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impressions

FAIRE LA DIFFÉRENCE • être disponible aux différents intervenants • persévérer, quand tout le monde semble
Est-ce que vous vous souvenez quand vous en tendant la main et en reconnaissant la vouloir abandonner;
étiez élève au primaire ou au secondaire? place de chacun; • essayer, avant de dire non;
Bien sûr, chacun d’entre nous a ce genre de • être vraie. • éveiller les élèves à ce qu’ils ont de
souvenir. Et chacun d’entre nous a croisé le meilleur;
chemin d’au moins un prof qui a fait une Ensuite, sur le plan du développement pro- • ouvrir les horizons, afin de permettre des
différence dans sa vie, soit de façon positive, fessionnel : rêves qui semblaient souvent inaccessibles;
soit de façon négative. Étudiantes finissantes • prendre les moyens pour y parvenir;
en enseignement en adaptation scolaire et • être l’actrice principale de sa réussite; • être génératrice d’enthousiasme.
sociale, nous avons comme ambition de faire • accepter de se tromper, mais persévérer;
la différence de façon positive. Pour ce, nous • s’engager auprès de soi-même; Nous avons bien essayé de séparer chacun
nous sommes demandé quels pouvaient bien • être à l’affût des dernières recherches pou- des aspects de l’enseignement, mais nous
être les éléments qui feraient la différence, en vant permettre à certains élèves de faire un avons dû nous rendre à l’évidence que plu-
considérant trois aspects de l’enseignement. pas de plus; sieurs éléments se recoupent. Nous en sommes
• chercher des solutions. donc arrivées à la conclusion que pour être
Pour commencer, sur le plan de l’insertion enseignante, il faut prendre conscience de
professionnelle, nous pensons que « faire la Finalement, puisque nous sommes en adap- notre pouvoir en tant qu’individu et agir en
différence » pourrait ressembler à ceci : tation scolaire et sociale, sur le plan de l’inté- fonction de ce pouvoir. Et la meilleure stra-
gration scolaire : tégie pour y arriver est certainement celle qui
• s’engager envers soi-même, mais égale- vient du cœur, un geste à la fois. Pensez-y!
ment avec les élèves et la société; • … d’abord y croire;
• affirmer et défendre l’importance de notre • prendre le temps de créer des liens avec Renée-Claude Bouchard, Jacinthe
rôle sociétal en tant qu’enseignante; des êtres humains avant d’enseigner à des Courville et Annie-Claude Mathieu sont
• croire en ce qu’on fait; élèves; étudiantes en enseignement en adaptation
• miser sur les aspects positifs du métier; • parler avec le cœur pour mieux dénouer scolaire et sociale.
• s’impliquer au sein de l’équipe-école, en l’esprit;
affirmant ses idées pour aller plus loin; • valoriser les réussites de nos élèves, aussi
• avoir le goût de relever des défis; petites soient-elles;

L u s , v u s e t e n t e n du s

MEIRIEU, PHILIPPE ET JACQUES LIESENBORGHS, Cet engagement « ministériel » à son endroit, faut surtout pas s’arrêter au titre de l’ouvrage
L’ENFANT, L’ÉDUCATEUR ET LA TÉLÉ- en 1997, est à l’origine de son travail de con- en pensant que celui-ci traite longuement
COMMANDE, TRACE, ÉDITIONS LABOR, sultation sur les lycées en France et de son de… la télécommande et de son utilisation;
2005, 201 P. séjour comme directeur de l’Institut national certes, il en est question et les réflexions de
de recherche pédagogique (INRP). Ce qui ne Meirieu à ce sujet sont à la fois intéressantes
« Hélas, pour beaucoup d’universitaires, l’a pas empêché, comme il le précise lui- et, parfois même, étonnantes, mais on trou-
l’ésotérisme est constitutif de leur identité : même, de marquer clairement ses distances vera dans ce livre bien d’autres occasions de
être compris, c’est être médiocre! » d’avec le ministre en plusieurs occasions. réfléchir en sa compagnie sur les grands
thèmes de notre époque troublée.
Philippe Meirieu
Ce n’est là qu’une anecdote qui agrémente
cet ouvrage fort bien fait et qui nous permet Et c’est souvent par couple antinomique que
Imaginez, un instant, que vous êtes en pré-
d’entrer chez Meirieu, non par la grande procède Meirieu pour se faire comprendre,
sence du ministre de l’Éducation et qu’il vous
porte, mais par toutes les portes à la fois : opposant ou apposant projet éducatif et
dise : « Demandez-moi ce que vous voulez,
pédagogique et éducationnelle bien sûr, mais projet de société, téléréalité et négation
je vous l’accorde. » Fabulation? Pour vous
aussi philosophique, personnelle, profession- de la réalité, images violentes et obscénité,
et moi sans doute, mais pas pour Philippe
nelle, politique, sociale, artistique, etc. Il ne consommation télévisuelle et jeux interactifs,
Meirieu.

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LUS, VUS ET ENTENDUS

exigence de formation préalable et alibi ROEGIERS, XAVIER. L’ÉCOLE ET L’ÉVALUA- plus une situation intègre un ensemble de
de l’immobilisme, Voltaire et Rousseau, télé TION. DES SITUATIONS POUR ÉVALUER savoirs variés et diversifiés, plus cette situa-
attractive et télé booster de démocratie, choix LES COMPÉTENCES DES ÉLÈVES, tion devrait rendre compte de la compétence
de l’avenir et choix de la pensée dominante, BRUXELLES, ÉDITIONS DE BOECK ET LARCIER, de l’élève à « mobiliser » ces savoirs dans le
et bien d’autres encore. 2004, 367 P. (COLLECTION PÉDAGOGIES contexte donné de la situation. Au concept
EN DÉVELOPPEMENT).
d’intégration sera rattachée la notion de
Comme le signale Jacques Liesenborghs1 « recouvrement ». Cela est fort bien explicité
dans son avant-propos, c’est en prenant Xavier Roegiers, qui a produit récemment au chapitre 4.
« le risque du balbutiement, du bégaiement, plusieurs écrits sur la question des situations,
d’une certaine lenteur » que cet entretien avec apporte un éclairage intéressant, voire judi- Il y a aussi les facteurs qui conditionnent l’in-
Meirieu a été mené. Cela rend les échanges cieux, sur la cruciale question de l’évaluation férence de l’enseignant5; l’interprétation est
d’autant plus vivants, d’autant plus humains. des compétences et des situations à mettre l’action par laquelle il donne du sens6 aux
En deux cents pages et une centaine de ques- en place pour y arriver. D’emblée, il faut informations colligées. Il y a la question de la
tions et réponses, Liesenborghs nous permet souligner la clarté et la justesse du propos, la « posture » de l’évaluateur : « …selon ce qu’il
en effet de mieux connaître cet homme qui, cohérence de la démonstration et l’apport est, ce qu’il est amené à faire, le contexte
par ailleurs, n’a plus besoin d’être présenté. d’un discours explicite sur des aspects diversi- dans lequel il est amené à agir, le système de
On découvre, ou redécouvre notamment, fiés de la question, trop souvent émotive, de contraintes qui lui sont imposées, l’évaluateur
que Meirieu ne craint pas d’admettre ses l’évaluation. L’auteur traite de questions par- va se situer à des endroits différents7. » Pour
erreurs passées, mais aussi de provoquer ses fois controversées. cet auteur, il y a la situation cible qui « est le
adversaires et les adversaires de la pédagogie reflet d’une compétence à installer chez
en général. On entre également en contact Le ton est sobre; le vocabulaire est précis; l’élève8 »; ce sont des situations d’intégration
avec un homme qui a su, au travers d’épreuves l’illustration du propos à l’aide de schémas et ou de réinvestissement; tous ces termes (inté-
personnelles importantes, cheminer vers la de tableaux est abondante. Des notions nou- gration, cible et réinvestissement) sont des
sagesse et la sollicitude. velles sont introduites, dont celle du recou- synonymes pour Roegiers9. La situation cible
vrement que doivent assurer les situations est « une tâche qui est visée au terme d’un
La définition qu’il donne de l’éducation d’intégration (cible), qui aident à mieux cer- ensemble d’apprentissages ponctuels parce
achèvera sans doute de vous convaincre de ner la portée du discours tenu sur la question que représentative d’une compétence à acqué-
lire cet ouvrage : de l’évaluation des compétences. Un glos- rir10 ». Ce sont des situations complexes. Il y a
saire riche, une bibliographie étayée et une aussi le « recouvrement »; il affirme qu’ « on
(…) l’éducation, c’est le travail pour sur- table des matières précise ajoutent à la qua- peut avoir d’excellentes situations, mais qui
monter concrètement, dans un accom- lité de l’œuvre. ne sont pas pertinentes, parce qu’elles ne
pagnement quotidien et inventif, des couvrent pas les parties les plus significatives,
oppositions théoriques qui peuvent appa- L’auteur définit ainsi la compétence : « … la ou parce qu’elles se recoupent entre elles de
raître indépassables. C’est aider des petits possibilité, pour un élève, de mobiliser un façon excessive11 ». Il faut construire un « mail-
d’hommes à assumer leur héritage et à le ensemble de savoirs, de savoir-faire et de lage assez serré, qui permette de garantir
dépasser en même temps. C’est mettre en savoir-être pour résoudre des situations.1 » progressivement les acquis de l’élève12 ».
actes la dialectique du même et de l’autre « Pour vérifier si l’élève a acquis la compétence,
constitutive de toute identité. l’enseignant lui soumet une situation nou- Au point 2 du chapitre 413, l’auteur démontre
velle qui est le témoin de la compétence.2 » qu’il y a quatre catégories d’élèves : les élèves
Yvon Côté On distingue la compétence de la compé- forts, les faux forts, les élèves faibles et les
tence de base; cette dernière est « définie faux faibles. Plusieurs recherches et enquêtes
1. Enseignant retraité, ancien sénateur et fondateur de en termes de profil minimum à acquérir par menées dans différents pays appuient sa
Changements pour l’égalité (CGE), J. Liesenborghs a
aussi été administrateur à la RTBF (Radio-Télévision l’élève pour qu’il puisse suivre avec succès les démonstration. « La notion d’élève fort, ou
belge francophone). apprentissages de l’année suivante3 ». Selon d’élève faible, est essentiellement dépen-
Roegiers, les compétences de base discipli- dante des bases sur lesquelles on évalue les
naires se situent entre deux ou trois par performances.14 » Lors d’épreuves standards,
année scolaire. les élèves forts réussissent, les élèves faibles
échouent; quand ils sont évalués sur la base
Il y a la notion d’intégration. Pour lui, cela d’épreuves dites intégrées, les vrais forts et
désigne « la mobilisation conjointe de plu- les faux faibles réussissent de façon naturelle.
sieurs savoirs, savoir-être et savoir-faire pour Quoique cela puisse paraître troublant, la
résoudre une situation complexe4 ». Ainsi, démonstration est explicite. Dans le même

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contexte, l’auteur précise qu’un bon système PHILIPPE PERRENOUD. L’ÉCOLE EST-ELLE négocier dans la profession enseignante pour
d’évaluation15 doit être pertinent, valide, ENCORE LE CREUSET DE LA DÉMOCRA- entrer dans cette ambition d’une école qui
fiable, efficace, réaliste et visible. Visible, car il TIE?, LYON, CHRONIQUE SOCIALE, 2003, 192 P. n’ignore pas trop tôt et trop souvent nombre
doit informer l’ensemble des acteurs du sys- d’élèves laissés pour compte? Un propos de
PHILIPPE MEIRIEU. LE MONDE N’EST PAS
tème. Philippe Perrenoud pointe vers les passages
UN JOUET, PARIS, DESCLÉE DE BROUWER,
les plus prometteurs et les plus stimulants :
2004, 359 P.
Au chapitre 5, Roegiers aborde un point cru-
cial, soit la gestion des critères en évaluation. PHILIPPE MEIRIEU. LETTRE À UN JEUNE Une école qui prétend préparer les jeunes
Il affirme d’emblée que « les critères cons- PROFESSEUR, PARIS, ESF, 2005, 96 P. à affronter la complexité du monde grâce
tituent un des principaux guides pour les VINCENT DESCOMBES. LE COMPLÉMENT à leurs compétences sera portée à privi-
apprentissages16 ». Il faut distinguer les cri- DE SUJET. ENQUÊTE SUR LE FAIT D’AGIR légier une figure des enseignants comme
tères qui permettent de rendre compte du DE SOI-MÊME, PARIS, GALLIMARD, 2004, artisans d’une pédagogie constructiviste,
processus et ceux du produit. Le nombre de 521 P. garants du sens des savoirs, organisateurs
critères doit être modéré; le peu et le trop de situations d’apprentissage, chefs de
sont à éviter. Il distingue le critère d’évalua- On peut associer la contribution de ces diverses projets, experts en évaluation formative,
tion du critère de décision; le premier est « un publications à des questions émergeant d’un gestionnaires de l’hétérogénéité et régula-
point de vue selon lequel on se place pour contexte donné. Pour ma part, je le fais volon- teurs de parcours de formation. (p. 152)
évaluer17 »; le second est un « critère que l’on tiers au regard des changements en cours
adopte pour prendre la décision. Il est appelé dans le curriculum, dans l’encadrement de On saisit la proximité du propos avec les
“ critère ” de façon abusive, puisqu’il n’est en la progression des élèves et au regard des lignes directrices de la réforme d’ici. L’enjeu
fait qu’un indicateur quantitatif d’un critère visées pédagogiques mises en avant par la sans doute le plus immédiat consiste à com-
d’évaluation18 ». réforme. C’est évidemment dans la mesure prendre ce rôle élargi non pas comme un
où des questions nous tracassent que la lec- impératif, comme une montagne à gravir,
C’est un livre que tout pédagogue devrait ture devient une sorte de dialogue qui peut mais comme un foyer de ressources, une
avoir dans sa bibliothèque afin de s’y référer nous ébranler et nous faire avancer vers de libération de vieux carcans.
pour aborder et traiter les questions, parfois nouveaux horizons. Voyons trois questions
litigieuses, de l’évaluation. Cet auteur pro- auxquelles ces ouvrages pourraient répondre : La dernière question porte sur un héritage.
pose au lecteur un discours intelligemment Pouvons-nous nous dégager d’une représen-
tissé, dont le langage est simple, précis et D’abord, est-ce un choix de grande consé- tation trop introvertie de l’éducation? Autre-
accessible. Bonne lecture! quence que de comprendre la fréquentation ment dit, nous représentons-nous le rôle de
scolaire de 6 à 15 ans comme étant axée sur l’école principalement comme le lieu d’un
Donald Guertin une formation de base pour tous et toutes? Si souci de soi ou comme l’occasion et l’agent
c’est tout autre chose que d’accumuler le plus d’une ouverture au monde? « Affronter la
possible de connaissances d’une façon qui complexité du monde », dit Perrenoud. « Le
1. Page 351. sert surtout ceux qui feront de longues
2. Page 351; 106 et suivantes monde n’est pas un jouet », écrit en titre
3. Page 351. études, l’effort actuel de réorienter le curricu- Meirieu. Cependant, nous restons dans une
4. Page 354. lum, particulièrement au cours des premières ambiance intellectuelle qui pousse à croire
5. Page 83. années du secondaire, est en rapport direct
6. Page 83. que nous connaissons nos représentations et
7. Page 92. avec une démocratisation scolaire où le rap- non pas « le monde ». La tentation est de tout
8. Page 109. port aux connaissances n’est pas dissocié faire converger sur l’unicité de notre personne
9. Page 109. d’une éducation directement pertinente pour
10. Page 109. et de tout ramener à notre vision du monde
11. Page 150. tout citoyen. On trouvera dans le livre de personnelle, frottée aux visions du monde des
12. Page 150. Philippe Perrenoud une analyse très élo- autres. Il y a une immense réticence à com-
13. Page 154 et suivantes. quente de ce défi. Si l’on en reste à une con-
14. Page 154. prendre les disciplines comme une média-
15. Page 164-165. ception encyclopédiste et cumulative de tion, à vouloir faire découvrir des facettes du
16. Page 210. l’appropriation des connaissances, l’hypo- monde par les arts, les sciences, les mathé-
17. Page 352. crisie guette, sur le terrain de l’éducation à la
18. Page 352. matiques, les langues ou l’histoire. Si l’on
citoyenneté, pour peu qu’un discours paral- n’admet pas cette médiation, il est difficile de
lèle pousse à la résignation et à la passivité passer d’une perspective d’accumulation
ceux qui n’arrivent pas à trouver un sens à d’initiations disciplinaires à celle d’une forma-
cette accumulation. tion de base qui étoffe, de multiples façons,
une « prise » sur le monde.
La deuxième question est la suivante : quels
passages faut-il prendre, quels virages faut-il

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Vincent Descombes, dans Le Complément de il y a donc des composantes identitaires qui Par ailleurs, son petit livre intitulé Lettre à un
sujet, apporte une contribution très intéres- relèvent de rapports au monde qu’on ne peut jeune professeur travaille à rendre la motiva-
sante sur ce terrain, du point de vue d’une réduire à des savoirs ou des savoir-faire, qui tion professionnelle et la passion d’enseigner
philosophie de l’éducation. Nous sommes en supposent une intention et des valeurs, moins vulnérables aux discours défaitistes et
effet les héritiers d’un vaste roman philoso- qui comportent une face lumineuse et des aux mises en cause gratuites. Meirieu pose
phique concernant « le Soi » ou « le Sujet ». En zones d’ombre. » (p. 114) Quelles compé- volontiers l’école comme institution d’une
même temps que l’individualisme marquait tences, synonymes d’emprise sur le monde, société démocratique (p. 72 et suivantes),
de plus en plus les sociétés occidentales, Perrenoud évoque-t-il? mais il sait tirer les corollaires du côté des
la philosophie de Descartes, posant comme responsables institutionnels. Pour durer dans
certitude première la conscience d’un soi « Savoir identifier, évaluer et faire valoir cette profession, il faut un peu s’immuniser…
pensant, a conduit graduellement à penser ses ressources, ses droits, ses limites et ses
l’être humain et son autonomie dans une besoins », « Savoir, individuellement ou en Je ne saurais trop vous demander de vous
solitude initiale constitutive. La compréhen- groupe, former et conduire des projets, méfier de cet esthétisme de la déses-
sion des institutions politiques comme résul- développer des stratégies », « Savoir ana- pérance, si répandu aujourd’hui. Sous
tante d’un contrat de base entre humains lyser des situations, des relations, des prétexte que le monde nous donne,
pour sortir d’un « état de nature » marque de champs de force de façon systémique », chaque jour, le spectacle lamentable de
ce fait le sens reçu des droits individuels de la « Savoir coopérer, agir en synergie, partici- foules qui se prosternent aux pieds des
démocratie comme procédure. Dans l’imagi- per à un collectif, partager un leadership », tyrans ou s’avachissent devant le créti-
naire social de notre époque, il y a d’énormes « Savoir construire et animer des organisa- nisme des médias, trop d’intellectuels se
traces de ce culte moderne du « sujet », du tions et des systèmes d’action collective de retirent sur l’Aventin : ils n’en finissent pas
Soi, et la pédagogie n’y échappe pas. Nous type démocratique », « Savoir gérer et d’excommunier le monde… mais sans
pouvons, dans ce contexte, aboutir à une dépasser les conflits », « Jouer avec les jamais proposer quelque chose pour le
compréhension du « vivre-ensemble » où il y règles, s’en servir, en élaborer », « Savoir transformer. On peut ainsi être, tout à la
a du subjectif et de l’intersubjectif (reconnais- construire des ordres négociés par-delà fois, révolté et résigné, bénéficier du pres-
sance de l’autre comme un autre soi) mais les différences culturelles ». (p. 114-130) tige de la dissidence et de la tranquillité du
pas de social, pas d’institutionnel. On arrive renoncement. Et gagner sur tous les
aisément à une conception si solitaire et si La démystification par Descombes d’une tableaux… On rejette alors, avec mépris,
unilatérale de l’autonomie qu’on la comprend représentation du Soi comme d’abord auto- « les illusions pédagogistes » de ceux qui
comme inversement proportionnelle à l’ins- suffisant et isolé converge avec ce travail sur se coltinent, tant bien que mal, l’éducation
cription dans des institutions communes. Ce des capacités d’acteur situé pour associer une des barbares. L’on se satisfait très bien –
que montre en particulier Vincent Descombes, pensée plus juste de l’autonomie et une véri- même si on ne l’avoue guère – d’un
c’est que l’autonomie s’apprend; elle n’a que table perspective critique d’éducation à la monde où cohabitent la démagogie et
très peu de rapport à une méfiance fonda- citoyenneté. l’élitisme, le mépris pour les uns et la suffi-
trice et pseudo-critique. Agir de soi-même se sance des autres, l’apartheid entre les
déploie au contraire à proportion de la capa- Un mot, en finissant, sur deux publications exclus et les élus… (p. 80)
cité de s’appuyer sur des règles qui nous récentes de Philippe Meirieu. D’abord, Le
préexistent et qui évoluent. monde n’est pas un jouet. Qu’évoque ce L’engagement non naïf dans l’éducation sco-
titre? Il prend le contre-pied d’une démission laire se tient à grande distance de qui assi-
Nous sommes donc parfois tentés de déployer des adultes, parents aussi bien que profes- mile critiquer et dénigrer. Meirieu, comme
un référentiel psychologique aux conceptions seurs, qui cèdent trop facilement à la perpé- Perrenoud, et comme Vincent Descombes de
pédagogiques communes qui doit énormé- tuation d’attitudes d’enfant-roi. Que signifie façon plus indirecte, contribuent diversement
ment à la conception du sujet héritée de aider à grandir, à devenir adulte, comme et positivement à étoffer l’assise de la pro-
Descartes et revu par la philosophie du l’écrivait Olivier Reboul, mais autrement que fession enseignante, une thématique que
19e siècle, tout en escomptant donner un sens des « adulescents », pour reprendre le terme Vie pédagogique abordait tout récemment
complètement opposé à l’être humain enra- de Jacques Grand’Maison et quelques autres, (no 137, novembre–décembre 2005).
ciné susceptible d’apprendre aussi la citoyen- pour « contribuer au monde » et pas seule-
neté. Lorsque Perrenoud porte son propos ment en profiter indéfiniment? Meirieu com- Arthur Marsolais
sur « quelques compétences pour être auto- bat aussi le narcissisme ambiant et explore,
nome », « l’aspiration à l’autonomie solidaire dans les situations les plus quotidiennes, sco-
d’une identité » tourne cette identité dans le laires, familiales et autres, les façons d’aider à
sens inverse d’une fixation narcissique sur grandir sans déresponsabiliser.
« soi-même » : « Dans chacune des compé-
tences ou familles de compétences évoquées,

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