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CHAPITRE 2
FILES D'ATTENTE
1. Généralités.
arrivée
départs
clients
clients
Agence bancaire
Ici, les serveurs sont les guichets de l'agence. Typiquement, tous les guichets offrent le
même service, et chaque client ne devra donc visiter qu'un seul guichet.
Atelier de production
Les 'clients' sont les ordres de fabrication à exécuter, et les 'serveurs' sont les machines
nécessaires à l'exécution de chaque ordre de fabrication.
47
Parking
Les 'clients' sont les véhicules qui cherchent à stationner (plutôt que les occupants, en
nombre variable, de ces véhicules). Les 'serveurs' sont les emplacements de parking, et la
'durée de service' est la durée pendant laquelle chaque véhicule reste stationné.
On remarque que les situations considérées peuvent différer énormément les unes des
autres. Pour mettre un peu d'ordre au milieu du chaos, les théoriciens ont été amenés à
classifier les systèmes rencontrés en précisant certaines de leurs caractéristiques. En
particulier, on distingue ainsi:
• Les systèmes à serveurs parallèles, où chaque client ne requiert le service que d'un seul
serveur et tous les serveurs sont capables de fournir ce service.
arrivées départs
• Les systèmes à serveurs en série, où chaque client doit visiter plusieurs serveurs
successifs dans un ordre fixe pour recevoir satisfaction.
arrivées départs
• Les clients forment une ou plusieurs files d'attente, éventuellement caractérisées par
des priorités différentes (par exemple, dans un atelier, commandes urgentes ou non). Au
sein de chaque file, le prochain client à servir est sélectionné sur base d'une règle
prédéterminée, appelée discipline de service. Les disciplines de service les plus courantes
sont: premier arrivé premier servi (First In First Out, First Come First Served) (surtout
utilisée dans les services, par souci d'équité), temps de service le plus court d'abord (utilisé
dans les ateliers de production), dernier arrivé premier servi, sélection aléatoire, etc.
Nous appelons état d'un système à l'instant t le nombre n(t) de clients présents dans le
système à cet instant (un client est « présent dans le système » si il est en file d’attente ou
en cours de service). Les quantités fondamentales auxquelles s'intéresse l'analyste dans le
cadre des modèles de files d'attente sont les probabilités d'état, que nous définissons de la
façon suivante: pour n = 0, 1, 2, ... et t ≥ 0,
pn(t) = probabilité de l'état n à l'instant t (1)
= probabilité que n clients soient présents dans le système à l'instant t
= Pr[n(t) = n].
∞
∑ p n = 1.
n=0
Lorsque les probabilités (1) et/ou (2) sont connues, il est possible de calculer de
nombreuses mesures de performance du système de files d’attente à étudier. Parmi les plus
importantes, on considérera les mesures à long terme suivantes:
Ls = nombre espéré de clients dans le système (à un instant quelconque dans le long
terme)
Lq = nombre espéré de clients dans la file d'attente (à un instant quelconque dans le long
terme)
Ws = temps espéré passé par chaque client dans le système (dans le long terme)
Wq = temps espéré passé par chaque client dans la file d'attente (dans le long terme).
Par définition, on a:
∞
Ls = ∑ n p n (3)
n= 0
50
La relation entre les paramètres L et W est plus subtile, mais joue un rôle primordial dans la
théorie des files d’attente. Pour la décrire, notons:
λeff = taux d'entrée moyen des clients dans le système (nombre moyen de clients entrant
dans le système par unité de temps).
L’équation suivante, désignée sous le nom de loi de Little, lie les paramètres LS, WS et λeff
et permet donc de calculer l’une de ces quantités lorsque les deux autres sont connues:
Démonstration. Sans vouloir entrer dans les détails d’une démonstration formelle, la
validité de l’équation (5) peut être justifiée intuitivement par le raisonnement suivant (voir
Ross, 1989). Supposons qu'un gestionnaire décide de payer 1 euro à chaque client par unité
de temps que ce client passe dans le système. Calculons de deux façons différentes combien
le gestionnaire dépense au cours d'une période suffisamment longue, disons de longueur T,
située dans le long terme (plus précisément, nous allons calculer l’espérance de la somme
dépensée).
1ère façon: puisque, en moyenne, Ls clients se trouvent dans le système à chaque instant, la
somme déboursée se monte à Ls T euros.
2ème façon: pendant la période considérée, λeff T clients entrent dans le système, et chacun
d'eux y reste, en moyenne, Ws unités de temps; au total, les clients reçoivent donc λeff T
Ws euros du gestionnaire.
Par conséquent, Ls T = λeff T Ws , et l'équation (5) s'ensuit. CQFD
La loi de Little est valide sous des hypothèses très générales et sous une interprétation très
large du mot « système ». En particulier, elle reste valide lorsque la file d'attente elle-même
est interprétée comme un système:
Lq = λeff Wq . (6)
Il suffit pour s'en persuader de répéter l'argument esquissé dans la démonstration
précédente, en ne payant cette fois que les clients qui se trouvent en file d'attente.
51
Notons enfin que de nombreuses autres mesures de performance (à long terme) peuvent
être déduites simplement de celles introduites ci-dessus. Par exemple, puisque les clients en
cours de service sont précisément ceux qui sont présents dans le système mais pas en file
d’attente, on obtient:
durée moyenne du service, par client = Ws - Wq (7)
nombre moyen de serveurs occupés = Ls - Lq. (8)
Si le système comporte c serveurs, le taux moyen d’occupation de chaque serveur (c’est-à-
dire, la proportion du temps pendant laquelle chaque serveur est occupé) est alors obtenu
par la formule
LS − Lq
.
c
Nous allons à présent illustrer quelques-uns des concepts introduits sur un exemple
numérique simple.
Exemple 1.
Le gestionnaire d'un petit atelier enregistre en moyenne 5 commandes par jour. Les 6
ouvriers employés dans l’atelier sont très polyvalents, si bien que chaque commande peut
être réalisée par n’importe lequel d’entre eux. Néanmoins, le gestionnaire est inquiet car il
constate que les ouvriers sont occupés en permanence et que son carnet de commandes
contient, en moyenne, une vingtaine de commandes en cours (enregistrées, mais non
satisfaites).
Pour mieux comprendre la situation, le gestionnaire aimerait estimer le temps moyen
consacré par les ouvriers à chaque commande. Il voudrair également pouvoir annoncer à
ses clients, au moment de la passation de commande, un délai de livraison attendu.
Ls − L q 6
Ws − Wq = = ,
λ eff 5
et chaque commande requiert en moyenne 1,2 jours de travail effectif.
En pratique, les modèles de files d'attente sont souvent utilisés dans des situations où les
seules caractéristiques directement observables ou prédictibles du système concernent le
processus d'arrivée des clients et la distribution du temps de service (c'est par exemple le
cas dans la phase de conception d'un système). Le but de l'analyse est de calculer les
paramètres Ls, Lq, Ws, Wq, ... sur base de ces données.
52
Dans de nombreux cas, il est impossible de dériver des expressions analytiques pour ces
mesures de performance et il faut alors recourir à des procédures de calcul numérique ou à
des simulations du système étudié pour estimer leur valeur. Dans d'autres cas, par contre,
les processus d'arrivée et de service possèdent des propriétés autorisant une analyse très
complète du système. Nous allons maintenant présenter les plus typiques de ces propriétés.
3. Processus de Poisson.
Nous notons N(t) le nombre d'arrivées de clients survenues dans l'intervalle de temps [0, t),
pour t ≥ 0. La quantité N(a+t) − N(a) représente alors le nombre d’arrivées enregistrées
entre les instants a et a+t, pour tout a ≥ 0 et t ≥ 0.
En règle générale, pour chaque t ≥ 0, N(t) est une variable aléatoire. L’ensemble de ces
variables aléatoires fournit une représentation mathématique, c’est-à-dire un modèle, des
arrivées de clients dans le système. On baptise processus (stochastique) d'arrivée cet
ensemble { N(t) : t ≥ 0 }.
Le processus d'arrivée peut bien sûr présenter des caractéristiques variées en fonction de la
situation modélisée. Mais il est fréquent dans la pratique que ce processus soit (du moins en
première approximation) un processus de Poisson, ce qui signifie qu'il existe un paramètre
λ > 0 (appelé taux du processus) tel que:
(i) le nombre d'arrivées dans tout intervalle [a,a+t) de longueur t suit une loi de Poisson
de moyenne λt, c'est-à-dire: pour a, t ≥ 0 et n = 0, 1, 2, ...
n
−λt (λ t)
Pr [ N(a + t) − N(a) = n] = e ;
n!
(ii) si [a,b) et [c,d) sont des intervalles de temps disjoints, alors le nombre d'arrivées
dans [a,b) est indépendant du nombre d'arrivées dans [c,d).
(iii) N(0) = 0.
(par exemple, [0,5)) ne fournit aucune indication sur le nombre d'arrivées à attendre dans
un intervalle disjoint [c,d) (par exemple l’intervalle [5,8)).
La propriété (i), quant à elle, est encore plus restrictive et beaucoup moins intuitive. Elle
implique en particulier que le processus d’arrivée est stationnaire, ce qui veut dire que les
nombres d’arrivées enregistrés dans deux intervalles distincts de même durée suivent la
même loi de probabilité (ceci, en dépit de leur indépendance mutuelle, exprimée par la
propriété (ii)). Pour un intervalle de longueur t fixée, disons [0,t), le nombre espéré
d'arrivées se calcule comme suit:
∞
E[ N(t)] = ∑ n Pr[ N(t) = n]
n= 0
∞
(λ t) n
= ∑ ne − λt
n= 0 n!
∞
(λ t) n −1
= λ t e − λt ∑ (n − 1)!
n =1
xn ∞
Si l'on se souvient que e = ∑
x
, on obtient
n=0 n!
E[ N(t)] = λ t e − λt e λt
= λ t.
En posant t = 1, on voit que λ est exactement le nombre espéré d'arrivées par unité de
temps, ce qui explique l’appellation « taux du processus » donnée à λ .
Nous avons déjà mentionné que le processus de Poisson fournit une bonne approximation
de nombreux processus d'arrivée observés empiriquement. Un théorème remarquable dû à
Palm et Khintchine fournit une justification théorique de cette omniprésence des processus
de Poisson. Considérons un processus d’arrivée qui peut être envisagé comme résultant de
la superposition de m processus d'arrivée indépendants les uns des autres (qui décrivent, par
exemple, les processus d'arrivée de m classes de clients distinctes). Plus précisément, si N1,
N2, ..., Nm désignent les m processus indépendants, alors N(t) = N1(t) + N2(t) + ... + Nm(t).
Supposons par ailleurs que chacun des processus N1, N2, ..., Nm est stationnaire (attention:
nous ne faisons pas l’hypothèse que ces processus sont poissonniens !!). Le théorème de
54
Palm-Khintchine affirme que, sous ces conditions (et quelques hypothèses plus techniques),
le processus d'arrivée obtenu par superposition des m processus individuels se comporte
approximativement comme un processus de Poisson lorsque m est assez grand (voir
Heyman et Sobel, 1982 pour plus de détails). Le théorème de Palm-Khintchine indique
donc que les processus de Poisson jouent vis-à-vis de la superposition des processus
d'arrivée un rôle de « loi universelle » similaire à celui rempli par la loi normale vis-à-vis
de l'addition des variables aléatoires (rôle exprimé par le théorème central limite).
4. Distribution exponentielle.
Intuitivement, il existe deux façons de décrire le processus selon lequel les arrivées de
clients surviennent dans un système: on peut en effet vouloir placer l’accent sur
• le nombre de clients qui arrivent dans un intervalle de temps donné (par exemple, 10
clients par heure), ou sur
• l’intervalle de temps écoulé entre deux arrivées successives (par exemple, une arrivée
toutes les 6 minutes).
La description adoptée dans la section précédente était du premier type, puisqu’elle reposait
sur la considération du processus d’arrivée { N(t) : t ≥ 0 }.
Par définition, on dit que la variable aléatoire X suit une distribution exponentielle de
paramètre λ. En combinant ce résultat avec la propriété (ii) des processus de Poisson, on
obtient ainsi aisément une « moitié » du résultat fondamental suivant (la réciproque est plus
délicate et nous l'énonçons sans démonstration).
Ce résultat montre que les processus de Poisson d’une part et les variables aléatoires à
distribution exponentielle d’autre part ne procurent en réalité que deux visions différentes,
mais équivalentes, d’un même phénomène stochastique: simplement, le processus de
Poisson focalise l’attention sur le nombre d’arrivées par unité de temps, alors que la
distribution exponentielle modélise plus directement l’intervalle de temps qui s’écoule
entre deux arrivées successives.
Mentionnons encore que, si X suit une loi exponentielle de paramètre λ, alors E[X] = 1/λ et
Var[X] = 1/λ2. La valeur de E[X], en particulier, est bien celle que l'on attend
intuitivement: puisque λ est le nombre moyen de clients arrivant par unité de temps,
l'intervalle de temps moyen séparant deux arrivées successives doit valoir 1/λ.
Première démonstration.
Pr [X > t + s | X > s]
Pr[ X > t + s et X > s ]
=
Pr [ X > s ]
Pr[ X > t + s ]
=
Pr [ X > s ]
e − λ (t + s)
=
e − λs
= e −λ t
= Pr [X > t ].
CQFD
Exemple 2.
A Lilliput, les trains arrivent à la gare centrale selon un processus de Poisson, à raison de 2
trains par heure en moyenne. Gulliver arrive à la gare, où un employé lui signale que le
dernier train est passé il y a une heure déjà. Quelle est la probabilité que Gulliver doive
attendre plus de 10 minutes avant de voir arriver le train suivant?
Réponse: La durée d'attente X entre deux trains successifs est distribuée exponentiellement,
avec paramètre λ = 2. La Proposition 3 nous montre que l'information donnée par l'employé
n’affecte pas la probabilité à calculer:
Pr [X > 1 1/6 ⏐ X > 1] = Pr [X > 1/6] = e-1/3 .
Un raisonnement alternatif conduit (heureusement) au même résultat. La probabilité
recherchée est exactement celle qu'il n'y ait pas d'arrivée du processus de Poisson dans un
intervalle de longueur 1/6, c'est-à-dire
(2 / 6) 0
Pr[ N(1 / 6) = 0 ] = e −2/6 = e −1/3 .
0!
5. Processus de service.
hypothèse devrait être infirmée ou validée par un test d’hypothèse classique, comme par
exemple le test du chi-carré). On dit que µ est le taux de service moyen des serveurs.
Pour compléter cette discussion, supposons que le processus de service d’un serveur unique
satisfait aux hypothèses précédentes: en particulier, les durées X1, X2, ... sont indépendantes
et suivent toutes une loi exponentielle de même paramètre µ. Remarquons que, si le serveur
est occupé en permanence, alors ces durées peuvent être vues comme des ‘durées entre
sorties successives’ du système (par analogie avec les ‘durées entre arrivées successives’
dans le système). Notons S(t) le nombre de clients servis par le serveur dans l’intervalle de
temps [0,t) ou, de façon équivalente, le nombre de sorties de clients enregistrées dans
l’intervalle [0,t). Si le serveur est occupé en permanence, la Proposition 2 implique donc
que { S(t) : t ≥ 0 } est un processus de Poisson de taux µ, et µ représente l’espérance du
nombre de clients servis par unité de temps.
En général, cependant, le serveur n’est pas occupé en permanence (en raison du caractère
aléatoire du processus d’arrivée, ou par suite d’un taux d'arrivée relativement faible). Dans
ce cas, le processus de service diffère du processus de sortie et, en particulier, le taux de
sortie du système est inférieur à µ. Il est utile de bien comprendre cette distinction entre
taux de service et taux de sortie; nous y reviendrons dans notre discussion des processus de
naissance et de mort.
6. Notations de Kendall.
Suivant une suggestion de Kendall, on décrit souvent les caractéristiques essentielles d'un
système de files d'attente par une notation abrégée de la forme a/b/c/N, où
• a ∈ {M, G, ...} précise le processus d'arrivée: M (Markovien) pour un processus de
Poisson, G (général) pour un processus quelconque non précisé, ...;
• b ∈ {M, G, ...} précise la distribution des durées de service: M (Markovien) pour des
durées indépendantes et distribuées exponentiellement avec moyenne identique pour
chaque serveur, G pour des durées quelconques, ...;
• c ∈ {1, 2, ..., ∞} indique le nombre de serveurs;
• N ∈ {1, 2, ..., ∞} précise la capacité du système, c'est-à-dire le nombre de clients qui
peuvent simultanément s'y trouver.
Le paramètre N est souvent omis lorsqu’il vaut +∞. Ainsi, on parlera de systèmes M/M/1,
M/M/5/8, M/G/1, etc. Par ailleurs, la notation a/b/c/N est parfois complétée par des champs
58
Dans la suite de cet exposé, nous nous limiterons à l’étude des systèmes de type M/M/c/N
(systèmes de file d'attente à arrivées poissonniennes et à durées de service exponentielles)
pour lesquels les processus de naissance et de mort fournissent un cadre d’analyse
uniforme.
Rappelons que l’état d'un système de files d'attente à l'instant t, noté n(t), est simplement le
nombre de clients présents dans le système à l’instant t. L'ensemble des variables aléatoires
d’état décrit un processus stochastique {n(t): t ≥ 0}. Considérons à présent un système très
général, dans lequel nous ferons abstraction (du moins, à première vue) des caractéristiques
telles que nombre de serveurs, capacité, etc. On peut utilement visualiser un tel système
comme une ‘boîte noire’, simplement caractérisée par un processus d’arrivée, un processus
de sortie et un processus d’état résultant de la combinaison des arrivées et des départs : à
chaque instant t+∆t, l’état n(t+∆t) du système résulte des arrivées et sorties enregistrées
entre t et t+∆t. Sans être parfaitement rigoureuse, la définition suivante permet d’introduire
les caractéristiques d’un tel système auxquelles nous allons nous intéresser.
Dans un processus de naissance et de mort, les taux d’arrivée et de service sont donc
variables en fonction de l’état du système. Ceci semble nous éloigner des modèles de files
d’attente M/M/c/N, puisque le taux d’arrivée des clients et le taux de sortie sont
apparemment constants dans ces modèles (égaux à λ et µ, respectivement). Mais en réalité,
les processus de naissance et de mort fournissent un cadre d’analyse idéal pour les modèles
M/M/c/N, dans lequel les notions de « nombre de serveurs » et de « capacité du système »
peuvent être traitées à un niveau d'abstraction élevé, à travers des variations des taux
d'arrivée et de sortie. Plus précisément, nous montrerons ci-dessous que le processus {n(t): t
≥ 0} associé à un système M/M/c/N est toujours un processus de naissance et de mort.
59
- λt ( λ t) n
= e (n = 0,1,...) .
n!
−µt
(µ t) N − n
= e (n = 1, 2, ..., N)
(N − n)!
et
60
j= 0 j!
N
= 1 − ∑ p n (t)
n =1
N
(une autre façon de calculer p0(t) consiste à remarquer que l'identité ∑p
n =0
n ( t ) = 1 doit être
µ
λ µ cµ
µ
61
Dans le cas simple d’un processus de naissance pur ou de mort pur, il est possible de
calculer directement les probabilités d'état pn(t) sous forme analytique (voir ci-dessus). Par
contre, pour des processus de naissance et de mort plus généraux, le calcul de ces
probabilités devient difficile ou tout simplement impossible. On se contente donc souvent
d’établir des formules analytiques pour les probabilités à long terme pn, n = 0, 1, 2, ... (voir
Section 2). Nous allons à présent énoncer un résultat général permettant de dériver de telles
formules.
pn-1 pn pn+1
λn-1 λn
0 1 … n-1 n n+1 …
µn µn+1
62
Dans ce graphe, les sommets correspondent aux états possibles du système, et chaque arc
indique une transition possible d'un état vers un autre (remarquer que les arcs de la forme
(n,n+2), (n,n-2), (n,n+3), ... ne figurent pas dans ce graphe, puisque les arrivées et les
départs d'un processus de Poisson sont toujours individuels).
Lorsque le système est dans l’état n, il passe à l’état n+1 au taux moyen λn (attention: il
s’agit là d’un taux conditionnel au fait que le système est dans l’état n). Cette valeur se
retrouve sur l’arc (n,n+1) du graphe de transition. Puisque pn est, intuitivement, la
proportion du temps pendant laquelle le système se trouve dans l'état n, on en déduit:
De même, lorsque le système est dans l'état n+1 (ce qui se produit durant une proportion
pn+1 du temps), il passe dans l’état n au taux moyen µn+1. On obtient ainsi:
µn+1 pn+1 = taux espéré auquel le système passe de l'état n+1 à l’état n.
Les équations d'équilibre traduisent donc simplement le fait que, en régime stationnaire,
c’est-à-dire à l’équilibre, le système connaît autant de transitions (par unité de temps) de
l’état n vers l’état n+1 que de l'état n+1 vers l’état n.
Exemple 3.
Supposons que pour un système particulier p2 = 0,25 et λ2 = 20 (clients par heure): si il y a
deux clients présents dans le système (ce qui se produit un quart du temps environ), le taux
d’arrivée moyen est donc de 20 clients par heure. En moyenne, on assiste donc 5 fois par
heure (0,25 × 20) à une transition de l’état ‘2 clients présents’ vers l’état ‘3 clients
présents’.
Lorsque µn > 0 pour n = 1, 2, ... (ce qui est par exemple le cas pour tout système M/M/c/N
avec µ > 0), les équations d'équilibres peuvent être facilement résolues en terme de p0. En
effet, on obtient successivement
λo
p1 = p ,
µ1 0
λ
p 2 = 1 p1
µ2
λ λ
= ο 1 po ,
µ1µ 2
63
λ ολ 1 ... λ n −1
pn = p o pour n = 1, 2, ... (11)
µ1µ 2 ... µ n
Pour que (11) détermine une distribution de probabilité, il faut et il suffit qu'il existe une
∞
valeur de p0 telle que ∑p
n= 0
n = 1.
λ pn = 0 ( n = 0,1, 2,...).
Ce système a pour unique solution: pn = 0 pour n = 0, 1, 2, ..., et donc les pn ne forment pas
une distribution de probabilité (l’équation de normalisation (10) n'est satisfaite). Cette
conclusion aurait pu être anticipée: dans un processus de naissance pur, l’état du système
croît indéfiniment, ce qui interdit l'existence de probabilités stationnaires.
64
⎧0 si n = 0
µn = ⎨
⎩µ si n = 1, 2, ..., N.
⎧µ p1 = 0
⎨
⎩µ p n+1 = 0 (n = 1, ..., N - 1)
⎧p 0 = 1
⎨
⎩p n = 0 ( n = 1, 2,...)
⎧ λ p o = µ p1
⎨
⎩λ p n = µ p n + 1 (n ≥ 1)
La solution de ce système est donnée par la formule (11) qui devient ici:
λ
pn = ( ) n po ( n ≥ 1). (12)
µ
λ
La quantité ρ = ( ) est baptisée intensité du trafic. Si les probabilités stationnaires existent,
µ
alors elles doivent satisfaire à (12) et à (10), c'est-à-dire à
65
∑ρ n
p0 = 1 (13)
n=0
∞
On sait que, si ρ ≥ 1, alors la série ∑ρ n
diverge, et donc (13) n'a pas de solution. Par
n=0
∞
∑ρ
1
contre, si ρ < 1, alors n
= , et les probabilités stationnaires sont définies par les
n=0 1− ρ
relations:
p n = ρn (1 − ρ). (n = 0, 1, ...)
La condition ρ = λ/µ < 1, nécessaire pour l'existence des probabilités à long terme, peut
être intuitivement justifiée. En effet, si λ > µ, alors le taux d'arrivée dans le système est
supérieur au taux de service, et le nombre moyen de clients dans le système tend à croître
sans limite.
[
= (1- ρ) ρ + 2ρ 2 + 3ρ 3 +... ]
[ ] [
= ρ + 2ρ 2 + 3ρ 3 + ... − ρ 2 + 2ρ 3 + 3ρ 4 + ... ]
= ρ + ρ + ρ + ...
2 3
ρ
= .
1− ρ
Il est intéressant de remarquer que lim− L S = + ∞ : ceci signifie que, lorsque λ est très
ρ→1
proche de µ, le nombre de clients dans le système est généralement élevé même si λ < µ. En
particulier, l'intuition selon laquelle le système est « en équilibre » si ρ = 1 est donc
trompeuse.
Puisque le taux d'arrivée est constant, λeff = λ dans un système M/M/1. La loi de Little (5)
implique alors:
1 1
WS = L S = .
λ µ(1 − ρ)
En observant que la durée moyenne de service de chaque client vaut 1/µ, la relation (7)
devient
1
WS − Wq =
µ
66
et donc
ρ
Wq = .
µ (1 − ρ )
Remarquons à nouveau que la performance d'un système M/M/1 (en terme de temps
d'attente des clients) se dégrade rapidement lorsque ρ est proche de 1 (c'est-à-dire lorsque le
serveur est très utilisé). Par exemple, si les clients arrivent au rythme de λ = 1 par heure et
1
si le temps de service moyen est de = 0,9 heure = 54 minutes, alors le serveur sera
µ
occupé 90% du temps (ρ = 0,9), la file d'attente contiendra en moyenne plus de 8 clients
(Lq = 8,1), et le temps d’attente moyen de chaque client sera donc supérieur à 8 heures (Wq
= 8,1) !!
λn = λ (n = 0, 1, ...)
⎧n µ si n ≤ c
µn = ⎨
⎩c µ si n ≥ c
1
Donc, λeff = λ et la durée moyenne du service par client vaut . En utilisant la formule
µ
(11), on obtient pour n ≤ c :
λn λn
pn = p = p .
(1µ) (2µ) (3µ)...( nµ) 0 n ! µ n 0
De même, pour n ≥ c,
λn λn
pn = p = p .
(1µ) (2µ)...(cµ) (cµ) n− c 0 c! c n− c µ n 0
67
∞
En exprimant que ∑p n = 1, on peut à nouveau déduire la valeur de po. Il vient
n= 0
successivement:
∞ c −1 ∞
∑ p = ∑ p +∑ p
n n n
n=0 n=0 n= c
c −1
λn ∞
λn
=∑ p +∑ p
n=0 n! µ n o n= c c! c n− c µ n o
⎡ c−1 λn λc ∞
λn− c ⎤
= ⎢∑ + ∑c n−c n−c ⎥ p o
⎣ n= 0 n! µ c! µc µ ⎦
n
n= c
⎡ c−1 λn λc ∞
⎛λ⎞ ⎤
k
= ⎢∑ + ∑ ⎜⎝ cµ ⎟⎠ ⎥ po .
⎣ n= 0 n! µ c! µc
n
k=0 ⎦
λ
Si ρ = ≥ c, alors la série infine contenue dans le dernier terme diverge et les probabilités
µ
stationnaires n'existent pas. Par contre, si ρ < c, alors on obtient:
⎡ ⎤
⎢ c−1 ρn ρc
1 ⎥
⎢ ∑ +
ρ ⎥ 0
p = 1, (14)
n= 0 n! c!
⎢ (1− ) ⎥
⎣ c ⎦
d'où la valeur de po peut être déduite. Notons que la condition ρ < c est susceptible de la
même interprétation que dans le cas c = 1, puisque cµ est le taux de service cumulé des c
serveurs.
ρc +1
Lq = p (15)
(c − 1)!(c − ρ) 2 o
et, puisque λeff = λ et le temps moyen de service de chaque client vaut 1/µ :
Lq
Wq =
λ
1
WS = Wq +
µ
LS = λ WS = Lq + ρ.
68
ρ
LS = = 5 clients
1− ρ
L
WS = S = 30 minutes .
λ
Gulliver juge que ces 30 minutes passées (en moyenne) par chaque client dans le système
sont inacceptablement longues et envisage différentes façons de remédier au problème.
Option b. Dans cette variante de l'option a, l'employé actuel (qui se trouve être un Géant) se
limiterait à servir les clients Géants et Gulliver engagerait un Nain pour servir les clients
Nains. Cette option paraît raisonnable dans la mesure où la clientèle de l'agence compte
50% de Géants et 50% de Nains, et où les clients pourraient y voir une personnalisation du
service offert.
Comparons les trois options considérées sur base du temps moyen passé par les clients dans
l'agence.
Option a. Selon cette option, l'agence deviendrait un système M/M/2, avec λ = 1/6, µ = 1/5
et ρ = 5/6. En utilisant la relation (14), on obtient
17
p =1
7 0
et donc po ≈ 0,4. En substituant dans (15), on en déduit que Lq ≈ 0,175, et finalement Ls ≈
1 client et Ws ≈ 6 minutes. Le dédoublement des employés entraîne donc une diminution
spectaculaire du temps moyen passé par les clients dans l'agence, par un facteur de 5
environ.
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Option b. Selon cette option, l'agence va se comporter comme une paire de systèmes
M/M/1 indépendants. Analysons un de ces systèmes, disons celui des Géants (celui des
Nains est identique). On peut supposer que le processus d'arrivée des Géants reste
poissonnien avec λ = 1/12 et µ = 1/5. Donc, pour ce système, ρ = 5/12 et
ρ 5
LS = = ≈ 0,7 clients.
1− ρ 7
L 60
WS = S = ≈ 8,6 minutes.
λ 7
Remarquons que Ls est le nombre moyen de clients dans la section ‘Géants’: au total, il y a
10
donc en moyenne ≈ 1,4 clients (Géants ou Nains) présents dans l'agence. Chacun de ces
7
clients séjourne en moyenne 8,6 minutes dans l'agence. En terme de temps passé dans
l'agence, l'option a est donc préférable à l'option b. Il s'agit là d'un principe généralement
valide dans les systèmes à serveurs multiples: il est plus efficace de constituer une file
d'attente unique et d'orienter chaque client vers le premier serveur disponible que de
constituer des files distinctes pour chaque serveur.
Option c. On retrouve ici un seul système M/M/1, comme dans la situation initiale, mais à
présent λ = 1/6 et µ = 2/5, soit ρ = 5/12. On calcule:
ρ 5
LS = = ≈ 0,7 clients.
1− ρ 7
L 30
WS = S = ≈ 4,3 minutes.
λ 7
Cette dernière option est donc la meilleure des trois.
La supériorité de l'option c sur l'option a peut être justifiée intuitivement. En effet, les taux
de service dans ces deux options sont toujours égaux sauf lorsqu'il y a exactement un client
présent dans le système; dans ce dernier cas (qui se présente assez souvent − calculez p1
pour vous en persuader), l'option c est plus efficace.
Par contre, l'amplitude du gain de performance réalisé par l'option c, relativement à la
situation intiale, pose un plus grand défi à l'intuition: comment une diminution du temps de
service moyen par un facteur de 2 peut-elle entraîner une diminution du temps de séjour
des clients par un facteur de 7 ?? Cette conclusion surprenante souligne la nécessité
d'utiliser des modèles mathématiques précis pour l'analyse des systèmes stochastiques: trop
souvent, le sens commun s’y révèle en effet mauvais juge !
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Références.
W. Feller, An Introduction to Probability Theory and its Applications, Vol. 1, Wiley &
Sons, 1950.
W. Feller, An Introduction to Probability Theory and its Applications, Vol. 2, Wiley &
Sons, 1966.
J.A. Fitzimmons and R.S. Sullivan, Service Operations Management, McGraw-Hill, 1982.
D.P. Heyman and M.J. Sobel, Stochastic Models in Operations Research, Vol. 1, McGraw
Hill, 1982.
S.M. Ross, Introduction to Probability Models, Academic Press, 1989.
H.A. Taha, Operations Research: An Introduction (5ème éd.), McMillan Publishing
Company, 1992.