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La « riche Afrique » et les entreprises françaises

par Anthony BOUTHELIER

| Dalloz | Re vue in t e rn a t ion a l e e t st r a t égique

2002/2 - n ° 46
ISSN 1287-1672 | ISBN 2130527078 | pages 149 à 155

Pour citer cet article :


— Bouthelier A., La « riche Afrique » et les entreprises françaises, R evue int erna t ionale e t st ra t égique
2002/2, n° 46, p. 149-155.

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La revue internationale et stratégique, n° 46, été 2002

La « riche Afrique »
et les entreprises françaises
Anthony Bouthelier*

■ LA REVUE INTERNATIONALE ET STRATÉGIQUE


ANTHONY BOUTHELIER ■

Ce titre reprend à la fois le nom d’une association culturelle1 et une partie de la


couverture du rapport annuel du Conseil français des investisseurs en Afrique
(CIAN)2. Rappeler que ce continent recèle de multiples ressources et que des entrepri-
ses y prospèrent paraît relever aujourd’hui de la provocation. En effet, comment par-
ler de la « riche Afrique » à l’heure où cette région concentre conflits et désastres
humanitaires, alors qu’au cours des deux dernières décennies elle fut la seule partie
du monde où le revenu par tête a diminué – la perte étant évaluée à 10 % –, et alors
que nous sommes en présence d’un continent oublié des investisseurs internationaux,
qui recueille moins de 1 % des investissements directs étrangers !
La litanie pourrait se prolonger ; les variations de cette symphonie du malheur ne
manquent pas, ce qui permet à Jean-Paul Ngoupandé, ancien Premier ministre cen-
trafricain, d’écrire : « Tout se passe comme si les tragédies qui ont émaillé l’histoire
de l’humanité s’étaient donné rendez-vous sur cette terre de la désespérance humaine
qu’est l’Afrique... »3 « Tout se passe comme si... », c’est le « comme si » qui est
important, et dans un monde où l’abondance de l’information instantanée la
condamne de plus en plus à la superficialité, on constate que l’Afrique n’est pas
« tendance », elle n’a pas la cote.
Le CIAN serait-il donc alors un repaire d’irréductibles « peu au fait des modes du
moment » ? Non, il rassemble simplement des professionnels qui témoignent qu’en
Afrique le retour sur capital y est supérieur à la moyenne mondiale, et qui jugent
également sans complaisance l’environnement des affaires, conscients qu’il faut y sen-
sibiliser les dirigeants africains pour que les investisseurs redécouvrent la route de
l’Afrique.
Cela nous conduit à décliner notre étude selon deux axes principaux, liés, pour
l’un, à la manière dont les entreprises françaises conçoivent leurs activités, et, pour
l’autre, au regard qu’elles portent sur les pays d’accueil.

LES ENTREPRISES FRANÇAISES EN AFRIQUE

L’unité africaine demeure l’aspiration affichée et exprimée avec plus ou moins de


lyrisme selon les temps et les lieux. Mais la richesse de l’Afrique tient justement dans

* Secrétaire général du Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN).


1. L’association Riche Afrique est basée à Paris.
2. Le CIAN est une union patronale dont le rapport est publié chaque année par le MOCI. Cet article se
réfère à la 13e édition parue en janvier 2002.
3. Jean-Paul Ngoupandé, L’Afrique sans la France, Paris, Albin Michel, 2002.
150 ■ LA REVUE INTERNATIONALE ET STRATÉGIQUE

cette fascinante diversité des cultures et des paysages ; or il y a de multiples Afriques.


Cette réalité obère tout discours global sur ce continent considéré comme un
ensemble, et si, par commodité, on distingue cinq régions – l’Afrique du Nord,
l’Afrique de l’Ouest, l’Afrique centrale, l’Afrique orientale et l’océan Indien, et
l’Afrique australe –, on n’échappe pas à l’effet réducteur de toute classification.
Les deux régions les plus importantes de l’économie africaine sont l’Afrique du
Nord et l’Afrique australe, représentant chacune environ 38 % du produit intérieur
brut (PIB) du continent. Elles auraient dû, en bonne logique, monopoliser
l’investissement privé français en Afrique, mais il n’en est rien car l’histoire, plus que
la rationalité économique et financière, a, jusqu’à une époque récente, façonné la
carte des implantations des sociétés françaises et celle des flux commerciaux – les
deux cartes se révélant globalement superposables.

L’Afrique du Nord, partenaire naturel

Avec 170 millions d’habitants, sur les quelque 700 millions que compte le conti-
nent africain, et son ancrage plus que millénaire dans l’économie méditerranéenne,
l’Afrique du Nord connaît des résultats économiques supérieurs à la moyenne des
autres régions africaines. En outre, en raison de sa proximité géographique, elle sus-
cite un attrait certain pour les investisseurs français. Ici, l’histoire coloniale a joué
pleinement son rôle en familiarisant les opérateurs français avec le Maghreb, où se
situe l’essentiel des investissements français. L’ensemble de l’Afrique du Nord
accueille plus du quart de la totalité des investissements français en Afrique. Sur un
continent généralement mal noté par les « experts en risques » des instituts de nota-
tion financiers, deux pays du Maghreb sur trois, la Tunisie et le Maroc, sont classés
en 2002 dans la catégorie « A » par la COFACE1, dont la notation s’échelonne
de « A » pour la mention « bon risque » à « D » pour la mention « risque très
élevé ».
La Tunisie est souvent citée au tableau d’honneur du développement exemplaire. À
l’instar de certains pays d’Asie – appelés les « tigres asiatiques » –, elle illustre le
paradoxe relevé par Pierre Moussa2 et selon lequel, dans la seconde moitié du
XXe siècle, il fallait être dépourvu de ressources naturelles et minières pour réussir son
développement. Dans ce pays, 88 % des entreprises françaises ont été bénéficiaires
en 2000, et la quasi-totalité d’entre elles entend bien l’être au cours des deux exercices
suivants. Faut-il alors s’étonner si plus des trois quarts prévoient un accroissement de
leurs investissements ?
De son côté, le Maroc sort de deux années difficiles marquées par la sécheresse.
Cependant, grâce à une excellente récolte en 2000, une croissance supérieure à 5 %
est annoncée pour 2001 et 2002. Même pendant la récente période de stagnation éco-
nomique, la majorité des entreprises françaises a été bénéficiaire, et près des deux
tiers s’attendent à de bons résultats pour l’exercice 2002. Cet optimisme a provoqué
une nette reprise des investissements français qui, en 2000, ont atteint 119 millions
d’euros, alors que, dans le même temps, 91 millions d’euros étaient investis en
Algérie, 76 millions en Égypte et 17 en Tunisie. Dès lors, on peut se demander s’il
n’existe pas un phénomène de saturation à l’égard de la Tunisie, alors que l’espoir
semble renaître en ce qui concerne une Algérie pourtant si tourmentée !

1. COFACE, Guide risques pays 2002, Paris, Le MOCI-Dunod, 2002.


2. Pierre Moussa, Le Caliban naufragé, les relations Nord-Sud, Paris, Fayard, 1994.
ANTHONY BOUTHELIER ■ 151

L’Afrique subsaharienne en devenir

Nous sommes ici en présence d’une vaste étendue dont le PIB actuel est, selon une
étude de la Direction des relations économiques extérieures (DREE)1, équivalent à
celui des Pays-Bas. Outre l’immensité géographique et la complexité des situations,
cette constatation de la faiblesse économique du continent explique en partie le rejet
actuel de l’Afrique. Le sort des entreprises françaises illustre parfaitement que l’ère
des « coups » à enrichissement rapide est révolue, car le potentiel ne s’y prête pas ou
ne s’y prête plus ; en revanche, l’ancrage en profondeur et de longue durée, nourris-
sant un professionnalisme africain, se révèle bénéfique.
Cette grande diversité recèle de nombreuses opportunités et laisse entrevoir un
potentiel d’activité important dans cette région. Cependant, le temps de la facilité est
fini et, là comme ailleurs, la compétence est désormais nécessaire au succès.
L’Afrique de l’Ouest comprend l’un des géants du continent, le Nigeria, dont la
visibilité en termes économiques est faible et décourage nos sociétés qui sont d’une
prudence extrême quant à leurs perspectives immédiates dans ce pays. Toutefois, nos
investissements y sont passés de 39 millions à 91 millions d’euros de 1999 à 2000, en
raison, principalement, des groupes pétroliers. Cette prudence a été nourrie par une
stagnation de l’économie en 1999 et 2000, à laquelle succéderait une croissance de 3
à 4 % en 2001. Mais, au Nigeria, la quasi-totalité de l’économie repose sur le secteur
des hydrocarbures qui assurait, en 2000, 98 % des exportations et 82 % des recettes
budgétaires.
Cette prudence est aussi provoquée par l’avancée, au nord, du fondamentalisme
islamique et par l’instauration progressive de la Charia – avancée qui est de plus en
plus perçue comme une contestation de l’autorité centrale.
La zone franc CFA, qui rassemble au sein de l’Union économique et monétaire
ouest-africaine (UEMOA)2 sept pays, a pâti des désordres de la locomotive ivoirienne.
En Côte-d’Ivoire, les investissements français se sont effondrés, et on a noté des sor-
ties de capitaux à la suite des troubles politiques. Ainsi, les malheurs ivoiriens ont
lourdement pesé sur les entreprises françaises, dont 40 % seulement prévoient des
bénéfices en 2001. Elles espèrent en revanche enregistrer une hausse à l’avenir,
puisque ce pourcentage s’élève à 60 % pour l’année 2002.
Concernant le Sénégal, qui est, avec la Côte-d’Ivoire, la principale destination des
investissements français en Afrique de l’Ouest, ce pays semblait intéresser davantage
les investisseurs qui se détournaient de la Côte-d’Ivoire. Après avoir atteint, en 1999,
un montant de 82 millions d’euros, les investissements français sont descendus,
en 2000, à 34 millions d’euros. La croissance attendue pour 2001 et 2002, proche
de 6 %, stimule néanmoins l’optimisme des opérateurs français dont les deux tiers
escomptent une activité bénéficiaire en 2002.
En Afrique centrale, c’est également dans la zone franc CFA, couverte par la Com-
munauté économique et monétaire en Afrique centrale (CEMAC)3, que se concentrent
les intérêts français, plus particulièrement au Cameroun et au Gabon. Les investisse-
ments que recueille cette zone varient essentiellement en fonction des projets pétro-
liers et sont presque exclusivement liés à ce secteur. Aussi se sont-ils détournés du
Congo en 1999 et 2000, et ont-ils beaucoup diminué au Gabon.

1. DREE, Panorama économique de l’Afrique subsaharienne, Paris, novembre 2000.


2. L’Union économique et monétaire ouest-africaine est composée du Bénin, du Burkina Faso, de la
Côte-d’Ivoire, de la Guinée-Bissau, du Mali, du Niger et du Togo.
3. La CEMAC est composée du Cameroun, du Centrafrique, du Congo, du Gabon, de la Guinée équa-
toriale et du Tchad.
152 ■ LA REVUE INTERNATIONALE ET STRATÉGIQUE

Le Cameroun, avec un montant d’investissements français de 35 millions d’euros


en 2000, reste une destination modeste, mais commence à bénéficier de la manne
apportée par le projet pétrolier du Tchad du fait de la construction de l’oléoduc
Doba-Kribi. Cela fait le bonheur des entreprises de travaux publics et de transports,
et stimule une conjoncture dont on attend une croissance supérieure à 5 % en 2001
et 2002, alors que les quatre cinquièmes des entreprises françaises estiment qu’elles
seront bénéficiaires en 2001.
Le grand projet « tchado-camerounais » mérite en outre quelques commentaires,
dans la mesure où il rompt avec le discours sur le « pré carré français ». Rappelons
que ce projet est piloté par la société américaine Exxon, et le retrait de TotalFinaElf
avait été perçu, y compris par les Tchadiens eux-mêmes, et surtout par eux, comme
une « trahison française ».
Dans le même esprit, le rapprochement entre le CIAN et son homologue américain,
le Corporate Council on Africa (CCA), a provoqué quelques critiques, consistant à
avancer l’idée qu’il ne fallait pas « attirer le loup dans la bergerie ». Or, dans le projet
Exxon, 65 % des sous-traitants sont des entreprises françaises. L’important est de
multiplier les investissements en Afrique quelle qu’en soit l’origine, car l’Europe,
notamment la France, qui entretient avec ce continent des liens étroits et multiples,
sera, après les Africains, la première bénéficiaire de la prospérité de cette partie du
monde.
Le CIAN a été la seule organisation patronale européenne à avoir été invitée, aux
mois d’octobre et de novembre 2001, au sommet États-Unis/Afrique à Philadelphie,
pour y animer un atelier sur la coopération entre les investisseurs privés américains et
français.
La compétence africaine des sociétés françaises est un atout pour l’Afrique elle-
même et pour notre pays. Dans un monde ouvert, la crispation des anciens adeptes
du « pré carré » doit céder le pas aux coopérations qui font des sociétés françaises les
défricheurs ouvrant la voie aux interventions d’investisseurs jusqu’ici peu familiers
des réalités africaines. L’Afrique a une telle soif d’investissements que tout doit être
mis en œuvre pour réorienter vers elle les flux de capitaux. Or qui mieux que les
opérateurs en Afrique, ces praticiens du développement, a la crédibilité pour
convaincre ?
L’Afrique centrale a aussi la particularité de comprendre deux cas extrêmes, la
« minuscule » Guinée équatoriale, émirat pétrolier qui enregistrait en 2001 le taux de
croissance exceptionnel de 70 %1, et l’immense République démocratique du Congo
(RDC), géant encore comateux, dont le sort incertain décourage pour le moment les
investisseurs français.
L’Afrique orientale et l’océan Indien ne représentent pas, à l’exception de Madagas-
car et de Djibouti, la terre d’élection traditionnelle des investisseurs français.
S’agissant de ces deux pays, si l’influence française y demeure notable, ils sont à
l’heure actuelle une cible très modeste de nos investisseurs. En 2000, la totalité des
investissements étrangers à Madagascar s’élevait à 29 millions de dollars, l’industrie
du tourisme connaissant un essor soutenu depuis quelques années.
En revanche, les investisseurs français s’intéressent beaucoup plus au Kenya
où, en 2000, ils ont transféré 81 millions d’euros, et à l’île Maurice qui, avec l’un
des meilleurs PNB par habitant du continent (3 540 dollars), demeure une région très
prisée.

1. Nicole Chevillard, « La Guinée équatoriale bénéficiaire et victime de la rente pétrolière », Nord-Sud


Export / Le Monde, 19 février 2002.
ANTHONY BOUTHELIER ■ 153

Concernant l’Afrique australe, l’Afrique du Sud à elle seule, qui obtient de la


COFACE la note A4, compte pour 70 % du PIB de cette région. À ce titre, elle est avec
le Nigeria l’autre géant de l’Afrique subsaharienne ; avec, cependant, une différence
majeure en ce qui concerne le PNB par habitant, respectivement de 3 170 dollars pour
l’une, et 260 dollars pour l’autre. L’Afrique du Sud recueillait, en 2000, 131 millions
d’euros d’investissements français ; quatre cinquièmes des sociétés françaises y
escomptaient une année 2002 profitable.
Le Mozambique, avec le corridor du développement de Maputo, qui présente
180 projets pour un coût estimé à 7 milliards de dollars1, commence à peine à attirer
l’attention des sociétés françaises, alors que l’Angola, hors investissements pétroliers,
suscite un intérêt limité en raison de la persistance de la guerre civile. À cet égard, il
nous est encore difficile d’évaluer véritablement les conséquences de la mort du chef
de la rébellion, Jonas Savimbi.
Cette partie de l’Afrique comprend également le Botswana, que la COFACE gratifie
de la meilleure note (A2) de tout le continent africain en matière de « risques pays ».
Malgré le reproche fait à la France d’un « lâchage » de l’Afrique, les investisseurs
français assuraient en 2000 un huitième des investissements directs étrangers reçus
par le continent, ce qui les situe parmi les premiers contributeurs.
En réalité, la contribution française est beaucoup plus importante, car, disposant
d’une antériorité d’implantation, beaucoup d’investissements sont réalisés par des
sociétés françaises déjà installées sur le continent, et ne sont donc pas comptabilisés
parmi les investissements étrangers.
Il se produit aussi un rééquilibrage géographique. Le regain d’intérêt pour le
Maghreb n’est certes pas une orientation nouvelle pour les sociétés françaises. En
revanche, l’Afrique subsaharienne francophone de l’Ouest et du Centre paraît davan-
tage délaissée au profit de la zone australe et orientale que les Français apprennent à
connaître. Dans l’ensemble, la « riche Afrique » ne se laisse pas aisément apprivoiser,
et la déception de certains est peut-être liée au fait de devoir abandonner le préjugé
de la fortune facile sur un continent mythique.
En réalité, on constate une prospérité certaine et une bonne résistance des profes-
sionnels implantés depuis longtemps, capables de décrypter de multiples cultures et
d’éviter les écueils d’un environnement compliqué.

PERCEPTION DE L’ENVIRONNEMENT PAR LES ENTREPRISES FRANÇAISES

Il n’y a pas d’investissement privé dans les pays où les opérateurs ne sont pas heu-
reux. Au-delà des efforts d’organisation ou réglementaires, souvent repris dans des
codes d’investissements, l’investisseur potentiel s’intéresse beaucoup plus à la pra-
tique, au comportement des administrations. Les codes d’investissements, souvent
rédigés par les mêmes consultants, se ressemblent d’un pays à l’autre, et on ne
compte plus les zones franches dans le monde, au point qu’elles deviendraient la
norme.
C’est pourquoi toutes ces dispositions ne constituent qu’un élément de la décision
d’investir, celle-ci étant beaucoup plus influencée par l’opinion des opérateurs déjà
installés. Conscient de l’importance de ce témoignage qui façonne l’image de
l’Afrique, le CIAN entreprend donc chaque année un sondage pour cerner l’envi-
ronnement des affaires, qui servira non seulement aux investisseurs potentiels, mais

1. DREE, Les déterminants des investissements directs étrangers en Afrique subsaharienne, Paris,
novembre 2000.
154 ■ LA REVUE INTERNATIONALE ET STRATÉGIQUE

aussi aux administrations concernées qui pourront mesurer le chemin à parcourir


pour rendre leur pays plus attrayant. En une trentaine de questions, les entreprises
sont invitées à apprécier les infrastructures, les administrations, le contexte juridique
et fiscal, la corruption, le coût des facteurs, etc.
Le CIAN se garde bien de jouer au juge de paix en opérant un classement et réserve
les résultats par pays à ses membres et aux responsables politiques et administratifs
concernés. Seule la synthèse pour quatre grandes régions est publiée dans le rapport
CIAN sous le titre « Le baromètre : environnement des affaires », avec une notation
allant de « 1 » (mauvais) à « 5 » (satisfaisant).
C’est sans surprise que, globalement, la perception de l’Afrique par nos sociétés se
situe entre le mauvais (1) et le moyen (3), ce qui est conforme à l’attitude générale des
investisseurs privés internationaux, qui ne font pas de l’Afrique une destination prio-
ritaire. Parmi les grandes régions, l’Afrique du Nord, l’Afrique australe et orientale
s’en sortent mieux que l’Afrique de l’Ouest et du Centre, mais, et nous le répétons
encore, ces jugements doivent être nuancés pays par pays.
À l’approche géographique il faut ajouter l’examen des différentes rubriques du
questionnaire. On constate alors que, dans de nombreux pays, sont considérés
comme convenables : les infrastructures portuaires et aéroportuaires, le système ban-
caire, les coûts de main-d’œuvre. En revanche, tout ce qui relève du comportement
des administrations elles-mêmes (douanes, fiscalité, justice, etc.) est sévèrement jugé.
Ainsi est-on conduit à penser que les mauvaises notes de l’Afrique sont dues aux
hommes eux-mêmes, plus particulièrement à certains dirigeants africains, et qu’il n’y
a donc pas de malédiction définitive. Nous devons aussi relativiser nos jugements. En
effet, s’il y a quarante ans que les États africains sont indépendants, n’oublions pas
que pendant quarante-quatre ans (1945-1989) toute une partie de l’Europe a été
dirigée par des régimes communistes autoritaires.
Malgré les échecs, les guerres et les massacres qui font la « Une » de nos informa-
tions, peu à peu, presque insidieusement, se construisent des ensembles régionaux
visant à gommer les frontières absurdes héritées de la colonisation. Enjeu de la guerre
froide, l’Afrique a été mutilée par celle-ci, et l’opinion d’Ahmadou Kourouma1 n’est
pas sans fondement : « C’est après la fin de la guerre froide que l’Afrique a connu
l’indépendance. » Des régimes démocratiques se créent ou se raffermissent ; l’Orga-
nisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA) se met en
place ; enfin, les catastrophes annoncées en raison de la fin de l’apartheid en Afrique
du Sud ne se produisent pas.
Sans méconnaître les pannes, voire les retours en arrière, de plus en plus de diri-
geants se dégagent du passé récent et proposent aux Africains de se prendre en main.
À cet égard, l’initiative pour un nouveau partenariat en Afrique, connue par son
acronyme anglais « NEPAD »2, est riche d’enseignements et, espérons-le, sera généra-
trice de nouveaux progrès.
Cette démarche des présidents algérien Abdelaziz Bouteflika, sud-africain Thabo
Mbeki, nigérian Olusegun Obasanjo et sénégalais Abdoulaye Wade comporte au
moins trois messages :
— elle s’adresse d’abord au continent tout entier, du nord au sud, transcendant les
divisions entre Afrique « blanche » et Afrique « noire », entre Afriques franco-
phone, anglophone et lusophone ;

1. Ahmadou Kourouma, « Il faut combattre l’afropessimisme », Le Figaro littéraire, 21 février 2002.


Écrivain ivoirien, A. Kourouma a reçu le prix Renaudot 2000 pour son livre Allah n’est pas obligé, Paris,
Le Seuil, 2000.
2. New Partnership for Africa’s Development.
ANTHONY BOUTHELIER ■ 155

— invitant ensuite des Africains eux-mêmes, et non des « gourous » venus des pays
du Nord, à penser l’Afrique ;
— dans un document de 60 pages, où le secteur privé est mentionné 25 fois.
C’est évidemment à ce dernier message que nous devons répondre. Depuis long-
temps, il est connu que le développement est le fruit d’un partenariat public/privé.
À cet égard, la construction de la puissance américaine en figure l’une des plus élo-
quentes illustrations. Un ouvrage collectif, La France et l’Afrique1, dirigé par Serge
Michailof, l’actuel directeur exécutif de l’Agence française de développement, montre
que la méthode a été utilisée en Asie avec succès, notamment par les fameux « tigres
asiatiques », et les auteurs vont même au-delà du mot « partenariat » pour retenir
celui de « complicité ». En d’autres termes, les pouvoirs publics cessent de prendre les
opérateurs économiques pour des sujets et les considèrent enfin comme des partenai-
res. C’est à ce niveau que se situe le principal défi du NEPAD, et il est remarquable
que des chefs d’État reconnaissent que le développement n’est pas fonction d’un
montant de fonds publics, mais de la qualité des rapports entretenus avec des inves-
tisseurs privés.
On voit donc tout l’intérêt pour les entreprises françaises de s’impliquer dans ce
processus, qui peut contribuer à changer radicalement l’environnement actuel des
affaires, pour le moins médiocre, en Afrique, et qui constitue le verrou à débloquer
en vue d’un décollage économique.
Laurent Fabius déclarait dans une émission télévisée que la psychologie était
importante en économie ; ainsi, le sort du NEPAD se jouera davantage sur des atti-
tudes que sur des capitaux.

1. Serge Michailof (sous la dir.), La France et l’Afrique, Paris, Karthala, 1993.

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