Вы находитесь на странице: 1из 5

DISSERTATION

Sujet:
On dit qu'Apollinaire fut le dernier élégiaque. Il faudrait ajouter qu'il eut un sens aigu
du monde contemporain et qu'il est un précurseur des formes les plus modernes de la
poésie.

PLAN PROPOSE
Remarques préliminaires: La principale difficulté pour les étudiants réside dans
l'expression "le dernier élégiaque".
"Dernier" est à entendre non seulement au sens chronologique mais également au sens
d'extrême ( le plus haut, le plus grand ).
Le lyrisme ne se limite pas à l'élégie; il existe chez Apollinaire d'autres formes de
lyrisme.
INTRODUCTION
Qu'Apollinaire ait "un sens aigu du monde contemporain" et qu'il soit "un précurseur
des formes les plus modernes de la poésie", cela est évident et incontestable; mais que
cette modernité soit opposée à sa réputation de "dernier élégiaque",cela ne devrait pas
induire une réflexion, très récurrente dans la critique, sur l'harmonisation de la
tradition et la modernité. L'intérêt n'est pas tant dans l'étude de la veine élégiaque en
elle-même que dans la dynamique poétique qui, au contact de la modernité, a
retravaillé l'élégie en la recentrant sur une lyrique puissante à la fois extravartie et
inventive. Les lamentos du Mal-aimé cèdent la place à l'émergence d'un sujet lyrique
conquérant et créateur. Ce dernier entre en possession du monde contemporain non
sans altérer les formes traditionnelles dans la perspective d'un renouvellement des
formes poétiques. Un exorcisme poétique visant à s'arracher à un soi-même trop étroit
opère une ouverture sur l'autre et le monde qui aboutit à la révélation d'un lyrisme
nouveau. Si celui-ci s'exprime d'emblée dans Calligrammes, Alcools en retrace
l'émergence libératrice.
I. DE LA SATURATION ELEGIAQUE A LA CELEBRATION DE LA
MODERNITE
La veine élégiaque initié par le cycle rhénan constitue déjà un renouvellement de
l'inspiration poétique inauguralement hypothéquée par la tentation symboliste. La
poésie triste et tendre dit l'inconstance et le passage, l'amour meurtri et la mort d'abord
sur un fond d'insolite rhénan mais ensuite dans une tonalité plus désespérée dans les
poèmes de la séparation et de l'adieu à l'amour ( "L'Adieu", "La Dame", "La Chanson
du Mal-aimé", "L'Emigrant du Landor Road" pour le cyle d'Annie; "Le Pont
Mirabeau", "Cors de chasse","Le Voyageur", "Marie","Marizibill" pour le cycle de
Marie ). Un imaginaire obsessionnel du passage ( le fleuve qui coule, le train qui
roule, les brebis et les soldats qui s'éloignent, le vent qui entraîne tout etc;) orchestre
la peine amoureuse autour de la figure de la femme infidèle, bientôt incarnant la
"fausseté" de l'amour "devenu mauvais".
Mais l'excellence poétique du lamento atteint un degré de perfection et d'amplification
tel qu'elle finit par arriver à saturation et à mettre à distance le moi lyrique. Une
inspiration verlainienne, voire baudelairienne marque déjà de son empreinte les
poèmes rhénans; les archaïsmes du "Pont Mirabeau" doivent beaucoup à la tradition
médiévale; "La Chanson du Mal-aimé" épuise la plainte à force de la ressasser par le
martèlement incantatoire de cinquante-neuf quintils d'octosyllabes parfaitement
agencés; à cela s'ajoute la prodigieuse surdétermination mythologique qui crée la
fable du Mal-aimé non sans mystification du reste au regard des données
biographiques ( le Mal-aimé est un "mal-aimant"). La perfection formelle du genre
éveille un soupçon d'artifice. Les formes achevées du discours élégiaque instaurent
une distance significative entre l'être et le dire. Marie-Louise Lentengre écrit à ce
propos dans son livre Apollinaire et le nouveau lyrisme :"…l'imagerie traditionnelle
du lyrisme […] est prise en charge par une écriture qui en dénonce clairement la
fausseté en renonçant à la fiction lyrique par excellence: l'identification naïve du
producteur du texte avec son personnage". La fin de l'amour, vécue par Apollinaire
comme une fin du monde, sonne le glas de l'écriture élégiaque. Si Apollinaire est "le
dernier élégiaque", c'est aussi parce qu'il a porté au plus haut degré de perfection un
genre qui a atteint le point de non retour.
Ce n'est pas un des moindres paradoxes de cette lyrique passéiste qu'elle contienne en
germe une propension assez significative aux diverses réalités du monde
contemporain, préparant ainsi la célébration extravertie de la modernité culminant
dans "Zone" et "Vendémiaire" qui ouvrent et ferment le recueil. Bon nombre de
rhénanes sont des scènes de genre: "Mai" évoque le printemps sur les bords du Rhin,
"Schinderhannes" l'histoire d'un bandit exécuté avec sa bande en 1903, "Rhénane
d'automne" "le jour des morts", et le poème-récit ( "La Tzigane","La Synagogue","La
Maison des morts") emprunte toutes ses descriptions pittoresques à la réalité en dépit
de son caratère insolite. Un lyrisme ambiant et non strictemet personnel se fait jour
dans l'évocation d'une faune humaine marginale digne d'amour et de compassion: des
bohémiens sur les routes, des saltimbanques et des arlequins de cirque (probable
transposition aussi de la période bleue de Picasso), des mendiants et des prostituées,
des émigrants dans "l'orphelinat des gares", des solitaires dans la multitude ou
derrière la porte d'"Hôtels" … Ce personnel d'une altérité nouvelle détourne de
l'ipséité morbide sur la base d'une communauté de destin.
Mieux encore, les poèmes de fin d'amour comme "Zone" et " La Chanson" marquent
une adhésion exaltée à la vie moderne:
Soirs de Paris ivres du gin
Flambant de l'électricité
Les tramways feux verts sur l'échine
Musiquent au long des portées
De rails leur folie de machines
Dans "Zone" comme dans "Le Voyageur" et "Vendémiaire", une poésie de l'errance
donne lieu à une sémiologie émerveillée de la modernité triomphante. La tour Eiffel
en est le symbole éminent en raison de sa structure métallique, de sa construction
récente et de son élan ascensionnel. Une humanité active ( les directeurs, les ouvriers,
les belles sténodactylographes", les laitiers) vit au rythme de la ville "industrielle" et
dans la frénésie des "prospectus [des] catalogues [des] affiches qui chantent tout
haut". Redoublant le symbole, l'hymne au vingtième siècle, "vingtième pupille des
siècle", associe dans un même envol l'avion, le Christ et les oiseaux réels ou
mythologiques qui lui font cortège.
Cette fascination exacerbée a pour limites à la fois une boulimie moderniste que trahit
la crainte du vieillissement rapide des nouvelles inventions
(Ici même les automobiles ont l'air d'être anciennes )
et des appréhensions devant l'aspect fantastique voire inhumain des "cités sans soir":
J'aimais les femmes atroces dans les quartiers énormes
Où naissent chaque jour quelques êtres nouveaux
Le fer était leur sang la flamme leur cerveau
J'aimais le peuple habile des machines
Le luxe et la beauté ne sont que son écume
Cette femme était si belle
Qu'elle me faisait peur
"1909
II. LES FORMES MODERNES DE LA POESIE
Dans le tourbillon de la vie moderne, Apollinaire n'aura pas été insensible à une autre
dynamique qui est celle de la création littéraire et des avant-gardes artistiques. En
effet à l'aube du vingtième siècle, une effervescence d'idées et d'écoles témoigne de la
recherche enthousiaste d'un art nouveau. La diversité des moyens de communication
et des discours autorise une créativité illimitée. Apollinaire est également le chantre
de la modernité artistique. Plus que tout autre écrivain, il était partie prenante de
toutes les aventures poétiques et artistiques: naturisme, simultanéisme, unanimisme,
futurisme, fauvisme, cubisme, orphisme etc.
La nudité des indications biographiques et temporelles, la simplicité des confidences
dans "Zone " et " La Chanson" sont d'un naturel poignant:
Dans la cour je pleure à Paris
Les villes évoquées en écho dans "Zone" et "Vendémiaire" disent l'ubiquité
simultanéiste; dans "Vendémiaire", une verve dionysiaque soutient une belle fable
unanimiste: toutes les villes de France et d'Europe offrent leur vin à Paris devenu le
centre de l'univers; un hymne à l'énergie des usines et fabriques aboutit à l'image
futuriste
Nos cheminées à ciel ouvert engrossent les nuées
Comme fit autrefois l'Ixion mécanique
Mais au-delà de ces recherches et expérimentations qu'Apollinaire appelle des ses
vœux mais sans s'y enfermer, l'esprit nouveau qui anime le poète inaugure une
écriture de la discontinuité qui sera le principe fondateur de la poétique moderne. Sans
passer par la terreur et la table rase chères aux dadaïstes et surréalistes, une force de
rupture altère les formes traditionnelles sans pour autant compromettre l' exigence
d'harmonie et d'unité. Un principe de construction-déconstruction préside à
l'élaboration poétique. La facture est souvent composite. Dans bon nombre de
poèmes, les alinéas se succèdent sans transitions; des laisses longues et brèves,
euphoriques et angoissées, prosaïques et hermétiques alternent, soutenues par un
souffle ininterrompu. Des notations simples, des expressions triviales tranchent sur la
solennité des litanies ( "Zone").
La discontinuité des instantanés de la vision de la vision et de la mémoire ( "Le
Voyageur", "Zone" etc.), les enchaînements suscités par le son plutôt que par le sens
("Marie"), l'indétermination des voix ("L'Adieu"), la déconstruction du topo sur le
printemps ( "le mai le joli mai…mais…), la polyphonie déconcertante des poèmes-
conversation mêlant les nouvelles de l'extérieur et les confidences intimes ( "Les
Femmes"), les jeux de mots et les calembours qui dissipent la plainte (" j'ai le cœur
aussi gros qu'un cul de dame damascène"), les raccourcis expressifs ( "soleil cou
coupé", "pupille christ de l'œil") les ambiguités des pronoms ("Marie", "Le
Voyageur", "Zone"), le mélange d'archaïsme et de modernité ("Le Pont Mirabeau"),
tous ces effets de rupture, de contraste et de mélange des tons procèdent d'une
poétique de la surprise à laquelle ajoute l'ignorance simulée de "l'ancien jeu des vers''.
Apollinaire sait manier avec beaucoup de virtuosité les formes traditionnelles de la
versification. En témoignent la divine perfection des quintils d'octosyllabes. Mais il
s'emploie volontairement à brouiller l'ancien jeu des vers en variant les strophes et les
mètres jusqu'à l'informe. Faire d'un vers unique un poème ("Chantre"), transformer un
conte en prose en poème par le simple jeu des alinéas (" La Maison des morts"),
déconstruire un sonnet pour en faire un poème informe de quinze vers ("Les
Colchiques"), opérer des dérèglements dans les rimes ( les vers assonancés de "La
Loreley") et dans la métrique par le mélange des vers réguliers et des vers libres, c'est
ériger la surprise en principe d'écriture poétique et l'incertitude en épistémè moderne.
III."UN LYRISME NEUF"
La libération des formes poétiques témoigne d'abord de la libération du sujet lyrique.
Tourné vers le monde contemporain et l'avenir, le poète laisse derrière lui la troupe
mortifère des femmes fatales. Tel un alcool, le contact brûlant avec la modernité met
en sourdine les sentiments et éveille les sens, le désir. Bien avant l'hymne aux "sens
chéris" qui ouvre Calligrammes, le poème "Cortège'' en appelle aux "cinq sens et
quelques autres" pour créer un droit de préhension conquérante. Mais c'est surtout
avec les poèmes du feu à partir de 1908 (" Le Brasier", " Les Fiançailes", le début de
"Cortège" ) que s'opère l'autographie d'une renaissance et d'un renouveau poétique: le
sacrifice par le feu est initiation; la métamorphose annonce une ardeur créatrice
focalisée sur l'avenir:
Je flambe dans le brasier à l'ardeur adorable
Libéré de la poésie sentimentale rivée sur le passé, le poète découvre grâce à ses sens
ses pouvoirs visionnaires. C'est que les sens lèvent le voile sur des réalités au-delà du
monde sensible:
Comment comment réduire
L'infiniment petite science
Que m'imposent mes sens
[…]
Je voudrais éprouver une ardeur infinie
Monstre de mon ouïe tu rugis et tu pleures
Le tonnerre te sert de chevelure
Et tes griffes répètent le chant des oiseaux
Le toucher monstrueux m'a pénétré m'empoisonne
Mes yeux nagent loin de moi
Et les astres intacts sont mes maîtres sans épreuve
La bête des fumées a la tête fleurie
Et le monstre le plus beau
Ayant la saveur du laurier se désole
Ce désir de renouveau poétique est également exprimé dans "L'Emigrant du Landor
road" où la perspective des "prairies lyriques" d'Amérique a valeur de renaissance
après l'adieu désinvolte à Annie. Advient ainsi un je héroïque qui tend à gommer le
lyrisme personnel. Un élargissement cosmique fait du poète, "voleur de feu" selon le
mythe rimbaldien, un sujet lyrique souverain:
Je n'ai plus pitié de moi
Et ne puis exprimer mon tourment de silence
Et tous les mots que j'avais à dire se sont changés en étoiles
Un Icare tente de s'élever jusqu'à chacun de mes yeux
Et porteur de soleils je brûle au centre de deux nébuleuses
Une épopée du moi transcendant dessine les figures impersonnelles du poète prophète
et de l'enchanteur ressuscité. Dans "Vendémiaire", poème de l'hybris, un sacrifice
unanimiste fait couler dans un mouvement convergent tout le sang et tout le vin de
l'Europe dans "le gosier"d'un poète "ivre d'avoir bu tout l'univers".
CONCLUSION
En dépit de la persistance du passé et de la tradition revisitées, l'engouement pour le
nouveau, au-delà de ce qui est simplement et temporairement moderne, inscrit la
nouveauté dans le transitoire et dans la dynamique d'un devenir toujours autre: " Mon
idéal d'art: mes sens et mon imagination, point d'idéal, mais la vérité toujours
nouvelle". Loin de toute séchresse expérimentale, cette poétique nouvelle allie
sincérité de l'émotion et authenticité de l'invention. C'est que chez Apollinaire, l'art
poétique est en même temps poésie au premier degré. Eu égard à l'intensité du monde
contemporain et à l'effervescence des avant-gardes, le dernier élégiaque en date cède
la place au dernier ( au sens superlatif ) lyrique moderne, le plus accompli, le plus
extrême dans la quête de nouveaux domaines poétiques.

Вам также может понравиться