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A

Etre et neant du prisonnier des reves:


dessins d'une philosophie et cartographie
(du sujet) du reve
u. KOBBE
Psychotherapeute, psychologue clinicien
Chaire de Psychologie Clinique - Unite d'Enseignement et de Recherche 2
Universitc d'Essen - D-45117 ESSEN
RESUME
Cette reflexion se refere aux bandes dessinees avec Julius Corentin Aquefacques, «prisonnier des reves», comme narra-
tion iconique visualisant le processus du reve comme ä la fois resultat d'un processus primaire et secondaire. La vie oni-
rique esl presentee sous des formes condensees et visualisees qui permettent de saisir le travail du reve ainsi que son
contenu latent et manifeste. En oscillant entre contenu, structure et dynamique, entre Interieur et exterieur du reve et
du sujet revant, l'auteur nous confronte avec l'alternance de veille et d'eveil, avec une reinterpretation permettant de
suivre les logiques absurdes du reve jusqu'aux bords du rien oü l'homme risque de se perdre, avec un amalgame du
represente, du representant et de la representation meine. Donc le Moi ne semble etre qu'une construction illusoire et
temporalisante, mais assez stable pour pouvoir se neantiser, pour pouvoir supporter le court-circuit d'ipseite qui se
reproduit dans le reve et qui se voit mise en question par ce processus meme. Dans ce sens, il se pourrait que le reve -
comme la bände dessinee - ne donne qu'une image erronee, une image qui ne reflete que la propre image du manque
et de discours desirants.
MOTS CLES : assujetissemem, desir, inconscient, manque, neant, travail du reve.
Being and nothingness of the prisoner of the dreams: Outlines of a philosophy and cartography
(of the subject) of the dream
SUMMARY
This contribution refers to the comic dealing with Julius Corentin Aquefacques, «prisoner of the dreams», and illustra-
ting the dream's primary and secondary process. The iconic and narrative skill permits a Condensed presentation of
dream-work äs well äs of latent and manifest dream contents. The fluctuation of dream content, dream structure and
dream dynamics, the oscillation of the dream's internal reality with of the dreamer's external reality confront us with
the alternation of awakening, waking, and sleep. It creates an amalgam of significator, significated, and sign and re-inter-
pretates the dreams' absurd logic up to the border of nothingness where subjects run the risk of loosing themselves.
Thus in terms of Sartre, the Ego strikes äs being an illusory and temporary creation, but sturdy enough for admitting its
inherent nothingness, for bearing the short circuit of ipseity which, both, reproduces and jeopardizes itself within the
dream. So it could be that this dream - such äs the comic - might be nothing but a misleading distortion, c.f. merely a
poor imitation of the subject's dearth and of the reflection of its desire.
KEY WORDS : dearth, desire, dream work, nothingness, subjectivation, unconscious.
PREFACE mots et relevant de l'experience totale et silencieuse». C'est
pourquoi il parait etre approprie de discuter le processus
Ce travail doit commencer par une autojustification : est-ce du reve sur un plan quasi archi-use, par une sorte de traver-
qu'on a le droit de se referer serieusement ä des bandes des- see de la psyche, mais cette fois ä l'aide de bedes reflets,
sinees lors d'une reflexion scientifique ? Et par contre : sorte de palindromes illustres.
Comment pourrait-on - comme il y aura toujours quelque
chose qui echappera ä celui qui theorise - s'approcher aux
reves sinon pas par des iniages ? AJors d'images aussi de JULIUS CORENTIN AQUEFACQUES, SUJET DES
bedes comme narration iconique, comme une narration REVES
qui ne se fera - comme nous apprend Ochiai (1998) - «que
dans le balancement entre la raison, intransigeante et Dans sä tentative discursive, l'auteur Marc-Antoine Mathieu
consciente de ses limites, et la <comprehension pure>, sans nous illustre l'ecran du reve, d'une facon qui est ä la fois
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dans son essence, ce papillon qui se peint ä ses propres cou-
leurs - et c'est par lä, en derniere racine, qu'il est Tschoang-
Tseu. La preuve, c'est que, quand il est le papillon, il ne lui
vient pas ä l'idee de se demander, si, quand il est Tschoang-
Tseu eveille, il n'est pas le papillon qu'il est en train de rever
d'etre.»

SUJET PRESENT - SUJET RE-PRESENTE

Pour se rassurer : ce qui est sür, c'est le caractere de Julius.


Employe au «Ministere de l'Humour», il est un homme
serieux et integre, refusant par exemple de sourire aux
calembours de son voisin de palier de peur d'etre suspecte
de favoritisme. II assiste dignement aux reunions de la
«Chambre de l'Humour et de la Bonne Humeur» oü il sup-
porte toutes sortes de blagues droles ou non. Un jour
comme les autres, il tombe sur l'enveloppe et quelques
pages d'un livre intitule «L'Origine». Et ces pages sont exac-
tement celles que nous, lecteurs, venons de lire. «Mais c'est
Julius Corentin Aquefacques moi !» commente-t-il son Impression de dejä-vu et reste
inquiet comment quelqu'un - et qui ? - a pu se mettre au
resultat d'un processus primaire et secondaire. La vie oni- courant des ses pensees et de son futur. En effet, ä l'origine
rique de son heros Julius Corentin Aquefacques, prisonnier - ou in prindpio - nous ne trouvons pas le commencement
des reves, nous est presentee dans quatre tomes intitules : soudain d'une identite mais - comme nous met en eviden-
«L'Origine» (Mathieu, M.-C. 1991 a), «La Qu...» (Mathieu, ce Derrida (1967, p. 168-170) - plutöt une repetition : «A
M.-C. 1991 b), «Le Processus» (Mathieu, M.-C. 1993), «Le l'origine etait la re-presentation». Donc, aussi cette repre-
Debüt de la Fin / La Fin du Debüt» (Mathieu, M.-C. 1995). sentation n'existe pas, parce que la presentation - ä qui eile
se refere - n'a jamais eu lieu et parce que toute analyse ne
Le tome «L'Origine» demarre sur un reve de son heros : tout correspond qu'ä un «effort pour penser une origine qui est
comme la theorie de Freud sur le travail du reve, le cauche- toujours dejä derobee» (Foucault, M. 1966, p. 347).
mar de Julius a opere un deplacement. Ce reve, place au L'original se revele n'etre qu'une copie: «Je suis mon passe
debut du recit, semble vouloir montrer que la suite, eile, est pour ne l'etre pas», dit Sartre (1943, p. 172). D'une facon
bien reelle malgre le titre de la serie. Jules est prisonnier de irritante, nous nous heurtons ä un amalgame du represen-
ses reves, errant dans un monde kafkaien, mais il est - te, du representant et de la representation meine, qui nous
comme nous fait savoir son point de repere, Jean-Paul indique la repetition et la representation comme etant au
Sartre, qui n'est pas nomme mais bien ressemblant - «il est debut de tout.
toujours responsable de ce qu'on a fait de lui, meme s'il ne
peut rien plus que de s'assurer de sä responsabilite». Par consequent, ce titre, «l'Origine», ne se trouve pas dans le
Imaginez un monde en noir et blanc, une societe sombre, dictionnaire employe par Julius. Hors de question que ceci
fourmillant et surpeuplee au point que tout individu a un l'intrigue et devient au für et ä mesure la mauere de ses
quota d'unite d'espace-vital ä respecter et oü les gens s'en- reves. A la recherche, Julius devient victime du vide, d'un
tassent dans la rue et dans des «une-piece». rien, qui implique une repetition, un retour du vecu. En
effet, il fait objet d'une «case manquante» dans la bede,
voire d'un trou dans la page par lequel certaines cases se
SUJET DU REVE - SUJET REVANT repetent - ce trou comme un truc, qui permet de presenter
au lecteur des elements de reve condenses et visualises, de
Mais peut-etre Julius reve-t-il qu'il reve ? Possible qu'il ne saisir le travail du reve ainsi que son contenu latent et mani-
rencontre que son moi du reve ... D'abord, on en sait rien. feste sous des points de vue
Un specialiste consulte constatera au bout du compte que tres differents, voire rever-
son client est en train de rever. Mais que Julius eut un reflet sibles, troues ou s'ouvrant
dans son reve de la nuit precedente ne prouvait que le fait sur des scenes retro. Le
son reflet, lui, ne revait pas. Poursuivant cette question, trou - un element, qui
Lacan (1973, p. 88) nous demontre, que le sujet peut - en demontre que les signes
se detachant ä l'occasion - «se dire que c'est un reve, mais il comme des signifiants nous
ne saurait en aucun cas se saisir dans le reve ä la facon dont, confrontent avec un espace
dans le cogito cartesien, il se saisit comme pensee. II peut se «vide», parce c'est le signi-
dire - Ce n 'est qu 'un reve. Mais il ne se saisit pas comme celui fiant qui constitue l'origine
qui se dit - Malgre tout, je suis conscience de ce reve.» Dans une (et pas le signifie auquel il
parabole de Tschoang-Tseu, le sujet se reve comme etant un se refere). Le trou - avec
papillon. En fait, reveille il peut se demander si ce n'est pas lequel surgit un phenome-
le papillon qui reve d'etre Tschoang-Tseu. «II a raison ne essentiel, interprete
d'ailleurs - nous explique Lacan (1973, p. 88-89) - d'abord chez Sartre comme etant
parce que c'est ce qui prouve qu'il n'est pas fou, il ne se «une des manifestations
prend pas pour absolument identique ä Tschoang-Tseu - et, factices de la negativite»
deuxiemement, parce qu'il ne croit pas si bien dire. (Lacan, J. 1956, p. 109).
Effectivement, c'est quand il etait le papillon qu'il se saisis- Le signifiant constituant l'origine ?
sait ä quelque racine de son identite - qu'il etait, et qu'il est

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SUJET ALIENE - SUJET OBRE nous confronte avec le reseau du sort du sujet, qui se mani-
feste par une ambiguite dans laquelle prend effet son
De cette maniere, le moi ne semble etre qu'une construc- propre verdict.
tion illusoire et temporalisante, mais assez stable pour pou-
voir se neantiser et pour pouvoir supporter ce court-circuit Pendant que Julius attend, heberge dans un etrange bar-
d'ipseite qui se reproduit dans le reve et se voit mise en hötel du desert, le rien se trouve etre assez joli, surtout
question par ce processus meme. Or, ce n'est pas par hasard quand le noir tombe et le blanc s'acheve. En ce qui concer-
que Julius se trouve dans des situatioiis d'alienation reelles ne le sort de notre heros, le matin prochain, la gare finit par
et imaginaires, que les autres ne paraissent etre que des le rejoindre - et non l'inverse. La, des milliers d'autres ban-
fonctions en tant que fonctionnaires de la «Contröle nis attendent un train - un train, qui ne vient qu'une fois et
d'Espace Vital», du «Ministere de la Joie de Vivre», du qui n'embarquera que Julius. II est alors conduit ä un phare
«Ministere de l'Humour», de «l'Usine ä Reves», de la et decouvre la maquette du monde. Une fois encore, il
«Bourse des Valeurs»..., qu'il n'y a pas d'autrui mais une change de dimension et - piege par la quadrichromie -
dimension imaginaire (du reve? de la realite? du reel?) avec decouvre cette fois la couleur! (A propos: Est-ce que vous
un alter-ego ä commenter - ä co-mentir? - son existence. dormez en blanc et noir ou en couleurs?) Bei et bien, Julius,
toujours prisonnier des reves et enferme dans son propre
Le deuxieme tome - «La Qufadrichromie]» - introduit une inconscient, se reveille
caracteristique du reve: La distorsion de l'espace et du immuablement dans sä
temps. Perdu sur une sphere planant et tombant dans un minuscule chambrette
rien, Julius decouvre sous ses pieds quelqu'un prisonnier comme si de rien
d'une autre dimension. Le pivot du theme est un manque n'etait.
d'espace vital, un temps ritualise et regle comme une horlo-
ge dans lequel devrait se derouler normalement la vie. Sans • En mauere de cette
le vouloir, quasiment avec une sorte de responsabilite inno- deformation
cente, Julius corrompe la logique du «Ministere de Entstellung' - du reve
l'Humour» oü il est employe et cause un etat absurde de latent, nous rencon-
l'administration. Mais la logique de l'absurde se retourne trons un glissement du
aussi contre lui. Accuse devant un tribunal ricanant, il est signifie sous le signi-
jete hors des murs de la ehe, expulse dans le rien. Julius vit fiant,
une Situation vraiment kafkalenne qui rappelle aux para- • dans la condensation
boles «Le verdict» et «Devant la loi». En meme temps, notre onirique
heros se voit chasse sans raison, mais il (re-P)gagne une „Verdichtung' - qui est
liberte inattendue et inconnue : c'est une liberation des cir- effet de la censure et
constances alienant de ce monde avec ses sujets serialises, en meme temps moyen
mais c'est aussi «une liberte comme echappement au pour lui echapper,
donne, au fait», comme «facticite de la liberte» (Sartre, J.-P. nous trouvons la struc-
1943, p. 541) qui implique «le fait de ne pas pouvoir ne pas ture metaphorique de
etre libre» et qui se trouve amalgamee avec la «contingen- surimposition des signifiants,
ce», cela revient ä dire avec «le fait de ne pas pouvoir ne pas • tout comme le deplacement - „Verschiebung" - nous
exister» (Sartre, J.-P. 1943, p. 543). indique un virement metonymique de la signification
(Freud, S. 1917, p. 174-180; LacanJ. 1957, p. 269).

SUJET NEANTISE
SUJET, ALTER-EGO ET ALTERNANCE DU REVE
Cette constatation nous ramene au rien, vu le fait que toute
existence contient sä propre negation: Sartre (1943, p. 40) Dans «Le Processus», troisieme tome des peregrinations de
nous commente peremptoirement que «l'etre est cela et, en Julius, notre heros se reveille en tombant de son lit, puis
dehors de cela, rien». Nous y reviendrons. s'habille et quitte son appartement avant de decouvrir son
double encore en pyjama dans son lit. C'est reparti... Mais
Abstraction faite de l'expulsion sociale, Julius se trouve son horloge s'est dereglee: C'est pourquoi ce double appa-
condamne ä traverser ce rien pour rejoindre une gare enig- raissait dejä, cet alter-ego, qu'il ne rencontrait jamais avant
matique - un rien, sorte de paysage desertique, qui semble et duquel il n'avait aucune connaissance. Le probleme du
etre sans fin jusqu'au diable vert. On dirait, dröle d'action dereglemerit de l'horloge le fait arriver trop tot dans une
de zigouiller quelqu'un. Le drame reporte des traits clas- «Usine ä Reves» oü il se rend pour un controle de routine,
siques, surtout quand Julius rencontre un homme qui tra- voire, pour la revision des 5.000 reves. II est pris pour le
verse ce desert aussi et qui - comme il ne se rend compte patient precedent qui souffre d'un syndrome du plafond.
qu'apres - ne le Supporte parce qu'il est aveugle. Du fait On lui inocule alors le fameux syndrome, et Julius se
qu'il introduit la figure de Tiresias, voyant aveugle, l'auteur reveille chez lui ... sans plafond au dessus sä tete naturelle-

* Vortex : En mecanique des fluides, on appelle vortex un type de tourbillon dans lequel la vitesse des particules dufluideen chaque point est inversement proportion-
nelleäladistanceentrelepointetlecentredu tourbillon. Un teltourbillon estphysiquementirrealisable(lavitesseau centre seraitinfinie), maispeutetreapprochesoitsi, au centredu tour-
billon, se trouve un .solide, soit si le centre du tourbillon tourne comme un solide, c'est-ä-dire avec une vitesse angulaire constante (vortex force). - Un cas reel de vor-
taestceluid^recoulementd'unliquideparunorißcedrculairepercedanslejondd'unredpient:lesensdfrotation,silasyrm
Coriolis dues ä la rotation de la Terre. On trouve d'autres cas de vortex dans les ecoulements aulour de cylindres.
Par analogie, on appelle vortex les zones d'un materiau supraconducteur dans lesquelles les courants ont une struäure tourbillonnaire. Ces vortex jouent un rölefon-
damental dans lesproblemes depenetration et de quantißcation dußux magnetique ä l'interieur du supraconducteur.

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ment. Qu'il reve le reve de l'autre nous avertit que je suis - amene le theme du
comme nous etablit Sartre - que «je suis les autres». Avant double, du doublement
que son double, arrive alors et toujours en pyjama, puisse par reflet. Ce qu'il en est,
l'aider, dans son reve sans plafond, Julius se met ä la c'est que dejä le nom de
recherche de son reve perdu et parcourt un casier immen- Julius Corentin
se sans couvercle : autant de chambres et de pieces ... qui Acquefacques comporte
vont se reveler etre les cases de la bede. En dernier recours, un effet double dans sä
bringuebalant au bord de l'abime d'un «trou de matiere» et repetition de «acque» et
happe par un vortex*, degringolant une spirale, le moi du nous revoie egalement ä
reve - ou son double, on ne sait plus entre les reves et les cet «artefact» du processus
decalages horaires - arrive dans notre realite : il marche sur du reve.
les planches de l'album photographie, et tombe dans l'une
d'entre elles - un peu comme on tombe dans le vide et se En vue du tome quatre, le
reveille tressaillissent ä l'instant en s'endormant. En oscil- reve se trouve cette fois
lant entre contenu, structure et dynamique, entre interieur consacre ä la traversee d'un
et exterieur du reve et du sujet revant, l'auteur nous miroir : les perspectives
confronte avec l'alternance de veille et d'eveil de notre uni- sont passees en negatif, le
vers, avec une reinterpretation permettant de suivre les sens des dialogues etant
logiques absurdes du reve dans l'impasse de l'impense, en inverse aussi. Ainsi, Julius se
dernier recours jusqu'aux bords du rien oü 1'homme risque trouve confronte par un jeu
de se perdre. de miroirs diabolique qui
refletent un esprit retors et Dissodation «infraspatialisante»
Meme si Julius nous est presente comme prisonnier de ses qui fönt osciller presence et
reves, ceci ne veut pas dire qu'il est captive par son double absence du sujet. Ce surgissement du principe d'absence,
ou par une machination quelconque de cet alter-ego: Pour d'abnegation et de perte du sujet dans le reve ne suit pas seu-
paraphraser Lacan, il est Julius capture, mais capture de lement les principes de deformation, de condensation et de
rien, car, dans le reve il deplacement, mais il y va de la vie (psychique), de l'äme
n'est - comme le papillon aphysique de rhomme, et ceci demande et force aussi une
du reve - Julius pour per- dramatisation dans la dissociation. A la fin, le specialiste des
sonne. C'est pourquoi le cas etranges, consulte par Julius, diagnostique - faule de
papillon peut - toujours reflet dans le miroir - une «infraspatialisation, plus vulgaire-
citant Lacan (1973, p. 89) - ment, [un] retournement de la Situation». Julius, lui, il fini-
si le sujet n'est pas ra comme negatif de soi-meme, retourne sur lui-meme dans
Tschoang-Tseu, mais Julius une sorte de peau reversible qui lui va comme un gant, voire
Corentin Acquefacques, meme litteralement mis cul par-dessus tete juste dans la
«lui inspirer la terreur pho- logique d'apres laquelle il est tombe dans cette Situation : ce
bique de reconnaitre que le n'est que cul par-dessus tete aussi. Apres tout, il faudra en
battement des petites ailes passer par le fait qu'il se tape la tete - non, pas contre le mur
n'est pas tellement loin du - mais contre une psyche, bei et bien avant de briser ce reve.
battement de la causation, II y a de quoi de vivre un cauchemar existentiel.
de la rayure primitive mar-
quant son etre atteint pour Avec ceci, la dimension corporelle de l'experience revas-
la premiere fois par la grille sante de Julius indique que le corps est parole, puisque la
du desir.» flexion corporelle se trouve - comme nous explique
Deleuze (1965, p. 45) - dejä dans la reflexion consciente
redoublee, partagee, opposee et refletee sur elle-meme,
SUJET FACTICE c'est-ä-dire, liberee de tout ce qu'elle dissimule d'habitude.
S'il faut alors une reflexion des mots, une reflexion dans la
Martin (1997) nous parole, pour faire apparaitre son caractere flexionnel pour
apprend que «la mise en faire surgir ce qu'elle dissimule, cette sequence du reve en
abyme»**, dans la litteratu- temoigne : ce n'est qu'en reverie que ce probleme refoule,
Auto-reflexion de(vant) lapsyche re, est aussi appelee recit capable de mettre en question l'identite de Julius, se mani-
speculaire, ä cause de la figu- feste - et qu'il se voit amene ä un denouement.
re du miroir reflechissant sä propre diegese. Le miroir est
en effet present des la page titre oü les lunettes de Julius
reflechissent le plancher quadrille du reve, Symbole meta- SUJET DIALECTIQUE
phorique des cases de la bände dessinee.» Le reve apparait
comme une realisation d'autres realites possibles. Le miroir Sur un autre plan, cet element du reve reprend et dramati-

** Abyme. (mise en) : A l'origine, il s'agit d'un terme d'heraldique qui designe lepoint central d'un ecu lorsque cepointfigure lui meme un ecu. Plus generalement, on
designe ainsi leproce.de qui consiste ä repeter (parfois ä l'infini) un element ä l'interieur d'autres elements similaires au premier. Ainsi, les «poupees russes», emboitees
les unes dans les autres creent une mise en abyme, de meme que deux miroirs situes l'un enface de l'autre qui se renvoient leur reflet ä l'infini. C'est aussi le cas lors-
qu'une camera filme unecran contröle qui retransmet sä propre image. On parle alors de «video-feedback» ou «larsen image». (La miseen abyme peut parfois creerun
effet vertigineux, comme dans l'histoire de l'homme qui a vu rhomme. qui a vu l'homme qui.... a vu l'ours !)
En litterature, ce terme designe V enchässement d'un redt ä l'interieur d'un autre. Certains ecrivains ont ainsi presente dans leurs romans des ecrivains... qui ecrivent.
Ily a alors histoire dans l'histoire. Le meme procede peut etre utilise au theätre, lorsque des acteurs jouent des personnages quijouent eux-memes - par exemp
deguisements - le röle de quelqu'un d'autre (theätre dans le theätre).

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se le blanc et noir du monde quasiment fige de Julius et de entierement, mais ca Importe aux palindromes illustres dis-
son contraire affranchissant, le rien. II rappelle au principe simulant la verite du reve - une verite qui n'est supportable
de negativite, ä une categorie du non, de negation - cate- que sous forme de transposition, de condensation et de
gorie existant dans l'esprit conscient et dans le reve, catego- deplacement. C'est pourquoi il est indispensable de souli-
rie qui se trouve caracterisee par Sartre (1943, p. 46) gner que cet ceuvre ludique est - sans un si ou un mais -
comme etant un «refus d'existence»: «Par eile, un etre (ou interessante pour les profession psy, meme quand ils ne sont
une maniere d'etre) est pose ou rejete au neant». Mais ce pas des «bedeastes». •
phenomene contient une dialectique, mise au point
d'abord par Hegel (1807), plus tard chez Sartre - un prin-
cipe dialectique, qui explique que l'etre et le neant ne REFERENCES :
seraient que la meine chose, parce qu'il y a - toujours avec
Hegel - «rien dans le ciel et sur terre qui ne contienne en Deleuze G. (1965). Pierre Klossowski oder Die Sprache des
soi l'etre et le neant». Körpers [Pierre Klossowski ou les Corps Langages]. In :
Klosswski, P. et al. (Eds.): Sprachen des Körpers. Marginalien
Reste ä ajouter que dans ces miroitement, reflets, reflexions zum Werk von Pierre Klossowski, Berlin (1979) pp. 39-66.
et flexions, le sujet ne reste qu'un «je speculaire» avec
toutes ses meconnaissances constitutives du moi, plus ou DerridaJ. (1967). La voix et le phenomene, Paris.
moins isole dans le monde. «C'est la reflexion, c'est la prise
de conscience, c'est l'elucidation du silencieux, la part res- Foucault M. (1966). Les mots et les choses, Paris.
tituee ä ce qui est muet, la venue au jour de cette part
d'ombre qui retire l'homme ä lui-meme, c'est la reanima- Freud, S. 1917: Die Traumarbeit. In: Freud, S. 1940 :
tion de l'inerte» qui motivent 1'action (Foucault, M. 1966, p. Gesammelte Werke, tomeXI, Frankfurt a.M. (1999) pp. 173-186.
339). Julius parait dependant d'une negation qui «repre-
sente la forme patente» de ces fonctions de meconnaissan- Hegel G.-W.-F. (1807). Phänomenologie des Geistes. Frankfurt
ce, qui restent pour la plus grande part latentes et ne sur- a.M.
gissent que dans ses reves, «eclaires par quelque lumiere
reflechie sur la plan de fatalite, ou se manifeste le ca» Klossowski P. (1963). Un si funeste desir, Paris 1994.
(LacanJ. 1949, p. 96).
LacanJ. (1949). Le stade du miroir comme formateur de la
fonction du Je teile qu'elle nous est revelee dans l'expe-
SUJET SANS EGO - SUJETS SANS EGAUX rience psychanalytique. In: Lacan, J. 1966: Ecrits I. Paris
(1966) pp. 89-97.
Pour revenir au sujet du reve : meme si ca parait ose, on
pourrait supposer que la reflexion cartesienne «cogito ergo LacanJ. (1956). La dissolution imaginaire. In: Lacan, J.
sum» — «Je pense, doncje suis» — se trouve doublee et refletee 1981: Leseminaire, livreIII:Lespsychoses. Paris (1981) pp. 103-
dans un «Je reve, donc je suis». Etant prisonnier des reves, 116.
Julius se questionne probablement comme suivant : «Peut-
etre ne suis-je qu'objet et mecanisme (et donc rien de plus LacanJ. (1957). L'instance de la lettre dans l'inconscient ou
que phenomene), mais assurement en tant que je le pense la raison depuis Freud. In: Lacan, J. 1966: Ecrits I. Paris
[et que je le reve], je suis - absolument. [...] Bien ceci me (1966) pp. 249-289.
limite ä n'etre lä dans mon etre que dans la mesure oü je
pense [et reve] que je suis dans ma pensee [ainsi que dans LacanJ. (1964). Livre XI - Les quatre concepts fondamentaux
mes reves]; dans quelle mesureje le pense [et/ou reve] vrai- de la psychanalyse. Paris 1973.
ment, ceci ne regarde que moi, et, si je le dis, n'interesse
personne [sauf le lecteur]» (Lacan,J. 1957, p. 275). Mais ce Lacan, J. (1973). Le Seminaire, livre XI. Les quatre concepts
«je» ne se revele comme un «je superflu et nuisible», que fondamentaux de la psychanalyse. Seuil, Paris.
parce qu'«il n'y a pas d'adequation entre Vego et le cogito,
mais des pensees [et des reves?] sans ego» ... et - pour ainsi Martin I. (1997). Comment la bände dessinee de Marc-Antoine
dire - sans egaux aussi . Mathieu, L'Origlne, renouvelle le concept de mise en abyme dejä
present dans la litterature ? Web-Publ: http://www.arpla.univ-
Dans ce sens, il se pourrait ä tort ou ä raison que le reve - paris8.fr/sites/spoutnik/fevrier/ origine.htm; et:
comme la bede - ne donne qu'une Image erronee, une http://www.er.uqam.ca/merlin/kc291575/origine.htm
image qui ne reflete que la propre image du manque et de
discours desirants. De ce point de vue, il se pourrait que Mathieu M.-C. (1991 a). L'origine. Julius Corentin
«nous sommes soit des objets pousses par des forces obs- Acquefacques, prisonnier des reves. Paris 1999.
cures, soit des sujets lucides capables d'agir seulement
d'une facon absurde» (Foucault, M. 1966, p. 339). Et il se Mathieu M.-C. (1991 b). La Qu ... Julius Corentin
pourrait alors que le reve comme les bedes ne revelent nul- Acquefacques, prisonnier des reves. Paris 1991.
lement un sens au-delä de ce principe d'existence, mais
qu'ils y mettent le leur pour l'alterer ou le cacher au contrai- Mathieu M.-C. (1993). Le processus. Julius Corentin
re. Reste ä savoir que le «Theätre des Operations» porte Acquefacques, prisonnier des reves. Paris 1999.
l'epigraphe <.acta estfabula>, devise qui pourrait faire allusion
au reve comme moyen ä modifier le rapport avec notre exis- Mathieu M.-C. (1995). Le debut de la fin. Julius Corentin
tence d'acteur-spectateur. Pour reprendre le theme d'une Acquefacques, prisonnier des reves. Paris 1999.
dissimulation de l'etre dans le langage, du mi-dire de la veri-
te, cette verite - aussi du reve - «n'est jamais qu'une image NN: L'Origine. MultiMania Production SA - Grolier
et l'image meme qu'une absence d'etre, donc presence du Interactive. Web-Publ: http://www.baguette.com/baguet-
neant» (Klossowski, P. 1994, p. 153). Cela ne prend pas te/old/voir/ comix-prisonnier/french/html/l.html

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Revue Frangaise de Psychiatrie et de Psychologie Medicale
Navembre 2002 - TOME VI - N° 60
NN: La Qu... MultiMania Production SA - Grolier bände et le dessin. Groupe de Recherche sur l'Image et le
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NN: Le Processus. MultiMania Production SA - Grolier Publ: http://www.montrealadonf.com/montrealadonf/ lit-
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