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Analyse metathéorique des relations internationales et de la géopolitique
Analyse metathéorique des relations internationales et de la géopolitique
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Analyse metathéorique des relations internationales et de la géopolitique

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Ce texte constitue un texte préliminaire d’approche, d’analyse et d’une première tentative de faire un bilan des points spécifiques et essentiels – du point de vue épistémologique, et donc métathéorique – de la soi-disant «Théorie internationale» ou plutôt des «Théories internationales» (telles que les appellent arbitrairement leurs rapporteurs ou supporteurs). Les guillemets qui sapent les termes «Théorie» et «Théories » sont utilisés pour préparer les lecteurs au désaccord total de l’auteur avec la possibilité des diverses approches existantes et concurrentes de l’étude du devenir international, tant positivistes que néopositivistes, de revendiquer le titre de Théorie, bref, de prétendre être une «Science des Relations internationales» autonome avec des fondements néopositivistes, solides du point de vue épistémologique. […] cette approche […] pourrait contribuer à l’étude, à l’enseignement et à la recherche du devenir international, des points de vue suivants:
α) Du point de vue de l’enseignement du secteur cognitif des «Relations Internationales», de la «Politique internationale» mais aussi du Triangle cognitif «Géographie – Géopolitique – Géostratégie» dans les Facultés de Sciences politiques, économiques, ainsi que dans les Instituts d’enseignement supérieur (Universités) et les Instituts supérieurs d’Enseignement militaire (Universités militaires). Et ce parce qu’il est absolument indispensable de clarifier des notions fondamentales d’ontologie, de théorie et de méthode scientifiques auprès des étudiants de ces Facultés.
b) Du point de vue de la Philosophe de la Science, le texte […] veut rendre possible la reconnaissance – par les professionnels – d’une juste appréciation des résultats de l’application de la Théorie en liaison avec ce qui précède, ni trop tôt (période précoce), ni trop tard (période tardive). Des cas inappropriés d’application d’une théorie scientifique, la plus cohérente qu’elle soit, aboutissent à des tragédies socioéconomiques et politiques. […] Notre méthodologie de recherche se doit d’identifier, de délimiter et de prévoir (si cela s’avère statistiquement possible) la distinction de cette phase et de ces situations radicalement différentes.
c) En ce qui concerne la Méthodologie de la Recherche, le présent ouvrage essaie de contribuer à l’analyse critique des aventures de la Méthode, ou plutôt  es methods appliquées qui ont contribué – ou non – à l’hypothèse de la recherche dans le champ théorique ou professionnel du secteur cognitif de l’étude interdisciplinaire du devenir international. La critique de ces méthodes et de leurs résultats orientent les étudiants vers de nouveaux choix ou vers une tentative d’améliorer les choix existants, en sachant toutefois que le «discours internationaliste de la vérité» n’aura pas été interprété avec précision, du moins jusqu’à leur intervention![…]
Ioannis Th. Mazis (Dr d’ État en Géographie)
Professeur à l’ Université d’ Athènes
LanguageFrançais
Release dateAug 2, 2023
ISBN9789600231731
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    Analyse metathéorique des relations internationales et de la géopolitique - Ioannis Th. Mazis

    ISBN 978-960-02-3173-1

    Copyright© 2015: Publishers PAPAZISIS

    2 Nikitara St, Athens, 106 78, Greece

    Tel.: +3021038.22.496, +30210.38.38.020

    site: www.papazisi.gr

    e-mail: papazisi@otenet.gr

    «GRAMMA» Grafphic Arts

    Books digitization, Online Services

    31 Zoodochou Pigis St, Athens, 106 81, Greece

    Tel.: +30210.38.07.703

    Ioannis Th. Mazis

    Analyse Metatheorique des Relations Internationales

    Et de la Geopolitique

    Le Cadre du Neopositivisme

    PAPAZISSIS PUBLISHERS

    ATHENS 2015

    Ά mon Maître bien respecté

    le Géographe Professeur Maurice Wolkowitsch

    (Directeur de l’ Institut de Géorgraphie

    de l’ Université d’ Aix-Marseille II)

    Στις γόνιμες θεωρητικές ανησυχίες

    του καλού φίλου και συνάδελφου Παναγιώτη Ήφαιστου

    που έγιναν αιτία για να γραφτεί ετούτο το βιβλίο

    * * *

    a. «The claim that the international relations is, or could become a Science entails more than method- ological controversy. It is, at once, an article of faith and a matter of some desperation".

    b. «These may be different schools of thought within the social sciences, but they do not function as communities working within their own distinct traditions. Instead they tend to act like partisan bands, with followers feuding among themselves as well as with among the partisans of other schools of thought over norms, concepts, methods, and so forth. Individual academic departments are, from time to time, seized by particular partisan bands which distinguish themselves from departments elsewhere and seek to recruit graduate students by promulgating the superiority of their school of thought. The student must decide whether, for example, he wishes an education in traditional, behavioral, or post- behavioral political science, as his counterpart in economics might have to decide to be a Keynesian or a disciple of Milton Friedman»[...]«Having once selected his institutional affiliation, the graduate student will have defined his future professional friends and adversaries, and he will select his profes- sional Journals, associations, and even association panels at annual meetings to ensure a minimum of communication with those outside his school of thought.»[…] «Thereafter, he will communicate largely with those with whom he already is in agreement, and he and his colleagues will minister to and reinforce each other».

    Yale H. Ferguson – Richard W. Mansbach, Elusive Quest, 1988.

    * * *

    c. «...the student of international politics [...] must be cognizant of all the boundary factors that may pro- duce a dynamic change in the nature of the international system [...]. And although the discipline of international politics generally assumes the primacy of international factors in its analysis, it is neces- sary to recognize that occasionally other factors may play a dominant role. [...]. As a consequence the student of international politics will be sensitive to related disciplines that enable him to understand these boundary conditions. Such collateral disciplines include, among others, Military science, Com- parative politics, Administrative science and Organization theory, Economics and studies of economic capabilities, Geography, Decision Making Theory and Strategic Theory, Sociology and related Cul- tural science, and Law". The discipline should have enough ‘give’ to accommodate different insights, methods, theories and skills. [...]. Non of us has achieved such success with his methods that he should be prepared to read others out of court»

    Morton A. Kaplan, Is International Relations a Discipline?, 1961

    Préface

    (par le Professeur Georges CONTOGEORGIS,

    ancien Recteur de l’Université Panteion, Athènes)

    Ioannis T. Mazis, professeur de géographie économique et géopolitique à l’Université Nationale et Kapodistrienne d’Athènes, est à l’origine, dans la bibliographie internationaliste, de l’analyse géopolitique systémique contemporaine (AGSC), une approche inédite et fondée scientifiquement. Cette analyse géopolitique systémique contemporaine non seulement dis- pose d’une cohérence interne en tant que programme de recherche scienti- fique, comme ensemble lakatien autonome, mais constitue aussi une théorie complète. Par sa méthodologie, l’AGSC se fonde sur une démarche causale des paramètres de l’espace et des sous-espaces et examine les lois et les dé- nommés pylônes de la redistribution du pouvoir dans les différents espaces et ensembles. Dans l’exposé de l’AGSC, le Pr. Mazis évalue d’une part les données de nature théorique, comme les données géographiques, spatiales ou les niveaux systémiques et, d’autre part, des outils mathématiques, tels ceux de la logique floue (fuzzy logic). Par suite, la Géopolitique systémique s’inscrit dans la branche des sciences théoriques, tandis que pour ce qui est des méthodes quantitatives et cartographiques, on est dans la branche des sciences positives.

    Le livre de Ioannis Mazis, Critique métathéorique des relations interna- tionales et de la géopolitique: le cadre néo-positiviste (éd. Papazisis, 2012), constitue une œuvre de référence unique pour les branches scientifiques des relations internationales et de la géopolitique. L’auteur se livre ici à un état des lieux théorique inédit, au sein d’une structure lakatienne, à une analyse géopolitique systémique, et cela comble un manque dans la bibliographie géopolitique internationale.

    Cet ouvrage examine également les théories internationalistes sous un angle épistémologique et scolastique, celles-ci s’inscrivant dans le cadre néo- positiviste des relations internationales. Son analyse relative à la force des sens, à l’efficacité des définitions, au caractère scientifique des méthodes et du bien fondé des ensembles théoriques dans le cadre néopositiviste des «théories des relations internationales» est particulièrement scolastique.

    Loin de se borner à une analyse critique des approches dans le cadre néo- positiviste, le Pr. Mazis se livre à une proposition d’une construction laka- tienne de son approche interprétative et prévisionnelle, pour une analyse géopolitique systémique contemporaine.

    En tant que théoricien de la géopolitique, dans la mouvance du néopo- sitivisme et à l’aide des outils théoriques épistémologiques métathéoriques de Sir Karl Popper, Thomas Kuhn et Imre Lakatos, Ioannis Mazis inscrit son analyse et se concentre sur trois points de la méthodologie des relations internationales:

    La recherche, la démonstration, la description, la classification systéma- tique et l’évaluation de la critique des plus importantes «sources internes» des dites faiblesses théoriques des «théories internationalistes» autopro- clamées, dans un cadre néopositiviste. C’est-à-dire dans la recherche des contradictions internes et des anomalies métathéoriques de la tentative de construction théorique, dans le cadre du néopositivisme.

    Le commentaire systématique – et révélateur – et l’analyse critique révé- latrice de ces anomalies et contradictions internes, à travers l’outil épisté- mologique et en particulier à travers l’approche de Sir Karl Popper, Tho- mas S. Kuhn et Imre Lakatos.

    La présentation critique de la méthode d’analyse géographique dans la géopolitique systémique, par rapport aux écoles de pensée ci-dessus, en vue de l’étude du devenir international.

    Cette étude, en tant que construction scolastique du point de vue mé- thodologique, s’articule – en dehors de «l’introduction au prologue» et du «prologue» – en quatre parties, lesquelles correspondent à la critique des fonctionnements discrétionnaires de l’approche épistémologique des Rela- tions Internationales et de la Géopolitique.

    Dans l’introduction au prologue (p. 21-54), l’auteur précise la termi- nologie choisie et le cadre d’entendement qui en découle, et il expose les para- mètres structurels de la méthodologie de son approche en vue de développer ses raisonnements épistémologiques, en expliquant le critère de choix du cor- pus des textes internationalistes étudiés. Dans le prologue (p. 55-80), l’auteur établit la terminologie théorique du champ de la recherche, en posant le cadre de son analyse dans le positivisme internationaliste et le néopositivisme étudié, et définissant prudemment, en parallèle, les champs philosophiques.

    Par exemple, la démonstration des liens entre le néopositivisme et le mo- dèle behaviouriste est utile à la démonstration des liens qui existent aussi avec le modèle interprétatif dominant dans les relations internationales, de même que l’acuité de l’évaluation des constats structurels issus du compor- tementalisme.

    Dans la Première Partie (p. 81-2oo), le Pr. Mazis souligne la nécessité de l’utilisation rationnelle des termes épistémologiques de la branche inter- nationaliste, qui brille par son absence dans la bibliographie scientifique en langue grecque ou étrangère. En d’autres termes, l’auteur parvient à pointer les contradictions des approches théoriques et souligne la problématique de l’absence d’une définition générale ou même partielle de la théorie. Il s’agit d’une lacune dans la bibliographie internationaliste, que cet ouvrage s’em- ploie à combler avec succès, tout au long des parties suivantes.

    La seconde partie (p. 201-330) constitue une analyse critique complète des approches partielles, en ce qui concerne la théorie et la méthodologie de la discipline des Relations Internationales. D’un point de vue épistémo- logique, l’auteur perçoit dix faiblesses théoriques et impasses correspon- dantes dans les approches. Utilisant le modèle de recherche d’Imre Lakatos,

    étendu à une connaissance systémique, le Pr. Mazis souligne les faiblesses théoriques du modèle de KUHN ainsi que celles des approches des réalistes, néoréalistes, libéraux et néolibéraux.

    La troisième partie (p. 331-378) examine plus particulièrement le sort du système théorique du néopositivisme par rapport aux conclusions de l’analyse géopolitique systémique contemporaine, laquelle constitue la proposition de l’auteur. Ayant précisé les caractéristiques théoriques de la science relative à la Nouvelle Géographie, l’auteur enchaîne par les défini- tions de l’analyse géopolitique et par la catégorisation épistémologique, en vue des sous-ensembles de la science de la Géographie.

    La quatrième partie (p. 379-424) analyse la question générale du ca- ractère scientifique des branches réunissant la théorie des Relations Inter- nationales. Cette théorie unitaire des Relations Internationales ne peut être que fondée sur la base qui résulte du riche héritage de l’analyse géopolitique systémique contemporaine. En même temps, l’auteur présente le socle méthodologique de l’analyse géopolitique systémique contemporaine, aboutit à la définition et à la catégorisation des indices géopolitiques et marqueurs sur la base d’évaluations scientifiques admises, celles-ci étant analysées. Enfin, il poursuit par la définition des mesures géopolitiques et cite les méthodes géographiques informatiques en usage qui sont proposées comme outils mé- thodologiques.

    D’une manière générale, l’approche méthodologique du Pr. Mazis se dis- tingue par son acuité méthodologique et sa scolastique. Son commentaire dans l’analyse épistémologique des définitions de la Géopolitique et de la Géostratégie, la distinction scientifique entre ces deux approches du devenir international, la présentation des paramètres structurels de l’École Géopo- litique classique – anglo-saxonne, allemande et française – et du modèle néopositiviste constituent autant de qualités de l’analyse de l’auteur.

    Professeur Georges Contogeorgis

    Avant Propos:

    Des Intentions, de la Terminologie,

    de la Méthode et des Objectifs

    Avant tout enregistrement et formulation d’une position ou d’un propos, l’auteur se sent obligé de définir son rôle scientifique. Il est donc utile de signaler que l’auteur est considéré par sa communauté académique comme un géographe/géopoliticien, provenant du domaine des Sciences exactes (Sciences de la Cartographie et Analyse spatiale) et, plus précisément, de celui de la Géographie Économique et de la méthode géographique analytique du devenir international, à savoir de la Méthode analytique géopolitique. Ainsi, en sa qualité de Géographe, il s’intéresse au destin et à la construction des entités théoriques de ceux qui sont impliqués dans cette tentative – non organisée, hélas, et sans condition posée – d’engager un débat scientifique. Un «destin» et une «construction» qui détermineront, comme c’est d’ailleurs déjà le cas,¹ le champ d’enseignement, de recherche et d’application de l’objet par excellence interdisciplinaire de l’étude du devenir international. Ce qui, en Grèce dégénère dans le secteur leviathanique et, malheureusement, épistémologiquement indéterminé², de la soi-disant «Science des Relations internationales» d’origine anglosaxonne.

    i) En matière d’intentions, en général

    Selon Colin Elman & Miriam Fendius Elman, «…les évaluations d’un champ scientifique se basent sur la métathéorie, c’est-à-dire sur une forme de description et d’évaluation des différentes données théoriques»³. C’est cette citation qui m’a convaincu, à la base, de rédiger le présent ouvrage. Ce texte constitue un texte préliminaire d’approche, d’analyse et d’une première tentative de faire un bilan des points spécifiques et essentiels – du point de vue épistémologique, et donc métathéorique – de la soi-disant «Théorie internationale» ou plutôt des «Théories internationales» (telles que les appellent arbitrairement leurs rapporteurs ou supporteurs). Les guillemets qui sapent les termes «Théorie» et «Théories» sont utilisés pour préparer les lecteurs au désaccord total de l’auteur avec la possibilité des diverses approches existantes et concurrentes de l’étude du devenir international, tant positivistes que néopositivistes, de revendiquer le titre de Théorie, bref, de prétendre être une «Science des Relations internationales» autonome avec des fondements néopositivistes, solides du point de vue épistémologique. Nous sommes d’avis que cette approche qui, consciemment, ne glisse pas dans le cadre nébuleux relativiste post-positiviste, prétendument critique et structuraliste, pourrait contribuer à l’étude, à l’enseignement et à la recherche du devenir international, des points de vue suivants:

    α) Du point de vue de l’enseignement du secteur cognitif des «Relations Internationales», de la «Politique internationale» mais aussi du Triangle cognitif «Géographie – Géopolitique – Géostratégie» dans les Facultés de Sciences politiques, économiques, ainsi que dans les Instituts d’enseignement supérieur (Universités) et les Instituts supérieurs d’Enseignement militaire (Universités militaires) de Grèce ou d’ailleurs. Et ce parce qu’il est absolument indispensable de clarifier des notions fondamentales d’ontologie, de théorie et de méthode scientifiques auprès des étudiants de ces Facultés.

    Pour ce qui est des officiers qui effectuent des études dans les instituts post-universitaires des Forces armées helléniques, cet ouvrage souhaite pouvoir leur offrir la capacité d’expliquer et d’interpréter clairement les écoles de pensée du secteur cognitif de l’étude du devenir international, afin qu’ils ne deviennent pas des «consommateurs» sans esprit critique de la propagande et de tout genre d’approche idéologique sous forme de soi-disant «enseignement scientifique».

    b) Du point de vue de la Philosophe de la Science, le texte souhaite offrir à tous les étudiants précités la possibilité de discerner «l’avis politico-idéologique» de la «position scientifique» dans le secteur cognitif pertinent et interdisciplinaire de l’étude du devenir international. En outre, il vise à mettre en évidence une condition préalable de l’application – à supposer qu’elle existe – d’une Théorie scientifique générale dans le domaine des sciences sociales (et plus spécialement dans le domaine de l’étude du devenir international) susceptible d’aboutir à l’utilisation sûre, sans influence des facteurs historico-culturels contingents, des données socioéconomiques et politico-défensives, quelle que soit la conjoncture.

    Autrement dit, il veut rendre possible la reconnaissance – par les professionnels – d’une juste appréciation des résultats de l’application de la Théorie en liaison avec ce qui précède, ni trop tôt (période précoce), ni trop tard (période tardive). Des cas inappropriés d’application d’une théorie scientifique, la plus cohérente qu’elle soit, aboutissent à des tragédies socioéconomiques et politiques. Par conséquent, il ne faut pas automatiquement tirer la conclusion grotesque et procrustienne de la soi-disant destruction téléologique de l’état-nation à une période, (telle la décennie de 2000), au cours de laquelle le nombre des pays membres de l’ONU augmente constamment et à un rythme effréné. Concrètement, en 1945, l’ONU comptait 51 pays membres, en 1965, 117, en 1975, 144, en 1985, 159, en 1999, 185 et aujourd’hui, elle compte 193 pays membres, y compris le Kosovo⁴! Comment donc certains peuvent-ils prédire la fin de l’état-nation? Sur quelle base de nature métaphysique-millénariste fondent-ils leur prévision? Apparemment, certains tentent de faire un diagnostic «précoce» de la concrétisation de leurs idéologies internationalistes néolibérales, néokantiennes ou néo-archéo-marxistes⁵, et d’autres se réfèrent à une conjoncture future différente. Notre méthodologie de recherche se doit d’identifier, de délimiter et de prévoir (si cela s’avère statistiquement possible) la distinction de cette phase et de ces situations radicalement différentes.

    c) En ce qui concerne la Méthodologie de la Recherche, le présent ouvrage essaie de contribuer à l’analyse critique des aventures de la Méthode, ou plutôt des méthodes appliquées qui ont contribué – ou non – à l’hypothèse de la recherche dans le champ théorique ou professionnel du secteur cognitif de l’étude interdisciplinaire du devenir international. La critique de ces méthodes et de leurs résultats orientent les étudiants vers de nouveaux choix ou vers une tentative d’améliorer les choix existants, en sachant toutefois que le «discours internationaliste de la vérité» n’aura pas été interprété avec précision, du moins jusqu’à leur intervention!

    ii) La question de la Terminologie et des Notions

    Il est temps de nous occuper de termes ou de notions sémasiologiques qui caractérisent le présent ouvrage. A noter d’abord que j’utilise les phrases «l’étude du devenir international» ou bien «les étudiants du devenir international» ou encore «dans le domaine de l’étude et la recherche du devenir international», car je ne souhaite pas employer l’expression «Relations internationales», jugée, critiquée épistémologiquement et marquée par la polysémie: s’agit-il simplement de l’expression qui indique, du point de vue pragmatique, les «relations entre les états» et si oui, quel type de relations? Les relations défensives, économiques, politiques, civilisationnelles ou bien culturelles?

    La question qui se pose alors est la suivante: si tel est le cas, pourquoi ceci n’est-il pas cité formellement? Ou peut-être les termes «relations internationales» se réfèrent-ils à une «discipline autonome d’étude» de toutes les actions entreprises par les acteurs internationaux? S’il en est ainsi, de quel type d’acteurs internationaux s’agit-il? D’acteurs étatico-ethniques? De pôles de pouvoir international, économique et politique qui n’ont pourtant pas de dimensions étatico-ethniques? Ou bien d’organes institutionnels (régimes) internationaux de pouvoir collectif qui tentent de réglementer les «systèmes internationaux» de manière centralisée? Ou encore d’autres mécanismes dudit «système international»? Ou d’une combinaison de tout ce qui vient d’être évoqué? Et comment, peut-on, enfin, définir sans équivoque ce «système international»⁶?

    En effet, est-il possible de le définir de façon précise et avec une rigueur toute scientifique? Et, à supposer que nous puissions résoudre l’énigme de la définition du «système international», comment définir sans équivoque l’expression «Politique internationale»? Quels seront les bagages scientifiques employés par l’«expert aux affaires internationales» potentiel pour traiter de cet immense champ de connaissances scientifiques aux dimensions pragmatiques non moins énormes? Bien d’autres questions similaires se posent encore…

    D’un autre côté, par «étude du devenir international» on entend précisément tout type de phénomène qui se manifeste et qui mérite d’être observé dans le but de répondre aux exigences explicatives et herméneutiques de chaque algorithme appliqué, car, une fois remplies, elles pourraient satisfaire l’exigence scientifique relative à la prévisibilité (predictability) de l’algorithme et donc, proposer une Théorie au sens scientifique du terme. Une exigence qui lie, comme un fil invisible (ou visible, pour ceux qui veulent voir), le positivisme ou l’empirisme raisonnable aux propos les plus récents de Lakatos sur l’évaluation historique ex post de la scientificité des Programmes de Recherche lakatiens en fonction de la crédibilité, du rationalisme et du progrès final qu’ils apportent à la science. Et donc, en étendant nécessairement la référence empirique de ces «programmes de recherche», avec un certain succès aux «nouveaux faits»⁷, tout en évaluant et en vérifiant leur base rationnelle.

    Il est cependant clair que ces exigences ne peuvent être remplies que par l’évaluation épistémologique, le traitement, l’étude et l’observation critique et interdisciplinaire. C’est là un des objectifs principaux de cette étude.

    Les points précités ne mettent en valeur qu’une partie de la base scientifique des faiblesses épistémologiques de ces narrations internationalistes, à savoir de celles qui s’inscrivent dans le cadre positiviste et néopositiviste. Ceci dit, leur lecture et leur identification démontrent la nécessité, pour la communauté scientifique, d’utiliser l’«outil critique» à cet effet, en se servant toutefois de manière consciente et étendue de sources «ésotériques», c’est-à-dire intra-théoriques.

    Par sources «ésotériques» ou intra-théoriques, on entend les positions et lectures critiques primaires de ces faiblesses théoriques et méthodologiques, qui se manifestent et s’inscrivent dans le cadre des «islands of theory»⁸ positivistes et néopositivistes – divergentes et diversifiées – du secteur ou sous-secteur de la Science politique et non pas de la «Science des Relations internationales», faisant l’objet d’une évaluation métathéorique. Cette méthode affranchit la communauté scientifique qui exerce cette critique (et, par extension, le géographe, auteur du présent ouvrage et membre issu de cette communauté scientifique) du soupçon de la prétendue arrogance scientifique des Sciences exactes et, éventuellement de la critique malveillante, déplacée et excessivement stricte qui pourrait en découler.

    Ceci devient clair du fait que la plus grande partie (et la plus «douloureuse», dirais-je) du contenu de cette approche critique et des commentaires d’évaluation tirent leur origine des théoriciens positivistes classiques et néopositivistes modernes des «Relations internationales» et notamment de ceux qui appartiennent au courant internationaliste «réaliste» et «néoréaliste».

    Nous avons attaché une attention toute particulière à ce sujet car, en accord avec Yale Ferguson et Richard W. Mansbach, nous prouvons dans cet ouvrage que les approches réflectives qui sont définies – par les «réalistes» – comme «idéalisme» et «réalisme» «ne sont pas des théories au sens scientifique du terme mais des optiques d’inspiration sémantique et réglementaire, à travers lesquelles les théoriciens et les professionnelsobservaient le monde politique qui les entourait. Ces optiques offrent, à leur tour, les allégations qui servent de base à la prise de décision et produisent des hypothèses bien précises à des périodes données. Cette perspective nous aide à mieux comprendre pourquoi il est tellement difficile pour les théoriciens d’avancer vers une vérité abstraite. Pour les théoriciens des relations internationales, c’est de l’histoire même qui fournit les données non traitées que naît l’inspiration. Toutefois […], leurs données et leur interprétation restent prisonnières de l’histoire»¹⁰.

    Ainsi, prisonnières de leur historicisme, et, donc, des conjonctures, ces approches ne sont pas en mesure de construire un algorithme commun qui constituera le fondement de leur Théorie générale. Par conséquent, il est évident qu’elles présentent un défaut méthodologique similaire.

    iii) La question du choix du Corpus du matériel à évaluer

    Le choix d’une grande partie du corpus textuel de notre matériel dans l’espace notionel positiviste et néopositiviste (principalement réaliste et néo-réaliste) des narrations «théoriques» des «Relations internationales» a été opéré encore pour une raison complémentaire: afin d’éviter tout conflit anti-scientifique relatif à la revendication de l’«enseignement du Discours de la Vérité scientifique» entre, d’une part, les Sciences exactes sacrées établies dans le cadre positiviste et néo-positiviste et, d’autre part, les divers programmes de recherche (research programmes) des études du devenir international.

    Tout autre désaccord de nature scientifique est bienvenu; j’espère pouvoir le mettre en valeur et le soumettre au débat public. D’ailleurs, du fait d’avoir étudié les sciences dites exactes, et sachant que je contribue en ma qualité de géographe/géopoliticien à l’hypothèse des «Sciences sociales», je n’oserais point revendiquer la «Prélature de la Science» pour mon compte.

    Une autre raison d’avoir choisi le néopositivisme et parfois le positivisme en tant que cadre philosophique et épistémologique de notre critique est le fait que, d’accord avec Steve Smith: «au cours des quarante dernières années, le positivisme a dominé la discipline des Relations internationales. Le positivisme a entraîné un engagement vers un avis uniforme de la science et l’adoption de méthodologies issues des sciences naturelles pour expliquer le monde social. Lesdits «grands débat» de l’histoire du secteur, entre 1) l’idéalisme et le réalisme, 2) le traditionalisme et le comportementalisme ou 3) entre la transnationalité et l’étatocentrisme, n’ont pas suscité de nombreuses questions épistémologiques. Ce secteur avait tendance à accepter sans réserve un ensemble plutôt simple, et pour l’essentiel indéniable, d’hypothèses positivistes qui mettaient fin à tout débat sur ce qu’est le monde et la manière dont on peut l’expliquer […]. Néanmoins, la prévalence du positivisme a contribué à la formation du caractère et, surtout, du contenu des débats centraux dans la théorie internationale.

    Vu sous cet angle, même le débat inter-Paradigmatique de 1980 semble particulièrement proche car les trois Paradigmes (réalisme, pluralisme [NdA: et l’optique] de la mondialisation, constructivisme) ont été fondés sur des hypothèses positivistes. Ceci explique pourquoi ils peuvent être considérés comme trois versions [NdA: perceptions] du même monde et non pas comme trois formes authentiques et alternatives des relations internationales. De même, le «débat» moderne entre le néoréalisme et le néolibéralisme devient plus clair si l’on se rend compte du fait que les deux approches sont d’offices positivistes. Mon allégation principale [...] est que l’impo- rtance du positivisme réside non pas dans le fait qu’il a offert une méthode à la théorie internationale mais dans le fait que son épistémologie empiriste a déterminé ce qui peut être étudié¹¹, puisqu’il a défini les sujets qui existent dans les relations internationales»¹²

    Il est certain que «le besoin d’éclaircir la fonction du positivisme dans la théorie internationale devient impératif», non seulement parce qu’une telle chose est essentielle pour tout type d’évaluation épistémologique ou parce qu’elle constitue un fondement essentiel de l’existence du post-positivisme et de la critique exercée à l’encontre de ce dernier mais aussi – et sur ce point nous sommes d’accord avec les post-positivistes – car «… le positivisme n’est pas simplement un choix alternatif clair parmi maints autres mais plutôt le modèle absolu sur la base duquel sont évaluées toutes les autres approches»¹³.

    iv) Objectifs

    Par conséquent, la présente étude vise à créer les conditions de compréhension et de collaboration entre les «îlots professionnels» (islands of theory) positivistes et néo-positivistes susmentionnés de l’étude du devenir international¹⁴ et des au- tres Sciences exactes qui contribuent à la recherche et disposent de méthodologies autonomes et d’algorithmes théoriques pour l’étude de phénomènes spécifiques du devenir international (Mathématiques sociales, Statistique, Cybernétique, Théorie des jeux, Théorie de prise de décisions, Géographie et méthodes analytiques de la Géopolitique et de la Géostratégie, Géologie, Analyse de l’espace – Arpentage, Aménagement du territoire, Géodésie par satellite, Études des Ressources et Biens naturels, Théorie des erreurs, Econométrie etc.). La collaboration entre la Science exacte de la Géographie et la méthode analytique Géopolitique qui en découle¹⁵ et les «îlots professionnels» et les programmes de recherche susmentionnés qui font partie de l’étude du devenir international pourrait s’avérer utile au niveau des défis des constructions et des systématisations de «séquences compétitives de théories» et donc des programmes de recherche compétitifs dont les critères rationnels, la progressivité, la stagnation et la dégénération, le processus d’accumulation de connaissances et les méthodes heuristiques (heuristics) pourront, au moins, être comparables. Cela est indispensable si les communautés académiques de l’étude du devenir international qui s’inscrivent dans le cadre positiviste/néopositiviste souhaitent ne serait-ce qu’avoir une vision de la priorité de la constitution totale d’un «Paradigme internationaliste uniforme» de type kuhnien.

    Toutefois, il faut d’abord enregistrer et étudier une série de véritables problèmes d’ordre épistémologique, et c’est à cela, dirions-nous, que cet ouvrage essaie de contribuer. Le prochain objectif des «réalistes» positivistes et néopositivistes était et reste toujours celui des narrations internationalistes néolibérales correspondantes.

    Une partie des représentants de ces écoles de pensée ont pris, dernièrement du moins, connaissance de la nature normative de leurs approches, de leurs faiblesses théoriques et méthodologiques et ont probablement accepté l’initiation d’un nouveau débat. Il s’agit d’une acceptation qui, pourrait provenir, notamment du point de vue théorique, de l’«École anglaise de la Société internationale» ou des théoriciens qui travaillaient «quelque part entre les relations internationales et la théorie politique, car ces auteurs ne se sont jamais contentés des hypothèses positivistes qui dominaient au sein de cette branche»¹⁶. Seulement, là, S. Smith ne précise pas exactement ce que signifient pour lui les termes «Relations internationales» ou «théorie» qu’il cite juste après. Ici aussi, donc, il y a des questions importantes à débattre. Et ces questions seront posées, car M. Kaplan a fait l’observation particulièrement pointue selon laquelle: «It is surely no secret that English political science is somewhat less than distinguished»¹⁷.

    Il est vrai également que les trois dernières décennies présentent des traits caractéristiques de l’environnement international qui, s’ils sont vus à la légère et d’un angle imprécis du point de vue méthodologique et épistémologique, pourront être considérés comme bien interprétés par les approches des néoréalistes.

    Cette constatation est renforcée davantage par la périodisation effectuée par S. Smith, qui la qualifie de «Troisième période du positivisme» et l’évalue comme «la période ayant le plus influencé les sciences sociales ces cinquante dernières années». Il affirme qu’elle tire son origine du positivisme raisonnable et signale sa distance par rapport aux critères cognitifs extrêmement stricts et à la perception proto-positiviste simpliste, selon laquelle toute forme de connaissance est fondée sur les principes de la science naturelle.

    S. Smith (en se référant à Christopher Lloyd¹⁸) adopte et résume les quatre traits principaux de cette «troisième période»:

    «i) Le logicisme (logicism), c’est-à-dire l’avis que la confirmation objective de la théorie scientifique doit s’adapter aux règles de la logique inductive.

    ii) Le vérificationisme empirique (empirical verificationism), c’est-à-dire l’idée que seules les propositions qui peuvent être vérifiées ou démenties empiriquement (synthétiques), ou celles qui sont par définition justes (analytiques), sont considérées comme scientifiques.

    iii) La distinction entre la théorie et l’observation (theory and observation distinction), c’est-à-dire l’avis selon lequel il existe une distinction stricte entre l’observation et la théorie, l’évaluation étant évaluée comme théoriquement neutre.

    iv) Enfin, la théorie de la causalité (theory of causation) de Hume, c’est-à-dire l’avis selon lequel, «si on établit une relation de causalité, on pourra découvrir la relation temporelle invariable entre les faits observés»¹⁹.

    Ces perceptions ont dominé lesdites «sciences sociales» durant les années 1950 et 1960, suite à la tentative d’appliquer dans ces secteurs émergents les approches de Carnap, Nagel, Hempel et Popper. L’œuvre qui a le plus influencé le secteur des «Relations Internationales» est celui de Karl Hempel²⁰, selon lequel «tout fait peut s’expliquer grâce à une loi générale. Souvent, il prend la forme d’un argument inductif où (1) une loi générale prend la forme d’une fonction, (2) les conditions précédentes se concrétisent et (3) l’explication du fait observé résulte de (1) et (2). Ce modèle est connu comme modèle nomologique déductif (deductive nomological model) et Hempel a fortement défendu qu’il peut s’appliquer aux sciences sociales et à l’histoire (1974). Il a également promu un modèle alternatif, à savoir le modèle statistique déductif (deductive statistic model), à travers lequel les lois statistiques ou de la probabilité s’appliquent de manière déductive et servent à démontrer qu’un fait spécifique peut – très probablement – être attribué à une loi existante²¹. Cette troisième période sert de fondement à la plus grande partie de la production des écrivains dans le secteur des relations internationales depuis les années 1950»²².

    Toutefois, il est important d’observer que même à travers les exigences épistémologiques du modèle positiviste (sophistiqué), cela n’est pas le cas. Il faut par ailleurs noter que les observations statistiques et l’effort visant à découvrir des normalités ont largement contribué à éviter la prévision – tragiquement démentie – de Kenneth Waltz, patriarche du néoréalisme scientifique (réalisme structurel) au sujet de «la hauteur des murailles du Club des puissants, qui pendant de longues années n’acceptera plus de nouveaux membres». Cette prévision s’est écroulée peu après, à la suite de l’effondrement tragique de l’URSS, ce qui nous a poussé à aborder de manière plus prudente la question et à nous distancer de tout ce qui est «facile à lire» et «évident». Un peu auparavant, des positivistes théoriciens des relations internationales - historiens et politologues-anthropologues avaient fait des prévisions contraires. Précisons: la question de la «chute» de l’URSS en particulier, avait mené tous les experts en la matière à faire des prévisions démenties. Par exemple, Hélène Carrère d’Encausse avait prévu en 1978 la fin de l’URSS dans son livre intitulé: L’Empire éclaté, non pas à cause de la «Guerre des Étoiles» de Ronald Reagan ou du Pape Jean-Paul II, mais en raison du taux de natalité élevé dans les Démocraties musulmanes soviétiques de l’Asie centrale! Cette prévision aussi a été démentie car, bien que l’URSS se soit écroulée, son effondrement était dû au mouvement sécessionniste qui avait son origine dans les pays baltes alors que les Démocraties soviétiques musulmanes se sont montrées calmes et pacifiques, à un degré provocant, jusqu’au moment de leur indépendance et en bon voisinage et collaboration («near abroad») avec la Russie post-soviétique actuelle.

    Deux ans auparavant (en 1976), un autre historien positiviste, politologue, théoricien des relations internationales et amateur des méthodes statistiques appliquées à l’étude de la réalité internationale, Emmanuel Todd, avait prévu (lui aussi), la dissolution de l’URSS dans son livre intitulé: La Chute finale, en raison de la hausse de la mortalité infantile dans ce pays. Nous avons choisi l’exemple de l’URSS à cause du poids spécifique de ce pays dans le système international bipolaire de l’époque, et pour montrer que lorsque la prévision est impossible même à ce niveau, cela signifie qu’il y a quelque chose qui «ne va pas» avec le néo-positiviste sophistiqué et ses méthodes, et qu’il faut donc le prendre en considération, l’analyser et le traiter du point de vue théorique.

    Seule cette conclusion, et le fait qu’il a été possible de démentir la prévision théorique des positivistes et des néopositivistes théoriciens des relations internationales rend la manière de pensée néopositiviste «scientifique» au sens de l’avis poppérienne et lacanienne. Et ce, parce que le fait d’avoir conscience de ce déni nous donne le droit de procéder à un cycle interactif d’autoréflexion de notre programme de recherche²³ et de produire de nouvelles prévisions.

    Nous allons essayer de répondre, dans une première approche en commun avec Morton Kaplan²⁴, à la question de savoir «si les Relations internationales constituent un secteur distinct des sciences, autre que la sociologie, par exemple, tout comme la sociologie est distincte des sciences politiques et de l’économie».

    Nous allons essayer de contribuer à répondre à ses questions: «i) Les Relations internationales peuvent-elles être étudiées de manière indépendante ou comme sous-secteur d’un autre secteur scientifique, comme les sciences politiques?» et ii) «La discipline des Relations internationales peut elle être étudiée scientifiquement d’une manière logique, ou n’est elle qu’un réservoir (grab bag) dans lequel on puise des informations, selon nos intérêts du moment et à laquelle nous ne pouvons appliquer une théorie logique, des généralisations ou des méthodes normalisées?»

    Nous partageons son avis sur «le fait que nous sommes appelés à déterminer si les Relations internationales constituent un secteur scientifique, est révélateur de la préoccupation qui règne dans la profession». D’après Kaplan, «il serait difficile d’imaginer que des questions similaires soient posées au sujet de la sociologie ou des sciences économiques ou politiques. Les professionnels de ces disciplines supposent qu’ils exercent une science et ils se tournent directement vers les questions importantes existantes et méthodologiques suscitées par leur contenu. Ils peuvent s’interroger sur les méthodes appropriées pour mener l’étude mais jamais sur leur droit de mener l’étude²⁵. Je crois que les difficultés qui obligent les chercheurs des relations internationales à poser ce genre de questions fondamentales résident dans la nature du sujet et dans l’historique du secteur scientifique»²⁶.

    Dans sa tentative de répondre à des questions similaires, Raymon Aron a parlé de la question du statut théorique de la discipline des «Relations internationales» et il a défini les «services que l’on peut attendre de la théorie» comme suit: «i) [la théorie] doit définir la particularité d’un sous-système, ii) nous procurer une liste de variables fondamentales et iii) proposer des pistes relatives au fonctionnement d’un système sleon qu’il est bipolaire, multipolaire, homogène ou hétérogène. De plus, cette conception doit présenter un avantage supplémentaire: elle facilite la distinction entre la théorie et l’idéologie ou, si vous préférez, entre les pseudo-théories et les théories.»²⁷

    Cependant, en essayant de démontrer – comme je crois comprendre – les difficultés que l’on trouve dans la construction d’une théorie générale des relations internationales, il a recours au cas de la Théorie stratégique, qui fait, comme il le laisse entendre, dans une grande mesure partie de son sous-système théorique. Dans ce contexte, il écrit: «Klauzevic écrivait qu’il existe une Théorie de la Tactique et non pas une Théorie de la Stratégie, car le seigneur de la guerre/stratége doit décider à chaque fois, en tenant compte des données d’une situation unique, que chaque situation a de nombreuses caractéristiques qui lui sont propres et que donc, les conclusions tirées des règles générales ne devraient pas remplacer l’inspiration, l’entendement et le génie du Seigneur de la guerre. Par conséquent, ce n’est pas toujours l’ignorance mais le sujet même qui détermine les limites de la théorie»²⁸.

    Ceci dit, Aron ne tient ici pas compte de l’analyse Géopolitique systémique car, tout simplement, il ne la connaît pas. Bien qu’il pose clairement les exigences qui doivent être toujours remplies par la Théorie si elle veut répondre à sa fonction en tant que telle, il n’essaye pas de découvrir ces exigences à un niveau qui précède la Stratégie et qui est celui de l’analyse géopolitique. Lorsque les quatre piliers géopolitiques que sont la Défense, l’Économie, la Politique et la Culture/Information sont analysés avant la planification stratégique, il est possible de tirer des principes généraux qui serviront de base à cette dernière.

    La faiblesse théorique manifestée par Aron, laquelle dans le cas des «particularités stratégiques», constitue un facteur suspensif de la naissance de la théorie, est compensée en grande partie par les effets de l’utilisation de l’outil analytique géopolitique.

    La solution au problème dans ce cas se concentre dans trois exigences: i) la collecte de l’information nécessaire qui puisse couvrir dans la plus grande mesure possible les particularités des traits du champ de conflit (qu’il s’agisse d’un champ de conflit «chaud» ou «froid»), ii) la possibilité de quantifier ces particularités par le biais d’outils mathématiques (dans ce cas précis, grâce à l’outil de la logique floue (fuzzy logic) et iii) l’utilisation de ces informations et de la méthode pour constituer un modèle géopolitique spécial qui précédera toute planification géostratégique. La troisième exigence peut être considérée sine qua non et elle ne doit donc pas faire partie de l’énumération des exigences ci-dessus, qui sont des exigences spécifiques, dans le cadre toutefois d’une analyse géopolitique spécifique.

    Cependant, la position d’Aron paraît bizarre, voire contradictoire, car un peu plus loin (p. 851) dans le même texte, il confesse, avec la sensibilité que l’on peut attendre d’un pur géographe/géopoliticien et peut-être pas d’un sociologue classique, que: «… Cette évaluation des forces contient en soi une référence à l’endroit où se trouvent les auteurs, à la population et aux ressources financières des deux côtés, à leur système de forces armées et aux facteurs de mobilisation spécifiques de chacune d’elles et à la nature de leurs armes. Les forces militaires et les armes constituent, à leur tour, une expression des systèmes politiques et sociaux respectifs»²⁹.

    Et il tire la conclusion que: «Toute étude spécifique (dans le secteur) des relations internationales est une étude historique et sociologique si l’imputation des forces (adversaires) renvoie au nombre, à l’endroit, aux ressources, aux régimes (militaires, économiques, politiques et sociaux) et ces éléments, constituent, à leur tour, des objectifs des conflits menés entre les états. Une fois de plus, c’est l’analyse théorique qui fixe les limites à la théorie pure»³⁰.

    Cette assertion finale d’Aron témoigne de l’écart méthodologique profond qui existe entre ce sociologue classique (auquel de nombreux théoriciens réalistes des relations internationales ont voulu attribuer la naissance d’une «discipline indépendante des Relations Internationales») et les théoriciens néopositivistes modernes des relations internationales. Qu’il s’agisse de néoréalistes, de réalistes ou de néolibéraux. En tout cas, du point de vue scientifique, nous devons remarquer que l’acceptation théorique moderne des «Relations internationales» et de la Géopolitique n’a pas échappé à la conviction d’Aron concernant la force militaire (pilier défensif) ou son enrichissement par ses éléments économiques (pilier économique), politiques (pilier politique) et historico-sociologiques (pilier culturel).

    L’élément que l’analyse géopolitique systémique moderne a essayé de revaloriser et de promouvoir, avec plus ou moins de succès, était la systématisation des facteurs constitutifs de ces piliers et leur quantification grâce à l’outil mathématique.

    Ilias Kouskouvelis cite, en toute honnêteté scientifique ³¹: i) «… au sens strict du terme science – connaissance systématisée et vérifiée par des instruments de mesure dans des laboratoires – la Science politique et les Relations internationales ne justifient pas le terme Science», ii) «il se peut aussi que ce terme définisse le but à atteindre ou le résultat souhaitable, c’est-à-dire faire de l’étude de la politique interne et internationale une science en se servant des outils méthodologiques et technologiques des sciences exactes» et, en reconnaissant l’importance majeure de l’absence de la recherche empirique dans ces secteurs, il complète: iii) «Actuellement et par rapport à la tentative d’obtenir une dimension de recherche empirique, tant la Science politique que les Relations internationales sont des quasi sciences ou soft sciences».

    Les post-positivistes sont absolument – et avec un «dévouement tout millénariste» – convaincus de l’utilité sociale et internationale de leurs approches concernant les grandes questions de la Paix, de la Guerre et de la Sécurité. Ce qui les préoccupe, surtout, c’est la manière avec laquelle ils imposeront leur vues aux différentes sociétés et aux élites politico-économiques et intellectuelles de ces sociétés. Cela ressemble à une mission «payable», à une prédication de quelque «Discours politique divin» qui fera d’eux prochainement des membres du Conclave Suprême des Cardinaux du Vatican ethno-nihilistique… avec la rémunération correspondante en prestige, puissance etc. Ceci, bien entendu, n’est pas scientifiquement méritoire, ni légitime, mais a toutes les chances (au sein de la communauté scientifique du moins) de créer l’illusion qu’il existe une «science autonome des Relations Internationales» qui dispose d’une «théorie générale» correspondante.

    Seul le relativisme, compris dans le terme «narration» lequel est propre aux post-positivistes, ainsi que le fait que ceux-ci sont obligés, d’un point de vue méthodologique, de s’inclure eux-mêmes, en tant qu’«interprètes/narrateurs» (et de compter leurs interprétations, en tant que produits dérivés stochastiques/narratifs) dans le régime du terme «narration» rend la problématique ci-dessus bien fondée et lui rend une force épistémologique indéniable.

    Pour me faire mieux comprendre: Si un point de vue philosophique et épistémologique considère que tout, dans l’Espace Scientifique, constitue une «narration», alors son approche est aussi soumise à cette loi. Par conséquent, elle est, elle aussi, une «narration»! Alors, que veulent-ils nous enseigner? Sans doute, que le maître également est une «narration», et qu’il cessera d’être s’il n’y a pas d’étudiants, lesquels n’existeront peut-être pas non plus à défaut d’un «narrateur» tiers qui observe et «narre»... «l’histoire de leur existence»! Spyros Vryonis, qui approuve les propos ci-dessus, décrit très bien ces contradictions acrobatiques qui semblent philosophiques: «Enfin, quelques mots (très peu) sur les méta-modernes. Leur contribution, si on peut l’appeler ainsi, consiste à mettre fin au dialogue, étant donné que tous les intéressés proposent des théories sur des choses qu’il est impossible de connaître! Derrida mettrait fin à un tel dialogue par sa théorie sur l’exclusivité du texte. Il n’y a rien au-delà du texte. En utilisant cette expression, il s’exclut lui-même. Il sait donc qu’il n’y a rien en dehors du texte. Cette constatation lui permet de s’exclure de tous les textes – qu’ils soient pré-modernes ou contemporains – et il exclut même sa propre non-théorie. Théoriquement, il est possible de formuler une théorie de ce genre mais elle serait rejetée même par les scientifiques théoriques. Les défenseurs de la théorie de la déconstruction préfèrent attaquer les écrivains et pas les textes³²

    Ces acrobaties spirituelles n’offrent aucune garantie de rationalité dans le cadre de l’espace-temps terrestre. Ce type d’approche appartient plutôt à l’espace de l’autosatisfaction ludique et sophistiquée. D’ailleurs, il ne faut jamais oublier que les affaires internationales se déroulent et évoluent dans le contexte et les conditions impitoyables de l’espace-temps terrestre.

    v) Méthodologie -1: Positions générales et précisions théoriques:

    Critique de l’École critique de Géopolitique

    Par conséquent, nous revenons au champ positiviste et néopositiviste pour conclure que les questions critiques et la méthodologie d’évaluation du processus de réponse (et, bien sûr, pas seulement la réponse en soi…) doivent être posées et enregistrées d’abord «à l’intérieur du positivisme». En d’autres termes, à l’intérieur du système de référence positiviste et néopositiviste dans lequel s’inscrit l’ensemble des Géographes-Géopoliticiens qui ne font pas partie de l’École critique (Critical Geopolitics/Géopolitique critique) post-positiviste des «narrateurs», «narrations» de tout genre et des «récits» qui en dérivent, comme celui du «géographe critique», Géroid Thuathail.

    En «racontant» dans son œuvre Critical Geopolitics³³ sa propre perception critique de la Géopolitique, Thuathail prouve qu’il ignore des questions théoriques essentielles de la Méthode Analytique Géopolitique, qu’il confond la méthode Analytique Géopolitique avec la Géostratégie, qu’il ignore les différences méthodologiques entre les deux et, bien sûr, qu’il se trouve en pleine confusion pour ce qui est du cadre philosophique… Nous avons développé ces positions³⁴ dans des ouvrages précédents qui, selon nous, clarifient des notions et précisent des définitions.

    Tout ce qui précède doit être enregistré par les disciples de l’école critique de Géopolitique mais aussi par leurs collègues néopositivistes et doit même être formulé comme une autocritique ou simple critique interdisciplinaire. C’est seulement ainsi que l’on est susceptible de créer les conditions d’un nouveau débat scientifique, et donc, systématique, épistémologique et ontologique. Un débat qui sera probablement basé sur Lakatos et qui offrira quelques réponses à la tentative de résorber des faiblesses scientifiques qui caractérisent la recherche du devenir international.

    On essaiera donc de documenter, tout au long de cet ouvrage, la position selon laquelle les faiblesses de nature épistémologiques ci-dessus sont dues au vain effort de diverses vues internationalistes concurrentes de ressembler, du point de vue ontologique et méthodologique, aux Sciences exactes et que, dans certains cas où cela a été jugé utopique ou objectivement non réalisable, on n’a pas fait assez d’efforts en vue de la communication interdisciplinaire et de l’identification de bases communes au niveau d’hypothèses générales, hypothèses qui pourraient soutenir des programmes de recherche comparables, mais aussi concurrents, du devenir international.

    Par ailleurs, on va dévoiler une partie des choix spasmodiques de ces vues internationalistes, lorsqu’ils constatent qu’ils ne parviennent pas à réaliser cette construction. C’est exactement à cause de ces obsessions que l’on a recours à une analyse critique du raisonnement de Lakatos, dans le cadre des perceptions épistémologiques modernes, lesquelles considèrent comme une caractéristique fondamentale d’évaluation la possibilité de former historiquement une théorie dont le critère rationnel sera basé sur la notion de «progrès scientifique». Ce qui nous intéresse aussi est l’effort de Lakatos d’effectuer un examen comparatif entre l’exemple kuhnien et le falsificationisme poppérien de la phase entre Popper1 et Popper2³⁵.

    D’autre part, on a jugé opportun de réaliser une comparaison théorique entre l’Analyse Géopolitique Systémique et les approches internationales réalistes et néoréalistes existantes, plus spécialement ces dernières, qui sont les plus avancées. Le but de cette comparaison est de prouver que l’approche Géopolitique Systémique offre de nombreuses possibilités de dissection, et donc d’explication et d’interprétation des phénomènes et des évolutions dans le devenir international car elle agit comme un morphotype lié à chaque

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