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B 295
• douleurs d’origine articulaire, mécaniques, localisées localisations sont bien mises en évidence par la tomo-
au niveau des hanches, des genoux, des chevilles, du rachis densitométrie.
ou d’autres articulations, témoignant déjà d’un retentisse- • Les vertèbres lombaires sont plus souvent atteintes que
ment articulaire de la maladie. Elles sont aussi fréquentes les vertèbres dorsales. L’atteinte peut être pluri- ou mono-
que les douleurs osseuses mais répondront moins bien au vertébrale, l’aspect le plus caractéristique est celui de la
traitement ; vertèbre en cadre, liée à l’épaississement des plateaux et
• douleurs d’origine neurologique par souffrance radicu- des murs vertébraux. La vertèbre est hypertrophiée dans
laire, tronculaire ou médullaire, par compression méca- toutes ses dimensions horizontales et tend en revanche à se
nique ou hémo-détournement en faveur des pièces tasser progressivement. La maladie osseuse de Paget peut
osseuses. Ce type de douleurs est rare, observé chez envi- être cause de blocs vertébraux surtout fréquents à l’étage
ron 5 % des pagétiques. dorsal, avec synostose acquise. Ils sont souvent en cause
dans les complications neurologiques avec rétrécissement
2. Déformations osseuses localisées du canal médullaire.
Elles sont très évocatrices du diagnostic mais sont incons- • Au bassin, l’atteinte iliaque est bilatérale dans environ
tantes. 50 % des cas. Le détroit supérieur est souligné par l’épais-
• L’hypertrophie osseuse du crâne – qui peut amener le sissement des corticales. Les ailes iliaques sont évasées. Le
malade à utiliser des coiffures de pointures croissantes – cotyle est densifié avec protrusion acétabulaire fréquente.
porte surtout sur les bosses frontales et les pariétaux. Le • Les os longs, sont le siège d’un élargissement et de l’in-
massif facial est rarement atteint, mais peut entraîner une curvation des fûts diaphysaires, et on note la présence fré-
hypertrophie faciale, des problèmes dentaires et, au stade quente d’un V ostéolytique marquant le front de progres-
extrême, une leontiasis ossea. L’hypertrophie crânienne sion de la maladie et de fissures étagées de la corticale
s’accompagne souvent d’une nette dilatation des artères convexe. Elles peuvent à l’occasion d’un traumatisme
temporales superficielles. minime se transformer en fractures complètes. La sur-
• Les déformations des membres sont des incurvations arci- veillance radiologique du V ostéolytique est utile pour éva-
formes assez caractéristiques touchant le tibia, déformé en luer l’efficacité des thérapeutiques anti-ostéoclastiques.
crosse à convexité antéro-externe avec épaississement de
la crête tibiale, le fémur, l’humérus, le radius. Scintigraphie osseuse
• Les déformations du tronc sont caractérisées par une C’est un examen initial fondamental pour établir lors de la
cyphose dorsale avec perte de taille, une saillie d’une cla- prise en charge du pagétique la carte des localisations de
vicule, un élargissement du bassin. la maladie. Cet examen a une plus grande sensibilité que
la radiologie, en particulier pour les os plats.
Signes radiologiques L’hyperfixation des marqueurs osseux sur le tissu pagé-
1. Caractéristiques générales tique est intense et peut être évaluée pour les os pairs par
Les radiographies apportent la clé du diagnostic, en révé- la mesure des rapports de fixation entre os sain et os pagé-
lant des aspects très caractéristiques dont l’hypertrophie tique par scintigraphie quantitative. La scintigraphie per-
des pièces osseuses, élément le plus spécifique du dia-
gnostic radiologique. Elle doit être recherchée avec soin,
en cas de doute, par mensuration comparative avec les os
pairs ou adjacents non pagétiques. Les autres caractéris-
tiques radiologiques générales sont les anomalies de struc-
ture et de densité. Un épaississement des corticales et une
densification de l’os spongieux induisent une dédifféren-
ciation cortico-spongieuse. Les anomalies de densité
consistent souvent en une radiotransparence excessive au
niveau des zones ostéoclastiques marquant le front de pro-
gression du processus pagétique et laissant place à une
ostéocondensation hétérogène avec travées épaisses enche-
vêtrées de façon désordonnée.
2. Aspects radiologiques suivant la localisation
• L’ostéoporose circonscrite du crâne est une zone radio-
transparente fronto-pariétale ou occipitale asymétrique à
limites nettes correspondant au front de résorption ostéo-
clastique. Elle est peu à peu remplacée par un fort épais-
sissement et une ostéocondensation floconneuse de la
voûte crânienne, les tables n’étant plus reconnaissables
de la diploé. La base est souvent atteinte avec remanie- 3
Scintigraphie osseuse chez un pagétique ayant des atteintes
ments condensants des rochers et convexobasie par refou- des omoplates, du sacrum, du radius droit et des condyles fémo-
lement vers le haut du pourtour du trou obturateur. Ces raux droits .
met d’identifier les foyers pagétiques asymptomatiques qui 3. Autres paramètres biochimiques
seront ensuite radiographiés et de confirmer la nature poly- La calcémie est presque toujours normale, sauf en cas d’im-
osseuse ou mono-osseuse de la maladie osseuse de Paget mobilisation complète chez un pagétique où une hyper-
chez un patient donné. Les formes mono-osseuses repré- calcémie transitoire peut être observée. La calciurie est
sentent selon les séries 5 à 30 % des cas. Elles touchent variable, parfois élevée en cas d’immobilisation ou basse
souvent le tibia, l’os iliaque, le fémur. La scintigraphie en cas d’insuffisance calcique et (ou) vitaminique D. La
osseuse a permis d’observer que les pièces osseuses les parathormonémie peut être élevée (environ 15 % des cas)
plus souvent atteintes sont par ordre de fréquence décrois- du fait d’un hyperparathyroïdisme secondaire induit par
sante l’os iliaque (70 %), le rachis lombaire (60 %), le une demande calcique osseuse non satisfaite souvent asso-
fémur, le rachis dorsal, le sacrum, le crâne (40 %), le tibia ciée à une hypovitaminose D. Le taux de la 25 OH vita-
(35 %), l’humérus, l’omoplate, le rachis cervical, les côtes, mine D sérique est fréquemment abaissé chez les pagé-
le sternum, les clavicules, la face, le calcanéum (10 %), tiques âgés ayant des difficultés locomotrices et exposés à
mais aussi les petits os de la main et du pied (5 %). La mala- l’anhélie. La vitesse de sédimentation est normale.
die ne touche jamais le squelette entier et ne progresse que Au total, les éléments clés du diagnostic positif sont radio-
dans les pièces osseuses déjà partiellement atteintes, sans logiques, scintigraphiques et biologiques. Le diagnostic posi-
s’étendre d’os en os au décours de la vie. tif est en règle facile. Il doit être le plus précoce possible.
La scintigraphie ne doit pas être répétée lors du suivi.
Diagnostic différentiel
Signes biologiques
1. Ostéopathies condensantes
Ils reflètent l’hyperactivité du remodelage pagétique carac-
ou déformantes localisées,
térisé par une augmentation considérable du nombre et de
la taille des ostéoclastes et par une augmentation parallèle multi-osseuses ou mono-osseuses
du nombre des ostéoblastes dont la production quotidienne • Métastases ostéocondensantes des cancers, en particu-
individuelle de matrice osseuse est en outre presque dou- lier du cancer prostatique, ou les localisations osseuses de
blée. Cette surproduction ostéoblastique aboutit à un os la maladie de Hodgkin ; ces lésions n’entraînent jamais
anormal dont l’architecture ostéonique et la texture lamel- d’hypertrophie des pièces osseuses.
laire sont désorganisées, ce tissu osseux étant de ce fait • Dysplasie fibreuse des os, poly-osseuse ou mono-osseuse,
anormalement fragile malgré l’ostéocondensation. isolée ou incluse dans un syndrome de McCune Albright
(taches café au lait, puberté précoce ou autres endocrino-
1. Hyperactivité ostéoblastique pathies) ; elle peut hypertrophier les pièces osseuses qui
Elle se traduit par une élévation souvent importante des paraissent soufflées mais ont des corticales minces. Elle se
phosphatases alcalines sériques totales où la phosphatase complique surtout de fractures. Elle n’entraîne qu’une élé-
alcaline spécifique osseuse ne participe que pour moitié vation modérée des marqueurs biochimiques du remode-
environ. Le taux des phosphatases alcalines sériques totales lage et une hyperfixation scintigraphique plus faible que
est proportionnel à l’étendue de la maladie dans le sque- dans la maladie osseuse de Paget. En cas de doute la biop-
lette et ce taux peut demeurer normal en cas d’atteinte sie osseuse tranchera, montrant une invasion massive des
mono-osseuse. Dans cette situation le dosage de la phos- espaces médullaires par une fibrose dense et tourbillon-
phatase alcaline osseuse peut être utile pour le suivi théra- nante ainsi que des plages d’os tissé.
peutique. Le résultat des phosphatases alcalines sériques • Ostéite hypertrophiante du SAPHO (syndrome acné –
totales est exprimé en unités internationales mais les valeurs pustulose – hyperostose – ostéite), ostéomyélite chronique,
de référence varient beaucoup d’un laboratoire à l’autre en syphilis osseuse.
raison de l’hétérogénéité des trousses de dosage. Le taux • Angiome vertébral, marqué par une trabéculation verti-
sérique de l’ostéocalcine n’est qu’inconstamment aug- cale épaisse mais sans hypertrophie du corps vertébral.
menté et n’a pas d’utilité pratique.
2. Ostéocondensations diffuses
2. Hyperactivité ostéoclastique La fluorose squelettique, les ostéopétroses, la myélofibrose
Elle se traduit par une élévation de l’hydroxyprolinurie et la dysplasie cranio-métaphysaire, n’ont pas de similitude
totale et des nouveaux marqueurs urinaires de résorption avec les aspects localisés de la maladie osseuse de Paget.
plus spécifiques et plus sensibles. L’hydroxyprolinurie, En cas de doute, la biopsie osseuse retrouvera les carac-
mesurée soit sur les urines de 24 heures, soit sur les urines téristiques histologiques de la maladie de Paget : désorga-
du matin (2 heures) après 48 heures de régime sans géla- nisation de l’architecture ostéonique, texture lamellaire
tine et exprimée par gramme de créatinine urinaire est en anarchique, multiples ostéoclastes polynucléés, hyper-
général fortement augmentée, avec là aussi des taux pro- ostéoblastose, hypervascularisation médullaire.
portionnels à l’étendue de la maladie. Elle peut cependant
être normale dans les formes peu étendues où les dosages
de pyridinolinurie et des peptides C- et N-terminaux du
Évolution
collagène paraissent intéressants. Elle est lente, s’étalant sur des années, marquée par la pro-
Ces deux types de marqueurs doivent être évalués tous les gression des lésions dans les pièces osseuses atteintes, l’ap-
6 mois lors du suivi thérapeutique. parition de symptômes au niveau de foyers jusque-là latents
3. Complications neurologiques
Elles sont secondaires aux atteintes crânienne et rachi-
dienne.
• Une hypoacousie est observée chez environ un tiers des
patients ayant un Paget du crâne. Elle est souvent bilaté-
rale et lentement progressive, totalement irréversible mal-
gré le traitement. Il s’agit d’une surdité à la fois de per-
ception et de transmission. La compression ou l’étirement
des nerfs optiques ou olfactifs sont exceptionnels. L’im-
pression basilaire peut entraîner une hydrocéphalie à explo-
rer par tomodensitométrie et surtout imagerie par résonance
4 magnétique nucléaire (IRM). Les syndromes cérébelleux,
Évolution en 24 ans d’une maladie de Paget iliaque non pyramidal bilatéral, cordonal postérieur sont encore plus
traitée vers une coxopathie pagétique très invalidante. rares.
• Les atteintes rachidiennes peuvent entraîner des com-
pressions radiculaires (sciatique, cruralgie, névralgie inter-
et surtout de complications souvent très invalidantes dont costale) mais surtout médullaires et de la queue de cheval.
la prévention est un objectif essentiel à long terme de la Les souffrances médullaires compliquent surtout les loca-
thérapeutique. lisations dorsales de la maladie osseuse de Paget. Elles
entraînent des signes pyramidaux, une dissociation albu-
Complications mino-cytologique, une compression à limite nette sur la
myélographie ou l’imagerie par résonance magnétique.
1. Arthropathies Il s’agit soit d’une striction mécanique d’origine osseuse
Elles sont les plus fréquentes, touchant particulièrement la ou veineuse, soit d’une ischémie médullaire par hémodé-
hanche et le genou où elles entraînent des symptômes et tournement au profit des zones osseuses. Ces symptômes
des atteintes du cartilage voisines de celles des arthroses. peuvent régresser rapidement après bisphosphonates intra-
veineux qui doivent toujours être administrés avant de dis-
Au niveau de la hanche, il s’agit presque toujours d’une
cuter une laminectomie.
coxopathie pagétique comportant un enraidissement dou-
loureux et un pincement de l’interligne articulaire surtout
4. Dégénérescence sarcomateuse
interne. Elle est favorisée par la protrusion acétabulaire et
la coxa vara. Parfois l’enraidissement douloureux n’est pas Elle est rare mais très grave. Elle s’observe selon les
dû à une altération de l’interligne mais à l’hypertrophie du auteurs chez 1,5 à 10/1 000 des pagétiques. Elle touche
trochanter qui en abduction vient buter sur la région sus- le plus souvent l’humérus, le fémur, le tibia, l’os iliaque,
cotyloïdienne. le crâne. Elle se révèle par l’apparition de douleurs
L’arthropathie pagétique du genou est plus rare que la coxo- intenses, d’une tuméfaction, d’une fracture spontanée,
pathie avec arthrose fémoro-tibiale interne secondaire au d’une augmentation de la vitesse de sédimentation. Les
genu varum créé par les incurvations tibiale ou fémorale. radiographies montrent une image ostéolytique avec rup-
D’autres arthropathies pagétiques peuvent être observées ture précoce de la corticale. La biopsie osseuse, rapide-
au niveau de la tibio-tarsienne, du coude, du poignet, de ment pratiquée, va montrer dans les deux tiers des cas un
l’épaule. sarcome ostéogénique, plus rarement un fibrosarcome,
exceptionnellement un chondrosarcome. Ils se compli-
Au niveau du rachis les déformations des corps vertébraux
quent rapidement de métastases surtout pulmonaires, avec
favorisent les discopathies et l’arthrose interarticulaire pos-
une survie moyenne inférieure à 12 mois, malgré la chi-
térieure lombaire.
rurgie d’exérèse ainsi que la radiothérapie ou la chimio-
2. Fractures sur os pagétique thérapie auxquelles ils sont peu sensibles.
Elles s’observent avec une prévalence de 5 à 20 % selon 5. Complications vasculaires
les séries. Il s’agit de fractures diaphysaires transversales
Elles ont été imputées à la maladie osseuse de Paget : aug-
avec souvent gros déplacement, parfois annoncées par des
mentation du débit cardiaque avec insuffisance ventriculaire
fissures de la convexité diaphysaire. Elles touchent surtout
gauche, surtout dans les maladies osseuses de Paget multi-
le fémur, un peu moins souvent le tibia ou l’humérus. Le
osseuses, fréquence accrue de la médiacalcose artérielle.
traumatisme causal est en général très modéré et peut être
absent, une fracture spontanée pouvant révéler une mala- Évolution sous traitement
die osseuse de Paget jusqu’ici méconnue ou pouvant être
secondaire à la dégénérescence sarcomateuse d’une mala- Les douleurs osseuses et le risque de complications sont
die osseuse de Paget connue. La consolidation se fait le très favorablement influencés par les traitements anti-ostéo-