,
toujours la beauté des choses. Et le temps, le
temps, pour faire des gestes magnifiques ».
Parmi des œuvres présentées au spectacle,
Marie-Sylvia Manuel s’est exprimée plus par-
ticulièrement sur la beauté des images de la
danse du phénix mystique et de la légendaire
fleur d’Udumbara.
Quant à la musique qui accompagne la
représentation de Divine Performing Arts,
qui est bien une musique originale créée
spécialement pour le spectacle, Marie-Sylvia
Manuel a été très impressionnée : « L’orches-
tre est superbe, les musiques sont superbes,
très, très belles, très diverses ». Elle a éga-
lement acclamé les chanteurs solistes de la
Divine Performing Arts, en disant qu’il s’agit
« de chanteurs qui ont une voix immense »,
ainsi que la prestation de Xiaochun Qi sur
l’instrument de musique traditionnel chinois,
l’erhu : « La jeune femme qui jouait [du erhu],
c’est très, très beau. J’étais très émue. Elle
était très inspirée et elle a joué avec beau-
coup de tendresse ».
En tant qu’artiste elle-même, Marie-Syl-
via Manuel a ajouté : « J’adore tout ce qui
est musique et danse et à chaque fois que
j’ai le bonheur de faire des spectacles, il y a
toujours des chanteurs ou des musiciens en
direct. Cela vous donne une âme en plus, cela
vous donne quelque chose de magnifique et
justifie le fait que ce soit un spectacle vivant et
pas enregistré ».
« Des beaux spectacles comme cela font
encore plus aimer le spectacle en général »,
a-t-elle conclu.
HANNA L. SZMYTKO
www.lagrandeepoque.com Culture 16
Le pianiste du corps de Ballet de l’Opéra de Paris :
« On nous invite à la spiritualité »
LA REPRÉSENTATION de Divine Per-
forming Arts a été une grande décou-
verte pour le musicien et compositeur
Touve Ratovondrahety. « J’ai été très
surpris, j’ai beaucoup appris ce soir », a
t-il confié le 1er mars à la sortie du spec-
tacle.
Touve Ratovondrahety partage les
tournées mondiales du Corps de Ballet
de l’Opéra de Paris, et exerce sa pas-
sion en des occasions très diverses.
« En même temps que je suis pianiste
à l’Opéra de Paris, je suis aussi orga-
niste dans une église catholique à Paris.
Et ce qui manque un peu dans tout ce
que l’on fait en Occident, c’est de trou-
ver un lien entre ce que l’on fait – mou-
vement, musique – avec la spiritualité.
C’est ce que j’ai un peu découvert ce
soir où les gestes et les notes n’étaient
pas anodins. On nous invite à la spiritua- ce soir, où j’étais vraiment très ému, j’avais la respiration bloquée, je n’osais
lité… ». c’est le duo au piano avec l’instrument plus respirer, c’était très, très beau… ».
« Le plus beau moment que j’ai vécu traditionnel [l’erhu]. Je n’ai pas de mots, A. G.
Roland Dumas à propos de DPA : « On ne pouvait pas faire mieux »
ROLAND Dumas, avocat, ancien minis- dans l’histoire et il y a beaucoup de ten- fin à sa carrière politique, a repris son
tre des Affaires étrangères français et dresse. C’est un spectacle qui est très métier d’avocat et défend par exemple
ancien président du Conseil constitution- bien rôdé, très bien, très bien régi et mis aujourd’hui les intérêts de la famille de
nel, a assisté à la troisième représenta- en place ». l’ancienne égérie d’Yves Saint-Laurent,
tion de la Divine Performing Arts à Paris, Interrogé sur les parties qui l’ont le top-model Katoucha, décédée cou-
le samedi 28 février au soir. le plus touché, le ministre répond : rant 2008.
Celui dont la finesse diplomatique « J’aime beaucoup toutes les allusions Comme les deux précédentes séan-
avait permis d’éviter une guerre entre aux légendes du passé, l’évocation des ces, la représentation du samedi soir
Lybie et Tchad au début des années 80, thèmes humains sur le pardon… C’est de la Divine Performing Arts a été cha-
exprime une sincère appréciation pour très beau. Et puis alors les couleurs ! leureusement applaudie par un public
la performance des artistes de la DPA : Tout cela se marie très bien, on ne pou- venu nombreux au Palais des Congrès
« Le spectacle est superbe, en plus il vait pas faire mieux ». de Paris.
est profond, il va chercher les thèmes Roland Dumas, qui a maintenant mis AURÉLIEN GIRARD

Grasse : l’envoûtement des parfums

Musée International de la Parfumerie
LA PARFUMERIE constitue l’un des plus
importants phénomènes de société, par-
tant de la plus haute antiquité, de toutes
les cultures et civilisations quel que soit
le contexte social, politique et religieux.
Depuis quatre millénaires, elle a donné
naissance à des milliers d’objets façonnés
dans des matériaux précieux ou bien plus
humbles en utilisant toutes les formes de
l’art. Souvenirs de chaque émanation, cha-
que effluve de parfum comme patchouli,
santal, musc, myrte et tant d’autres qui
nous transportent dans des voyages par-
fois jusqu’aux plus lointaines civilisations.
L’histoire du parfum est celle d’une mon-
naie d’échange, d’une protection contre la
maladie, de potions aux vertus divines ou
bien de messages galants. Témoin d’une
société, il est un marqueur historique soit STEPHANE DANNA/AFP
du sens du commerce, soit du sacré ou de Des ouvriers déversent leur
la médecine, soit de la séduction ou bien panier de fleurs de jasmin dans
de l’érotisme dans chaque société. Que PASCAL GUYOT/AFP un extracteur pour en tirer PASCAL GUYOT/AFP
serait alors un monde sans parfum ? Un Un visiteur devant les vitrines de parfums. « l’absolue », l’extrait de jasmin Des visiteurs regardent des
monde sans mémoire. pur, le 27 août 2002 à Grasse. flacons au musée international
CONTEMPORAIN ET PASSÉ des cinq continents dont le fameux « cof- La famille Mul, qui cultive dix de la Parfumerie de Grasse, le
À GRASSE, LE MUSÉE INTERNA- Après quatre années de travaux, il a fret phare » de Marie-Antoinette ainsi que hectares de roses et de jasmin 19 octobre 2008. Ce musée, sur
TIONAL DE LA PARFUMERIE rouvert ses portes en octobre 2008. Sa les publicités de la Belle Époque ou des depuis cinq générations dans la une surface d’exposition doublée
Grasse, capitale mondiale du par- superficie a doublé et offre 3.500 m² par Années Folles. plaine de la Siagne, travaille en et portée à 3.000 m², se présente
fum, mérite bien un musée à la hau- l’annexion de bâtiments mitoyens. Coût exclusivité pour Chanel et plus comme l’unique collection
teur de sa renommée. Créé en 1989, cet total : 11,3 millions d’euros. L’architecte DES NOUVELLES SALLES VONT particulièrement pour le N°5, le publique au monde dédiée à
endroit unique au monde est le berceau Frédéric Jung a été chargé du projet archi- ÊTRE CRÉÉES parfum créé en 1921 par Coco l’histoire des fragrances.
de la parfumerie de luxe dont la France tectural qui s’articule autour d’un rempart De nouvelles salles sont déjà en projets. Chanel.
a été l’initiatrice. Placé au cœur du cen- du XIVe siècle. À l’entrée dans la cour inté- Il est prévu une salle d’exposition tempo- Haute-Provence jusqu’à la Drôme pro-
tre-ville le Musée International de la Par- rieure, les visiteurs sont sous le charme raire climatisée, sécurisée et parfaite- Brigitte Lamielle : Le PASS (Parfums, vençale.
fumerie est un véritable témoignage de d’un hôtel particulier datant du XVIIIe siè- ment éclairée, puis une salle de 80 places Arômes, Senteurs, Saveurs) a été label-
l’histoire internationale technique, esthé- cle (ancien tribunal révolutionnaire en pour les conférences. Un lieu de restau- lisé par le Gouvernement en 2005. Ce LGÉ : Quel est l’enjeu de ce Pôle ?
tique, sociale et culturelle de la tradition 1791) puis d’un bâtiment moderne. Le ration sera ouvert sur le jardin. Deux sal- pôle de compétitivité (PASS) concerne Brigitte Lamielle : C’est tout d’abord
de l’usage des senteurs. Un établisse- jeu de l’architecte a été d’annexer tous les pédagogiques sont attendues pour les uniquement les produits cosmétiques de mettre la Recherche et le Développe-
ment public consacré à la sauvegarde et ces bâtiments en jouant à la fois sur l’an- animations scolaires, ainsi que deux sal- et aromatiques. Il constitue un apport au ment au cœur du programme des entre-
à la promotion du patrimoine international cien et le contemporain, sur les matériaux les pour les animations des ateliers adul- dynamisme économique de la commu- prises, notamment les PME nombreuses
des odeurs, des arômes et des parfums. Il comme la pierre, le fer, l’acier et le verre. tes et enfin une salle d’accueil pour les nauté d’agglomération Pôle Azur Pro- dans les réseaux. Permettre de dévelop-
a été placé au septième rang des musées enfants. À ce jour, le musée propose des vence. Ce pôle de compétitivité concerne per et de diffuser les connaissances les
des Alpes-Maritimes sous la tutelle du UN VÉRITABLE CENTRE DE RES- animations olfactives et gustatives aux l’ensemble des acteurs internationaux du plus adaptées aux obligations de la régle-
ministère de la Culture et de la Commu- SOURCES enfants des écoles, professionnels de la réseau tels que les producteurs d’ingré- mentation européenne présente et future.
nication (55.000 visiteurs par an).Un bon Le Musée International de la Parfume- parfumerie, touristes et étudiants. dients, les industries des parfums et des Puis à plus long terme, bâtir un puissant
départ qui a justifié son extension et sa rie est consacré à l’histoire du parfum et à pôle de recherche de niveau international
arômes, les industriels, les utilisateurs des
restructuration. La Direction des Musées l’évolution de ses techniques à travers les Brigitte Lamielle, chargée de commu- compétences scientifiques et des labora- sur les parfums, les arômes, les saveurs
de France a approuvé le projet scientifi- siècles. Il dévoile toutes les étapes de la nication du Musée International de la toires de recherche. et les senteurs afin d’attirer dans la région
que et culturel du nouveau musée, rédigé création d’un parfum allant de la récolte, Parfumerie a bien voulu répondre à nos PACA, les grands personnages de la cos-
par le conservateur en 1989 par Jean- du traitement des matières premières au questions. LGÉ : Le PASS réunit toute la Pro- métique mondiale.
Pierre Leleux, maire de Grasse. lancement du produit fini. Il dispose d’une vence ou bien plus ? SUZI LOO
collection de 50.000 objets, parmi lesquels LGÉ : Pouvez-vous expliquer ce Brigitte Lamielle : Le PASS s’étend de LA GRANDE ÉPOQUE
EXTENSION DU MUSÉE, CONCILIER des flacons égyptiens, grecs, romains et qu’est le PASS ? Grasse et Sophia Antipolis au pays de la NICE