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isbn : 978-2-35061-011-5
© Florimont Projets, 2007
Pierre Bilger
Pierre Loti
Sommaire
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causeries à bâtons rompus
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causeries à bâtons rompus
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la « divine surprise » des blogs
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causeries à bâtons rompus
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causeries à bâtons rompus
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un soir d’automne au roi d’espagne
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causeries à bâtons rompus
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causeries à bâtons rompus
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se résigner à l’indifférence ?
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se résigner à l’indifférence ?
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causeries à bâtons rompus
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causeries à bâtons rompus
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une convergence contrariée
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une convergence contrariée
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une convergence contrariée
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l’esprit d’entreprise
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l’esprit d’entreprise
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le revers de la médaille
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le mirage de l’argent
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Profil
J’écarte tout de suite une source de confusion. Je parle des
très grandes entreprises cotées. C’est par un abus de langage
que l’on attribue parfois à leurs chefs le qualificatif d’entre-
preneur alors qu’il est extrêmement rare qu’elles soient diri-
gées par les fondateurs de l’entreprise ou par des personnes y
ayant engagé l’essentiel de leur patrimoine personnel.
J’ai toujours été frappé de la faiblesse relative du
nombre d’actions de leur entreprise, par rapport à leurs
revenus, que possédaient la plupart de ces dirigeants. Pas
plus que je n’ai eu d’imitateurs lorsque j’ai renoncé à mon
indemnité de départ, je n’ai eu beaucoup d’émules qui,
comme je l’avais fait, non pas par le biais d’options d’ac-
tions, mais en utilisant mon épargne personnelle, aient
investi l’essentiel de leur patrimoine dans l’entreprise
cotée qu’ils dirigent. Fils d’un entrepreneur, en l’espèce,
ma mère, qui avait toujours tout risqué dans l’entreprise
qu’elle avait créée et développée avec succès, je n’ai jamais
imaginé faire autrement à partir du moment où je prenais
la responsabilité d’une grande entreprise cotée.
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Transparence
Alors que pour la généralité des salariés et des cadres
dirigeants d’une entreprise, l’évaluation et la discussion,
qui conduisent à décider les rémunérations, s’effectuent
dans l’anonymat des négociations avec les syndicats ou
dans la confidentialité d’un dialogue individuel, pour ce
qui concerne les présidents directeurs généraux de sociétés
cotées, depuis 2001, la loi a imposé la transparence.
Un rapport, accessible au public, doit désormais rendre
compte de la rémunération totale et des avantages de toute
nature versés, durant l’exercice, à chaque mandataire social
et doit en préciser le montant de manière individuelle.
Ce rapport distingue et détaille les éléments fixes,
variables et exceptionnels composant ces rémunérations
et avantages ainsi que les critères en application desquels
ils ont été calculés ou les circonstances en vertu desquelles
ils ont été décidés. Il indique également les engagements
de toutes natures, pris par la société au bénéfice de ses
mandataires sociaux, correspondant à des avantages ou
éléments de rémunération dus ou susceptibles d’être dus
consécutivement ou postérieurement à la cessation ou au
changement de leurs fonctions. L’information donnée à
ce titre doit préciser les modalités de détermination de ces
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Décision
Le débat sur le point de savoir qui décide la rémunéra-
tion des présidents directeurs généraux ne peut pas non
plus être éludé. Jusqu’à une date récente, la réponse était
claire : il s’agissait d’une responsabilité exclusive du
conseil d’administration. Désormais, par exception, la loi
a prévu que « les éléments de rémunération ou des avan-
tages dus ou susceptibles d’être dus à raison de ou posté-
rieurement à la cessation de ses fonctions », c’est-à-dire
essentiellement les indemnités de départ et les complé-
ments de retraite, à travers le régime des conventions
réglementées, sont soumis à l’approbation de l’assemblée
générale des actionnaires.
La principale raison invoquée pour impliquer davan-
tage cette dernière est que le conseil d’administration
serait en quelque sorte structurellement enclin à la
complaisance vis-à-vis du président-directeur général.
Tout se passerait dans le cercle clos d’un comité de rému-
nération, ne rendant que peu de comptes au conseil lui-
même et composé de personnages issus du même milieu
que l’intéressé et au surplus liés à lui par la consanguinité
d’intérêts et de participations croisés.
Cette image qui a pu refléter une certaine réalité dans
le passé est aujourd’hui devenue caricaturale, même s’il y
a encore des exceptions. Ayant participé concrètement à
des comités de rémunération, je peux apporter un témoi-
gnage. D’abord le temps des participations croisées est
révolu notamment avec la dissolution des noyaux durs,
qui avaient été hérités des privatisations du gouvernement
Balladur.
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Diversité
Faut-il attacher de l’importance à la diversité des
instruments utilisés pour rémunérer les présidents direc-
teurs généraux des grandes sociétés cotées ? Parler d’avan-
tage financier global fait l’impasse sur cette question. Une
telle approche est naturelle, car, dans la pratique, ce que
prennent en compte l’intéressé comme d’ailleurs ceux qui
ont à décider, comités de rémunérations et conseils d’ad-
ministration, assistés de spécialistes des ressources hu-
maines ou de cabinets de recrutements, c’est bien
l’enveloppe globale des avantages consentis et leur impact
fiscal, la variété des cheminements empruntés étant large-
ment indifférente.
Il n’en est pas de même de beaucoup d’observateurs
extérieurs et, derrière eux, de l’opinion publique qui
concentrent leur attention sur tel ou tel instrument, au fil
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Niveau
Le niveau du salaire par référence à la hiérarchie des
salaires qui résulte de l’économie de marché est ainsi au
cœur du débat.
Il est impossible d’abord de justifier d’une manière
rationnellement convaincante l’écart qui sépare le salaire
le plus faible du salaire le plus élevé dans la plupart des
grandes organisations. Jamais une personne ne pourra
accepter qu’elle vaille sur le marché du travail vingt fois,
cent fois, mille fois, dix mille fois moins qu’une autre per-
sonne. Elle peut s’y résigner, considérer que cela cor-
respond à la logique du système économique et même
accepter qu’il n’y ait pas de meilleur système que ce mau-
vais système, mais le sentiment de l’injustice fondamen-
tale d’une telle situation restera toujours ancré chez
beaucoup. Aussi bien peu nombreux sont ceux qui se sont
aventurés à la justifier en termes d’éthique.
Face à cette situation, on peut considérer que toute
tentative de justification ou de rationalisation est vaine.
L’énormité des rémunérations globales souvent consenties
aux dirigeants ultimes des grandes entreprises cotées serait
ainsi l’un des éléments de l’arrangement innomé qui les
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Discernement
En définitive il faut se rendre à l’évidence : il n’y a pas
de solution miracle.
Résumons-nous.
L’écart entre les hautes rémunérations dont bénéficient
les dirigeants de certaines grandes entreprises et la généra-
lité des salaires, notamment les plus faibles, suscite un sen-
timent d’incompréhension et de rejet, tant il heurte le
sentiment d’équité dans une société qui ne se résigne pas
aux situations d’inégalité, même si elles apparaissent inévi-
tablement liées aux progrès de la richesse collective et
même si l’opinion conteste de moins en moins l’économie
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Faux semblants
En effet, alors qu’il est très difficile de mettre d’accord
nos femmes et hommes politiques sur les questions essen-
tielles qui engagent l’avenir du pays, dette publique, fonc-
tionnement du marché du travail, éducation ou
recherche, il est un sujet sur lequel le consensus est sans
défaut, c’est celui de la condamnation des indemnités de
départ ou des options d’action.
Qu’on soit de droite ou de gauche, on ne trouve pas de
mots assez durs et on ne ménage pas l’expression émue
des bons sentiments pour stigmatiser ce patron stupide,
malhonnête ou inefficace qui a conduit son entreprise à la
ruine et qui néanmoins bénéficierait d’avantages exorbi-
tants. En revanche, on considère normal que celui sup-
posé prendre des risques importants bénéficie en retour
de rémunérations tout aussi importantes. Sans oublier de
mettre à part l’entrepreneur fondateur qui a réussi dont la
fortune ainsi acquise est retenue comme légitime.
On comprend bien que ces propos répétés qui peuvent
réjouir quelques gogos sont d’autant plus rentables politi-
quement que la poignée de personnes qui pourraient se
sentir directement concernées ne constituent aucun enjeu
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6. www.pdgceo.com
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la légitimité de l’argent
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Les circonstances
L’acte pour lequel j’ai été condamné avec deux de mes
anciens collaborateurs est d’avoir consenti, au début de
1994, douze ans auparavant, au paiement d’une commis-
sion de 770 000 euros à un intermédiaire, Étienne
Léandri, décédé en 1995, qui affirmait qu’elle était néces-
saire pour obtenir la délivrance rapide par la Datar de l’a-
grément administratif, indispensable à l’entreprise que je
dirigeais pour transférer le quartier général de l’une de ses
divisions de La Défense à Saint-Ouen.
La justice s’est mise en mouvement en 1998 à la suite
d’une dénonciation orale, confirmée par écrit, par Michel
Carmona, professeur de géographie à la Sorbonne, un
personnage qui gravitait dans l’entourage de Charles Pas-
qua et de la Datar et qui était très proche d’Étienne Léan-
dri et d’autres protagonistes de l’affaire. Étonnamment,
les raisons de sa présence à des réunions où il était ques-
tion d’Alstom et ses véritables motivations ne seront pas
recherchées et il ne lui sera même pas demandé de témoi-
gner au procès.
Au terme du processus d’instruction, le juge d’instruc-
tion et la procureure pensaient disposer d’éléments suffi-
sants pour démontrer que le bénéficiaire ultime de la
commission en question avait été en fait Pierre-Philippe
Pasqua, le fils de Charles Pasqua. En le relaxant bien qu’il
n’ait déféré ni aux convocations du juge d’instruction, ni
à celle du Tribunal, cette Cour de première instance a
considéré à l’évidence que la preuve n’en avait pas été
apportée. Aussi s’est-elle limitée à sanctionner sévèrement
les dirigeants de l’entreprise qui avaient cédé à l’exigence
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« la carnavalisation du pénal »
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Le jugement
Les termes de la partie du jugement qui me concerne
ont été les suivants :
« Si l’on peut regretter que (les anciens dirigeants de
l’entreprise) n’aient pas fait preuve d’un « sursaut
éthique » qui les aurait conduits à refuser de distraire des
fonds sociaux à des fins de trafic d’influence, il convient
de noter :
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« la carnavalisation du pénal »
La démarche judiciaire
En effet la manière dont l’institution judiciaire aborde
les délits financiers, du moins du type de ceux dont j’ai eu
à répondre, n’est pas appropriée. L’intervention du juge
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L’équité
Une dernière réflexion. Les prisons, dit-on, sont peu-
plées d’innocents ou se ressentant comme tels. Bien
qu’ayant admis dès le début de la procédure, avec le recul
du temps, que j’avais commis un délit et accepté, dans
mon for intérieur, qu’une sanction était légitime, j’ai le
sentiment néanmoins d’avoir subi une profonde injustice.
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5. Si les trois anciens d’Alstom qui ont été condamnés et amnistiés ont
décidé de ne pas faire appel, il n’en a pas été de même pour les autres pro-
tagonistes, le consultant, employé par Alstom, et le délégué à l’aménage-
ment du territoire. Quant à l’inculpé en fuite qui avait été relaxé, il a fait
l’objet d’un appel du Parquet. Cet appel devait être jugé en 2007.
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Le mot de la fin
L’un des amis qui me restent me disait l’autre jour.
« Tu n’as pas compris le système. Tu aurais dû nier avoir
été impliqué dans cette décision. D’ailleurs, crois-moi,
ceux de tes anciens collègues qui auraient été tentés de
suivre ton exemple dans des circonstances similaires se le
tiendront pour dit.
Connaissant les relations que tu as eues dans ton exis-
tence professionnelle avec la plupart de tes collaborateurs,
je suis certain qu’ils ne t’auraient pas impliqué.
Conservant ton indemnité de départ à laquelle évi-
demment, tu n’aurais pas dû renoncer, autre exemple qui ne
sera pas suivi, tu aurais dû t’installer à l’étranger, par exem-
ple auprès de ton dernier fils au Canada ou de ta deuxième
fille en Angleterre et tu continuerais tranquillement ton
existence, jouissant des fruits légitimes de ton travail ».
Et, bien entendu, le sens commun lui donne raison. Le
problème est que j’ai ainsi été éduqué que les deux valeurs
auxquelles j’attache le plus d’importance sont : vérité et
honneur. Je ne regrette pas d’avoir essayé de leur rester
fidèles. Que la justice ne pratique qu’imparfaitement, une
autre valeur, celle d’humanité, qui devrait être sa règle, et
préfère se laisser influencer par l’esprit du temps et les
préjugés de l’opinion, est son affaire.
Mais le hasard des lectures m’a fourni les véritables
mots de la fin de cette pitoyable affaire que j’emprunte à
Philippe Muray6 :
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le mythe du modèle social
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1. Point de vue que j’ai développé dans un entretien avec Ilissos, publié
dans la lettre n° 39 de mai 2006 : voir Entretiens page 214
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la déception européenne
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1. L’« esprit averti » qui est cité est Alfred Grosser dans un article « Tirer
les leçons de l’échec de la CED », publié dans La Croix, le 15 septembre
2004.
2. Les citations de François Mitterrand (1992, discours à l’Institut
d’Études Politiques) et de Jean Monnet sont tirées de « Europes, de
l’Antiquité au XX e siècle, anthologie critique et commentée de Yves
Hersant et Fabienne Durand-Bogaert, collection Bouquins, Robert
Laffont, mai 2000.
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La frustration politique
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le temps qui passe…
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Calomnie
Il serait dommage en effet que, par exemple, le seul repère dispo-
nible dans le futur demeure un livre, publié peu de temps après le
mien, que je vois régulièrement cité comme l’ouvrage de référence
faisant autorité sur les inspecteurs des finances et qui a connu un
succès inversement proportionnel à sa qualité et à sa rigueur.
Dans mon cas particulier, deux heures d’entretien au Bar du
Raphaël et un échange de courriels n’avaient même pas permis à
cette auteure de rectifier les données factuelles les plus élémentaires.
Il est vrai que, me déclarant d’emblée son hostilité, et sans doute
l’antipathie, que je lui inspirais, elle n’était pas disposée à écouter ce
qui pouvait, sinon les faire disparaître, du moins les atténuer.
Je me suis interrogé à l’époque sur la réaction que je devais avoir.
Je me suis très vite rendu compte qu’une action judiciaire au pénal
ou au civil avait, compte tenu de la législation française en la
matière, très peu de chances d’aboutir, qu’au demeurant, l’effet que
je pouvais en attendre sur les lecteurs du livre qui le prendraient au
sérieux serait extrêmement limité et qu’elle pouvait même contri-
buer à en renforcer la diffusion.
Désabusé, j’en avais conclu que, ne disposant pas en ce début du
vingt et unième siècle et s’agissant d’une femme, des armes qui, au
dix-neuvième siècle, auraient été appropriées pour une telle circons-
tance, c’est-à-dire le soufflet et le duel, je n’avais d’autre option que
de me taire et d’oublier.
Et d’autant plus, me disais-je, que, venant de publier mon livre,
peu de temps auparavant, les personnes qui souhaiteraient en savoir
davantage sur mon action, pouvait désormais accéder sans difficulté
à ma propre version. En outre l’auteure avait cumulé dans son pro-
pos tellement d’incompétence, de bêtise et de méchanceté qu’entre-
prendre sa réfutation systématique serait lui faire trop d’honneur et
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Exemplarité
Un autre livre publié en août 2005 m’a confirmé dans l’opinion
qu’il était vain d’espérer de l’écoulement du temps une révision
spontanée des jugements catégoriques, rendus dans la chaleur des
événements de 2003.
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Exactitude
Raphaëlle Bacqué, à son tour, dans un article du Monde du
18 octobre 2005, intitulé « Mémoires d’Énarques », est revenue sur
les « accidents industriels », imputés aux « stars de l’inspection des
finances », « de ceux dont on connaît par cœur, dans l’école, les
travaux et les notes. Autant dire que leur chute fut à la hauteur de
l’admiration qu’ils avaient suscitée ».
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Honnêteté
Un autre article, inclus dans le mensuel Enjeux-les Échos de
novembre 2005 a retenu mon attention. Intitulé « Patrick Kron
Patriote économique », il était signé par Anne Feitz. Paradoxale-
ment, si je l’évoque, c’est parce qu’il ne parlait pas de moi et que je
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faits dans mon cas, ni, pour ce que je peux en savoir, dans les autres
analyses qu’il présente. Ainsi, s’il était exact, ce qui n’est pas tout à
fait le cas, du moins par rapport à l’objectif que je m’étais assigné,
comme il l’écrit en conclusion, que ce livre « n’a pas marché », à tout
le moins aurais-je eu au moins un lecteur attentif !
Tout au plus pourrais-je regretter, quand il s’aventurait brièvement
sur un terrain qui ne lui était pas familier, celui de la gestion indus-
trielle, que sa seule référence, pour ce qui me concerne, fût un article
du Monde du 7 août 2003 qui, dans la chaleur estivale, me créditait de
multiples « erreurs stratégiques », « faux pas financiers » et « paris
hasardeux ». Le recul du temps a en effet montré que l’analyse des cau-
ses de la crise financière d’Alstom que j’ai présentée dans mon livre
avait davantage de sens et de validité que de tels raccourcis, dictés par
l’humeur superficielle du moment et les tactiques des uns et des autres.
Acharnement
Dans cette revue des avatars médiatiques que me vaut encore
mon passé industriel, j’ai débuté l’année 2006 avec la lecture d’un
livre « Le mal industriel français – En finir avec l’acharnement
industriel de l’État » de Jean-Pierre Gaudard. Le sujet traité plus
encore que le fait que nous ayons eu en commun le même éditeur,
Bourin Éditeur, m’y avait encouragé. Le plaisir que j’espérais en reti-
rer a été partiellement déçu. Non pas que le livre ait manqué d’inté-
rêt. Il offre des aperçus éclairants, sans être bouleversants, sur « la
mort de l’industrie des territoires », sur « la deuxième révolution
industrielle », celle de l’informatique et d’Internet avec notamment
une réflexion qui me semble originale et peut-être inédite sur la
portée et les limites de « la domination technologique » et sur la part
des grands groupes dans le produit intérieur brut français en
s’appuyant sur les travaux de René Abate.
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Rapprochements
S’agissant du rapprochement éventuel avec Siemens que j’ai évo-
qué effectivement dans mon livre, j’ai pensé et écrit qu’un regroupe-
ment dans le domaine de la production d’énergie aurait pu avoir du
sens, essentiellement en raison de coûts de développement impor-
tants que ne manquera pas d’occasionner la prochaine génération de
turbines à gaz dans les dix à vingt prochaines années. Pouvait-on
imaginer que là où aux États-Unis, il n’y a plus qu’un seul fabricant
de turbines à gaz, General Electric, dont les développements dans ce
domaine reçoivent un soutien financier massif du gouvernement
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Histoire
Enfin, en décrivant la situation de l’ancienne Alsthom à la fin des
années 1980, l’auteur n’était pas loin de la réalité même s’il la dra-
matisait quelque peu. Mon prédécesseur, Jean-Pierre Desgeorges
n’était pas resté les deux pieds dans le même sabot et avait déjà
amorcé l’internationalisation comme relais à l’effondrement du mar-
ché national, ne serait-ce, excusez du peu, qu’en étant à l’origine,
avec Paul Combeau et moi-même avec le soutien de Pierre Suard, de
la fusion avec Gec Power Systems.
Mais en écrivant in fine que « le scénario des quinze ans à venir
est pratiquement écrit d’avance », je n’imaginais pas qu’il ait pu vou-
loir dire que, dans les années 1980, un supposé échec d’Alstom était
en quelque sorte inévitable. La réalité avait été en effet toute diffé-
rente. Au cours des vingt dernières années, en dépit d’obstacles
nombreux, le plus important ayant été la difficulté structurelle des
acteurs français de ce domaine industriel à mettre fin à leur balkani-
sation, l’entreprise avait su devenir l’un des trois premiers groupes
électrotechniques mondiaux et s’imposer sur tous les marchés de la
planète par la qualité de ses technologies, de ses produits, de ses ser-
vices et de son commerce.
La crise financière de 2003 ne mettait pas en cause ce jugement.
Les défauts techniques des GT24/26 ayant été corrigés, ces machines
se sont imposées, notamment sur le marché 50 Hz, comme fiables,
efficaces et écologiques de sorte que les clients leur manifestent une
confiance grandissante. Alstom a retrouvé les performances qui
étaient les siennes avant la crise et est en bonne voie pour les dépasser.
On peut certes regretter que le système bancaire n’ait pas pu
accompagner à lui seul l’entreprise dans le passage de ce cap difficile
et que l’intervention de l’État ait été nécessaire. Celle-ci avait été
caricaturée par une mise en scène répétée de chiffres faux et mal
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Perseverare diabolicum
Ce ne sera pas encore le mot de la fin. Dans un court com-
mentaire, Elie Cohen dans Challenges du 12 janvier 2006, sous le
titre « L’État doit-il encore intervenir dans les entreprises », écrit
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Plus-values
L’équité commande néanmoins de relever aussi les commentaires
qui éclairent d’un jour plus véridique cette triste histoire. Frank
Dedieu dans L’Expansion du 22 février 2006 en analysant les perfor-
mances de l’État actionnaire avait ainsi mis en lumière l’excellente
affaire qu’il avait réalisée en investissant dans Alstom :
« Avec Alstom, c’est encore mieux. Là, le bilan financier de l’État
pourrait faire pâlir de jalousie les plus grands spéculateurs de Wall
Street. Au cours de l’été 2003, Francis Mer, alors ministre des Finan-
ces, décide de ne pas laisser tomber ce fleuron technologique
français. L’État lui donnera trois coups de pouce. D’abord, il garantit
les cautions contractées par Alstom, et prélève au passage une com-
mission de 1 % sur le montant. Puis il accorde plusieurs prêts au
groupe, sans oublier de percevoir une rémunération de… 7,5 %.
Ces crédits lui ont rapporté 300 millions d’euros d’intérêts. Enfin, le
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connaît le sens des mots, ce qui est généralement le cas des chefs
d’entreprise, et bien que cela n’ait guère été relevé par les commenta-
teurs, les orientations recommandées sont claires :
- insistance répétée sur la nécessité d’une approche « exhaustive »
et « globale » qui ne peut qu’inciter à la modération ;
- appel à un « juste équilibre » ;
- plus encore, affirmation que la rémunération doit « être détermi-
née en cohérence avec celle des autres dirigeants afin de maintenir une
solidarité avec l’équipe dirigeante », renforcée plus loin par l’indica-
tion qu’elle « doit être mesurée, équilibrée, équitable et renforcer la soli-
darité et la motivation à l’intérieur de l’entreprise », ce qui signifie,
garde-fou concret et utile, que les écarts par rapport à l’équipe diri-
geante ne doivent pas être excessifs ;
- audace particulièrement inattendue et novatrice, indication que
cette rémunération « doit aussi tenir compte, dans la mesure du possi-
ble, des réactions des autres parties prenantes de l’entreprise et de l’opi-
nion en général » ;
- attribution des options d’actions et d’actions gratuites « en rela-
tion avec le montant de la rémunération annuelle », en les valorisant
individuellement « en appliquant les méthodes retenues pour les comp-
tes consolidés », en veillant à ce que leur total représente « une faible
part du capital » et en proscrivant toute décote ;
- exercice des options d’actions et acquisition d’actions gratuites,
conditionné « à des objectifs de performance sur une ou plusieurs
années ».
La nécessité d’expliquer les décisions prises est une autre exigence à
laquelle les « recommandations » s’efforcent de donner un contenu
concret :
- affirmation que le « souci d’explication et d’équilibre doit égale-
ment prévaloir à l’égard des actionnaires » ;
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Les idées.
Les écrits politiques de M. Mitterrand peuvent s’ordonner autour
de deux axes directeurs : la justification du passé et la construction
de l’avenir.
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La justification du passé.
Dans un livre qui a fait un certain bruit, « Présence française et
abandon », M. Mitterrand s’attache à fixer les responsabilités dans
l’évolution et la destruction de l’Empire français. Ce faisant, il en
profite pour essayer de laver le gouvernement Mendès-France de
toute accusation de trahison.
Il commence par admettre un fait : « À l’issue de la conférence de
Genève, au petit matin du 21 juillet 1954, après un long combat, la
mort de 35 000 officiers et soldats, une dépense de trois mille
milliards et un arbitrage international, que restait-il de la présence
française en Indochine ? Rien ou peu de chose. ». Le bilan est brutal.
Cependant « le 23 juillet 1954, 471 députés contre 14 invitèrent
M. Mendès-France à continuer son œuvre ». C’est donc qu’il n’était
– au minimum – pas le seul coupable. Car « sur le plan politique, si
braderie il y eut, ce dernier n’eut plus à brader que des oripeaux
sacrifiés ». Et comme le disait le député Dronne à M. Mendès-
France : « Dans cette affaire, vous êtes le syndic de la faillite des aut-
res, de ceux qui depuis les Vêpres tonkinoises de décembre 1946,
nous ont menés là où nous sommes maintenant ». En fait, selon
M. Mitterrand, les responsables, c’étaient tous ceux qui avaient
mené la politique française depuis dix ans.
De même en Tunisie, la situation était pourrie quand le gouver-
nement Mendès-France vint au pouvoir. Des erreurs avaient été
commises, erreurs qui « contraignirent… M. Mendès-France à
déterminer l’autonomie interne de la Régence dans un climat d’hos-
tilité et de méfiance qu’avaient encore alourdi les excès et les crimes-
… ». Bien plus « le discours de Carthage est dans le droit fil des
promesses de 1952 lors que MM. Pinay et Schuman se refusaient
encore à substituer les rigueurs de la force à la loi du contrat ».
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La construction de l’avenir.
Pour M. Mitterrand, le problème algérien ne se résoudra pas avec
un plan détaillé et préconçu. Il rejoint là M. Mendès-France. Il
pense qu’il ne faut négliger aucune solution. C’est ainsi qu’il exa-
mine la loi-cadre. En dehors du fait qu’elle n’installe pas un pouvoir
fédérateur à Alger, son défaut essentiel lui paraît être qu’à son occa-
sion s’instaure une politique de ventriloque « qui échange commo-
dément les questions et les réponses sans craindre la contradiction »
(Article dans La Nef de septembre 1957). « Sur la loi-cadre pèse déjà
une lourde hypothèque : elle ne sera pas la conclusion d’un dialogue
entre la métropole et l’Algérie. Ne lui ajoutons pas la tare irrémissi-
ble d’un fédéralisme incomplet ou d’une intégration déguisée… »
(Article dans La Nef de septembre 1957). Il faut donc, pour M. Mit-
terrand, pour arriver à une solution, instaurer le dialogue de la façon
la plus large possible, il faut entamer les négociations.
Mais avant les négociations, il y a quelques préalables à résoudre
(Article dans La Nef de novembre 1957)
1) « Nos adversaires doivent savoir sans équivoque qu’il n’y a pas
plus pour eux que pour nous de solution de force… »
2) « En tout état de cause le préalable de l’indépendance interdit
la négociation. Mais si la France dit non à l’exigence du FLN,
elle doit en même temps définir l’autre terme de l’alterna-
tive… Le peuple algérien existe. Lui refuser la gestion de ses
propres affaires, c’est opposer au préalable de l’indépendance,
le préalable de l’intégration. Une telle alternative mène droit à
la perte de l’Algérie »…
3) « On discute avec qui l’on se bat… ».
Ensuite l’on pourra négocier en utilisant éventuellement les
Bons-Offices du Maroc et de la Tunisie, bien que la meilleure procé-
dure soit encore celle des négociations directes sans intermédiaires.
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Voilà quelles étaient les idées de ces hommes politiques, les plus
représentatifs des nouvelles gauches pendant les années 1956-1957
et 1958. On verra plus tard comment ces idées ont agi dans la vie
politique, on verra l’étendue de leur influence sur les esprits, on
verra leur échec final sanctionné par le 13 mai. Ce qu’il faut souli-
gner ici, c’est qu’inlassablement ils les ont répétées parce qu’ils
croyaient que c’était la vérité. La chance ne leur a pas souri, le peu-
ple ne les a pas suivis. On comprendra alors l’angoisse qui fut la leur,
de voir leur vérité méconnue et ce qu’ils considéraient comme des
catastrophes accourir au milieu de l’inconscience générale, l’angoisse
qu’exprime bien ce passage du discours prononcé par M. Mendès-
France lors de l’investiture du Général De Gaulle le 1er juin 1958 :
« Assez souvent, je me suis rendu importun dans cette enceinte
en avertissant des périls où l’on marchait, avec cet irréalisme com-
posé de grandes illusions et de petites ruses.
Quelle peine aujourd’hui pour ceux qui annonçaient que nous en
arriverions bientôt là où nous nous trouvons maintenant, pour ceux
qui essayaient d’élever leurs voix, trop souvent dominée par les cla-
meurs de la démagogie, contre les mauvaises mœurs politiques, contre
les routines, contre la pusillanimité devant les grands intérêts… ».
Achevé d’imprimer en mars 2007
sur rotative numérique par Book It !
dans les ateliers de l’Imprimerie Nouvelle Firmin Didot
Le Mesnil-sur-l’Estrée (France).
Dépôt légal mars 2007
Imprimé en France