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ANTHOLOGIE DE LA NOUVELLE NOIRE ET POLICIÈRE LATINO-

AMÉRICAINE

LE RÉCIT POLICIER EN AMÉRIQUE LATINE

Le récit à caractère policier dans toutes ses variantes (roman à énigme,


roman de la victime, roman noir) a toujours fait l'objet d'un véritable
engouement en Amérique hispanique. Cet intérêt s'est traduit depuis ses
origines par une multiplicité de traductions, par l'apparition de collections
et de revues spécialisées, par l'organisation de prix littéraires ainsi que par
la publication de nombreux récits d'auteurs latino-américains. Néanmoins,
et ceci malgré le succès des livres de Chandler, Hammett ou MacDonald,
le récit à énigme fut longtemps lus prisé que le récit noir, ce qui
n'empêchera pas la publication, dès le début des années 1970, de plusieurs
romans "dur" en Argentine, au Mexique, au Chili ou encore à cuba, bien
qu'avec, pour ce dernier pays, des caractéristiques spécifiques. Une
évolution déterminante qui marque un tournant.

LES PREMIERS PAS

La codification du récit policier qui s'est opérée à partir d'Edgar Alian Poe
{Double assassinat dans la rue Morgue, 1841; la Lettre volée, 1845; et dans une
moindre mesure le Mystère de Marie Roget, 1842) semble avoir été très vite
assimilée dans le Rio de la Plata, si l'on tient compte de la publication de
plusieurs récits : La huella del crimen (1878) de l'Argentin Luis V. Várela; El
candado de oro (1884; intitulé plus tard La pesquisa) de l'Argentin d'origine
française Paul Groussac; El triple robo de Bellamore (1903) de l'Uruguayen
Horacio Quiroga (l'écrivain le plus doué de tous ces pionniers); Casos
policiales (1912), livre d'un autre Uruguayen établi en Argentine, Vicente
Rossi, qui recueille les nouvelles publiées entre 1907 et 1912 dans la revue
La Vida Moderna. Cette Argentine hétéroclite de la fin du XIX siècle offrait,
E

il est vrai, un terrain nourricier : une ville, Buenos Aires, en expansion et


prête à consommer de nouvelles formes de culture, une presse en plein
essor {Caras y Caretas, El Gladiador, La Vida Moderna, Papel y Tinta, Crítica,
La Nación) et même une police dont le rôle ne cesse de s'accroître, enfin
des auteurs qui tentaient de s'immiscer dans le filon du roman-feuilleton
ou d'incorporer à leur répertoire les normes ou certains éléments du
roman policier. Le problème de la délimitation du genre se pose d'emblée.

1. BAJARLIA Juan Jacobo ed. Cuentos de crimen y misterio. Bs. As., Jorge Alvarez, 1968 ;
LAFFORGUE Jorge et RIVERA Jorge ed. Asesinos de papel.
Bs. As., Calicanto, 1977 ; BRACERAS Elena, LEYTOUR Cristina et PITELLA Susana ed. El cuento
policial argentino. Bs. As., Plus Ultra, 1986.

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Cependant ces écrivains que nous avons cités, auxquels se joignent dans
les années 1910 et 1920 — lorsque aussi bien Conan Doyle, Emile
Gaboriau, Gaston Leroux, William Wilkie Collins et Gilbert Chesterton
que leurs personnages, Holmes, le sergent Cuff ou le Père Brown, étaient
devenus d'authentiques référents — Enrique Richard Lavalle, Eustaquio
Pellicer, Aristides Rabello, Alberto Cordone, Victor J. Guillot, Sauli Lostal,
Enzo Aloisi, J. J. Bernât, n'étaient pas exclusivement des auteurs de récits
de ce type : ils naviguaient entre les eaux du genre à normes. Ils furent
même nombreux à dissimuler leur identité sous un pseudonyme, comme
s'ils eussent voulu garder leurs distances par rapport à un « genre
mineur^ ».
Littérature, para-littérature? Dans tous les cas, ces pionniers semblent
s'être posés la question de la valeur esthétique de leurs produits, diffusés
par d'autres canaux que les traditionnels (des revues vendues dans les
kiosques comme La Novela Semanal, El Cuento Ilustrado, La Novela
Universitaria) et destinés à un public différent du consommateur habituel
d'art.

1.RIVERA Jorge ed. El relato policial en Argentina. Bs. As., Eudeba, 1986.
2.TODOROV Tzvetan, Typologie du roman policier (in Poétique de la prose, Paris, Le Seuil, 1971).
3.LUIS V. VARELA, SOULIGNE RIVERA CITANT FERMIN FÈVRE, A SIGNÉ SON RÉCIT LA HUELLA DEL CRIMEN
RAUL WALEIS ; LA DEUXIÈME VERSION DE EL CANDADO DE ORO EST PARUE DANS LA REVUE LA BIBLIOTECA,
DIRIGÉE PAR L'AUTEUR DE LA NOUVELLE, GROUSSAC, SANS SIGNATURE ; ROSSI SIGNA SON RECUEIL DU
PSEUDONYME DE WILLIAM WILSON.

Signe distinctif de cette période qui se prolongera jusqu'aux années 1950 :


le petit nombre de romans policiers édités, comme si, sous l'influence de
Poe et Chesterton, le Rio de la Plata ne pouvait cultiver que des nouvelles.
À partir de 1930 la production nationale semble diminuer, mais les revues
à grand tirage connaissent un large succès grâce au Magazine Sexton Blake
(1929) d'Editorial Tor, qui mêlait les intrigues policières et d'aventures et
surtout la « Colección Misterio » (193D de J. C. Rovira Editor, qui
traduisait entre autres John Dickson Carr, Sax Rohmer, Anthony Berkeley,
Edgar Wallace — dont les romans devinrent des best-sellers. Les
collections « El Vengador » et « Hombres Audaces » d'Editorial Molino et
« Colección Amarilla » de Biblioteca Oro, proposèrent également des
traductions, notamment de S. S. Van Dine, Agatha Christie, Wallace, etc.
Parmi les textes les plus significatifs produits en Argentine, il convient de
citer la nouvelle Las maravillosas deducciones del detective Gamboa (1930)
d'Enrique Anderson Imbert; une série de récits de Leonardo Castellani
publiés dans le quotidien La Nation de Buenos Aires, regroupés par la
suite dans le volume Las nueve muertes del padre Metri (1941, signé
Jerónimo del Rey), autant d'enquêtes du prêtre Demetrio Constanzi
(influence de Chesterton); le feuilleton El misterio de la galera gris, publié
dans Patoruzû à partir de 1937 et dont chaque chapitre est l'œuvre d'un
auteur différent (le premier étant Conrado Naie Roxlo); les premiers récits
policiers longs d'auteurs nationaux, en fait des romans-feuilletons, El
crimen de la noche de bodas (1933) de Jacinto Amenâbar (qui serait le
pseudonyme du journaliste Alberto Cordone); et El enigma de la Calle Arcos
de l'énig-matique Sauli Lostal, qui met en scène les aventures du
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journaliste-enquêteur Horacio Suârez Lerma, fut publié dans le quotidien
Critica entre octobre et novembre 1932.

1. LAFORGUE ET RIVERA, OP. CIT. ; GIARDINELLI MEMPO, EL GÉNERO NEGRO, VOL I ET II,
MEXICO, UNAM, 1984.
2. "CERTAINEMENT UN PSEUDONYME", D'APRÈS LAFORGUE ET RIVERA, OP; CIT.
3. BAJARUA Juan Jacobo, Historia del gènero policial (in Selecciones Policiales Codex, Bs. As,
septembre 1965 ; p.13-22).

La grande éclosion aura lieu dans les années 1940 et l'onde d'expansion
retentira partout en Amérique Latine, comme en témoignent de nombreux
articles de presse et conférences, dont certains issus des plumes
d'écrivains prestigieux tels que José Antonio Portuondo à Cuba ou
Alfonso Reyes au Mexique. À l'origine de cet événement : la création à
Buenos Aires en 1944, par la maison d'édition Emecé, de la collection « El
Séptimo Círculo » dirigée par Jorge Luis Borges et Adolfo Bioy Casares,
qui donnera au genre, grâce au prestige intellectuel de ses directeurs, ses
lettres de noblesse dans le Rio de la Plata. Le choix des cent dix titres des
directeurs de la collection pendant la période 1944-1955 (date à laquelle
Carlos V. Frías prit la relève) est précis : il s'agit essentiellement de romans
anglo-saxons à énigme; près de quarante ans plus tard, Borges continuait
de penser que - le genre policier a beaucoup décliné aux États-Unis. Le
genre policier est devenu réaliste, avec de la violence, de la violence
sexuelle. En tout cas, il a disparu. On a oublié l'origine intellectuelle du
roman policier. Il s'est maintenu en Angleterre, où l'on écrit encore des
romans très tranquilles dont le récit se déroule dans un village anglais ; là,
tout est intellectuel, tout est tranquille, il n'y a pas de violence, il n'y a pas
de grave effusion de sang ». « El Séptimo Círculo » publiera dans des
tirages de 10 000 à 15 000 exemplaires des romans de John Dickson Carr,
Patrick Quentin, Anthony Berkeley, Nicholas Blake (en réalité le poète
britannique Cecil Day Lewis). Hachette lance deux collections : « Série
Naranja » (1949) et « Evasion » (1951). La première introduit la nouveauté
de quelques auteurs noirs aux côtés d'Ellery Queen : David Goodis,

1. PORTUONDO José Antonio, En torno a la novela detectivesca, écrit en 1946 (in NOGUERAS Luis
Rogelio ed. Por la novela policial, La Havane, Editorial Arte y Literatura, 1982). REYES
Alfonso, Sobre la novela policial (in Prosa y poesía, Madrid, Cátedra, 1977). Apología de la
novela policiaca (1931), du romancier cubain Alejo Carpentier est un texte prémonitoire.

2. BORGES Jorge Luis, le Conte policier (in EISENZWEIG Uri ed. Autopsies du roman policier,
10/18, 1983, p. 289-304).

Brett Halliday); la deuxième, en revanche, inclut dans son catalogue des


romans à énigme et à suspens (Ellery Queen, qui signe justement le
premier titre, William Irish, Patrick Quentin). Dans la lignée des récits
classiques de mystère, on retrouve ■ Selecciones Biblioteca Oro » (Molino)
et « Club del Misterio » de Muchnik Editor. Toutes ces collections
touchent désormais un public plus « cultivé » et se détachent clairement
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des séries à grand tirage qui submergent les kiosques à journaux et éditent
de façon hétéroclite des romans populaires. Néanmoins, on retrouve chez
Rastros » et « Pistas » de la maison Acmé Agency, « Selecciones Escarlatas
» (1953), « Tipperary », « Tercer Grado », les purs produits du hard-boiled.
Chandler — dont Adieu, ma jolie fut traduit en 1943 chez « Biblioteca Oro »
—, Hammett, Davis Goodis, etc. De même, la populaire revue Leoplân
diffuse de plus en plus de textes policiers, dont le Faucon maltais.
1940-1950 constituent donc des années charnières. Les auteurs argentins
disposent désormais de l'essentiel de la production étrangère en
traduction. Au Mexique, l'autre grand pôle éditorial latino-américain, un
phénomène comparable se produit : Antonio Helú crée en 1946 la «
Selecciones policiales y de misterio » et « Caimán ». C'est à cette époque
qu'Alfonso Reyes théorise sur le genre policier.

LA PREMIÈRE GÉNÉRATION

« Selecciones policiales y de misterio » révéla au grand public une


vingtaine d'écrivains mexicains, dont Raimundo Quiroz Mendoza, Vicente
Fe Alvarez et Antonio Helú, qui figura même dans le « Queen's Quorum »
d'Ellery Queen avec le recueil La obligación de asesinar (1957). Maria Elvira
Bermúdez, auteur du roman Diferentes razones tiene la muerte, de
l'anthologie Los mejores cuentos policiales mexicanos et de plusieurs récits,
faisait également figure de pionnière. Rafael Bernai, quant à lui, publia en
1946 Tres novelas policiacas (El extraño caso de Aloysius Hands, De muerte
natural, El heroico don Serafín) et en 1969 El complot mongol, qui met en
scène le détective Teódulo Batanes, émule du père Brown; le dramaturge
Rodolfo Usigli, en 1952, Ensayo de un crimen^; Pepe Martínez de la Vega,
les recueils de récits Humorismo en camiseta (1946), Peter Pérez, détective de
Peralvillo y anexos (1952); Miguel de la Mora, Desnudarse y morir (1957). Et
pourtant seuls Helú et Bermúdez peuvent être considérés comme des
auteurs exclusivement policiers cultivant avant tout le roman à énigme.
Ces adaptations du genre, aussi bien au Mexique qu'en Amérique Latine,
soulèvent quelques problèmes de vraisemblance tels que la localisation de
l'intrigue

1. Une autre nouvelle, écrite en 1946 : les Débuts d'une carrière in Anthologie du Mystère n°
194 bis, â'Ellery Mystère Magazine, Paris, printemps 1964, p. 222-235. Il n'y est pas fait
mention de traducteur. Nous supposons que la version française provient de la
traduction anglaise.
2. Cf. GIARDINELLI Mempo, El complot mongol de Rafael Bernai (in Excelsior, Mexico D. F., 7
janvier 1984).
3. Ce roman fut adapté au cinéma par Luis Bunuel pendant sa « période mexicaine
» (vingt films). Le titre français en est pour le moins curieux : la Vie criminelle d'Archibald
de la Cruz. Il fut tourné en 1955. Bunuel raconte : ■ Le film connut un assez bon succès un
peu partout. Pour moi, il reste lié au souvenir d'un drame étrange. Dans une des scènes
du film Ernesto Alonso, l'acteur principal, brûlait dans un four de céramiste un
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mannequin fait à l'exacte ressemblance de la comédienne, Myroslava. Or, très peu de
temps après le tournage, Myroslava se suicida par chagrin d'amour et fut incinérée —
selon sa propre volonté. • (BUNUEL Luis, Mon dernier soupir, Paris, Robert Laffont, 1982)

dans un environnement social national fiable ou encore au niveau des


protagonistes types que sont la police et le détective. En effet, d'une part la
justice en Amérique Latine a été et est souvent associée à son contraire;
d'autre part la subsistance d'un détective ne paraissait pas plausible.
María Elvira Bermúdez contourna l'obstacle en inventant un personnage,
Armando Zozaya, journaliste « intelligent et honnête » menant ses
enquêtes dans différents milieux sociaux qui montrait, dans un style
classique et quelque peu naïf, que la police pouvait succomber à la
corruption. Antonio Helu, lui, créa Máximo Roldan, employé
administratif qui, par accident, devient meurtrier et voleur. C'est une sorte
d'Arsène Lupin élégant et poli qui affronte une police dont le signe
distinctif paraît être son peu d'intelligence. Pepe Martínez de la Vega
inventa Peter Pérez, dont le traitement humoristique est affiché d'emblée
par son nom, qui marie la tradition anglaise à la consonance hispanique
du nom de famille. Cette première production policière mexicaine se
caractérise par l'utilisation de l'humour et de la distanciation ironique
pour traiter personnages et situations dans le cadre d'un récit policier
inscrit dans la tradition anglo-saxonne. Cette technique facilite la
caricature brossée sur un fond qui met en scène certains aspects de la
société nationale.
Lors de la publication en 1953 de la première anthologie de récits policiers
argentins, Rodolfo Walsh s'attardait dans sa préface sur la problématique
à résoudre. Après avoir souligné les apports au traitement du personnage-
détective de Borges, Adolfo Bioy Casares et J. del Rey, il poursuivait ainsi :
«... Il s'est produit

1.TORRES Vicente Francisco ed. El cuento policial mexicano, México D. F., Editorial Diógenes,
1982.
2.WALSH Rodolfo ed. Diez cuentos policiales argentinos. Bs. As., Librería Hachette, 1953
(colección Evasion).

un changement dans l'attitude du public : on admet aujourd'hui Buenos


Aires comme cadre d'une aventure policière. » En effet, dix ans plus tôt,
retranchés derrière leur prestige d'intellectuels, Borges et Bioy Casares ne
s'étaient pas contentés de diriger la collection « El Séptimo Circulo » mais
ils avaient fait paraître aussi, sous le pseudonyme d'Honorio Bustos
Domecq, un recueil de nouvelles qui proposait les aventures d'un homme
de Buenos Aires incarcéré injustement et qui résout les énigmes depuis sa
cellule, Six problèmes pour don Isidro Parodi (1941, trad. française 1967),
suivi de Dos fantasias mémorables (1946). Il s'agit certes de nouvelles
classiques, à énigme, mais on y retrouve l'ironie borgésienne non
seulement dans les situations mais aussi dans un langage qui sait jouer sur
le niveau rhétorique. L'apport de Bustos Domecq est révolutionnaire :
contrairement aux autres auteurs, « il » incorpore le parler des bas-fonds
de Buenos Aires, l'argot portégne, à travers la multiplicité des visions
proposées par les personnages, tout en gardant, soulignons-le une fois de
plus, ses distances par rapport à une quelconque forme de violence.
Borges avait déjà publié, auparavant dans la revue Sur, une nouvelle
policière mémorable, la Mort et la Boussole, dans laquelle la victime de la

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déduction est le détective lui-même, et Bioy Casares, en 1944, Elperjurio de
la nieve, qui sera adapté au cinéma. Bioy signa également, en collaboration
avec Silvina Ocampo, Los que aman, odian (1945). Enfin nous citerons
encore deux titres : La espada dormida de Manuel Peyrou (1945) et Un viejo
oloraalmendrasd'Abe\ Mateo.
Les années 1950 furent celles de l'affirmation du récit policier à énigme.
Toutes les conditions pour son épanouissement étaient

1. Situation poussée à l'extrême dans les chroniques et pastiches, Crónicas de Bustos


Domecq (1967) et Nuevos cuentos de Bustos Domecq (1977).
2. Première édition en livre dans La trama celeste. Bs. As., Sur, 1948.

réunies : un public informé, des collections, des revues (en particulier Vea
y Lea), des auteurs, des prix, une expérience littéraire pour répondre aux
problèmes posés par l'adaptation à la réalité nationale. En 1953 Rodolfo
Walsh publia Variaciones en rojo, dont le protagoniste était Daniel
Hernández, correcteur d'épreuves dans une maison d'édition,
accompagné de son « Watson » à lui, le commissaire Jiménez. En
revanche, dans d'autres récits comme Cuento para tahúres1, Walsh choisit le
point de vue du délinquant, ce qui complète et enrichit la tâche de
renouveau linguistique entreprise par Bustos Domecq. Velmiro Ayala
Gauna créa, quant à lui, le commissaire Frutos Gómez (Los casos de don
Frutos Gómez, 1955; Don Frutos Gómez, el comisario, i960); Leonardo
Castellani, El enigma del fantasma en coche (1958) et El crimen de Ducadelia;
Maria Angélica Bosco, La muerte baja en ascensor (1955) et La muerte soborna
a Pandora (1956); Abel Mateo poursuit son labeur avec El asesino está en la
cárcel (1953), Reportaje en el infierno (1956), El detective original— où domine
la parodie humoristique —, El bosque y cinco árboles (i960); de nombreux
récits d'Adolfo Pérez Zelaschi; Rosaura a las diez (1955), de Marco Denevi
— roman qui emprunte certains éléments au policier comme l'énigme en
incorporant toutes les inflexions du parler des couches moyennes de
Buenos Aires. Ce langage fait apparaître surtout et avant tout une
mentalité et une façon d'aborder la vie : en somme, derrière l'intrigue, la
société. Aux noms ci-dessus cités se joignaient de nombreux écrivains qui,
eux, avaient choisi de masquer leur identité sous un pseudonyme pour
nourrir les pages de collections tels que « Cobalto », « Déborah », «
Pandora », « Punto Negro », etc. Abel Mateo signait

1. Les récits de Walsh dispersés dans plusieurs revues ou anthologies furent recueillis
sous le titre de Cuento para tahúres y otros relatos policiales. Bs. As., Punto Sur, 1989.
Postface de Victor Pesce.

Mayfer ses récits « durs » qu'il publiait dans la collection « Serie Naranja »;
Eduardo Goligorsky, quant à lui, avait recours à plusieurs pseudonymes.
La situation chilienne est comparable, à petite échelle, à celle de
l'Argentine. Les pionniers, tous influencés par le roman policier anglo-
saxon, s'appelaient Alberto Edwards, créateur de Román Calvo, premier
détective chilien; L. A. Isla; René Vergara, un ancien policier, créateur de
l'inspecteur Cortés; Luis Enrique Délano, qui signa du pseudonyme de
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Mortimer Gray (El caso de la mujer azul, Muerte entre los pinos, El caso del
cuadro surrealista; le detective Philip Dañe apparaît dans plusieurs de ses
nouvelles) et qui publia dans les années 1980 au Mexique El collar de
Jessica Rockson sous la fausse identité de José Zamora.

LE TOUR DU HARD-BOILED

Les deux décennies des années i960 et 1970 sont fondamentales pour la
valorisation du genre « dur ». Rivera et Lafforgue signalent que, comme ce
fut le cas pour le roman de mystère, le hard-boiled a eu besoin de la
reconnaissance des intellectuels pour s'imposer. Les collections se
multiplient : « Série Negra » dirigée par Ricardo Piglia dès 1969 (Chandler,
Goodis, McCoy); « Asesinos, Espîas y Cîa » et « Los Extraordinarios »
d'Alfa Argentina (puis en Espagne, avec la collection « Alfa 7 »); « Los
Libros de la Calle Morgue », puis « Circe », sous la direction d'Eduardo
Goligorsky; « Caîn »; « Novela Negra Universal » et, en Espagne, «
Novela Negra » de Bruguera, dirigée par l'écrivain argentin exilé Juan
Martini.
Des circonstances socio-politiques spécifiques exercent leur influence et
facilitent l'apparition d'un nombre important d'auteurs latino-américains.
Tout d'abord, une grave crise politico-économique se profile dans le
milieu des années 1970, dont le genre noir permet de témoigner. En
Espagne, Franco meurt en 1975, ouvrant ainsi la voie à la démocratisation
du pays et l'occasion de parler des interdits (avec des auteurs tels que
Manuel Vâzquez Montalbân, Juan Madrid, Andreu Martin)1. Le genre noir
aura alors une carte à jouer. Faisant allusion à la dernière vague d'auteurs
hispano-américains, le romancier mexicain Paco Ignacio Taibo II signale :
« Ils présentent plusieurs caractéristiques communes : une jeunesse agitée,
des affrontements contre la dictature franquiste, l'exil après le sanglant
coup d'État en Argentine, la politisation après l'ère des chars contre les
étudiants mexicains. Plusieurs d'entre eux ont exercé le métier de
journaliste ; métier critique et mal vu par le pouvoir ».
La reconnaissance intellectuelle, à l'instar de Borges et Bioy Casares dans
le passé, autorise certains auteurs à flirter avec le genre sans s'y consacrer
entièrement. Il s'agit soit de prendre certains traits du récit noir (la dureté
du langage, les dialogues

1. La mort de Salazar en 1970, suivie de la chute de la dictature ainsi que la commotion


provoquée par les guerres coloniales en Afrique, aurait favorisé l'apparition au Portugal
d'une littérature noire. Ainsi, sur la quatrième de couverture de Morte no Tejo, d'Arthur
Côrtez, on lit : • Écrite au nord du Mozambique en pleine guerre coloniale, Morte no Tejo
est la première œuvre de fiction d'un écrivain portugais qui, par la suite, aborda d'autres
thèmes dans différents types d'ouvrages littéraires. » Dans la postface, Manuel Gusmâo
remarque : « Dans Morte no tejo, la surprise d'un roman policier portugais vient d'emblée

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de la façon dont les règles du genre, les procédés et les "trucs" du "policier noir"
fonctionnent sans rupture de ton tout en étant transposés en portugais, avec des noms,
des expressions et des lieux caractéristiques de Lisbonne. » {A regra do Jogo, Série Negra,
Lisbonne, 1982)

secs, les personnages types, etc.) pour l'intégrer dans un ensemble


hétérogène, soit de les parodier. Osvaldo Soriano, journaliste, publia en
1973 Triste, solitario y final (traduit en français sous le titre de Je ne vous dis
pas adieu, 1978), sorte de pastiche du roman noir américain et hommage
troublant à Chandler, à Marlowe et à Stan Laurel, suivi de Cuarteles de
invierno (Quartiers d'hiver, 1982J, No habrá más penas ni olvido (Il n'y aura
plus de peine ni d'oubli, \980), Elojo de la patria (1992). Je ne vous dis pas adieu
sera le premier titre accueilli par la collection noire de Bruguera en
Espagne, aux côtés de Hammett, Himes et... Chandler. Juan Martini était
l'auteur de El agua en los pulmones (1973), de Los asesinos las prefieren rubias
(1974), une autre dissection des mythes américains, et de El cerco (Encerclé,
1992.). Mempo Giardinelli remporta le prix national de littérature au
Mexique, où il vivait en exil, avec Luna caliente (1982) (Lune ardente, 1987),
roman noir sur un fond quelque peu fantastique (un Argentin qui a vécu
longtemps à l'étranger rentre dans sa région natale, près de la frontière
avec le Paraguay), suivi de Qué solos se quedan los muertos (1986) (Et l'oubli
sera leur linceul, 1988), dont l'action se déroule à Guanajuato, au Mexique,
et qui met une fois de plus en scène des exilés argentins, mais également
un détective mexicain. Vicente Battista, un autre exilé, est l'auteur de
Sirocco (1985), où un Argentin cynique mais sentimental travaille pour le
compte de délinquants catalans établis aux Canaries; Pablo Urbanyi (Un
revolver para Mack, 1974), Juan Carlos Martelli (Los tigres de la memoria1,
1973), Antonio Dal Maseto (Siempre es difícil volver a casa, 1985), Fernando
López' (El mejor enemigo, 1984) font eux aussi appel à un langage cru pour
recréer un univers hallucinant, marqué par le drame d'une
1. Prix international du roman > Amérique Latine ». Le jury était formé de Juan Carlos
Onetti, Julio Cortázar, Augusto Roa Bastos et Rodolfo Walsh.

Argentine terrassée par la violence et la dictature militaire. Giar-dinelli


déclarait : « ... Dans un article j'ai écrit, de manière provocante,
qu'aujourd'hui, en Amérique Latine, on ne pouvait pas faire de littérature
sans passer par le policier. Je voulais exprimer par là le besoin de parler de
certaines choses, d'une certaine façon : la réalité sociale, les échecs
politiques, les désillusions, tout cela dans un style noir, violent, direct. »
Contrairement aux auteurs cités plus haut, d'autres écrivains se consacrent
exclusivement au genre policier, traditionnel ou « dur • et signent en série
des titres sous différents pseudonymes. Carlos Trillo, Guillermo
Saccomano et Carlos Marcucchi ont écrit à trois cinq romans noirs entre
1973 et 1974, dont l'action se situe aux États-Unis ou en Europe, sous des
noms aussi disparates que Knut Welhaven, Lester Millard, François
Lombardi, David Grenell ou Chester Powell. Eduardo Goligorsky était, de
la même façon, la véritable identité de Ralph Fletcher, Roy Wilson, Mark
Pritchart, etc. À titre individuel, Guillermo Saccomano a publié Prohibido
escupir sangre (1984) et plusieurs nouvelles. Le journaliste Sergio Sinay est
l'auteur de trois romans assez inégaux, M un dólar partido por la mitad
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(1975), Sombras de Broadway (1983) et Dale campeón (1988). Dans le
deuxième, qui est aussi un hommage à Chandler et MacDonald, il propose
une solution au point de vue narratif à laquelle Soriano a déjà eu recours
pour son premier livre : le détective, l'enquêteur, est uri Argentin (Felipe
Rafaelli) exilé aux États-Unis. Juan Sasturain, scénariste de bande dessinée
et collaborateur assidu du dessinateur uruguayen Alberto Breccia,

1. NAVARRO Felipe, Entretien avec Mempo Giardinetti : Pour une littérature noire latino-
américaine (in Bibliothèque énigmatique, n° 14, juillet 1988, France, p. 6-9). F. Navarro était le
pseudonyme de l'auteur de ce prologue.
2. Sinay vient de publier Es peligroso escribir de noche, Bs. As., Clarin/Aguilar, 1992.

auteur des romans noirs Manuel de Perdedores (1985) (publié tout d'abord
comme feuilleton), Arena en los zapatos (1989), Los sentidos del agua (1992)
s'intéresse aussi au problème du privé et y apporte une solution originale :
son protagoniste sera un homme à la retraite, Etchenique (devenu,
prononcé à l'anglaise, "Etchenaik"), qui joue la comédie du détective
jusqu'à ce qu'il finisse piégé par une violence bien réelle. Pendant cette
même période, la publication de romans classiques se poursuit (Maria
Angelica Bosco, Adolfo Perez Zelaschi, etc.).
D'après Jorge Rufinelli, Juan Carlos Onetti aurait en Uruguay publié dans
la revue Marcha plusieurs récits policiers signés de pseudonymes. En 1945
Enrique Amorim fit paraître El asesino desvelado en Argentine. Hiber
Conteris, auteur d'un roman écrit dans les prisons politiques de son pays,
El diezpor dento de vida (1985), y fait revivre Philip Marlowe et Raymond
Chandler; Carlos Maria Federici, quant à lui, se livre à un véritable travail
de pionnier : il est l'auteur de récits de science-fiction et des romans de
mystère : Mi trabajo es el crimen (1974), situé dans une ville qui tient
beaucoup de Montevideo, et Dos caras para un crimen (1982). Parmi
d'autres, Julio Ricci, Hugo Giovannetti Viola et Enrique Estrâzulas ont
écrit des nouvelles « noires » considérées par la critique comme des
modèles.
Au Chili, Poli Délano, sous le pseudonyme d'Enrico Falcone, publia au
Mexique un roman à énigme, Muerte de una ninfó-mana (1980) devenu un
authentique best-seller (environ 20 000 exemplaires). Ramon Diaz Eterovi
a créé le privé Heredia, qui mène ses enquêtes dans un Chili ravagé par la
dictature de Pinochet (La ciudad esta triste, 1988; Sólo la oscuridad, finaliste
du prix international Casa de las Américas, à Cuba, en 1988;

1. Cf. J. G. H., Heredia, un duro de Chile (in : La Semana, Santiago de Chile, 25 décembre
1988).

Nunca enamores a un forastero). D'autres noms à retenir : Claudio Jaque,


auteur du roman d'espionnage Esos pequeños equilibrios (1986); Antonio
Rojas Gómez; Enrique Araya, ce dernier dans une ligne anglo-saxonne
classique, avec Crimen en cuarto cerrado (1988).
Au Pérou, le roman pionnier s'intitule Pólvora para gallinazos, de C. C.
Garcia (pseudonyme du journaliste et écrivain Mirko Lauer), qui met en
scène l'avocat et enquêteur Garcia pour une aventure où se côtoient la
police, le Pentagone et les narco-trafiquants. Dans Qui a tué Palomino
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Molero? (1986), Mario Vargas Llosa utilise aussi des éléments types du
policier, le tout sur un ton qui accentue la distance ironique.
Mempo Giardineli a joué un rôle important de diffusion au Mexique — un
pays de vieille tradition pour le roman policier, même si celui-ci y est
souvent méprisé — dans les colonnes du journal Excelsior où il tenait une
chronique spécialisée dans les années 1970 et au début des années 1980.
En 1976, l'historien et journaliste Paco Ignacio Taibo II avait publié Días de
combate, le premier de la saga d'Hector Belascoarán Shayne, un privé fils
d'un Basque et d'une Irlandaise qui partage son bureau avec un plombier
et un tapissier. Ses enquêtes, comme celles de ses collègues argentins de la
même génération, sont un prétexte pour montrer le monde du sous-
développement, la corruption du parti au pouvoir, les illusions perdues
d'une jeunesse qui avait cru en un monde meilleur (Cosa fácil, 1977; No
habrá final feliz, 1981; Algunes nubes, 1985; De paso, 1986; Sombra de la sombra
[Ombre de l'ombre], 1986; La vida misma lia Vie même], 1987, Cuatro

1. Cf. TYRAS Georges, Problemas ideológicos y soluciones narrativas. Un caso peruano : Pólvora
para gallinazos (in Tigre 3, Violencia, marginalídad perspectiva histórica en la narrativa peruana
[1975-1986], décembre 1986, CERPA, Grenoble, p. 131-146).

Manos, 1991 [À quatre mains])- Au nom de Taibo s'ajoutent ceux de Malu


Huacuja (Crimen sin faltas de ortografta, 1986) et José Huerta (Accidente
premeditado, 1986), tous les deux dans une ligne plus classique, Rafaël
Ramîrez Heredia, avec Trampa de métal (1979), et Dos crimenes (1979) de
Jorge Ibergùengoitia.
À Cuba aussi le genre s'est développé ces dernières années, mais il s'agit
d'un cas tout à fait particulier. D'une part, la révolution castriste a permis
un essor considérable du monde du livre, avec de gros tirages à bas prix
pour répondre à la demande d'une société dont la consommation
livresque a rapidement évolué lors des trente dernières années — le
policier et d'autres formes de littérature dite populaire ont littéralement
monté en flèche. D'autre part, le ministère de l'Intérieur a créé en 1971 un
prix littéraire annuel de nouvelles et romans policiers. De plus, comme en
Argentine, quelques intellectuels s'y intéressent, tels le poète Luis
Nogueras ou l'Uruguayen établi à La Havane Daniel Chavarria. Par
ailleurs, l'Union de Escritores Cubanos publie, sous la coordination de
Rodolfo Pérez Valero et Ignacio Cârdenas Acuna la revue Enigma, organe
de l'Association internationale des Écrivains de Romans policiers.
Cet intérêt des intellectuels ne s'arrête pas à la diffusion mais s'attarde sur
la réflexion théorique pour fixer les lignes essentielles du roman policier
de la révolution. Pour ces théo-

1. Cf. MARTI Agenor, Sobre acusados y testigos, La Havane, Letras Cubanas, 1980. L'auteur,
journaliste à Granma, a rencontré des auteurs de romans policiers et des intellectuels en
général pour connaître leur avis sur le genre.
2. Cf. NOGUERAS Luis Rogelio et RODRIGUEZ RIVERA Guillermo, i La verdadera novela policial? et
PÉREZ Armando Cristôbal, El género policial y la lucha de closes : un reto para los escritores
revolucionarios (in : NOGUERAS Luis Rogelio éd., Por la novela policial, La Havane, Editorial
Arte y Literatura, 1982). Il est intéressant de noter que l'article de Pérez était à l'origine un

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dépliant pour la promotion du prix du ministère de l'Intérieur en 1972.

riciens, le protagoniste ne saurait être ni l'amateur isolé dans une bulle de


cristal ni le privé dur, mais en revanche la police « exemplaire » et « digne
d'admiration ». Pas de place donc pour l'individualisme des privés, pour
l'exploitation du sexe, pour la violence. En face de la police
révolutionnaire se trouve le délinquant, le contre-révolutionnaire. Au
milieu, prêtes à porter secours à la police, les organisations populaires des
quartiers comme les Comités de Défense de la Révolution. La police
révolutionnaire illustre les vertus du travail en équipe, de « manière
coordonnée et scientifique ». Dans cette littérature à forte dominante
idéologique, l'empreinte politique apparaît souvent dans les délits et
incorpore alors des éléments propres au roman d'espionnage, dans la
mesure où l'on considère que tout délit constitue un attentat contre le
peuple qui est au pouvoir.
Ignacio Cârdenas Acuna est considéré comme le pionnier de la littérature
policière dans son pays, qui compte déjà en 1992 une centaine de titres,
même si le premier recueil de nouvelles, Asesinato por anticipado, ne fut
publié qu'en 1966 par Arnaldo Correa. Cârdenas Acuna est l'auteur
é'Enigma para un domingo (1971), texte qui affiche sa parenté avec le récit
noir et qui résout le conflit du privé dans la société révolutionnaire en
situant l'action... avant la révolution. Ses romans postérieurs : Con el rostro
en la sombra (1981), Preludio para un asesinato (1981). Luis Rogelio Nogueras
a cultivé davantage le roman d'espionnage avec Y si muero manana (1978)
et Nosotros los sobrevi-vientes (1982). Il a signé aussi, avec Guillermo
Rodriguez Rivera, El cuarto cîrculo (1976). Daniel Chavarria, lui aussi,
avoue un penchant pour l'espionnage (entre autres Joy, 1977; La sexta isla,
1984). Il convient de citer parmi d'autres (nous signalons un de leurs livres
à titre indicatif), Rodolfo Pérez Valero (No es tiempo de cerentonias, 1974),
Berta Recio (Una vez mas, 1980), Armando Cristóbal Pérez (Explosion en
Tallapiedra, 1980), Juan Angel Cardi — qui manipule avec subtilité la
parodie et l'humour, à la manière de Manuel Quinto en Espagne (Dos
casos de un detective, 1983), etc.
Dans le reste de l'Amérique Latine, le genre policier fait ses premiers pas.
Les grandes villes ont acquis le statut d'espace littéraire pour brosser une
fresque des sociétés annihilées par la corruption politique, l'injustice, la
misère (le Buenos Aires de Juan Sasturain, Sergio Sinay, José Pablo
Feinmann, etc., le Guanajuato de Mempo Giardinelli; le Santiago du Chili
de Ramon Diaz Eterovic; le Mexico D. F. de Paco Ignacio Taibo II).
D'autres préfèrent des villes de province ou des villages qui leur servent
de microcosmes où toutes les contradictions semblent s'exacerber jusqu'au
paroxysme (Osvaldo Soriano, Giardinelli, Dal Masseto). D'autres encore
veulent ouvrir les portes du mythe et situent leurs récits aux États-Unis
(Soriano, Martini, Sinay, Conteris).
La première personne est souvent employée. L'enquêteur, lui, est
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franchement marqué par le thriller : il incarne une victime potentielle des
puissants, que ce soit l'État (Martelli, Taibo II, Soriano), la police
corrompue (Martelli, Urbanyi), les délinquants liés souvent au trafic de
drogue ou à la contrebande (Giardinelli, Garcia, Sasturain, Najar,
Feinmann). Les protagonistes sont des détectives privés assez insolites
(Belaoscarân Shayne, Heredia), des journalistes (Soriano), des nostalgiques
du roman et du cinéma noirs (Sasturain, Sinay), des avocats (Giardinelli,
Garcia), des amis ou des parents des victimes (Nâjar, Giardinelli). L'alter
ego fait également irruption : issu du même milieu social, il complète
l'image de solitude et de tendresse que nous renvoient ces enquêteurs
(Taibo II, Soriano, qui travaille avec Marlowe, Sasturain). Les solutions
variées apportées aux différentes interrogations tendent à montrer que le
récit noir est loin d'avoir épuisé toutes ses ressources. Cette anthologie
arrive à point nommé pour le rappeler.

Nestor Ponce,
Maître de conférences à l'université d'Angers et à l'École Polytechnique,
1993
(VOLVER – click aquí)

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