Вы находитесь на странице: 1из 8

Directeur de la publication : Bernard Jouanneau.

Janvier 2005 - No 43

Bonne année 2005 !


E D I TO R I A L

Discrimination et dignité
MÉMOIRE 2000, l’année 2004 se termine hommes-femmes, ne changeront pas les men-
A en beauté. Notre Festival, consacré cette
année à « L’Europe et la Paix » sous le titre
talités sans un véritable mouvement social.
En matière d’emploi, on a récemment pris
qu’évoque le dessin de Plantu L’Envol de la connaissance, sous le titre Des Entreprises aux
colombe, a été une réussite. Ce n’est pas pour couleurs de la France, d’un rapport au Premier
autant que nous nous rassurions. Malgré la ministre qui comporte 24 propositions tendant
libération de nos otages. Violence, intolérance à relever le défi de l’accès à l’emploi et de l’in-
et discrimination persistent. Aussi, en guise de tégration dans l’entreprise. Celle qui a retenu
vœux, ai-je choisi de vous en dire les deux l’attention (quelques jours, jusqu’à ce que l’a-
mots que j’ai placés en titre de cet éditorial. mendement au projet de loi de cohésion sociale
Tout le monde en convient : la discri-mina- ait été abandonné) est l’instauration du cur-
tion est un mal qui atteint au cœur. Elle affecte l’adoption de la loi du 1er juillet 1972 (qui pro- riculum vitæ anonyme. On ne peut en mécon-
les relations de travail comme l’accès aux biens scrivait la discrimination en fonction de l’ap- naître l’avantage provisoire et relatif : l’obten-
et aux services ; elle est un obstacle à la réus- partenance ou de la non appartenance, vraie ou tion d’un entretien sur les seules références de
site de l’intégration ; on en connaît les causes, supposée, à une origine, une éthnie, une nation, formation et d’expérience professionnelle ; on
on en recense les effets désastreux, on cherche une race ou une religion déterminée), il faut en perçoit aussitôt les limites pour les
à l’éradiquer partout, et pourtant nul ne apprécier l’élargissement des critères de dis- « minorités visibles ». Mais on n’en a pas
parvient à la faire disparaître. crimination prohibée : il nous éloigne de la détecté et dénoncé le vice, qui réside dans
On ne peut méconnaître les progrès accom- dénomination du racisme et nous ramène au l’obligation corrélative imposée à ceux qui s’y
plis, depuis la Déclaration des droits de principe premier et fondateur de la dignité de la rattachent de gommer leur identité. L’égalité y
l’homme et du citoyen de 1789. personne humaine. trouve son compte. Pas la dignité.
Nos textes constitutionnels, repris par les Il nous faut intégrer l’interdiction légale de On retrouve ici l’obstacle qui subsiste
pactes et déclarations des Nations Unies, ont toute discrimination sur le sexe, les mœurs, heureusement à l’instauration en France de la
été relayés par la Charte des droits fondamen- l’orientation sexuelle, l’âge, la situation de discrimination positive, qui permettrait à ceux
taux de l’Union Européenne et par les direc- famille, les opinions politiques ou syndicales, qui appartiennent à une minorité visible de se
tives européennes de juin et novembre 2000, le patronyme, l’apparence physique, l’état de prévaloir d’une préférence ou d’un quota pour
que les pays de l’Union ont peu à peu trans- santé ou le handicap, les caractéristiques géné- accéder à un emploi ou à certains services…
posées dans leurs législations nationales. tiques. On se perd en conjectures pour discern- On ne compensera pas des décennies
En France, on se réfère aujourd’hui à la loi er les critères manquants… d’hypocrisie par le recours à la démagogie. Et
du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre Mais les progrès ne peuvent se limiter aux quel que soit le nom dont on l’appelle, le traite-
les discriminations. bonnes intentions ni aux innovations imaginées ment différentiel et inégalitaire des personnes
Pour mesurer le chemin parcouru depuis par les juristes, les politiques, les organismes restera toujours une discrimination.
internationaux : ils doivent être mis en œuvre On peut avoir sur le sujet des positions
au quotidien et constituer une priorité uni- pragmatiques, mais il nous appartient de rap-
Nos prochaines réunions verselle des Pouvoirs publics, employeurs, peler constamment l’exigence impérieuse du
intermédiaires, syndicats et associations, con- principe de dignité.
Les lundis 7 février, 7 mars et 4 avril
à 19 h 30
sommateurs et des simples citoyens qui Je propose que nous prenions à Mémoire
au Brussel’s Café doivent, chacun à sa place, être vigilants. Les 2000, le temps d’en parler avant de faire des
71, boulevard Exelmans, Paris 16. numéros verts , Haut Conseil de l’intégration , propositions.
Commission départementale de citoyenneté, C’est en ce début d’année le vœu de votre
Après lecture, ne jetez pas ce journal, Observatoire de la parité hommes-femmes, nouveau Président.
donnez-le à vos amis ! Conseil supérieur de l’égalité professionnelle Bernard Jouanneau.

1
NOS SEANCES-DEBATS • NOS SEANCES-DEBATS • NOS SEANCES-DEBATS

LES CHEMINS DE LA LIBERTE ce matin là (on le verrait bien s’envoler pour


Film australien de Philip Noyce. l’Austalie pour les défendre…), voudrait Nos prochaines séances
Séance du 14 octobre 2004. savoir s’il existe des mesures de discrimina-
Thème : les Aborigènes d’Australie tion positive. Oui, répond Bastien, mais elles
• Jeudi 27 janvier 2005 : La Shoah.
sont jugées scandaleuses par les autres Austra-
Film : Shoah de Claude Lanzman
liens, et malgré elles, le nombre de diplômés
(extraits du film)
Un film magnifique, 200 élèves attentifs reste très bas.
posant de bonnes questions, un jeune débatteur Une dernière question, d’une enseignante • Jeudi 10 février 2005 : Le génocide
très passionné par un sujet qu’il connaissait cette fois : Comment les Aborigènes ressen- cambodgien.
bien et qui a su élargir le débat : tout était réuni tent-ils leur histoire ? permet d’aborder ce que Film : S21 de Rithy Panh.
ce matin là pour que la première séance de l’on a parfois assimilé à un génocide. • Jeudi 17 mars 2005 : Les enfants
l’année soit une réussite! Sans accepter ce terme, on peut cependant des rues.
Le film raconte une histoire vraie : Molly, reconnaître une tentative de faire disparaître Film : Ali Zaoua de Nabil Ayouch.
14 ans, sa sœur et une autre enfant, toutes trois tout un peuple, sa culture, et ses langues ( à
métis, sont brutalement enlevées à leur mère cette occasion on apprend qu’il y en a près de
par un fonctionnaire chargé de l’intégration 500 différentes). Entre 10 et 20 % de cette le parcours d’un jeune juif américain d’un
dans les région pauvres du Nord de l’Austra- population a fait partie de ces « générations milieu modeste, accédant à une classe prépara-
lie. Enfermées dans un internat-prison, elles volées » et jusqu’à présent aucun gouverne- toire à Harvard pour ses qualités de sportif et
vont subir le traitement planifié pour intégrer ment n’a accepté de présenter ses excuses au parce qu’il représente une chance pour son
les Aborigènes métis dans la société blanche, peuple aborigène ! école de reprendre la première place du cham-
en faire des employés de maison, des garçons Mais ce peuple a conscience aujourd’hui pionnat.
de ferme et éventuellement les marier à des d’exister, de représenter une force politique, Tout semble lui réussir et lui être acquis :
blancs pour atténuer la question raciale. On d’avoir une culture et des arts remarquables. Il amitié, amour, gloire tant qu’il tait sa judéité.
leur enlèvera leur identité, on leur interdira de ne faudrait cependant pas qu’il se fige dans Puis tout bascule dès qu’on le sait.
parler leur langue. cette culture et devienne un objet touristique. D’abord écarté, isolé, puis coupable parce
Cette situation ne cessera qu’en 1971, date Les Aborigènes veillent à ne pas donner d’eux que juif et qu’il faut sauver la réputation de
de fermeture des établissements de ce type. une image exotique. Ils veulent se prendre en l’école, il sera accusé d’une tricherie commise
Après avoir suivi cette histoire de fuite charge et ont réussi après bien des luttes par- par l’un de ses camarades, fils d’un membre de
désespérée dont le suspense a bien sûr ému les fois violentes à entrer dans le champ politique « l’establishment » et conduit à revendiquer sa
jeunes spectateurs, Bastien Bosa, notre invité, de leur pays. judéité.
ouvre le débat. Bastien est chercheur en On serait resté des heures à écouter Bastien Fort à propos le parallèle sera fait par
sciences sociales, il a mené de nombreux tra- parler de cet immense pays et de ses pro- Jacques Tarnéro avec l’affaire Dreyfus.
vaux sur la situation des Aborigènes et prépa- blèmes que l’on connaît mal. Nul doute que Mais auparavant la salle n’aura pas répon-
re une thèse sur ce sujet. Après qu’il ait donné les élèves, ce matin là, auront beaucoup appris du à la question de savoir « si le film reflétait
des explications historiques sur la colonisation et voudront sans doute un jour, grâce à ce film une réalité qui pouvait être celle des élèves, ni
de l’Australie, la parole est aux élèves. et au sympathique débatteur, envie d’ en savoir si la laïcité pouvait être une bonne idée ».
L’un d’eux demande s’il est vrai que les plus. Jacques Tarnéro rappellera que la Ligue des
Aborigènes s’enrichissent en touchant des Claudine Hanau. Droits de l’Homme était née de l’affaire Drey-
royalties sur le pétrole. Bastien remet vite les fus. Que pour un homme comme Zola, justice
choses en place : il n’y a pas de pétrole, mais et vérité importaient plus que la réputation de
de l’uranium, et bien que leurs droits aient été LA DIFFERENCE l’armée française.
récemment reconnus sur leurs terres, ils restent Film de Robert Mendel. Puis il reprit sur une question d’un élève,
les plus pauvres de la nation. Ils représentent Séance du 16 novembre 2004. les causes de l’antisémitisme et ses différentes
2 % de la population, mais 40 % de la popula- Thème : l’antisémitisme. formes au cours de l’histoire.
tion carcérale, et leur taux de chômage est de Fatalement le conflit israélo-palestinien fut
quatre fois supérieur au taux moyen des évoqué : origine du conflit, définition du sio-
blancs. Malgré de lentes améliorations, leur Un « must » de Mémoire 2000 que cette nisme ; Jacques Tarnéro s’employa à répondre
statut reste très précaire. séance du 16 novembre. avec objectivité, clarté, patience et… humour.
Une autre question sur ce que pensent ces Une salle pleine (à notre grande satisfac- La conclusion revint à une enseignante qui
peuples de la société australiennne et de son tion) sage et intéressée, un film parfaitement stigmatisa la banalisation des mots employés
niveau de vie par rapport au leur, permet à didactique, traitant d’un thème au cœur de par les uns pour qualifier les autres : feuj, reu-
Bastien de décrire leur situation politique. notre action : la différence, la reconnaissance beu, black, etc.
A partir des années 60, les Aborigènes ont de l’autre, un débatteur pédagogue et savant « Ces mots, dit-elle, séparent. Ils préparent
obtenu le droit de vote, la sécurité sociale et la tout à la fois que Mémoire 2000 affectionne : les armes. Avant ils étaient tabou ».
retraite. Il y a aujourd’hui deux sénateurs abo- Jacques Tarnéro.
Georgette Serero.
rigènes. En 1970 les Aborigènes créent des Le film décrit une Amérique surprenante, si
organismes communautaires et prennent le on la compare à celle d’aujourd’hui fière de sa
contrôle de leur mouvement. mixité, celle des années 50 : riche, aristocra-
Bernard Jouanneau, animateur passionné tique, blanche, raciste et antisémite, et retrace

2 Mémoire 2000. No 43 - Janvier 2005


Du 6 au 10 décembre 2004, notre VIIIe Festival

L’EUROPE, ENVOL DE LA COLOMBE…


’Europe, envol de la colombe, titre ambitieux peut-être de notre VIIIe Festival, mais titre original que nous devons à l’inspira-
L tion de deux jeunes lycéennes, spectatrices de nos séances.
Nous voulions montrer en effet que l’Europe est en paix depuis plus de soixante ans et qu’il faut sensibiliser la jeunesse à cette
idée afin que, tous, nous fassions tout pour que cela continue.
Merci donc à tous ceux qui y ont assisté, les élèves — près de huit cents — et leurs professeurs qui, parfois avec difficulté, inter-
rompent leur programme pour venir passer une ou plusieurs matinées avec nous. Merci aux débatteurs, souvent à la fois historiens et
témoins, grâce auxquels les films trouvent un prolongement enrichissant et qui ont su donner aux séances de ce festival réussi une
ampleur particulière : Mme Lise London, M. Alfred Grosser, M. Ulrich Schonleber, le général Cot et Sanja Cindric, Mme Ricard-
Nihoul.
LES SEANCES
Séance du lundi 6 décembre. débattrice de raconter sa jeunesse, dans une l’avènement de la paix en Europe.
LAND AND FREEDOM famille très pauvre de l’Aragon, qui, fuyant la Le film décrit, dans les jours de l’immédiat
Film de Ken Loach. misère, part pour la France, avec trois enfants, après-guerre, la détresse morale et physique
Thème : la guerre d’Espagne. un père malade et une mère admirable de cou- des habitants de Berlin en ruines, affamés,
rage. A 20 ans, révoltée contre ces conditions indifférents à tout sauf à leur survie. C’est une
Cette première matinée de la semaine a de vie, elle s’engage dans les jeunesses com- réflexion sur la responsabilité à l’égard de
commencé avec le magnifique film de Ken munistes. Il fallait, comme elle le dit, «changer l’autre que nous proposait Alfred Grosser dés
Loach sur la guerre d’Espagne, Land and free- le monde ». l’ouverture du débat : penser la souffrance de
dom, qui démarre aux sons galvanisants d’un « Dès juillet 1940, on la retrouve dans la l’autre, ne pas raisonner en termes de respon-
¡ No pasarán ! » chanté par de futurs membres Résistance. Plus tard elle sera arrêtée, jugée, et sabilité collective ou transgénérationnelle, dis-
des brigades internationales… mais aussi en la ce n’est qu’à une voix près qu’elle ne sera pas tinguer responsabilité et culpabilité. Ces prin-
présence d’un témoin exceptionnel, Lise Lon- condamnée à mort, mais (seulement !) dépor- cipes ont constitué les fondements d’une
don, que l’on sentait capable de l’entonner à tée, laissant derrière elle un bébé de trois mois, Europe de la paix en permettant le rapproche-
son tour tant sont encore intenses son enthou- né en prison… La salle est médusée. ment et plus tard la réconciliation de la France
siasme et sa volonté de transmettre les valeurs Un autre élève l’interroge : et de l’Allemagne. Des exemples sont venus
pour lesquelles elle a combattu toute sa vie. — Etes-vous satisfaite de ces révolutions ? illustrer ces notions complexes.
Avant que le débat ne commence, Lise — Oui, répond-elle, car elles m’ont appris Une citation d’Emmanuel Levinas :
London tient à préciser qu’elle n’est pas tout à à dire non. Et je me suis toujours considérée « L’identité ne doit pas être définie par le doigt
fait d’accord avec la façon dont le cinéaste comme une communiste… sans carte ! qui vous montre » a entraîné une question sur
présente certains aspects de la guerre (elle D’autres questions fusent montrant l’intérêt le communautarisme et l’antisémitisme renais-
nous apprend d’ailleurs en aparté que le de la salle : Comment s’explique l’avènement sant et une mise en garde sur la pratique
conseiller historique de Ken Loach était un de Franco, qu’est-ce qui a changé après sa double des racismes croisés : « On ne doit pas
ancien du Poum…). Le film montre en effet le mort… Lise London répond longuement, sans se laisser conditionner à être une collectivité
lâchage des groupes armés, les milices du se lasser, jusqu’à ce qu’un jeune garçon qui à son tour se durcit et rejette ».
Poum, des anarchistes, etc. par les commu- demande le micro, se lève et déclare : Une question sur les relations entre Vichy
nistes. Notre témoin explique que les milices — Je vous remercie, Madame, d’être venue et le régime nazi a permis à Alfred Grosser de
étaient pour la révolution avant tout, alors que ce matin ! stigmatiser la tradition d’abdication du parle-
les communistes voulaient tout d’abord faire Quelle meilleure conclusion à un débat ment français devant Clémenceau, Pétain ou
la guerre contre Franco. C’est, d’après elle, ce d’une grande tenue, au cours duquel, comme De Gaulle, et de souligner celle de résistance
qui expliquerait ces affrontements… l’a déclaré Bernard Jouanneau en fin de séan- à l’autorité des protestants dont l’action dans
Puis elle raconte la montée du nazisme, les ce : « Elle nous a parlé du fond du cœur ». les Cévennes permit que soient sauvés de
premiers camps de concentration allemands où Claudine Hanau. nombreux enfants juifs.
seront enfermés les antifascistes, puis en Sur une dernière question, le débatteur a
Espagne, la mobilisation des officiers par estimé que le plus grand danger qui menaçait
Franco. Elle évoque les évènements de Barce- Séance du mardi 7 décembre. l’Europe résidait dans la situation explosive
lone, où les soldats, conduits par leurs officiers ALLEMAGNE ANNEE 0 prérévolutionnaire que connaissaient à la fois
pour écraser la jeune République, en ont été Film de Roberto Rossellini. l’Allemagne et la France en raison du chôma-
empêchés par une foule immense armée seule- Thème : la seconde guerre mondiale. ge, et dans la « société à trois étages » en train
ment de couteaux, bâtons et fusils de chasse. de se constituer : en haut les riches, en bas les
Un élève s’étonne : « Pourquoi cette guerre Un film âpre et dur, mais un propos de pauvres, au milieu ceux dont le métier consis-
est-elle si peu connue ? ». « C’est la honte de notre débatteur Alfred Grosser, artisan du rap- te à faire accepter par les seconds l’injustice
la démocratie d’avoir laissé faire, répond-elle, prochement franco-allemand (dont le père fut des premiers.
on a caché le sacrifice de milliers d’hommes et victime du régime nazi) qui nous a soulevé Un tonnerre d’applaudissements concluait
de femmes ». d’espérance et de foi en l’individu : c’est à le débat et en soulignait la richesse l’intérêt et
Oualid demande ce qu’elle « était » quand cette fête de l’esprit que nous conviait Mémoi- l’absence de dogmatisme.
elle avait 20 ans. C’est l’occasion pour la re 2000 lors de cette matinée du festival sur Georgette Serero.
Mémoire 2000. No 43 - Janvier 2005 3
NOTRE VIIIE FESTIVAL : L’EUROPE, ENVOL DE LA COLOMBE…

Séance du mercredi 8 décembre sa femme qu’il croyait mourante, et à laquelle Séance du jeudi 9 décembre.
GOOD BYE LENIN la fiancé du fils a entre-temps révélé la super- NO MAN’S LAND
Film de Wolfgang Becker cherie. On ne saura jamais s’il valait mieux lui Film de Tanis Tanovic
Thème : La chute du mur de Berlin, fin de la mentir par amour filial ou par peur d’un chan- Thème : Conflits, rôle des organisations
guerre froide. gement trop rapide peut-être pour cette pas- internationales.
sionnée d’un régime dont elle voulait ignorer
Dans le Berlin de la fin des années 70, la les défauts. Vingt-huit élèves, pas un de plus, et leurs deux
grande préoccupation de tous est le départ des Notre débatteur, Ulrich Schonleber, est un professeurs pour ce film remarquable. Cepen-
cosmonautes vers l’espace. journaliste allemand qui a fait ses études avec dant, l’intérêt de cette classe était manifeste,
Un famille berlinoise : la mère et les deux le réalisateur Wolfgang Becker. Voyant que les les élèves avaient le souffle coupé, face à cette
enfants abandonnés par le père parti vers élèves avaient un peu de mal à entamer la dis- dénonciation cinglante des paradoxes d’une
l’Ouest rejoindre une autre femme. La mère cussion, il a expliqué ce que représentait le guerre sous les projecteurs médiatiques.
poursuit ses activités de chef de groupe socia- mur pour les gens de Berlin-Est. Ils savaient ce Rappel : Au cœur de la guerre de Bosnie,
liste auprès d’enfants et aide les adultes dans qui se passait de l’autre côté même s’ils ne 1993, deux soldats (bosniaque et serbe) s’ef-
leurs démarches… pouvaient pas franchir la séparation. Les gens forcent de négocier le prix de leur vie au
Dix ans plus tard, le fils est réparateur de de l’Ouest pouvaient éventuellement traverser, milieu de la folie guerrière de leur pays, pen-
télé, la fille travaille et a une petite fille, la mais pas le contraire, sauf pour quelques pri- dant qu’un des leurs, sous leurs yeux, est
mère croit toujours au socialisme. vilégiés (artistes, écrivains, touristes qui contraint à l’immobilité sur une mine.
Le 7 octobre 1989 a lieu le défilé pour le apportaient un peu d’argent). On faisait croire Le général Cot, à la tête de la FORPRONU
40e anniversaire de la RDA. Le fils est blessé à la population que le mur était un rempart en ex-Yougoslavie de 1993 à 1994, animait le
lors d’une manifestation sous les yeux de sa contre le fascisme. De nombreuses familles débat : « Mesurons ensemble l’écart entre ce
mère qui est victime d’un infarctus. Elle tombe étaient séparées depuis le début des années 60. film et la vérité » (!). Suit un exposé sur la phi-
dans un coma profond qui va durer huit mois. Le film est une œuvre d’art longtemps losophie de l’ONU qui, à son avis, ne peut être
Entre temps, le mur de Berlin est tombé et la attendue en Allemagne : c’est une histoire à efficace que si « les belligérants sont dans une
vie est complètement transformée ; les Berli- multiples facettes. A première vue c’est l’exal- dynamique de cessez-le-feu ».
nois profitent des avantages de la vie occiden- tation de l’amour filial, en particulier qui veut — Les soldats respectent-ils toujours
tale. Les enfants ont changé le mobilier de le bonheur de sa mère. Mais est-ce seulement l’ONU ? demande Nacim (élève de 4e).
l’appartement, la fille a trouvé un nouveau cela ? Il est à la fois heureux de la liberté — Non, très rarement. C’est une folie
compagnon et travaille chez « Burger King ». recouvrée mais effaré par les changements que d’imaginer qu’amener des casques bleus au
La mère sort du coma : les enfants, le fils cette liberté apporte et à laquelle il n’est pas sein d’un peuple qui se bat, peut améliorer
surtout, veulent la ramener chez elle, mais ils tout à fait préparé. Il arrive par ses mensonges quoique ce soit.
savent qu’elle ne supportera pas le change- à créer une RDA de rêve qui n’a peut-être — Vous êtes en train de dire que l’ONU n’a
ment de son univers. Ils recréent l’ancien jamais existé. servi à rien ? rétorque Morgane.
décor de son appartement, ne lui disent rien de Mais la mère est-elle vraiment dupe et ne — Pas tout à fait, personne n’est mort de
l’unification de l’Allemagne et lui montrent à vit-elle pas passivement dans les mensonges. faim à Sarajevo, l’ONU a été efficace dans le
la télévidion des informations truquées avec Peut-elle vraiment croire que Coca-Cola a été transport de vivres, antennes médicales, etc.
l’aide d’un technicien ami. inventé par les communistes et ne reconnaît- — Est-ce que l’ONU avait la possibilité
Rien à l’extérieur n’est plus comme avant, elle pas les anciennes actualités que lui mon- d’intervenir par la force ? demande Jonathan .
les produits de l’Ouest ont fait leur apparition trent les vieilles cassettes truquées ? Sait-elle — Non, et c’est d’ailleurs l’idée que j’ai
dans les supermarchés et le fils a le plus grand que son mari vit encore à Berlin ? Elle aussi soumise à Boutros- Ghali : Que l’ONU se
mal à trouver pour sa mère ceux qu’elle a tou- veut croire en son idéal... donne une force d’intervention militaire per-
jours connus. Il reconstitue pour son anniver- Nos participants, pourtant très intéressés manente de 5 000 hommes environ, afin d’éra-
saire son ancien univers avec ses amis qui par le film ont posé peu de questions. Le diquer les conflits de par le monde. La sugges-
entrent dans son jeu. débatteur a relancé le débat : si le mur est tion n’a pas été suivie.
Des indices la troublent pourtant (affiche tombé si vite c’est qu’à la suite d’une Le professeur note qu’il est difficile d’in-
de Coca-Cola, belles voitures dans les rues…) « gaffe », une issue a été ouverte et que tout le tervenir militairement sans prendre partie.
mais les enfants réussissent à la convaincre monde s’y est engouffré, à la suite de mouve- — Mais qui a commencé, en fait ? interro-
que les habitants de « l’autre Allemagne », ments incontrôlables mais définitifs. La poli- ge le petit Morgan.
enviant la vie en RDA, viennent en goûter les tique de libéralisation de l’URSS a fait le reste. Le professeur renvoie au film et rappelle
charmes... Au point que dans l’esprit d’abné- Il ne faut pas oublier que les premiers men- que les deux soldats « jouent à qui a commen-
gation qui l’a toujours habitée, la mère veut songes, avant ceux de cette famille, étaient cé » et reprennent à leur propre compte ce que
offrire sa datcha aux réfugiés de l’Ouest. ceux de l’esprit politique du socialisme en leurs dirigeants ont réussi à leur faire admettre.
Soudain tout bascule : elle avoue à ses RDA, qui montrait un idéal qui n’aurait jamais Sanja Cindric arrive en s’excusant de son
enfants que son mari ne l’a pas abandonnée pu devenir la réalité dans un régime de terreur retard. Née à Sarajevo, journaliste, elle a fui la
mais qu’il est parti à l’Ouest en attendant leur et de fermeture au reste du monde libre. L’ou- Bosnie pendant la guerre, a travaillé comme
venue prochaine. Elle n’a pas eu le courage de verture du mur a complètement changé la consultante sur ce film. Un élève lui demande
partir avec les enfants et leur a toujours menti. donne et rend l’espoir de voir une Europe s’il y a eu une résistance intérieure.
Le film s’achève sur la rencontre du père, sinon pacifiée totalement, du moins unifiée. — Non, malheureusement, les Bosniaques
remarié et avec deux enfants, qui revient voir Denise Becker. pensaient que la guerre ne pourrait jamais les

4 Mémoire 2000. No 43 - Janvier 2005


NOTRE VIIIE FESTIVAL : L’EUROPE, ENVOL DE LA COLOMBE…

atteindre, ils étaient tous de structure familiale Comme prévu, le sujet et la façon dont il Mme Ricard-Nihoul précise que l’élément
tellement croisée et mélangée ! Mais les déci- est traité ont suscité un grand intérêt chez nos fondamental du programme Erasmus est qu’il
deurs les ont devancés. Il y a antinomie entre jeunes spectateurs. faut s’adapter au pays, aux autres étudiants.
les grands mouvements de paix en Europe (fin Notre débattrice, Mme Gaëtane Ricard- Ne pas rester figés. Il existe un esprit de grou-
de la guerre froide, ouverture du mur de Berlin Nihoul, secrétaire générale de l’association pe, et si la fête en est une composante impor-
etc.) et le découpage du pays qui impose une Notre Europe, a répondu aux questions des tante, le cursus choisi par un étudiant pour ses
multitude de petites frontières. élèves avec précision et simplicité, questions études et les cours se déroulent comme dans
— Que pensez-vous des journalistes qui qui ont pour beaucoup concerné le programme son propre pays : il doit de la même façon tra-
profitent de la guerre pour faire de Erasmus et les échanges d’étudiants. Ce pro- vailler sérieusement.
l’audience ? demande Morgan. gramme, qui met l’accent sur la dimension L’important est que les diplômes obtenus
— Au journaliste de se poser les vraies européenne de l’enseignement supérieur dans sont reconnus par les Universités de son pays.
questions : Jusqu’où puis-je aller ? Montrer la toutes les disciplines, a été une découverte Ce qui est sûr, c’est qu’au retour, on est chan-
mort en direct ou savoir dire non à temps. pour nos élèves, en particulier ceux de termi- gé et on ne voit plus les choses de la même
Mieux vaut filmer les visages des vivants, qui nal évidemment très concernés ; mais les plus façon.
expriment davantage la douleur et l’angoisse. jeunes n’en ont pas moins demandé s’il exis- Sarah reprend la parole pour évoquer les
Enfin Barbara interpelle le général : tait des programmes similaires pour les col- moments forts du film, la solidarité et la com-
— Vous dites tous les deux que la guerre, lèges et les lycées, très intéressés par d’éven- plicité qui existe entre les étudiants à la fin du
c’est nul, mais vous êtes général, c’est quand tuelles aides pour aller à l’étranger, séjour.
même un choix ! individuellement ou par classe entière. Marie-Laure trouve qu’il est essentiel de
— C’est un choix de défense, un soldat Mme Ricard-Nihoul les a fort bien rensei- garder le contact avec sa famille et elle déplo-
digne de ce nom doit être un faiseur de paix. gnés, leur indiquant qu’effectivement il existe re que, dans le film, les protagonistes semblent
Et il termine sur une note positive en nom- depuis peu un programme Comminus pour le oublier leurs parents.
mant l’association Espoir sans Frontière qui secondaire, et les informant des démarches à Tous sont unanimes à penser qu’il peut y
regroupe des journalistes ayant la volonté de faire pour y accéder. avoir un décalage avec ceux qui n’ont pas vécu
filmer ce qui est magnifique dans le monde. Puis questions et observations ont porté sur cette expérience, mais que le profit retiré de
Joëlle Saunière. le film lui-même : tels échanges est énorme, et chacun semble
Yanis : J’ai trouvé le film passionnant. J’ai- vouloir tenter l’expérience.
merais partir en Espagne, ce pays m’intéresse Pour conclure, l’Europe et la Constitution
beaucoup, et ce qu’on voit de Barcelone dans européenne sont expliquées aux élèves : « Il
Séance du vendredi 10 décembre. le film ne fait que conforter cette envie. est temps d’appréhender que nous voulons une
L’AUBERGE ESPAGNOLE Sarah : Le film donne une vision élargie Europe de la dignité, de l’égalité, et le droit
Film de Cedric Klapisch. des voyages, c’est cela qui est intéressant. Son d’accès à l’emploi pour tous, sans frontières. »
Thème : L’Europe, une chance pour la culture. contenu est varié, il montre l’évolution de ces La séance se conclut par la distribution aux
jeunes étudiants. Le débat et l’échange y sont élèves du mini-livre* au titre instructif : Mes
Le film raconte les aventures de Xavier, jeune riches. On y découvre la confrontation des droits fondamentaux dans l’Union européenne.
étudiant qui, avant d’entrer dans la vie active, cultures, des idées, des identités. Régine Gailhanou.
part à Barcelone effectuer son D.E.A. grâce au Un troisième : Ce film est sensible. Tout y
*Un grand merci à l’éditeur Biotop qui en a fait cadeau.
programme Erasmus. Il s’y fait des amis de est suggéré et les clichés sur les uns et les
toute nationalité. autres sont démolis.

Quand sautent les verrous


orsque dans une société, certains tabous sont transgressés, la sau- C’est un premier symptôme. Si ces crimes ne sont pas rapidement et
L vagerie gagne. Il n’y a qu’à voir le nombre de procès menés contre
l’inceste et la pédophilie, crimes consécutifs de la levée des tabous chez
sévèrement réprimés, si aucune pédagogie n’est dispensée, cela sera
interprété, par certains, comme licence implicite à « se lâcher » contre
certaines personnes. Le passage à l’acte n’est plus entravé. les « étrangers ».
C’est ce qui se produit, depuis quelques années où les tabous de lan- On constate que ces agressions gravissimes n’ont soulevé ni tollé, ni
gage, concernant notamment l’antisémitisme ont sauté. La libération massives manifestations, en tout cas sur le continent.
d’une parole violente a été suivie d’actes. On aurait dû comprendre, Pourquoi ? Peut-être croit-on que ce qui se passe en Corse n’arrivera
certains ont essayé de l’expliquer, que la libération de CETTE parole pas sur le continent. Si c’est ça l’idée, elle est déplorable. On peut parier
allait, après les juifs, concerner les autres minorités. Tout se tient ! que ceci n’est qu’un avant goût de ce qui arrivera ici si on « laisse cou-
C’est ce à quoi nous assistons en Corse où après l’intimidation, il y rir » là-bas. La Corse, c’est la France !
a eu volonté de tuer sans vergogne des Maghrébins installés là sans Ne fermons pas les yeux lâchement, encore une fois. Le racisme en
problème, depuis plus de 30 ou 40 ans. Ce n’est pas un hasard si ce type Corse et ailleurs n’est pas une délinquance comme les autres.
d’actions a été inauguré dans l’Ile de Beauté. Il y subsiste une certaine
Lison Benzaquen.
culture de la violence.
Mémoire 2000. No 43 - Janvier 2005 5
Nous inaugurons ici une nouvelle formule qui consiste à consacrer
LIBRES OPINIONS une page du journal à de « libres opinions » qui pourront ultérieure-
ment susciter des débats au sein du Conseil de notre association.

Pensée unique : la peau dure


e crois véritablement qu’il faut mener le combat injuste et à modifier. D’ailleurs, ce tracé a déjà été dogme. C’est sûr, c’est moins confortable que de
J contre une forme de pensée qui sévit depuis trop
longtemps, et dont le fonctionnement ressemble à
modifié par décision de la Cour suprême israélienne.
D’autre part, après des négociations de paix, un mur,
suivre la commune doxa.
2. L’antisémitisme. Je ne reviendrai pas sur le
celui d’un ordinateur : binaire, manichéen. ça peut se détruire. On a rarement vu des morts res- temps qu’il a fallu, à cause du déni imposé par la
C’est grave car cela affecte tous les domaines de susciter. Ce mur a sauvé bien des vies. On peut en volaille qui fait l’opinion, comme dit la chanson,
pensée et conduit à une totale désinformation. On est parler aussi ! pour reconnaître que violences étaient faites à des
sommé d’être schématique. La nuance, la complexi- Il en est de même pour l’évacuation de Gaza, juifs non seulement par des néo-nazis, mais aussi par
té n’ont plus droit de cité et sont condamnées souhaitée depuis des décennies. Une fois votée, de jeunes Français issus de l’immigration majori-
comme valeurs réactionnaires. décidée, la voilà monstrueuse, mieux ; une mani- tairement maghrébine et sur le pourrissement de la
En outre, cette pensée s’accompagne d’une sorte gance. Alors que Sharon rompt avec les hésitations situation qui en a résulté. Cette attitude a empêché
de réflexe pavlovien qui fait que l’on ne peut plus de ses prédécesseurs, qu’il agit à l’encontre des reli- les « jeunes » d’assumer la responsabilité de leurs
dire certains mots sans risquer le lynchage et provo- gieux, des adeptes du grand Israël, et qu’il limoge actes, et, en les excusant, on les a, en outre, exclus
quer des réactions hystériques. Réactions qui ne les plus extrémistes de ses ministres pour faire abou- du tissu social. On a dit que leur violence venait du
seraient que ridicules si elles n’étaient aussi dange- tir le projet, on lui refuse le bénéfice du doute sur ses fait qu’on leur avait donné peu de chance de s’inté-
reuses, car elles masquent des vérités qu’on ne sau- intentions futures et l’on écarte la grande probabili- grer dans la communauté nationale. Pour ce qui est
rait entendre par des postures d’indignations totale- té que ce qui vaut aujourd’hui pour Gaza, vaudra, de l’échec d’intégration, c’est vrai, et je l’ai souvent
ment décalées. demain, pour les autres colonies. Ce geste enclenche dénoncé ici. Mais en quoi les juifs en sont-ils res-
Le « politiquement correct », la pensée unique un processus, une dynamique qui peuvent avoir une ponsables ? A quel titre doivent-ils éternellement
ont la peau dure et les outsiders — heureusement il chance d’aboutir si après Arafat, Palestiniens et jouer le rôle de bouc émissaire ?
y en a — qui ne sauraient se contenter de si peu, se Israéliens décident de renouer le dialogue. Les Israé- En tout cas, ce n’est pas parce que l’entrée dans
trouvent isolés. liens seront alors obligés de faire, comme l’a sou- la communauté nationale est rendue difficile pour
Quelques exemples pour illustrer la rigidité de vent dit Sharon, des « concessions douloureuses ». des personnes issues de l’immigration, ce qui est du
cette pensée déchaînée : Mais il est plus populaire de laisser Sharon à sa pur racisme, qu’il faut accepter les tentatives d’en
1. Au hasard… la situation au Moyen-Orient. place de « salaud manipulateur » et les Palestiniens extraire les juifs intégrés depuis des siècles; ça c’est
Que se passe-t’il ? Sharon, affreux militaire de droi- à celle de « gentilles victimes ». Statu quo qui obère de l’antisémitisme.
te, partisan du grand Israël, et (on s’en souvient) élu toute avancée. On pourrait multiplier les exemples de blocages
grâce à Arafat, décide de mettre en application un A ce stade, je me dois de préciser, avant d’être et reculs, provoqués par ce mode de pensée si peu
projet élaboré par la gauche : la construction d’une remisée, si ce n’est déjà fait, « sharoniste-facho » créatif. Mais j’arrête…
barrière de sécurité. que, depuis 1967, après la guerre des six jours, j’ai Avant, je ne résiste pas à l’envie de livrer à votre
Qu’en reste-t’il après passage à la moulinette des toujours milité pour la restitution des territoires et réflexion une pensée de Robert Musil qui va comme
médias et des bien-pensants : le mur de la honte, de l’existence d’un Etat palestinien aux côtés d’un Etat un gant à notre époque : « Il n’est pas une seule pen-
l’apartheid, du ghetto, etc. La cause de cette israélien : ce ne serait que justice. On appelle aujour- sée importante dont la bêtise ne sache aussitôt faire
construction : le terrorisme, pftt gommée. Seules d’hui ce mouvement « Deux peuples, deux Etats ». usage : elle peut se mouvoir dans toutes les direc-
sont vouées aux gémonies, les victimes qui essaient Ce que j’essaie de faire, c’est refuser de bêler tions et prendre tous les costumes de la vérité. La
de se protéger. Le tracé de cette barrière qui empiè- avec les moutons, élargir mon champ de réflexion, vérité, elle, est toujours handicapée… ».
te sur des terres palestiniennes, et rend la vie impos- reconnaître et apprécier les avancées quand elles Lison Benzaquen.
sible aux Palestiniens riverains est, évidemment surviennent et d’où qu’elles surviennent, sans

Un problème de dimension manifestement excessive


u lycée Van Dongen de Lagny-sur-Marne, un Des élèves non-musulmans rétorquent qu’il qu’elles grossissent aux « dimensions manifeste-
A symbole pose problème. D’après Le Parisien
du 15 décembre 2004, le sapin de Noël traditionnel
s’agit d’une tradition française. Possible, mais je
n’ai jamais vu un sapin du 14 juillet ; de manière
ment excessives » de la loi inique, il ne peut y avoir
de mal.
du hall de l’établissement val-de-marnais à peine générale, il y a comme une coïncidence troublante Je ne prônerai pas l’interdiction des sapins de
installé, est aussitôt enlevé, puis remisé dans un coin entre cette tradition et une certaine fête religieuse. Noël, même pour les préserver d’une mort prématu-
suite à la réclamation d’une délégation d’élèves C’est peut-être le mot « Noël » qui me donne cette rée. Mais si l’on veut continuer à brandir le mot
musulmanes. Celles-ci rappellent au proviseur impression… « laïcité » pour abattre la partie émergée de l’iceberg
qu’un tel symbole religieux ne pouvait être toléré, au Une autre élève défend le conifère incriminé en d’un islamisme qui nous dérange, qu’on en assume
nom du respect de la laïcité dont les établissements répondant que des sapins de la sorte se trouvent les conséquences. Les lycéens seront privés de
scolaires sont désormais censés être les hauts lieux. dans des millions de foyers français. Elle a certaine- sapin ; ils s’en remettront en se retrouvant autour de
Pour ma part, je ne peux qu’applaudir la démarche ment raison, mais elle ne risque pas d’en trouver ceux du centre commercial, de la gare, de l’hôpital,
de ces jeunes femmes qui ont bien compris que, pour chez certains qui sont aussi français qu’elle, notam- de la mairie, de la maison de retraite, de l’école
montrer l’hypocrisie de cette loi anti-islamique qui ment chez des juifs ou musulmans pratiquants. En catholique voisine, du boucher, du boulanger, du
n’ose pas dire son nom, il n’y avait pas mieux à faire tout cas, puisqu’elle conserve le droit d’installer son charcutier… Et je m’y associerai, après m’être pro-
que de mettre le nez des prétendus laïcs dedans. totem à cadeaux chez elle, qu’elle le fasse, et arrête tégé du froid en enfilant mon foulard laïc et mon
Le proviseur tente de convaincre de l’innocuité d’imposer ses convictions personnelles, qu’elles bonnet-qui-n’est-pas-une-kippa-même-si-j’ai-l’air-
du pauvre arbre : ce ne serait qu’un « objet païen ». soient chrétiennes ou druidiques, aux tiers. de-devoir-en-porter. Alors, à toutes et à tous, mes
Hélas, deux fois hélas (je ne suis pas à ce point indi- Sans doute le message des élèves musulmanes vœux pour des fêtes joyeuses mais de dimensions
gné pour en faire plus), « païen » signifie « adepte aurait-il été mieux supporté s’il était plus sournois : manifestement non-excessives.
d’une religion polythéiste ou fétichiste ». Alors sym- pourquoi ne pas décorer le sapin de croix ? Tant il est Marc Naimark.
bole chrétien ou païen, ce sera toujours religieux. vrai que le christianisme n’habite les croix que lors-

6 Mémoire 2000. No 43 - Janvier 2005


A propos du livre de Michel Winock
paru aux Editions du Seuil :

LA FRANCE ET LES JUIFS


DE 1789 A NOS JOURS

L ’IDEE d’écrire ce livre, prévient Michel


Winock, « m’est venue en 2002, lorsque
l’actualité d’un nouvel antisémitisme fit la une
Dans les années 30, le docteur Louis-Ferdi-
nand Destouches, connu sous le nom de Céline,
expliquera, en médecin compétent, que le juif
lam, Roger Garaudy, écrit en 1995 Les Mythes
fondateurs de la politique israélienne.
La même levée de censure sur le discours
des quotidiens ». Au moment où s’installe en est le microbe qui s’attaque au corps sain et le antisémite émerge au début des années 90 avec
France un certain malaise, décrire les relations mine peu à peu. L’antisémitisme gagne même le Front National de Jean-Marie Le Pen,
entre l’Etat, la société, et les juifs vivant en des écrivains peu politisés. Marcel Jouhandeau, réémergence d’une extrême droite reconstituée,
France depuis 1789, c’est combler quelques Maurice Blanchot, Jean de Fabrègues, Thierry dont la cible principale est l’immigration arabo-
lacunes et rappeler quelques faits et dates. Maulnier… Les textes d’anthologie antisémites musulmane. A première vue, rien ne fait penser
L’émancipation, d’abord : 23 août 1791, les plus repoussants deviennent des best-sellers. à l’antisémitisme, mais le mouvement est enra-
Article 10 de la Déclaration des droits de Les déclarations n’ont rien à leur envier. Léon ciné dans une tradition ancienne, cristallisant un
l’homme et du citoyen relatifs à la tolérance Daudet, en 1938, lorsque Léon Blum est pres- mélange d’antijudaïsme séculaire et d’antisémi-
religieuse : nul ne doit être inquiété pour ses senti pour former un nouveau cabinet : « Il faut tisme moderne, et le prouvera.
opinions, même religieuses, pourvu que leur un homme, pas un juif ». A l’arrivée au gouver- En même temps commencent les poursuites
manifestation ne trouble pas l’ordre public éta- nement de Pierre Mendès France en 1954, la contre les criminels de guerre : l’ancien officier
bli par la loi. formule sera reprise un ton au-dessus par Pierre SS Klaus Barbie, les Français Paul Touvier,
Le mouvement pendulaire, ensuite : Dès le Poujade : « Il importe de les démasquer et de René Bousquet (assassiné à son domicile en
XIXe siècle, à partir du Second Empire, les bons leur casser la g… ». 1993), Maurice Papon. A partir des années 80,
indicateurs de l’intégration des juifs dans la commence le vrai débat, attendu, sur les res-
société française sont la facilité des mariages A peine le passé vichyssois ponsabilités du régime de Vichy. Le film de
mixtes (dans la bourgeoisie), l’entrée dans le commençait-il à essayer Claude Lanzmann Shoah est projeté au niveau
monde de la presse et de l’édition national, dans les salles, les collèges et les
Le retour - ou le coup d’envoi : en 1882, la
de passer que la guerre lycées. Jacques Chirac, élu président de la
faillite du krach de l’Union Générale, banque repartait ailleurs… République en 1995, reconnaît les responsabili-
catholique, est imputée aux malversations des tés de la France, lors d’une commémoration de
Rotschild. Si près des trois quarts des juifs de France la rafle du Vel d’Hiv, tandis que l’Eglise de
Pourtant, les obsèques du capitaine Dreyfus ont été sauvés, pendant la Seconde Guerre mon- France décide de publier, en 1997, une « décla-
avaient jeté des milliers de Parisiens dans les diale, ce ne fut pas grâce à Vichy, ce fut malgré ration de repentance ».
rues : honneurs militaires, détachement d’élèves Vichy. Au tournant du XXe siècle, surgit une nouvel-
de l’Ecole polytechnique. Tous les éléments Or, à peine ce passé vichyssois commençait- le « question juive ». Depuis le déclenchement
étaient réunis pour en faire une cérémonie de il, sans succès, à essayer de passer, que la guer- de la seconde Intifada, un nouvel antisémitisme
l’intégration juive dans la société française. re repartait ailleurs. La guerre des Six jours, a pris forme dans le monde.
C’est alors que l’antisémitisme séculaire se remportée par Israël sur les Etats arabes, a chan- C’est la levée du tabou. Les attentats du
transforme en antisémitisme pseudoscientifique gé en profondeur les relations entre la France et 11 septembre à New-York semblent avoir dopé
à base psychobiologique. Barrès : « Que Drey- les juifs. De la déclaration du général de Gaulle la violence antisémite, et transposé le conflit en
fus est capable de trahir, je le conclus de sa « Israël, notre ami, notre allié » en juin 1964 à France. Ce sont désormais les menaces et les
race ». sa célèbre conférence de presse sur « un peuple violences anti-juives qui font la une des jour-
L’heure est à la poésie de la Terre et des d’élite, sûr de lui et dominateur », trois ans ont naux. L’antisémitisme prend, insensiblement,
Morts, au nationalisme intégral, à l’Action passé, et un nouvel antisémitisme semble auto- des allures quotidiennes, ordinaires.
Française : les juifs, par leur puissance occulte, risé : celui du soupçon. Les juifs de France, Les initiatives politiques nécessaires ont trop
ont décidé de dominer le monde, en combattant dans leur majorité, commencent à se définir par longtemps été déficientes devant cette crise qui,
le catholicisme, au moyen d’une société secrè- rapport à Israël, ce qui fait le jeu d’une certaine selon le ministère de l’Intérieur, est le fait
te, la franc-maçonnerie. reviviscence de judéophobie, dont les acteurs essentiellement de petits délinquants vivant
En 1920, paraît en France la traduction d’un prendront le nom de révisionnistes. dans des quartiers de banlieues défavorisées.
texte promis à une longue postérité : Les Proto- Une nouvelle période commençait, accom- Le malaise est installé. Jusqu’où ira-t-il ?
coles des Sages de Sion. Léon Daudet, dans pagnée d’une nouvelle curiosité pour les années Après tout, ce n’est jamais que l’avenir de la
l’Action Française du 28 janvier 1921 : « Lisez Vichy et la mode du « rétro ». Un maître de démocratie en France qui est en cause.
ce livre, vous qui cherchez à comprendre les conférence de littérature d’une université lyon- Colette Gutman.
évènements contemporains autrement que par naise, Robert Faurisson, dénonce le mensonge
une suite d’accidents » . Ce faux, qui servira, et des chambres à gaz « dont les principales vic-
sert encore, à tous les usages contre les juifs, les times sont le peuple allemand et le peuple
présentera comme les responsables de la révo- palestinien ».
lution bolchévique, mais aussi de son double, le Le mouvement révisionniste publie revues,
capitalisme : il s’agit donc bien d’une conspira- brochures, livres, thèses. Un ancien éminent
tion universelle. membre du Parti communiste converti à l’Is-
Mémoire 2000. No 43 - Janvier 2005 7
A LIRE… LES DERNIERS TEMOINS.
Paroles de déportés recueillies COMMUNIQUE
LA DIGNITE DE LA DIFFERENCE par Jean-Pierre Allali, de la commission
de Jonathan Sachs. Shoah du Consistoire de Paris. MEMOIRE 2000 condamne avec la
Ed. Bayard. Safed éditeur. plus grande vigueur la flambée
d’actes racistes à l’encontre de la
Philosophe et théologien, grand rabbin de Cet ouvrage constitue une contibution essen- communauté maghrébine récem-
Londres depuis 1991, Jonathan Sachs est un tielle et salutaire à l’histoire de notre époque. ment perpétrés en Corse.
des ténors de la vie intellectuelle en Grande- Il servira d’exemple aux jeunes générations et La provocation verbale a malheu-
Bretagne. à celles qui suivront. reusement produit ses effets puis-
Depuis Platon, s’insurge J. Sachs, l’Occi- Ces dix derniers témoins disent leur expé- qu’on en est maintenant à l’assassi-
dent valorise les similitudes entre les êtres. rience de la déportation et leur combat quoti- nat et des tentatives.
Pourtant, ce sont nos différences qui nous dis- dien pour la conservation de la mémoire.. Nous ne pouvons admettre une
tinguent des organismes ou des machines, et telle dérive et demandons aux Pou-
c’est la diversité qui fonde la dignité humaine. SUITE FRANÇAISE voirs Publics la plus grande fermeté
La stratégie identitaire se substitue à la poli- d’ Irène Némirowsky dans son enquête pour découvrir les
tique des idées. Les religions peuvent-elles Ed. Denoël auteurs de l’attentat qui a failli coûter
surmonter leur passé conflictuel et devenir un la vie à l’imam de la mosquée de Sar-
moteur de paix ? Ce livre posthume, retrouvé et publié par la tène, ainsi que ceux visant les foyers
Pour la première fois, un leader d’opinion fille de l’auteur, est une chronique sur l’exode maghrébins.
juif prend position sur l’éthique de la globali- et l’attitude des Français moyens et autres Le racisme ne baisse pas les bras.
sation et introduit une dimension nouvelle durant cette période. Chronique prise sur le Les associations antiracistes doivent
dans la quête de la coexistence. La répartition vif, à la langue magnifique. veiller, se mobiliser et réagir.
des richesses, la destruction de l’environne- Irène Némirowsky est morte à Auschwitz
ment, le lien entre les technologies de l’infor- en 1942.
mation et la dignité humaine exigent une pen- Daniel Rachline.
sée neuve.
L’uniformité que certains veulent écono- Assemblée générale
A VOIR…
mique, d’autres religieuse, est porteuse de
menaces et de peur. Pour J. Sachs, l’unité de la Le 6 décembre s’est tenue l’Assemblée
création s’exprime dans la différence. Générale annuelle de Mémoire 2000.
L’AUTRE Le rapport moral du Président et le
LE REGARD MUTILE. Pièce de Florian Zeller. au Théâtre des rapport financier du Trésorier ont été
de Daryush Shayegan. Mathurins, avec Clément Sibony, adoptés à l’unanimité.
Ed. L’Aube. Nicolas Vaud et Chloé Lambert. Les adhérents qui souhaient prendre
connaissance de l’intégralité du rapport
Essai sur les distorsions de l’esprit dans les Une réussite qui a fait l’unanimité de la cri- moral peuvent le faire au secrétariat.
civilisations qui sont restées en retrait dans tique. Son jeune auteur (25 ans) a reçu par Il faut signaler que, comme dans beau-
l’histoire. L’auteur part de son expérience ailleurs le prix Interallié 2004. coup d’associations, la trésorerie de
irano-islamique pour analyser la plupart des Un jeu à trois tout en finesse qui va bien au- Mémoire 2000 est très précaire. Nous
civilisations dont les structures mentales enco- delà des simples rapports de couple. Allez-y, et avons besoin d’aide. C’est le message
re tributaires de la Tradition ont du mal à assi- réservez, la petite salle du théâtre où elle est principal du rapport du trésorier.
miler la modernité. présentée est toujours bondée. Cette année il y a eu des élections : les
Pierre Bertrand. Pierre Gailhanou. membres du Conseil et du Bureau ont été
élus. Les listes sont consultables par les
adhérents, au secrétariat.
ADHERENTS, N’OUBLIEZ PAS VOTRE COTISATION ANNUELLE.
AMIS, MEMOIRE 2000 A BESOIN DE VOTRE SOUTIEN. ADHEREZ !

ADHESION COTISATION Mémoire 2000 sur internet


(Cochez la case appropriée) J43 L’adresse du site :
Nom Prénom www.memoire2000.asso.fr
Adresse Vous pourrez y consulter,
Tél. Fax e-mail entre autres, chaque numéro du journal
Cotisation : 45 . Soutien : 90 . Membre bienfaiteur : 150 ou plus.
Pour les personnes ne disposant pas de revenu imposable : 10 . Ce journal est le bulletin de liaison de Mémoire 2000
– association régie par la loi de 1901 –
55, avenue Marceau, 75116 Paris.
A retourner avec votre chèque à Mémoire 2000 Tél : 01 40 47 73 48. Fax : 01 47 23 56 64.
55, Avenue Marceau, 75116 Paris. Comité de rédaction : Daniel Rachline, Lison Benzaquen

Tél.: 01 40 47 73 48. Fax: 01 47 23 56 64. Régine Gailhanou, Elyett Rodrigues.


Réalisation : Pierre Gailhanou.

8 Mémoire 2000. No 43 - Janvier 2005

Вам также может понравиться