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Janvier 2005 - No 43
Discrimination et dignité
MÉMOIRE 2000, l’année 2004 se termine hommes-femmes, ne changeront pas les men-
A en beauté. Notre Festival, consacré cette
année à « L’Europe et la Paix » sous le titre
talités sans un véritable mouvement social.
En matière d’emploi, on a récemment pris
qu’évoque le dessin de Plantu L’Envol de la connaissance, sous le titre Des Entreprises aux
colombe, a été une réussite. Ce n’est pas pour couleurs de la France, d’un rapport au Premier
autant que nous nous rassurions. Malgré la ministre qui comporte 24 propositions tendant
libération de nos otages. Violence, intolérance à relever le défi de l’accès à l’emploi et de l’in-
et discrimination persistent. Aussi, en guise de tégration dans l’entreprise. Celle qui a retenu
vœux, ai-je choisi de vous en dire les deux l’attention (quelques jours, jusqu’à ce que l’a-
mots que j’ai placés en titre de cet éditorial. mendement au projet de loi de cohésion sociale
Tout le monde en convient : la discri-mina- ait été abandonné) est l’instauration du cur-
tion est un mal qui atteint au cœur. Elle affecte l’adoption de la loi du 1er juillet 1972 (qui pro- riculum vitæ anonyme. On ne peut en mécon-
les relations de travail comme l’accès aux biens scrivait la discrimination en fonction de l’ap- naître l’avantage provisoire et relatif : l’obten-
et aux services ; elle est un obstacle à la réus- partenance ou de la non appartenance, vraie ou tion d’un entretien sur les seules références de
site de l’intégration ; on en connaît les causes, supposée, à une origine, une éthnie, une nation, formation et d’expérience professionnelle ; on
on en recense les effets désastreux, on cherche une race ou une religion déterminée), il faut en perçoit aussitôt les limites pour les
à l’éradiquer partout, et pourtant nul ne apprécier l’élargissement des critères de dis- « minorités visibles ». Mais on n’en a pas
parvient à la faire disparaître. crimination prohibée : il nous éloigne de la détecté et dénoncé le vice, qui réside dans
On ne peut méconnaître les progrès accom- dénomination du racisme et nous ramène au l’obligation corrélative imposée à ceux qui s’y
plis, depuis la Déclaration des droits de principe premier et fondateur de la dignité de la rattachent de gommer leur identité. L’égalité y
l’homme et du citoyen de 1789. personne humaine. trouve son compte. Pas la dignité.
Nos textes constitutionnels, repris par les Il nous faut intégrer l’interdiction légale de On retrouve ici l’obstacle qui subsiste
pactes et déclarations des Nations Unies, ont toute discrimination sur le sexe, les mœurs, heureusement à l’instauration en France de la
été relayés par la Charte des droits fondamen- l’orientation sexuelle, l’âge, la situation de discrimination positive, qui permettrait à ceux
taux de l’Union Européenne et par les direc- famille, les opinions politiques ou syndicales, qui appartiennent à une minorité visible de se
tives européennes de juin et novembre 2000, le patronyme, l’apparence physique, l’état de prévaloir d’une préférence ou d’un quota pour
que les pays de l’Union ont peu à peu trans- santé ou le handicap, les caractéristiques géné- accéder à un emploi ou à certains services…
posées dans leurs législations nationales. tiques. On se perd en conjectures pour discern- On ne compensera pas des décennies
En France, on se réfère aujourd’hui à la loi er les critères manquants… d’hypocrisie par le recours à la démagogie. Et
du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre Mais les progrès ne peuvent se limiter aux quel que soit le nom dont on l’appelle, le traite-
les discriminations. bonnes intentions ni aux innovations imaginées ment différentiel et inégalitaire des personnes
Pour mesurer le chemin parcouru depuis par les juristes, les politiques, les organismes restera toujours une discrimination.
internationaux : ils doivent être mis en œuvre On peut avoir sur le sujet des positions
au quotidien et constituer une priorité uni- pragmatiques, mais il nous appartient de rap-
Nos prochaines réunions verselle des Pouvoirs publics, employeurs, peler constamment l’exigence impérieuse du
intermédiaires, syndicats et associations, con- principe de dignité.
Les lundis 7 février, 7 mars et 4 avril
à 19 h 30
sommateurs et des simples citoyens qui Je propose que nous prenions à Mémoire
au Brussel’s Café doivent, chacun à sa place, être vigilants. Les 2000, le temps d’en parler avant de faire des
71, boulevard Exelmans, Paris 16. numéros verts , Haut Conseil de l’intégration , propositions.
Commission départementale de citoyenneté, C’est en ce début d’année le vœu de votre
Après lecture, ne jetez pas ce journal, Observatoire de la parité hommes-femmes, nouveau Président.
donnez-le à vos amis ! Conseil supérieur de l’égalité professionnelle Bernard Jouanneau.
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NOS SEANCES-DEBATS • NOS SEANCES-DEBATS • NOS SEANCES-DEBATS
Séance du mercredi 8 décembre sa femme qu’il croyait mourante, et à laquelle Séance du jeudi 9 décembre.
GOOD BYE LENIN la fiancé du fils a entre-temps révélé la super- NO MAN’S LAND
Film de Wolfgang Becker cherie. On ne saura jamais s’il valait mieux lui Film de Tanis Tanovic
Thème : La chute du mur de Berlin, fin de la mentir par amour filial ou par peur d’un chan- Thème : Conflits, rôle des organisations
guerre froide. gement trop rapide peut-être pour cette pas- internationales.
sionnée d’un régime dont elle voulait ignorer
Dans le Berlin de la fin des années 70, la les défauts. Vingt-huit élèves, pas un de plus, et leurs deux
grande préoccupation de tous est le départ des Notre débatteur, Ulrich Schonleber, est un professeurs pour ce film remarquable. Cepen-
cosmonautes vers l’espace. journaliste allemand qui a fait ses études avec dant, l’intérêt de cette classe était manifeste,
Un famille berlinoise : la mère et les deux le réalisateur Wolfgang Becker. Voyant que les les élèves avaient le souffle coupé, face à cette
enfants abandonnés par le père parti vers élèves avaient un peu de mal à entamer la dis- dénonciation cinglante des paradoxes d’une
l’Ouest rejoindre une autre femme. La mère cussion, il a expliqué ce que représentait le guerre sous les projecteurs médiatiques.
poursuit ses activités de chef de groupe socia- mur pour les gens de Berlin-Est. Ils savaient ce Rappel : Au cœur de la guerre de Bosnie,
liste auprès d’enfants et aide les adultes dans qui se passait de l’autre côté même s’ils ne 1993, deux soldats (bosniaque et serbe) s’ef-
leurs démarches… pouvaient pas franchir la séparation. Les gens forcent de négocier le prix de leur vie au
Dix ans plus tard, le fils est réparateur de de l’Ouest pouvaient éventuellement traverser, milieu de la folie guerrière de leur pays, pen-
télé, la fille travaille et a une petite fille, la mais pas le contraire, sauf pour quelques pri- dant qu’un des leurs, sous leurs yeux, est
mère croit toujours au socialisme. vilégiés (artistes, écrivains, touristes qui contraint à l’immobilité sur une mine.
Le 7 octobre 1989 a lieu le défilé pour le apportaient un peu d’argent). On faisait croire Le général Cot, à la tête de la FORPRONU
40e anniversaire de la RDA. Le fils est blessé à la population que le mur était un rempart en ex-Yougoslavie de 1993 à 1994, animait le
lors d’une manifestation sous les yeux de sa contre le fascisme. De nombreuses familles débat : « Mesurons ensemble l’écart entre ce
mère qui est victime d’un infarctus. Elle tombe étaient séparées depuis le début des années 60. film et la vérité » (!). Suit un exposé sur la phi-
dans un coma profond qui va durer huit mois. Le film est une œuvre d’art longtemps losophie de l’ONU qui, à son avis, ne peut être
Entre temps, le mur de Berlin est tombé et la attendue en Allemagne : c’est une histoire à efficace que si « les belligérants sont dans une
vie est complètement transformée ; les Berli- multiples facettes. A première vue c’est l’exal- dynamique de cessez-le-feu ».
nois profitent des avantages de la vie occiden- tation de l’amour filial, en particulier qui veut — Les soldats respectent-ils toujours
tale. Les enfants ont changé le mobilier de le bonheur de sa mère. Mais est-ce seulement l’ONU ? demande Nacim (élève de 4e).
l’appartement, la fille a trouvé un nouveau cela ? Il est à la fois heureux de la liberté — Non, très rarement. C’est une folie
compagnon et travaille chez « Burger King ». recouvrée mais effaré par les changements que d’imaginer qu’amener des casques bleus au
La mère sort du coma : les enfants, le fils cette liberté apporte et à laquelle il n’est pas sein d’un peuple qui se bat, peut améliorer
surtout, veulent la ramener chez elle, mais ils tout à fait préparé. Il arrive par ses mensonges quoique ce soit.
savent qu’elle ne supportera pas le change- à créer une RDA de rêve qui n’a peut-être — Vous êtes en train de dire que l’ONU n’a
ment de son univers. Ils recréent l’ancien jamais existé. servi à rien ? rétorque Morgane.
décor de son appartement, ne lui disent rien de Mais la mère est-elle vraiment dupe et ne — Pas tout à fait, personne n’est mort de
l’unification de l’Allemagne et lui montrent à vit-elle pas passivement dans les mensonges. faim à Sarajevo, l’ONU a été efficace dans le
la télévidion des informations truquées avec Peut-elle vraiment croire que Coca-Cola a été transport de vivres, antennes médicales, etc.
l’aide d’un technicien ami. inventé par les communistes et ne reconnaît- — Est-ce que l’ONU avait la possibilité
Rien à l’extérieur n’est plus comme avant, elle pas les anciennes actualités que lui mon- d’intervenir par la force ? demande Jonathan .
les produits de l’Ouest ont fait leur apparition trent les vieilles cassettes truquées ? Sait-elle — Non, et c’est d’ailleurs l’idée que j’ai
dans les supermarchés et le fils a le plus grand que son mari vit encore à Berlin ? Elle aussi soumise à Boutros- Ghali : Que l’ONU se
mal à trouver pour sa mère ceux qu’elle a tou- veut croire en son idéal... donne une force d’intervention militaire per-
jours connus. Il reconstitue pour son anniver- Nos participants, pourtant très intéressés manente de 5 000 hommes environ, afin d’éra-
saire son ancien univers avec ses amis qui par le film ont posé peu de questions. Le diquer les conflits de par le monde. La sugges-
entrent dans son jeu. débatteur a relancé le débat : si le mur est tion n’a pas été suivie.
Des indices la troublent pourtant (affiche tombé si vite c’est qu’à la suite d’une Le professeur note qu’il est difficile d’in-
de Coca-Cola, belles voitures dans les rues…) « gaffe », une issue a été ouverte et que tout le tervenir militairement sans prendre partie.
mais les enfants réussissent à la convaincre monde s’y est engouffré, à la suite de mouve- — Mais qui a commencé, en fait ? interro-
que les habitants de « l’autre Allemagne », ments incontrôlables mais définitifs. La poli- ge le petit Morgan.
enviant la vie en RDA, viennent en goûter les tique de libéralisation de l’URSS a fait le reste. Le professeur renvoie au film et rappelle
charmes... Au point que dans l’esprit d’abné- Il ne faut pas oublier que les premiers men- que les deux soldats « jouent à qui a commen-
gation qui l’a toujours habitée, la mère veut songes, avant ceux de cette famille, étaient cé » et reprennent à leur propre compte ce que
offrire sa datcha aux réfugiés de l’Ouest. ceux de l’esprit politique du socialisme en leurs dirigeants ont réussi à leur faire admettre.
Soudain tout bascule : elle avoue à ses RDA, qui montrait un idéal qui n’aurait jamais Sanja Cindric arrive en s’excusant de son
enfants que son mari ne l’a pas abandonnée pu devenir la réalité dans un régime de terreur retard. Née à Sarajevo, journaliste, elle a fui la
mais qu’il est parti à l’Ouest en attendant leur et de fermeture au reste du monde libre. L’ou- Bosnie pendant la guerre, a travaillé comme
venue prochaine. Elle n’a pas eu le courage de verture du mur a complètement changé la consultante sur ce film. Un élève lui demande
partir avec les enfants et leur a toujours menti. donne et rend l’espoir de voir une Europe s’il y a eu une résistance intérieure.
Le film s’achève sur la rencontre du père, sinon pacifiée totalement, du moins unifiée. — Non, malheureusement, les Bosniaques
remarié et avec deux enfants, qui revient voir Denise Becker. pensaient que la guerre ne pourrait jamais les
atteindre, ils étaient tous de structure familiale Comme prévu, le sujet et la façon dont il Mme Ricard-Nihoul précise que l’élément
tellement croisée et mélangée ! Mais les déci- est traité ont suscité un grand intérêt chez nos fondamental du programme Erasmus est qu’il
deurs les ont devancés. Il y a antinomie entre jeunes spectateurs. faut s’adapter au pays, aux autres étudiants.
les grands mouvements de paix en Europe (fin Notre débattrice, Mme Gaëtane Ricard- Ne pas rester figés. Il existe un esprit de grou-
de la guerre froide, ouverture du mur de Berlin Nihoul, secrétaire générale de l’association pe, et si la fête en est une composante impor-
etc.) et le découpage du pays qui impose une Notre Europe, a répondu aux questions des tante, le cursus choisi par un étudiant pour ses
multitude de petites frontières. élèves avec précision et simplicité, questions études et les cours se déroulent comme dans
— Que pensez-vous des journalistes qui qui ont pour beaucoup concerné le programme son propre pays : il doit de la même façon tra-
profitent de la guerre pour faire de Erasmus et les échanges d’étudiants. Ce pro- vailler sérieusement.
l’audience ? demande Morgan. gramme, qui met l’accent sur la dimension L’important est que les diplômes obtenus
— Au journaliste de se poser les vraies européenne de l’enseignement supérieur dans sont reconnus par les Universités de son pays.
questions : Jusqu’où puis-je aller ? Montrer la toutes les disciplines, a été une découverte Ce qui est sûr, c’est qu’au retour, on est chan-
mort en direct ou savoir dire non à temps. pour nos élèves, en particulier ceux de termi- gé et on ne voit plus les choses de la même
Mieux vaut filmer les visages des vivants, qui nal évidemment très concernés ; mais les plus façon.
expriment davantage la douleur et l’angoisse. jeunes n’en ont pas moins demandé s’il exis- Sarah reprend la parole pour évoquer les
Enfin Barbara interpelle le général : tait des programmes similaires pour les col- moments forts du film, la solidarité et la com-
— Vous dites tous les deux que la guerre, lèges et les lycées, très intéressés par d’éven- plicité qui existe entre les étudiants à la fin du
c’est nul, mais vous êtes général, c’est quand tuelles aides pour aller à l’étranger, séjour.
même un choix ! individuellement ou par classe entière. Marie-Laure trouve qu’il est essentiel de
— C’est un choix de défense, un soldat Mme Ricard-Nihoul les a fort bien rensei- garder le contact avec sa famille et elle déplo-
digne de ce nom doit être un faiseur de paix. gnés, leur indiquant qu’effectivement il existe re que, dans le film, les protagonistes semblent
Et il termine sur une note positive en nom- depuis peu un programme Comminus pour le oublier leurs parents.
mant l’association Espoir sans Frontière qui secondaire, et les informant des démarches à Tous sont unanimes à penser qu’il peut y
regroupe des journalistes ayant la volonté de faire pour y accéder. avoir un décalage avec ceux qui n’ont pas vécu
filmer ce qui est magnifique dans le monde. Puis questions et observations ont porté sur cette expérience, mais que le profit retiré de
Joëlle Saunière. le film lui-même : tels échanges est énorme, et chacun semble
Yanis : J’ai trouvé le film passionnant. J’ai- vouloir tenter l’expérience.
merais partir en Espagne, ce pays m’intéresse Pour conclure, l’Europe et la Constitution
beaucoup, et ce qu’on voit de Barcelone dans européenne sont expliquées aux élèves : « Il
Séance du vendredi 10 décembre. le film ne fait que conforter cette envie. est temps d’appréhender que nous voulons une
L’AUBERGE ESPAGNOLE Sarah : Le film donne une vision élargie Europe de la dignité, de l’égalité, et le droit
Film de Cedric Klapisch. des voyages, c’est cela qui est intéressant. Son d’accès à l’emploi pour tous, sans frontières. »
Thème : L’Europe, une chance pour la culture. contenu est varié, il montre l’évolution de ces La séance se conclut par la distribution aux
jeunes étudiants. Le débat et l’échange y sont élèves du mini-livre* au titre instructif : Mes
Le film raconte les aventures de Xavier, jeune riches. On y découvre la confrontation des droits fondamentaux dans l’Union européenne.
étudiant qui, avant d’entrer dans la vie active, cultures, des idées, des identités. Régine Gailhanou.
part à Barcelone effectuer son D.E.A. grâce au Un troisième : Ce film est sensible. Tout y
*Un grand merci à l’éditeur Biotop qui en a fait cadeau.
programme Erasmus. Il s’y fait des amis de est suggéré et les clichés sur les uns et les
toute nationalité. autres sont démolis.