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S A P E U R

Sommair e
N° 4
ÉDITORIAL du Général CHINOUILH commandant l’ESAG ................................................................ 3
Mai 2004

ÉTUDES ET PROSPECTIVE

Revue de fonction opérationnelle AGESTER 2004 .......................... LCL (TA) SCHMITT ...... 7

Politique d’équipement du domaine « aide au déploiement » ...... LCL FOUILLAND .......... 11

Mobilité : concept, doctrine et politique d'équipement français ...... COL MARTIGNY .......... 15

Quelles évolutions pour le génie de l'air ? .............................................. COL BILBAULT .............. 19

Sécurité et sauvegarde : mission et enjeu .............................................. LCL BEAUBIÉ .................. 23

SAPEUR DOSSIER : SAPEUR, L'HOMME AU CENTRE D'UN SYSTÈME

Revue d’études Sapeur, l’homme aux commandes ............................................................ GAL CHINOUILH .......... 29
du génie militaire français
publiée par la direction
La brigade du génie, simple affaire de spécialistes ........................ GAL DORANGE ............ 33
des études et de la prospective
de l’école supérieure
et d’application du génie Interview du général commandant la 9e BLBMa ................................ GAL THONIER ................ 39
106, rue Éblé - B.P. 34125
49041 ANGERS CEDEX 01 Individu décisif, le sapeur dans le combat en ZUB ........................ COL PARMENTIER ...... 43

Directeur de la publication Le stress du sapeur-pompier dans les interventions


Général Jean-Loup CHINOUILH en zone sensible .......................................................................................................... COL FONTAN .................. 47
Rédacteur en chef
Colonel SIMON Si le service du génie m'était conté ............................................................ LCL LE GALL .................. 53
Rédacteurs en chef adjoints
Capitaine (TA) BOYTAERT Le sapeur-pompier, une école de citoyenneté .................................... CBA ALLAERT ................ 59
Adjudant-chef RENAUD
Impression : PIR ESAG
Dépôt légal à parution Sapeur, l’homme au centre du système de lutte contre les
ISSN en cours
risques technologiques .......................................................................................... CNE MALAGANNE .... 63

Le commandant d'unité du génie : manager ou spécialiste ? CNE CHARDON ............ 65

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S A P E U R

FORMATION

L'application des directives du CEMAT pour l'exercice


du commandement à la division d'application .................................... CEN MERIAU .................. 69

Le mastère spécialisé en travaux et opérations d'infrastructure .. LCL VERDON .................. 71

Évolution de la formation EOD ........................................................................ LCL MILLION-ROUSSEAU 75

Le pont d'appui logistique Mabey-Johnson .......................................... CNE POUILLET .............. 79

Plongeur d'intervention offensive : une spécialité exigeante .... CNE BALLA ...................... 81

L'homme au sein d'un dispositif de formation à distance ........ MAJ GUILBAUD .......... 85

STRUCTURES ET ÉQUIPEMENTS

Les équipements du sapeur .............................................................................. COL NEBOIS .................... 91

Le sapeur de demain, un véritable « système d'arme cohérent » .. LCL de LAPASSE .......... 93

Un nouveau défi : la numérisation de l'espace de bataille .................. LCL GAULT ...................... 95

Première expérimentation du SyACADO ................................................ LCL MAROTTE .............. 99

Le génie français à l'heure de l'OTAN ........................................................ LCL PERRIER .................. 103

LE GÉNIE DANS L'HISTOIRE

Anticipation et valorisation ou les métiers du génie ............................ M. PERNOT ...................... 113

La ville et la guerre .................................................................................................... COL SERVEILLE ............ 117

Yves BOUTIN, sapeur, ingénieur, diplomate et officier CBA GARNIER


de renseignement ...................................................................................................... de LABAREYRE .............. 121

L’organisation du passage de la Bérézina pendant


la retraite de Russie en 1812 ..............................................................................CNE ALLAIRE .................. 127

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S A P E U R

Général
Jean-Loup
CHINOUILH

Éditorial
Dans les trois premières revues « Sapeur », les thèmes abordés nous
ont permis d’évoquer presque toutes les missions traditionnelles,
sujets transverses ou équipements spécifiques du génie. Pour cette
quatrième édition, alors que trop souvent, l’image véhiculée par le
génie s’articule autour de techniques parfois complexes à appréhen-
der ou d’engins spécialisés, il nous est apparu primordial de consa-
crer le dossier central de notre revue d’études à cet élément moteur
du génie, cœur de tous les savoir-faire, seul véritable garant de notre
réussite : le « sapeur ».

Dans son plan d’action, le général CEMAT mentionne ainsi les repères
sur lesquels appuyer notre projet « armée de terre professionnelle
2008 » : « les hommes et les femmes de l’armée de terre, d’active ou
de réserve, militaires ou civils, sont au centre de cette ambition. Leur
épanouissement personnel au sein de la collectivité reste un enjeu
permanent ».

Il en est de même pour le génie, toutes composantes confondues. Ce


sapeur, quel qu’il soit, ingénieur ou technicien, chef ou servant d’en-
gin, constitue bien l’élément central et indispensable du « système »
génie, jouant, avec cette expertise et cette intelligence de situation
qu’on lui reconnaît, les partitions spécialisées indispensables à la
réussite de la mission, tantôt comme chef d’orchestre, souvent en
tant que premier violon, et même comme simple instrumentiste.

Dans l’interview qu’il accorde à notre revue, le général THONIER,


commandant la 9e BLBMa, rapporte un propos qu’il avait tenu pen-
dant un séjour en Bosnie à la tête de son régiment, le 2e RIMa, évo-
quant alors les sapeurs du 6e RG qui renforçaient son unité : « …je ne
vous envie pas, mais je vous admire ! ».

Nous aussi, nous pouvons admirer ces hommes et ces femmes, qui
font sonner au plus juste les accents de nos techniques et de nos
équipements. Tous ensemble, soldats, sapeurs et spécialistes, soyons
fiers de notre professionnalisme, des résultats obtenus jusqu’à pré-
sent et continuons à rechercher la pleine efficacité de nos actions. La
volonté est manifeste, mais elle reste liée au renouvellement « au
juste besoin » de nos matériels majeurs.

le général CHINOUILH
commandant l'école supérieure
et d'application du génie

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Études
et
pr ospective

Revue de fonction opérationnelle AGESTER 2004 ................................................................................................ LCL (TA) SCHMITT .......................................... 7

Politique d’équipement du domaine « aide au déploiement » ............................................................................ LCL FOUILLAND .............................................. 11

Mobilité : concept, doctrine et politique d'équipement français ............................................................................ COL MARTIGNY ................................................ 15

Quelles évolutions pour le génie de l'air ? .................................................................................................................... COL BILBAULT .................................................. 19

Sécurité et sauvegarde : mission et enjeu .................................................................................................................. LCL BEAUBIÉ ...................................................... 23

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Lieutenant-
LA REVUE DE FONCTION
colonel (TA)
Eric
OPÉRATIONNELLE AGESTER 2004
SCHMITT
Why to write a “branch review” ? The aim is to present an overview
of all the actors of Geography, Engineers and NRBC, and submit to
the army chief of staff decisions at the right level.

Saint-cyrien de la promotion The army has to fit her tasks and equipments to a new commitment
Grande Armée (1981-1983), le
context. What are called “digitized forces” will offer high but appro-
LCL (TA) SCHMITT a servi tout
priate technologies combining miniaturization, new materials for
d’abord au 32 e RG à Kehl.
protection and remote assets. These forces, hoped for 2025, will
Commandant de 1989 à 1991 au authorize same performances for further interventions with a redu-
3 e RG la compagnie chargée de ced weight.
l’expérimentation tactique de
l’EBG, il a participé dans ce Some specific effort axes are identified depending of the concerned
contexte à l’opération DAGUET. sub-branch. Two challenges must be conducted by NRBC and
Geography. For the first one, the increasing effectiveness must be
Engagé ensuite dans le cycle achieved in concordance with the delivery of new assets. For the
de préparation au brevet tech- second one, the separation between a future combined component
nique, il est ingénieur civil de in charge of production, and an own army component dedicated to
l’école nationale des ponts et outside operations must be formatted.
chaussées (1995), et suit la sco-
larité du CSEM (109 e promo- Some common issues involve more than one actor of Engineers,
tion), puis du CID (4 e session). Geography and NRBC.
Chef BOI au 3 e RG, puis succes-
At first, an effective common approach between the security and
sivement chef de section et de
combat engineer parties, associating NRBC, has risen. Water supply,
bureau emploi à l’état-major de
la 3 e BM de Limoges, il effectue polluted areas RECCE (ROTA and UXOs) and fire prevention could be
de 1997 à 2001 trois séjours en either shared, or provided on a complementary way.
Macédoine et au Kosovo où il
tient les fonctions de chef G5- The main common issue deals with equipments. Engineers and geo-
Plans, chef du camp de réfugiés graphy didn’t take benefit of the financial part allowed during last
de Stenkovac, et sous-chef opé- two military programs law. The consequence today is that their
rations de la brigade multinatio- materials are obsolete and inappropriate. This situation will be
nale nord. improved if the whole spectrum of programs is achieved as regard
2003-2008 law planning : each sub-branch will be able to provide the
Il rejoint en septembre 2001 le right and coherent but barely sufficient support around 2010-2012.
bureau de conception des sys-
tèmes de forces (BCSF) à As a conclusion, all combat units belonging to Engineers, Geography
l’EMAT, afin de prendre la fonc- and NRBC were, are, or will be involved in fundamental re-organiza-
tion « agencement de l’espace
tions. That means that a five-year stability is highly recommended
terrestre ».
before to move something else.
Il commandera le 31e RG à partir
de l'été 2004. POURQUOI UNE REVUE DE La dernière édition, assortie
d’un relevé de décisions, date de
FONCTION ?
juin 2001. L’accent avait alors été
porté sur les réorganisations
La revue de fonction opération- profondes du génie, de la géo-
nelle (RFO) a pour double objec- graphie et du NRBC afin de
tif de présenter un point de mieux répondre aux besoins en
situation le plus complet pos- opérations : ternarisation des
unités de combat et accroisse-
sible des volets intéressant
ment des capacités d’aide au
l’agencement de l’espace ter- déploiement pour le génie,
restre et de proposer au chef rationalisation de l’emploi des
d’état-major de l’armée de terre moyens de la géographie, adap-
les évolutions qui nécessitent tation des missions aux nou-
une décision de son niveau. velles menaces en NRBC.

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Les technologies nouvelles per-


mettent d’envisager, grâce à la
miniaturisation, l’infocentrage
et les nouveaux matériaux, une
réduction des masses à perfor-
mances égales. Sous l’appella-
tion « forces médianes » seront
associés la possibilité de voir et
d’intervenir plus loin, parfois de
façon téléopérée, et la limitation
au maximum, voire le choix, des
phases de contact, risquées et
délicates.

DES AXES D’EFFORT DIFFÉ-


RENCIÉS
Certains sujets sont propres à
chacun des acteurs de l’AET.
Ces mesures, conduites et de mémento doit être affiné et
pérennes sur plusieurs années, validé, redéploiement du PFM Le défi majeur que doit relever
concernent la totalité des unités outre-mer). le NRBC est la réussite de sa
de l’AET. C’est pourquoi peu de montée en puissance. Il faut
décisions d’évolution sont pro- Le concept d’emploi du DL mul- bien être conscient que si l’ana-
posées dans le document 2004, tiexpertise, associé à son inté- lyse capacitaire conduite en
qui s’attachera plus particulière- gration temporaire au bataillon 2001 a permis de redéfinir le
ment à faire le point sur la mise de renseignement multicapteurs besoin NRBC de l’armée de
en application de ces mesures, (BRM), sera élaboré en 2004. terre, elle a surtout mis en
donner une dimension accrue au exergue un sous-dimensionne-
volet ressources humaines, et UNE ÉVOLUTION INCON- ment ne permettant plus de
présenter les évolutions envisa- TOURNABLE répondre aux exigences d’enga-
gées pour l’armée de terre et, par gement de la France en multina-
conséquence, les axes capaci- L’armée de terre doit adapter ses tional, et au besoin minimum de
taires retenus pour la prochaine missions et ses équipements à protection au profit d’une force
décennie concernant les diffé- la conjugaison d’un nouveau projetée. La création d’un
rentes composantes de l’AET. contexte géostratégique aux RDNBC, décidée par le CEMAT,
situations les plus diversifiées, permettra de répondre partielle-
La composante sécurité a été d’évolutions technologiques ment mais de façon satisfai-
intégrée pour les domaines rele- significatives et de ressources sante aux besoins, en jouant
vant de la compétence du matérielles et humaines de plus notamment sur la non-simulta-
CEMAT. en plus comptées. néité de certains engagements.
Les études et évaluations NRBC
La composante infrastructure, Ce contexte engendre des
qui ont été lancées depuis visent
faisant l’objet d’un contrôle de approches nouvelles de « juste
à mieux cerner l’évolution du
gestion annuel, n’intervient suffisance technologique » et de
domaine face aux nouvelles
dans le document que sous l’as- « technologie différenciée ». La
menaces et missions.
pect contribution aux opéra- première est destinée à
tions. répondre au besoin opération-
nel sans excès de
Le volet prospectif concernant la technologie de
géographie sera évoqué dans la pointe si cette
revue de fonction « renseigne- dernière n’ap-
ment ». porte pas de plus
value dimension-
En préambule, il convient de nante, la seconde
souligner que la totalité des vise à porter l’ef-
décisions majeures prises en fort sur la fonction
2001 ont été mises en applica- majeure d’un sys-
tion dans les réorganisations tème d’armes et
des différentes composantes de non sur la totalité
l’AET. Seuls restent à traiter des de celles qui
points annexes (CMO projection contribuent à l’ef-
intérieure dont le premier projet fet à obtenir.

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S A P E U R

L’interarmisation en cours de la les conditions d’emploi se révè- Il s’ensuit aujourd’hui une


géographie vise à créer un orga- lent complémentaires et non vétusté ou une absence de
nisme à vocation interarmées redondantes est en cours. moyens dont la réalisation a été
(OVIA), placé sous la responsa-
bilité de l’armée de terre, Ces pistes concernent le risque
regroupant la totalité des technologique, le traitement de
moyens de production. L’armée l’eau, la protection incendie et
de terre ne conservera en propre les reconnaissances de zones
que la composante projetable polluées. Une mutualisation
du 28e GG. La géographie contri- d’une partie des formations
bue de façon transverse à satis- associées et une augmentation
faire les besoins de nombreuses des échanges est aussi à l’étude.
fonctions opérationnelles. Le Un groupe de travail piloté par
rattachement organique de la l’EMAT/BCSF explorera en 2004
géographie de l’armée de terre à plusieurs de ces pistes.
la brigade du génie qui est res- prise en compte tardivement, se
ponsable de sa préparation opé- Concernant les ressources traduisant par des besoins sup-
rationnelle, ainsi que son ratta- humaines, le référentiel des plémentaires en ressources
chement pour emploi en opéra- métiers et de la formation dans financières. Si l’ensemble des
tion aux cellules 2D, n’a pas été l’armée de terre (TTA 129) est un programmes et opérations
remis en cause. Il faut souligner outil simple, cohérent et évolutif répertoriés sont réalisés, confor-
que ces choix donnent globale- qui vise aujourd’hui à répondre mément à la LPM 2003-2008, les
ment pleine satisfaction, même aux attentes de ses utilisateurs. forces terrestres disposeront
si parfois ce dernier point est Il optimalise notamment la qua- d’un appui au « juste besoin »,
sujet à controverse. Le rôle des lité de la gestion des ressources mais cohérent, à l’horizon 2010-
acteurs de la géographie sera humaines, en identifiant très 2012 dans le domaine de l’agen-
donc rappelé dans le relevé de clairement les compétences cement de l’espace terrestre.
décisions. indispensables à la fonction En franchissement, les volets
opérationnelle « agencement de tactique et opératif (à l’excep-
l’espace terrestre ». tion du PFM, toutefois en dota-
tion réduite) ne font pas l’objet
Pour des raisons différentes, les de mise en dotation permanente
équipements sont toutefois au de matériels : la politique
centre des inquiétudes com- consiste à former toutes les uni-
munes. tés sur la mise en œuvre du
modèle le plus répandu en opé-
En NRBC, la difficulté majeure rations (Mabey-Johnson), et à
concerne l’intégration en 2008 procéder à son acquisition dans
de systèmes relatifs à la défense un délai de trois mois en cas de
biologique, dont l’emploi reste besoin. En revanche, le franchis-
Pour le génie, la capacité de encore aujourd’hui à préciser, et sement tactique présente
fournir aux forces projetées les la refonte de la décontamina- encore, en dépit de l’acquisition
indispensables experts de la tion, qui n’avait pas été revue du SPRAT, une lacune liée à
composante infrastructure, depuis la guerre froide. La mon- la vétusté et l’inadéquation
issus du nouveau service tée en puissance des effectifs
constructeur interarmées, doit en outre s’effectuer en har-
demande à être précisée. Enfin, monie avec la livraison progres-
la question récurrente du com- sive des systèmes de déconta-
mandement unique du génie en mination approfondie (SDA).
opérations revient d’actualité.
Pour le génie et la géographie,
DES PRÉOCCUPATIONS les efforts consentis lors des
COMMUNES deux dernières lois de program-
mation militaire, pour doter l’ar-
Tout d’abord, la volonté de rap- mée de terre de matériels de
prochement, exprimée il y a combat performants, n’ont pas
quelques années, entre BSPP, été portés sur cette fonction actuelle du MLF. Un objectif
ForMiSC, DNBC et génie porte opérationnelle. À titre d’état-major décrivant un sys-
ses fruits aujourd’hui par l’émer- d’exemple, la part du génie, en tème léger de franchissement
gence d’une synergie crois- hausse, atteint exceptionnelle- (SYFRAL) sera émis en cours
sante. L’identification des do- ment 3 % en 2003 dans le titre V d’année. Il sera associé à une
maines où, à partir de compé- de l’armée de terre. étude technico-opérationnelle
tences techniques communes, permettant de définir de façon

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S A P E U R

précise le coût d’une telle opéra- La capacité de contre-mobilité ble : les conséquences de l’inter-
tion. La décision de réalisation, de l’armée de terre repose entiè- armisation en cours de cette
associée à la recherche de finan- rement sur le système de spécialité imposent que l’équi-
cements sera prise lorsque ces contre-mobilité réactif SYCO- pement de cette unité soit fourni
éléments seront connus. MORE, qui doit être livré dans et/ou soutenu dorénavant de
les forces en 2011, et offrira une façon différente, sous pilotage
L’avenir du contre-minage gradation dans le type d’obs- direct de l’EMAT/BSA.
repose sur deux opérations. Le tacles à réaliser.
système de déminage rappro- Un nombre conséquent
ché (SYDERA), développé en Pour l’aide au déploiement, l’ac- d’études amont laisse par
coopération franco-allemande cent est mis sur le traitement de ailleurs penser que, sans aller
(dont un démonstrateur est l’eau afin de pallier le retrait des jusqu’à une rupture technolo-
attendu en 2007), permettra vers unités mobiles de traitement de gique, de nombreux procédés
2011 de procéder avec des per- l’eau (UMTE) des RGBIA. vont être finalisés sous peu et
formances accrues à l’ouverture L’objectif est de doter ces der- contribueront de façon efficace
d’itinéraires, la dépollution de niers, en 2005, de moyens légers à une amélioration des perfor-
zones et le désengluement dans un souci d’harmonisation mances pour tous les équipe-
d’unités prises sous des mines avec ceux détenus par la sécu- ments de l’AET.
rité civile.
EN CONCLUSION…
Les équipements du génie com-
bat ont été réduits de façon … il ressort que l’agencement
importante lors des opérations de l’espace terrestre vient de ter-
de ternarisation des RGBIA, miner ou connaît actuellement
dans le triple souci de limitation des réorganisations profondes
des micro-parcs, de plein emploi (interarmisation de la géogra-
des moyens et de juste réponse phie, montée en puissance du
dispersables. Le détecteur de quantitative aux besoins d’ap- RDNBC, ternarisation des régi-
mines portable (DMP) permettra pui. Le seuil minimum est ments du génie et réorganisa-
de détecter tous les objets aujourd’hui atteint, ce qui a tion de la brigade) portant sur
contenant de l’explosif. Ce sys- conduit à prononcer des aban- une période d’environ quatre
tème doit cependant attendre dons capacitaires au lieu d’une années pour chaque compo-
que les technologies candidates réduction répartie sur l’en- sante et aux impacts lourds en
mûrissent. Une capacité com- semble des régiments lors des termes de personnel et de maté-
plémentaire de déminage d’ur- mesures de réorganisation déci- riels.
gence au sein des RGBIA, sous dées en 2003.
l’appellation de « déminage de Une stabilisation de ses struc-
zone d’appui direct », est sou- Le souci majeur de la géogra- tures est maintenant à privilé-
haitable. Sa faisabilité est à phie concerne la livraison de la gier pour une durée de cinq
l’étude. chaîne géographique projeta- années.

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S A P E U R

Lieutenant-
POLITIQUE D’ÉQUIPEMENT
colonel
Rémi
DU DOMAINE
FOUILLAND « AIDE AU DÉPLOIEMENT »

The procurement policy for the “battlefield organisation” function,


which is developed within the Army Staff/Weapon systems, is based
on seven main domains : countermining, river crossing, deployment
support, counter-mobility, combat systems, NRBC and geography.
Saint-cyrien de la promotion
général MONCLAR (1984-1987), As for deployment support, the 2004 procurement policy aims at
le lieutenant-colonel FOUILLAND achieving the procurement plans for operations initiated ten years
est, depuis l’été 2002, officier de ago, mainly in the fields of electric power and field contingency
synthèse de la fonction « agen- deployment support facility.
cement de l’espace terrestre »
au bureau systèmes d’armes de In the medium term (2005-2008), the equipment will have to be adap-
l’EMAT. ted to the new conditions of engagement, according to the following
principles :
Il a auparavant servi au 11 e, 9 e et
• reduce time to procure equipment, by systematically trying to
34 e régiment du génie comme
resort to “off-the-shelf” purchase ;
chef de section et commandant
d’unité ainsi qu’à l’école supé- • limit the life cycle of equipment to 15 years maximum, in
rieure et d’application des trans- order to facilitate maintenance ;
missions en tant que directeur • possibly resort to outsourcing for systems which are not dedi-
d’études du diplôme technique cated to operational tasks.
« électronique-informatique »
(1999-2002). In the long term (2009-2015), equipment will be renewed or redefi-
ned, depending on operational lessons learned and studies still to be
Ingénieur de l’école supérieure carried out.
d’électricité (1997), il a suivi la
scolarité de la 111 e promotion Cet article, qui s’inscrit dans la tion des équipements et de leur
du cours supérieur d’état-major continuité de celui proposé dans environnement au profit des
et de la 6 e promotion du collège la revue SAPEUR n° 3, a pour forces terrestres.
interarmées de défense (1997- finalité de rappeler les princi-
1999). paux objectifs de la politique À ce titre, il élabore le volet « sys-
d’équipement de la fonction tèmes d’armes » de la politique
Il a servi en Bosnie-Herzégovine opérationnelle « agencement de d’équipement de l’armée de
comme assistant militaire du l’espace terrestre » et de la pré- terre (1). Celle-ci décrit principale-
général adjoint de la SFOR et senter de façon plus détaillée ment la période couverte par la
REPFRANCE, de décembre 2000 dans un domaine particulier, politique générale « armée de
à juillet 2001. celui de l’aide au déploiement. terre professionnelle 2008» et
s’inscrit dans une réflexion à
moyen et long termes.

La politique d’équipement de
l’armée de terre se décline en
neuf politiques d’équipement
relatives aux fonctions opé-
rationnelles renseignement :
• C2/simulation ;
• combat débarqué ;
• combat embarqué ;
EMAT ET POLITIQUE D’ÉQUI- • combat indirect ;
PEMENT • défense sol-air ;
• aéromobilité;
La mission majeure du bureau • agencement de l’espace
systèmes d’armes (BSA) de terrestre ;
l’état-major de l’armée de terre • mobilité-commandement.
est d’assurer la mise à disposi-
(1) Qui comprend également un volet « systèmes d’information et de com-
munication » de la responsabilité du BSIC.

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S A P E U R

Situées à la convergence des nouvelles conditions d’emploi projetable (CGP), lui donnant la
aspects opérationnels, finan- des forces tels que l’arme multi- capacité à engager un système
ciers, politiques et industriels, effets de combat en zone cohérent assurant l’acquisition,
ces politiques d’équipement, urbaine (ARMURE) ou le sys- la production, la gestion et la
mises à jour annuellement, ont tème de protection des élé- diffusion des données géogra-
pour objectif d’assurer une ments terrestres (SPECTRE). Il phiques nécessaires à une force
cohérence et une continuité s’agira également de mettre en projetée.
dans la conception, la réalisa- place des « systèmes d’équipe-
tion et l’utilisation des équipe- ments » couvrant l’ensemble LA POLITIQUE D’ÉQUIPE-
ments sur la période 2004-2015. d’un domaine, comme le sys- MENT DU DOMAINE « AIDE
tème global de gestion de l’es- AU DÉPLOIEMENT »
LA POLITIQUE D’ÉQUIPEMENT pace terrestre (SYGOGNE-T), le
DE LA FONCTION « AGENCE- système de déminage rappro- La revue de fonction opération-
MENT DE L’ESPACE TERRESTRE » ché (SYDERA) ou le système de nelle de 2001 définit l’aide au
contre mobilité réactif (SYCO- déploiement comme étant une
Dans ce cadre général, la poli- MORE). mission d’appui général aux
tique d’équipement de la fonc- forces projetées, qui consiste à
tion opérationnelle « agence- Si l’ensemble des programmes participer à l’établissement des
ment de l’espace terrestre » s’ar- et opérations prévus au titre de conditions de vie adaptées à la
ticule selon les sept axes la loi de programmation mili- durée des opérations, au climat
représentatifs des domaines taire 2003-2008 est effective- et aux ressources locales. Elle
majeurs : ment réalisé, les forces ter- comprend, en particulier, les
• le contre minage ; restres disposeront d’un appui actions de déminage, de dépollu-
• le franchissement ; dimensionné « au juste besoin » tion (3), de protection, de rétablis-
• l’aide au déploiement ; mais cohérent, à l’horizon 2010- sement et d’aménagement des
• la contre mobilité ; 2012, dans le domaine de infrastructures opérationnelles.
• les systèmes de combat ; l’agencement de l’espace ter-
• le NRBC ; restre. C’est en effet à cette
• depuis décembre 2003, échéance que les principaux
la géographie. équipements relatifs au système
global SYGOGNE-T seront en
À court terme et à moyen service. Outre les engins génie
terme (2004-2008) d’aménagement (EGAME) et les
engins génie rapides de protec-
La politique d’équipement de la
tion (EGRAP), qui devraient être
fonction opérationnelle « agen-
livrés dans les forces respective-
cement de l’espace terrestre »
ment à compter de 2005 et de
vise à faire effort sur l’appui des
2006, l’horizon considéré corres-
unités au contact. Elle a pour En terme d’équipements, l’aide
pond à la fin de la livraison des
objectif d’accroître les capacités au déploiement s’articule autour
EBG valorisés et au début de
détenues, par la poursuite de quatre volets principaux :
celle des engins génie d’appui
d’opérations d’amélioration des • l’énergie électrique ;
au combat débarqué (EGACOD). • l’eau ;
matériels en service (EFA,
moyens de contre minage…) et • l’aménagement des implan-
l’acquisition d’équipements dis- tations (organisation du ter-
ponibles sur « étagère » ( 2 ) rain, protection et infra-
(engins EGAME et EGRAP du structure opérationnelle) ;
module aménagement protec- • les matériels de travaux
tion du système global de ges- publics et de voie ferrée.
tion de l’espace terrestre…) ou
nécessitant de modestes déve- Étude DCE/ETAS/SYS À court terme (2004), la poli-
loppements, tant en termes de tique d’équipement vise à finali-
délais que de montants finan- 2012 correspond aussi à la fin de ser les plans d’équipements des
ciers (SPRAT). la mise en place des systèmes opérations initiées depuis dix
de pose rapide de travures ans, principalement dans les
À long terme (2009-2015) (SPRAT). Enfin, d’ici à 2009, le domaines de l’énergie élec-
RDNBC devrait terminer sa mon- trique et de l’infrastructure opé-
Il s’agira de moderniser certains tée en puissance et être équipé rationnelle.
équipements majeurs et d’ac- tandis que le 28e GG devrait être
quérir des moyens adaptés aux doté de la chaîne géographique

(2) Acheter « sur étagère » signifie acquérir des systèmes les plus proches possibles d’équipements civils ou dotant les
armées étrangères. L’achat « sur étagère » ne dispense pas d’appliquer les règles relatives aux marchés publics.
(3) Les systèmes d’armes relatifs au déminage et à la dépollution sont traités dans le domaine « contre minage ».

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S A P E U R

À moyen terme (2005-2008), il Quant aux moyens intégrés aux


s’agira d’adapter les équipe- différents systèmes d’armes ou
ments aux nouvelles conditions d’information et de commande-
d’engagement, selon les prin- ment, ils sont pris en compte par
cipes suivants : chacun des programmes
• réduction des délais de réali- concernés.
sation, en recherchant systé-
matiquement l’achat « sur Cette politique spécifique évo-
étagère » ; luera en 2004 pour tenir compte,
Moyens pour « PC déployés par
d’une part, de nouvelles priori-
• limitation de la durée de vie l’armée de terre »
tés souhaitées par le CFAT pour
des matériels à 15 ans maxi-
la répartition des moyens, liées
mum, afin de faciliter la Afin de satisfaire la double
maintenance ; notamment au souci d’autofor-
ambition de la France de pou-
mation des unités et à la montée
• recours éventuel à l’externali- voir être « nation-cadre » dans
en puissance du PC HRF et,
sation, pour les systèmes qui une opération européenne tout
d’autre part, de la réorganisa- en étant en mesure de mener
ne sont pas destinés à une tion de la brigade du génie avec
mission relevant du contrat une opération nationale de
la création d’une compagnie moindre envergure, la définition
opérationnel. « énergie » au 1er RG. des besoins d’équipements des
À long terme (2009-2015), les PC des forces projetées s’est
Moyens « zones vie » appuyée sur le scénario compre-
équipements seront renouvelés
ou redéfinis, en fonction des nant un engagement dans une
Dans le cadre de leur mission opération multinationale de
retours d’expérience opération- d’aide au déploiement, les uni-
nelle et d’études qui restent à 30000 hommes auquel s’ajoute-
tés du génie doivent être dotées rait simultanément un engage-
conduire.
de matériels leur conférant l’ap- ment national de 5000 hommes.
titude à appuyer des modules de
Énergie électrique 150 hommes. L’énergie est four- Les besoins en énergie à desti-
nie par une centrale de 2 x nation des PC déployés par l’ar-
En 1999, l’EMAT a lancé une
80 kW. Les lots de distribution mée de terre sont donc expri-
réflexion globale sur la défini-
permettent d’alimenter chaque més dans le cadre d’un premier
tion de l’architecture des PC de
tente en prises électriques, en engagement, où l’armée de
niveau 1 à 3 et sur l’évaluation
éclairage et éventuellement en terre est chargée de mettre en
des besoins en équipements et
chauffage. Chaque site équipé œuvre un PC de niveau 1, deux
en effectifs associés.
peut héberger de un à trois PC de niveau 2 et quatre PC de
modules de 150 hommes, selon niveau 3, auquel s’ajoute, sur un
En 2001, une politique d’équipe-
le niveau de confort requis. autre théâtre, un engagement
ment relative à l’énergie élec-
trique en a découlé. Elle se fon- national de 5 000 hommes.
À l’horizon 2005 :
dait sur le double objectif de res-
• chacun des 8 régiments du Pour les deux types d’engage-
treindre la variété des matériels
génie de brigades interarmes ments, les PC logistiques sont
et de garantir la sécurité du per-
pourra équiper simultané- associés. Les matériels retenus
sonnel à l’instruction et en opé-
ment 3 sites ; sont des centrales adaptées au
ration.
besoin de chacun des PC.
• les compagnies « énergie »
Constituées de groupes électro-
Cette politique n’englobe pas les de la brigade du génie dispo-
gènes de 45 kW, 80 kW ou
moyens de production et de dis- seront de la capacité d’ali-
400 kW, elles comprennent l’en-
tribution de l’énergie électrique menter simultanément 16
vironnement adéquat de gestion
autres que ceux « d’usage géné- sites.
de la centrale et de distribution
ral », ni les moyens dits « d’in-
de l’énergie.
frastructure », ces derniers étant En complément de ces moyens,
réalisés par la direction centrale une réserve OPEX, immédiate-
L’ensemble des équipements est
du génie. ment disponible et permettant
réalisé sur la période 2002-2005.
l’équipement simultané de
30 sites, sera réalisée.
Eau
La capacité totale correspond Afin de répondre au besoin de
aux besoins d’une force de traiter l’eau en opération exté-
10000 hommes, soit l’équivalent rieure, l'EMAT a décidé, au début
des besoins de deux contrats « des années 1990, de doter l'ar-
5000 hommes » (un conservé en mée de terre d’une panoplie
réserve et un second réparti au complète et cohérente de maté-
sein des unités).

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S A P E U R

riels, à savoir : 2000 appareils nécessaires pour créer, adapter, environ 140 matériels, sont
individuels (AITE, 6 l/h) et maintenir en état les infrastruc- répartis en deux catégories de
630 appareils portables (APTE, tures et réaliser l'aménagement matériels :
200 l/h) à usage exceptionnel des conditions de vie autorisant • travaux ;
(3 jours), 40 unités mobiles de les forces projetées à s'installer • traction.
traitement d'eau (UMTE, 1,5 m3/h et à durer.
ou 30 m3/j) pour eaux salines et En 2004, le renouvellement des
polluées chimiquement ainsi que L'atelier de campagne d’aide moyens de compactage et de
10 matériels de traitement d’eau au déploiement (ACAD), destiné régalage sera achevé. Faisant
modulaires (MATEM), complé- aux régiments du génie des suite à la livraison des char-
mentaires gros débit pour le trai- brigades interarmes et le sys- geuses CASE 821 C, ces opéra-
tement d'eaux faiblement pol- tème d’ateliers de campagne tions vont permettre d’uniformi-
luées en matières organiques (70 d’aide au déploiement opération- ser les parcs et d’améliorer la
à 150 m3/j). nel (SyACADO), destiné à la disponibilité des matériels.
brigade du génie doivent per-
Les AITE et les APTE sont inter- mettre l'exécution de travaux À moyen terme, les acquisitions
dits d’emploi depuis fin 2002, d'aménagement de première en cours permettront de doter le
suite à une campagne de vérifi- urgence, la réhabilitation som- régiment de travaux lourds de
cation qui a mis en évidence que maire des zones vie et de com- capacités nouvelles de prépara-
la qualité des eaux produites mandement. Ils assurent la mise tion des sols, de production et
n’était pas conforme aux à disposition des outils et des de pose de béton.
normes en vigueur. À moyen petites fournitures nécessaires
terme, tout en assurant une aux principaux corps de métiers
veille technologique sur les du bâtiment.
moyens existants, il sera néces-
saire d’acquérir un stock de pré- À l’horizon 2005, le 1er et le 2e RG
caution d’une centaine de sys- seront dotés chacun de
tèmes type AITE, le renouvelle- 4 SyACADO et chaque régiment
ment de moyens type APTE du génie de brigade interarmes
n’étant pas envisagé, compte disposera de 2 ACAD.
tenu de l’existence des UMTE et
des MATEM. Les grues mobiles lourdes, qui
équiperont également les unités
Une étude relative au soutien, vie du train et du matériel, permet-
et environnement des unités pro- tront, à compter de fin 2004 –
jetées (SOVENPRO) est actuelle- début 2005, aux régiments du
ment en cours de finalisation. génie de disposer d’un moyen Enfin, une politique d’équipe-
Elle comprend un volet « eau » et de levage adapté à l’édification ment spécifique aux engins de
pourrait déboucher, à court d’abris modulaires. travaux publics sera initiée en
terme, sur un concept précisant 2004. Elle a principalement pour
notamment les responsabilités et Par ailleurs, une réflexion est objectif de préciser le plan
les circuits de production et de engagée pour faire évoluer, à d’équipement actuel, en distin-
distribution de l’eau au sein des moyen terme, la panoplie des guant le besoin lié au contrat
forces. La politique d’équipe- dispositifs d’organisation du ter- opérationnel du besoin outre-
ment à moyen terme et à long rain et de protection. mer et de celui propre au socle,
terme sera affinée en consé- afin de trouver les voies d’opti-
quence. Quoi qu’il en soit, misation pour l’utilisation et le
l’EMAT a décidé, fin 2003, d’équi- MATÉRIELS DE TRAVAUX soutien du matériel.
per les régiments du génie de PUBLICS ET VOIE FERRÉE
brigades interarmes de moyens
collectifs d’épuration de l’eau Le parc des matériels de travaux CONCLUSION
aisément projetables, afin de publics comprend des équipe-
permettre aux sections d’aide au ments de chantiers et des équi- Domaine éminemment trans-
déploiement de remplir leur mis- pements de travaux voie ferrée. verse, l’aide au déploiement est
sion d’aide au déploiement d’ur- Les équipements de chantier, aussi un domaine complexe,
gence. L’expression du besoin qui représentent plus de compte tenu du nombre d’opé-
est en cours de rédaction. 800 engins, sont répartis en cinq rations à conduire et de leur
catégories de matériels : diversité. L’objectif du bureau
Organisation du terrain, pro- • transport ; systèmes d’armes de l’état-
tection et infrastructure opé- • terrassement ; major de l’armée de terre est
rationnelle • régalage ; d’en maintenir la cohérence et
• compactage ; d’en assurer la continuité.
Les engagements récents sur les • produits noirs et béton.
théâtres d'opérations extérieurs
ont montré le besoin pour le Les équipements de travaux
génie de disposer de moyens voie ferrée, qui représentent

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S A P E U R

Colonel
MOBILITÉ : CONCEPT, DOCTRINE
Serge
MARTIGNY
ET POLITIQUE D’ÉQUIPEMENT
FRANÇAIS

MOBILITY : FRENCH CONCEPT, DOCTRINE AND POLICY OF


Le colonel Serge MARTIGNY est EQUIPMENT
le chef du bureau doctrine à la
direction des études et de la Recent conflicts confirm the validity of the concept and doctrine for
prospective de l’ESAG depuis the engagement of French forces in being since the end of the nine-
l’été 2002. ties ; two operational modes are specified : warfighting and opera-
tions other than war. But they also show, that within the course of a
Saint-cyrien de la promotion single operation and within the same battlespace, land tactical
Grande Armée (1981-83), il sert actions show features of both modes and can occasionally occur
successivement au 71 e RG, au simultaneously. In addition, due to technological advances and the
11 e RG, puis après une forma- emerging digitisation of the battlefield, the potential tempo of opera-
tion à l’ESGM de Versailles, à tions has considerably increased. Maintaining the tactical mobility is
l’EG de Limoges. Admis à therefore one of the keys to successful warfighting operations.
l’EMSST en 1993, il est diplômé However, operations other than war have seen large scale deploy-
ingénieur de l’école nationale ments, with long lines of communication and with consequently
des ponts et chaussées en 1995. complex logistics operations to support them. The freedom of move-
ment of a Land Force and its operational mobility are also important
Breveté de l’enseignement mili- factors in terms of the capability to undertake operations in the long
taire supérieur (109 e promotion term.
du CSEM et 4 e promotion du In 1999 and in 2001, the concept of operations for the French Army
CID), il occupe le poste de chef Engineers and its associated doctrine was re-written to take account
du BOI du 19 e RG de 1997 à of evolving. The new concept has a classic design of close and gene-
1999, puis est affecté à l’état- ral support, but considers the adaptations required to support emer-
major interarmées de planifica- ging concepts. Equally, the new Concept of Operations for the
tion opérationnelle de Creil, où il Sappers led to a revision of equipment procurement policy. This is
est chargé des engagements now articulated round five axes, of which the most important are
multinationaux dans les considered counter mine warfare and crossing operations.
Balkans.
Le concept et la doctrine d’enga- l’émergence de la numérisation
Le colonel Serge MARTIGNY du champ de bataille, le rythme
gement des forces françaises en
prendra le commandement du potentiel de nos propres actions
vigueur depuis la fin des années
19 e RG à l’été 2004. s’est considérablement accru.
90 fixent deux modes opéra-
toires : la coercition de forces et C’est d’ailleurs un des facteurs
la maîtrise de la violence. Les clés de la réussite des opéra-
récents conflits confirment la tions de coercitions de forces, et
validité de ces choix. Ils mon- la mobilité tactique des unités
trent aussi, qu’au sein d’une de combat y concourt de façon
opération, les actions tactiques importante. Mais les autres
terrestres peuvent être emprun- formes d’engagement (maîtrise
tées indifféremment à l’un ou de la violence) ont montré que
les forces étaient également
l’autre mode et peuvent être
déployées sur de vastes théâtres
parfois conduites simultané-
d’opérations et reposaient sur
ment dans une même zone d’ac-
des dispositifs logistiques com-
tion. Pour s’adapter à toutes ces
plexes. La liberté de mouvement
situations et pour tenir compte
d’une force terrestre et sa mobi-
de ses ressources humaines et lité opérative sont aussi des fac-
de ses moyens comptés, l’armée teurs importants de sa capacité
de terre française recherche à mener des opérations dans la
donc l’équilibre entre la polyva- durée.
lence des moyens et la modula-
rité des unités. Le génie français Mobilité tactique et mobilité
n’échappe pas à cette règle. opérative sont donc bien des
éléments essentiels de la réus-
Par ailleurs, en raison des avan- site des opérations terrestres,
cées technologiques et de

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S A P E U R

quel que soit le mode opéra- L’appui aux déplacements (ou


toire, et les études de doctrine mobilité opérative) est ainsi la
menées récemment placent première de ces missions. Il
d’ailleurs celles-ci en tête des s’agit toujours pour le génie de
capacités génériques à détenir maintenir les itinéraires et le
par le génie de l’armée de terre réseau routier nécessaires à la
d’ici 2015. force terrestre, et dans certains
cas de les rétablir. Mais cette
LA MOBILITÉ DANS LE mission doit maintenant être
CONCEPT ET LA DOCTRINE étendue au théâtre dans sa glo-
D’EMPLOI DU GÉNIE balité, s’appliquer également
aux infrastructures lourdes
En 1999 et en 2001, le concept comme les ponts routiers, les
d’emploi du génie de l’armée de voies ferrées ou les canaux et
terre française et la doctrine dans certaines circonstances,
associée ont été récrits pour « Les unités du génie participeront prendre en compte les besoins
directement au combat de contact,
tenir compte de ces évolutions. civils ou humanitaires. Il s’agit
et tout particulièrement dans les
Le nouveau concept s’articule zones urbaines… » aussi de maintenir les plates-
de façon classique autour de formes d’arrivées sur le théâtre
l’appui direct et de l’appui géné- combat de l’infanterie et de (POD), ce qui concourt d’une
ral, mais a bien pris en compte l’arme blindée, l’appui génie aux certaine façon à la mobilité stra-
les nécessaires adaptations. franchissements autonomes ne tégique d’une force interarmées
constituera plus une priorité. La en opérations ; le génie de l’ar-
Dans le cadre de l’appui direct, manœuvre du franchissement a mée de terre y participe égale-
la participation des unités du ment, aux côtés des formations
également évolué, introduisant
génie au combat de contact est des autres composantes (génie
la notion de franchissement
la première des quatre missions de l’air notamment).
sous contrainte qui n’identifie
générales de ce volet. Les évolu-
plus de rive amie ou de rive
tions doctrinales en cours accor-
ennemie, mais une zone d’insé- LES CAPACITÉS À DÉTENIR
dent ainsi une place de plus en
plus importante à l’appui rap- curité de part et d’autre de la ET LES MATÉRIELS FUTURS
proché des unités de combat coupure.
engagées en zone urbaine, La nouvelle définition du
qu’elles soient débarquées ou La mobilité trouve également sa concept d’emploi du génie a
place dans une des trois mis- également conduit à réviser la
embarquées. Pour ce qui
sions du volet appui général. politique d’équipement en maté-
concerne le domaine de la mobi-
lité, il s’agit ici de faciliter la pro-
gression de ces unités, aussi
bien en surface qu’en sous-sol,
que verticalement ou horizonta-
lement dans les constructions,
afin de les amener jusqu’à une
base d’assaut et de la leur livrer
le cas échéant.
L’appui à la mobilité tactique est
la deuxième mission du volet
appui direct. De façon classique,
elle recouvre le dégagement
d’obstacles non minés, les fran-
chissements tactiques des cou-
pures, en premier ou en
deuxième échelon, de façon
continue ou discontinue, ainsi
que certaines actions de contre
minage comme la détection de
la menace mines, l’ouverture
d’itinéraire ou le bréchage. En
revanche et en raison de la perte
progressive des capacités
amphibie ou de submersion des Futur engin génie d’aide au combat débarqué (2012), particulièrement
futurs matériels majeurs de adapté à l’appui en zone urbaine

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S A P E U R

riels. Cette dernière est aujour- à partir de 2009. Pour appuyer la Sur le long terme, l’effort sera
d’hui articulée selon cinq axes, progression des unités de chars mis sur les capacités de détec-
dont les deux premiers par LECLERC, le génie sera égale- tion de la menace mines (pro-
ordre de priorité sont le contre ment prochainement doté (pre- gramme franco-allemand por-
minage et le franchissement. À mières livraisons à partir de tant sur un système de démi-
court et moyen termes (environ 2007) d’un nouveau système de nage rapproché SYDERA) et sur
2004-2008), cette politique vise à pose rapide de travure (25 m) la définition des nouveaux sys-
adapter les matériels existants, SPRAT qui succèdera au pont tèmes de combat : engin génie
à procéder à des achats « sur automoteur d’accompagnement d’appui aux blindés et nouveau
étagère » ou à des achats de datant des années 1970. Le pon- char de brèchage.
matériels nécessitant de tage fixe est quant à lui aujour-
modestes développements. Le d’hui réalisé avec des matériels Pour ce qui concerne enfin l’ap-
long terme (environ 2009-2020) de type Bailey ou Mabey- pui aux déplacements (mobilité
verra le remplacement des équi- Johnson. Une étude portant sur opérative), l’essentiel des
pements de combat du génie d’autres systèmes de ponts engins de travaux routiers et de
actuels par de nouveaux sys- lourds (brèches de 25-35 m, travaux lourds seront renouve-
tèmes d’équipements couvrant classe 95-100) sera menée à lés par des achats « sur éta-
l’ensemble d’un domaine opéra- long terme, ainsi qu’une étude gères ».
tionnel (appui au combat, appui portant sur des systèmes d’in-
aux déploiements, appui à la terface entre matériels alliés. CONCLUSION
protection).
Le nouveau concept d’emploi du
Les matériels actuels de contre génie a maintenant presque
En matière d’appui à la progres- minage dédiés à la mobilité cinq ans. Sur le plan de la mobi-
sion en zone urbaine, des lots (détecteur individuels et embar- lité, les engagements et conflits
d’équipements spéciaux ont été qués, char de bréchage, sys- récents confirment les choix
définis et vont équiper les unités tème d’ouverture d’itinéraires doctrinaux effectués, les
du génie à partir de 2006 : lots minés) seront régulièrement besoins identifiés et la politique
d’aide aux franchissements ver- modernisés en fonction des d’équipements en matériel qui
ticaux à base de matériel d’esca- technologies disponibles. À par- en découle. Les facteurs mar-
lade ; lots d’outillage spécifique tir de 2006-2007, les unités du quants comme l’action en zone
pour favoriser la circulation génie devraient être également urbaine ou la numérisation sont
horizontale. Le long terme verra dotées d’un système de démi- également pris en compte. La
le développement d’un engin du nage pyrotechnique de mines route semble donc tracée jus-
génie d’appui au combat débar- antichars (SDPMAC) et d’un sys- qu’en 2020 et la politique d’équi-
qué (en coopération avec l’Italie) tème de déminage pyrotech- pement, menée en concertation
spécialement adapté à l’appui nique dédié au franchissement avec d’autres pays européens,
de l’infanterie en zone urbaine des zones minées par les unités doit continuer à être mise en
(nacelle élévatrice, outillages débarquées. œuvre, tout en réagissant aux
spécifiques, lame de dégage- percées technologiques.
ment, etc.). L’appui au combat
des blindés est pour sa part
assuré par l’actuel engin blindé
du génie datant des années
1990. Sa fiabilisation est en
cours et sa version revalorisée
devrait équiper les unités à par-
tir de 2006, de façon à ce qu’il
soit mieux adapté à l’appui du
char LECLERC. Son successeur
sera étudié à partir de 2009.

Pour les franchissements tac-


tiques, le besoin de s’affranchir
des coupures jusqu’à 25 m et de
franchir rapidement des cou-
pures jusqu’à 50 m est main-
tenu. Les matériels en dotation
(engin de franchissement de Système de déminage pyrotechnique de mines antichars
l’avant et pont flottant motorisé) qui devrait équiper le génie à partir de 2006-07
couvrent aujourd’hui ces
besoins jusqu’au moyen terme ;
leurs successeurs seront étudiés

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S A P E U R

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S A P E U R

Colonel
QUELLES ÉVOLUTIONS
Bernard
BILBAULT
POUR LE GÉNIE DE L'AIR ?
The 25th Airfield Engineers Regiment is an air force Batattalion tailo-
red for projection, subordinate to the Central Directorate of the Air
Force infrastructure even if the main part of personal is coming from
the Army. It is to contribute at all times and anywhere to maintain
the Air Force aeronautical infrastructure in operational condition.
Le colonel Bernard BILBAULT
est adjoint terre au général com- For fives years, it has coped with several disbandment of units in
mandant le génie de l’air depuis order to adapt its format and capacities to new missions and require-
l’été 2002. ments of overseas operations.

De 1997 à 2002, il a servi à


l’ESAG, en tant que directeur de La dissolution de la 5e compa- frastructure verticale incombant
la formation combat, directeur gnie opérationnelle du génie de aux deux compagnies régio-
de la DEP, et directeur général l'air (COGA) de Toul constituera nales d'infrastructure (CRI) de
de la formation. en 2004 une simple adaptation l'armée de l'air, l'emploi en
du format du génie de l'air à temps de paix de ces deux uni-
Il a commandé le 10e RG, sta- celui de l'armée de l'air. Des tés relevant toujours des
tionné à Spire de 1996 à 1997. avancées plus significatives régions aériennes. À cet effet,
vont cependant marquer le elle voit créer en son sein un
génie de l'air ces prochaines bureau planification conduite
années. (BPC), correspondant direct de
l'état-major opérationnel air
En effet, les retours d'expé- (EMO- AIR), composé de person-
rience des opérations exté- nel des deux armées.
rieures, auxquelles le génie de
l'air participe régulièrement DOCUMENTATION OPÉRA-
depuis plusieurs années,
TIONNELLE
conduisent à de nombreuses
évolutions ou réflexions qu'il Anticipant sur l'approbation de
paraît utile de rapporter ici. cet arrêté, le directeur central de
l'infrastructure de l'air (DCIA) a
ORGANISATION GÉNÉRALE mis la sous-direction dans sa
nouvelle posture dès l'été 2002.
Un nouvel arrêté portant organi-
sation de la direction centrale de Cette disposition a permis, dans
l'infrastructure de l'air vient le domaine des études doctri-
d'être approuvé. Si le propos nales, d'élaborer sans plus
n'est pas ici d'en livrer la teneur, attendre un nouveau concept
il convient que soit signalée une relatif à l'emploi des unités d'in-
évolution d'importance concer- frastructure en opérations.
nant l'une de ses sous-direc-
tions. Restant dans l'esprit du concept
d'emploi du génie, et tournant
En effet la sous-direction du résolument la page de la répara-
génie de l'air (SDGA) prend, à tion rapide de piste adaptée au
compter de l'été 2003, l'appella- scénario 6 du livre blanc, il vise
tion officielle de sous-direction à définir le soutien attendu des
du génie de l'air et de l'infrastruc- unités d'infrastructure au profit
ture en opération (SDGA-IO). des forces aériennes de réaction
immédiates (FRI), de réaction
Cette nouvelle appellation rapide (FRR) et à temps (FAT),
marque le fait que la sous-direc- sur au maximum trois bases
tion a dorénavant la plénitude aériennes projetées allant, pour
du volet infrastructure en opéra- ne prendre que les cas
tions, qu'il s'agisse de l'infra- extrêmes, de la base OTAN à la
structure horizontale mettant en base partiellement endomma-
œuvre les unités du 25e régi- gée.
ment du génie de l'air et de l'in-

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S A P E U R

Ce concept n'exclut pas les mis- la réalisation de parking avions, minimale (POM) et de la surface
sions particulières entrant dans de la protection, etc. opérationnelle minimale aéro-
le soutien aux autres armées, nautique (SOMA).
comme ce fut le cas au Kosovo, D'ores et déjà ont été abandon-
et les actions civilo-militaires. nées les procédures d'acquisi- Par ailleurs, la multi-fonctionna-
tion de matériels aéro-transpor- lité de certains engins de tra-
Approuvé par l'état-major de tables par C 130 et C 160, car il vaux publics est recherchée.
l'armée de l'air, la rédaction du convenait d'éviter, dans le cadre Ainsi est-il envisagé de se doter
document de doctrine qui en de l'obsolescence de ces appa- d'un engin TP existant sur le
découle est amorcé. Il permettra reils et de l'arrivée de l'avion marché et sur lequel, outre les
d'affiner les capacités requises A 400 M, la constitution de outils classiques, peuvent
en OPEX dans les domaines du « micro-parcs de micro-parcs ». s'adapter un sur-blindage, un
déploiement d'urgence, de outil de dépollution (type rou-
l'aide au déploiement et du sou- Par ailleurs, la traditionnelle leau) et un poste de tir pour
tien au stationnement. Il s'agira méthode de réparation rapide la destruction de munitions.
en quelque sorte d'adapter le de piste évoquée supra est Sa mission terminée, l'engin TP
concept camp 1000 h à celui de remise en cause, car totalement peut alors se consacrer aux tra-
la base aérienne projetée. inadaptée à la projection en rai- vaux de réfection de piste. De ce
son des volumes considérables fait, le VIB de reconnaissance-
à transporter (automatisme et dépollution n'aurait plus à être
CAPACITÉS
techniques nouvelles [ATN], projeté.
Aux missions traditionnelles citernes chauffantes, « big
actuelles de maintien ou de réta- bags » de ciment, matériaux
blissement des infrastructures calibrés, etc…).
aéronautiques (pistes taxiways
et bretelles d'accès) et celles
connexes de reconnaissance- ÉTUDES TECHNICO-OPÉRA-
dépollution et d'organisation du TIONNELLES (ETO).
terrain s'ajoutent maintenant
des capacités à acquérir en Les études technico-opération-
matière de dépiégeage (accès à nelles actuellement en cours
une tour de contrôle par visent à répondre aux nécessités
exemple), de traitement de de la projection et de la réduc-
l'eau, d'élimination des déchets, tion des coûts de transport.
de fourniture d'énergie, de
Le nouveau système de répara- INSTRUCTION-ENTRAÎNE-
chauffage et de climatisation.
tion rapide de piste, tapis à base MENT
Au regard de ces capacités, il de fibre de verre, est déjà en
dotation dans certaines armées Si les chantiers programmes tra-
convient de définir les matériels
étrangères. Les gains volumé- vaux neufs ( PTN) et le maintien
les plus adaptés à la projection
triques en terme d'aéro-trans- en condition de l'infrastructure
dans les domaines de la répara-
port sont suffisamment impor- (MCI) constituent le domaine
tion rapide de piste, de la recon-
tants pour justifier l'intérêt de privilégié permettant au génie
naissance-dépollution, de la réa-
l'armée de l'air. Ce procédé est de l'air d'assurer la formation de
lisation d'abris pour avions, de
déjà envisagé dans le cadre son personnel à l'entretien et à
hangars de maintenance et de
d'une ETO « piste projetable ». la réparation des pistes et de
structures d'hébergement, du leurs accès, le site de l'ancienne
durcissement des infrastruc- b a s e O TA N d e V o u z i e r s -
tures existantes, du traitement En complément est étudiée la
réalisation d'un béton fibré Séchault (08), permet d'effec-
des eaux et des déchets, de l'ap- tuer le contrôle opérationnel des
provisionnement en énergie, de offrant des caractéristiques
mécaniques identiques aux pro- compagnies du 25 e RGA.
duits utilisés dans les « big-
bags » de ciment, mais à Ce site aux multiples possibilités
volume moindre et utilisable pourrait, si l'armée de l'air le
avec des matériaux tout-venant souhaite, devenir le centre d'en-
pris sur place. traînement « base aérienne pro-
jetée » pour l'entraînement, non
Le drône de reconnaissance seulement des unités d'infra-
devrait permettre de faciliter le structure, mais aussi de la plu-
travail de l'équipe de reconnais- part des grands commande-
sance en déterminant les zones ments et directions de cette
les plus favorables à la réalisa- armée.
tion de la piste opérationnelle

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S A P E U R

INFRA AIR 2010 nécessaires, la création d'une ment encore des formations ou
unité d'infrastructure opération- modules de formation à mettre
La mission dévolue aujourd'hui nelle, l'intégration des CRI, etc., en commun avec cette armée.
à la SDGA-IO est obérée par les autant de domaines qui seront
différentes subordinations des explorés à cette occasion.
unités d'infrastructure. Si les Équipements
compagnies régionales d'infra-
SYNERGIES À l'heure où l'on parle d'interna-
structure, dès qu'elles sont
engagées, sont bien « suivies » tionalisation, il est paraît anor-
Doctrine
par le commandant des forma- mal qu'en interarmées, pour des
tions du génie de l'air, ce dernier L'armée de l'air ne dispose pas besoins identiques (traitement
n'a aucune marge de manœuvre d'un corpus doctrinal du type de l'eau et des déchets, produc-
dans leur préparation opération- CDES/CREDAT. Sans doute y tion d'énergie, capacités d'hé-
nelle du temps de paix, puis- a-t-il de bonnes raisons à cela, bergement, travaux publics
qu'elles sont employées à mais c'est un handicap pour
etc.), les solutions soient
temps plein par les régions l'établissement de doctrines
presque toujours des solutions
aériennes. dont certaines devraient relever
d'armée. Si le génie souffre de
de l'interarmées, notamment
Par ailleurs, nous l'avons vu pré- pour tout ce qui touche à l'aide ses micro-parcs, nul doute qu'en
cédemment, le génie de l'air doit au déploiement et au soutien au mettant en commun ces besoins
être en mesure d'élargir son stationnement. identiques, on puisse en limiter
éventail d'emploi. les effets pernicieux, en particu-
Formation lier dans le domaine des coûts,
C'est pourquoi l'état-major de qu'il s'agisse de l'acquisition, de
l'armée de l'air vient de confier De part la nature des enseigne-
la maintenance ou de la forma-
au commandant des formations ments qu'elle dispense, l'ESAG
tion du personnel. Concernant
du génie de l'air un mandat a pour vocation d'être une école
interarmes, interarmées et inter- ces derniers points, il serait sou-
visant à répondre de façon glo-
bale au concept de base nationale. Il en est ainsi depuis haitable d'apprécier la perfor-
aérienne projetée. Il conviendra de nombreuses années, mais il mance des procédures utilisées
ici de proposer, l'évolution des est encore possible de mieux par les unes ou les autres pour
missions et des structures des faire. Si déjà du personnel de déterminer l'armée pilote.
unités d'infrastructure, au plus l'armée de l'air vient y suivre
tard à l'horizon 2010. Le nombre certains stages (CT par CONCLUSION
de compagnies du génie de l'air exemple), il reste indéniable-
Engagé en 2003, avec ses
moyens, au Tchad (réfection des
merlons d'Abbéché), au Congo
(entretien de la piste de Bunia),
au Tadjikistan (réfection de la
piste de Douchambé) et à
Papeete (chantier de la
Traversière), le génie de l'air doit
constamment faire preuve de
ses capacités à la projection.

L'adaptation des unités d'infra-


structure à l'évolution des mis-
sions demandées et aux
contraintes de l'aéro-transport
permettront de répondre pleine-
ment aux attentes de l'armée de
l'air.

- 21 -
S A P E U R

- 22 -
S A P E U R

Lieutenant-
SÉCURITÉ ET SAUVEGARDE
colonel
Michel
MISSION ET ENJEU
BEAUBIÉ
Military units are increasingly required for missions in relation with
security. To protect populations or to face natural and technologic
hazards they have to support public services, and while committed in
Le lieutenant-colonel BEAUBIÉ
normalization phases in overseas operations they sometimes inter-
(EMIA – promotion LTN BOR-
GNIET) a servi à la BSPP en vene when violence is not completely mastered.
unité incendie de 1985 à 1993 en
tant que chef de garde incendie New means and capacities are needed in order to achieve this kind of
puis en tant que commandant mission or to face the vulnerability of the forces on the ground. The
d’unité. high readiness and the efficiency of the military forces will lead them
to play an important part in this new field. No doubt will be that the
Il a rejoint le bureau opérations engineer forces in charge of protection and safeguard will be more
de la brigade comme chef de la and more concerned.
section statistiques (1994) puis
de 1995 à 1997 comme chef de In this respect the engineer corps could take advantage of the capaci-
la section organisation (planifi- ties and the means of the security component.
cation et couverture opération-
nelle).

Affecté à l’EMAT à l’issue d’une Qu’il s’agisse de contribuer à La sécurité des populations
scolarité à l’institut d’adminis- l’action des services publics ou passe par une plus grande
tration des entreprises de Paris d’intervenir au profit de popula- sollicitation des forces
(IAE) dans le cadre d’un DT, a tions touchées par un conflit
été chargé de travaux de pro- la plupart des engagements La demande de sécurité est
grammation physique et finan- récents ont une forte connota- inflationniste. À titre d’exemple,
cière des armements terrestres tion sécuritaire. Ils requièrent de
au bureau programmes et sys- entre 1985 et 2002, elle corres-
nouvelles compétences et peu- pond à une augmentation de
tèmes d’armes (BPSA) de 1998 à
2000. vent se dérouler dans un près de 300 % des interventions
contexte incertain. pour secours à victime sur le
De retour à la BSPP, il s’est vu secteur de la BSPP.
confié la partie investissement Pour faire face à la multiplica-
de la brigade au bureau planifi- tion de ce type de mission, les Pour répondre à ce besoin de
cation finances avant d’être unités du génie structurellement sécurité croissant les services
chargé de la mise en place d’in- impliquées dans la protection publics sont sollicités dans diffé-
dicateurs de pilotage au sein du ou la sauvegarde seront de plus rents domaines :
bureau études générales (BEG). en plus sollicitées.
• gestion du risque d’attentats
Adjoint au chef de bureau et surveillance de sites ;
depuis 2003, il anime la prospec- En s’appuyant sur la compo-
sante sécurité, en faisant jouer • réponse à l’augmentation des
tive et réalise différentes études
ou travaux sur l’évolution de la les synergies et se dotant de urgences ;
brigade. nouvelles capacités, le génie • gestion de catastrophes natu-
pourrait occuper un rôle de tout relles ou industrielles ;
Membre du réseau des contrô- premier plan dans les engage-
leurs de gestion de la préfecture ments du futur et répondre à de • sauvegarde des populations
de police de Paris, il représente nombreuses attentes dans ce sensibles aux fluctuations cli-
la brigade pour les travaux de domaine. matiques ;
pilotage avec ses autorités de
• prise en charge de la
tutelle.
détresse ;
SÉCURITÉ ET SAUVEGARDE :
Il participe aux travaux du • gestion des problèmes liés
comité européen des officiers de DES BESOINS CROISSANTS
aux épidémies voire aux épi-
sapeurs-pompiers « FEU » zooties.
et il est membre de la mission Assurer la sécurité exige à la fois
de sécurisation des sapeurs- de répondre de manière adaptée
pompiers (MISSP) mise en place à une demande croissante des Cette demande mobilise d’im-
en 2003 à la demande du populations mais aussi de portants moyens : police, hôpi-
ministre de l’intérieur pour amé- mieux protéger les troupes taux, pompiers, services sani-
liorer les conditions de travail engagées face à des menaces taires, services de l’équipe-
des intervenants. d’un type nouveau. ment…

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S A P E U R

ment en vecteurs d’évacuation.

L’analyse du risque et la prise en


compte de la menace terroriste
sont également à l’origine d’une
unité NRBC à 384 sapeurs-pom-
piers pour armer les engins
nécessaires à la prise en charge
et la décontamination de plu-
sieurs centaines de victimes. La
première tranche de ce plan
devrait être réalisée dans les
mois à venir.

Dans le domaine de la sécurité


civile, l’analyse du besoin est
également à l’origine de nou-
velles orientations et de choix
capacitaires. Ainsi les unités
militaires de la sécurité civile
Certains sont proches de la satu- exemple les règles d’hygiène et (UIISC) mises à la disposition du
ration et se plaignent fréquem- de sécurité de nos installations ministère de l’intérieur pour
ment du risque d’asphyxie. Par accueillant une population civile venir en aide aux populations
manque de moyens ou faute de de plus en plus importante victimes de catastrophes natu-
disponibilité de leurs agents, ils devront être contrôlées par des relles ou technologiques, et
éprouvent de plus en plus de dif- cadres spécialisés et aptes à pres- constituant l’unique moyen de
ficulté à encaisser la charge et il crire une mise en conformité. renfort national, sont résolu-
est hautement probable que l’on ment engagées face au risque
se retourne plus fréquemment Comment s’organiser pour faire NRBC.
vers les unités militaires pour face à la charge ?
combler les manques. Celles-ci La récente création de la compa-
sont d’ores et déjà systémati- Pour réaliser ces différentes gnie technologique de l’UIISC 7
quement engagées dans cer- missions, la question des capa- à l’identique des capacités de
taines de ces missions (cf. VIGI- cités et des moyens ne tardera l’UIISC 1 forte d’une expérience
P I R AT E , S T R AT E R E , V I M Y, pas à devenir cruciale. Pour sup- de 20 ans, reflète bien la priorité
PRESTIGE, inondations…). porter la charge et être capable donnée à la composante techno-
de couvrir simultanément le logique tant sur le plan financier
Ayant fait la preuve de leur risque courant et la crise que matériel ou humain.
capacité d’adaptation, elles majeure, il faudra anticiper, Parallèlement, la montée en
seront à n’en pas douter de plus rationaliser certaines activités et puissance du GDNBC, devenant
en plus souvent sollicitées non peut être se réorganiser. en 2005 RDNBC, symbolise bien
plus en appui d’autres services l’intérêt majeur que porte l’ar-
mais en tant que composante Cette démarche a été récem- mée de terre au risque NRBC.
structurelle d’un dispositif per- ment conduite au sein de la
manent et intégralement res- BSPP pour contenir les effets de
ponsables de véritables mis- l’explosion du secours à victime
sions de sécurité. et notamment son impact sur la
sollicitation individuelle. Après
Simultanément l’expertise des 15 années de tension gérées au
unités de sécurité sera de plus mieux sur des gains de producti-
en plus requise pour gérer les vité internes, il est apparu indis-
catastrophes d’origine naturelle pensable de redéployer à court
ou technologique, pour mener à terme les moyens permettant de
bien des travaux de planification soutenir l’évolution de l’activité.
pour la sécurité de sites indus-
triels, ou encore pour renforcer Les travaux de recherche opéra-
les moyens locaux confrontés à tionnelle menés par la brigade
des sinistres majeurs, inonda- ont concrètement abouti à la Certains domaines plus trans-
tions ou feux de forêts par nécessité de renforcer les unités verses pourraient être encore
exemple. opérationnelles (+ 750 sapeurs- approfondis. En ce qui concerne
pompiers de Paris) sur 6 ans, et les catastrophes, par exemple, il
Avec l’évolution des normes de rénover un parc de véhicules faudrait certainement réfléchir
le besoin en préventionnistes hors d’âge ou usé prématuré- aux conséquences pour les
augmentera également. Par ment et de le compléter notam- forces des modes actuels de

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S A P E U R

gestion particulièrement coû- sence. C’est d’ailleurs sur la tement impliqué en OPINT
teux en ressources humaines base de cette proportionnalité comme en OPEX. S’il ne peut en
et matérielles pour mener les qu’il y a encore peu de temps assumer seul l’intégralité, il sera
étapes de : l’hyper puissance américaine de toute façon un acteur incon-
pouvait se fixer d’ambitieux tournable.
• réduction du risque (miti-
objectifs (zéro GI mort) simple-
gate), phase de conduite des
ment du fait du surclassement Le génie dénominateur com-
plans de secours ;
de tous les adversaires poten- mun des actions de sauve-
• retour à l’état normal (reco- tiels et notamment grâce à une garde
very) ; phase de longue durée totale suprématie aérienne.
aux contours plus flous et Dans le cadre des conflits
directement liée aux capaci- Risques émergents modernes, les travaux récem-
tés des autres services ges- ment menés concluent à la
tionnaires. La disproportion de niveaux d’ar-
nécessité de prendre des
mement et l’écart technologique
options dans plusieurs domai-
À l’évidence, sécurité et sauve- incitent aujourd’hui des acteurs
nes. Par exemple :
garde deviennent les piliers d’un objectivement dominés à éviter
système de défense de plus le choc frontal et à privilégier des • l'appui à la mobilité en zone
en plus interministériel (1) et les agressions de type asymétrique. urbaine (CAPAZUB) pour faci-
capacités détenues par la com- Les grilles traditionnelles sont liter les déplacements aussi
posante sécurité du génie sont désormais inadaptées et il faut bien en surface qu’en milieu
dans ce contexte un précieux repenser les modalités de sauve- souterrain (repères, dégage-
garde en révisant notamment les ment rapide d’obstacles),
atout. Tout en assumant intégra-
échelles de probabilité et de gra- verticaux (ouverture d’itiné-
lement certaines missions
vité du risque. Le théâtre lui- raire au travers de bâti-
(secours urgence, projection de
même n’est plus un critère déter- ments), mais aussi parfois à
détachements en cas de catas-
minant. Une OPINT réalisée dans travers les foules à fendre ou
trophe), elles détiennent l’exper-
un contexte d’attentat terroriste à disperser ;
tise pour encadrer, ou coordon-
peut imposer un niveau de sau-
ner des missions spécifiques. • le contre-minage : une détec-
vegarde plus contraignant que
tion précoce et des délais
certaines missions en OPEX. La
Pour les unités déployées, la d’ouverture d’itinéraire voire
pro-activité s’impose, il faut dis-
sécurité vue sous l’angle du main- un bréchage compatibles
poser de moyens de protection
tien de la capacité opérationnelle avec le rythme de progres-
immédiate et judicieusement pré-
est également une priorité. sion des unités au contact, la
positionnés pour gérer des agres-
possibilité de désengluer les
sions majeures et parfois simul-
La nécessité de disposer d’un éléments confrontés aux tirs
tanées. L’expertise de certains
système complet de sauvegarde de mines dispersables, et la
moyens militaires et parfois civils
dépollution au profit des
devient alors indispensable.
Sur le terrain, les conditions forces comme des popula-
d’engagement se sont transfor- tions ;
mées et les problèmes de sécu- • le minage et destructions
rité prennent une nouvelle d’ouvrages d’art : des obs-
dimension. Les unités sont tacles de plus en plus ciblés
confrontées à un risque protéi- pour apporter le meilleur
forme se caractérisant par la rapport coût/efficacité mais
coexistence entre des formes égalem e n t surveillés,
traditionnelles et de nouveaux d é c l e n chables à distance et
risques souvent qualifiés réversibles ;
d’émergents.
• l'expertise infrastructure :
que ce soit au profit des
Évolution du risque traditionnel LE GÉNIE ET LA COMPO- forces pour évaluer la faisabi-
Dans les conflits symétriques ou
SANTE SAUVEGARDE lité du stationnement ou
dissymétriques, le niveau de dans un objectif de sortie de
Un certain nombre des capaci- crise ou de reconstruction
sauvegarde peut être évalué et tés nécessaires aux missions de
adapté du fait de la connais- dans un cadre ACM.
sauvegarde relèvent structurel-
sance des modes d’action enne- lement du génie. Quel que soit Pour ces opérations, l’expertise
mis. Les niveaux de protection son niveau de préparation ou des unités spécialisées dans la
pourraient même être modélisés d’équipement, celui-ci sera for- sauvegarde sera par ailleurs
en fonction des forces en pré-
(1) « Par vocation naturelle les armées participent à la sécurité du pays et sont un outil privilégié à la disposition du gou-
vernement qui en détermine l’emploi selon les circonstances et les besoins » (interview du général CEMA-TIM 2002).

- 25 -
S A P E U R

indispensable notamment par organisées et entraînées pour notamment des procédures de


rapport : mettre sur pied ce type de déta- coordination des moyens incen-
• au risque NRBC, risque de chement pour catastrophe en die et médicaux, publics ou
pollution de sites et dangers milieu hostile. associatifs composant le dispo-
liés aux installations indus- sitif du type PLAN ROUGE.
trielles dégradées (ROTA) Si cette liste non exhaustive
avec des moyens d’évalua- souligne l’étendue de la tâche, Cet organe de commandement
tion préventive mais aussi de elle pose également le problème des opérations de sauvegarde,
gestion de crise pour détecter des liens organiques et fonction- constitué d’un noyau de spécia-
et traiter (spectromètres, nels entre ces unités. listes pouvant actionner leur
robot, moyens de décontami- réseau, reposerait sur :
nation de masse) ; La nécessité d’identifier un • l’interopérabilité et la gestion de
• à la sécurité incendie et au coordonnateur de sauvegarde moyens interministériels mis à
secours d’urgence : au profit disposition par conventions;
des forces pour sécuriser les Pour les crises relevant de la • un référentiel « sauvegarde »,
stationnements mais aussi défense ou de la sécurité civile, arrêté de concert avec les
pour les populations dans le un tel élément de coordination chaînes santé et logistique ;
cadre du retour à la vie nor- est déjà en place. C’est en effet • une planification des procé-
male ; la mission du centre opération- dures opérationnelles et l’en-
• aux conditions de vie dange- nel de gestion interministérielle traînement des acteurs
reuses (eau, air, maladies) ; des crises (COGIC), organe cen- concernés.
tral de cohérence et de synthèse
• aux catastrophes humani-
disposant de relais zonaux CONCLUSION
taires cogérées avec les ONG ;
(COZ) pour la conception et la
• à la planification de secours. conduite sur le terrain. Alors que la plupart des moyens
publics sont saturés par la
Plus généralement, on pourra Pour les missions plus spéci- demande de sécurité et que les
s’appuyer sur la composante fiquement militaires et notam- missions sous mandat interna-
sauvegarde pour l’évaluation du ment lors des OPEX, le tional se compliquent et se mul-
danger et la gestion du risque commandement opérationnel tiplient, la disponibilité, la sou-
BIOTOX, PIRATOX, PIRATOME, devrait en cas de catastrophe, plesse d’emploi et l’efficacité
l’hygiène et la sécurité en opéra- de sinistre majeur ou d’attentat, des unités militaires sont de
tion (HSO), la contribution aux pouvoir s’appuyer sur un coor- plus en plus recherchées.
missions de secours à victime L’enjeu est d’importance et les
donnateur de sauvegarde maî-
(soutien santé : à l’avant). données sont complexes : le
trisant certains concepts opéra-
tionnels et habitué à la gestion cadre d’emploi peut être flou et
Pour ce faire, il faudra s’assurer fluctuant, le milieu lui-même
de crise dans un cadre intermi-
de la possibilité de soustraire peut avoir une dimension imma-
nistériel.
momentanément de leur voca- térielle et les forces déployées,
tion première un certain volume aussi modernes et consé-
En plus des missions tradition-
de moyens détachés au profit quentes soient-elles, peuvent
nellement assumées par les cel-
d’un autre ministère et de pou- être neutralisées par des acteurs
lules ACM et 2D des PC actuels,
voir les projeter en OPEX dans occultes dont les buts et la
cet élément transverse identi-
un contexte conflictuel. Il faudra moralité peuvent surprendre.
fiable à tous niveaux, et en tant
également concrétiser cette
que de besoin dans un EMF, Dans ce contexte, la sauvegarde
capacité de projection par l’ac-
aurait, en cas de catastrophe, devient un élément clé et nul
quisition de matériels de protec-
à projeter et coordonner un doute que l’arme capable d’antici-
tion des personnes et des biens
aéro-transportables. Enfin, les ensemble de moyens pour assu- per jouera un rôle central dans ces
forces actuellement consom- rer la sécurité des personnes et engagements d’un type nouveau.
mées par la prise en charge du des biens, la couverture du
risque technologique et NRBC Qu'elle soit perçue comme une
risque quotidien devront être opportunité ou comme une
(BSPP, UIISC, RNBC(2)), ainsi que
les éventuelles prises en charge menace, cette évolution impo-
médicalisées en liaison avec le sera des choix conceptuels et
service de santé et le secteur peut être structurels. Pour assu-
hospitalier civil. rer des missions spécifiques ou
contribuer aux engagements
Ses modes opératoires pour- futurs, la valorisation de la com-
raient s’inspirer des plans d’ur- posante sauvegarde pourrait
gence appliqués par les unités être un pilier du changement et
de la composante sécurité et des transformations à venir.

(2) Plus éventuellement la coordination d’ONG ou des associations concernées.

- 26 -
S A P E U R

Sapeur, l'homme
au centr e d'un système

Sapeur, l’homme aux commandes .............................................................................................................................................................. GAL CHINOUILH ........................ 29

La brigade du génie, simple affaire de spécialistes ...................................................................................................................... GAL DORANGE .......................... 33

Interview du général commandant la 9e BLBMa .............................................................................................................................. GAL THONIER .............................. 39

Individu décisif, le sapeur dans le combat en ZUB ........................................................................................................................ COL PARMENTIER .................... 43

Le stress du sapeur-pompier dans les interventions en zone sensible ........................................................................ COL FONTAN ................................ 47

Si le service du génie m'était conté ............................................................................................................................................................ LCL LE GALL .................................. 53

Le sapeur-pompier, une école de citoyenneté .................................................................................................................................. CBA ALLAERT .............................. 59

Sapeur, l’homme au centre du système de lutte contre les risques technologiques ........................................ CNE MALAGANNE .................. 63

Le commandant d'unité du génie : manager ou spécialiste ? .............................................................................................. CNE CHARDON .......................... 65

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S A P E U R

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S A P E U R

Général
SAPEUR : L’HOMME
Jean-Loup
CHINOUILH
AUX COMMANDES

When we are mentioning capabilities of the Engineers corps, we


often think about equipment. Men – sappers – are often left out, whe-
reas they are the heart of the matter.

Le général Jean-Loup CHINOUILH Scientific skills are not necessarily compulsory, but sapper must have
commande l'école supérieure a practical sense. One of many jobs in a wide range in each compo-
et d'application du génie nent of the corps like combat engineers, infrastructure or civilian
depuis août 2003. security can be chosen depending on interests.

Entré à Saint-Cyr en 1969, il Remaining a soldier, the main task of the sapper is to organize the
sert comme chef de section au terrain. In order to do that, he is firstly the manager of his means and
13 e r é g i m e n t d u g é n i e e t his time. But each external factor cannot be under his control.
commandant d'unité au 17 e régi-
ment du génie parachutiste, où Sapper has to work methodically beginning by making the situation
il revient en 1988 au poste de assessment before thinking of the way to fulfil his mission. He also
chef du bureau opérations-ins- has to be able to question his environment. Cleverness and tenacity
truction. are both sapper’s main qualities.

Il est chef de corps du 6 e régi- For the sapper to be able to work enduringly, precautions must be
ment du génie de 1994 à 1997. taken by the command in order to limit work physical constraints, to
keep a regular schedule and maintain a high quality level of the
Il a commandé la brigade du equipments.
génie d'août 2001 à août 2003.
The French engineers school trains sappers in their professional skills
Il est breveté de l’école de and above all looks after to make them self-confident.
guerre, diplômé de l’institut
d’administration des entreprises Lorsqu’on parle des capacités commandement. Pourtant dans
de Paris. du génie, il est surtout question le génie, malgré une forte méca-
de moyens, en termes d’effectifs nisation, le rôle humain est pri-
et d’équipements, mais on mordial et le succès dépend tou-
oublie souvent d’évoquer jours de la valeur de celui qui a
l’homme qui se trouve aux com- reçu la mission. L’occasion étant
mandes des engins ou dans une donnée de se pencher sur la per-
chaîne parfois complexe de sonnalité même des sapeurs,

- 29 -
S A P E U R

cet article explique comment ainsi toujours un métier corres- des opérations d’infrastructure
raisonnent et se comportent les pondant à ce que l’on aime faire du temps de paix, pourraient
disciples de Vauban et quelles et les emplois sont maintenant sembler privilégiés par rapport
précautions méritent d’être suffisamment bien spécifiés aux sapeurs de combat, mais
prises pour les voir donner le pour que la recherche du poste d’autres variables imprévues
meilleur d’eux-mêmes. souhaité soit facile et rapide. existent pour lui, comme les
modifications inopinées d’enve-
QUI EST CE SAPEUR ? Qu’il soit ingénieur, technicien loppes budgétaires, les
ou tout simplement détenteur contraintes administratives ou
Il s’agit d’un homme, ou aussi de bon sens, le sapeur est avant les aléas des entreprises, le tout
d’une femme, qui a choisi cette tout un soldat. Apte à servir en ne rendant pas la tâche au
arme technique sans être pour tout temps et en tout lieu, il rem- demeurant plus aisée.
autant nécessairement de for- plit une mission militaire et,
mation scientifique. Il lui est dans certains cas, peut fort bien UNE TOURNURE D’ESPRIT
cependant recommandé de faire combattre à côté des fantassins PARTICULIÈRE
preuve d’un solide sens pra- avec son armement de dotation.
tique. Mais son rôle tactique consiste Face à ces multiples équations,
principalement à aménager le la rigueur intellectuelle est de
Grâce à l’atout que représente la terrain au profit de nos troupes. mise. Quel que soit son grade, le
diversité du génie, le sapeur Des effets obtenus par ses tra- sapeur aime le concret et s’as-
peut orienter son domaine d’ac- vaux peut largement dépendre sure de sa réalité. Fidèle au pre-
tion en fonction de ses goûts. l’issue du combat, ou la préser- mier précepte du discours de la
Celui qui recherche l’imprévu au vation des effectifs selon le mot méthode de DESCARTES « ne
quotidien postulera pour la de notre illustre fondateur : « la recevoir jamais aucune chose
composante sécurité. Celui qui sueur épargne le sang ». Livrant pour vraie que je ne la connusse
souhaite l’ambiance militaire toujours une course contre la évidemment être telle », il ne
des unités de combat se dirigera montre, le sapeur est donc en croit que ce qu’il a pu recon-
vers un régiment du génie, mais premier lieu un organisateur de naître personnellement ou faire
selon son style personnel, il ses moyens et de son temps, évaluer par un autre sapeur.
Avant de se lancer, il calcule tout
avec soin. Peut-on lui reprocher
alors une relative perplexité et
quelques objections devant des
tableaux idylliques qui lui sont
parfois brossés pour tenter
d’obtenir son assentiment lors
de la phase d’étude d’un chan-
tier ? Que de fois en effet s’est-
on rendu compte que ce qui « ne
devrait demander que deux
brouettes », au dire d’un officier
de cavalerie, imposait en réalité
dix rotations d’une section de
camions-bennes !

Cet attrait pour la technique a


valu au génie de se voir confier
d’emblée, au cours des siècles
passés, toutes les missions
complexes nécessitant la maî-
optera pour une unité lourde ou intégrant aussi à sa planification trise des éléments : attaque et
légère, pour un régiment de plusieurs facteurs qu’il ne maî- défense des places, aérostation,
parachutiste, de la légion étran- trise pas, comme la menace aéronautique, transmissions,
gère ou des troupes de mon- ennemie, la nature du sol ou les pour ne citer que les principaux,
tagne. S’il est attiré par les gros conditions météorologiques. Il figurent parmi les domaines
chantiers, il pourra servir dans doit bel et bien trouver la solu- dont l’application militaire a été
une unité de travaux lourds. tion de ce que l’on appelle une initiée par le génie.
Enfin, s’il aime les techniques programmation linéaire en
d’infrastructure et le contact recherche opérationnelle. Tout diversifié qu’apparaisse son
avec le monde des entreprises rôle et si qualifié qu’il soit, le
du bâtiment, il trouvera sa voie L’ingénieur militaire et le sapeur ne détient pas, à lui seul,
dans le service du génie. Il existe conducteur de travaux, chargés toutes les connaissances liées à

- 30 -
S A P E U R

ses multiples champs d’action,


mais il peut toujours faire appel à
plus spécialisé que lui et, pour
les cas difficiles, bénéficie du
vivier national que constitue le
service technique des bâtiments,
fortifications et travaux. Ses
ingénieurs et experts militaires
de haut niveau lui apporteront un
appui précieux, à l’autre bout du
monde s’il le faut.

Le fait de devoir conserver les


pieds sur terre ne range pas les
sapeurs dans la catégorie des
rêveurs ou des poètes et (est-ce
un défaut ?) ne les attache pas à
toutes les traditions, dont cer-
taines sont devenues surannées.
Pour être efficace, le sapeur doit INGÉNIOSITÉ ET TÉNACITÉ tent inévitablement lors des
savoir remettre en cause son opérations du génie, quel que
environnement. L’histoire du On prête certaines qualités aux soit leur type. Se montrer opi-
génie fait d’ailleurs ressortir militaires, mais deux d’entre elles niâtre ne signifie pas au demeu-
quelques éminentes figures sont indispensables au sapeur et rant que l’on s’entête sur des
d’officiers dont la carrière mili- généralement assez bien culti- solutions qui perdent leur inté-
taire ou le destin politique a pro- vées grâce à l’expérience. rêt parce que la situation a
fité d’un état d’esprit non- changé. Si une meilleure occa-
conformiste, joint il est vrai à La première est l’ingéniosité ; sion se présente, ce n’est pas
des qualités personnelles indis- elle recouvre la compétence manquer de ténacité que de
cutables. VAUBAN se place ainsi technique et la faculté d’adapta- changer de cap. Au contraire
en tête de cette lignée pour tion. La compétence technique c’est montrer sa conviction que
toutes ses réalisations, jusque correspond à la capacité d’appli- le succès reste à portée de main.
dans son projet fiscal de dîme quer une solution pratique à
royale, jugé séditieux à chaque problème. La faculté Faire preuve d’ingéniosité et de
l’époque. d’adaptation, quant à elle, ténacité implique, pour un
apporte la réponse de rechange sapeur, d’être en permanence
Plus près de nous, d’autres lorsque le problème ne se pré- attentif à l’évolution constante
exemples d’officiers républicains sente pas sous une forme habi- des facteurs, et de savoir les
et réformateurs nous sont don- analyser pour réorienter son
tuelle. En cas d’hésitation, ou
nés par Lazare CARNOT, « l’orga- action au moment opportun.
lorsque la solution ne saute pas
nisateur de la victoire » sous la Cette démarche est complexe
aux yeux, l’imagination sera la
révolution, puis au XIXe siècle dans la mesure où la situation
ressource du sapeur. Elle lui per-
par le général CAVAIGNAC, chef extérieure ne constitue qu’un
mettra de trouver l’astuce tech-
du pouvoir exécutif en 1848 et le des éléments de l’équation à
nique ou administrative, celle
colonel DENFERT-ROCHEREAU, résoudre. Il n’est pas nécessaire
qui sort des schémas classiques
défenseur de Belfort puis député de maintenir toujours plusieurs
et n’intègre pas nécessairement
dès 1871. fers au feu mais l’esprit doit res-
des moyens militaires : emploi ter toujours en éveil pour réagir
de main-d’œuvre locale, loca- vite et, si possible, devancer
tion d’engins civils, utilisation l’événement.
de méthodes ou techniques en
mode dégradé. N’oublions pas DES PRÉCAUTIONS POUR
que faute d’engin, même au 21e DURER
siècle, une tranchée peut être
creusée à la main ! La plupart des interventions
militaires s’inscrivent aujour-
La seconde qualité du sapeur est d’hui dans la durée. Or l’homme
la ténacité. Elle n’est pas moins n’est pas une machine et, en
nécessaire que la première campagne, il faut limiter ses
parce qu’il faut beaucoup de contraintes physiques. Depuis
volonté et de persévérance pour les débuts de la mécanisation,
ne pas se décourager devant les les hommes ont effectivement
Lazare CARNOT multiples écueils qui se présen-

- 31 -
S A P E U R

perdu de l’endurance et, si intérêt supplémentaire de ne sible, puis d’agir avec une
entraînés qu’ils soient, les jamais laisser des sections du meilleure protection et plus de
sapeurs d’aujourd’hui doivent génie désœuvrées. S’il n’y a pas discernement.
eux aussi être considérés de besoin militaire immédiat car
comme relativement fragiles. la situation tactique est stabili-
INCULQUER SAVOIR-FAIRE
Pour maintenir leur rendement sée, les actions civilo-militaires
sur le terrain, le commandement offrent alors de multiples possi- ET SAVOIR-ÊTRE
doit donc être vigilant et les bilités de maintenir un rythme
ménager, surtout lorsque les soutenu d’activité, tout en Responsable en premier lieu de
conditions de travail sont apportant une aide appréciable la formation et du recyclage des
pénibles : chaleur, humidité, à la population locale. cadres du génie, l’école supé-
port de lourds effets de protec- rieure et d’application du génie
tion. En zone d’insécurité, que En dernier lieu, il importe que se trouve, elle aussi, au cœur de
de fois nos sapeurs de combat l’équipement du sapeur reste à ce système humain. En tant que
ont à œuvrer en plein soleil, la pointe du progrès si l’armée maison mère, elle assure main-
revêtus du casque et d’un gilet de terre veut rester compétitive tenant le suivi d’ensemble de
pare-balles de 10 kilos, pour dans un monde où tous les l’arme et la mise en cohérence
construire à la main un abri ou types d’adversaires, terroristes des formations et parcours pro-
un poste. S’il faut tenir plusieurs inclus, ne manquent pas d’utili- fessionnels de ses trois compo-
semaines à ce régime en évitant ser les dernières techniques. La santes. Elle donne la priorité à
la fatigue, l’amaigrissement ou débrouillardise des hommes du une instruction la plus pratique
le mal de dos, des précautions génie ne peut compenser l’ab-
sont à prendre : ergonomie des possible, assortie d’un aguerris-
sence de matériel due à un sement physique et mental. À
manutentions, pauses courtes retard de programme. Face aux
mais régulières, sommeil quoti- tous les régiments, établisse-
nouvelles menaces, une atten-
dien suffisant, repos musculaire ments du génie et formations de
tion particulière doit maintenant
d’une journée par semaine etc. pompiers ou de sécurité civile,
être portée sur les équipements
Le service de santé et les cadres elle se doit de fournir des offi-
particuliers de combat en zone
du génie sont conscients du pro- ciers et des sous-officiers issus
urbaine et sur les moyens de
blème, mais le chef militaire d’un moule commun et munis
détection et de déminage,
interarmes doit l’être aussi pour d’un fil directeur pour toute leur
encore trop rudimentaires. Des
rester raisonnable dans ses exi- carrière. Elle doit surtout livrer
outils même sophistiqués ne
gences. des hommes et des femmes
remplaceront pas le sapeur,
En revanche, sur le plan mental, mais accroîtront sa confiance en affirmés, épanouis et conscients
il est rare que soit nécessaire lui-même. Ils lui permettront que, le relais leur étant passé,
une cellule d’aide psycholo- d’atteindre sans effort inutile l’image de marque du génie
gique en soutien des unités du une zone d’action peu acces- repose maintenant sur eux.
génie. Certes, celles-ci ont par-
fois été chargées de missions
traumatisantes, comme les
inhumations massives de réfu-
giés morts d’épidémie lors de
l’opération TURQUOISE au
Rwanda, mais en règle générale,
et surtout s’il est occupé, le
sapeur bénéficie d’un bon déri-
vatif et n’a pas le temps de lais-
ser vagabonder son esprit. Il est
donc rarement soumis aux états
d’âme ou au stress, même dans
les situations critiques, d’où cet

- 32 -
S A P E U R

Général
LA BRIGADE DU GÉNIE,
de brigade
Claude SIMPLE AFFAIRE
DORANGE
DE SPÉCIALISTES ?

Admis en 1972 à l’école spéciale The missions of the Engineer Brigade deal with specialized engineer
militaire de Saint-Cyr, il choisit support, NBC defence and geographical support. All its members
l’arme du génie à sa sortie et must be trained in the three “s” areas : soldier, specialist and sapper.
effectue son stage d’application Its different transformations since 1998 went simultaneously along
à Angers (1974-1975). two directions : reinforced specialization for the two Groups (geogra-
phical and NBC defence battalion-size units) and diversification and
Il est nommé général de brigade adaptation to the new theatres of operations for the three Engineer
et désigné pour prendre les Regiments. The large variety of specialities within the Brigade gives
fonctions de commandant de la a wealthy and well assumed identity. It is very helpful for the attrac-
brigade du génie et de gouver- tiveness of recruitment.
neur militaire de Strasbourg le
1er août 2003. As far as training is concerned, the Engineer school (ESAG) devolves
several training courses to the Regiments. Three reasons can be
Sa carrière d’officier se partage underlined for this : limited number of trainees, respective training
entre des affectations en régi- capabilities within ESAG and the specialized Regiments in these
ment, en état-major et en école. areas.

Il a notamment servi au 13e RG A real identity gathers all the specialists from the Brigade. They
et au 34e RG comme CDS et share the mastering of the environment, common training and com-
CDU. mon operational missions.

Being a good specialist must not be opposed to being a good soldier.


Il a commandé le 4e RG de la
Assuming basic security missions and overseas commitment must
division d’infanterie de mon-
remain a common knowledge. These missions give a large contribu-
tagne à La Valbonne, de 1994 à
tion to the Brigade cohesion.
1997.
Lastly, the Engineer Regiments are assigned to the basic Engineer
Il a également été chef du centre missions (bridges mounting, protection engineer works, basic navi-
de recherche au commande- gation and river crossing, felling and mine clearing…).
ment de la doctrine et de l’ensei-
gnement militaire supérieur de
Paris et avant son poste actuel, Les missions de la brigade du D’une part les régiments de
officier chargé de la cohérence génie couvrent l’appui génie génie se sont diversifiés de plus
opérationnelle du système de spécialisé, la défense NBC et en plus dans leurs structures
forces « projection et mobilité » l’appui géographique. Les pour s’adapter aux besoins avé-
à l’état-major des armées de hommes et les femmes qui la rés au cours des projections de
Paris, de 2001 à 2003. composent doivent être compé- la fin des années 90. D’autre part
tents dans trois domaines que les deux groupes (géographie et
Ingénieur de l’école supérieure
l’on peut synthétiser sous le
d’électricité, il a suivi la scolarité
sigle des 3 « s » : soldat, sapeur
de la 102e promotion de l’école
et spécialiste.
supérieure de guerre et a été
auditeur à l’IHEDN.
Créée en 1998, la brigade du
génie peut désormais se préva-
loir d’une certaine maturité,
après une série de réformes suc-
cessives. La dernière devrait
être terminée en 2007 avec la
transformation du groupe de
défense NBC (GDNBC) en régi-
ment de défense NBC (RDNBC).

Ce processus de transformation
et d’adaptation a connu deux
cheminements simultanés. Servant en décontamination NBC

- 33 -
S A P E U R

DNBC) se sont encore renforcés du personnel. La brigade du ment source de richesse et


dans leurs expertises, imposant génie a prouvé au cours de ses d’une identité bien assumée.
ainsi un surcroît de formation du premières années d’existence
personnel. Depuis 1999, le 2e RG que ses régiments étaient à Une attractivité certaine
s’est organisé selon quatre même de gérer des spécialités
structures successives, le 1er RG pointues très diverses dans des Il semble évident que le succès
en a connu trois, le 5e RG a amal- contextes opérationnels souvent des plans de recrutement des
gamé progressivement celles très exigeants, tout en mainte- régiments de la brigade repose
héritées de régiments de tra- nant les savoir-faire fondamen- bien sur le caractère concret de
vaux à vocation territoriale. taux individuels et collectifs du la plupart des métiers qui y sont
combattant, ainsi que les com- pratiqués : bâtiment et travaux
Le GDNBC, après son déména- pétences communes à tous les publics, sécurité au sens large,
gement de Caen à Draguignan, sapeurs. géographie…
s’apprête à devenir un vrai régi-
ment des forces. Le 28e groupe Il convient donc d’étudier les Les 20 domaines de spécialité,
géographique, dans l’emprise spécialités de la brigade du en moyenne, servis dans les
duquel devrait s’installer égale- génie au travers de leur diver- corps de la brigade attirent des
ment un organisme de géogra- sité, mais aussi de leurs points EVAT qui en avaient bien sou-
phie militaire à vocation interar- communs dont notamment vent eu un aperçu au moins au
mées (OVIA), recentre ses batte- l’identité AGESTER que parta- cours de leur scolarité civile et
ries géographiques sur la gent tous ceux qui « machinent » même souvent lors d’une pre-
préparation à l’engagement et à le terrain. mière expérience profession-
la projection. nelle.
LA DIVERSITÉ
La réussite de ces transforma- Il en est de même pour les
tions de grande ampleur, sans Tout d’abord, il convient de cadres, qui ont le plus souvent
soubresauts, ni dramatisation constater que la diversité des choisi en conscience de servir
des difficultés, doit être attri- spécialités de la brigade du quelques unes de ces spécialités
buée sans conteste prioritaire- génie, mise au service d’un rares, très souvent uniques au
ment à la faculté d’adaptation thème commun s’avère finale- sein de l’armée de terre, voire au
plan national.

Il est ainsi possible de citer les


spécialités offertes dans le
domaine de la géographie, de la
défense NBC, du contre minage,
des travaux, routiers ou voie fer-
rée, de la production et de la dis-
tribution de l’énergie.

Outre cet aspect concret indé-


niable qui est un facteur majeur
d’attractivité, elles donnent vite
l’occasion de se construire une
riche expérience profession-
nelle, socle indispensable à une
carrière intéressante, ainsi qu’à
une reconversion facilitée.

Formation : les défis actuels


et les atouts de la brigade

Dans les principes, la formation


est gérée par des acteurs qui
appartiennent à des chaînes dif-
férentes (CoFAT et régions).

Dans ce domaine, la déconcen-


tration n’est pas un vain mot,
puisque force est de constater
que la gestion de cette diversité
en matière de formation est
Observateur GPS avant tout du ressort des corps

- 34 -
S A P E U R

n° 2) n’a pas totalement disparu, nécessitent la plupart du temps


que l’EDNBC de Caen s’est bien de s’appuyer sur les compé-
métamorphosée en CDNBC à tences de camarades maîtrisant
Draguignan, tout en dévelop- d’autres spécialités. Les man-
pant un partenariat fructueux dats successifs des BATGEN
avec le GDNBC. dans les Balkans en sont une
illustration évidente.
Sans pouvoir disposer systéma-
tiquement d’un environnement Un des objectifs de l’entraîne-
matériel idéal pour la formation, ment en métropole consiste à
les nombreuses spécialités de la tenter de reconstituer cet envi-
brigade bénéficient d’une forte ronnement et ces conditions
culture « maison », qui ponc- d’emploi spécifiques.
tuellement renforce également
l’esprit de corps et la maturation Il s’agit de maîtriser le fonction-
du personnel qui y sert. nement de structures compo-
sites du niveau du bataillon,
Il est à noter que la reconnais- d’assurer le soutien de la section
sance de cette expertise aboutit géographique par les sapeurs
à la création d’autres centres de l’UCL du bataillon du génie,
Propulsiste sur PFM d’instruction spécifiques accolés de mettre sur pied un PC qui
à ces régiments uniques : c’est verra se côtoyer des détache-
le cas, outre celui du GDNBC, du ments de liaison et de comman-
dont les tâches se sont singuliè-
28e groupe géographique qui dement NBC et géographique…
rement alourdies ces dernières
années. anime désormais un centre
d’instruction, ouvert aux autres Cette mixité, qui nécessite pour
armées, pour les cadres de la être efficace l’apprentissage ini-
Au moins trois raisons peuvent
spécialité géographie (CISA). tial et indispensable de codes
expliquer cette orientation :
Pour ces deux spécialités, cette communs, s’appuie justement
• l’impossibilité pour le CoFAT, reconnaissance d’excellence sur ce socle partagé de la fonc-
et notamment l’ESAG, de dépasse bien souvent le cadre tion AGESTER.
répondre au besoin en flux de la seule armée de terre.
de formation en période de Le retour aux fondamentaux
montée en puissance de cer- L’UNITÉ
taines spécialités ; Le développement très poussé
• l’existence au sein des corps Le socle AGESTER de la spécialisation pourrait
de la brigade de véritables parfois entraîner des réflexes
niches de spécialités, que les Les diverses spécialités de la bri- corporatistes, créateurs bien
régions terre ont des difficul- gade peuvent sembler dispa- connus d’exclusion. Un des fac-
tés à identifier en gestion ; rates à première vue. En fait, les teurs permettant la construction
multiples spécialistes se retrou- de cette unité découle de la mise
• la persistance au sein des vent autour de valeurs, d’expé- en place des unités PROTERRE.
corps d’une culture de forma- riences et de « fondamentaux »
tion « maison », qui constitue communs, et la qualité du per- Le taux d’emploi très élevé des
un atout en vue de la profes- sonnel, de sa formation notam- unités d’infanterie en opérations
sionnalisation. ment, contribue largement à extérieures a poussé le com-
l’émergence de cette identité. mandement à confier les mis-
Ainsi peut-on considérer que le sions communes de l’armée de
centre de formation en électro- La « maîtrise du milieu » consti- terre à des unités provenant
mécanique des engagés (CIG tue le dénominateur commun le d’autres armes pour soulager
plus tangible : pour le groupe de les unités d’infanterie.
décontamination, le conducteur
d’engin ou le chef de portière
PFM, l’essentiel est de vaincre
les éléments, naturels ou artifi-
ciels. Cette prise de conscience
collective est facilitée sur les
théâtres d’opération extérieurs.

Dans ce contexte, les échanges


entre individus sont favorisés
par les structures modulaires,
souvent de petite taille, qui

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S A P E U R

Pour remplir ces missions avec actuellement peu projetées dans aptitudes de sapeur. Pour cela,
le maximum d’efficacité, les leur métier). dans la directive de préparation
régiments ont mis encore opérationnelle annuelle, le
davantage l’accent sur la forma- Une bonne gestion des res- général commandant la brigade
tion individuelle et collective sources privilégie bien évidem- du génie fixe à ses régiments un
dans les métiers de base et la vie ment et prioritairement l’enga- contrat opérationnel qui ne se
du soldat « toutes armes ». gement opérationnel dans la limite pas aux spécialités orga-
spécialité. niques d’un régiment, mais qui
L’acceptation par le comman- reprend quelques-unes des mis-
dant de la force d’action ter- L’entraînement interarmes fait sions de base de l’arme : lance-
restre d’une dérogation au prin- également partie des fondamen- ment de ponts fixes, de ponts de
cipe de stricte homogénéité des taux. Cet aspect est actuelle- circonstance, actions d’organi-
unités PROTERRE projetées a ment bien relancé par la prise en sation du terrain, manœuvres de
contribué grandement à la cohé- compte très en amont, lors de la force, dégagement de chablis
sion de la brigade. planification des exercices des sur axe ou zone, navigation et
grandes unités interarmes, de la franchissement en embarcation
En effet, cela a permis la créa- fonction AGESTER (OPÉRA 3T isolée ou portière légère…
tion de compagnies PROTERRE pour le niveau corps d’armée ou
de composition mixte entre un LCC, GUIBERT ou LANNES pour
des trois régiments du génie et les EMF ou divisions, Aurige CONCLUSION
un groupe (géographique ou pour les brigades).
NBC, ceux-ci n’étant pas en
Appartenant à une unité encore
mesure de mettre sur pied une Les régiments du génie de la bri- jeune, les hommes et les
compagnie complète aux fins gade s’attachent également, lors femmes de la brigade du génie
de projection au format de leurs exercices, à mettre en assument donc bien, malgré la
PROTERRE). place un environnement inter- diversité de leurs métiers, leur
armes le plus réaliste possible. triple statut de spécialistes, de
Cela a concouru encore à bras-
sapeurs et de soldats profes-
ser la population très variée de Le maintien des connais- sionnels.
la brigade. Le retour aux appren-
sances de base du sapeur
tissages fondamentaux a
conduit les spécialistes à mieux Leur expertise de spécialiste est
Spécialiste et soldat, le militaire reconnue sur de nombreux
assumer leurs différences avec
d’autres armes ou d’autres de la brigade doit conserver ses théâtres et a désormais acquis
domaines, et à se confronter à une notoriété interarmées.
une autre expérience.
Ces spécialités doivent égale-
Ce retour aux sources, certes ment être reconnues en gestion
coûteux en termes de construc- (spécialité de géographe,
tion du parcours professionnel d’électromécanicien, d’« infras-
de spécialités rares, n’en consti- tructure opérationnelle » …).
tue pas moins un atout supplé- Parallèlement, la recherche de
mentaire. passerelles entre les formations
du GDNBC et celles des forma-
L’attractivité de ces missions de tions militaires de la sécurité
participation au rythme com- civile est en cours.
mun de l’armée de terre profes-
sionnelle est aisément mesu- Leur statut de spécialiste ne leur
rable, notamment pour les deux fait pas oublier qu’ils restent des
groupes (géographique et de sapeurs et des soldats et qu’ils
défense NBC, mais aussi pour doivent à ce titre s’entraîner
les compagnies du génie à voca- pour conserver un équilibre
tion « combat haute intensité », entre ces trois compétences.

- 36 -
S A P E U R

LES TRANSFORMATIONS INTERNES DE LA BRIGADE DU GÉNIE

Tout en restant dans le périmètre des compétences spécialisées du sapeur ou du servant, les évolutions

récentes, exposées ci-après, ont conduit à autant de réorientations de savoir-faire du personnel.

Année Mesures Corps

• Création de la compagnie de contre-minage 1er RG

• Création de la compagnie d’appui et ponts fixes 1er RG


1998
• Organisation du régiment d’aide au déploiement 2e RG

• Appropriation de la mission travaux lourds 5e RG

2000 Création du GDNBC comme corps de première catégorie GDNBC

Doublement des capacités d’aide au déploiement

• Création de la compagnie énergie et de la compagnie

2002 d’infrastructure opérationnelle par transformation 1er RG

d’une compagnie PFM et de la compagnie d’appui et ponts fixes


• Transformation de la compagnie sauvegarde en compagnie eau 2e RG

5e RG et
2002-2003 Homogénéisation des structures des compagnies
28e GG

2005-2007 Montée en puissance du GDNBC en RDNBC avec création


GDNBC
de 3 compagnies de décontamination supplémentaires

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S A P E U R

- 38 -
S A P E U R

Général
INTERVIEW DU GÉNÉRAL
Jean-Paul
THONIER
COMMANDANT LA 9e BLBMa
Le général THONIER commande • la 9e DIC (division d’infanterie
la 9e brigade légère blindée de coloniale), de 1943 à 1948,
marine (BLBMa) depuis l’été composée entre autres des
2003. Au sein de la brigade, se 21e RIMa, RICM (régiment
Officier issu de l’EMIA (1974- trouve le 6e régiment du génie, d’infanterie coloniale du
1975), il choisit les TDM. stationné à Angers, unité orga- Maroc) et aussi du 71e BG
nique de la 9 depuis 1993. (ancêtre du 71e RG aujour-
Sa carrière d’officier se partage d’hui dissous), celle du
entre les affectations en métro- Dans le cadre de la revue débarquement en Provence
pole et outre-mer (Tahiti, SAPEUR, il livre aux représen- d’août 1944, puis de l’épopée
Antilles-Guyane, Nouvelle- tants de l’ESAG (le colonel d’Indochine… ;
Calédonie, Djibouti). SIMON, directeur des études et • mais aussi, et avant tout,
de la prospective, le chef de la « division bleue » de
Il a occupé plusieurs fonctions bataillon PLANTEC, officier
au sein du 2e RIMa du Mans Bazeilles (1870), avec ces
communication information et trois régiments de ligne, 1er,
(chef de commando, comman- mademoiselle HOERTER, sta-
dant d’unité, chef du BOI et chef 2e et 3e RIMa et le 11e RAMa,
giaire en maîtrise de science de et l’épopée que l’on connaît.
de corps). l’éducation, mention médiation
culturelle et communication) COL SIMON : quand on évo-
Il a également servi à l’EMA
ses impressions sur le rôle, la que l’histoire de la 9, depuis la
comme chef de la section
place et les capacités de « ses » renaissance de 1963 jusqu’à
Afrique, Proche et Moyen-Orient
sapeurs. aujourd’hui, on y associe la
de la division « monde et
moyens ». Bretagne. Quelles en sont les
COL SIMON : mon général, la 9e raisons et pourquoi avoir choisi
BLBMa a été créée le 1er juillet Nantes pour l’implantation du
En septembre 1996, il est déta-
1999 dans le cadre de la refon- PC en 1986 ?
ché à Bangui comme conseiller
dation de l’armée de terre.
défense du président de la répu-
blique Centrafricaine. Quelle est la filiation de votre GAL THONIER : pourquoi en
brigade ? Bretagne ? Tout simplement
À son retour en juillet 1997, il est parce que la vocation de la divi-
nommé chef d'état-major de la GAL THONIER : s’inscrivant sion est amphibie et que cer-
9e division d'infanterie de dans la continuité de la 9e divi- taines structures existaient déjà
marine de Nantes. sion d’infanterie de marine dont sur place, comme Penthièvre ou
elle a repris les traditions, la bri- le centre amphibie de Lorient
Il est adjoint au général com- gade a en fait une double filia- pour la marine. La présence des
mandant l’EMF 1 de Besançon tion : côtes y a été aussi pour beau-
depuis le 1er septembre 2002.

Le 1er juillet 2003, il rejoint


Nantes et prend le commande-
ment de la 9e BLBMa.

Le général THONIER a participé


aux opérations au Liban (1983-
1984), en république Centrafri-
caine (1981-1996), dans le golfe
arabo-persique (opération
DAGUET, 1991), à Djibouti
(1991), en ex-Yougoslavie (1992-
1994-1995), et plus récemment
en république démocratique du
Congo (opération ARTEMIS/
MAMBA , 2003).

- 39 -
S A P E U R

coup dans ce choix. « Nous [les changé, notamment en terme de en permanence sur une véri-
troupes de marine] sommes des culture ou d’implantation, table culture d’arme et un solide
êtres hybrides ; nous apparte- même si avec la dissolution du brassage humain. Cette expé-
nons bien sûr à l’armée de terre, 9e RCS, la brigade a perdu son rience passe aussi par des
mais nous avons vocation à être autonomie logistique. Nous séjours outre-mer, en AMT ou
embarqués. De toutes les étions déjà professionnalisés à autres missions de souverai-
nations européennes possédant l’exception d’une compagnie au neté. De plus, 20 % de nos sol-
une force similaire, nous 6e RG et du 1er RIMa. dats viennent des DOM-TOM et
sommes les seuls à ne pas être cela nous apporte une plus
incorporés à la marine ». Le 22e BIMa, qui est chargé de value lors de certaines opéra-
D’ailleurs, il s’en est fallu de peu notre soutien (compagnie trans- tions : nos soldats, à l’image des
puisque les TDM appartenaient mission de PC), a lui aussi une légionnaires, maîtrisent souvent
à la marine jusqu’en 1905, puis
au ministère des colonies jus-
qu’en 1963. Nous sommes deve-
nus terriens tardivement. Et cela
s’explique sûrement par le fait
que les TAP se créaient au
même moment.

Pour ce qui est du choix de


Nantes, c’est à cause du port, de
l’aéroport et de la proximité de
Paris. C’est la métropole du
grand Ouest. En fait, le déména-
gement du PC et du 9e RCS de
Saint-Malo vers Nantes en juillet
1986 correspondait à la transfor-
mation de la 9e DIMa en division
légère blindée, pour profiter de
la proximité des zones aéropor-
tuaires et maritimes nantaises et
faciliter ainsi la préparation des
mouvements opératifs.
véritable culture « colo » et cela des langues et dialectes utiles.
Aujourd’hui, après les derniers facilite les échanges. La cohabi- Témoin, l’opération qui se
mouvements d’unités de 1996 tation de l’EMF 2 et de la 9e déroule actuellement en Haïti,
(le RICM de Vannes à Poitiers), la BLBMa est une nouveauté, où des marsouins d’origine
situation géographique de nos qui s’est révélée judicieuse à créole participent activement à
unités est bien équilibrée sur le l’usage. Notre départ en 5 jours, la force d’interposition.
grand Ouest. Cela fait 30 ans dans le cadre de l’opération
que nous sommes des unités ARTÉMIS, est à mettre sur le La capacité amphibie est parta-
professionnelles et notre recru- compte de cette entente. Nous gée avec la 6e BLB. La 9e BLBMa
tement s’ancre de plus en plus à partageons la même culture. possède cependant une antério-
l’ouest, tout en continuant de rité sur celle-ci. Pourtant,
s’appuyer sur nos jeunes COL SIMON : les domaines lorsque l’on pense « amphibie »
recrues issues des DOM TOM. d’expertise traditionnels de la 9e dans l’armée française, on est
Aujourd’hui, Nantes est une des DIMa ont–ils été conservés ? obligé de penser 6 et 9 ou 9 et 6.
garnisons les plus demandées. Il n’y a pas de divergence entre
GAL THONIER : il y a toujours les deux brigades. Le cycle sou-
COL SIMON : vous avez été les deux domaines d’expertise tenu et les prises d’alerte
chef d’état-major à la 9e DIMa de majeurs : la capacité amphibie Guépard « amphibie » obligent
1997 à 1999. La transformation et la culture d’arme acquise les deux brigades à travailler en
de la 9e DIMa en 9e brigade après 30 ans passés sur tous les étroite synergie. La 6 possède
légère blindée de marine a-t-elle théâtres d’opérations avec des deux bateaux, ce qui lui donne
eu beaucoup de conséquences ? troupes professionnelles. Le 3e une réelle « culture marine ». De
RIMa est le plus ancien régiment plus, la livraison de futurs maté-
GAL THONIER : en tant que chef de l’armée de terre. riels de débarquement, le nou-
d’état-major, j’ai fait mourir la 9e veau BPC (bâtiment de projec-
DIMa et emmené la 9e BLBMa Cette expérience de vieille unité tion et de commandement) ou le
sur les fonts baptismaux. Je professionnelle peut certes prochain véhicule d’assaut
peux donc vous en parler et paraître subjective, mais elle amphibie, accroîtra encore notre
vous dire que cela n’a rien nous permet de nous appuyer capacité d’assaut. D’un point de

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S A P E U R

vue technique, cela va être une • le volet particulier de la capa- aux mouvements du personnel
révolution pour nous : ce pro- cité amphibie et du service et joue mon rôle de conseil
chain véhicule d’assaut amphi- outre-mer, où les prestations auprès de la DPMAT en la
bie, de « haute mobilité » nous fournies par le régiment, en matière. Systématiquement, le
donnera l’accès à 80 % des côtes collaboration étroite avec les 6e RG est associé aux DIO qui
au lieu de 20 % actuellement. unités spécialisées de la partent en AMT.
marine dans le cadre des UIP
COL SIMON : le 6e RG ne devient (unités interarmées de D’un autre côté, le chef de corps du
régiment organique de la 9e DIMa plage), nous permettent de régiment est soucieux de mainte-
qu’en 1993. Comment expliquez satisfaire les objectifs opéra- nir cette culture outre-mer et
vous cette arrivée tardive ? tionnels assignés à la 9 et à la envoie du monde un peu partout.
6e BLB, même si certains
GAL THONIER : au départ, une équipements spécifiques Aujourd’hui, concernant le 6,
seule compagnie de génie (59e relativement anciens devront son intégration est faite. Il n’y a
CGDIMa) appuyait la brigade être renouvelés au plus vite… plus rien à prouver, c’est der-
légère amphibie. Puis, celle-ci Je pense en particulier aux rière nous.
s’est transformée en division vieux « bull tapis ».
légère blindée avec deux com- Le général THONIER était le chef
pagnies du génie (141e et 142e de l’opération ARTEMIS /
compagnies). Alors, pourquoi MAMBA … Dans ce cadre, il
en est-on resté à deux compa- évoque les actions conduites
gnies pendant si longtemps ? En par les sapeurs de la force.
fait, c’était la même chose pour
d’autres divisions (8e et 12e divi- CBA PLANTEC : les effectifs
sions d’infanterie) et en plus, le génie de l’opération ARTEMIS
contexte est-ouest d’alors et le étaient-ils bien dimensionnés ?
face à face avec les unités du
pacte de Varsovie, ne militaient GAL THONIER : oui et non. Oui
pas pour l’amphibie. Un phéno- au regard de la durée de l’opéra-
mène accélérateur a été la créa- tion (qui fut brève), et non s’il
tion du 6e régiment étranger de avait fallu durer ou si les mis-
génie. sions avaient été élargies.
COL SIMON : pensez-vous que Nous avions deux contraintes :
le 6e RG soit bien adapté pour
remplir ses missions au sein de • seuls les engins aérotrans-
la brigade, notamment en termes portables ont pu être embar-
d’équipements spécifiques ? Sans faire injure aux autres régi- qués ;
Qu’attendez-vous de lui ? ments, le 6e RG est un régiment
• une piste de 1400 mètres de
opérationnel où règne, comme
long qui connaît 5 à 6 rota-
GAL THONIER : il y a deux volets au 17e RGP d’ailleurs, un état
tions par jour se dégrade vite
dans votre question : d’esprit particulier qui les met
et un tiers de ces rotations
quelque peu à la marge. Le
• le volet des missions tradi- était consacré à la logistique,
génie d’assaut n’était pas très
tionnelles d’une brigade ce qui grève forcément le
développé à l’époque et la mue
légère blindée, pour les- transport des troupes.
s’est faite progressivement.
quelles le 6e REG a été dimen-
Aujourd’hui, la culture « outre-
sionné et qui ne me pose pas
mer » est sur le même plan que Il a donc fallu tailler la force au
de souci particulier ; de toute
la culture « sapeur », mais à la plus juste et diminuer les rota-
façon, si besoin, on serait
limite ça n’est pas important, car tions, ce qui nous a permis de
renforcé de moyens et/ou
le principal est qu’ils [les déclarer la force « opération-
capacités complémentaires sapeurs] se sentent bien dans nelle » le 6 juillet, soit seulement
au moment du processus de leur peau. un mois après l’alerte. Cette
génération de forces…
témoin l’opération ARTEMIS ; opération est un cas d’espèce et
COL SIMON : que faites-vous non un cas d’école. Il a fallu
pour faciliter l’intégration du 6e choisir les moyens, c’est sûr,
RG à la BLBMa ? mais l’enseignement majeur
que je garde c’est l’importance
GAL THONIER : dans la mesure des hommes. J’ai pu faire le
du possible, tous les postes choix délicat de me priver de
génie sont confiés au 6e RG par- certains moyens, parce que je
tout où la BLBMa doit fournir du savais pouvoir compter sur mes
personnel. Je suis aussi attentif hommes.

- 41 -
S A P E U R

Concernant les équipements CBA PLANTEC : selon le concept Mademoiselle HOERTER est
génie, le 6e RG devait initiale- du « Three blocks war » déve- étudiante en maîtrise de science
ment se charger de tout. Mais, loppé par les britanniques suite de l’éducation, mention média-
compte tenu de problème tech- à l’intervention en Irak, le génie tion culturelle et communica-
nique avec certains engins, j’ai peut mener de front des opéra- tion. Dans ce cadre, elle effectue
demandé l’appui de moyens et tions de combat, d’aide au un stage professionnel au sein
personnel du 17e RGP, [groupe déploiement ou humanitaires. de la cellule communication de
OT aérotransportable de la sec- Cela fut-il le cas pour ARTÉMIS ? l’ESAG et réalise une enquête
tion d’équipement de poser d’opinion sur le génie et plus
d’assaut], du 2e RG [groupe GAL THONIER : lorsqu’on particulièrement sur les
énergie] et du 25e RGA pour la « entre en premier » sur un terri- sapeurs. Les conclusions de
maintenance de la piste. L’appui toire et que l’on a décidé de ne cette enquête paraîtront dans
du génie britannique, avec ses pas rester, on lance le génie une prochaine « lettre du
moyens lourds pour les travaux combat en premier. Cela m’a génie ».
de piste, a été essentiel notam- valu des critiques. Mais quand
ment pour faciliter le désenga- on « entre en premier » sur un Mlle HOERTER : pourriez-vous
gement. territoire, on est rustique, on vit nous donner votre définition du
derrière les chars, donc il n’y a sapeur ?
Mon PC opératif (venu de pas d’aide au déploiement. Tout
l’EMF 2) était installé à Entebbe général que j’étais, je me suis GAL THONIER : je vais commen-
dans un hôtel, ce qui au début a rasé en utilisant le réchaud à cer par évoquer une boutade
pu faire sourire. Cependant, pour gaz. Il ne faut surtout pas bien connue de tous les mili-
assurer toutes les tâches admi- prendre Mostar pour modèle. Le taires : « si tu es propre, va dans
nistratives de 526 rotations, il bungalow, ça casse la culture. Je le génie tu seras le seul ». Ce
valait mieux être bien installé me répète, quand on « entre en n’est qu’une plaisanterie, bien
pour bien travailler. Lorsque les premier » sur un territoire, on sûr, mais au-delà, elle révèle
dernières rotations pour débar- est rustique et on n’utilise que le l’esprit sapeur. Si le sapeur est
quer la force sont arrivées sur le génie combat. On ne s’occupe « sale », c’est parce qu’il tra-
territoire, ce PC a commencé à pas des ACM, on laisse ça aux vaille. Ce que fait un sapeur, on
planifier celles du retour. Un PC ONG qui ont d’ailleurs besoin de le voit. Il a le souci du travail
avancé a été extrait d’Entebbe et cet oxygène pour vivre. Mon bien fait. Même si, comme l’ar-
placé à Bunia, pour conduire la soutien sanitaire n’a soigné que tilleur, il a parfois le complexe
manœuvre tactique. Deux mes hommes. L’officier de liai- de l’arme d’appui et a besoin
sapeurs participaient à cet état- son auprès des ONG leur don- d’être aimé. Il faut savoir lui dire
major avancé : un officier supé- nait des recommandations de qu’il est utile, ce qui est vrai
rieur comme chef de la cellule sécurité. Nous sommes pollués d’ailleurs. Le génie est une arme
EOD et l’autre à la cellule génie et par la vision « OTAN » des riche, entière qui a une vraie cul-
3D. À noter l’excellent travail de choses. Nous, on est gaulois, on ture. D’ailleurs, avec les TDM,
soutien mené par l’attaché de est rustique. Je connaissais mes les sapeurs sont les seuls à com-
défense à Kinshasa, sapeur de hommes et je savais que la rusti- mander outre-mer. Je concluerai
son état. cité ne leur faisait pas peur. en reprenant ce que j’avais écrit
dans une lettre de félicitations
CBA PLANTEC : quelles ont été au 6e RG , à l’issue d’un mandat
pour vous les forces et fai- en Bosnie: « je ne vous envie
blesses des sapeurs dans cette pas, je vous admire ». Je ne les
intervention ? envie pas parce que je ne suis
pas manuel et je les admire
GAL THONIER : les faiblesses parce qu’ils sont bien dans leur
tiennent au choix des moyens peau tout en faisant un métier
qui a du être fait. Il est évident ingrat.
maintenant que l’on ne peut
plus s’engager sans génie. Tout
ce que j’ai pu demander à mes
sapeurs a été fait. Je n’ai jamais
constaté d’incompétence. Cela
tient-il au fait que le 6 et le 17
ont des savoir-faire particuliers ?
La rusticité c’est l’affaire de
Je crois qu’il est important de se tous. Mais un TDM connaît les
demander si la culture capacités du génie et sait que le
« débrouille » développée par ce sapeur, lorsqu’il est amoureux
genre d’unité n’est pas essen- de son chef, travaille deux fois
tielle au succès de la mission. plus, alors… [sourire]

- 42 -
S A P E U R

Colonel
INDIVIDU DÉCISIF,
Denis
PARMENTIER LE SAPEUR DANS LE COMBAT
EN ZUB

Saint-cyrien de la promotion Concerning combat in urban areas, the force must be in a position to
MONTCALM (1980-1982) le colo- bring in sometimes simultaneously conventional coercive actions
nel PARMENTIER a servi comme against an identified enemy, to face up to non-conventional actions
lieutenant au 11 e régiment du (terrorists, militiamen…) and control the site.
génie à Rastatt.
The concomitance of these three great types of involvement requires
Il a commandé la 1 re compagnie at every levels, a great ability to reversibility, a good situation reac-
de combat du 6 e régiment du tion and a real power of adaptation to manage the permanent evolu-
génie à Angers de 1988 à 1990. tion of involvement positions and rules.

Engagé ensuite dans le cycle de So whatever are the action phases, the land force is essential to the
préparation au brevet tech- control of the site and the human factor is very important during the
nique, il est ingénieur civil de operations, and so that whatever is the level of the forces. The disci-
l’école nationale des ponts et pline and the experience of enlisted men always constitutes a deter-
chaussées (1994) et suit la scola- mining condition to success.
rité du CSEM (108 e promotion)
puis du CID (3 e session).
Dans le cadre du combat en d’adaptation pour gérer l’évolu-
Chef du BOI du 34 e régiment du zone urbaine, la force doit être tion permanente des postures
génie à Épernay, il effectue une en mesure de s’engager parfois et des règles d’engagement.
mission de 7 mois au sein du simultanément dans des actions
Combine Joint Planning Staff au coercitives conventionnelles Donc quelles que soient les
SHAPE. contre un ennemi identifié, faire phases de l’action la compo-
face à des actions non conven- sante terrestre reste indispen-
En 1998, il est affecté à l'EMAT, tionnelles (terroristes, miliciens sable pour le contrôle du milieu
il participe à la montée en puis- etc) et dans des actions de maî- et le facteur humain est d’une
sance du bureau de conception trise du milieu. importance décisive dans les
des systèmes de forces. À ce opérations et ce quel que soit le
poste il est en charge de la fonc- La concomitance de ces trois niveau de technicité des forces
tion « agencement de l'espace
grands types d’engagement en présence. La discipline et
terrestre », mais aussi des pro-
exige à tous les niveaux, une l’expérience des hommes enga-
jets liés à la robotique et aux
grande aptitude à la réversibi- gés constituent toujours une
armes à énergie dirigée. En
lité, une bonne intelligence de condition déterminante du suc-
2001, il s’occupe de la coordina-
tion des études amonts et tech- situation et une réelle faculté cès.
nico-opérationnelles.

En 2002, il prend le commande-


ment du 13 e régiment du génie à
Épernay puis depuis l’été 2003
au Valdahon.

Il rejoindra cet été de nouveau le


BCSF en tant qu’adjoint au chef
de bureau.

- 43 -
S A P E U R

technologiques pourraient rem-


placer les hommes.

En effet l’homme reste au cœur


du combat en zone urbaine.
Dans ce contexte et parce que
les conflits auront tendance à
prendre la forme d’actions à
petite échelle mais à haute
amplitude, les contributions des
soldats individuels auront une
importance accrue. Comme par
le passé, l’arme la plus dange-
reuse du champ de bataille sera
le soldat énergique, résolu, dis-
cipliné et habile. En même
temps que le courage néces-
saire au combat, ce soldat devra
faire preuve d’un niveau sans
précédent d’initiative et de créa-
tivité pour s’adapter à la situa-
Dans le cadre des opérations • un cloisonnement vertical
tion complexe et changeante du
dans lesquelles les forces ter- extrême où les champs de
combat en zone urbaine.
restres sont susceptibles de tir sont limités et la mobilité
s'engager dans les années à réduite ; Cette complexité est en partie le
venir et quel que soit le mode produit de la puissance de feu
• un espace tridimensionnel
opératoire adopté (coercition de des armées modernes. L’effet
avec le sous-sol qui offre
forces ou maîtrise de la vio- destructeur de nos armes et de
des voies de communica-
lence), la zone urbaine s'impose nos munitions non seulement
désormais comme l'espace pri- tion utilisables, la surface et
les élévations, offrant des anéantit les troupes et les équi-
vilégié de leurs actions. pements adverses mais elle les
possibilités d'observation et
d'accès multiples ; chasse également du terrain
Ce constat, dont la pérennité ouvert. Elle contraint l’ennemi à
peut être considérée comme • une infrastructure permet- abandonner une guerre de for-
assurée à long terme, conduit à tant au défenseur de bénéfi- mations agissant à haute fré-
des évolutions dans l'appui cier d'un avantage tactique quence de manière prévisible, en
direct au combat dont les consé- incontestable. faveur d’une guerre conjuguant
quences se font sentir directe- dispersion et actions raréfiées,
ment sur les engagements des 3) un milieu humain dense et
diversifié où les acteurs peu- de grande ampleur et moins pré-
unités du génie. visibles. Elle amène l’ennemi à
vent être tour à tour neutres,
passifs ou actifs, violents ou s’entourer de non-combattants
En effet, dans le contexte de la utilisés comme bouclier politique
zone urbaine : non violents.
contre notre feu.
1) des situations tactiques diffi- Ce milieu nécessite tout particu- Au même titre que les autres
ciles, souvent violentes, peu- lièrement une coopération inter- unités engagées, l’élément le
vent apparaître soudaine- armes totale jusqu’aux échelons plus important pour la
ment. Il s'agit d'y apporter les plus bas. La nature des mis- manœuvre en combat en zone
des réponses proportionnées sions et du milieu donne place à urbaine du sapeur est l’accent
mais immédiatement effi- chacune des composantes des mis sur son aptitude au combat
caces ce à quoi contribuent unités blindées/mécanisées. Par rapproché. Il devra chercher à
les actions d'appui au com- exemple, l’emploi du trinôme remporter la victoire sur un
bat des unités du génie.
infanterie/char/génie optimise adversaire en attaquant les élé-
2) le milieu physique est d'une l’effet de l’infanterie dans le ments supportant sa puissance
diversité incomparablement combat en zone urbaine et évite de combat (1), q u ’ i l s s o i e n t
plus complexe à appréhender un éventuel enlisement du char moraux ou conceptuels. C’est le
que les grandes étendues dans ce milieu. Ainsi, la compo- fondement de l’action de choc et
souvent ouvertes où s'inscri- sante mêlée, essentielle dans la du génie d’assaut. Il faudra éga-
vait auparavant l'essentiel saisie et le contrôle continu du lement prendre en compte l’im-
des engagements. Il est terrain, ne doit pas être sacrifiée portance du moral pour nos
caractérisé par : au prétexte que les avancées propres forces. Ceci requiert de

(1) « C’est la terreur et non la destruction qui est l’objectif véritable des forces armées » JFC FULLER, Armoured
Warfare.

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S A P E U R

la part des chefs qu’ils et systématique aux


aient « la capacité de premiers échelons de
faire combattre les combat, une décen-
hommes » (2) quelles tralisation maximale
que soient les terreurs du commandement et
et les incertitudes du une volonté d’obtenir
combat. Sans la vo- un effet de « fou-
lonté de prendre des droyance ». Au cours
risques, l’approche des combats, plu-
manœuvrière dans le sieurs lacunes ou dif-
combat en zone ficultés ont pu appa-
urbaine ne peut s’ap- raître : inadaptation
pliquer et la conduite des matériels au com-
des opérations se bat embarqué, faible
trouve essentiellement capacité d’appui à la
centrée sur l’attrition, mobilité verticale,
avec une réduction de absence de réaction
l’initiative et donc de adaptée pour faire
la cadence. Il s’ensuit face aux risques de
donc que les capacités perte de liberté d’ac-
développées dans le tion par la présence
concept de combat en de foules. Ces lacunes
zone urbaine doivent inhérentes autant à
être analysées, non des faiblesses doctri-
seulement par rapport nales que matérielles
à leurs effets sur l’ad- appellent l’attention
versaire, mais aussi des sapeurs du
par rapport à leur 21e siècle, confrontés à
impact sur notre des situations ana-
propre composante logues sur les théâtres
« moral » en donnant d’opérations exté-
aux soldats la rieures.
confiance de prendre
des risques. Car au-delà de la
première intervention
forces. Ainsi, les combats massive de la division LECLERC
Par ailleurs, si nous voulons pro-
menés par le 13e bataillon du en métropole, ce combat pré-
jeter la puissance de combat
génie au sein de la 2e division sente l’intérêt de figurer comme
dans l’espace de bataille com-
blindée peuvent se caractériser un exemple d’intervention
plexe du futur, nous devons
offensive de groupements tac-
inverser nos priorités et passer par trois principes essen-
tiques blindés en milieu urbain
de la simplicité relative du com- tiels : une intégration complète
bat mécanisé au défi d’opéra-
tions post-jominiennes, disper-
sées et sans formation. Nous
devons cesser de considérer les
sombres recoins – villes, mon-
tagnes, jungles – comme des
problèmes ardus et apprendre à
en faire des opportunités pour
des manœuvres créatives.

Le général LECLERC parvint à


franchir ce palier mental lors des
combats de la libération de
Paris, lorsqu’il apprit à exploiter
les avantages du combat en
zone urbaine pour prendre l’as-
cendant sur ses adversaires. La
ville n’était plus un obstacle
redouté, mais un atout pour ses

(2) ADP Ops paragraphe 110.

- 45 -
S A P E U R

La complexité de cet espace de


bataille si particulier de la zone
urbaine exige que nous pas-
sions de la concentration basée
sur :
• l’attrition à la dispersion
ciblée ;
• du feu « apocalyptique » et
épisodique aux senseurs per-
manents et hautement per-
formants ;
• de l’aversion délibérée du
risque à la prise de risque cal-
culée.

Nous ne devons pas continuer à


construire et entraîner nos
forces pour un combat dans les
et de l’appui du génie dans ce général de GAULLE et les Alliés plaines de l’Europe centrale
contexte. De telles configura- en 1944, cela reste une priorité quand le futur se déroule dans
tions ont été mises sur pied lors dans les engagements futurs. La les cités du monde entier. Nous
d’interventions en Europe cen- ville à force de concentration saurons que la guerre moderne
trale et sont dorénavant la struc- des moyens de communication, aura été comprise lorsque notre
ture privilégiée de projection culture de commandement en
des centres de décision poli-
des forces. viendra à considérer la com-
tique et économique, n’est plus
plexité et le chaos non comme
seulement un objectif priori-
L’actualité des enseignements un problème mais comme une
taire ; elle devient l’objectif
tirés des combats de Paris opportunité.
semble frappée au coin du bon unique des prochains conflits.
sens, pourtant il paraît toujours
aussi difficile de donner une
réponse aux questions soule-
vées tant en matière de doctrine
d’emploi que d’équipements qui
en découlent. En effet, le combat
en zone urbaine met en évi-
dence des forces militaires clas-
siques, mais aussi des acteurs
civils, résidents ou miliciens. Les
forces armées se trouvent alors
confrontées à des notions de
droit des conflits ou de politique
et perdent parfois le contrôle de
leur action. Le défi réside in fine
dans la définition des objectifs à
atteindre par la force et les
moyens qui lui sont concédés
pour les atteindre. Ainsi, ce fut
d’âpres discussions entre le

- 46 -
S A P E U R

Colonel
LE STRESS DU SAPEUR-POMPIER
Bernard
FONTAN
DANS LES INTERVENTIONS
EN ZONE SENSIBLE

On 14th July 2001, firefighters from the fire station in AULNAY SOUS
BOIS were called out for a fire and fell into an ambush. The delin-
Saint-cyrien de la promotion quents then crashed a stolen digger into the fire engine. Only with
Grande Armée (81-83), le colo- help from the police could the firemen escape from this situation. The
nel Bernard FONTAN com- delinquents were later prosecuted and given sentences of up to 8
mande le 1er groupement d’in- months imprisonment. They were also ordered to pay damages. The
cendie de la BSPP depuis le job of a firefighter has always been considered a stressful job, howe-
26 juin 2003. ver, they now have the added stress of dealing with urban violence.

Chef de garde d’incendie puis Two forms of stress are known by the specialists : positive stress
commandant d’unité à la BSPP, which boosts your actions and negative stress which wears you
il rejoint ensuite l’ESGM puis down. Firemen’s every day working conditions generate their own
l’établissement du génie de stress. However, stress during an intervention varies depending on
Paris. the stage of the intervention “shout, action or recovery”.
Undoubtedly, after a difficult intervention dialogue is essential and a
Ingénieur civil de l’école natio- debriefing is of the utmost importance to gauge whether or not psy-
nale des ponts et chaussées (96) chological help is required. Sport and physical training is one of the
et breveté de l’enseignement best ways to get rid of any tension.
militaire supérieur (CSEM et CID Urban violence in ghettos adds to the feeling of insecurity that puts
en 98), il est chef du bureau firemen under extra stress. This violence is aimed at all civil servants
emploi à la DCG avant de and consists of either physical assaults or throwing projectiles. The
prendre en 2001, les fonctions fire service is, therefore, an easy prey to these gangs. This is particu-
de chef du bureau formation ins- larly the case in the Northern Parisian suburbs where the 1st Fire
truction de la BSPP. Command operates. 80 % of assaults on the Paris Fire Brigade take
place in the 1st Fire Command’s area of operation. If the job itself is
more interesting in the Northern command area, life for the fireman’s
family is much harder.

Therefore, various steps have been taken locally to face these psy-
chological upheavals and firemen have now taken their own safety
measures. Windscreens have been reinforced in the fire engines and
ambulances and fire stations have been secured. Psychological sup-
port is now provided by our emergency doctors. Alternating assign-
ments between Paris and the suburbs has now become a human
resources policy. Prosecutions against delinquents are now systema-
tic. Prevention actions are now organised by firemen, such as, the
organisation of training sessions with local schools.
Last but not least, the esprit de corps is a precious tool to strengthen
cohesion against stressful adversity.

Nuit du 14 juillet 2001 : les tions financières en réparation


sapeurs-pompiers du centre des préjudices moraux et maté-
de secours d’Aulnay-Sous-Bois, riels.
appelés pour un feu dans une
cité, sont pris dans une embus- Jusque là, les sapeurs-pompiers
cade et un tracto-pelle volé sur étaient conscients de vivre un
un chantier charge leur fourgon. métier stressant. Cependant,
Seule l’intervention de la police depuis quelques années, à des
les sortira de cette situation et conditions de travail parfois
des jeunes sont interpellés. éprouvantes où se mêlent
Jugés en janvier et en mars urgence et situations imprévi-
2004, ils sont condamnés à des sibles, s’ajoute un risque sup-
peines diverses, de 6 mois de plémentaire lié aux violences
mise à l’épreuve à 8 mois de pri- urbaines. À ce dernier, les pom-
son ferme, assorties de sanc- piers n’étaient pas préparés.

- 47 -
S A P E U R

Particulièrement confrontés à ce ou la gravité, en particulier tains services d’urgences, est


phénomène, les sapeurs-pom- quand la vie des personnes très sollicitée pour intégrer des
piers du 1er groupement d’incen- est menacée (notamment stagiaires militaires qui viennent
die intervenant en Seine-Saint- lorsqu’il s’agit d’une femme vivre une mise en situation de
Denis ont développé différentes ou d’un enfant) ou celle stress.
mesures propres à leur secteur. d’autres pompiers et plus le
spectacle de l'atteinte phy- Le stress est un préalable
LE STRESS DU SAPEUR- sique, des blessures, du conscient et accepté qui varie en
sang, des cadavres et de la fonction des moments d’une
POMPIER
mort ; intervention. Parallèlement, de
Deux formes de stress sont façon implicite, des stratégies
• dans les conditions de travail
connues : le stress positif et le d’ajustement au stress ont été
éprouvantes : le sommeil
stress négatif. Le premier cor- adoptées.
interrompu, la prise de déci-
respond au fait que nous sion dans des délais rapides,
sommes capables d'adapter La phase pré-opérationnelle est
les contraintes extérieures
notre comportement aux exi- marquée par l’excitation. La
qui s’ajoutent les unes aux sonnerie déclenche une aug-
gences de la situation. Présent autres (les fumées et gaz
lors de compétitions ou d'exa- mentation brutale de la fré-
toxiques, le bruit, les varia- quence cardiaque et l’exigence
mens, il est la manifestation tions brutales de tempéra-
d'un haut niveau de vigilance ; il de rapidité (s’équiper, rejoindre
ture) ; la remise, etc.) fait monter d’un
permet de se dépasser et d'aug-
menter ses capacités. Il ne pose • dans les facteurs physiques : cran le niveau de stress.
pas de problème car il est facile les efforts soudains, répétitifs Pendant le trajet, l’inquiétude de
à évacuer. et intenses, la fatigue (opéra- l’inconnu peut faire naître une
tions de longue durée), les certaine angoisse chez certains
En revanche, le stress négatif difficultés de respiration et de ou les débutants. D’autres peu-
apparaît lorsque nos moyens de communication liées aux vent redouter de revivre un évé-
défense sont dépassés. Il handi- appareillages, la visibilité nement traumatisant (explosion,
cape voire neutralise notre capa- réduite ou altérée ; brûlure, confrontation à la
cité d’action. Contre-productif, il mort…), ou de laisser transpa-
• dans certains événements raître des émotions.
peut nuire à la bonne réalisation extérieurs : la foule sur les
d’une intervention ou survenir lieux du sinistre, les
après. En intervention, la pression
médias… émotionnelle est forte et dans le
Plusieurs types de ce stress même temps, le sapeur-pompier
Soumis à rude épreuve, le doit réagir physiquement et
négatif doivent être gérés par le sapeur-pompier doit pouvoir
sapeur-pompier : un stress intellectuellement dans les
compter sur sa résistance, sa délais les plus rapides.
endogène et de nouvelles capacité et ses ressources indi-
formes exogènes liées aux vio- S’engageant dans l’action, il dis-
viduelles, pour répondre à ces socie implicitement l’activité
lences urbaines. exigences et s’adapter psycho- technique sur laquelle il
logiquement à la pression de ce concentre toute son attention,
Un facteur endogène stress endogène permanent. de la situation environnante
Des processus se sont donc mis agressive qu’il s’efforce de ne
Les sapeurs-pompiers de Paris en place. pas percevoir.
exercent une profession qui les
confronte à des situations diffi- Prise en compte et gestion La phase post-opérationnelle est
ciles, exigeantes, parfois trau-
du stress : de l’implicite à selon les circonstances l’occa-
matisantes. Associées au carac-
l’explicite sion de l’euphorie, du découra-
tère répétitif et permanent de
gement, de la fatigue ou de
l’urgence, elles ont pour corol-
Un déterminisme professionnel l’abattement. C’est une période
laire la création d’un stress inhé-
et des stratégies implicites de décompression, au cours de
rent à la profession que l’on
laquelle l'angoisse et la tension
peut qualifier d’endogène.
Le sapeur-pompier s'attend tôt accumulées pendant l'interven-
D’où provient-il ? Les origines en
ou tard à être confronté à des tion sont extériorisées. Le rire,
sont multiples et peuvent se
évènements émotionnellement l'humour, parfois « noir » sont
trouver :
forts, voire choquants ou trau- souvent à la hauteur du stress
• dans la nature même des matisants. Ce « déterminisme vécu. Dans cette phase, la cohé-
interventions : les situations professionnel » existe dans sion du groupe et une hiérarchie
nouvelles, leur dimension d'autres métiers à risques ou structurante sont propres à
dramatique ou spectaculaire, liés à l’urgence. C’est pour cela contenir le stress. Comme les
les interventions avec de que la Brigade de sapeurs-pom- militaires ayant vécu des
nombreuses victimes, l’enjeu piers de Paris, à l’instar de cer- épreuves ou des évènements

- 48 -
S A P E U R

intenses en OPEX, les sapeurs- et d’extinction des incendies. quance de voie publique, incivi-
pompiers veulent partager leur lités, attroupements hostiles…
vécu avec ceux qui vivent leur Elle suit un programme annuel
métier et cet échange au retour défini dans chaque groupement Les incivilités prennent plusieurs
d'intervention, entre cadres et d’incendie où l’improvisation formes : impolitesse, insolence
sapeurs, a de tous temps consti- n’a pas sa place. Cet entraîne- et divers manquements à la vie
tué une efficace thérapie de ment quotidien est un gage de en collectivité : salissures, dégra-
groupe. sécurité dans la pratique du dations, vandalisme, abandon
métier. Il peut également canali- d’objets, insultes, interpellations,
Pour les psychologues, la parole ser les émotions en intervention occupations d’espaces (places
qui sert en effet à verbaliser et a et permettre de réaliser des publiques, halls d’immeubles…).
de la sorte des vertus curatives ; gestes quasi automatiques, ren-
elle évacue tensions et dant possible une certaine dis- Les actes de violence contre les
angoisses, et permet également tanciation vis-à-vis de l’évène- personnes ou les biens sont
de savoir si les autres ont res- ment (vertu reconnue du « drill »). commis par un groupe générale-
senti les mêmes impressions. ment jeune, sur « son » terri-
Tout ce dispositif rend possible toire. Ils peuvent être spontanés
Formation et prévention la gestion du stress endogène. ou être le fruit d’un plan plus ou
Qu’en est-il quand il prend sa moins élaboré (embuscade).
Ainsi, après une intervention source dans des causes nou-
délicate ou difficile, il est pri- velles et externes au métier ? Un phénomène de société auquel
mordial qu’un dialogue puisse les pompiers n’échappent pas
avoir lieu avant que chacun ne ZONES SENSIBLES ET VIO-
reparte en repos ou en permis- Ces violences urbaines, si elles
LENCES URBAINES s’attaquent aux biens privés
sion. Cette discussion qui prend
la forme d’un debriefing, favo- (véhicules) visent surtout les
Banlieue et agressivité
rise la prise de conscience par institutions : la police, l’école,
chacun de la normalité de ses l’institution judiciaire (agitations
Travailler en banlieue est diffi-
réactions et contribue à réduire en audiences, intimidations de
cile, en Seine-Saint-Denis plus
le possible sentiment d’échec ou témoins…), la Poste, les trans-
qu’ailleurs : la plupart des zones
d’insatisfaction. Ce debriefing ports en commun, les services
urbaines sensibles (ZUS) identi-
conduit par un cadre est déter- d’urgence des hôpitaux, et… les
fiées en 1999 sont situées en
minant pour repérer ceux qui sapeurs-pompiers. En effet, et
Ile-de-France, particulièrement
auront besoin d’un éventuel peut-être parce qu'ils portent un
dans les communes nord et est
suivi psychologique. uniforme, ils symbolisent par-
de la petite couronne.
fois dans les cités difficiles, la
La BSPP est avant tout une unité seule manifestation de la puis-
Elles cumulent habitat dégradé,
engagée dans l’action pour la sance publique et de l’autorité
chômage, pauvreté, échec sco-
protection des personnes et des de l’État. Au même titre que les
laire ainsi que délinquance et
autres institutions, ils sont deve-
biens, où l’opérationnel reste violence.
nus eux-aussi, des cibles de vio-
prédominant. Consciente que
lence, et des cibles faciles : ils
les difficultés inhérentes aux Les violences urbaines n’y sont
n’ont aucune action répressive
missions sont réelles et qu’elle pas systématiquement syno-
et interviennent dès qu’on les
ne peut pas toujours préserver nymes d’émeutes et d’incendies
appelle.
son personnel, elle mène des volontaires. On y rencontre tous
actions d’information et de for- l e s a c t e s délictueux répétitifs
À ces agressions, il faut ajouter,
mation afin d’anticiper ce type et quotidiens : petite délin-
les dégâts et tentatives d’intru-
de problème.

Chaque jour de garde comprend


séance de sport et formation
professionnelle permanente
(FPP). L’entraînement sportif
permet de se préparer aux inter-
ventions où alternent des
phases de résistance et d’endu-
rance et d’évacuer aussi une cer-
taine tension. La FPP consiste
quotidiennement, dans chacun
des centres de secours, à répé-
ter des gestes individuels et des
manœuvres collectives de
secours à victime, de sauvetage Impacts sur des premiers secours

- 49 -
S A P E U R

sion qui visent les centres de groupes de jeunes : agres- LES MESURES PRISES AU
secours, les vols et les dégrada- sions verbales, dégradations 1er GROUPEMENT D’INCENDIE
tions de matériel en interven- de véhicules et du matériel
tion, les insultes, les menaces de secours, et de temps en
contre le pompier et sa famille ; temps jets de pierres, de Une particularité du groupement
facilement identifiable (même boules de pétanques et
en civil) ses trajets pour autres objets lourds lancés La zone d’action de la brigade
rejoindre la gare ou le centre de des étages (gros électromé- est couverte par 3 groupements
secours après un repos ou une nager par exemple). d’incendie. Celle du 1er groupe-
permission sont stressants. ment couvre le nord-est de Paris
(dont les 18e, 19e et 20e arrondis-
Les sapeurs-pompiers connais-
sements) et la Seine-Saint-Denis
Heureusement, la majeure par- sent les risques d’agression et (le « 9-3 »), soit un peu plus de 2
tie de ces comportements vio- les précédents associés à tel millions d’habitants et quelques
lents n’ont pas de conséquences quartier, telle adresse ou tel 150 ethnies ou nationalités. Ce
graves sur le plan physique immeuble. Quand il s’agit d’in- groupement qui connaît la plus
mais certaines peuvent être tervenir dans les cités, une vigi- forte activité opérationnelle
traumatisantes. lance particulière est de mise, (157047 interventions en 2003,
révélatrice d’un stress nouveau soit près de 36,7 % de l’activité
Une nouvelle forme de stress plus fort qu’ailleurs : lever la de la brigade) est également
exogène tête, ne pas longer les façades. celui qui a enregistré sur la der-
nière décennie, près de 80 % des
Les cités : des lieux d’interven- Une violence étrangère, subie, agressions subies par la bri-
incomprise gade.
tion différents avec des risques
nouveaux
Comme les agents des services Parallèlement, la banlieue repré-
La cité plus qu’ailleurs cristallise publics, les pompiers ont l’im- sente pour ce groupement un
pression d’être les récepteurs creuset d’interventions intéres-
l’agressivité : barres d’im-
santes, diverses et variées. Les
meubles, vandalisme, regards d’une violence qui s’adresse
feux y sont parfois délicats et
menaçants, attroupements plus à la société dans son
impressionnants ; ils forgent
autour des secours, interpella- ensemble qu’à eux personnelle- l’expérience (habitat vétuste,
tions… Les sapeurs-pompiers y ment. Cela est d’autant plus vrai zones artisanales et indus-
connaissent une certaine appré- quand ils interviennent au profit trielles). En 2003, les feux repré-
hension ; moins sereins, ils crai- de la population défavorisée sentent 4,28 % des interventions
gnent pour leur sécurité et celles d’une cité, que toute forme de de la BSPP mais 7,6 % de celles
des victimes. En intervention, violence tend à isoler davan- de Seine-Saint-Denis. Travailler
ils rencontrent principalement tage. Cela peut entraîner un fort en banlieue est devenu un cri-
deux types de violence : s e n t i m e n t d e désillusion tère à part entière. Ainsi au pre-
par rapport au métier que l’on a mier groupement, il est d’usage
• le plus fréquemment, des d’indiquer en plus de ses années
choisi ou à son idéal de départ.
agressions isolées, subies à de services, celles exercées
l’occasion du secours à vic- dans le 93.
Le fait d’être exposé à la vio-
time, par la victime ou ses
lence dans l’exécution de son
proches. Elles sont à mettre Être affecté en banlieue exige
travail, de façon imprévisible,
au compte de la nervosité, de donc de la motivation. En géné-
parfois répétitive (agressions
la consommation de drogues ral, les contraintes sont accep-
verbales), peut engendrer une tées plus facilement par les
ou de malades difficiles à
réaction de stress ou d’anxiété, jeunes ; dans les centres de
maîtriser ;
ou la peur de devenir une vic- secours, la moyenne d’âge est
• les violences urbaines pro- time. Pour les psychologues, le d’environ 25 ans et les céliba-
prement dites, qui s’apparen- besoin de comprendre est taires y sont majoritaires. Mais
tent à une violence de nécessaire pour les victimes : pour les cadres qui dans leur
« zone » et qui sont le fait de pourquoi ces violences ? Ces majorité sont logés sur place, le
actes gratuits et le sentiment problème est plus crucial :
de n’avoir aucune prise sur l’évé- déplacement de l’épouse, scola-
nement ou l’environnement rité des enfants, sorties, utilisa-
accroissent le stress tion des transports en commun,
. courses… Même si l’alternance
En revanche, le stress qu’engen- entre Paris et banlieue n’est pas
toujours possible au sein du
drent les risques courus se
groupement (8 centres de
trouve atténué quand on pense
secours parisiens pour 17 en
avoir été bien formé et être prêt banlieue), c’est un paramètre à
à faire face à toute éventualité. prendre en compte au moment
Impacts sur des premiers secours C’est désormais la dualité que du PAM.
(1 sapeur blessé à la tête) doit gérer le sapeur-pompier.

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S A P E U R

S’adapter Autres mesures opérationnelles cements entre la gare et le


centre de secours, aux heures
Il n’y a pas vraiment de solution Certaines dates sont connues de relève de la garde.
type face à cette insécurité : d’avance (Jour de l’An, 14 juil-
s’adapter est le mot d’ordre let…) et la BSPP prend à chaque
La formation et la sensibilisation
pour continuer la mission en fois des dispositions particu-
des pompiers
tout lieu. Déserter le terrain lières pour assurer une couver-
serait contraire à l’éthique. ture opérationnelle optimum. Il Chaque compagnie a développé
Cependant pour continuer à tra- s’agit, malgré les nombreuses des séances de sensibilisation
vailler, plusieurs actions ont été sollicitations pour feux sur la pour les jeunes recrues ou de
entreprises où il s’agit avant tout voie publique (véhicules, pou- formation pour les cadres ; le
de se rendre moins vulnérable. belles…), de disposer d’engins turnover est tel que celles-ci doi-
pour intervenir sur toute autre vent être répétées régulière-
intervention. Ainsi, dans la nuit ment.
Les mesures opérationnelles
du 31 décembre au 1er janvier
Des tactiques d’intervention 2004, le 1er groupement d’incen- Le soutien psychologique
adaptées die a été renforcé de quatre pre-
miers secours armés par le 3e Comme exposé en première
Un plan spécifique du 1er grou- groupement et le groupement partie, en cas d’agression grave,
pement appelé « plan troubles d’instruction ; cette même nuit, un officier de l’unité peut
urbains » fixe les modalités d’in- ce sont près de 70 voitures qui conduire un entretien collectif
tervention et les précautions à ont brûlé en Seine-Saint-Denis. pour debriefer le groupe ; après
prendre en fonction de la vio- une agression collective, la
lence pressentie et du niveau Les mesures de protection, la for- visite d’un officier supérieur du
déclenché : groupement s’impose. D’autre
mation et le soutien psychologique
• niveau vert : situation nor- part, tout sapeur-pompier blessé
male ; en intervention est suivi par un
Des échanges se sont dévelop-
médecin du groupement. Le cas
• niveau orange : début d’agita- pés avec d’autres villes tou-
échéant, il peut être orienté vers
tions, agressions verbales et chées par ces phénomènes un psychologue. La brigade
gestuelles, augmentation du (comme Belfast), d’autres sont envisage d’avoir très prochaine-
nombre d’interventions à en cours (en Alsace notam- ment un médecin psychologue,
caractère provocateur (feux ment), afin de confronter les qui pourrait suivre ces cas ou
de voitures et de pou- expériences et découvrir tout autre pompier ayant parti-
belles…) ; d’autres savoir-faire. cipé à une intervention traumati-
• niveau rouge : troubles sante.
sérieux de l’ordre public, Le personnel et les engins
agressivité manifeste à Autres mesures
l’égard des policiers ou des La protection des véhicules et Les actions en justice
pompiers. des pompiers est déterminante.
Pour autant, il faut éviter de res- Même si les procédures admi-
Pour ce dernier niveau, les pom- nistratives sont consommatrices
sembler à des unités de main-
piers n’interviennent qu’une fois de temps (compte rendus,
la zone sécurisée, et sous la pro- tien de l’ordre. Le personnel
dépôts de plainte, comparutions
tection des policiers. L’officier porte la tenue de feu complète ;
au tribunal…) les actions en jus-
supérieur de garde du groupe- mais la protection des véhicules
tice sont devenues systéma-
ment est présent, les engins doit être invisible pour ne pas tiques, car il s’agit de refuser la
sont concentrés sur une zone de être ressentie comme une pro- banalisation de la violence.
déploiement initial (ZDI) avant vocation. Aussi, consiste-t-elle Depuis que ces mesures sont en
d’intervenir à la demande. principalement à renforcer les vigueur, et malgré les pressions
vitrages par un film pour éviter qui sont exercées contre les
Dans tous les cas, les consignes la projection d’objets et d’éclats sapeurs-pompiers victimes ou
suivantes sont appliquées : ren- à l’intérieur. les témoins, des agresseurs ont
forcer les moyens au départ des été condamnés (parfois à de la
secours (en effectif), ne jamais prison ferme), des indemnités
Les centres de secours
provoquer ni répondre à la pro- ont été versées.
vocation, ne pas laisser un per-
sonnel ou un véhicule seul, ne Certains centres de secours ont
Les autres pistes
pas stationner ou marcher le vu leur clôture renforcée pour
long des façades, s’engager en éviter les intrusions et la mise en Les pompiers ont développé des
marche arrière dans une place de systèmes de vidéosur- actions de prévention en direc-
impasse, laisser brûler un véhi- veillance. Ailleurs, des navettes tion des jeunes des cités, notam-
cule ou une poubelle isolés… sont instaurées pour les dépla- ment en accueillant des collé-

- 51 -
S A P E U R

giens et lycéens dans le cadre Ces dispositions ne peuvent L'esprit de corps est la vraie
des stages de découverte en faire sentir leurs effets qu’à richesse de la brigade, son
entreprise, d’opérations portes moyen, voire à long terme. Le ciment. Les actions à mener
ouvertes… Si elles peuvent ser- phénomène, apparu depuis près dans ce domaine sont primor-
vir à terme le recrutement, elles de 20 ans s’était développé pour diales, d'autant qu'il peut être
ont déjà des conséquences posi- atteindre un paroxysme au altéré par l'individualisme de
tives sur le regard porté dans les début des années 2000. Il est
notre société. Il rassemble des
cités sur notre profession. encore loin d’être marginal.
valeurs de responsabilité et de
Cependant, une solidarité, d'entraide et de sou-
baisse notoire tien, et des sentiments de com-
des agressions passion et de dépendance, à
(en particulier l'égard d'une unité et de ceux
contre les véhi- qui la composent : « chacun est
cules) est per- seul responsable de tous »
ceptible depuis (SAINT-EXUPÉRY - pilote de
l’année 2001, guerre).
année qui avait
marqué les Mis en rapport avec notre mis-
esprits par la sion, il devient même une exi-
violence parti- gence intrinsèque ; il est une
culière de cer-
contrepartie à la relative autono-
BSPP : dépôts de plainte pour matériel endommagé tains actes.
mie et à la responsabilisation de
Si le climat de chacun.
t e n s i o n s ’ e s t apaisé, il n’en
Les commandants de compa-
demeure pas moins que la vigi- Cet esprit de corps, et la cohé-
gnie et les chefs de centre sont
lance doit être de rigueur.
également associés par les sion qu'il induit, requièrent une
municipalités aux plans locaux implication des cadres de tous
Lors de la dernière Saint-
de sécurité (signalisation des les instants, en particulier de
Sylvestre, sur le secteur du
caves et locaux vide-ordures à ceux exerçant un temps de com-
centre de secours d’Aulnay-
fermer, épaves de véhicules à mandement.
Sous-Bois, des pavés de 6 kg
enlever avant les dates « rendez- L'éclatement géographique d'un
accompagnés de cocktails
vous » comme le 14 juillet ou le groupement d'incendie peut
MOLOTOV ont bien été lancés
31 décembre…). Certains parti- être un frein à la construction de
de la terrasse d’un immeuble
cipent aux stages de réparation
de 7 étages sur les sapeurs- cet esprit de corps (25 centres de
pénale et d’instruction civique,
pompiers qui éteignaient un feu secours pour le 1er groupement).
en liaison avec le TGI de
de voiture !
Bobigny et les communes
concernées. Pendant une jour- Aucune occasion ne doit être
Esprit de corps et cohésion : délaissée. Appréciée dans les bons
née, les jeunes se voient présen-
ter les missions, et participent leviers et garde-fous anti-stress moments, la cohésion est indis-
par des manœuvres à la réalité pensable pour nous permettre
voire la pénibilité du métier de La cohésion, devient un atout d'affronter les périodes plus
sapeur pompier. précieux et indispensable pour
éprouvantes, comme des agres-
faire face aux aléas rencontrés.
sions perpétrées contre le groupe,
Pour les psychologues, elle
voire la blessure ou le décès d'un
répond à trois objectifs :
camarade en intervention.
• stratégique : se
défendre collective- Chaque sapeur-pompier doit
ment et efficacement avoir conscience qu'il intervient
contre les menaces
au sein d'un groupe qui a une
externes, les pressions
devise « sauver ou périr », le
diverses ;
souci de la mission à accomplir,
• psychologique : ses règles et ses rites, son
réconforter et assouvir éthique et son code d'honneur,
un besoin de sécurité, qui lui permettent d'affronter les
évacuer les tensions ;
menaces et les difficultés ren-
• culturel : différencier contrées.
le groupe d'apparte-
nance des autres
1er groupement d'incendie : agressions en intervention groupes.

- 52 -
S A P E U R

Lieutenant-
SI LE SERVICE DU GÉNIE
colonel
Jacques M'ÉTAIT CONTÉ
LE GALL

“Each time I talk about support, I think of infrastructure. Each time I


talk about operational commitment, I think of the experts who gave
me the benefit of their expertise in Kaboul”.
Le lieutenant-colonel Jacques
LE GALL est depuis le 26 juin 2003
le chef du bureau réglementation General Bernard THORETTE
– documentation – prévention de Chief of staff of the Army
la direction centrale du génie à Versailles on October 23, 2002
Versailles.
Entré à Saint-Cyr en 1977, il sert Anyone who has studied History can testify to the enduring influence
comme chef de section au 6 e régi- of the Corps of Engineers in France, its achievements over in the
ment du génie stationné à Angers, home country and abroad with, for instance, the foundation of the
puis comme chef de brigade à US Corps of Engineers. With the advent of Louis 14th, VAUBAN, the
l’école d’application du génie et officer who undertook the works ordered by both COLBERT (until
effectue son temps de comman- 1683) and by LOUVOIS (1665-1691), is without question the founding
dement à la tête de la 7 e compa-
father of the Corps of Engineers. He is emblematic of the versatility
gnie de combat blindée du 32 e
régiment du génie à Kehl de 1985 and the modernity of sappers. Further, proof of the technological
à 1987. proficiency of the Corps of Engineers, is its involvement in the intro-
duction of advanced technologies, such as aeronautics, communica-
Muté aux écoles de Coëtquidan, il
tions and aviation to the military sphere, and the number of creative
devient chef du cours mines –
explosifs – franchissements avant and courageous officers that arose from its ranks (CARNOT, du POR-
de prendre le commandement TAIL, SERE de RIVIERES, MARESCOT, JOFFRE, FAIDHERBE, VER-
pendant un an de la 9 e compagnie NEAU…). The dynamism of the Corps of Engineers, its ability to
d’élèves officiers de réserve. adapt to the needs of the day and its sense of duty to provide sup-
Il découvre le service du génie à port, have often been emphasized by the major political and military
l’issue de sa scolarité du diplôme leaders of our country. Recently, with a new concept of metallo-tex-
technique de 1991 à 1993. D’abord tile structures, the infrastructure department provided on overseas
maître d’œuvre à Clermont- operations with decent winter living conditions for the 500 French
Ferrand, il devient ensuite chef du soldiers of ISAF deployed on operation “Epidote” in Afghanistan. At
bureau conduite des réalisations the same time, it constructed 1300 men camp for the Engineer
et directeur adjoint par intérim à
Battalion at Novo-Solo, it also conducted reconnaissance and provi-
l’établissement du génie de
Grenoble. À l’issue, il continue ded expert advice to CIMIC operations that helped to re-build the
d’exercer les responsabilités de devastated urban areas of Kosovo.
conduire les opérations d’infra-
structure et domaniales comme Yet, the Corps of Engineers has never shown off sappers being satis-
chef du bureau assistance au fied, perhaps too modest, to follow the example of their prestigious
commandement de la direction
elders. Thus, currently the men and women of the infrastructure
régionale du génie de Lyon.
department are working hard, behind the scenes, to meet the infra-
En novembre 1998 il participe structure requirements of the Defence community set down in
comme auditeur à la 134 e session decree number 2000-289 of March 30, 2000.
régionale de l’institut des hautes
études de défense nationale de
Lyon. An expose of the infrastructure department, by way of its manage-
ment missions, maintenance and adjustments to our real-estate is
Désigné pour occuper les fonc- one way to pay homage to all those who, though sometimes mis-
tions de chef de corps de l’établis-
understood and poorly considered, are working hard to satisfy com-
sement du génie – Lyon, il est
directeur de mai 2000 à juin 2003. manders and troops, in both peace and crisis time, on our national
territory as well as overseas.
Le lieutenant-colonel LE GALL est
titulaire du brevet technique
In order to realise how important the infrastructure department is
d’études militaires générales et
chevalier de la Légion d’honneur. within the Ministry of Defence, it is necessary to examine its training,
its organisation and the broad range of skills it encloses

- 53 -
S A P E U R

« Dès lors que l’on parle de sou- Dans le même temps, il a pour- Pour bien se rendre compte de
tien, je pense infrastructure. Dès suivi l’installation d’un camp l’importance du service du génie
lors que l’on parle d’engage- 1300 hommes pour le bataillon au sein de la défense, il est utile
ment opérationnel, je pense aux du génie à Novo-Solo et effectué de s’attarder sur sa spécificité,
experts qui m’ont démontré le des expertises, reconnaissances son organisation et sur le large
bienfait de leurs compétence à et missions d’urbanisme dans le éventail des métiers qu’il
Kaboul. » cadre des affaires civilo-mili- recouvre.
taires pour construire des villes
Général d’armée Bernard THORETTE au Kosovo.
Chef d’état-major de l’armée de terre
LE SERVICE DU GÉNIE : DES
Versailles le 23 octobre 2002 Et pourtant le génie ne s’est
jamais présenté comme une
PROFESSIONNELS DE L’IN-
arme de panache, les sapeurs se FRASTRUCTURE AU SER-
Celui qui étudie l’histoire peut contentant tout naturellement, VICE DE LA DÉFENSE
témoigner de la constante calmement et trop modeste-
influence du génie tant sur le ment peut-être de suivre Le service du génie réunit du
territoire national avec des réali- l’exemple de leurs aînés presti- personnel militaire et civil
sations qui jalonnent le « tour de gieux. autour d’un même objectif :
France » que vers l’international répondre en termes d’infrastruc-
avec par exemple la naissance Ainsi, dans le service du génie ture à l’attente d’une quinzaine
du génie américain. d’aujourd’hui, des hommes et de composantes de la défense
des femmes travaillent au quoti- parmi lesquelles l’armée de
À l’avènement de Louis XIV, l’of- dien, dans l’ombre, pour terre représente près des 2/3 des
ficier VAUBAN qui est directe- répondre en matière d’infra- travaux d’investissement.
ment responsable des opéra- structure aux besoins de la
tions qui lui sont confiées par défense conformément aux Sa vocation interarmées
COLBERT (jusqu’en 1683) puis attributions fixées par le décret l’amène à intervenir également
par LOUVOIS (1665-1691) est numéro 2000-289 du 30 mars au profit d’autres attributaires,
sans conteste le père et fonda- 2000. dont la gendarmerie nationale,
teur du génie militaire. Il repré- le service de santé des armées,
sente une figure emblématique Présenter le service du génie à les grandes directions de
de la polyvalence et de la travers ses missions de gestion, service ou encore l’armée de
modernité des sapeurs. d’entretien et d’adaptation du l’air.
patrimoine immobilier permet
Arme savante par excellence, le de rendre hommage à tous ceux Dans le cadre de l’assistance
génie inscrit son action au fil du qui, parfois mal compris et peu générale, le service du génie
temps dans les techniques nou- considérés, œuvrent avec cœur soutient les différents états-
velles de l’aéronautique, des pour la satisfaction du comman- majors dans leurs responsabili-
transmissions et de l’aviation… dement et des formations en tés concernant le stationnement
et révèle au grand jour des temps de paix comme en des formations, l’élaboration
hommes de science, de talent et période de crise, en métropole des schémas directeurs, la plani-
de courage (CARNOT, du comme à l’extérieur des fron- fication générale et la program-
PORTAIL, SÉRÉ de RIVIÈRES, tières. mation.
M A R E S C O T, F A I D H E R B E ,
JOFFRE, VERNEAU…).

Le dynamisme du génie, ses


capacités d’adaptation aux
besoins de chaque époque et
son sens du soutien ont été
maintes fois soulignées par les
grands responsables politiques
ou militaires de notre pays.

En opérations extérieures, le
service du génie a assuré der-
nièrement, avec un nouveau
concept de structures métallo-
textiles, des conditions d’hiver-
nage décentes pour les 500 sol-
dats français de l’ISAF et de
l’opération « ÉPIDOTE » en
Afghanistan.

- 54 -
S A P E U R

GÉRER
Participant à la gestion du
domaine immobilier de la
défense, le service exerce un
rôle proche de celui de notaire
pour les opérations d’acquisi-
tions, d’affectations, d’amodia-
tions et d’aliénations.

Il est le conseiller du comman-


dement en la matière, mais
aussi l’interlocuteur incontour-
nable de tous les intervenants
dont la particularité est qu’ils
sont nombreux (collectivités ter-
ritoriales et régionales, adminis-
trations, services fiscaux).

Du côté de la défense, le service l’exécution des travaux de sur- d’infrastructure fait intervenir de
du génie travaille en liaison veillance technique du domaine, nombreux acteurs aux respon-
constante avec les états-majors d’entretien spécialisé et d’adap- sabilités bien identifiées dans
pour les orientations de gestion tation mineurs. les métiers de la maîtrise d’ou-
domaniales, la direction de la vrage, la maîtrise d’œuvre et les
mémoire, du patrimoine et des Ce soutien de proximité est hau- entreprises, ainsi qu’un proces-
archives qui élabore et met en tement exigeant car il requiert sus de conduite en trois stades :
œuvre la politique patrimoniale des responsables en place à la la définition de l’opération, sa
du ministère et, enfin, la mission fois des savoir-faire techniques réalisation et son achèvement,
pour la réalisation des actifs et administratifs pour procéder où sont notamment mis en
immobiliers qui a pour tâche au lancement et au contrôle de œuvre les garanties de parfait
d’assurer les négociations com- l’exécution des travaux, des achèvement.
merciales avec les particuliers et compétences pour conduire les
les collectivités locales. actions de coordination entre Des conférences militaires per-
l’utilisateur et l’établissement du mettent de passer au stade sui-
Administrant 83 % du domaine génie de rattachement et, enfin, vant par approbation du stade
immobilier de la défense, le ser- pour remplir le rôle permanent précédent.
vice traite ces opérations com- de conseil au commandement.
plexes et fait face depuis quelques En maîtrise d’ouvrage, les gou-
années à l’augmentation significa- Assurer la maintenance d’un verneurs de crédits ou leurs
tive des contraintes environne- immeuble est un vrai métier qui représentants expriment leurs
mentales et urbanistiques. ne s’acquiert que grâce à une besoins, approuvent les études,
solide formation de spécialité et financent les opérations et ont
Possédant des agents asser- une expérience acquise au sein pouvoir de décision, le service
mentés, il participe également à de l’infrastructure. du génie apportant ses compé-
la surveillance du domaine, à la tences techniques, administra-
création et à la gestion de servi- tives, financières et juridiques
tudes (champs de tirs, dépôts de ADAPTER
pour conduire les opérations.
munitions).
La troisième mission majeure
consiste notamment à définir et Le maître d’œuvre, qu’il soit
ENTRETENIR à réaliser des aménagements, public ou privé, est le deuxième
des constructions neuves ou des intervenant majeur. Il est chargé
Le prolongement de l’activité rénovations. Ces opérations par le maître de l’ouvrage d’ap-
domaniale et immobilière se relèvent du titre V. porter une réponse architectu-
trouve naturellement dans l’exé- rale, technique et économique
cution des opérations de mainte- Les crédits sont confiés au direc- au programme de l’opération.
nance visant à conserver le poten- teur régional du génie qui
tiel des infrastructures mises à la exerce les fonctions d’ordonna- À noter que le recours à la maî-
disposition des formations. teur secondaire et qui tient la trise d’œuvre privée permet au
comptabilité des engagements service du génie de lisser son
À ce titre, le service du génie et des dépenses effectuées par plan de charge et de satisfaire la
intervient, avec ses services les organismes d’exécution. demande précise d’un attributaire
locaux d’infrastructure, pour La réalisation de ces opérations (qualité architecturale, politique…).

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S A P E U R

térialisation des marchés, deux


versions successives du
« nouveau code des marchés
publics », la mise en œuvre du
contrôle de gestion et de la
démarche de pilotage, l’applica-
tion de la loi organique relative
aux lois de finances (LOLF), la
montée en puissance de la loi
d’organisation et de program-
mation pour la sécurité inté-
rieure (LOPSI)…

Pour faire face à ces nombreux


défis, il a choisi de décliner au
niveau central, puis au niveau
Troisième grand acteur : l’entre- fectures ou du commandement régional et au plan local, une
prise, qui va effectuer les tra- territorial militaire. logique de métiers pour que les
vaux. Les contrats sont passés trois milles personnes civiles et
par le directeur d’établissement Le service du génie exerce en militaires du service puissent
du génie qui, comme personne outre des compétences spéci- s’engager dans des carrières mo-
responsable des marchés fiques telles que l’établissement tivantes et clairement identifiées.
(PRM), est habilité es qualités à et la gestion des régimes des
engager l’État et à signer les champs et stands de tirs, la prise Ainsi les compétences nouvelles
marchés publics de travaux. en compte dans les projets des se répartissent principalement
L’action de la PRM s’inscrit au mesures destinées à la préven- dans quatre grands ensembles :
plan administratif et juridique tion (protection contre l’incen- la conduite des opérations, l’ad-
dans les procédures strictes et die, protection de l’environne- ministration et les finances, l’or-
rigoureuses découlant principa- ment et hygiène et sécurité des ganisation et les ressources et la
lement du code des marchés conditions de travail). maîtrise d’œuvre.
publics.
Il dispose au sein du service
La responsabilité de la PRM est technique des bâtiments Le pourcentage du personnel
pleine et entière dans l’applica- fortifications et travaux de per- civil est passé de 45 à 70 % en
tion des lois et des règlements. sonnel hautement qualifié quelques années.
capable de répondre à des mis-
Elle ne peut invoquer les ordres sions très spécialisées comme, Malgré cette rapide évolution, la
reçus pour déroger à la loi et par exemple, la protection mission du service du génie
peut, en cas d’infraction, encou- contre les effets des armes clas- s’est poursuivie dans des condi-
rir des sanctions pénales. siques et nucléaires, le conseil tions favorables, les deux popu-
en sécurité contre l’intrusion, la lations civiles et militaires éta-
simulation permettant le dimen- blissant d’emblée un climat de
DES MISSIONS PARTICULIÈRES confiance mutuelle basée sur la
sionnement des ouvrages sou-
mis à toutes sortes de sollicita- compétence. Ainsi, on trouve à
Pour compléter ce tableau des
tions, ou encore, une assistance tous les échelons les compé-
missions du service et affirmer
sa spécificité par rapport à un dans le domaine du rayonne- tences nécessaires pour :
service d’infrastructure civil, il ment électromagnétique.
• assister le commandement
convient d’insister sur les situa- (gestionnaires du plan de
tions dans lesquelles le service UNE ORGANISATION CAL- charge, « programmistes »,
du génie est amené à intervenir : QUÉE SUR UNE LOGIQUE DE architectes, conducteurs
paix, crise, guerre et pour les- MÉTIERS d’opérations, conseillers en
quelles il entretient en perma- gestion domaniale…) ;
nence des capacités de soutien Suite à la professionnalisation
• conduire les opérations
au stationnement, des aptitudes des armées, le service du génie
(chefs de bureaux et de sec-
aux missions d’urbanisme pour s’est adapté pour accompagner
tions de la maîtrise d’ou-
reconstruire les infrastructures la transformation radicale qui
vrage, responsables de pro-
indispensables à la vie des vient de s’opérer.
grammes…) ;
populations sinistrées et des
possibilités d’actionner des Dans le même temps, le service • concevoir les projets, suivre
détachements de reconnais- a pris en compte un nouveau les travaux et contrôler la réa-
sance et de liaison auprès des système comptable, le passage lisation (chefs de bureaux et
cellules de crise au sein des pré- à l’euro, les débuts de la déma- chefs de sections de la maî-

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S A P E U R

C’est ce qui se passe sans dis-


continuer depuis une dizaine
d’années, environ 60 militaires
du service se trouvant en per-
manence sur les théâtres opéra-
tionnels et dans les renforts
auprès des troupes préposition-
nées.

CONCLUSION

L’exemple de VAUBAN, qui était


tour à tour combattant, ingé-
nieur militaire, économiste,
organisateur, urbaniste, stratège
et réformateur, inspire encore
aujourd’hui l’action du service
du génie qui, par ses évolutions
trise d’œuvre, experts tech- matique, administrateurs de
successives, s’est toujours ins-
niques du STBFT, dessina- réseaux, techniciens d’ex-
teurs, chargés d’affaires, crit dans une démarche de pro-
ploitation informatique).
conducteurs de travaux…) ; grès.
Tous ces emplois peuvent être
• veiller à la surveillance des Par son attitude volontariste et
tenus indifféremment par du
immeubles et assurer la ambitieuse, le service s’est orga-
maintenance de l’infrastruc- personnel militaire ou civil qui
n’a pas une culture unique : un nisé pour remplir au mieux les
ture (agent domanial, officier missions complexes qui figurent
o u s o u s - o f f i c i e r e n s e r- technicien devant posséder
nécessairement des notions dans ses attributions. Sa réus-
vice local d’infrastructure, site repose principalement sur la
conducteur de travaux, dessi- fortes en administration, l’admi-
nistratif maîtrisant l’outil infor- compétence, le dévouement des
nateur…) ; hommes et des femmes qui y
matique et le gestionnaire plani-
• contribuer à la passation des fiant la conduite des opérations servent et par la constante
marchés ainsi qu’à leur suivi domaniales, d’investissement remise en cause qui leur est
(agents d’administration des ou de maintenance pour ne citer nécessaire pour acquérir les
marchés, chargés de conten- que quelques exemples. savoir-faire multiples et a p p l i -
tieux administratifs et judi- q u e r d e s d i s p o s i t i o n s régle-
ciaires, comptables…) ; Cependant les engagements mentaires de plus en plus
• administrer et gérer le per- récents des armées en opéra- contraignantes.
sonnel civil et militaire (ges- tions extérieures montrent l’im- Le ministre de la défense, qui a
tionnaires en ressources portance accrue du soutien au inscrit dans la stratégie ministé-
humaines, responsables de la profit des forces projetées, où rielle de réforme pour 2004 le
formation…) ; seul le personnel militaire du rapprochement des services
service du génie est amené à infrastructure du ministère et
• créer les conditions propices intervenir. qui a demandé à la secrétaire
à la bonne exécution du tra- générale pour l’administration
vail (gestionnaires, régis- Il doit donc être en mesure d’as- d’examiner les modalités du
seurs, comptables matiè- regroupement, connaît tous les
sumer sur un théâtre d’opéra-
res…) ; atouts tant humains que profes-
tions l’ensemble des compé-
• créer et soutenir les applica- tences liées aux responsabilités sionnels que possède le service
tions informatiques spéci- décrites ci-dessus et, en plus, être du génie pour être un rouage
fiques adaptées au besoin du apte à la projection sans délai. essentiel dans une telle transfor-
service (responsables infor- mation.

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S A P E U R

Chef de
LE SAPEUR-POMPIER,
bataillon
Didier UNE ÉCOLE DE CITOYENNETÉ
ALLAERT

Despite our society suffers greats ills, the reference of moral values
and the daily training through the numerous interventions permit to
consider firemen Corps as a real citizenship school. There’s no best
Le chef de bataillon ALLAERT school of citizenship than this one.
débute sa carrière en janvier At first sight, aggressivity facing under state control services dressed
1985 à l’ESAG en tant qu’élève in uniform, individualism and opportunism could be inflicting
officier de réserve (EOR). damage to this model.
However, fire-fighters have to perform complementary missions of
En juin 1985, il choisit le 10e RG à assistance next to people, by putting out of fire or giving the first aid
Spire (FFA) et occupe un poste to the victims. This activity results from a 4 month-vocational-trai-
de CDS d’instruction puis de ning-period which one of the goals of is to inculcate upon recruits
combat. essential values of the mission. Through its different aspects, the
fire-fighter's work contains all the more precious keys to understand
En septembre 1987, il rejoint sur social distress.
sa demande la brigade de This is why the fire-fighter, real guardian angel of the community,
sapeurs-pompiers de Paris et il looks like a perfect citizen equipped with a high sense of devotion.
est affecté au sein du 3e groupe- The device of the Paris Fire Brigade summarizes all this moral values :
ment d’incendie. “To save or to die”. A real citizenship school for a real self-sacrifice…

Il intègre l’école militaire inter- Entreprise citoyenne, consom- La citoyenneté « ordinaire »


armes en 1989 (promotion mateur citoyen, citoyenneté peut être définie comme une
bataillon de Corée). sociale, etc. Rares sont les citoyenneté moderne, plus ou
vieilles notions qui ont été au moins intense selon le compor-
À sa sortie d’école d’application cours de ces dernières années tement de chacun. Certains
en 1992, il choisit de nouveau de autant d’actualité que la citoyen- citoyens sont d’une grande pas-
servir au sein de la BSPP, au 2e neté et, en même temps, pro- sivité, d’autres sont particulière-
groupement d’incendie. fondément réinterrogées ou ment actifs (vote régulier aux
remises en question. scrutins, participation à des
En septembre 1997, il prend le associations ou à un parti poli-
commandement de la 8e compa- Un des motifs de réinterrogation tique, exercice du droit de péti-
gnie basée dans le centre de réside dans l’opposition qui tion, candidature à des mandats
Paris, près du forum des Halles. s’esquisse entre la citoyenneté électoraux).
« officielle » définie formelle-
En septembre 1999, il est affecté ment dans les textes fondateurs Ce deuxième type de citoyenneté
à l’état-major du 2e groupement de la République (Constitution) se manifeste donc par des actes
d’incendie et prend en compte la et la citoyenneté « ordinaire » plus ou moins engagés, parmi
section logistique. telle qu’elle est vécue et conçue lesquels l’activité de sapeur-
par le commun des citoyens. pompier prend une dimension
Il effectue en 2000, le stage de la particulièrement forte.
104e promotion du diplôme La première, multidimension-
d’état-major de Compiègne. nelle, confère au membre de la En effet, l’exercice à titre profes-
République la citoyenneté fran- sionnel ou volontaire d’une telle
Admis au concours du CSEM çaise. Elle peut être définie activité peut être interprété
2005, il s’apprête à rejoindre le comme un statut garantissant
collège de l’enseignement supé- des droits mais définissant
rieur de l’armée de terre en août aussi des devoirs. Ainsi, le
2004. citoyen devient un acteur à
part entière de la vie collective
de sa nation : politique (élec-
teur ayant le droit d’être élu),
civile (liberté de penser, de
commercer, etc.), juridique
(payer ses impôts, respecter
les lois, droit d’être défendu,
etc.) ou socio-économique
(droit à l’éducation, protection
sociale, solidarité, etc.).

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S A P E U R

pompier est de plus en plus


amené à imposer sa présence et
son autorité en matière de
secours pour pouvoir exercer
dans les conditions prescrites
par ses règlements, voire dans
certains cas extrêmes pouvoir
intervenir dans des conditions
de sécurité minimales. Cette
perversité latente a un retentis-
sement défavorable sur la moti-
vation du personnel qui n’exer-
cent parfois plus avec la foi, l’ar-
deur et le dévouement que l’on
serait en droit d’attendre d’eux.
Les améliorations constatées
depuis peu s’avèrent trop
récentes pour en retirer des
enseignements majeurs ou de
quelconques généralités.
comme la volonté d’accomplir à l’exercice du métier. Surtout, De plus, la société actuelle et les
une tâche d’utilité publique la solidarité du sapeur-pompier systèmes de recrutement tels
certes faisant partie d’un panel est la caractéristique essentielle qu’ils existent aujourd’hui,
de tâches important mais revê- d’une citoyenneté modèle de induisent parfois une dérive
tue d’une spécificité qui lui tous les instants. opportuniste des comporte-
confère une certaine noblesse. ments. La notion de service
rendu devient une tâche à
Pour autant, est-il vraiment Aujourd’hui, toutes les branches
accomplir comme une autre,
opportun de considérer cette de la société souffrent de maux
revendiquée pour être rétribuée
activité en un modèle scolaire, qui mettent la notion de citoyen-
à sa « juste » valeur marchande.
c’est à dire en référence desti- neté à rude épreuve. Ce constat
L’engagement n’est plus désin-
née à donner l’exemple à suivre met à mal les fondamentaux au
téressé. Toutes les professions
pour l’ensemble de la société ? sein même de la corporation des subissent un lissage qui les
Est-il judicieux d’affirmer sapeurs-pompiers. banalise et les dévalorise aux
qu’être un sapeur-pompier, yeux de leurs propres acteurs.
aujourd’hui, c’est être un En fait, la société est de plus en Dans les domaines nécessitant
citoyen modèle, imprégné d’une plus agressive vis à vis des insti- une formation spécifique, l’ad-
volonté inébranlable de secourir tutions portant l’uniforme hésion aux fondamentaux n’est
son prochain, magnifiant la (police, sapeurs-pompiers). plus systématique et doit faire
notion de solidarité offerte aux Celles-ci ont du mal à riposter l’objet d’un apprentissage moral
plus faibles ou au plus aux incivilités multiples dont dès les premiers mois d’activité,
démunis ? elles font l’objet. Le citoyen avec le risque d’entraîner un
moderne raisonne de plus en rejet plus ou moins fort des
Il n’y a pas de meilleure école de plus en termes de droit à rece- valeurs qui forgent l’idéal du
la citoyenneté que celle ou l’on voir ou de droit de faire en métier. Ainsi, au sein de la bri-
apprend à sauver les autres. occultant totalement les devoirs gade de sapeurs-pompiers de
Malgré des fondamentaux vul- dont il est redevable à l’égard de Paris, les plus jeunes n’adhèrent
nérables, les référentiels incul- la collectivité. Ce détournement plus aussi facilement aux tradi-
qués et entretenus sans relâche d’objectif devient un théorème tions du corps malgré les efforts
érigent le sapeur-pompier en défendu avec force revendica- réalisés par l’encadrement de
véritable citoyen-modèle, garant tions et agressivité envers tout contact. Le référent civil des
des valeurs fondamentales de ce qui pourrait limiter son éten- sapeurs-pompiers profession-
notre société. due (lois) ou restreindre son nels devient systématique et, au
plein exercice (forces publi- sein d’une telle institution mili-
Certes, des valeurs hier univer- ques). Concernant les sapeurs- taire, s’avère incompatible avec
selles sont aujourd’hui remises pompiers, la mission de secours les valeurs exprimées dans la
en question et menacent jusque pâtit d’un manque de considéra- devise du corps « altruisme, effi-
dans la corporation des sapeurs- tion de plus en plus fort. Autant cience, discrétion ».
pompiers. Mais les référentiels lors des trajets (irrespect des
inculqués aux jeunes recrues autres usagers de la route) Surtout, l’individualisme latent
sont basés sur le respect des qu’au cours des interventions doublé d’une certaine passivité
valeurs morales indispensables proprement dites, le sapeur- vis-à-vis d’un avenir considéré

- 60 -
S A P E U R

comme incertain induit des com- d’apprentissage de la citoyen- d’honnêteté, donc de citoyen-
portements instables dénués de neté. L’observation des règles neté, c’est au-delà de l’accom-
tout repère. Au sein de la bri- de vie communes, le respect de plissement de sa mission, être
gade, des personnes sans but l’autre, la rigueur dans l’exécu- généreux vis-à-vis des autres,
professionnel défini viennent tion des actes sont autant de sans jamais exploiter leurs fai-
chercher une formation sans règles sociales qui sont com- blesses, et d’agir constamment
être véritablement convaincus munes avec le reste de la avec humilité face aux événe-
du bien-fondé de leur démarche, société. Le jeune apprend ainsi à ments contre lesquels on doit
voire occuper des instants de vie vivre dans une communauté lutter. Cela vaut au sapeur-pom-
en attendant une opportunité ayant ses propres règles, et où il pier d’être regardé et qu’il ne
beaucoup moins exigeante. Ces y accomplit ses devoirs et y fait puisse pas se permettre le
nouveaux citoyens appartien- valoir ses droits. La différence moindre faux-pas (on brûle plus
nent à une génération sans iden- réside dans le fait qu’au sein de facilement ce que l’on admire !).
tité historique forte et semblent la brigade, l’objectif de l’inter- Les défaillances éventuelles
donc persuadés de l’avènement vention rend nécessaire le par- sont considérées comme très
d’une société sans âme caracté- fait respect de ces règles. L’a peu graves car contraires à l’éthique
risée par le désintérêt vis-à-vis près n’est pas de mise car il y va du corps et dangereuses pour
de la chose publique. La perte de la sécurité individuelle ou l’accomplissement de la mis-
de ces valeurs secrète les collective des intervenants. sion. L’exclusion du groupe est
germes d’un manque absolu de alors inéluctable. Le vol, une
réactivité, d’ambition voire de D’autre part, cet enseignement conduite déplacée en service ou
passion. D’où une citoyenneté ne consiste donc pas seulement hors service ou encore la drogue
toute relative, tolérant l’absten- en la réalisation de gestes précis sont des tristes exemples d’ac-
tion publique, magnifiant le repli mais aussi dans une philosophie tualité. Ainsi, au-delà de l'ins-
sur soi-même et reléguant au de vie liée aux règles de l’en- truction technique enseignée
second plan la générosité du traide, et vis-à-vis de laquelle le lors des premiers mois et tout
don de soi pour le bien public. sapeur-pompier fait figure au long de sa carrière, cette for-
Être un sapeur-pompier peut d’exemple. En effet, la société mation morale constitue un véri-
ainsi ne plus être une vocation abandonne un certain nombre table savoir-être que le jeune
ni une mission sacrée, mais bien des siens sans trop y faire atten- sapeur-pompier découvre et
un métier banal que l’on exerce tion et sans l’action des sapeurs- mettra en application tout au
autant que faire se peut un mini- pompiers, le bilan serait plus long de sa carrière. Cette probité
mum d’heures par semaine pour que catastrophique. Lors de la de tous les instants lui est exi-
être en phase avec la plupart de canicule de l’été 2003, de nom- gée et lui vaut d’être reconnu
ses concitoyens. breuses personnes âgées sont comme un citoyen exemplaire.
décédées faute de contacts avec
L’environnement pernicieux, les autres membres de leur Ainsi, les jeunes sapeurs-pom-
l’opportunisme et l’individua- famille voire simplement avec piers apprennent les devoirs du
lisme constituent donc une leurs voisins de palier.
menace réelle pour la citoyen- De même, tous les
neté d’aujourd’hui, au sein de la hivers, des personnes
société comme au sein des démunies meurent de
sapeurs-pompiers. froid sans que la
société s’en émeuve
Pourtant, les valeurs morales outre mesure. Des ini-
sont là et n’ont pas besoin d’être tiatives sont prises
redécouvertes. Elles nécessitent pour leur venir en aide
seulement d’être enseignées. mais elles restent mar-
ginales et l’ensemble
L’enseignement du métier de de la collectivité se
sapeur-pompier comporte des soucie peu du sort de
référentiels mettant en exergue cette catégorie de per-
les valeurs morales indisso- sonnes. L’action du
ciables d ’ u n e c i t o y e n n e t é sapeur-pompier, l’un
modèle. Telle qu’elle est vécue au des seuls citoyens à
sein de la brigade, celle-ci est une agir pour son prochain,
source inépuisable de lien social. revêt ici un caractère
remarquable et l’érige
D’une part, l’enseignement des en modèle.
valeurs morales fait l’objet d’un Enfin, une des autres
soin rigoureux en raison de la règles essentielles
spécificité du métier. La cohé- inculquées et celle de
sion y est un facteur primordial l’honnêteté. Faire vœu

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S A P E U R

pompier de Paris d’entretenir ce « goût pour


sait évoluer avec l’autre » regroupant les qualités
constance dans de tolérance, de courage et d’ab-
cet univers pour négation. Dans ce contexte, il
restituer la est aisément compréhensible
même qualité de que le sapeur-pompier de Paris
secours, quels
puisse aller jusqu’au bout de lui-
que soient l’en-
même pour secourir les autres.
droit, le moment
ou le contexte.
Solidaire, sage et dévoué, le
Ensuite, être un sapeur-pompier met ainsi en
sapeur-pompier œuvre dans le quotidien de ses
c’est être un gar- interventions tout l’éventail des
dien de la vie. La qualités requises chez un
citoyen en tant que membres confrontation à des situations citoyen modèle.
d’une collectivité. Ils dévelop- dangereuses et/ou difficiles
pent dans le même temps un (douleur des victimes, mort) lui
esprit d’entraide, de solidarité et
CONCLUSION
apporte une certaine maturité
d’honnêteté qui devient ailleurs qui lui permet de discerner rapi- En définitive, les pires dangers
de plus en plus rare. Le code dement l’essentiel de l’acces-
guettent les valeurs sociétales
d’honneur du sapeur-pompier de soire. Indifférent à l’égard des
Paris trouve ici toute sa place. d’aujourd’hui. Cependant, au
nombreuses futilités remplis-
sant la vie de nombre de ses sein des sapeurs-pompiers, la
L’unité est là pour maintenir concitoyens, le sapeur-pompier formation initiale met en
l’état d’esprit et entretenir la appréhende mieux que les lumière les qualités morales
flamme de l’engagement, qui autres certaines valeurs fonda- essentielles à l’exercice du
peut aller jusqu’à la mise en péril mentales comme le respect de métier.
de sa propre vie. C’est en cela la détresse (école de la vie) ou la
que le corps des sapeurs pom- confiance en son prochain L’expérience acquise les enrichit
piers peut être considéré comme (binôme d'intervention). Cette sans cesse et vaut au sapeur-
une école de citoyenneté. maturité conforte les autres qua- pompier d’aujourd’hui d’être
lités d’humilité, de dévouement, élevé en modèle au sein de la
L’exercice de la solidarité consti- d’impartialité, de discipline sans société.
tue l’ultime étape de la citoyen- cesse développées et entrete-
neté du sapeur-pompier, englo- nues au cours de sa carrière, et
Il est donc vrai qu’être un
bant des notions complémen- permet au sapeur-pompier de
sapeur-pompier, aujourd’hui,
taires de maturité et de sacrifice mieux se comporter encore
dans son rôle de citoyen exem- c’est être à l’école de la citoyen-
de soi.
plaire. neté. Il n’y en a pas de meilleure.
Tout d’abord, être un sapeur- Exemplaire tant sur intervention
pompier c’est être un catalyseur À fortiori, le sapeur-pompier est que dans son comportement en
des qualités communes à donc un homme qui fait preuve général, le sapeur-pompier est
chaque citoyen. La vision trans- d’un sens élevé du dévouement, un modèle pour ses conci-
verse de la société permise au caractéristique essentielle d’une toyens, empreint de respectabi-
sapeur-pompier lui permet, pour citoyenneté modèle. La prière lité et de générosité. Il endosse
chacune de ses branches, d’en du sapeur-pompier écrite par le de fait le rôle du seul et unique
recueillir les qualités tout en en Général CASSO dans laquelle il pourvoyeur de bien dans l’esprit
rejetant les défauts. Son est dit que « quelle que soit sa de la collectivité.
altruisme professionnel lui per- couleur de peau, quelle que soit
met de connaître les règles sa religion, le blessé doit être
Dans les cas les plus extrêmes, il
sociétales mieux que qui- secouru » contient l’essence
même de la symbolique de peut mettre en péril sa vie au
conque. Un tel citoyen appré-
générosité désintéressée. profit de ses concitoyens. Cette
hende avec plus de justesse les
notion de « sacrifice suprême »
modes de fonctionnement du
La confrontation, sur le terrain, est mentionnée sur l’insigne du
monde qui l’entoure et devient
moins influençable par les avec des situations d’urgence corps des sapeurs-pompiers de
considérations collectives du fait comprendre au sapeur-pom- Paris. Il s’agit de la devise « sau-
moment. La capitale, centre de pier tout le sens de l’apprentis- ver ou périr ». Par son éclatante
vie et de décision de la métro- sage reçu au cours de sa forma- beauté, qui transcendera tou-
pole, focalise à elle seule toutes tion initiale. jours les générations, elle
les attentions et toutes les mani- résume à elle seule l’enjeu de
festations du pays. Le sapeur- Il s’agit pour lui de développer et cette citoyenneté modèle.

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S A P E U R

Capitaine
SAPEUR, L’HOMME AU CENTRE
Jean-Paul
MALAGANNE DU SYSTÈME DE LUTTE CONTRE
LES RISQUES TECHNOLOGIQUES

Recent catastrophies like the blowing-up of the chemical factory AZF


in Toulouse in 2001 or the intervention on chemical ammunition in
Le capitaine MALAGANNE est
Vimy in 2000, clearly demonstrated the key role played by the tech-
entré en service le 1 er avril 1990 à
l’ENSOA de Saint-Maixent (138e nological specialists of the french military civil protection. These
promotion adjudant-chef RAY- rescue engineers are indeed each time major players in the rescue
NALD) . system.

Affecté au 8 e régiment de hus- Their major role is carried out on three levels. First, the training and
sards, Altkirch (68) de 1991 à 1993,
instruction level since these military civil protection units make a
il sert comme chef d’engin AMX
10 RC. strong effort by developping new concepts, testing new equipement
and participating in the formation of civil and military specialists
De 1993 à 1995, il est affecté au related to technological risk. They have moreover recently doubled
CIABC de Carpiagne. their technological capacity.

Il est affecté à Saint-Cyr-


The second level is prevention. They are in charge, during each inter-
Coëtquidan de 1995 à 1997 après
sa réussite au concours de l’EMIA national summit, of preventing any technological threats.
(Promotion lieutenant SHAFFAR).
Finally, they are decisive players in the event of technological disaster.
Après une année de division d’ap-
plication à l’ESAG d’Angers, il La catastrophe de l’explosion de lui que s’articulent les secours,
choisit l’UIISC 1 de Nogent-le- l’usine AZF à Toulouse en sep- que ce soit au niveau de la for-
Rotrou. tembre 2001 ainsi que l’évacua- mation, de la prévention ou de
tion du dépôt de munitions chi- l’intervention. Nos unités occu-
Il commande actuellement la 3 e miques de Vimy en 2000 sont pent une place essentielle dans
compagnie de risques technolo- deux exemples récents du rôle l’organisation des secours en
giques depuis le mois de juillet central joué par le sapeur dans France. En effet, elles intervien-
2002. le domaine de la sécurité face nent bien évidemment en cas de
aux risques technologiques. catastrophe mais elles consti-
tuent aussi le cœur de la forma-
Le sapeur, et plus précisément le tion et de la prévention des
sapeur-sauveteur des forma- risques technologiques sur le
tions militaires de la sécurité plan national.
civile (ForMiSC) spécialiste en
risques technologiques, est Dans le domaine de la forma-
placé au centre du système des tion, les unités militaires de la
secours. C’est en effet autour de sécurité civile (UIISC) font

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S A P E U R

aujourd’hui particulièrement radiologiques et chimiques pour


porter leurs efforts sur les préparer sa montée en puis-
risques technologiques et sance, et envisagent des forma-
confortent leur position centrale tions en interarmées.
occupée dans la montée en puis-
sance de la composante techno- Le sapeur-sauveteur, spécialiste
logique des secours français. technologique, occupe une
place centrale non seulement
En effet, les ForMiSC se dotent dans le domaine de la formation
d’une deuxième compagnie mais aussi en ce qui concerne la tent de mettre en œuvre, à tous
technologique à l’UIISC 7 de prévention des risques. Garant les niveaux, du matériel de plus
Brignoles, sur le même modèle de la formation, le sapeur-sau- en plus complexe. Ce sont sur-
que celle de l’UIISC 1 de Nogent- veteur est également directe- tout les qualités humaines des
le-Rotrou. Cette composante ment impliqué dans la préven- sapeurs-sauveteurs, disponibles
technologique des ForMiSC, tion des risques. et réactifs, capables d’intervenir
tout en s’appuyant sur une sans délai quelle que soit l’inter-
expérience et un savoir-faire Les différents sommets interna- vention, en tous lieux et en tous
acquis depuis plus de 20 ans, ne tionaux du type Nice, Biarritz ou temps. Ce sont enfin leurs capa-
cesse d’innover en mettant en Évian sont particulièrement pro- cités de durer en toute rusticité,
place de nouveaux concepts, de tégés contre les risques de toute et de s’adapter en permanence à
nouveaux détachements et de nature. Au cœur du système se des missions toujours nouvelles
nouveaux matériels, afin de trouve la protection contre les et en constante évolution.
faire face à un risque de plus en menaces technologiques, consi-
plus présent et en constante dérées comme de plus en plus La force du sapeur-sauveteur
évolution. probables et très délicates à réside dans sa faculté à allier
gérer. Le sapeur est donc inclus qualités humaines et savoir-faire
De plus, ces formations enca- dans le premier cercle de techniques, indispensables dans
drent la montée en puissance défense au même titre que les un domaine aussi complexe et
des unités spécialisées en unités spécialisées de la police en constante évolution. Les fon-
risques technologiques, tant avec lesquelles il a appris à tra- damentaux de tout militaire, à
civiles que militaires, en partici- vailler. Autour et en appui de ce savoir la rusticité, la disponibi-
pant à la formation de leurs per- premier cercle viennent se posi- lité et la faculté d’adaptation
sonnels. Dans le cadre de la tionner les autres unités clas- sont des atouts garantissant au
mise en œuvre des futures siques de secours et de police. sapeur-sauveteur un profession-
chaînes de décontamination par nalisme et une efficacité que
exemple, l’instruction des for- Enfin, lors d’interventions beaucoup lui envient.
mateurs pompiers civils est en majeures comme Vimy ou AZF,
effet menée par les UIISC sur le toute l’organisation des secours
site de Cambrai. Avec les mili- gravite autour de la composante
taires, elles participent à la for- technologique. Ce sont ces tech-
mation des personnels du niciens et en l’occurrence pour
GDNBC dans les domaines une bonne part les sapeurs de la
sécurité civile qui déterminent
l’organisation générale de l’opé-
ration de secours : ce sont eux
qui identifient le risque, détermi-
nent son ampleur et fixent entre
autres les zones d’évacuation
éventuelles.

Le sapeur et plus spécifique-


ment le sapeur-sauveteur spé-
cialiste en risques technolo-
giques des UIISC est donc bien
au centre du système des
secours, tant dans le domaine
de la formation que de la pré-
vention ou de l’intervention. Ce
sont les qualités des hommes
qui permettent principalement
d’occuper cette position cen-
trale. Ce sont bien sûr leurs qua-
lités techniques qui leur permet-

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S A P E U R

Capitaine
LE COMMANDANT D’UNITÉ
Rémi
CHARDON
DU GÉNIE : MANAGER
OU SPÉCIALISTE ?

This article has been written by two captains during their officer
advanced course. Indeed it is a good period to have a serious
reflexion about our job as officer and future company commander.
Saint-cyrien de la promotion colo- The question raised in this article is to know whether the engineer
nel CAZEILLES (95-98), il sert à sa company commander is a specialist or a manager. The answer first
sortie d’application comme chef focuses on the long tradition of technical knowledge of the engineer
de section travaux au sein de la 1re office. It is a very important aspect of our job. Then the main point
compagnie du 5e RG, stationnée à discussed is about the word “manager”. Is it the best to define the
Mourmelon-le-Grand. engineer unit commander ? The answer emphasizes on the fact that
this vision of a commander is too restrictive. The term leader seems
Engagé deux fois dans cette fonc- to be more appropriate for an officer during his time in command.
tion au sein du BATGEN au
Kosovo, il prend le poste d’officier
adjoint à la 1re compagnie en 2002.
L’arme du génie a toujours été spécialistes afin de lui permettre
une arme qualifiée de savante. de prendre une décision appro-
Il est projeté au sein du bureau
L’ingéniosité et la technicité qui priée. La spécialité est avant tout
appui du BATGEN en 2003, en
qualité d’officier travaux. la caractérisent, notamment l’apanage du corps des sous-
dans des domaines de spécialité officiers.
Il prendra cet été le commande- de la branche infrastructure,
ment de la 1re compagnie de tra- aide au déploiement (travaux, Cependant, il appartient au CDU
vaux lourds du 5e RG de production d’eau et d’électri- de détenir les connaissances
Mourmelon-le-Grand cité…) et sécurité, ne doivent techniques nécessaires afin de
cependant pas faire oublier le pouvoir commander avec la plus
triptyque qui doit sans cesse grande justesse l’action de ses
orienter notre comportement : subordonnés. Dans ce cadre là,
soldat, sapeur, spécialiste. son expertise technique ne fait
que renforcer son rôle de mana-
Dans un cadre marqué par une ger, ou plus simplement son rôle
complexité sans cesse grandis- de commandant.
sante de son environnement de
travail, le commandant d’unité Dans le cadre particulier de la
du génie (CDU) peut s’appuyer branche « sécurité », la forma-
au sein de sa compagnie sur des tion initiale des officiers passe
sous-officiers qui ont pour mis- avant tout par une formation de
sion de lui apporter une exper- spécialiste.
tise technique et des avis de

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S A P E U R

efforts » (extrait de l’exercice du


métier des armes dans l’armée
de terre).

Certes le commandant d’unité


doit gérer ses hommes, leur
mise en formation, leur carrière,
mais il doit aussi et surtout être
capable de les mener au
combat ; il est avant tout un chef
meneur d’hommes et c’est en
tant que tel que ses hommes le
considèrent et espèrent qu’il
sera le moment venu.

CONCLUSION
« L’armée de terre est une com-
munauté d’hommes et de
femmes qui peut exiger de cha-
cun, dans des situations
Certains pourraient objecter que On comprend dès lors mieux
extrêmes, un engagement total
jauger des connaissances et des l’apparition récente de ce terme
au service de la mission »
hommes sur des techniques à connotation économique de
(extrait de l’exercice du métier
dont on ne maîtrise pas l’en- « manager » ; en proposant des
des armes dans l’armée de
semble de l’étendue s’avère être « métiers », l’armée de terre
terre).
périlleux. Cela reviendrait à dire tend à se rapprocher du milieu
qu‘un chef d’orchestre doit du travail en tant que tel ; en
Au sein de cette communauté, le
savoir jouer de tous les instru- résumé, l ’ a r m é e d e t e r r e
commandant d’unité est un
ments qu’il commande plutôt a p p a r a î t comme une entre-
acteur majeur de la préparation
que d’avoir l’oreille musicale ! … prise spécialisée, d’hommes et et de l’exécution de la mission. Il
de femmes dont les chefs ont la n’agit pas seul mais à la tête de
Le CDU apparaît donc ni comme responsabilité du management. ses hommes dont il est respon-
un manager pur, ni comme un sable ; c’est là encore l’une des
« super-spécialiste » au sein de Cette politique de communica- spécificités de notre institution :
sa compagnie, mais plutôt tion s’adresse à un large public la primauté du collectif sur l’in-
comme un manager de spécia- qui n’aurait pas forcément envi- dividuel.
listes. sagé la carrière des armes mais
qui peut être attiré par un métier Parler de « manager » pour un
Mais le terme de « manager » particulier : tout est dans la CDU semble donc impropre car
est-il vraiment approprié à la nuance des termes. trop restrictif au seul domaine
fonction de commandant de la gestion qui n’est pas le but
d’unité ? Mais cette approche occulte la en soi mais seulement le
spécificité même de notre moyen.
Actuellement l’armée de terre métier qui peut aller jusqu’au
mène une campagne de com- sacrifice suprême. Ne perdons Le commandant d’unité du génie
munication nationale qui met pas de vue la finalité ultime de la est un meneur d’hommes dans le
l’accent sur la variété des gestion de personnel militaire : sens où il dirige leur carrière
« métiers » qu’offre notre insti- le combat « raison d’être de pour les conduire au combat.
tution. toute armée, celle vers laquelle
doivent converger tous les

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S A P E U R

For mation

L'application des directives du CEMAT pour l'exercice du commandement


à la division d'application .......................................................................................................................................................... CEN MERIAU ...................................................... 69

Le mastère spécialisé en travaux et opérations d'infrastructure ........................................................................ LCL VERDON ...................................................... 71

Évolution de la formation EOD ............................................................................................................................................ LCL MILLION-ROUSSEAU .................................. 75

Le pont d'appui logistique Mabey-Johnson .............................................................................................................. CNE POUILLET .................................................. 79

Plongeur d'intervention offensive : une spécialité exigeante .......................................................................... CNE BALLA .......................................................... 81

L'homme au sein d'un dispositif de formation à distance ............................................................................ MAJ GUILBAUD .............................................. 85

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S A P E U R

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S A P E U R

Chef
L’APPLICATION
d'escadron
Olivier DES DIRECTIVES DU CEMAT
MERIAU
POUR L'EXERCICE
DU COMMANDEMENT
À LA DIVISION D'APPLICATION
Saint-cyrien de la promotion
général DELESTRAINT (1988-
1991), le chef d’escadron MERIAU
est artilleur de formation. The French Army is to perform professionalism until 2008. The chief
of staff wants to improve efficiency by different means. One of them
Il sert successivement au 35e régi- is the implementation of an improved style of command. Following
ment d’artillerie parachutiste, au that, the Engineer school has to adapt its training, especially for
17e régiment d’artillerie puis à Lieutenants. This may take two forms : academic training and daily
l’école d’application de l’artillerie exercise.
en qualité d’instructeur MISTRAL
et de brigadier à la division d’ap- « La formation au commande- ments autres que le génie stricto
plication. ment n’est pas définitivement sensu est-il contraint. C’est
acquise en école, elle demeure pourquoi la formation au com-
Après sa scolarité CSEM-CID une responsabilité permanente mandement se présente à parité
(2002-2003), il rejoint l’école supé- de tout chef » - extrait de « vers entre une formation à l’exercice
rieure et d’application du génie. l’armée de terre professionnelle de l’autorité (FEXA) clairement
2008 ». identifiée et une pratique quoti-
Il y occupe actuellement le poste dienne prenant comme support
de commandant de la division À leur arrivée en division d’ap- les différentes activités.
d’application. plication, les lieutenants fran-
çais sont issus de trois grandes La FEXA est une matière ensei-
origines. Ceux sortants de gnée de deux manières. D’une
Coëtquidan ont une connais- part, les lieutenants sont mis en
sance académique solide des situation sur le terrain avec des
textes fondateurs. Les OAEA thèmes qu’ils préparent eux-
(officiers d’active des écoles mêmes et restituent sous forme
d’arme) présentent aussi la de « jeu de rôle ». Ils doivent y
même caractéristique puisqu’ils intégrer l’usage des règles du
y ont été confrontés lors de leur TTA 925 – manuel de droit des
carrière antérieure et qu’ils ont conflits armés. D’autre part,
eu à travailler sur les textes pour l’exercice du commandement
leur concours. Ainsi, seuls est le cœur d’un module d’ensei-
certains OSC (officiers sous gnement baptisé « manage-
contrat) peuvent présenter une ment » et se déroulant sur trois
lacune dans ce domaine, en par- semaines. À cette occasion, les
ticulier ceux venant directement lieutenants suivent une forma-
du monde civil. tion faite d’interventions r e l a -
tives à la gestion des
Les spécificités des lieutenants personnels et d’applications
relatives à l’appropriation des concrètes. Ainsi, l’esprit du pro-
textes fondateurs et des direc- jet d’armée de terre 2008 « déve-
tives du CEMAT pour l’exercice loppez la connaissance directe
du commandement révèlent de vos subordonnés. Elle passe
donc que l’effort pendant l’an- par un suivi personnalisé dès le
née d’application doit plus por- premier niveau d’encadrement »
ter sur une pratique des textes est-il appliqué : rédaction de
que sur leur approfondissement feuilles de notes, de bulletin de
académique. punition ou encore orientation
des EVAT. Chaque cours est de
Les techniques et tactiques plus assorti d’exemples réels
d’arme du génie recouvrent un selon la méthode « ce qu’il faut
large spectre. Ainsi, le volume faire – ce qu’il ne faut pas faire ».
horaire dévolu aux enseigne-

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S A P E U R

Outre la FEXA proprement dite,


les lieutenants sont guidés dans
la préparation à l’exercice de
leurs futures responsabilités.

Ainsi, le sport n’est-il pas que la


simple recherche de la perfor-
mance.

Deux aspects supplémentaires


méritent d’être soulignés.
Chaque lieutenant est en effet
évalué sur sa capacité à
conduire une séance. De plus,
l’inclusion d’un cycle rugby est alors un rôle dépassant large- pratique de tous les instants non
de nature à contribuer à leur for- ment celui du simple apprentis- quantifiable.
mation. Ce sport nécessite en sage d’un savoir-faire.
effet un engagement personnel Enfin, s’il n’est pas question de
important – idéal au passage Il leur appartient d’être exem- créer au sein de la division d’ap-
pour permettre à l’encadrement plaire et surtout de guider les plication un « esprit de corps »
de juger les lieutenants – assorti futurs chefs de section (debrie- comparable à celui voulu par le
d’une indispensable cohésion, fing personnalisé ou collectif, CEMAT, l’attachement aux tradi-
toutes valeurs allant dans le exemples issus de leur propre tions et aux valeurs de l’arme
sens voulu par les directives du expérience … ). peut y être développé.
CEMAT.
Ce cycle devrait être reconduit Enfin, la vie courante, essentiel- Après des recherches effectuées
l’an prochain, voire développé. lement au sein des brigades, est par le musée, la promotion
également un support idéal actuelle porte le millésime 59.
De même, chaque exercice ter- pour la formation à l’exercice du
rain est l’occasion de mises en commandement. Là encore, le Pour la soixantième promotion,
rôle du chef de brigade est cen- d’autres idées peuvent être
situation de responsabilité, soit
tral. explorées comme l’attribution
avec des troupes de manœuvres
d’un fanion, le port d’un signe
fournies par le partenariat, soit
Ainsi, l’appropriation des direc- distinctif ou encore la recherche
entre les lieutenants.
d’un « objectif commun » tel
L’encadrement organique de la tives du CEMAT se fait-elle par la
que la remise en valeur d’un
division d’application ainsi que double pratique d’une FEXA
chalet.
les instructeurs spécialisés ont clairement identifiée et par une

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S A P E U R

Lieutenant- LE MASTÈRE SPÉCIALISÉ


colonel
Frédéric
VERDON
EN TRAVAUX ET OPÉRATIONS
D'INFRASTRUCTURE

Le lieutenant-colonel VERDON est Brigadier general CHINOUILH, Commander of the French Army
le directeur de stage du mastère Engineer School, has presented the first DEng, diplomas in
spécialisé en travaux et opé- Infrastructure Works and Operations to the first students to com-
rations d’infrastructure de l’ESAG.
plete this new course. These officers will manage the General
Il est aussi chargé du cours de Contractor Office within Engineer Works Groups.
mécanique des fluides pour l’en-
semble des formations scienti- This newly introduced course is specifically targeted at joint service
fiques et techniques. infrastructure projects to promote effective management of
construction projects in peace or in operations, to guarantee good
Issu du prytanée militaire de la
Flèche, le LCL VERDON est saint – living conditions for the servicemen or to assist the restoration of
cyrien de la promotion Général civil infrastructure.
MONCLAR (84-87).
The fourteen months long course, with considerable element in
Breveté de l’enseignement mili- English, is aimed at joint service officers who hold a civil engineer’s
taire supérieur, il est titulaire du
diplôme d’ingénieur de Saint-Cyr diploma. It focuses on the technical and administrative aspects of
en sciences de la matière, du construction projects, as well as operational training ; including
diplôme d’ingénieur des mines de sports and shooting.
Nancy en sciences de la terre et de
l’environnement et d’un diplôme The course is completed with a five-month work placement within
d’enseignement supérieur de la
défense. Engineer Works Groups, which is required to complete the candi-
dates’ thesis and prepare for his viva.
Après son année d’application à
l’ESAG, le LCL VERDON sert au The course was carefully designed to ensure that the newly gradua-
71 e régiment de génie d’Oissel ted officers are properly prepared for the challenges of their new
(76) comme chef de section puis jobs. However, a feedback system is in-place to ensure the course
adjoint de compagnie.
will be continuously improved…
En 1994, il prend le commande-
ment de la 12 e compagnie de
défense et d’instruction du 3e régi-
ment de génie de Charleville- Le 17 décembre 2003, chef de section de maîtrise
Mézières. le général CHINOUILH, com- d’œuvre au sein de leurs établis-
Affecté au centre de sélection n° 4 mandant l’école su-périeure et sements du génie d’affectation.
de Limoges en 1996, il y remplit d’application du génie, a remis
des fonctions d’officier orienteur le diplôme de mastère spécialisé Destinée à répondre aux
au profit des administrés civils et en travaux et opérations besoins des différents services
participe au recrutement des d’Infrastructure (TOI) aux cinq d’infrastructure des armées,
EVAT pendant la phase de profes-
sionnalisation des armées. officiers de la première promo- cette formation s’adresse à une
tion de cette nouvelle scolarité. population bien ciblée. Scolarité
Il rejoint l’ESAG en septembre Ces nouveaux diplômés occu- de haut niveau, le mastère se
2002. pent désormais la fonction de veut dense et complet.
Le lieutenant-colonel VERDON a
effectué deux séjours opération-
nels de six mois : MINURSO
(1991-1992), FORPRONU (1993).

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S A P E U R

Les engagements récents des Reconnue par la conférence des L’ensemble de ces domaines
armées françaises en centre- grandes écoles (CGE), associa- représente près de 820 heures
Europe, Afrique et Asie centrale tion de type loi 1901 regroupant de formation académique, dont
démontrent s’il en était besoin le de grandes écoles civiles telles une centaine en anglais.
rôle essentiel de l’infrastructure que les mines ou les ponts et
pour permettre un engagement chaussées, cette formation de Cet effort linguistique trouve sa
des forces dans des conditions 14 mois s’adresse aux officiers justification dans le fait que ces
optimales ou pour assurer des des armées titulaires d'un officiers auront à travailler en
conditions de vie décentes aux diplôme d'ingénieur homologué opérations extérieures à des
populations civiles. par la commission des titres postes de responsabilité néces-
d'ingénieurs, ou d'un diplôme sitant bien souvent de maîtriser
Expertiser, aménager ou recons- de 3e cycle ou équivalent. l’anglais écrit et parlé.
truire en partenariat avec les
responsables et entrepreneurs Elle est aussi ouverte aux offi- Le premier thème d’étude
locaux, conseiller le chef mili- ciers titulaires d'une maîtrise et constitue une spécificité de
taire dans ces zones de tension justifiant d'au moins trois ans l'école par rapport aux mastères
et dans un environnement très d'expérience professionnelle, spécialisés civils, dans la
souvent multinational consti- ainsi qu’aux officiers étrangers mesure où l'accent est mis sur
tuent au-jourd'hui les fonde- satisfaisant aux conditions de les opérations extérieures
ments des actions majeures que diplôme. (Afrique, Europe centrale ou
doit mener l'ingénieur militaire encore l’Asie centrale), que ce
spécialiste en infrastructure Ce caractère interarmées est soit dans un cadre national ou
(bâtiment, ouvrages d’art et illustré par l’intégration d’un international, au sein de l’ONU
génie civil). capitaine féminin de l’armée de ou de l’OTAN.
l’air au sein de la deuxième pro-
Ces fortes exigences opération- motion. Dans ce cadre, de nombreux
nelles impliquent la définition officiers du génie en poste à la
d'un management d'opérations DCG ou au sein des différents
Les officiers sont recrutés sur
d'infrastructure différent et l'uti- établissements contribuent à la
titre, après un entretien de moti-
lisation de solutions concep- formation des stagiaires en
vation.
tuelles, techniques et de ges- venant à l’ESAG pour les faire
tion, adaptées au contexte. profiter de leur d’expérience
Pour les jeunes officiers sous
contrat, une période d’observa- (RETEX).
La vocation de ce mastère est
tion dans l’institution militaire
donc de couvrir l'ensemble des L’armée de l’air enrichit elle
précède la sélection.
connaissances théoriques et aussi la formation par l’intermé-
pratiques requises par ce nou- diaire de la direction centrale de
Le programme de la formation
veau champ d'intervention. l’infrastructure de l’air (DCIA).
s’articule en quatre grands
Ce mastère « travaux et opéra- thèmes d'études : la formation
Les trois autres thèmes d’études
tions d'infrastructure » a pour opérationnelle, le management
sont dispensés sous forme de
but de dispenser un savoir d'une opération, la rédaction
cours magistraux et de travaux
unique, le management d'une des pièces administratives et
dirigés par des professeurs de
opération d'infrastructure enfin la conception des
l’ESAG, mais aussi par des inter-
d a n s u n contexte paix ou crise, ouvrages, regroupant dimen-
venants extérieurs de haut
une mission dont les forces sionnement et rédaction des
niveau provenant d’écoles d’in-
armées ont un réel besoin. pièces techniques.
génieurs civiles ou du monde de
l’entreprise.

Afin de valoriser la formation et


de favoriser l’interactivité avec
les autres formations de l’ESAG,
certains cours et exercices sont
réalisés avec les stagiaires du
diplôme technique, du certificat
technique, voire du cours des
futurs commandants d’unités
(CFCU).

Cet échange avec d’autres scola-


rités ainsi qu’une forte proximité
des professeurs permettent de
parfaire la formation militaire et

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S A P E U R

morale de nos plus jeunes sta-


giaires (OSC/S).

Les activités statutaires ne sont


pas oubliées, comme le sport, le
tir ou les cérémonies militaires.
Les activités physiques sont
principalement orientées vers le
sport détente (équitation, bad-
minton, natation…) et le sport
découverte (parcours d’audace,
self défense ou escalade).

Les stagiaires participent de


plus à tous les challenges spor-
d’une thèse professionnelle Le vrai challenge se situe pour
tifs de l’école. eux au sein de leur EG, où il leur
accompagnée d’une soutenance
orale, traitant de sujets com- faudra manager une section
L’ensemble de ces activités non- constituée de compétences
plexes intéressant l’institution
académiques densifie le pro- (comme par exemple le stoc- diverses.
gramme et laisse peu de temps kage des obus chimiques, le
à la flânerie. développement durable ou Le contenu de la formation se
doit de répondre dans son
encore le concept ISOPEX).
Près de 900 heures sont donc au ensemble aux besoins de ce pre-
total consacrées à la formation Selon les besoins de l’orga- mier emploi, auxquels il doit
scientifique et militaire de nos nisme à l’origine du sujet, les rester adapté en permanence.
spécialistes de l’infrastructure, stagiaires peuvent éventuelle-
dont l’investissement dans leur ment être amenés à se rendre Le programme du mastère TOI
formation est total. sur un théâtre opérationnel pour se garde donc la possibilité
y collecter des données tech- d’évoluer, et le partage des
niques, ce qui fut le cas pour expériences est en la matière
Conformément aux exigences
deux lieutenants de cette pre- particulièrement précieux.
de la conférence des grandes
mière promotion partis en mis-
écoles, un stage de cinq mois sion durant une semaine au Signalons enfin que la certifica-
complète l’enseignement dis- Kosovo en septembre 2003. tion ISO 9001 de la formation de
pensé à l’ESAG. l’ESAG par l’AFAQ permet de
Ces 14 mois de formation ne donner un certain relief à ce
Réalisé au sein de l’établisse- sont qu’une étape dans la mastère spécialisé, comme aux
ment du génie d’affectation, il carrière de nos jeunes officiers autres scolarités.
est concrétisé par la rédaction du pôle TOI.

- 73 -
S A P E U R

- 74 -
S A P E U R

Lieutenant-
ÉVOLUTION DE LA FORMATION
colonel
Jean-Pierre EOD
MILLION-
ROUSSEAU
Since 1978, the French engineer corps has taken part in overseas
operations, in countries deeply concerned by the problem of mines
and battlefield pollution.
Le lieutenant-colonel MILLION-
From Lebanon through Afghanistan via former Yugoslavia, the
ROUSSEAU est issu de la promo-
French engineers were permanently confronted with mines and
tion Centenaire (81-82) de l'école
ammunitions problems.
militaire interarmes.
For 20 years, they have been implicated in more than a dozen coun-
Il a servi successivement au 15e
tries throughout the World and the worlwide recognized experience
régiment du génie de l'air comme
gave us the opportunity to contribute on the training local deminers
chef de section et officier adjoint
in each country where we acted.
avant de commander la compa-
gnie de travaux école n° 1 au
Therefore, the last conflicts show us that the danger of UXO on the
4e RSMa de la Réunion.
terrains is increasing more and more !
Officier de renseignement à
That is why the engineer forces should be more involved with this
l'échelon central NEDEX de 1994 à
problematic which cannot be resolved only by EOD specialists.
1997, il était le pilote national de la
fonction NEDEX auprès de
For this reason, the MINEX 3/EOR NCO is able to demolish or neutra-
l'OTAN. Durant ces trois années, il
lize landmines and submunitions and also to fullfil reconnaissance
a participé à l'élaboration des
missions over polluted areas (in accordance with the NATO
actions de formation de la filière
STANAGs).
MINEX/NEDEX (EOD) telles
qu'elles existent actuellement.
With his knowledge inside of the engineer bataillon, (with in each
engineer combat platoon minimum one MINEX 3 NCO and in each
Affecté à la Pionierschule à
engineer combat company one EOD specialist), the engineer forces
Munich pendant 3 ans il rejoint
are able to provide largely and rapidly means in order to support the
l'ESAG à l'été 2000, dans un pre-
other forces.
mier temps comme officier rédac-
teur au bureau doctrine de la DEP
puis comme chef de la division de INTRODUCTION NEDEX en créant une structure
formation au déminage et le direc- appelée « éléments opération-
teur du centre national de démi- La structure E O D / N E D E X de nels de déminage et dépol-
nage humanitaire. l’armée de terre (éléments opé- lution ».
rationnels de déminage - dépol- Cette complémentarité s’est
Le lieutenant-colonel MILLION- lution/neutralisation destruction entre autres traduite pour les
ROUSSEAU, officier MINEX/ d’engins explosifs) regroupe les spécialistes des régiments du
NEDEX, détient le brevet IEEI spécialistes MINEX et NEDEX, génie par l’acquisition au niveau
(intervention sur engins explosifs pour assurer toutes les interven- du BSAT de la qualification
improvisés) et a suivi le stage tions en milieu atmosphérique MINEX 2 et après le BSTAT de la
d'information des officiers EOD de sur toutes les munitions et qualification MINEX 3, puis pour
l'OTAN en Grande-Bretagne. engins suspects (à l’exception un certain nombre d’entre eux
du nucléaire) en paix, crise et par l’entrée dans la spécialité
guerre. NEDEX (IMEC, IEEI, IMS). Ainsi,
cette conception respecte la pro-
L’expérience accumulée par le gressivité et la complémentarité
génie dans le domaine du démi- des formations.
nage, la problématique crois-
sante des munitions non explo- Toutefois, la division de for-
sées « abandonnées » sur les mation au déminage de l’ESAG,
différents théâtres où l’armée en concertation avec l’inspec-
française est engagée, la péren- tion EOD/NEDEX, a été amené à
nité de la mission NEDEX terri- modifier, ou plutôt faire évoluer
toriale ont conduit en 1997 l’ins- le cursus de formation des
pecteur du génie à adopter le démineurs du génie dès cette
principe de complémentarité année, et ce pour plusieurs rai-
des spécialistes MINEX et sons.

- 75 -
S A P E U R

Premièrement, le dispositif Actions majeures mises en 4. Ouverture de l’action de for-


EOD/NEDEX actuel du génie a place par la division de for- mation MINEX 3 au personnel
été construit « en marchant » mation au déminage en 2004 des natures de filière aide au
pendant la refondation de l’ar- franchissement/TPIA-VF, (en
mée de terre : s’il a su répondre Soucieux de conduire des actions continuité du MINEX 2).
en partie aux exigences du de formation répondant aux
moment, force est de constater attentes de la réalité du terrain, la
que le nombre de spécialistes 5. Création du stage « utilisateur
division de formation au démi- IMSMA » : d’une durée d’une
devant faire face à la mission
territoriale et aux besoins opéra- nage a donc au cours des deux semaine, ce stage permettra
tionnels est insuffisant. dernières années concentré ses au personnel EOD d’utiliser le
efforts en vue de la réalisation de logiciel d’information et de
Deuxièmement, l’échelon 6 actions majeures dès 2004. management de l’action
central NEDEX a rédigé en 2003 contre les mines en OPEX.
les nouvelles consignes perma- 1. Rédaction du programme de
nentes d’instruction de la formation de l’auxiliaire EOD 6. Inclusion du recyclage MINEX
fonction interarmées N E D E X afin que les régiments puis- 3 dans le recyclage IMES pour
a p p o r t a n t e n t r e autres des sent conduire cette formation les sous-officiers concernés.
changements significatifs dans
en interne. (action commune ESAG/ECN).
le cursus de formation NEDEX
(tant dans les dénominations
que dans les durées de stage). 2. Création d’une action de forma-
tion MINEX 2 distincte du CURSUS 2004
Le fait que la DFD prenne en module MINEX 2 de la FS1 com-
compte non seulement les bat du génie, ouverte au per- Comme le montre la diapositive
RETEX des unités mais égale- sonnel des natures de filières « ci-dessous (extraite de la pré-
ment les remarques et observa- aide au franchissement » et « sentation de l’inspection EOD/
tions faites par les cadres des travaux publics infrastructure NEDEX de l’armée de terre), le
stages MINEX 3 recyclage. air-voie ferrée » (TPIA-VF). Dans cursus du sous-officier EOD à
ce cadre, il est également pos- partir de 2004 se décline de la
Enfin, l’évolution du futur BSTAT
sible pour certains régiments de manière suivante.
dans lequel le MINEX 3 est
appelé à prendre une part non conduire une AF MINEX 2 en
négligeable. interne sous réserve que l’exa- Deux changements essentiels
men soit validée par l’ESAG ont eu lieu :
Trois « maîtres-mots » ont donc (l’examen se déroulant notam-
• le premier concerne la déno-
conduit l’Inspection EOD NEDEX ment en présence d’un forma-
de l’armée de terre, la division mination des stages conduits
teur de la DFD).
de formation au déminage de par l’échelon central NEDEX
l’ESAG et l’échelon central (conformément aux der-
3. Modification de l’action de
NEDEX à mener une dynamique nières CPI) ;
formation MINEX 3 afin de
commune dans leurs actions de la rendre complètement • le deuxième concerne l’aug-
formation :
conforme au STANAG 2389 mentation significative de la
• progressivité ;
permettant ainsi l’attribution « deuxième partie » du cur-
• complémentarité ; de la qualification OTAN EOR sus du spécialiste EOD
• cohérence. aux stagiaires. qui représente désormais
33 semaines. (29 semaines
auparavant).

En ce qui concerne le MINEX 3,


ce dernier augmente d’une
semaine pour intégrer totale-
ment la formation EOR (Explo-
sive Ordnance Reconnaissance),
offrant ainsi aux sous-officiers
MINEX 3 la qualification EOR en
conformité avec le STANAG
2389. De ce fait, les MINEX 3
pourront en OPEX effectuer des
missions EOR au même titre que
leurs camarades EOD alliés, évi-
tant qu’ils soient sous-employés
et permettant aux spécialistes
NEDEX d’effectuer les missions
de leur niveau.

- 76 -
S A P E U R

Le MINEX 4, c’est à dire le MINEX Par ces récentes évolutions, le Dans un rapport récent du
3 (7 semaines) + l’IMEC (12 génie de l’armée de terre a centre d’évaluation et de retour
semaines/intervention sur muni- voulu plus encore renforcer la d’expérience du CDES sur les
tions et explosifs conven-tionnels cohérence, la progressivité et la enseignements de l’opération
anciennement appelé IME) aug- complémentarité de la structure IRAQI FREEDOM (édition sep-
mente donc de 3 semai-nes au EOD/NEDEX : la pyramide de la tembre 2003), il est fait état dans
total. Dans ce domaine aussi, diapositive ci-dessous souligne l’annexe concernant l’AGESTER
l’échelon central NEDEX souligne bien cet état de fait. d’une phrase particulièrement
son engagement pour renforcer la significative pour le génie :
formation concernant les muni-
« De plus, le nombre des muni-
tions « atmosphériques ».
tion, quelques fois piégées,
qui ont été découvertes a fait
apparaître un besoin impor-
tant en spécialistes de démi-
nage (EOD). Ainsi, les améri-
cains avancent que tout
sapeur, voire tout soldat
devrait être informé et initié à
la destruction ».

Cette remarque liée au dernier


conflit dans le golfe semble
montrer que le génie français a
choisi depuis quelques années
déjà le « bon chemin » !

Il reste bien évidemment à pour-


suivre nos actions ; d’autres
pistes de réflexion sont en cours
notamment en ce qui concerne le
futur BSTAT dans lequel le
MINEX 3 pourrait être intégré,
Enfin, la menace terroriste CONCLUSION permettant à terme d’augmenter
« omniprésente » a également
les flux de formations et d’offrir
été prise en compte par l’ECN La DFD de l’ESAG inscrit son
aux sections de combat du génie
dans la mesure ou le stage IEEI action dans un mouvement
une plus grande autonomie…
« intervention sur engins explo- d’ensemble, qui vise tout parti-
sifs improvisés » croit d’une culièrement :
Comme l’indique ce tableau,
semaine et le stage sur muni- • à satisfaire les besoins de pour un sous-officier MINEX 2
tions spéciales (IMS/interven- la mission territoriale et le de la filière « génie combat »,
tion sur munitions spéciales), besoin opérationnel ; poursuivant dans le domaine
anciennement dénommé « inter-
• à conduire des actions de for- EOD, la formation complète
vention sur munitions chimi-
mation qui « colle au plus représentait 29 semaines.
ques » de 4 semaines initiale-
ment dure désormais 5 semai- près » des réalités du terrain.
nes et concerne tous les types
de munitions « spéciales ». Les échanges avec nos princi-
paux camarades alliés (britan-
À l’heure où pourtant le com- niques, allemands, américains,
mandement privilégierait plutôt italiens, espagnols…) ainsi que
des réductions de stage, force les nombreuses visites de délé-
est de constater que dans ce gations étrangères à la DFD sou-
domaine particulier le souci de lignent l’originalité et la perti-
mieux former nos démineurs a nence du choix de la complé-
été pris en compte ! mentarité MINEX/NEDEX.

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S A P E U R

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S A P E U R

Capitaine (TA)
LE PONT D'APPUI
Charley
POUILLIER
LOGISTIQUE MABEY-JOHNSON

Since 2002, the french school of military engineering is equiped with


a Mabey Logistic Support Bridge (LSB). This bridge uses equipment
from the commercially available "off the shelf" Compact 200 panel
bridge system to suit the military user. Armed forces from all around
Saint-cyrien de la promotion the world have deployed and trained on the Compact 200 LSB.
chef de bataillon de COINTET
(91-94), le capitaine (TA) This system is able to carry loads to MLC80 Tracked and MLC110
POULLIER est le chef du cours Wheeled, and is designed to be left as a semi-permanent bridge. A lot
« pistes et routes » à l'ESAG of such bridges are used in operations and all kinds of soldiers have
depuis le 1 er février 2003. to be trained on them.
Ce cours est également en
charge de la formation dans le
domaine des ponts fixes (métal- UN NOUVEAU MATÉRIEL
liques ou en bois).
L'école supérieure et d'appli-
Il a servi comme chef de section cation du génie s'est dotée au
travaux au 15 e régiment du cours de l'année 2002 d'un nou-
génie de l'air, puis comme veau pont d'appui logistique.
adjoint et commandant d'unité
au 25 e RGA. Appelé LSB Compact 200 (Lo-
gistic Support Bridge), ce pont a
Il a eu l'occasion de servir en été acquis auprès de la société
opération extérieure en Bosnie Mabey-Johnson. américano-britannique a égale-
(SALAMANDRE/1996), au Kosovo ment construit de tels ponts en
(TRIDENT/2000) et plus récem- Les unités du génie (récemment Irak.
ment au Kirghizistan (HÉRACLÈS/ le 6e RG au Kosovo) ont déjà été
2002). amenées à construire, sur les Le LSB Compact 200 est en dota-
théâtres d'opérations, des ponts tion dans l'armée britannique
Le capitaine (TA) POUILLIER vient Mabey-Johnson. depuis 1997.
de réussir le concours d’admission
au BT et s’apprête à entrer en sco-
L'armée de terre française,
larité à l’école nationale des ponts
quant à elle, ne compte pas,
et chaussées (ENPC).
pour l'instant, en doter ses régi-
ments du génie. Elle se conten-
tera de former son personnel à
sa construction.

UN MATÉRIEL PLUS PER-


FORMANT
Proposant une largeur de voie
Ces ponts, peuvent être considé- de 4,20 m, ce système de pon-
rés comme la version moderne tage permet de construire des
du pont Bailey. ponts d'une seule travée d'un
étage atteignant des classes éle-
Ils sont produits par l'un des lea- vées (110 pour les véhicules à
ders mondiaux dans le domaine
des ponts métalliques.

À titre d’exemple, la société


Mabey-Johnson a livré des
dizaines de ses ponts en Bosnie,
montés, la plupart du temps, par
main d'œuvre militaire.

Plus récemment, la coalition

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S A P E U R

mation se sont rendus à la seront, cette année, concernées


« Combat Engineer School » de par cette formation dans des
Minley en novembre 2003. Ils proportions correspondant à
ont pu s'y imprégner des leurs responsabilités futures.
méthodes pédagogiques utili-
sées outre-Manche qui ont déjà L'armée britannique a aban-
fait leurs preuves et seront sen- donné complètement l'instruc-
siblement transposées à Angers. tion Bailey. Tant que des ponts
de ce type existent en dotation
La conduite de la formation sur dans les régiments ou au centre
ce nouveau pont a été confiée national des ponts de secours,
roues, 80 pour les engins che-
au cours « pistes et routes » où ils sont susceptibles d’être
nillés) pour une portée de
(direction générale de la forma- construits par main d’œuvre
60 mètres.
tion/division formation d'arme), militaire en cas de catastrophe
déjà responsable de la forma- naturelle, il semble impératif de
À titre de comparaison, un pont
tion sur les autres ponts fixes. maintenir une instruction mini-
Bailey de même portée devra
male.
comporter 3 étages de pan-
neaux pour atteindre modeste-
LA FORMATION ÉVOLUE L'abandon des savoir-faire rela-
ment la classe 55.
tifs au pont Bailey n'est donc
Depuis l'année 2003, les lieute- pas à l'ordre du jour.
De plus, ce pont est entièrement
nants de la division d'applica-
métallique, à la différence du
tion affectés en régiments de Au contraire, leur enseignement
Bailey dont le platelage est
combat ont été formés à la vient en complément de l’ins-
constitué d’éléments en bois.
construction du pont Mabey- truction sur le pont Mabey-
Enfin, il dispose d'un système de
Johnson. Johnson, ce qui assure à l’en-
rampes beaucoup plus élaboré.
semble des cadres du génie une
Depuis cette même année, les formation très complète sur les
sous-officiers de la filière « com- ponts fixes métalliques.
bat du génie » bénéficient
désormais égale-
ment d'une instruc-
tion sur ce matériel,
au cours de leur for-
mation de spécialité
de 2 e niveau.

L'année 2004 devrait


voir la mise en place
UNE FORMATION À METTRE d'une demi-journée
d'instruction pour les
EN PLACE
sergents dans le
Afin de pouvoir bénéficier de cadre de leur certifi-
l'expérience de leurs homo- cat technique du 1er
logues anglo-saxons, les cadres degré. Ainsi, toutes
de l'ESAG en charge de la for- les catégories de
« cadres-stagiaires »

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S A P E U R

Capitaine
PLONGEUR D’INTERVENTION
Laurent
BALLA
OFFENSIVE :
UNE SPÉCIALITÉ EXIGEANTE

There are 110 combat engineer divers in the french Army. Among
them, only 24 are " Offensive Intervention " qualified frogmen. This
Le capitaine BALLA a servi au speciality is focused on the use of the 100 percent oxygen rebreather
32 e RG et au 17 e RGP comme apparatus " OXYGERS 57 ".
sous-officier. Ensuite, à l’issue
de l’EMIA (92-94), il sert au 6 e RG This kind of autonomous diving system affords to succeed very steal-
et au 2 e RG. Il y occupe respecti- thy tasks.
vement les fonctions de chef de
détachement d’intervention nau- The training is very hard because frogmen must dive in dark, cold
tique et commandant d’unité. and muddy waters.

Directeur de plongée qualifié These frogmen are also involved in narrow suburban networks
« intervention offensive », il a recces.
notamment servi en Bosnie au
sein d’un DLRG de plongeurs,
réalisant diverses missions de
Obtenue au terme de l’un des froid, à l’effort et à la privation
plongée opérationnelles.
stages les plus éprouvant de de sommeil.
l’armée de terre, la qualification
Il a rejoint l’ESAG en 2002, à la
tête du cours des plongeurs de intervention offensive (IO) Cette spécialité a été crée en
l’armée de terre. représente pour les plongeurs 1984, à l’initiative de la force
de l’armée de terre (PAT) la d’action rapide (FAR), qui sou-
À ce titre, il est responsable de consécration, l’aboutissement haitait disposer d’un vivier de
l’instruction individuelle des d’une préparation physique et plongeurs au caractère trempé,
PAT. Il fournit aussi les exper- mentale de plusieurs années. desquels on peut exiger une
tises dans tous les domaines de capacité opérationnelle éprou-
la plongée militaire, du concept Sur un effectif de 110 plongeurs vée dans les situations et les
d’emploi à l’expérimentation du répartis au sein des brigades milieux les plus hostiles.
matériel, en passant par la régle- constituant la force d’action ter-
mentation et le soutien sani- restre, seuls 24 d’entre eux Depuis, l’état d’esprit particulier
taire. détiennent la qualification IO. de ces spécialistes a toujours
pris une place prépondérante
Cette aptitude singulière parti- dans la réussite des « interven-
culièrement technique repose tions offensives ».
fortement sur l’importance
accordée au travail en équipe et Concrètement, la qualification
à la rusticité : résistance au IO est centrée sur l’utilisation

- 81 -
S A P E U R

d’un équipement spécifique


l’OXYGERS 57 ; un scaphandre
autonome en circuit fermé qui
recycle l’oxygène expiré pen-
dant trois heures, sans émettre
une bulle.
Avec cet appareil, le PAT/IO peut
s’infiltrer en totale discrétion pour
réaliser sa mission. Bien que son
emploi soit limité à une profon-
deur de 7 m, l’appareil dispose
d’atouts incomparables avec le
matériel classique des PAT.

Il se caractérise par son fonction-


nement silencieux, il est en outre
amagnétique, compact et léger.

L’oxygène pur respiré permet de


palmer de façon soutenue sur
une distance d’environ 6 km gage généralement muni d’une Le plongeur ne peut espérer ni
pendant trois heures. charge à transporter, du volume pause, ni réconfort lors des
d’un gros sac à dos par homme. longues nuits employées à s’in-
Le binôme de plongeurs impli- filtrer par les rivières et/ou les
qué dans une mission de type IO Dans cette spécialité où le milieu souterrains des zones urbaines.
est entraîné à l’usage d’un chro- d’évolution est physiologique-
nomètre et d’un compas (bous- ment agressif (froid, absence de La formation à la qualification
sole) pour suivre une navigation visibilité, courant, humidité per- IO, dispensée par le cours des
subaquatique apprise par cœur manente, travail sans lumière de plongeurs de l’armée de terre
pendant la préparation de l’in- nuit, travail en milieu pollué et (CPAT) de l’ESAG se doit d’être
tervention. confiné), les qualités militaires rigoureuse et exigeante.
de base sont sollicitées à l’ex-
Ce mode de déplacement est le trême. Précédée d’une semaine de pré-
plus approprié à l’exécution de sélection à Angers, elle se
missions de renseignement, de Endurance, pugnacité, détermi- déroule ensuite sur six
reconnaissance, de contrôle des nation et motivation condition- semaines au lac du Bourget, en
réseaux suburbains inondés, de nent la réussite de la mission. Savoie.
déminage des sites de franchis-
sement ou pour participer à la Le savoir-faire de la plongée à La présélection a pour but
saisie d’un ouvrage d’art, qui l’oxygène est donc intimement d’identifier les candidats dont la
présentent la caractéristique lié au goût de l’effort et de l’ac- motivation et la ténacité sont
commune d’exiger une infiltra- tion, au développement de la insuffisantes.
tion excessivement discrète. rusticité, à l’abnégation et au
Le binôme de plongeurs s’en- sens du sacrifice. Elle permet également d’écarter
les plongeurs souffrant de
lésions traumatiques latentes et
ainsi de satisfaire à l’impérieuse
nécessité de l’excellence de la
condition physique.

Elle aboutit systématiquement à


une attrition importante mais
nécessaire : 12 stagiaires sont
en moyenne retenus sur un
effectif initial de 20 candidats.

Tous sont volontaires, possè-


dent une solide expérience de la
plongée à l’air comprimé, pré-
sentent un profil médical élevé
(SIGYCOP : 1113211) et ont fran-
chi avec succès la batterie des
tests physiques conditionnant

- 82 -
S A P E U R

Ces qualités, entretenues


ensuite dans les groupes de
PAT/IO, garantissent une bonne
capacité de réalisation des mis-
sions délicates, en autonomie,
où la vulnérabilité de l’équipe
est compensée par le culte de la
discrétion et par le respect
rigoureux des procédures.
l’aptitude à servir dans les appréciée pour les missions
troupes aéroportées. L’aguerrissement constitue une pointues et risquées, qu’elles se
ligne de conduite dans l’entraî- déroulent dans les espaces
La présélection se compose nement. Il garantit un comporte- confinés des réseaux subur-
d’une succession d’épreuves ment adapté face aux situations bains, les ports fluviaux ou les
ininterrompue pendant 60 imprévues et éprouvantes. fleuves où une visibilité de
heures enchaînant parcours 20 cm est rarement atteinte.
Pour maintenir un niveau phy-
d’audace, parcours d’obstacles,
sique et technique exception- Les PAT/IO ont ainsi participé,
tests et parcours piscine,
nels, il convient de se remettre dans un passé récent, à plu-
marche-course, marches topo
en question constamment. sieurs opérations :
de nuit, natations en site naturel,
progression en espace confiné… • dépollution du port de
Les candidats qui parviennent Beyrouth, Liban 84 ;
au terme de ce marathon éprou-
vant sont alors retenus pour • dépollution des plages de
commencer le stage. Koweït City, Golfe 91 ;
• reconnaissance des piles de
Celui-ci se singularise par un ponts bombardées et pol-
rythme très intense, avec la par- luées dans la Neretva, Bosnie
ticularité de proposer des 95 ;
actions de formation toutes les
• recherche de corps dans la
nuits. L’exposition au froid et à
Drina, Bosnie 96 ;
l’humidité est permanente. De
plus, la haute technicité de la • reconnaissance des éboule-
plongée au recycleur ne tolère ments sous la piste de l’aéro-
pas le relâchement pendant les port de Sarajevo, dans le tun-
L’équipe IO est un système
cours théoriques. nel creusé par les Bosniaques
d’hommes soudés par une men-
pendant le siège, et inondé
talité commune, une confiance
Le stagiaire qui, au terme de depuis, Bosnie 96 ;
mutuelle et une volonté de
toutes ces épreuves, obtient sa dépassement partagée. • recherches de corps dans les
qualification IO (environ 60 % de puits pour le TPIA, Kosovo 99 ;
l’effectif du stage) est, à coup Tous ces atouts permettent de
sûr, un plongeur sur lequel on • reconnaissances des réseaux
disposer d’un vivier d’hommes
peut compter dans les situations souterrains lors de l’installa-
à la stabilité émotionnelle
les plus exigeantes. tion des forces en zone
urbaine, Beyrouth, Sarajevo,
Mitrovica, de 84 à 2001.

Partie intégrante et devenue


incontournable de l’immense
système d’hommes qu’est,
aujourd’hui, l’armée de terre, les
plongeurs détenteurs de
la qualification « intervention
offensive » incarnent au plus
haut degré des qualités phy-
siques et mentales qui résultent
d’un entraînement extrêmement
exigeant mais universellement
reconnu.

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S A P E U R

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S A P E U R

Major
L’ « HOMME »
Marceau
GUILBAUD
AU SEIN D’UN DISPOSITIF
DE FORMATION À DISTANCE

E learning takes care of all the student needs using selected services
such as “private tutor work”, online forums, exercises or computer
Le major GUILBAUD est affecté simulations… These selected services allow the trainer to break free
à l’ESAG depuis 1997. of time, place and working constraints. The trainer has a big part of
work for he thinks up and gives the training (he acts as a mediator).
Après avoir été formateur au He also puts the training on-line.
centre MINEX, il a réalisé la
montée en puissance de l’ensei- Moreover, he is the trainee’s private tutor especially to teach him to
gnement assisté par ordinateur learn and to check his knowledge
(EAO) de l’école. Au cours de
cette période, il a conçu plu- Student-centred learning is an approach to education focusing on
sieurs logiciels EAO sur des the needs of the students, rather than other those of others involved
matériels du génie ainsi que le in the educational process, such as teachers and administrators. This
mémento sur les mines et sys- approach has many implications for the design of curriculum, course
tèmes de minage français en content, and interactivity of courses. For instance, a student-centred
dotation (GEN 302). course may address the needs of a particular student audience to
learn how to solve some job-related problems using some aspects of
Depuis 2002, il organise la pré- a particular knowledge. In contrast, a course focused on particular
paration aux concours et exa- knowledge : mathematics by example, might chose areas of mathe-
mens du personnel permanent matics to cover and methods of teaching which would be considered
de l’école. irrelevant by the student.

Il participe actuellement à l’ex-


périmentation de la formation À chaque nouvelle technologie Une des contestations faite à
ouverte et à distance (FOAD) du de communication correspond l’encontre de la FOAD, ou de
génie. tout enseignement utilisant l’in-
un nouveau mode de formation.
formatique, touche à la repré-
Depuis ces cinquante dernières sentation personnelle des for-
années, afin de pallier à des dif- mateurs sur leur métier.
ficultés conjoncturelles, la péda-
Ceux-ci sont persuadés d’être
gogie c’est voulue plus proche
dépossédés de leur rôle par l’ou-
de l’apprenant.
til informatique et être remplacés
par des « machines à former ».
De 1877, date à laquelle Émile
PIGIER a créé l’institut d’ensei- De ce fait, ils sont convaincus de
gnement par correspondance du la déshumanisation de l’acte de
même nom, jusqu’à nos jours, la « former ».
volonté d’amener la formation
jusqu’à l’apprenant et les évolu- Effectivement, la technique est
tions technologiques ont permis indissociable de ces nouvelles
le développement de méthodes formes de pédagogie mais
pédagogiques qui vont de la for- « l’homme », qu’il soit forma-
mation par correspondance à la teur ou apprenant, n’est en rien
radio télévision scolaire, de l’en- dépossédé, bien au contraire.
seignement assisté par ordina- Il est possible de montrer l’évo-
teur à la formation ouverte à dis- lution de la relation au savoir
tance (FOAD). entre les formations en présen-
tiel et à distance.
Cette dernière est mise en
œuvre aux États-Unis et au Dans la formation à distance,
Canada depuis une dizaine d’an- l’autoformation en est la clé de
née aussi bien dans l’éducation voûte et le formateur se recentre
scolaire que dans les armées. En sur le « faire comprendre ».
France, les universités sont
pionnières en la matière.

- 85 -
S A P E U R

Dans un premier temps, il est C’est le domaine de l’auto-for- Ainsi que les avantages de la
évident que la différence porte mation. L’enseignant en est relation apprenant-savoir : l’ap-
sur les outils pédagogiques mis exclus mais il peut intervenir, en prenant est maitre de sa forma-
en œuvre. présentiel, comme médiateur tion sans avoir les inconvé-
pédagogique. nients de la relation formateur-
Dans la formation en présentiel, contenu : individualisation de la
le formateur n’a besoin que des Ainsi, même s’ il n’intevient pas formation.
outils les plus communément sur l’acquisition, il peut avoir
utilisés : tableau (noir, blanc ou une attitude pédagogique en Il est possible de proposer un
papier), rétroprojecteur, vidéo organisant le suivi, le contrôle et nouveau triangle pédagogique
projecteur, téléviseur, etc… le conseil pour apprendre à où les relations seront diffé-
apprendre. rentes et dans lequel la règle des
Alors que dans la formation à trois unités se transformera en
distance, le formateur et l’appre- La pédagogie en présentiel si règle des trois fléxibilités.
nant ne peuvent communiquer chère à nos formateurs ne met,
qu’à partir d’un ordinateur et en bien souvent, en action que la Effectivement, la formation à dis-
utilisant un réseau (intranet ou relation enseignant-contenu tance n’est plus liée au lieu, au
internet), ainsi qu’une plate- dans laquelle l’apprenant est en temps et à l’action. Le lieu d’ins-
forme de formation à distance position d’attente. Le formateur truction (salle/terrain) n’est plus
qui donne accès au formateur à « pousse le contenu » vers l’ap- l’unique endroit où l’on peut
des outils de gestion de classe prenant sans pouvoir tenir acquérir des connaissances.
virtuelle ainsi que des moyens compte de l’individualité.
de diffusion de médias et de Chaque apprenant choisira le
sources documentaires. Effectivement, face à une classe moment et le temps qu’il veut (ou
peut) accorder à sa formation.
de vingt à trente apprenants, il est
Mais ce ne sont que des moyens impossible de traiter les élèves de
qui en aucun cas ne peuvent Enfin, alors qu’un apprenant
façon individuelle, de surmonter
suppléer « l’homme ». sera en cours d’acquisition
la pression conformiste du
d’une unité de valeur, un autre,
groupe, ou d’encourager ceux qui
inscrit au même cursus, sera en
sont lents et/ou intimidés.
train d’apprendre autre chose.
Le formateur et l’apprenant, en
Dans la formation à distance, le De ce fait, la clé de voute de
présentiel, sont réunis selon la
formateur peut penser qu’il va toute formation à distance est
règle des trois unités : temps,
se retrouver dans la relation de l‘autoformation.
lieu et action, mais aussi placés
au sein d’une relation pédago- type apprenant-savoir dans
laquelle il se sent actuellement L’autoformation se caractèrise
gique triangulaire (1) selon le
exclus. par la prise en compte volonta-
principe du tiers exclu, lorsque
riste, chez les apprenants, de
deux de ces trois éléments se leur apprentissage et des com-
constituent comme sujet. Mais si l’on veut avoir une vision
pétences à acquérir de façon
ouverte de ce type de formation,
autonome pour une bonne réus-
a) L a r e l a t i o n e n s e i g n a n t - il faut au contraire y voir l’occa-
site de leur projet de formation.
c o n t e n u incarne la pédago- sion de mettre en œuvre les
gie traditionnelle centrée sur avantages de la relation ensei-
L’apprenant doit alors être
le contenu. Le formateur est gnant-apprenant : ce dernier
capable d’autonomie.
maitre de la formation et l’ap- tient un rôle de médiateur.
prenant est passif

b) La relation enseignant-appre-
nant est centrée sur l’appre-
nant dans une pédagogie qui
favorise la formation
humaine où l’enseignant à un
rôle de médiateur qui met en
place les structures et en est
le garant.

c ) La relation apprenant-
contenu est centrée sur les
apprentissages.

(1) J. HOUSSAYE - Le triangle pédagogique (1988).

- 86 -
S A P E U R

CONCLUSION

La formation (ouverte) à dis-


tance n’est pas nécessairement
subordonnée à la notion de dis-
tance géographique même si
cela sera sans aucun doute la
première des utilisations, mais
bien la mise en œuvre de nou-
velles relations pédagogiques
entre professeur-élèves-savoirs.

Même si cette nouvelle pratique


pédagogique est indissociable
des technologies de l’informa-
tion et de la communication
Cette capacité n’est pas innée et, TUTEUR : il n’intervient plus (TIC), la « machine à appren-
de ce fait, apparaît une notion dans le domaine de l’acquisition dre » souvent promise par les
nouvelle : « apprendre à des savoirs mais il est celui qui détracteurs de ces nouvelles
apprendre ». C’est à dire décider conseil sur la manière d’appré- méthodes ne remplacera pas
quoi apprendre, de quelle façon, hender le savoir, de s’approprier « l’homme ».
et comment évaluer ses acquis. la connaissance, d’organiser sa
Chacun doit connaître les limites formation. Il doit apprendre à Toutefois, le formateur comme
de son propre savoir. Il faut l’élève à se connaître et à s’auto- l’apprenant vont devoir reconsi-
apprendre à gérer son ignorance. évaluer. dérer leur représentation de
l’image d’eux-mêmes vis-à-vis
Ces notions sont indispensables de l’acquisition des connais-
Mais il doit aussi être en mesure sances.
car l’apprenant n’est plus atten- de contrôler les acquis et les
tiste, dans une situation d’irres- pré-requis.
ponsabilité, il est le maître et Le formateur ne sera plus le
c’est lui qui va chercher la « maître » de la classe et l’appre-
MÉDIATEUR : d’acteur simple il nant ne pourra plus être « irres-
connaissance dont il a besoin.
devient le metteur en scène avec ponsable » envers son besoin
un rôle en plus. C’est par lui que de formation.
Le formateur, quant à lui, non
seulement n’a pas disparu, mais passe toutes les relations entre
l’apprenant et le savoir, les Plus que jamais, avec l’arrivée
au contraire, se voit attribuer un
apprenants entre eux (forum, de la formation à distance,
rôle beaucoup plus important.
chat), etc… l’homme est et devra continuer
à être au centre du dispositif de
Cette affirmation n’est pas une
formation.
vue de l’esprit mais le résultat
d’observation effectuées auprès MÉDIATISEUR : mais surtout, L’armée de terre, dans son expé-
de formateurs en position de for- c’est lui qui doit élaborer le rimentation, devra prendre en
mation à distance. Il n’est plus contenu en le prévoyant modu- compte le besoin en formation
au centre de la pédagogie et il laire pour être individualisable, de son personnel pour la réus-
n’a plus la relation émotionnel. complet car il n’est plus en pré- site de celle-ci.
sentiel pour répondre immédia-
Mais il est le tuteur, le médiateur tement aux interrogations, il L’ESAG est engagée dans cette
et le médiatisateur de la forma- doit réaliser des sources docu- évolution et devra être vigilante
tion. Ces nouvelles relations mentaires, etc. car ces nouvelles méthodes
peuvent être définies. peuvent être cause d’exclusion
de certain de nos cadres et EVAT
qui ne seraient pas prêt morale-
ment, intellectuellement et
matériellement à cette mutation.

- 87 -
S A P E U R

- 88 -
S A P E U R

Str uctur es
et équipements

Les équipements du sapeur .................................................................................................................................................... COL NEBOIS ........................................................ 91

Le sapeur de demain, un véritable « système d'arme cohérent » ...................................................................... LCL de LAPASSE .............................................. 93

Un nouveau défi : la numérisation de l'espace de bataille ...................................................................................... LCL GAULT ............................................................ 95

Première expérimentation du SyACADO .................................................................................................................... LCL MAROTTE .................................................... 99

Le génie français à l'heure de l'OTAN ............................................................................................................................ LCL PERRIER ........................................................ 103

- 89 -
S A P E U R

- 90 -
S A P E U R

Colonel
LES ÉQUIPEMENTS
Pascal
NEBOIS
DU SAPEUR

The variety of missions assigned to engineers requires them to be


provided with high performance equipment suited to the multiple
types of engagements.

It shall enable them to face the trying and changing environments of


Le colonel NEBOIS est chef du overseas operations.
groupement mobilité à la STAT
depuis l’été 2001. The French Army technical department (STAT) is tasked with conduc-
ting the procurement operations of this equipment in conjunction
Diplômé du cours supérieur des with the French defence procurement agency (DGA) and the French
systèmes d’armes terrestres Army materiel command (DCMAT). Deliveries of new combat sup-
(CoSSAT), le colonel NEBOIS port, deployment support, countermining and crossing equipment
sert une première fois, en 1996, are expected in the very next years.
à la STAT en tant qu’officier de
programme.

Désigné en 1998 pour rejoindre L’attente des régiments du génie les ateliers de campagne d’aide
le COMLE, il dirige l’équipe de est forte quant à la mise en ser- au déploiement (2 par RGBIA),
marque de montée en puissance vice des équipements nouveaux les groupes électrogènes de 80
du 2 e régiment étranger de indispensables à l’accomplisse- kW et les grues de manutention
génie. ment de leurs missions. Nos de 50 tonnes (1 par RG) com-
régiments connaissent
Il prend le commandement du aujourd’hui encore, un
régiment, dès sa création, le déficit important qu’il
1 er juillet 1999. convient de combler
rapidement pour garan-
tir l’efficacité du sapeur
sur le terrain et le main-
tien de ses capacités et
savoir-faire.

En application de la poli-
tique d’équipement éla-
borée par l’EMAT et
conformément aux pré-
visions de livraison des maté- menceront à être livrés cette
riels, cette situation va progres- année alors que les lots de dis-
sivement s’améliorer à partir de tribution d’énergie électrique
cette année. continueront à arriver dans les
corps de troupes.
Comme c'est maintenant
l'usage, la STAT vous propose En concomitance, la brigade du
de faire un point de situation des génie sera également dotée des
progrès réalisés. Cet article 8 systèmes d’ateliers de cam-
complète ceux, parus dans pagne d’aide au déploiement
« Sapeur » ou dans la
« Lettre du génie », fai-
sant état des program-
mes d’armement futurs
(SPRAT, SYGOGNE) et
d’opérations particu-
lières telles que les lots
de combat du génie.
Les premières améliora-
tions notables concer-
nent le domaine de l’aide
au déploiement. En effet,

- 91 -
S A P E U R

opérationnel et de groupes élec- Le système global de gestion de


trogènes de 400 kW. De plus, l’espace terrestre (SYGOGNE)
81 nouveaux camions-bennes commence à se concrétiser :
doteront le 5e RGTL à partir de
• le module appui protection
2005. Les RGBIA, quand à eux,
arrivera dans les forces à par-
les recevront en 2006 et 2007.
tir de 2005 ;
La capacité de contre-minage de
la brigade du génie et des • la valorisation de l’EBG inter-
RGBIA s'accroîtra notablement. viendra en 2008 ;
Les détecteurs portables DHPM • le développement de l’engin
3A équiperont nos unités (3 par En ce qui concerne la brigade du du génie d’appui au combat
groupe de combat) à partir de la génie, la téléopération des 3 sec- débarqué se poursuit.
fin de l’année. De même, 12 sys- tions AMX 30 démineurs sera
tèmes de déminage pyrotech- effective en 2007, les améliora-
nique de mines antichar (sys- tions prometteuses du SOUVIM, Dans le domaine du franchisse-
tème israélien CARPET intégré ainsi que l’acquisition des col- ment, le marché du système de
sur EBG) et 300 systèmes de lecteurs de résidus actifs de pose rapide de travures (SPRAT)
déminage pyrotechnique de a été notifié à la société CNIM en
mines antipersonnel entreront septembre 2003. Le SPRAT équi-
en service dans les RGBIA entre pera les forces à compter de
2005 et 2007. 2007.

Le parc des EFA sera entière-


ment valorisé cette année, alors
que débuteront des modifica-
tions importantes sur le PFM
(diésélisation des propulseurs et
intégration d’une commande
unique par module).
déminage (CORADE) et des kits
de déminage (KDEM) sont pré-
L'intégration de DEDALE (démi- La STAT est résolument opti-
vues en 2006.
neur par duplication à leurrage miste en ce qui concerne la mise
électromagnétique) sur le SOU- en service dans les régiments du
VIM, l'AMX30 B2 DT, le SDPMAC génie d'équipements perfor-
mants et totalement adaptés au
besoin opérationnel. De nom-
breuses opérations non érigées
en programme lancées récem-
ment entrent en phase de fabri-
cation et vont combler progres-
sivement le déficit en équipe-
ments de nos unités.
Les systèmes de combat du
génie bénéficieront d’améliora- Il convient maintenant de par-
tions sensibles dans les toutes faire la préparation de pro-
prochaines années. La réalisa- grammes et d'opérations plus
et l'EBG VAL ainsi que le déve- tion des lots de nos groupes du complexes (SYGOGNE, SYDERA,
loppement de la sonde mécani- génie à compter de 2005 est SYCOMORE, SPECTRE…) q u i
sée destinée aux RGBIA, se considérée comme une opéra- prendront le relais à plus longue
poursuivent dans de bonnes tion prioritaire, conduite échéance et donneront au génie
conditions, en vue d’une livrai- conjointement par la STAT et la les moyens de répondre aux exi-
son aux forces à compter de DCMAT. gences des engagements futurs.
2006.

- 92 -
S A P E U R

Lieutenant-
LE SAPEUR DE DEMAIN,
colonel
Jacques UN VÉRITABLE
de LAPASSE
« SYSTÈME D’ARME COHÉRENT »

The engineer of tomorrow will be equipped, like his fellow infantry-


man, with the AUFÉLI system, constituted from the FÉLIN equip-
Saint-cyrien de la promotion ment.
Grande Armée (1981-1983) le
LCL Jacques de LAPASSE est, The French Corps of Engineers will be equipped with 3500 pieces of
depuis l’été 2001, officier de pro- equipment as from 2010. Engineers will be provided with a set of
gramme FÉLIN, armement léger integrated and modular equipment intended to improve their current
et armement non létal, au grou- capabilities in the fields of aggression (FAMAS upgrade), observation
pement armes de mêlée de la (night vision camera mounted on the new FÉLIN helmet, medium-
section sechnique de l’armée de range infrared binoculars for the team leader), communication (a
terre. radio set able to transmit voice, data and video), protection (helmet,
flak jacket, additional plates for protection against bullets, joints and
Fantassin, il a servi successive- hands protection from splinters), mobility (weight between 23 and
ment comme chef de section au 25 kg), and endurance (24 hours).
8e RI, puis instructeur au CEC de
Breisach, commandant d’unité AUFÉLI engineers will not all be equipped with all these pieces of
au 94 e RI, puis chef du BOI au equipment. The need is as follows : 250 complete systems, 288 sys-
152 e RI. En 1995, il intègre la tems without the upgrades to the aggression capabilities to equip
39 e promotion du cours supé- VAB drivers for example, 1080 systems without the upgrades to the
rieur des systèmes d’armes ter- aggression and observation capabilities to equip most of the person-
restres, puis en 1997 la 111 e pro- nel serving in engineer vehicles for example, 1958 systems with pro-
motion du CSEM et en 1998 la 6 e tection upgrades only to equip the other engineers of the corps.
promotion du collège interar-
mées de défense. PROGRAMME STATUS

Le LCL de LAPASSE a été chef The first studies were launched in 1993. In early 2004, the contract
opérations du bataillon d’infan- will be notified to the manufacturer selected. Prototypes will be
terie mécanisé de Mitrovica de ready in 2005. Units will be equipped as from 2010.
septembre 1999 à janvier 2000,
puis des EFT ÉPERVIER de jan-
vier à mai 2001. Le sapeur de demain devra pou-
voir s’engager au côté de son
Il commandera le 92 e RI à partir compagnon d’armes de l’infante-
de juillet 2004. rie en disposant de moyens tech-
niques comparables, conçus et
organisés autour de l’homme.
C’est pourquoi, alors que le pro-
gramme FÉLIN (Fantassins à Équi-
pements et Liaisons INtégrées)
s’adresse strictement au fantas-
sin, le génie sera comme l’artille-
rie ou l’ABC équipé du système
dérivé AUFÉLI (AUtres FÉLIn),
constitué à partir du matériel
FÉLIN.

AUFÉLI POUR LE GÉNIE


L’infanterie doit être dotée de
23 000 équipements FÉLIN entre
2007 et 2009. Le génie sera
équipé à compter de 2010 de
3 500 équipements. Dans un
souci de cohérence avec les
autres armes, il s’agit de mettre

- 93 -
S A P E U R

• de la protection : le sapeur
sera équipé d’un casque,
d’un gilet pare-éclats, éven-
tuellement de plaques addi-
tionnelles pare-balles, d’une
protection pare-éclats pour
les articulations (coudes
et genoux) et pour les mains
(mitaines). Enfin, la protec-
tion NBC sera de même
niveau que celle que nous
connaissons aujourd’hui
avec la TOM ;
• de la mobilité : le système
AUFÉLI aura un poids com- ces équipements. Le besoin est
pris entre 23 et 25 kg. Ce évalué à 250 systèmes com-
poids prend en compte plets, 288 sans les améliorations
l’arme, les munitions, la portées aux capacités d’agres-
nourriture (1 ration), l’eau sion pour équiper par exemple
(1,5 litre), le poste radio, la les pilotes VAB, 1080 sans les
protection balistique légère améliorations portées aux capa-
et les moyens de vision noc- cités d’agression et d’observa-
turne. Il est aujourd’hui de tion pour équiper, par exemple,
l’ordre de 30 kg pour des la plupart du personnel servant
équipements comparables ; sur les engins du génie, 1958
limitées aux améliorations de la
• de l’autonomie : un seul type
protection pour équiper les
à la disposition du sapeur un de batterie offrira 24 heures
autres sapeurs.
ensemble intégré et modulaire d’autonomie. Les véhicules
qui améliore ses capacités seront équipés de prises per-
actuelles dans les domaines : mettant de recharger ces bat- POINT DE SITUATION DU
teries. PROGRAMME
• de l’agression : le FAMAS
surbaissé (sans poignée
Tous les sapeurs AUFÉLI ne Les premières études ont été
garde-main, avec une
seront pas dotés de la totalité de lancées en 1993. Elles ont per-
optique spécifique) permet mis de choisir des solutions
en particulier d’effectuer une technologiques et de les évaluer
observation et un tir déporté ; pendant près de six mois en
• de l’observation : une lunette corps de troupe. En décembre
J + N pour le FAMAS et le 2000, le besoin a été clairement
FRF2, une caméra de vision déterminé et transmis aux
de nuit, montée sur le nou- industriels. En 2003, deux solu-
veau casque FÉLIN, des tions technologiques ont été
jumelles à infra-rouge de présentées par deux industriels,
moyenne portée pour le chef « SAGEM » et « THALÈS-GIAT-
de groupe ; Industries ». Début 2004, le
contrat sera notifié à l’industriel
retenu. Les prototypes seront
• de la communication : un réalisés pour 2005. Deux compa-
poste radio capable de trans- gnies d’infanterie seront équi-
mettre de la phonie, des don- pées en 2006 pour une évalua-
nées et de la vidéo, c’est-à- tion opérationnelle. Les pre-
dire des photographies ou de miers équipements FÉLIN seront
courtes séances vidéo de 15 livrés à partir du début de l’an-
secondes environ, prises par née 2007. Le génie attend
la lunette de l’arme. Ce poste AUFÉLI en 2010.
dispose d’une capacité de
stockage de 45 secondes
environ (soit trois séances
vidéo). De plus, le chef de
groupe débarqué sera équipé
d’un système d’information
terminal (SIT) spécifique ;

- 94 -
S A P E U R

Lieutenant-
UN NOUVEAU DÉFI :
colonel
Christian
LA NUMÉRISATION
GAULT DE L’ESPACE DE BATAILLE (NEB)
The Digitization of the battle space (NEB) is a priority for the
armed services. The engineer corps is one of the main players
and it plays its part in supporting the development of full
Saint-cyrien de la promotion digitization.
capitaine GUILLEMINOT (1975-
1977), le lieutenant-colonel Currently NEB can be regarded as a series of experiments.
Christian GAULT est, depuis These ensure that the information needs of combat forces are being
l’été 2002, adjoint au chef de met and that the change process is properly supported.
bureau études technico-opéra- Exercise "GTIA XL" was held in November 2003 at Mourmelon with
tionnelles au sein de la the 13th engineer regiment, the digitized experimental unit of the
DEP/génie. 2nd Armoured brigade, taking part.

Il a auparavant servi au 9 e, 13 e et Generally, the results of exercise "GTIA XL" appear positive and rich
10 e régiment du génie comme in lessons. The systems being considered have a real potential to
chef de section, commandant achieve the aims of the NEB.
d’unité et chef du BOI.
The after action analysis report highlighted the following :
Il a été rédacteur au CETAG puis
• Currently, the Formation Command System (SICF) and Regimental
CETEG de l’EAG entre 1985 et
Command System (SIR) are not completely interoperable ;
1990.
• SIR is a complex system, whose implementation is complex and
Diplômé d’état-major, QL2, il a counter- intuitive ;
servi à l’état-major de la brigade • The systems can be integrated into current command vehicles,
du génie à Lille (1994-1997) though some of them need modification.
avant de rejoindre le bureau
équipement de l’EMAT au poste Despite system instabilities the exercise demonstrated the potential
de chef de la section génie ; à la to achieve effective exchange of information.
dissolution de ce bureau il a
rejoint la DCMAT, à la sous- Proposals
direction technique, au poste de
chef de section équipement To meet the needs of the Army’s digital revolution in general, and for
armement-munitions. the engineer corps in particular, firm measures need to be taken as
soon as possible.
Il a servi en Bosnie-Herzégovine
comme officier génie au sein du Priority must be accorded to ensuring that the systems are made
BATINF 3 de Bihac en 1993, puis interoperable ; SIR at battlegroup level and SICF at formation (Sapper
en Croatie, au Ploce French RHQ) level in order to guarantee that both engineer battle procedure
Command en 1995-1996 comme and subsequent missions are properly integrated within the combi-
conseiller génie auprès du com- ned arms operation as a whole.
mandant de la zone arrière des
communications dans le cadre In order to support the re-equiping of units it is critical to define their
de l’IFOR. training need and the support this requires.
Il est plus particulièrement
Regiments must be given the correct means to guarantee the trai-
chargé des études liées à la
ning of their personnel. This is not just about creating the establish-
numérisation de l’espace de
ment for training within the unit on SIR but ensuring that the “trai-
bataille et de la simulation opé-
ners are trained”.
rationnelle.
Periodic training courses, to ensure qualified personnel remain up to
date, must be formalised.

In order to ensure that initial training is retained, the means to do so,


personnel, equipment, user handbooks and computer based learning
packages, must be identified and provided as soon as possible.

- 95 -
S A P E U R

LA NEB EST UNE PRIORITÉ numérisée de la 2e BB, a parti- unités numérisées de la 6e BLB,
DE L’ARMÉE DE TERRE cipé à cet exercice en déployant et notamment le 1er REG).
son PCR, en détachant deux uni-
Le génie en est l’un des acteurs tés de combat au profit de deux Mais déjà, il convient de souli-
et il participe au processus de GTIA et en activant un de ses gner que les systèmes possè-
montée en puissance. DLRG ; par ailleurs il a armé la dent une réelle potentialité pour
cellule 2D du CO de la brigade. atteindre les objectifs de la NEB.
La NEB est en cours d’expéri-
mentation ; le défi est d’impor- D’une manière générale, l’exer-
tance et les difficultés existent. cice « GTIA XL » s’est révélé
GENÈSE DE L’AFFAIRE
positif et riche en enseigne-
Il faut prendre en compte les ments. Il a mis en évidence des La maîtrise du combat en temps
besoins des forces et assurer les points positifs mais aussi et sur- réel est une nouvelle donne stra-
actions d’assistance. tout des points négatifs ; ces tégique.
derniers ont été pris en compte
La NEB donne priorité à l’action, par les responsables des pro- Dès les années 85-90, le génie a
en facilitant une meilleure maî- grammes afin d’être analysés ; constaté la nécessité de com-
trise de l’information. des actions à mener ont ainsi été mander en temps réel et de dis-
définies. poser des matériels adaptés
Les buts recherchés sont :
pour la diffusion des informa-
• acquérir et organiser l’infor- Les diverses contraintes tech- tions et de la messagerie génie.
mation utile ; niques, imputables à la jeunesse
des systèmes n’ont pas permis Une réponse a été apportée, en
• enrichir et raccourcir le cycle de mesurer efficacement l’at- son temps, avec le SIRGEX (1).
décisionnel ; teinte des objectifs fixés pour
• anticiper et accélérer le cet exercice. La structure ainsi définie per-
rythme de la manœuvre. mettait de transmettre en temps
L’ensemble des buts n’a pu être réel, du niveau régiment vers la
Après le premier exercice met- atteint ; l’expérimentation de la division, des plans d’obstacles
tant en œuvre un groupement NEB, au travers de cet exercice, et des messages.
tactique interarmes (GTIA) n’a pu être complète mais elle a
numérisé en octobre 2002, permis, malgré tout, d’orienter Il a été abandonné au profit du
l’exercice « GTIA XL » s’est les efforts et de définir les priori- système d’information régi-
déroulé en novembre 2003, à tés pour les exercices futurs mentaire (SIR) en 2001.
Mourmelon. Le 13e régiment du (l’exercice « GTIA INF » se
génie, unité expérimentale déroulera en juin 2004, avec les Le SIR est le système d’informa-
tion destiné principalement à
équiper les PC de niveau 4 (régi-
mentaire) et 5 (unité élémen-
taire) ; c’est un ensemble coor-
donné et cohérent de plusieurs
composantes (ABC, infanterie,
génie, ALAT…) conçu pour facili-
ter le commandement des uni-
tés régimentaires de l’armée de
terre et améliorer leur capacité
d’échange et de traitement de
l’information dans le cadre du
combat aéroterrestre.

Le SIR doit s’intégrer dans le


cadre du système d’information
et de commandement de l’ar-
mée de terre dont l’autre com-
posante principale est le sys-
tème d’information pour le com-
mandement des forces (SICF)
équipant le niveau grande unité.

(1) Système d’Information Régimentaire du Génie EXpérimental.

- 96 -
S A P E U R

UN CONSTAT A ÉTÉ DRESSÉ régiment du génie, génèrent des 1) En priorité il faut impérative-
À L’ISSUE DE L’EXERCICE difficultés majeures lors d’une ment rendre interopérables les
bascule (les règles de sécurité systèmes, le SIR au niveau du
1) Aujourd’hui, les systèmes interdisent la présence de tout GTIA avec le SICF au niveau de
SICF et SIR ne sont pas totale- personnel à l’intérieur d’un ATM la GU (le CO de la brigade), afin
ment interopérables et ceci est et imposent le repli des de garantir la cohérence de la
préjudiciable au bon achemine- antennes). préparation et de la conduite
ment de l’information et à son des actions du génie.
traitement. 4) Il s’agissait de dégager, à par-
tir de la mise en œuvre des sys- 2) Il faut définir ensuite une
tèmes de communication et structure d’accompagnement au
d’information, les conséquences profit des formations pour la
de leur mise en œuvre sur l’or- mise en place des matériels.
ganisation du CO de la brigade Celle-ci fait l’objet d’un mandat
et des PC de groupement. d’un groupe d’étude piloté par
EMAT/BSIC.
L’exercice a démontré une
bonne circulation de l’informa- Les observations faites à l’occa-
tion malgré l’instabilité consta- sion de cet exercice peuvent uti-
tée du système. lement servir de base pour les
Il faut sortir d’une logique de
programmes d’instruction et
programme pour entrer dans
Dès lors que l’information cir- d’entraînement du personnel de
une logique d’ensemble.
cule, il est possible d’anticiper la mise en œuvre, afin de pallier
Il est urgent de normaliser les manœuvre. les déficiences constatées, mais
messages (les échanges de don- aussi pour aider la montée en
nées) et d’automatiser leur trai- Mais l’organisation de l’informa- puissance des unités/formations
tement à tous les niveaux. tion utile est encore délicate ; en numérisées.
effet celle-ci est souvent polluée
2) Le SIR reste encore un sys- par une trop grande quantité de 3) Cette révolution en marche
tème dont la mise en œuvre est messages qui sont échangés et n’est pas sans impact sur la for-
complexe et peu intuitive. qui n’apparaissent pas avec évi- mation.
dence à l’utilisateur.
Même si le personnel s’implique En effet, il faut souligner l’im-
volontairement et fait preuve Il n’a pas été constaté de gain portance capitale de l’appropria-
d’un bon état d’esprit général, il significatif dans les délais néces- tion des SIC par les utilisateurs
faut impérativement simplifier saires à l’élaboration des ordres (usagers), et donc de leur forma-
la mise en œuvre des systèmes et, ainsi, l’accélération du tion préalable à laquelle il faut
et ainsi développer le goût de rythme de la manœuvre n’a pas apporter une grande facilité
les servir. été utilement appréhendée. d’apprentissage.

3) Les matériels porteurs (VAB 5) Les administrateurs sont for- La formation initiale du person-
ou VUTC) sont toujours aussi més à l’ESAT de Rennes, sans nel est dispensée à l’ESAG au
sonores ; la discrétion des PC aucun stage de recyclage prévu. profit, aujourd’hui, des futurs
n’est pas assurée. Des proposi- Les usagers sont formés en commandants d’unité.
tions utiles et constructives sont école (une semaine dans le
communiquées à l’OP SIR. cadre du CFCU) et peuvent Mais les premiers utilisateurs
bénéficier d’une remise à jour (usagers) sont les commandants
Dans leur configuration actuelle, avant un exercice planifié. d’unité, les adjoints d’unité, l’of-
les abris techniques mobiles 15 ficier logistique…
pieds (ATM 15) – sur porteur Aujourd’hui il n’existe pas de
GBC 180 - armant le PC d’un structure cohérente pour ins- Si le SIR concerne les capitaines,
truire, entraîner et maintenir les il faut aussi former les lieute-
savoir-faire. nants.

PROPOSITIONS En conséquence, il faut donner


aux régiments les moyens d’as-
Pour répondre à cette révolution surer les formations ; cela passe
numérique dans l’armée de par l’identification d’une struc-
terre en général et, en particulier ture « instruction SIR ». Il s’agira
pour le génie, il convient de de « former des formateurs ».
prendre au plus tôt des mesures
fermes. Par ailleurs, l’école dispense, à
la demande, au profit des forma-

- 97 -
S A P E U R

tions préparant un exercice simples et planifiés dans le


numérisé, une formation com- temps.
plémentaire (durée une
semaine) pour parfaire les Dans le cadre de l’entraînement
connaissances des usagers ; cela il faudra à court terme disposer
représente une réelle charge, d’installations permettant la
qui est à l’étude au CoFAT. mise en œuvre du SIR et s’ap-
puyant sur un système de simu-
Elle dispose pour cela : lation autorisant le jeu du niveau
• d’une salle d’instruction SIR régiment jusqu’à celui de l’unité
équipée de 14 consoles élémentaire avec un environne-
(apprentissage du logiciel) ; ment haut et bas. PC numérisé.

En résumé, il faut définir et 7) Eu égard aux derniers ensei-


mettre en place au plus tôt des gnements, il faut prendre dès à
moyens (personnel et matériel) présent, la nécessaire interopé-
et des outils (mémentos, didacti- rabilité du système d’infor-
ciels) permettant aux forces de mation terminal (SIT) avec les
s’entraîner facilement afin de autres systèmes. Le SIT équi-
maintenir les acquis. pera les sections du génie, les
groupes spécialisés ainsi que
Enfin, il conviendra d’apporter les systèmes d’arme. Il assurera
des modifications (en fonction le lien entre les éléments de
des réponses apportées) : base et au contact et leur com-
• de deux VAB SIR ;
• au DUO : un poste supplé- mandant d’unité élémentaire
• de 2 ATM 15 et d’un ATM 10 équipé d’un véhicule poste de
mentaire d’adjoint au com-
(ce dernier, destiné initiale- commandement SIR.
mandant d’unité élémentaire,
ment à équiper le TC2, sera
un poste de référent SIR par
remplacé par un ATM 15).
formation ; CONCLUSION
À terme, elle disposera d’une • au CAF : des stages pour la Enjeu opérationnel pour l’armée
infrastructure SIR-SIMU permet- formation du personnel dédié de terre, la numérisation de l’es-
tant le déroulement d’exercices à la mise en œuvre du SIR. pace de bataille participera à l’ac-
au profit des régiments du
quisition de la « supériorité infor-
génie, s’appuyant sur l’outil de 5) Doctrine
mationnelle » et facilitera par-là
simulation JANUS, interfacé
même le cycle décisionnel.
avec le SIR ; les régiments pour- La nécessaire évolution de la
ront ainsi s’entraîner avec leurs doctrine (ainsi que les procé-
moyens de commandement. dures) est prise en compte par le Le dénominateur commun de la
groupe de travail « action ter- numérisation tactique est le sys-
4) Le recyclage du personnel restre future » (ATF) ; elle sera tème d’information régimen-
qualifié doit être formalisé. validée par l’expérimentation. taire, le SIR.

Des mémentos et des didacti- Il s’agira, en particulier, d’étu- Si le génie, avec l’ensemble des
ciels doivent être élaborés et dier la formation au commande- fonctions opérationnelles, veut
mis à jour régulièrement. ment des unités numérisées, et être au rendez-vous de la NEB, il
de rédiger les manuels corres- faut ériger l’accompagnement
L’entraînement sur les systèmes pondants. des formations dans le cadre de
ne doit pas précéder chaque leur montée en puissance en
exercice, mais doit faire l’objet 6) Organisation des PC priorité n° 1.
d’une formation adaptée et une
pratique régulière dans les À l’occasion de cet exercice, le Enfin, il ne faut pas attendre l’ar-
domaines des transmissions, de 13e régiment du génie a adopté rivée des matériels dans les
l’organisation du système et de pour son PC une configuration régiments, qui fait l’objet d’un
son emploi. « 3 + 1 » ATM 15 ; cette première plan d’équipement (2), pour se
approche donne satisfaction ; les sensibiliser à la NEB et porter un
De plus, l’instruction collective éléments recueillis serviront à intérêt à la formation initiale des
doit faire l’objet d’exercices l’élaboration du mémento d’un usagers et des administrateurs.

(2) 2007 : numérisation de la 2e BB et de la 6e BLB, 2012 : numérisation de l’armée de terre.

- 98 -
S A P E U R

Lieutenant-
1re EXPÉRIMENTATION
colonel
Thierry
DU SYACADO
MAROTTE
The recent involvements in operations abroad, have shown how impor-
tant it was to send deployment support elements among the very first
troops. These elements allow the combat units to be deployed, to ins-
tall and to live whatever could be the weather conditions.

Le LCL MAROTTE est saint- Belonging to the French engineer brigade, the 1st and the 2nd engineer
cyrien de la promotion Cadets regiments have the capability to set up cells aiming at produce elec-
de la France libre (1985-1988). tricity, potable water, as well as leading operational construction or
building safety and protection works.

Il est breveté de l'enseignement In order to be ready to fulfill their missions, the energy and infra-
militaire supérieur et titulaire du structure platoons have to dispose the equipments and set of tools
diplôme d'ingénieur civil de adapted to the mission.
l'école nationale supérieure des
mines de Nancy. Designed to give the opportunity to our troop the best fitted equip-
ments and material as far as deployment support is concerned, the
SyACADO concept is based on a “field workshop”.
Il sert comme chef de section au
32e RG de Kehl (RFA). The experience of the last French involvement during “TRIDENT”
operation, and especially the projection of the engineer deployment
Il rejoint le 3e RG de Charleville- support element in Macedonia, has led to the study, the develop-
Mézières en tant qu’OA puis ment and the approbation of the SyACADO workshop.
CDU de la 1re CCB et il est
engagé en Ex-Yougoslavie, au HISTORIQUE
sein du BATINF n° 1 de la FOR-
PRONU (1992-1993). La fiche de caractéristiques militaires de référence de l'ACAD a été
approuvée par l'EMAT le 30 décembre 1997 et celle du SyACADO
Après avoir été chargé de la pla- le 13 aôut 1999. Le marché a été notifié le 27 novembre 2002 à la
nification des stages à l’ESAG,il société Euroshelter. Essais sur TS à la mi-2003.
est officier traitant au bureau
études générales du CoFAT, Dates clefs
puis assistant militaire du
DCOMSFOR. 1997-1999 Approbation de la FCM.R par l’EMAT
1998 Appel à candidatures
Il est ensuite chef du BOI au 2 e Novembre 1998 Appel d’offres restreint
RG de Metz. Pendant cette Mai-juin 1999 Choix sur plans de deux candidats
période, il a commandé le déta- Décembre 2001 Lancement de l’appel d’offres (ACAD, SyACADO)
chement du génie n° 1 au sein
de la brigade multinationale Juillet 2002 Choix de l’industriel
nord-est au Kosovo. 27 novembre 2002 Notification du marché

Livraisons à venir

Livraison des têtes de série ACAD, SyACADO


4e trimestre 2003
pour expérimentations

- 99 -
S A P E U R

LE SYACADO OU LA POLY-
VALENCE MAÎTRISÉE

Le SyACADO – entendez sys-


tème d’ateliers de campagne
d’aide au déploiement opé-
rationnel – est un ensemble
constitué de quatre ateliers des-
tinés aux compagnies d’infra-
structure opérationnelle des
deux régiments du rénie spécia-
lisés dans l’aide au déploiement,
le 2e RG de Metz et le 1er RG
d’Illkirch-Graffenstaden. Voici,
en quelques mots, la genèse et
l’application de ce projet.

PROLOGUE

Le système d’ateliers de cam-


pagne d’aide au déploiement
opérationnel est l’aboutisse- sions d’aide au déploiement res- matériel, c’est toujours l’homme
ment d’une étude initiée par le tent basiques, d’autres requiè- qui reste l’acteur principal, indé-
2e RG sur les matériels néces- rent des compétences particuliè- pendamment du degré de com-
saires pour mener à bien l’en- rement pointues. Tant et si bien plexité et de technicité mis en
semble des missions d’infra- que la question se pose de œuvre dans l’accomplissement
structure qui lui étaient confiées. savoir s’il faut rattacher le per- des missions.
En effet, la montée en puissance sonnel servants au domaine
de l’aide au déploiement impo- techniques opérationnelles de
sait cette étude et nécessitait de l’infrastructure (TOI) ou, au PRINCIPE ET PRÉSENTATION
trouver une solution aux difficul- contraire, s’il faut les maintenir
tés rencontrées par les deux dans la partie génie combat. L’aide au déploiement est un
régiments spécialisés dans ce vaste domaine regroupant plu-
Dans ce cas, il leur faudra suivre sieurs corps de métier qui
domaine d’action.
une formation d’adaptation, contribuent au bon déroulement
des missions. Parmi ceux-ci,
Parallèlement, une autre étude avec, bien-sûr, tout ce que cela
citons la maçonnerie, la menui-
est menée, avec pour axe princi- peut avoir de conséquences sur
serie, la métallerie et l’électri-
pal la formation du personnel leurs carrières. L’essentiel du
cité. Le principe du SyACADO
qui sera appelé à servir ces problème reste le facteur
est de fournir à chaque groupe
matériels. Car si certaines mis- humain, car quel que soit le
les moyens de travailler dans
ces différentes spécialités, de
manière autonome et indépen-
dante les unes des autres. Il en
résulte donc un ensemble de
quatre ateliers, un par corps de
métier.

Tous les ateliers SyACADO sont


constitués de la même manière :
il s’agit d’un conteneur de type
« ISO 20 pieds » modifié, sur
lequel peut se monter un abri.
Lui-même constitué d’une arma-
ture tubulaire et d’une bâche
épaisse, cet abri se fixe au
conteneur et permet ainsi d’aug-
menter la surface de travail ;
tout en offrant une bonne pro-
tection à la pluie.

- 100 -
S A P E U R

groupe pourra se consacrer plei-


nement à sa mission opération-
nelle.

Enfin, chaque conteneur a un


plan de chargement très précis
et très complet. Il est donc diffi-
cile de pouvoir travailler à l’inté-
rieur. Le conteneur doit donc
être considéré plus comme une
zone de rangement que comme
un atelier proprement dit.

CONCLUSION

Le SyACADO doit avant tout être


considéré comme un outil. Il ne
permettra donc pas de résoudre
les problèmes d’infrastructure
par sa seule présence. Les sol-
dats qui serviront ce matériel
vailler à distance de l’atelier. devront toujours travailler en
MOBILITÉ, ÉQUIPEMENT ET À noter que le câblage élec- extérieur, parfois dans des
AUTONOMIE trique permet de travailler en se conditions difficiles, et surtout,
branchant sur un groupe ou sur trouver la bonne solution au
Afin d’optimiser les capacités de le réseau d’infrastructure. problème posé. Car si l’arrivée
mobilité des SyACADO, chaque du SyCADO représente une
atelier est projetable par voie grande avancée, il n’en demeure
maritime ou aérienne (avions CONCEPT D’EMPLOI pas moins que la compétence
très gros porteurs). Notons que des hommes sera toujours pré-
le crochet d’arrimage est Prévu pour équiper chaque dominante pour le bon déroule-
réglable, ceci afin de permettre groupe IO (infrastructures opé- ment des missions.
l’utilisation de vecteurs mili- rationnelles), le SyACADO per-
taires comme civils. mettra l’intervention dans tous
les corps de métiers. Son équi-
Chaque atelier contient deux pement très complet en fera un
coffrets qui permettent de ran- outil efficace et précieux. Le
ger les matériels propres aux groupe pourra se déplacer avec
missions des SyACADO. l’ensemble de son système (soit
quatre ateliers portés par deux
À l’autre extrémité du conteneur VTLR) ou, au contraire, avec le
se trouve un local technique ou les ateliers nécessaires à
avec deux groupes électro- l’exécution de la mission.
gènes, les luminaires de l’abri
complémentaire et les équipe- Autonome en capacité d’éner-
ments de protection individuelle gie, le groupe pourra intervenir
(EPI) trop volumineux. Une partout, en utilisant les apports
trousse de secours complète électriques existants, ou en met-
l’équipement, prenant ainsi en tant en œuvre ses groupes élec-
compte la réglementation en trogènes. Le chef de groupe
matière de sécurité du travail. trouvera pour son personnel les
équipements de protection indi-
Deux groupes électrogènes sont viduelle spécifiques à chaque
prévus pour travailler en auto- métier. Ainsi libéré en partie de
nomie, en cas d’absence de la préparation matérielle et de la
source d’énergie, ou afin de tra- protection (HSCT), le chef de

- 101 -
S A P E U R

- 102 -
S A P E U R

Lieutenant-
LE GÉNIE FRANÇAIS
colonel
Alain
À L’HEURE DE L’OTAN
PERRIER
Aware that all operations are now both combined and joint, the
French Army has resolutely developed its ability to operate with all
its allies. Always key to operations, the Sappers are playing an
essential part in the developments required to meet the challenges
presented by this new operating environment.
Le lieutenant-colonel Alain
PERRIER est le chef du bureau In this spirit, the French Sappers have made the most of their partici-
« règlements-documentation » pation in international activities, particularly in the working groups
de la direction des études et de of NATO. Standardisation has become critical to NATO as it seeks to
la prospective de l’ESAG depuis adapt its structures to meet the challenges presented by new mem-
1999. bers (the countries of Partnership for peace programme) and threats,
the latter being diffuse and changeable.
Issu de l’école militaire inter-
armes (promotion général Engineer participation in the drafting of STANAG and Allied
BROSSET 1973-1974), il est Publications (AP) has significant implications for the organisation,
diplômé de l’école d’état-major functioning and equipment of our forces. In effect, these jointly pro-
depuis 1984 et titulaire du duced documents must be incorporated into our national doctrine
BTEMG depuis décembre 2003. when they are ratified by France. Also, our tactical techniques and
procedures (TTP) must become STANAG compliant, as must our
Au cours de ces dernières future equipment specifications.
années, il a successivement
exercé les responsabilités sui- The professionalism and effectiveness of French engineers, in over-
vantes : coming the challenges of whatever operating environment they are
confronted with, are universally acknowledged : they are equally
• officier supérieur génie de la determined to ensure they are better integrated with future multi-
15 e DI – (1986-1988) ; national structures whilst acknowledging that opening themselves
up in this way brings fresh challenges and constraints.
• chef du bureau instruction du
31 e RG – (1988-1989) ;
Le caractère interarmées et intégrées de l’OTAN, l’armée de
• chef de brigade du cours de interallié des opérations dans terre française et bien évidem-
perfectionnement des officiers lesquelles sont engagées les ment le génie ne peuvent donc
subalternes (CPOS) – (1989- unités de l’armée de terre et du ignorer les doctrines et les pro-
1992) ; génie en particulier impose d’ac- cédures qui y sont en vigueur.
corder toujours plus d’impor-
• commandant de la division de tance à l’interopérabilité. C’est pourquoi depuis plusieurs
formation des réserves (DFR) – années maintenant, la France
(1992-1995) ; L’emploi de nos forces ne peut est présente dans de nombreux
se concevoir : groupes de travail de l’OTAN au
• commandant en second du sein desquels elle participe acti-
• qu’en parlant le même lan-
13 e RG de Trèves – (1995-1999). vement à l’élaboration des rè-
gage que nos alliés (termino-
gles communes d’engagement.
logie et symbologie) ;
Reconnus pour leur profession-
• qu’en appliquant des doc- nalisme et leur efficacité sur les
trines d’emploi communes ; théâtres d’opérations extérieurs,
les sapeurs français ont souvent
• qu’en développant des sys-
un point de vue original à faire
tèmes d’information opéra-
valoir auprès de cette instance
tionnelle (SIO) capables de
dans laquelle le système de pen-
communiquer entre eux ;
sée anglo-saxon est prédomi-
• qu’en mettant en œuvre les nant. Nos représentants doivent
mêmes procédures, y défendre les intérêts particu-
liers du génie français, tout en
• qu’en concevant des maté-
intégrant les contraintes résul-
riels répondant à des normes
tant des accords internationaux
identiques.
auxquels notre pays a souscrit.
Bien que n’appartenant pas aux
structures de commandement En effet, impliqué dans ce que le

- 103 -
S A P E U R

général de Gaulle intitulait « le de chercher à atteindre les Au niveau national, une version
grand machin », le génie fran- niveaux indiqués dans le française est élaborée tous les
çais évolue maintenant dans un besoin de normalisation ; deux ans sur le modèle de ce
système complexe entièrement document OTAN.
tourné vers la normalisation, • le caractère volontaire de la
dans lequel les sapeurs ont une participation des pays au pro-
place bien définie et dont les cessus de normalisation ; Elle identifie, pour chaque
décisions influent grandement accord ou publication, le stade
• l’obligation de rédiger les de la ratification française
sur nos propres modes de fonc-
documents OTAN en utilisant
tionnement (RA = ratifié ; RR = ratifié avec
la terminologie agréée.
réserves ; NR = non ratifié), l’or-
ganisme « pilote national » et
Il consiste à proposer, formuler,
les experts chargés de sa rédac-
approuver, ratifier, promulguer,
tion.
mettre en œuvre et tenir à jour
des normes OTAN décrites dans
des accords de normalisation
QUI ?
OTAN, appelés STANAG
LA NORMALISATION : UNE (STANdardization AGreement)
DÉMARCHE LONGUE ET et dans des publications interal- L’agence OTAN de normalisa-
COMPLEXE, INDISPENSABLE liées, appelées AP (Allied tion/N a t o S t a n d a r d i z a t i o n
À L’INTEROPÉRABILITÉ DES Publication). Agency (AON/NSA) est chargée
FORCES DE L’ALLIANCE de la mise en application de la
ATLANTIQUE Un STANAG est l’enregistre- directive relative à la normalisa-
ment d’un accord survenu entre tion (AAP-3).
POURQUOI ? plusieurs ou entre tous les pays
membres, aux termes duquel ils La production des STANAG et
La normalisation est un des décident d’adopter des maté- des AP est pilotée par le comité
moyens dont dispose l’alliance riels, des munitions et des pro- OTAN de normalisation/Nato
atlantique pour renforcer ses cédures semblables. Il est obli-
Comity of Standardization
capacités de défense en tirant le gatoirement rédigé dans les
(CON/NCS), sous l’égide du
meilleur parti des ressources deux langues officielles de
disponibles. conseil de l’atlantique nord
l’OTAN, à savoir le français et
(CAN).
l’anglais.
Processus de développement de
concepts, de doctrines, de pro- Une AP est un document officiel Elle est assurée par des groupes
cédures et de plans, elle de travail créés dans les diffé-
de normalisation OTAN que les
concourt en effet à maintenir les rents domaines de compétence
opérations, l’administration, la pays de l’OTAN, ou seulement
et composés d’experts et/ou de
logistique et les matériels à leur certains d’entre eux, se sont
spécialistes de chaque pays.
meilleur niveau de compatibi- engagés à utiliser et qui est dif-
lité, d’interopérabilité, d’inter- fusé à tous les échelons, utilisa- • Chaque groupe de travail/
changeabilité et d’identité. teur compris. Les AP les plus Working Group (GT/WG) est
couramment rencontrées sont : placé sous la responsabilité
QUOI ? d’une autorité qui répartit le
• le s A J P ( A l l i e d J o i n t
pilotage des différents STA-
Publication), traitant de doc-
Décrit dans un document de NAG et AP entre les membres
trine au niveau interarmées ;
référence, l’AAP-3 « mise au du GT.
point, établissement et tenue à • l e s AT P ( A l l i e d Ta c t i c a l
jour des accords de normalisa- Publication), évoquant des • Le pilote d’un accord de nor-
tion OTAN (STANAG) et publica- sujets à caractère tactique ; malisation est le maître
tions interalliées (AP) », le pro- d’œuvre de son élaboration,
• les AAP (Allied Administra-
cessus de normalisation de de son suivi et de sa mise à
tive Publication), abordant
l’OTAN repose sur un certain jour. Il est le point de contact
des préoccupations d’ordre
nombre de principes fondamen- unique dans l’échange des
administratif.
taux, parmi lesquels : correspondances le concer-
nant.
• la nécessité d’utiliser chaque Tous les STANAG et AP figurent
fois que possible les normes dans un répertoire, l’AAP-4
civiles lorsqu’elles existent ; « accords de standardisation et La nation pilote OTAN est indi-
publications interalliées de quée, pour chaque STANAG ou
• la nécessité, pour les pays,
l’OTAN ». AP, dans l’AAP-4.

- 104 -
S A P E U R

COMMENT ? nologie des groupes de travail charge de la politique d’équi-


concernés, puis à tour de rôle pement du domaine AGES-
À partir de l’identification d’un par les membres des groupes TER (EMAT/ BSA et STAT/
besoin de norme OTAN, les STA- FSN (French Speaking Nation) et mobilité) ;
NAG et AP sont élaborés selon ESN (English Speaking Nation) • le CEWG/GTGC (Combat
un processus bien établi pou- du comité de normalisation de Engineer Working Group/
vant se résumer comme suit. la terminologie de l’alliance. groupe de travail du génie de
combat) ;
• le EODWG/GTEOD (Explosive
Ordnance Disposal Working
Group/groupe de travail neu-
tralisation des explosifs et
munitions).

Pôle unique du génie français,


l’école supérieure et d’applica-
tion du génie est identifiée
comme point d’entrée national
pour les STANAG génie.

Elle est donc tout naturellement


présente au sein du CEWG où
elle participe à la totalité des tra-
vaux conduits sur les 14 STA-
NAG du génie de combat et où
elle assure le pilotage OTAN de
l’un d’entre eux (le STANAG
2010). Elle confie à ses représen-
Initié par le groupe de travail
LE GÉNIE DE L’OTAN : TOUT tants, issus de la DEP, le soin de
concerné, un tel cheminement UN PANEL DE MISSIONS faire valoir les intérêts français
mettant en scène de nombreux PRISES EN COMPTE À DES au cours des débats qui y ont
acteurs de chacun des pays lieu. Ceux-ci participent donc
NIVEAUX TRÈS DIVERS, Y chaque année, à la fin du mois
membres, se déroule, selon les COMPRIS PAR LA FRANCE de janvier à Bruxelles, à une
difficultés rencontrées, sur une
réunion plénière du CEWG au
durée variant d’une à plusieurs
Dans l’OTAN, comme dans l’ar- cours de laquelle sont prises
années.
mée de terre française, le génie toutes les décisions du G.T.
occupe une place originale, faite
Les STANAG et AP font systé- de diversité, de complexité, de Ils se rendent aussi au mois de
matiquement l’objet d’une révi- technicité et de polyvalence. juin dans l’un des pays
sion triennale. À cette occasion, membres pour participer à une
ils sont présentés par le pilote Touchant à de nombreux réunion intermédiaire de travail,
devant le GT et peuvent faire aspects de l’engagement opéra- l’ESDP (Engineer Standardiza-
l’objet d’amendements. Dans ce tionnel, les documents de nor- tion Development Panel). La pré-
cas, le processus précédemment malisation du génie sont
décrit est à nouveau mis en élaborés selon le schéma
œuvre. décrit plus haut, au sein de
plusieurs groupes de tra-
En ce qui concerne la terminolo- vail qui doivent définir,
gie et la symbologie, l’élabora- pour chaque sujet de pré-
tion et la mise à jour des docu- occupation, à la fois les
ments sont effectuées sous doctrines du niveau armée
l’égide du comité de normalisa- de terre ou interarmées et
tion de la terminologie de les procédures de mise en
l’Alliance. œuvre à caractère souvent
très technique.
Les termes, définitions et sym-
À ce titre, la France est
boles sont inclus dans des glos-
notamment présente dans :
saires (AAP-6 ; APP-6 ; AAP-19)
après avoir été longuement étu- • le LG 9 (Land Group 9),
diés au sein du comité de termi- avec des officiers en
Réunion ESDFP 2001 - Kingston (Canada)

- 105 -
S A P E U R

sence à ces réunions du représen- chargée de consulter les experts dans les opérations combi-
tant du CDES/CREDAT s’avère nationaux de chacun d’eux lors nées » et l’ATP-52 « Doctrine du
parfois nécessaire lorsque des des procédures de révision, de génie des forces terrestres »,
réflexions sont conduites sur la proposer les documents à la dont le pilotage national est
doctrine d’emploi du génie dans ratification du CEMAT, et de confié au CDES/CREDAT.
un environnement interarmes ou veiller à leur diffusion.
interarmées. Le tableau ci-après présente
Elle est aussi expert national des succinctement les STANAG sui-
Désignée comme pilote national 2 documents de doctrine que vis et mis à jour par le CEWG.
de 12 de ces STANAG, la DEP est sont l’AJP-3.12 « Soutien génie

N° DE STANAG INTITULÉ POSITION FRANÇAISE

Marquage du classement militaire RR


2010
(édition 5, amendement 7) Édition 6 en cours d’élaboration
Consignes au chef de détachement NR
2017 de protection d’un ouvrage à détruire La procédure de ratification va
et au chef de l’équipe de mise de feu (édition 4) être initiée
NR
Un projet d’édition 6 vient d’être
Procédures en matière de pose, de marquage,
proposé pour ratification
2036 de repérage et de compte rendu de champ
Doit être étudié en fonction de la
de mines (édition 5, amendement 1)
position française vis à vis des
mines AP
RA
Carnet d’obstacles
2123 Doit être remanié car il évoque
(édition 2, amendement 3)
l’emploi des mines AP

2237 Numérotation des obstacles génie (étude) -


Soutien génie des opérations combinées,
2238 Pilote CDES/CREDAT
AJP-3-12. (étude)
Standards de construction des fortifications -
2280
de campagne (étude)

Doctrine du génie des forces terrestres NR


ATP52-A. Pilote CDES/CREDAT
2394
(édition 2, amendement 1) Devrait être prochainement
ratifié par la France
RA
Procédures de franchissement des cours d’eau
2395 Une nouvelle édition est en cours
(édition 2, amendement 2)
de rédaction
Messages et comptes rendus du génie de combat, RR
2430
AengrP-2 (A), (édition 2) Projet d’édition 3 en cours d’étude
Opérations de contre minage en guerre terrestre
2485
(édition 2) NR
RA
Ravitaillement de secours en eau en temps
2885 L’édition 4 est en cours de
de guerre (édition 3, amendement 3)
rédaction
RR
En cours de modification pour y
intégrer les positions nationales
Transfert de barrages
2989 sur la prise en compte d’obstacles
(édition 1, amendement 4)
avec dispositifs de commande à
distance et d’obstacles contenant
des mines AP
Glossaire OTAN du génie de combat,
2991 RA
AAP- (D), (édition 4)
Stade de ratification : RA = ratifié ; RR = ratifié avec réserves ; NR = non ratifié.

- 106 -
S A P E U R

Il faut noter que cette liste est


évolutive car elle s’adapte en
permanence aux besoins en nor-
malisation du génie de combat.

Par ailleurs, il est important de


savoir que le « stade de ratifica-
tion » par la France des diffé-
rents STANAG correspond à leur
édition en cours (indiquée dans
la colonne « intitulé ») et qu’il
est donc appelé à évoluer.

L’ESAG est d’autre part intéres-


sée par un grand nombre de
documents de normalisation
dont le suivi est assuré par
d’autres groupes de travail de
l’OTAN. Réunion tripartite 2004 - ANGERS

C’est ainsi qu’elle se fait repré- Les écoles du génie de Munich (Allemagne), de Minley (Grande-Bretagne) et
senter lors des réunions plé- d'Angers, organisent chaque année, à tour de rôle, la réunion tripartite, ren-
dez-vous annuel des responsables de la doctrine et des études technico-opé-
nières du GTEOD et qu’elle
rationnelles au sein des directions études et prospective du génie des 3 pays.
figure au rang des experts de
certains STANAG dont le CEWG
n’assure pas le suivi. maillon essentiel dans l’élabora- tions. Les délégués français y
tion et la tenue à jour de l’AAP- jouent le rôle de leader des pays
Elle participe aussi régulièrement à 19 « glossaire de terminologie francophones.
l’exercice annuel de l’OTAN « du génie de combat ».
Constant Makefast » et à des LA NORMALISATION ET SES
réunions bilatérales et trilatérales. Son comité de terminologie est
en effet la plupart du temps à
CONSÉQUENCES POUR LE
Concernant la terminologie l’origine des insertions de nou- GÉNIE FRANÇAIS
enfin, le CEWG constitue un veaux termes et de leurs défini-
En 1999, le chef d’état-major de
l’armée de terre rappelait, dans
une directive, l’importance qu’il
attachait à l’interopérabilité avec
nos alliés et donc à la forte
implication de la France dans la
rédaction des documents de
normalisation.

Il soulignait à cette occasion


l’obligation qui en résultait d’en
faire le socle de notre propre
doctrine.

Ainsi, la participation de la
France aux travaux de normali-
sation de l’OTAN n’est pas ano-
dine et ses conséquences ne
doivent surtout pas être minimi-
sées compte-tenu des énergies
considérables mobilisées et du
problème nécessairement posé
de la cohérence des documents
produits avec nos propres
ouvrages nationaux.

Les délégués français (tout


comme leurs homologues des
Fonctionnement simplifié de la chaîne « terminologie » autres pays) doivent en effet

- 107 -
S A P E U R

veiller constamment, sous DOCTRINE D’EMPLOI DES coordination entre la chaîne


contrôle de leurs autorités doc- FORCES nationale et la force pour l’em-
trinales, à la préservation de leur ploi des moyens génie au profit
spécificité nationale lors de Le soutien génie des opérations de l’un ou de l’autre se ferait par
l’élab o r a t i o n des docu- interarmées, tel qu’il y est décrit, une procédure d’entente entre le
m e n t s consensuels de l’OTAN. contribue à « tirer l’ensemble du chef de l’opération et le chef de
génie vers le haut », tant par ses la chaîne nationale.
La ratification par la France de missions que par sa structure de
traités et de conventions inter- commandement. Ainsi, la ratification de l’AJP-
nationales (protocole II, conven- 3.12 devrait conduire à mettre
tion d’Ottawa, traité de En effet, ce document de l’OTAN en place un « Chief Engineer »
Genève,…), ainsi que les textes préconise la mise en place d’un sur chaque théâtre d’opérations.
nationaux d’application qui en « Chief Engineer » interarmées,
décliné à tous les niveaux de la L’étude de l’AJP-3.12 met enfin
découlent, conduisent parfois à
chaîne de commandement, pour en évidence l’importance qu’il
ratifier avec réserves les docu-
permettre une bonne prise en convient d’accorder à la termi-
ments de normalisation.
compte de l’action génie, certes nologie.
au profit de la composante ter-
Cet impératif a été particulière- Un document aussi essentiel
restre, mais aussi en faveur de
ment ressenti lorsqu’il a fallu pour l’emploi des forces de
l’ensemble des forces, dans un
vérifier ces dernières années la l’OTAN, ne peut notamment pas
cadre espace-temps élargi.
conformité de nos STANAG et souffrir la moindre approxima-
AP avec les termes de la conven- Ce choix est lié au fait que l’ac- tion dans la traduction des
tion d’Ottawa et du protocole II tion génie s’inscrit dans toutes termes et des définitions.
modifié sur l’interdiction d’em- les phases d’une intervention. Il
ploi des mines antipersonnel. est en effet demandé au génie : À titre d’exemple, l’appellation
« Joint Force Engineer », tra-
Cette démarche s’est avérée • avant le début de l’engage- duite littéralement par « com-
ment, de disposer d’une mandant du génie de la force
d’autant plus complexe que cer-
capacité d’expertise pour la interarmées », demeure trop
tains des pays membres de
planification des actions ; ambiguë et ouvre la porte à des
l’OTAN (USA et Turquie)
n’étaient pas signataires de ces • pendant l’opération, de four- interprétations lourdes de
nir un appui tactique clas- conséquences.
accords.
sique et un soutien de la zone
arrière de théâtre, notam- En effet, selon l’idée que chaque
Les études menées par le
ment sur les axes logistiques nation se fait de l’organisation
groupe de travail du génie de du commandement de son
combat constituent pour tous et pour les zones aéropor-
tuaires ; génie, elle peut soit limiter ce
les pays membres l’occasion de poste à un simple rôle de
mûrir leur propre réflexion. • à l’issue, de mettre à disposi- conseiller du commandement
tion une capacité de soutien de la force, soit lui conférer les
Deux exemples illustrent parfai- post conflictuelle, en complé- responsabilités inhérentes à la
tement l’importance considé- ment des moyens des entre- fonction de commandant du
rable que revêtent les docu- prises de la nation hôte ou en génie de cette force pour l’en-
ments OTAN. liaison avec des organisa- semble des missions s’inscri-
tions internationales, pour la vant dans l’appui direct au com-
reconstruction par exemple. bat et dans le soutien au station-
L’AJP-3.12 nement.
En France, le nombre compté
des moyens du génie combat,
Ce document de doctrine inter-
du génie de l’air et du futur ser- LE STANAG 2430
armées, qui n’est pas du niveau
vice constructeur des armées,
de l’ESAG, est étudié d’une part
impose aussi la même notion de Il est le recueil de la procédure
par le CDES/CREDAT en tant que
« Chief Engineer », déclinée à informatisée du génie de
pilote national pour la ratifica- tous les échelons du comman- l’OTAN. Il constitue l’ossature de
tion et par chaque état-major dement, jusqu’au niveau inclus la messagerie développée dans
d’armée, grâce à différents de la composante terrestre, pour le SIR/génie.
experts. L’analyse de son assurer le commandement de
contenu ne peut se faire qu’à la tous les moyens génie de la Conçu pour répondre aux
lumière des instructions 2000 force interarmées. besoins de la chaîne de com-
« doctrine interarmées du com- mandement verticale de l’OTAN,
mandement en opérations » et Dans une opération où la France il a fait l’objet d’une analyse très
1000. ne serait pas nation cadre, la poussée afin de lui permettre de

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S A P E U R

satisfaire aux exigences de trois ou quatre messages com- ment et l’équipement de l’en-
notre chaîne de commandement muns à l’APP-9 et au STANAG semble des forces de l’OTAN.
privilégiant quant à elle les 2430 (OBSREP ; BARREP ; …),
échanges horizontaux de même celui-ci constitue cependant un
niveau. mode dégradé, notoirement
CONCLUSION
insuffisant car limité aux seuls
En 2004, le génie français se
Le travail a consisté à transfor- échanges d’informations entre
mer ses 52 messages en 8 mes- les commandants d’unité et le trouve donc bien engagé dans
sages SIR, tout en conservant PCR. un processus devant l’amener à
l’ensemble des informations un niveau d’interopérabilité tel
contenues dans la messagerie De plus, tant qu’un outil infor- qu’il pourra, quel que soit le
d’origine. matique (SITEL) n’aura pas été théâtre d’opérations et la nature
développé (horizon 2015), la du conflit, être employé dans
Il faut noter que l’échelonne- POP génie demeurera l’unique des structures de commande-
ment prévisible des livraisons moyen réglementaire disponible ment multinationales tout en
de nos systèmes d’information pour assurer les échanges entre
conservant son style propre et
et de commandement (environ le capitaine et ses chefs de sec-
10 ans) impose de conserver un tion. l’efficacité qui le caractérise
système transitoire d’échange actuellement.
d’informations. Enfin, les nombreux exposés
faits sur les divers engagements Cette démarche correspond bien
Dans cet esprit, il y aurait sans des forces de l’OTAN sont à la logique dans laquelle s’ins-
doute lieu de conserver à l’esprit chaque fois l’occasion crit la décision prise récemment
que la POP génie constitue d’échanges fructueux et les de créer à Lille un PC européen
actuellement le seul référentiel « lessons learned » (enseigne- HRF (High Readiness Force)
complet de messagerie adapté à ments tirés) des conflits récents
dans lequel la France sera
la mise en œuvre du génie. constituent quant à eux la base
« nation cadre », c’est à dire à
des réflexions doctrinales
En effet, si les régiments du conduites au sein du GT. Les une volonté très nette de faire
génie qui ne sont pas encore conséquences qui en découlent figurer notre pays en bonne
dotés du SIR peuvent utiliser concernent bien évidemment place dans les instances mili-
MESREG pour transmettre les l’organisation, le fonctionne- taires internationales.

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S A P E U R

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S A P E U R

Le Génie dans l'histoir e

Anticipation et valorisation ou les métiers du génie .................................................................................................. M. PERNOT .......................................................... 113

La ville et la guerre .......................................................................................................................................................................... COL SERVEILLE ................................................ 117

Yves BOUTIN, sapeur, ingénieur, diplomate et officier de renseignement ...................................... CBA GARNIER de LABAREYRE ............ 121

L’organisation du passage de la Bérézina pendant la retraite de Russie en 1812 ......................CNE ALLAIRE ...................................................... 127

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S A P E U R

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S A P E U R

Monsieur
ANTICIPATION ET VALORISATION
Jean-François
PERNOT
OU LES MÉTIERS DU GÉNIE

Tout a commencé au moment répondre à des objectifs de com-


où l’homme a pris quelques bat défensif mais également
pierres et morceaux de bois prévoir les condition du station-
pour bâtir une protection, nement et de la survie. Du
Collège de France. dépassant le simple jet de ces simple sommet valorisé (un
fragments gisant au sol à la face éperon barré), on passe au plan
Responsable du séminaire de son adversaire. L’homme a d’ensemble qui va entraîner une
bastion CEHD. inventé au sens plein du terme rationalisation du site des pre-
lorsqu’il a sur un sol créé un dis- miers camps néolithiques à la
Vice-président de la commis- positif qui renforçait ses simples bastide en passant par le camp
sion française d’histoire mili- capacités physiques qui sont romain que nous avons retrouvé
taire (CFHM). très limitées. Tout le travail avec le camp 1000 hommes
humain réside dans l’augmenta- (ISOPEX 99 du STBFT).
Vice-président de l’association tion des potentialités car il ne
musée du génie. possède ni carapace, ni vision La fonction suivante et non
multidirectionnelle. secondaire est de procéder par
mémoire raisonné à l’évaluation
Créant au sommet d’un lieu d’un site avec, comme on le
dominant, le plus souvent au retrouvera dans les atlas du
confluent de deux thalwegs, un XVIIIe S. conservés au SHAT, un
ouvrage défensif, par exemple jugement sur le fort et le faible
un mur rudimentaire assis sur la de chaque place et dans celle-ci
terre qui a été extraite afin de de chaque ouvrage ou fraction
réaliser un fossé, il mettait en de ceux-ci. Ainsi sont nés les
œuvre ce fondamental du sites défensifs car ils obligeaient
génie : tout élément réalisé doit l’ennemi à concentrer pour l’af-
servir à de multiples usages. Le frontement de 8 à 25 fois plus
fossé est un premier obstacle, la d’hommes que la garnison
constitution d’une enceinte avec (selon les tableaux des premiers
ce qui a été extrait en est un Traités). Les ingénieurs ont eux-
second, ainsi on peut attendre mêmes progressé, dépassant
l’ennemi car le regard attentif leur simple pratique par la mise
ainsi protégé voit au loin et le au net de leur pensée par la
temps que l’adversaire fran- rédaction de leurs conclusions à
chisse les défenses, l’habitant base d’expériences vécues.
est prévenu, jamais surpris et Antoine de VILLE restera en
cet assaillant se trouve en posi- usage jusqu’en 1870 par son
tion inférieure topographique- traité « de la charge des gouver-
ment vis-à-vis des défenseurs. neurs des places… » (1639)
dépasse les simples conseils
La seconde étape est la mise en pour la mise en défense, traçant
place de moyens de survie ali- les enjeux globaux des places
mentaire. Il s’agit d’avoir à dis- de la préparation au combat à la
position de l’eau et des réserves résistance à l’agression, ce que
de moyens. Ainsi est né le l’on traite de nos jours lors des
métier d’ingénieur. Il doit analyses au retour d’OPEX.

- 113 -
S A P E U R

Le responsable d’une défense


ou d’une base stratégique doit
avoir une démarche d’en-
semble, un regard qui dépasse
le terrain observable par des
jumelles pour une analyse et
une préparation de niveau
régional puis avec les liaisons à
créer et à maintenir coûte que
coûte, le niveau d’un théâtre.
L’ i n v e s t i s s e m e n t f i n a n c i e r
impose une réflexion qui
engage à long terme. Le sapeur
est donc à la fois celui qui, en une régression, un échec patent La phase de déplacement étant
aidant le déploiement ou en frei- d’où l’organisation ensuite par traitée, celle de la résistance des
nant la progression adverse, le chemin de fer des 10 lignes matériaux s’impose. Ces maté-
prévoit le nécessaire immédiat stratégiques permettant d’ache- riaux et les sols doivent être
mais aussi ce qui sera induit par miner vers la Lorraine les 20 CA connus et travaillés selon les
la suite en terme de maintien sur qui concentrés devaient former nécessités de la progression en
la position ou la transformation les 5 armées d’origine, agissant opération comme dans leurs
du cadre d’une manière géné- dans le cadre du Plan XVII. Les propriétés dans les construc-
rale toujours pour maîtriser ou sapeurs y tenaient un rôle fon- tions plus durables. Il n’y a
préparer les conditions futures damental dans les jours de encore une fois aucune opposi-
des axes et des flux nécessaires concentration des unités. tion entre le temps de paix et
aux missions, pour donner ainsi celui des hostilités. La nature est
les moyens de la présence des Les opérations engagées, c’est la même et le sapeur doit être
armées auxquelles il appartient alors qu’il faut « ouvrir les celui qui permet le stationne-
(ainsi est lié la formule régle- routes ». Les itinéraires doivent ment et la progression par sa
mentaire de la passation de être d’abord choisis en fonction maîtrise globale de l’environne-
commandement « pour le suc- de la manœuvre, puis reconnus ment et surtout par celle de l’an-
cès des armes de la France »). afin que les chaussées soient ticipation en terrain varié utili-
dégagées de tout obstacle, de sant des équipements qui per-
Pour agir, il est nécessaire à la toute mine et surtout que les mettront toutes les phases du
fois de progresser et de regrou- pont soient repérés avec leur plan décidé.
per des forces afin d’obtenir un capacité de résistance au poids
résultat certain. En temps de des véhicules devant les utiliser. Le stationnement d’une troupe
paix à partir du XVIe S. furent Gérer les franchissements est de professionnels suppose des
créés les maréchaux des logis l’une des tâches toujours d’ac- réalisations avec des éléments
qui préparaient les étapes d’une tualité du génie dans le cadre de préfabriqués maintenant conçus
opération. Au cours du XVIIIe S. « la constitution des conditions en volume « container standard »,
afin de n’avoir pas à rechercher du déploiement » d’une force. ainsi est également géré l’ache-
à chaque nouvelle opération des minement et l’interopérabilité
lieux et surtout des habitants à Cela nécessite l’établissement des mises en relation. Des
frapper de cet impôt en nature de schémas, de cartes plus modules d’habitat peuvent être
qu’était le « logement des gens ou moins détaillées selon les liés à des modules de services
de guerre », fut créée l’adminis- besoins des états-majors ou de PC ainsi qu’à des
tration des étapes en union avec (actuellement l’une des fonc- ensembles du service de santé…
les municipalités qui ainsi tions du 28e groupement géo- Tout est associable et liable, les
recherchaient alors calme et graphique de Joigny, intégré à normes étant les mêmes. Pour
protection. Furent alors bâties la brigade du génie). assurer le succès d’une déci-
des casernes afin que les
troupes en mouvement soient
hébergées dans des conditions
qui ne les rendraient pas trop
instables donc sans perturba-
tion vis-à-vis des biens des habi-
tants. Organiser ce type de loge-
ments, échelonner les marches
sur une longue distance en vue
d’une concentration organique
devint une fonction indispen-
sable pour les armées modernes.
La guerre de 1870 fut à cet égard

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S A P E U R

sion, il convient de bien assem- ment dans des mesures accep- le combattant doit pour sa sur-
bler les parties du puzzle que tables. Ces pratiques qui entraî- vie appliquer les méthodes et
représente un chantier sur le ter- nent des métiers qui évoluent, filtres anti-pollution (eaux et
rain comme en métropole. qui se distinguent, se différen- latrines). Ainsi peut être conçu
cient, utilisant des outils, des et géré l’établissement de plate-
Les abaques de résistance aux normes de parcs, toute une formes tant d’artillerie en opéra-
poids et pressions des matériaux quincaillerie qui est identique à tion que de logistique dans les
sont de même nature que celles tout chantier de travaux publics. deux environnements.
devant résister aux perforations.
La protection des systèmes De même, hormis les gaz de Le génie est donc bien l’arme
d’armes engagés en stockage, combat qui sont de nature toute qui anime, utilise et développe
parcs ou en position, entre dans autre mais qui maintenant sont des métiers qui depuis le XVIe
les temps de programmation et aussi l’une des terreur des crises siècle permettent la réalisation
de réalisation de chantier. Encore urbaines, l’air conditionné des des missions tout en structurant
une fois, il s’agit de bien intégrer pièces n’est pas sensiblement le territoire national comme
infrastructure et conduite d’opé- différent de la ventilation des base de départ et les zones des
ration dans tous les sens des casemates de combat. Dans les opérations car l’infrastructure se
termes. La maîtrise des phases cas limites, ce sont des surpres- fonde toujours selon des fonda-
est liée à la gestion du bon voca- sions, alors hôpitaux, salles mentaux identiques assurant
bulaire et des concepts : « ce qui d’opération ou de confinement sécurité et pérennité.
se conçoit bien… ». ne sont pas de nature différente
des casernements, ce n’est que
Les études préalables, les choix question d’intensité, d’échelle.
d’emplacements et de solutions
permettent de répondre dans le
minimum de temps et ainsi le
camp ISOPEX 99 a pu être conçu
et réalisé avant nos autres parte-
naires. D’autre part les maté-
riaux utilisés dans la protection
hommes/armement sont bien
souvent ceux des moyens du
bord, car comme autrefois ce
qui est retiré d’un côté sert à ce
qui est établi de l’autre. Cela
était vrai des remparts résultant
du creusement des fossés
depuis le camp romain jus-
qu’aux ouvrages bastionnés, les
« gabions de nouvelle généra-
tion » (GNG), mis en trois épais-
seurs renforcées dans certains
cas de plaques de béton armé
d’acier spéciaux (également de
« nouvelle génération »), assu-
rent une sécurité correcte contre
tout tir offensif. Un vrai métier
existe : celui d’estimer, de
connaître empiriquement les
solutions « du moment »…

Encore une fois, soulignons l’ab-


sence d’opposition tant entre les Les procédures professionnelles
fonctions civiles que celles de la sont peu différentes. C’est pour-
défense. Il n’y a pas des char- quoi les règles d’urbanisme,
pentes ou des menuiseries diffé- de circulation, d’alignements
rentes. Il existe des seuils de concernent les constructions
résistance et les matériaux sont nouvelles, surtout dans un envi-
alors proportionnés. Ce n’est ronnement urbain. Sont aussi
qu’une question de limites. Il y a concernés les normes et précau-
seulement des efforts ou des tions anti-incendie. La lutte
impacts particulièrement vio- contre tout sinistre concerne
lents. Tout cela reste globale- tout le monde, la société comme

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S A P E U R

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S A P E U R

Colonel
LA VILLE ET LA GUERRE
Jean
SERVEILLE
Oubliés sous la poussière de sent de modeler l’architecture
l’histoire et sous le poids de la des villes grecques.
dissuasion nucléaire, des liens
étroits et interactifs entre la ville En effet à leur genèse les cités
et la guerre ont cependant tou- grecques archaïques, tant pour
jours existé à travers l’histoire marquer leur emprise coloniale
même de la ville et de ses habi- que pour assurer effectivement
Saint-cyrien de la promotion tants. Ils sont nombreux et res- leur sécurité, se dotèrent de
capitaine de CATHELINEAU surgissent avec force et acuité remparts.
(1976-1978), le colonel au travers des médias, notam-
SERVEILLE est chargé de mis- ment la télévision, lors des Au Ve siècle avant Jésus-Christ
sion au centre de réalisation et conflits récents. ces murailles tombèrent en
d’études de doctrine de l’armée désuétude au profit d’une doc-
de terre (CREDAT). Beyrouth, Sarajevo, Grozny, trine bâtie sur la combativité des
Génine, Bassorah, Bagdad ont armées, qui fit dire à Agésilas roi
À ce titre il est, entre autres, apporté au public une lecture de Sparte désignant ses troupes
chargé de la doctrine d’emploi soudaine et brutale des liens « voici les remparts de
des forces terrestres en zone entre la ville et la guerre, mais Lacédémone ».
urbaine. une lecture purement événe-
mentielle.
Ayant servi au 13e RG comme
CDS puis OA, il a commandé la En fait la ville a de tout temps
compagnie de combat du génie préparé, voire géré la guerre par
de la 12e DLB de 1985 à 1987. des processus de transforma-
tion de grande ampleur tels que
Après une formation de DT tra- l’urbanisme, l’économie de
vaux, il est affecté à la direction guerre, l’esprit de défense de
des travaux et services de la ses habitants, la stratégie anti-
DIRCEN de 1987 à 1989. cités de Carthage à Hiroshima, Puis à l’époque hellénistique, les
les innombrables aller et retour luttes incessantes entre cités et
Ingénieur de l’ENPC, il rejoint entre les concepts de défense l’avènement de machines de
l’ESGM, puis l’ESAG à sa sortie rapprochée et de défense aux guerre puissantes et plus effi-
en 1993 de l’école supérieure de frontières de la pax romana au caces contraignirent les villes à
guerre (105e promotion). rétablissement des enceintes se doter à nouveau d’enceintes.
parisiennes vers 1840.
De 1997 à 2000, il est officier Ce schéma de va-et-vient est
traitant pour l’évaluation des À l’éradication de la notion de comparable à celui de la polior-
systèmes de forces et assure le l’urbain dans les thèmes tac- cétique romaine dont Rome est
suivi du dossier « drones » à tiques, il y a encore peu, le mili- un parfait exemple.
l’EMA/PPE. taire renoue heureusement avec
la ville : lieu de ressources, de De même pour le moyen-âge,
Il commande le 2e RG de 2000 à pouvoirs, abritant une popula- dont les remparts disparus lais-
2002. tion enjeu des conflits sent maintenant la place à nos
modernes, mais aussi lieu de boulevards et à un cœur histo-
Il est chef de la planification de violences inexpiables, d’obs- rique à l’habitat très dense.
la KFOR d’octobre 2002 à avril tacles de danger et d’enlise-
2003. ment. La constitution du royaume de
France et en particulier la guerre
Attractive et répulsive la ville contre les PLANTAGENÊT mar-
subit la guerre, mais la ville qua l’urbanisme de nombreuses
engendre aussi la guerre. villes conquises puis refondées
par Philippe-Auguste, dont les
EFFETS STRUCTURANTS DE remparts anciens étaient rasés
et reconstruits selon le plan du
LA GUERRE SUR LA VILLE
maître.
Dès l’antiquité grecque le
concept de défense rapprochée Melun, Bourges, Péronne,
des villes s’affronte à celui de la Compiègne se virent ainsi remo-
défense aux frontières et ne ces- deler.

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S A P E U R

ment indispensable aux armées pendant les bombardements.


entretenait jadis avec vigueur
l’esprit de défense. La ville dans la guerre cristallise
le sentiment d’appartenance à
La guerre imposait aux cités une une communauté unie dans un
fonction de défense qui était intérêt vital ; elle fabrique dans
pour elles une fonction vitale. l’adversité ce qui fait une nation.

L’histoire de la ville de Metz de D’où l’importance pour le mili-


Paris fut également concerné l’antiquité au XXe siècle taire de gagner la bataille de la
par de grands travaux dont témoigne de l’étonnante perma- ville en gagnant la bataille du
quelques pans de l’enceinte de nence de cette fonction. cœur et des esprits vis-à-vis de
Philippe-Auguste sont encore la population et l’importance
visibles. L’urbanisme de nombreuses pour les pouvoirs civils d’éradi-
villes actuelles permet de com- quer le danger que représentent
Cette politique de remodelage prendre quel fut pour l’accom- les zones de non droit et d’exclu-
de la ville fut appliquée tout au plissement d’une telle vocation sion de nos villes actuelles.
long des siècles, notamment à le prix à payer.
Carcassonne ou à Aigues- VILLES : LOGIQUE DE
Mortes au XIIIe siècle pour en Un prix si élevé parfois qui a GUERRE
faire des villes forteresses d’état nécessité sacrifices, patriotisme
symboles du pouvoir royal. et esprit de défense. Les arsenaux et les ports sont
sans conteste des exemples
Plus tard encore au XVIIe siècle Comment comprendre le volon- type de l’imbrication étroite de
Vauban créa les fortifications tarisme des citadins du nord et la ville et de la guerre. Toulon
bastionnées, imposant une cita- des départements de l’est en ancien port phénicien, Brest seul
delle souvent tournée vers la 1793 et même en 1815 si ce n’est môle loyaliste dans une pro-
ville elle-même, des glacis et un par l’accoutumance au danger, vince acquise à la ligue, Le
plan bien défini pour les villes au risque accepté. Havre (de Grâce) fondé en 1517,
neuves, qui marquèrent dura- Brouage proche de La Rochelle
blement la vie de la cité et son Comment expliquer la réelle fer- ville assagie mais à surveiller
développement d’aujourd’hui. veur lors des commémorations ainsi que Rochefort créées ex
militaires dans les villes de l’est nihilo par RICHELIEU ont vécu
LES HABITANTS DANS LA de la France, l’énergie farouche par la guerre et pour la guerre.
GUERRE des habitants de Londres, Berlin
ou Stalingrad à protéger ou L’arsenal et la ville naissent de
La ville centre de pouvoirs poli- reconstruire leur ville et celle de concert et grandissent ensemble
tique, économique et religieux, la population allemande lors de liés par le même rythme. Il suffit
mais aussi base de ravitaille- la seconde guerre mondiale d’imaginer aujourd’hui l’impact
de la construction et de l’entre-
tien du Queen Mary 2 multiplié
par cent et ce sur une période de
plus de 150 ans pour ces villes
maritimes d’alors.

Une deuxième logique de


guerre fut les premières grandes
destructions de masse de la pre-
mière guerre mondiale qui
générèrent la prise de
conscience de l’impératif de
zonage des villes pour mieux
séparer l’industrie de l’habitat.

L’état et les communes ont


contribué à la notion de planifi-
cation urbaine propice à un
développement économique et
social plus harmonieux.

L’urbanisme de guerre entre


1939 et 1945 se traduisit par la

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S A P E U R

urbaine en 1992 à Los Angeles


ou les nombreux actes de terro-
risme urbain.

CONCLUSION

Des liens étroits et interactifs


ont toujours uni la ville et la
guerre dont la physionomie
actuelle des villes porte la
construction de casernements, De tout temps la ville était en preuve tangible.
de bases sous-marines, d’abris effet définie comme une
antiaériens, de délocalisation à enceinte de sécurité et devint Tout au long de l’histoire de la
la campagne d’usines, dont subitement un lieu d’insécurité ville, ces liens avec la guerre
nous pouvons voir maintes par excellence. furent le moteur de son implan-
traces en France et en tation, de son économie, de son
Allemagne. Pendant 50 ans la paralysie du urbanisme, de sa vie.
statu quo nucléaire nous a
La stratégie anti-cités est aussi accoutumés à la catastrophe
Abritant une population, enjeu
une autre logique de guerre urbaine nucléaire, à l’indiffé-
des conflits modernes, la ville
développée à son paroxysme à rence.
continuera à tisser de nouveaux
la période contemporaine avec
liens avec la guerre : indiffé-
la dissuasion nucléaire, mais Une quatrième logique de
existant depuis des temps guerre ou d’affrontement est rence, sièges moyenâgeux
immémoriaux comme le prouve celle de la ville foyer d’ins- comme celui de Sarajevo par les
l’histoire de Troie, Tyr, Sidon, tabilité. milices serbes, zones de chaos
Carthage et la fameuse sup- et de non-droit, lieux privilégiés
plique de CATON « Carthago Si la population est bien l’enjeu d’actions terroristes, objets de
delenda est », mais aussi des conflits, elle peut-être tour à dissuasion, objectifs stratégique
Dresde, Nagasaki et Hiroshima. tour otage ou acteur, comme le ou tactique.
montrent les évènements de
La stratégie anti-cités contempo- Budapest en 1956, ceux des Quel que soit le prisme de per-
raine a engendré une mutation villes de France en 1968, les ception, la ville restera pour les
considérable dans nos esprits. affrontements de guérilla armées un objectif fondamental.

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S A P E U R

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S A P E U R

Commandant
VINCENT-YVES BOUTIN
Pierre
GARNIER
SAPEUR, INGÉNIEUR,
de LABAREYRE DIPLOMATE ET OFFICIER
DE RENSEIGNEMENT

La carrière du colonel BOUTIN fait marin et mourra en service


Le commandant Pierre GARNIER est concomitante avec les en Amérique. Un autre devient
de LABAREYRE est le conserva- guerres révolutionnaires et soldat et sera tué pendant les
teur du musée du génie depuis l’époque impériale. Commencée guerres révolutionnaires aux
septembre 2003. en 1794, elle s’achève brutale- frontières du pays. Les deux
ment dans les monts du Liban autres deviennent boulanger et
Officier sur titre, ayant choisi l’ar- en 1815. forgeron.
tillerie, il sert au 3e régiment d’ar-
tillerie puis au 93e régiment d’ar- Vinçent-Yves BOUTIN est né le C’est donc une famille simple
tillerie de montagne où il crée et 1er janvier 1772 à Loroux-botte- mais nullement modeste, appar-
commande la batterie des opéra- reau près de Nantes. Il est bap- tenant à la petite bourgeoisie.
tions. tisé le même jour par le vicaire
de la paroisse. Il est le fils de Sous la révolution, le père est
Il est titulaire du diplôme tech- Yves BOUTIN et de Perrine élu maire de son village. Cet
nique option sciences humaines. GUILLET. Le parrain est son engagement au côté des bleus
père et la marraine, sa sœur, lui sera fatal. Durant cette guerre
Après trois années au centre de Perrine, qui déclare sur l’acte de civile que fut la guerre de
sélection et d’orientation de Lyon, baptême « ne pas savoir Vendée, il sera tué avec un de
il suit une scolarité à l’école du signé ». ses fils qui porte le même pré-
Louvre avant d’être muté à nom, le 16 ventôse de l’an II de
Angers. Le père est maréchal-ferrant de la république (6 mars 1794).
son village. Il paraît être proprié-
taire de sa forge. Ainsi, ce père a donc su donner
à ses fils un minimum d’instruc-
Vincent-Yves a plusieurs frères tion pour, au moins, savoir lire
et une sœur. Un de ses frères se et écrire.

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Vincent-Yves BOUTIN est le plus plus. Chacun peut prétendre ment d ’ u n e c o m p a g n i e d e


doué. Il semble avoir beaucoup intégrer cette école sur ses seuls sapeurs au 3e bataillon. En
de facilités pour les études. mérites mais « l’esprit aristocra- février 1799, il rejoint l’Italie.
tique » persiste. Les représen-
Après avoir appris les rudiments tant du nouveau pouvoir veulent Pendant ces campagnes, il
à l’école de son village, il part l’éliminer. Rien n’y fait. abandonne temporairement sa
poursuivre ses études au col- fonction d’ingénieur des fortifi-
lège de l’oratoire à Nantes. Cependant, les désordres qu’en- cations pour se consacrer aux
gendrent la révolution se réper- travaux classiques des sapeurs
Dans ce collège, il rencontre cutent sur le fonctionnement de qui suivent des armées en cam-
comme préfet des études l’école. Dès Juin 1792, MONGE pagne.
Joseph FOUCHE, le futur écrit à CARNOT que l’« instruc-
conventionnel et régicide, duc tion de cette école ne marche En septembre 1801, il est chargé
d’Otrante et ministre tout puis- pas ». de fortifier Pizzeghettone puis il
sant de la police sous l’Empire. travaille à la défense des côtes
Le 9 novembre 1793, le colonel en Italie. Bien noté et apprécié,
En juin 1791, il obtient le de VILLELONGUE qui com- ses chefs directs le propose au
diplôme de “maître ès arts”. mande depuis 1776 doit démis- grade supérieur. Cette proposi-
L’ensemble de ses notes montre sionner. C’est un « ci-devant ». Il tion est réitérée en 1804 avec
un goût très prononcé pour les est devenu suspect et peut vou- l’appui de MURAT. Pourtant cela
mathématiques. Il est doté d’un loir influencer les élèves. Le 12 ne suffit pas.
esprit vif. février 1794 (24 pluviôse, an II),
un décret pris par la convention Cette même année en janvier, il
À l’issue de son diplôme, il transfère « les écoles du génie et est muté à l’armée de Batavie où
monte à Paris pour poursuivre des mineurs » à Metz. il est chargé de construire et
ses études. Il suit les cours de l’organiser un camp dans les
mathématiques de BOSSUT, Face aux besoins pressants des bruyères de Zeist afin de loger
célèbre professeur. En même armées, les scolarités sont convenablement la troupe et
temps, il vit les convulsions écourtées. En septembre 1794, d’éviter des épidémies de
révolutionnaires de la capitale. Il BOUTIN est promu lieutenant en fièvres fréquentes dans ce pays
adhère alors aux idées nou- second et rejoint l’armée de plutôt marécageux.
velles. Sambre et Meuse commandée
par JOURDAN. BOUTIN va rester en Hollande
En Août 1793, il présente l’exa- jusqu’à l’été 1805. Chacun s’at-
men de l ‘école de Mézières où il Il reçoit le baptême du feu tend à combattre les anglais sur
est reçu le 17 septembre 1793, devant MAESTRICHT, assiégé, leur propre sol. Mais la défaite
après avoir satisfait aux sous les ordres de MARESCOT de Trafalgar sonne le glas des
épreuves. À cette date, c’est la et de CHASSELOUP. Il y est ambitions du nouvel empereur.
seule école militaire qui n’a pas blessé au genou gauche le 18 Prévoyant le changement d’atti-
encore été fermée. octobre. tude de l’Autriche et de la
Russie, les troupes chargées de
Elle a formé, depuis 1748, de Nommé capitaine en second le préparer le débarquement en
nombreux « ingénieurs du Roy » 21 mars 1795, il est chargé de Angleterre font volte face et se
sous la houlette de professeurs mettre en état la citadelle du dirigent vers le Danube. Notre
instruits, savants et curieux. Quesnoy, fortement endom- sapeur participe au siège d’Ulm
MONGE et BOSSUT y ont ensei- magé par les sièges qu’elle a puis progresse dans les vallées
gné. Des hommes connus comme subi. alpines avec le corps du général
Lazare CARNOT, Louis Le BEGUE de MARMONT, chargé de proté-
du PORTAIL, Henri BERTRAND, En mars 1797, il passe un exa- ger le flanc droit de l’armée
Armand de MARESCOT, Claude- men de capacité où il démontre impériale.
Joseph ROUGET de L’ISLE, Louis ses qualités de « bon ingénieur
de CAFARELLI ont été formé à de fortification ». Ces examina- Après Austerlitz, l’Autriche
Mézières. teurs le jugent avec sérénité et demande la paix. Il reste alors la
perspicacité : « mœurs douces, Russie et, bien sûr et toujours,
1793, année charnière, année un caractère réfléchi, aimant le l’Angleterre.
tragique. La modération n’est travail et doué d’une imagina-
pas à la mode. Chacun doit choi- tion active qui, mûrie par l’expé- Le 15 octobre 1806, en se ren-
sir son camp et en subir les rience, le conduira à des décou- dant par la mer de Raguse à
conséquences. Dès son arrivé à vertes utiles ; d’une excellente Raguse-Vieux, il est fait prison-
l’école, on demande à BOUTIN conduite sous tous les rap- nier par les russes. Il demeure
de prêter serment à la constitu- ports ». deux mois environ captif à
tion. La royauté est renversée, la Corfou. Il est libéré après un
condition nobiliaire n’existe Fin 1798, il prend le commande- échange de prisonniers sur

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la demande expresse de ché près du grand vizir Après la cessation des hostilités
MARMONT. IBRAHIM-PACHA pour le avec la Russie (armistice de
conseiller et instruire des Slobodjie le 21 août 1807), BOUTIN
BOUTIN est envoyé, alors, à hommes à l’art de la sape. Il regagne Constantinople puis
Constantinople pour servir sous s’immerge totalement dans son Paris en novembre 1807.
les ordres du général environnement. Le général
SEBASTIANI, ambassadeur de PA U L I N a l a i s s é d a n s c e s Le 28 décembre 1807, BOUTIN
France à Constantinople. En effet, mémoires un portrait haut en est enfin nommé chef de
l’empire ottoman a déclare la couleur de BOUTIN : « sa figure bataillon. Cette promotion sera
guerre à la Russie en décembre hâlée, ses yeux étincelants, sa suivie, le 17 janvier 1808 de la
1806. Il devient donc l’allié de la barbe bien plantée, aussi noire croix de chevalier de la Légion
France. Les détroits du Bosphore que touffue, font on ne peut d’honneur.
sont convoités par les Russes et mieux sous le turban aux cou-
les Anglais restent toujours leurs vives. Sous les draperies Après un séjour en famille dans
maître de la méditerranée. du vêtement, ses larges épaules l’ouest de la France, il est chargé
lui donnaient toute la grave et de la mission qui le fera rentrer
BOUTIN rejoint la capitale de digne prestance d’un vrai dans l’histoire.
l’empire turc en février 1807. croyant et tout jusqu’à sa
C’est son premier contact avec démarche que ralentissait la En effet, Napoléon cherche à
cet orient qui va le fasciner. À chaussure orientale, éloignait prendre pied en Afrique pour
partir de ce moment, sa carrière l’idée que, sous ce costume, se contrer l’influence anglaise en
ne sera plus celle d’un officier trouvait un jeune et brillant offi- Méditerranée. Il ordonne, dans
du génie ordinaire de l’armée cier français ». une lettre écrite à Bayonne le
mais celle d’un conseiller écouté 18 avril 1808, au ministre de la
et respecté. C’est vraisemblablement pen- marin, le vice-amiral DECRES, la
dant cette période qu’il com- reconnaissance d’Alger puis de
Dès son arrivée, il se met à la mence à parler l’arabe. Tunis. Il y explique sa volonté et
tâche et fortifie les points per- décrit l’homme idéal : « … il faut
mettant un débarquement des
anglais dont une escadre, com-
mandé par l’Amiral DUCKWORTH,
croise dans les détroits.

« En 5 jours, écrit-il, il y avait :


• des Sept-tours au Sérail, 102
canons, 69 mortiers ;
• sur la côte de droite à l’ouest
240 canons, 12 mortiers ;
• en face du canal, 84 canons,
15 mortiers ;
• sur la côte d’Asie, 94 canons,
14 mortiers ;
soit, au total 520 canons et 110
mortiers ».

Grâce à ce travail, les anglais,


après une tentative de débar-
quement le 3 mars, se retirent.

Le sultan Selim III félicite le capi-


taine et le récompense en le
décorant de l’ordre du croissant
de Turquie de 3e classe et en lui
donnant de l’or. Il enverra cet
argent à sa famille (il lui reste un
frère et une sœur) qui achètera
une propriété vinicole dans leur
village natal.

Après cette exploit, il est déta- Plan d’Alger et des environs

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que ce soit un homme de tact et BOUTIN, avec la complicité d’un Quand en 1829, le gouverne-
de talent. Il faudrait que cet capitaine marchant ragusois, M. ment français décide de mettre
ingénieur fût un peu officier de POZZA, embarque le 1er sep- sur pied une expédition militaire
marine et un peu ingénieur de tembre comme matelot sous le pour punir le dey d’Alger, les tra-
terre… ». nom de Nicolo JUVATOVICH. Il vaux de BOUTIN sont exhumés
arrive à Constantinople le et servent de base de travail
BOUTIN est désigné. Voilà notre 2 octobre 1808. Il repart quelques pour l’expédition. Ainsi, le
homme à la fois officier de ren- jours plus tard vers Paris qu’il débarquement à Sidi-Ferruch, la
seignement et espion. atteint à la fin du mois. prise du fort de l’empereur et
l’attaque de la ville par l’inté-
Il embarque début mai à Toulon En utilisant son carnet conservé rieur et les hauteurs préconisés
sur le brick le Requin. Il est reçu malgré ses aventures, il rédige par BOUTIN sont réalisés par le
par le consul de France à Alger, un rapport et trace des plans de général de BOURMONT en 1830
M. DUBOIS-THAINVILLE, chez mémoire. Il remet le tout au pour prendre Alger.
qui il logera durant toute sa mis- ministre de la marine le 18
sion. novembre. À l’issue de ce rapport, on lui
demande de rédiger un
Sur place, BOUTIN observe, se Ce rapport est intitulé : « recon- mémoire diplomatique destiné
promène le long des côtes et naissance générale des villes, au ministre des relations exté-
sonde les profondeurs. Il dessine forts et batteries d’Alger, des rieures pour le renseigner sur la
et note tout sur un petit carnet. environs faite en conséquence politique dans le bassin occiden-
Plusieurs fois menacé d’expul- des ordres et instructions du tal de la méditerranée et le rap-
sion et même de mort, il continue ministre de la marine pour servir port des deys et de l’empereur
sa mission jusqu’à son départ le au projet de descente et d’éta- (sic !) du Maroc avec
17 juillet sur le même brick. blissement défensif dans ce l’Angleterre.
pays ». BOUTIN a étudié l’état
Le 28 juillet, son bateau est des défenses d’Alger, l’état des À l’issue, sur la demande, en
arraisonné au large d’Ajaccio forces, les ressources du pays 1809, il est employé à l’armée
par une frégate anglaise. Il est (vivre, eau, bois…), les itiné- d’Allemagne et affecté à l’état-
de nouveau prisonnier et raires, les mœurs… Rien d’im- major du commandant en chef
envoyé alors à Malte. portant ne lui a échappé. du génie, le général BERTRAND.
Cependant, il a pu cacher son Il participe à la réalisation de
identité en détruisant toutes ses L’empereur est satisfait du rap- ponts qui permettront le fran-
cartes et croquis et en ne port. Il le reçoit le 21 février 1809 chissement du Danube et le vic-
conservant sur lui que son petit aux Tuileries. Il lui offre un toire de Wagram en juillet.
carnet. sabre, sorte de dague à l’orien-
tale dont la lame est finement Mais l’Orient l’appelle. Sur
Il réussit à s’évader en compa- ouvragée et décorée de son pro- l’ordre personnel de l’empereur
gnie de deux autres compa- fil à la mode romaine. (30 juin 1810), il est envoyé en
triotes du même bateau. Ils sont mission au Levant. Son expé-
cachés par un ami ragusien de Cependant en 1809, les projets de rience des lieux, de la langue et
l’un d’entre eux, établi à Malte NAPOLÉON ont changé. La médi- « des orientaux » font de lui un
depuis 1798. terranée n’est plus sa priorité. homme idoine pour accomplir
des missions de renseignement
dans cette région encore peu
connue.

Le 30 juin 1810, Napoléon écrit à


CLARKE, ministre de la guerre,
la lettre suivante : « Le chef de
bataillon BOUTIN a déjà été
envoyé du côté de Tunis et
d’Alger et a, je vois, fait des rap-
ports sur la situation de ces
places. Je désire que vous l’ex-
pédiez encore cette fois, soit
pour Tunis, soit pour Alexandrie.
Concertez avec lui le prétexte à
donner à son voyage et qu’il
puisse en rapporter la vraie
situation d’Alexandrie, du Caire,
de Damiette, de Saleyeh, d’El-
Sabre offert par l’empereur Arych, de Gaza, de Jaffa, de

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Saint-Jean-d’Acre. Il pourrait Cette mission qui devait durer En 1815, il se dirige vers la Syrie.
effectuer son retour par Tripoli jusqu’à l’été 1812 se poursuit. Il est assassiné par les haschi-
et Smyrne. En passant, il pren- Aucun document permet de schins, vraisemblablement près
dra des renseignements sur savoir pourquoi. A-t-il reçu une du village d’El-Blatta, dans les
tous ces points. Il pourrait se nouvelle mission ? Doit-il appro- montagnes de Lattakieh (actuel-
faire donner par le général fondir celle en cours ? lement en Syrie) en juillet ou en
BERTRAND des notes de tous août. Son corps n’a jamais été
les points fortifiés de notre Cette même année, BOUTIN fait retrouvé.
temps pour vérifier dans quel la connaissance de Lady Lucy
état ils sont aujourd’hui… Il STANHOPE, nièce de William Lady STANHOPE réussit à ven-
prendrait note des forces qui PITT, ancien 1er ministre anglais ger son ami en déclenchant des
gardent le pays et enfin remet- (mort en 1808). représailles. Elle fit raser plu-
trait tous les renseignements sieurs dizaines de villages
militaires et civils ». En 1813, il est au Liban. Le 28 druzes et exécuter 300 per-
mars, il loge chez le consul de sonnes par les troupes du pacha
Le 2 août 1810, BOUTIN est France à Saïda. Il y retrouve d’Acre.
nommé colonel. Malgré les Lady STANHOPE qui habite non
ordres de l’empereur, le nou- loin à Mar-Elias. Ils se revoient La singularité de la vie et la mort
veau colonel du génie est tou- à intervalle régulier. Sont-ils mystérieuse de BOUTIN font
jours en France le 14 octobre. amants ? Rien ne permet de l’af- entrer cet officier dans le pan-
Napoléon, alors, écrit sèche- firmer. Cependant, ils ont une théon des « grands bâtisseurs
ment : « je croyais l’officier du attirance réciproque. Leurs vies d’empire » de la France.
génie BOUTIN parti pour se croisent régulièrement. Il
l’Egypte et la Syrie. Les détails s’écrivent souvent. Fidèle, serviteur dévoué, il cher-
ne me regardent pas. Qu’il se cha toujours à mieux connaître
rende soit à Otrante, soit à Au Liban, BOUTIN poursuit la les moyens d’accroître l’in-
Ancône ; qu’il masque sa mis- mission qu’il a reçu. En 1814, il fluence de son pays.
sion comme il l’entendra, mais prend connaissance de la fin de
qu’il la fasse ; qu’il passe tout l’empire. Il continue néanmoins Sa carrière, commencée comme
l’hiver et une partie de l’été pro- son périple. ingénieur des fortifications,
chain en Egypte et en Syrie de s’achève comme agent de ren-
manière à pouvoir ensuite Cette période est mal connue. seignement, savant et diplo-
rendre compte de sa situation Seuls quelques lettres et témoi- mate.
politique et militaire de ce pays. gnages existent. Les archives
Recommandez-lui de voir la militaires ne contiennent aucun
citadelle du Caire, celles rapport et compte rendu de sa
d’Alexandrie, Damiette, Saint- mission.
Jean-d’Acre , Alep, Damas,
Alexandrette sont compris dans
sa mission. Levez tous les obs-
tacles et ne m’en parlez plus »

En novembre 1810, il quitte la


France qu’il ne reverra jamais. Sa
mission est vaste : rendre compte
de l’état politique, économique et
militaire du proche-Orient.

Pour accomplir cette ouvrage, il


reçoit une couverture diploma-
tique : annoncer à l’Egypte la
naissance du roi de Rome. À
côté de cela, il se fait passer
pour un archéologue, épris des
glorieuses civilisations passées
de l’Egypte et de la Palestine.

Il commence sa mission en
Egypte. Il prend contact avec les
autorités indigènes et les
anciens soldats français restés
dans ce pays.

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Capitaine
L’ORGANISATION DU PASSAGE
Didier
ALLAIRE
DE LA BÉRÉZINA
PENDANT LA RETRAITE
DE RUSSIE EN 1812

INTRODUCTION feu qu'ils développaient et à la


Le capitaine ALLAIRE est issu du longévité de leur unité.
Prytanée national militaire de La Les pontonniers du général Toutefois, il faut éviter d'en
Flèche (1988-1994). ÉBLÉ ont permis, au terme d'un déduire qu'il s'agit d'un combat
lourd sacrifice, de sauver la du niveau tactique de celui d'un
Admis en 1994 à l’école spéciale grande armée au cours de la corps d'armée actuel. En effet,
militaire de Saint-Cyr (promotion retraite de Russie en permettant en simplifiant à l'extrême une
commandant MORIN), il choisit le franchissement de la Bérézina comparaison avec le combat
l’arme du génie et rejoint l’ESAG en 1812. Si aujourd'hui, ce nom moderne, l'armement et les
en 1997. raisonne comme celui d'un véri- moyens militaires d'aujourd'hui
table échec dans la mémoire permettent d'obtenir une puis-
Il sert au 3e RG en tant que chef de collective, il reste pour les plus sance de feu équivalente pour
section, officier adjoint, officier avertis, celui d'un rendez-vous nettement moins d'hommes sur
instruction au BOI et enfin com- historique où BONAPARTE va le terrain. Finalement en terme
mandant de la 2e CCM. prouver, une fois de plus, son d'effectif engagé, le niveau de la
génie militaire en s'appuyant bataille peut s'assimiler à celui
Il a eu l’occasion de servir en opé- sur la maîtrise technique et le d'une brigade actuelle où la tac-
ration extérieure au Kosovo dévouement de ses sapeurs. Il tique reste à la portée d'un com-
comme chef de section en 2000, va sauver son armée en relevant mandant d'unité du génie. Ainsi,
puis à nouveau comme comman- un défi jugé voué à l'échec par les 400 pontonniers de la
dant d’unité de la CCM du BAT- les russes, celui de franchir une Bérézina peuvent trouver leur
FRA 04 en 2003. rivière dans des conditions équivalent contemporain dans
extrêmes. le déploiement de deux sections
de combat du génie renforcées
Cet article est extrait du mémoire LE PASSAGE DE LA BÉRÉZINA de moyens génie de franchisse-
rédigé par le capitaine ALLAIRE ment.
alors qu’il était stagiaire du CFCU Les ouvrages portant sur cette
(2002/2). manœuvre sont assez rares et Le récit chronologique de la
restent parfois contradictoires bataille
sur un certain nombre de
détails. Ce récit est destiné à 24 novembre 1812 pendant la
mieux comprendre le déroule- retraite de Russie
ment de la bataille et à illustrer
l'argumentation proposée en NAPOLÉON encore à Bohr
analyse. Il contient les faits ordonne à la garde et à l'artille-
essentiels qui se recoupent et rie du général SORBIER de mar-
les détails historiques qui per- cher sur Borissov où se trouve
mettent de mieux percevoir le un pont sur la Bérézina et que
contexte environnemental. Le l'empereur croit aux mains des
choix d'une description sous russes. En fait, il espérait trou-
forme chronologique s'impose ver le général DOMBROWSKI
logiquement par la dimension maître de la tête de pont fortifiée
temporelle primordiale qu'elle de Borissov sur la rive droite de
procure aux actions militaires. la Bérézina et de ce fait avoir le
passage assuré en ce point.
Le niveau tactique de la bataille Mais l'amiral TCHITCHAGOV en
a expulsé les polonais, il a
Les chiffres importants des même franchi la rivière et s'est
effectifs sont précisés pour éva- emparé de la cité installée sur la
luer les différents rapports de rive gauche. Alors OUDINOT
force qui demeuraient à cette reçoit l'ordre de cesser sa
époque un des piliers de la vic- retraite menée conjointement
toire. Le nombre de soldats était avec le général VICTOR et de
proportionnel à la puissance de reprendre Borissov.

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Nuit du 24 au 25 novembre 1812 truction serait trop longue. Nuit du 27 au 28 novembre 1812
NAPOLÉON, qui a été informé
NAPOLÉON apprend qu'une de l'existence d'un gué à La température est tombée à
partie des troupes d'OUDINOT Studianka à 20 km au nord de - 30°C et une sorte de paralysie
et de celles de Moscou ont Borissov, ordonne la construc- semble s'étendre sur la foule.
repris Borissov à des détache- tion de 2 ponts. Les feux de bivouacs se rallu-
ments russes d'avant garde. ment sur la rive gauche. Le pont
OUDINOT recueille DOMBROWSKI, Nuit du 25 au 26 novembre 1812 restera libre une nouvelle fois
reconquiert la ville mais ne peut toute la nuit sans aucun pas-
empêcher les russes de brûler le Des ordres sont immédiatement sage.
pont derrière eux. Le gros des donnés pour que les 400 pon-
troupes russes sont encore tonniers du général « de » génie 28 novembre 1812
a s s e z l o i n d e B o r i s s o v. EBLÉ, auxquels se joindront
WITTGENSTEIN (30000 hommes) quelques sapeurs du général La division PARTOURNEAUX
à 20 km environ plus au nord. CHASSELOUP-LAUBAT, quittent (4000 fantassins) assaillie par
KOUTOUZOV (90000 hommes) leurs cantonnements près de WITTGENSTEIN toute la journée
est encore plus loin, plus au sud Borissov et prennent la direction du 27 est forcée de se rendre
à 150 km de la Bérézina. L'amiral de Studianka pour construire les devant ses lourdes pertes et le
TCHITCHAGOV (60000 hommes) ponts. manque total de munitions. Les
est en stationnement à environ russes arrivent à portée de tir
10 km sur la rive droite, à la lati- 26 novembre 1812 des deux ponts. C'est la cohue
tude de Borissov. La situation parmi les traînards qui se bat-
Le premier pont est terminé à tent pour traverser le pont tan-
ennemie et leur position sont
14h00. OUDINOT traverse avec dis que VICTOR freine l'avancée
partiellement favorables à
2 canons afin de renforcer la tête des russes qui parfois reculent.
NAPOLÉON qui dispose d'envi-
de pont et d'élargir la zone de
ron 50000 combattants valides
sûreté sur la rive droite face à 29 novembre 1812
et qui devrait avoir les délais
Studianka. Trois heures plus
suffisants pour organiser le fran-
tard, le deuxième pont est réa- VICTOR réussit après un retour
chissement.
lisé. Mais comme les chevalets offensif à décrocher de
s'enfoncent inégalement dans le WITTGENSTEIN et à passer la
Journée du 25 novembre 1812 sol vaseux, l'ouvrage se rompt. Bérézina. Il brûlera derrière lui
Les troupes d'OUDINOT (9000 Les pontonniers réparent. les deux ponts et lorsque les
hommes) et de VICTOR (11000 trois armées russes se rejoi-
hommes); préservées pendant la Nuit du 26 au 27 novembre 1812 gnent sur les berges de la
campagne de Russie, recueillent rivière, c'est pour ramasser
La plus grande partie de l'armée quelques 8000 prisonniers pour
les vestiges fantomatiques de la en retraite arrive sur la rive
grande armée. L'avantage des la plupart des invalides ou des
gauche accompagnée des « traî- agonisants. La grande armée
forces est en faveur des russes qui nards » et de nombreux civils
ont à ce moment l'opportunité réduite à 25000 soldats en état
(soit près de 40000 retarda- de combattre fuit dans la nuit en
d'anéantir totalement les français taires) en voiture, à cheval ou à
par l'initiative d'une attaque en direction de Kamen.
pieds. Tous sont épuisés et des
masse. Mais devant des forces feux de bivouacs s'allument sur
aussi considérables, entièrement Le rendez-vous manqué des
cette rive où un grand désordre
c o n c e n t r é e s s u r B o r i s s o v, règne. Un des ponts est libre,
russes
TCHITCHAGOV s'émeut et fait l'autre en réparation. Mais per-
reconnaître les marais au sud le sonne ne suivra les recomman- Les russes n'ont pas attaqué jus-
long du Berezino inférieur et vers dations des officiers envoyés qu'au 29 novembre 1812, mal-
le nord sur Stachowa. Finalement, par BONAPARTE pour profiter gré leur énorme supériorité
par crainte d'un assaut massif, il de cette opportunité pour traver- numérique. KOUTOUZOV au sud-
concentre ses forces devant le ser avant le passage de la garde est de Borissov, WITTGENSTEIN
pont brûlé craignant que et l'arrivée des russes. au nord et TCHITCHAGOV à
BONAPARTE ne réussisse la l'ouest sur la rive droite auraient
prouesse de le rétablir et d'em- 27 novembre matin dû faire mouvement pour s'op-
porter le passage de vive force. poser à la construction des
La garde passe le pont de la rive ponts et prendre en étaux cette
25 novembre 1812 au soir gauche vers la rive droite. Elle masse de français traqués
ne passe pas seule et lorsque devant la rivière. Il semble que
NAPOLÉON va examiner le pont que la foule campée sur la rive l'amiral TCHITCHAGOV n'ait
de Borissov sur le lequel il a l'in- gauche la voit en mouvement, rien compris à la manœuvre de
tention de faire passer la grande c'est la ruée vers les ponts. Le BONAPARTE, que KOUTOUZOV
armée. L'ouvrage a été large- passage sur les ponts conti- ait perdu énormément de délais
ment endommagé et sa recons- nuera toute la courte journée. dans le franchissement du

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Dniepr et que WITTGENSTEIN L’ ORGANISATION DU FRAN- La chronologie utilisée pour le


n'ait pas réellement fait effort CHISSEMENT franchissement de la Bérézina
pour attaquer en force les
troupes de VICTOR qui le fixe Le passage de la Bérézina s'ins- Les reconnaissances effectuées
sur sa position. crit dans le cas particulier d'une le long de la Bérézina et l'exploi-
retraite dans l'urgence où l'en- tation du renseignement vont
Il existe deux raisons possibles nemi va mal évaluer la situation jouer un rôle primordial dans les
qui permettraient d'expliquer la et perdre l'avantage de l'initia- choix tactiques de BONAPARTE.
lenteur des russes à se décider : tive pour imposer sa manœuvre. Après avoir constaté personnel-
soit ils continuent à penser que BONAPARTE se construit alors lement les destructions rendant
le climat peut à lui seul avoir rai- un rapport de force favorable en impraticables le pont de
son de l'armée de NAPOLÉON, dupant TCHITCHAGOV et en le Borisov, il prend en compte la
soit ils ont peur de lui. En effet, fixant sur Borissov. Il peut ainsi présence d'un gué plus au nord
la réputation militaire de cet bâtir une manœuvre offensive dont le renseignement a été
homme est telle que n'importe efficace pour le franchissement acquis à la suite d'une recon-
quel chef de guerre européen de la Bérézina. Même si, finale- naissance et d'un contact précis
redoute de l'affronter directe- ment, l'arrivée des troupes de avec la population locale. Il
ment, même s'il n'a plus qu'une WITTGENSTEIN force BONAPARTE connaît toutes les caractéris-
armée si peu nombreuse et en à la manœuvre défensive avec tiques de ce gué et la situation
partie débandée. Qu'il se le coup d'arrêt mené par de l'ennemi qui lui est temporai-
retourne, qu'il donne des ordres PARTOURNEAUX et l'action de rement favorable. Il va finale-
à ce qui lui reste de bataillons, freinage de VICTOR, le passage ment prendre sa décision en
on peut tout craindre. Telle est de la Berézina reste donc globa- étant parfaitement renseigné
encore l'aura de cet homme. lement une manœuvre offen- sur l'ennemi et le milieu.
Pourtant, dès le début de la jour- sive. L'analyse suivante va per-
née du 28 novembre, cette mettre, après un rappel succinct Conformément au premier
crainte s'atténue et les canons portant sur les notions actuelles temps actuel d'un franchisse-
russes tirent à bonne portée. appliquées pour ce type de ment, il s'attache à conquérir un
Mais la Bérézina a été franchie manœuvre, de tirer les ensei- espace de sûreté par la mise en
par les troupes valides de la gnements de ce franchissement place d'une tête de pont assurée
grande armée et les russes ont par l'étude de la chronologie par les cavaliers du général
déjà manqué leur rendez-vous. employée par BONAPARTE pour CORDINEAU. Ces derniers vont
l'organisation du passage de la franchir la Bérézina au niveau du
Bérézina. gué en s'aidant de leurs che-
vaux. La rivière y est large de

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100 mètres seulement mais il y et notamment la nécessité d'éta- qui se trouve à 20 km en amont
subsiste un passage délicat de blir une coordination solide. Les de Borissov, devant le village de
30 mètres où il est nécessaire de deux ponts sont restés inutilisés Studianka. La rivière est large de
nager avant de retrouver pied. pendant deux nuits entières 100 m à cet endroit et doit avoir
Le franchissement autonome pour aboutir au franchissement une profondeur maximale de 2 à
reste difficile et de nombreux catastrophique concentré sur 2,30 mètres. Le fond est vaseux
cavaliers se noient, emportés une journée des traînards et des et le terrain est inégal. La rive
par le courant avec leur mon- civils parce qu'aucun ordre de droite est plus haute que la rive
ture. Des ordres sont alors passage n'avait réellement été gauche et le terrain y est maré-
immédiatement donnés pour fixé. Cette situation peut paraître cageux mais durci par le gel. Les
que les 400 pontonniers du improbable dans un contexte cavaliers de CORBINEAU n'ont
général de génie EBLÉ commen- actuel de combat haute inten- pas passé le gué sans difficulté
cent la construction simultanée sité. De même, le manque de et plusieurs se sont noyés. À
des deux ponts sous la protec- régulation sur les points de pas- pied, il faut entrer dans la
tion rapprochée de 40 canons de sage et l'absence de fractionne- rivière, marcher sur le fond, puis
gros calibre. Dès le premier pont ment ont réuni chariots, voi- nager pendant une trentaine de
terminé, le général OUDINOT tures, chevaux et piétons dans mètres avant de reprendre pied.
traverse avec 2 canons afin de une même cohue infernale. NAPOLÉON ne s'était d'abord
renforcer la tête de pont et de L'affolement sur les ponts a pas décidé pour un passage,
conquérir une ligne de débou- engendré de nombreuses ayant imaginé le pont de
ché sur la rive droite face à noyades et de nombreuses des- Borissov moins endommagé. En
Stundianka. Le deuxième pont tructions sur les ponts soumis à effet, l'ouvrage est détruit en
achevé en aval va permettre des charges spontanées trop trois endroits et, en dessous, la
l'élargissement de la zone en importantes. Bérézina s'écoule divisée en plu-
permettant le franchissement du sieurs bras qui lui donne une lar-
2e échelon composé par la garde Cependant, BONAPARTE a bien geur de près de 700 mètres.
et ses canons. compris l'importance d'une dua- Faire reconstruire le pont pren-
lité dans la mise en œuvre des drait trop de temps devant la
Les enseignements moyens de franchissement qui menace d'une attaque russe
permet, certes, un meilleur débit imminente. Il change donc
BONAPARTE se déplace sur les mais aussi de maintenir un d'avis et opte pour le gué. Mais
rives de la Bérézina pour obser- rythme ininterrompu pendant le il n'est pas question de faire
ver de ses propres yeux la situa- délai d'impunité en cas de mise entrer l'armée, hommes et
tion du terrain et prendre ainsi hors service d'un des deux canons dans la rivière.
les meilleures décisions pour moyens. En effet, NAPOLÉON NAPOLÉON ordonne de
l'organisation de son franchisse- avait initialement prévu qu'un construire les deux ponts : un
ment. Il donne ainsi une leçon seul pont, restant sur l'idée pour permettre le passage de la
d'implication interarmes au plus d'unicité du large pont de troupe, le second, juste en aval,
haut niveau pour ce type de Borissov. Mais l'artillerie et l'in- pour permettre celui des four-
manœuvre qui confirme la diffi- fanterie possède des différences gons et des pièces d'artillerie
culté et l’importance du fran- de mobilité et de contraintes en
chissement. La qualité et la véra- terme de charge qui ne peuvent
Une technique maîtrisée
cité des renseignements portant se conjuguer sur un seul et
sur le milieu obtenus par son même pont de fortune. Le choix Les pontonniers du corps de
armée ont été deux atouts de réaliser deux ponts va donc génie étaient capables de mettre
majeurs sur lesquels NAPOLÉON s'imposer naturellement et per- en œuvre trois types de pont de
a pu se reposer pour prendre mettre effectivement de mainte- campagne qui avaient notam-
l'avantage sur l'ennemi. La pré- nir un flux continu malgré les ment gagner leurs lettres de
sence du gué à Studianka a été nombreuses réparations réali- noblesse en permettant le fran-
acquise auprès de la population sées alternativement sur l'un ou chissement du Danube pendant
locale par les cavaliers du géné- l'autre pont par les sapeurs. la bataille de Wagram (1809).
ral CORDINEAU en reconnais- Les ponts sur bateaux étaient
sance le long de la rive gauche LE RÔLE DU GÉNIE utilisés par faible courant pour
de la Bérézina. C'est finalement des coupure humide relative-
un renseignement « terrain » Description du site de fran- ment étroite. Leur mise en
qui va sauver la grande armée chissement œuvre était rapide mais avait
d'une fin jugée à tort inéluctable nécessité la création de
par les russes. Les cavaliers de CORBINEAU quelques équipages de ponts
surprennent, le 23 novembre composés de bateaux transpor-
Le passage de la Bérézina livre 1812, un paysan lituanien dont tés sur voitures ; un matériel
aussi de nombreux enseigne- le cheval était mouillé jusqu'au spécifique peu mobile.
ments concernant l'organisa- poitrail. L'homme a ainsi NAPOLÉON misait sur la rapi-
tion générale du franchissement conduit CORBINEAU sur le gué dité de son armée qui ne se

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déplaçait souvent qu'avec le Les sapeurs, héros de la techniques avant-gardistes et


strict minimum dans un souci Bérézina des équipements spécifiques
d'allègement. Les matières pre- pour faire face à tout type de tra-
mières étaient donc relevées Fort heureusement le général vaux. Riches de cette expé-
directement dans les ressources EBLÉ, contraint de brûler ses rience, ces sapeurs ont relevé le
du pays ennemi. Il fallait donc deux équipages de ponts, avait défi du passage de la Bérézina.
prendre en compte, pour les sauvé une partie du matériel de la Galvanisés par le général ÉBLÉ,
délais de mise en œuvre, la destruction ordonnée par l'empe- ils ont sacrifié leur vie pour sau-
proximité et la qualité des maté- reur pour augmenter le rythme de ver l'empereur et la grande
riaux et du matériel ainsi réqui- la progression : six caissons ren- armée.
sitionnés. De plus, il était fré- fermant des outils, des clous, des
quent que les ponts sur bateaux crampons nécessaires à la Toutefois, les conditions extrê-
se brisent à la suite d'une esti- construction de ponts de cheva- mement rudes, la panique meur-
mation optimiste du courant ou lets et deux forges de campagne trière des retardataires épuisés
d'un choc avec un corps flottant ainsi que deux voitures transpor- et la violence des combats
expédié ou non par l'ennemi. tant du charbon. Après avoir désespérés menés autour des
Ces spécialistes construisaient annoncé à ses hommes que le ponts ne permettent pas de
aussi les ponts sur pilotis et sort de l'armée reposait entre conclure à une véritable victoire.
ceux sur chevalets. Les premiers leurs mains, ceux-ci se mettent D'ailleurs, le passage de la
étaient obtenus en enfonçant aussitôt à l'ouvrage. Bérézina est davantage une
des pieux dans le lit de la rivière manœuvre qu'une bataille. Il
au moyen de moutons qui Il faut entrer dans l'eau glacée s'agirait plutôt d'un exploit tac-
étaient guidés par une char- jusqu'aux épaules. Les ponton- tique où BONAPARTE a prouvé,
pente verticale flottante assez niers ne sont pas nus, comme une fois de plus, son génie mili-
haute. Les poutres transversales on l'a écrit parfois, pourquoi le taire grâce à l'efficacité et au
destinées à porter le tablier seraient-ils ? Les expériences de professionnalisme d'une armée
étaient ensuite jetées sur ces naufragés prouvent incontesta- sur laquelle il a pu s'appuyer
mêmes pieux. Les chevalets blement qu'on meurt plus rapi- dans les situations les plus
étaient de grands tréteaux posés dement nu qu'habillé et les gra- désespérées. Une grande partie
sur le fond tous les quatre vures de l'époque les montrent de ces soldats sont morts pen-
mètres. Cette technique obli- vêtus. D'ailleurs, tous les pon- dant la campagne de Russie qui
geait les pontonniers à se plon- tonniers ne sont pas dans l'eau, a engendré des pertes énormes
ger dans l'eau. tous et tout le temps. Lorsqu'ils dans les rangs de la grande
n'ont plus pied, ils s'aident de armée. Ce sont plusieurs mil-
Sur la Bérézina, ils font le choix radeaux de fortune pour conti- liers de corps qui gisent en terre
de deux ponts chevalets plus nuer à construire. Leur habilité russe et lituanienne sans aucune
stables sur un fond, vaseux. Ils professionnelle est sans défaut. information sur le nombre exact
préparent alors les chevalets en Malgré cela, de nombreux pon- et les lieux d'inhumation.
utilisant le bois formant l'ossature tonniers, qui sont déjà affaiblis
de la vingtaine d'isbas composant et sous-alimentés, seront entraî- L'histoire s'est ensuite arrêtée et
le hameau de Studianka, forgent nés par le courant vaincus par le plus rien jusqu'à ce jour de
des fers pour les lier, entrent jus- froid et la fatigue. Les autres, novembre 2001. Après 189 ans
qu'à la ceinture dans l'eau glacée conscients de la responsabilité d'oubli, l'énigme sur la dispari-
et commencent à les enfoncer dont ils sont investis, n'en pour- tion de tous ces morts s'éclaircit
dans le lit de la rivière. Chaque suivent pas moins leur tâche. progressivement avec la décou-
pont sera composé de 23 cheva- Mais la plupart des pontonniers, verte, par hasard, d'un charnier.
lets. Le premier pont est terminé qui auront terminé ce travail Ce dernier regroupe des troupes
en vingt heures et permet aux inhumain, mouront d'infection napoléoniennes de la campagne
9 000 soldats d'OUDINOT de fran- pulmonaire dans les semaines de Russie de 1812 à Vilnius en
chir en ordre sur un tablier qui ou les mois qui suivront, parmi Lituanie. L'aboutissement d’une
ondule sans se rompre en effleu- eux le général ÉBLÉ. année de lourdeurs administra-
rant parfois le niveau de l'eau ou tives devrait permettre d'entre-
en s'élevant jusqu'à 60 centi- CONCLUSION prendre des fouilles archéolo-
mètres de haut. Le second pont giques courant 2003 en vue
est opérationnel trois heures Les pontonniers et les sapeurs d'obtenir une réhabilitation du
après le premier. Mais comme les de la grande armée se sont illus- site et de nombreuses révéla-
chevalets s'enfoncent de manière trés à l'occasion de maintes tions historiques. Après avoir
inégale dans le sol vaseux, l'ou- batailles en permettant à accompli notre devoir de
vrage se rompt en trois endroits. NAPOLÉON de surprendre l'en- mémoire en maintenant le sou-
Les pontonniers répareront et nemi par sa mobilité et sa capa- venir de ces braves, il s'agit
entretiendront les deux ponts cité à franchir les rivières ou les désormais d'offrir à ces soldats
pendant les trois jours que durera fleuves. Les ingénieurs, officiers une sépulture décente pour le
le franchissement. de génie, ont dû développer des repos de leur âme.

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