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AMÉRICAINE
La codification du récit policier qui s'est opérée à partir d'Edgar Alian Poe
{Double assassinat dans la rue Morgue, 1841; la Lettre volée, 1845; et dans une
moindre mesure le Mystère de Marie Roget, 1842) semble avoir été très vite
assimilée dans le Rio de la Plata, si l'on tient compte de la publication de
plusieurs récits : La huella del crimen (1878) de l'Argentin Luis V. Várela; El
candado de oro (1884; intitulé plus tard La pesquisa) de l'Argentin d'origine
française Paul Groussac; El triple robo de Bellamore (1903) de l'Uruguayen
Horacio Quiroga (l'écrivain le plus doué de tous ces pionniers); Casos
policiales (1912), livre d'un autre Uruguayen établi en Argentine, Vicente
Rossi, qui recueille les nouvelles publiées entre 1907 et 1912 dans la revue
La Vida Moderna. Cette Argentine hétéroclite de la fin du XIX siècle offrait,
E
1. BAJARLIA Juan Jacobo ed. Cuentos de crimen y misterio. Bs. As., Jorge Alvarez, 1968 ;
LAFFORGUE Jorge et RIVERA Jorge ed. Asesinos de papel.
Bs. As., Calicanto, 1977 ; BRACERAS Elena, LEYTOUR Cristina et PITELLA Susana ed. El cuento
policial argentino. Bs. As., Plus Ultra, 1986.
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Cependant ces écrivains que nous avons cités, auxquels se joignent dans
les années 1910 et 1920 — lorsque aussi bien Conan Doyle, Emile
Gaboriau, Gaston Leroux, William Wilkie Collins et Gilbert Chesterton
que leurs personnages, Holmes, le sergent Cuff ou le Père Brown, étaient
devenus d'authentiques référents — Enrique Richard Lavalle, Eustaquio
Pellicer, Aristides Rabello, Alberto Cordone, Victor J. Guillot, Sauli Lostal,
Enzo Aloisi, J. J. Bernât, n'étaient pas exclusivement des auteurs de récits
de ce type : ils naviguaient entre les eaux du genre à normes. Ils furent
même nombreux à dissimuler leur identité sous un pseudonyme, comme
s'ils eussent voulu garder leurs distances par rapport à un « genre
mineur^ ».
Littérature, para-littérature? Dans tous les cas, ces pionniers semblent
s'être posés la question de la valeur esthétique de leurs produits, diffusés
par d'autres canaux que les traditionnels (des revues vendues dans les
kiosques comme La Novela Semanal, El Cuento Ilustrado, La Novela
Universitaria) et destinés à un public différent du consommateur habituel
d'art.
1.RIVERA Jorge ed. El relato policial en Argentina. Bs. As., Eudeba, 1986.
2.TODOROV Tzvetan, Typologie du roman policier (in Poétique de la prose, Paris, Le Seuil, 1971).
3.LUIS V. VARELA, SOULIGNE RIVERA CITANT FERMIN FÈVRE, A SIGNÉ SON RÉCIT LA HUELLA DEL CRIMEN
RAUL WALEIS ; LA DEUXIÈME VERSION DE EL CANDADO DE ORO EST PARUE DANS LA REVUE LA BIBLIOTECA,
DIRIGÉE PAR L'AUTEUR DE LA NOUVELLE, GROUSSAC, SANS SIGNATURE ; ROSSI SIGNA SON RECUEIL DU
PSEUDONYME DE WILLIAM WILSON.
1. LAFORGUE ET RIVERA, OP. CIT. ; GIARDINELLI MEMPO, EL GÉNERO NEGRO, VOL I ET II,
MEXICO, UNAM, 1984.
2. "CERTAINEMENT UN PSEUDONYME", D'APRÈS LAFORGUE ET RIVERA, OP; CIT.
3. BAJARUA Juan Jacobo, Historia del gènero policial (in Selecciones Policiales Codex, Bs. As,
septembre 1965 ; p.13-22).
La grande éclosion aura lieu dans les années 1940 et l'onde d'expansion
retentira partout en Amérique Latine, comme en témoignent de nombreux
articles de presse et conférences, dont certains issus des plumes
d'écrivains prestigieux tels que José Antonio Portuondo à Cuba ou
Alfonso Reyes au Mexique. À l'origine de cet événement : la création à
Buenos Aires en 1944, par la maison d'édition Emecé, de la collection « El
Séptimo Círculo » dirigée par Jorge Luis Borges et Adolfo Bioy Casares,
qui donnera au genre, grâce au prestige intellectuel de ses directeurs, ses
lettres de noblesse dans le Rio de la Plata. Le choix des cent dix titres des
directeurs de la collection pendant la période 1944-1955 (date à laquelle
Carlos V. Frías prit la relève) est précis : il s'agit essentiellement de romans
anglo-saxons à énigme; près de quarante ans plus tard, Borges continuait
de penser que - le genre policier a beaucoup décliné aux États-Unis. Le
genre policier est devenu réaliste, avec de la violence, de la violence
sexuelle. En tout cas, il a disparu. On a oublié l'origine intellectuelle du
roman policier. Il s'est maintenu en Angleterre, où l'on écrit encore des
romans très tranquilles dont le récit se déroule dans un village anglais ; là,
tout est intellectuel, tout est tranquille, il n'y a pas de violence, il n'y a pas
de grave effusion de sang ». « El Séptimo Círculo » publiera dans des
tirages de 10 000 à 15 000 exemplaires des romans de John Dickson Carr,
Patrick Quentin, Anthony Berkeley, Nicholas Blake (en réalité le poète
britannique Cecil Day Lewis). Hachette lance deux collections : « Série
Naranja » (1949) et « Evasion » (1951). La première introduit la nouveauté
de quelques auteurs noirs aux côtés d'Ellery Queen : David Goodis,
1. PORTUONDO José Antonio, En torno a la novela detectivesca, écrit en 1946 (in NOGUERAS Luis
Rogelio ed. Por la novela policial, La Havane, Editorial Arte y Literatura, 1982). REYES
Alfonso, Sobre la novela policial (in Prosa y poesía, Madrid, Cátedra, 1977). Apología de la
novela policiaca (1931), du romancier cubain Alejo Carpentier est un texte prémonitoire.
2. BORGES Jorge Luis, le Conte policier (in EISENZWEIG Uri ed. Autopsies du roman policier,
10/18, 1983, p. 289-304).
LA PREMIÈRE GÉNÉRATION
1. Une autre nouvelle, écrite en 1946 : les Débuts d'une carrière in Anthologie du Mystère n°
194 bis, â'Ellery Mystère Magazine, Paris, printemps 1964, p. 222-235. Il n'y est pas fait
mention de traducteur. Nous supposons que la version française provient de la
traduction anglaise.
2. Cf. GIARDINELLI Mempo, El complot mongol de Rafael Bernai (in Excelsior, Mexico D. F., 7
janvier 1984).
3. Ce roman fut adapté au cinéma par Luis Bunuel pendant sa « période mexicaine
» (vingt films). Le titre français en est pour le moins curieux : la Vie criminelle d'Archibald
de la Cruz. Il fut tourné en 1955. Bunuel raconte : ■ Le film connut un assez bon succès un
peu partout. Pour moi, il reste lié au souvenir d'un drame étrange. Dans une des scènes
du film Ernesto Alonso, l'acteur principal, brûlait dans un four de céramiste un
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mannequin fait à l'exacte ressemblance de la comédienne, Myroslava. Or, très peu de
temps après le tournage, Myroslava se suicida par chagrin d'amour et fut incinérée —
selon sa propre volonté. • (BUNUEL Luis, Mon dernier soupir, Paris, Robert Laffont, 1982)
1.TORRES Vicente Francisco ed. El cuento policial mexicano, México D. F., Editorial Diógenes,
1982.
2.WALSH Rodolfo ed. Diez cuentos policiales argentinos. Bs. As., Librería Hachette, 1953
(colección Evasion).
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déduction est le détective lui-même, et Bioy Casares, en 1944, Elperjurio de
la nieve, qui sera adapté au cinéma. Bioy signa également, en collaboration
avec Silvina Ocampo, Los que aman, odian (1945). Enfin nous citerons
encore deux titres : La espada dormida de Manuel Peyrou (1945) et Un viejo
oloraalmendrasd'Abe\ Mateo.
Les années 1950 furent celles de l'affirmation du récit policier à énigme.
Toutes les conditions pour son épanouissement étaient
réunies : un public informé, des collections, des revues (en particulier Vea
y Lea), des auteurs, des prix, une expérience littéraire pour répondre aux
problèmes posés par l'adaptation à la réalité nationale. En 1953 Rodolfo
Walsh publia Variaciones en rojo, dont le protagoniste était Daniel
Hernández, correcteur d'épreuves dans une maison d'édition,
accompagné de son « Watson » à lui, le commissaire Jiménez. En
revanche, dans d'autres récits comme Cuento para tahúres1, Walsh choisit le
point de vue du délinquant, ce qui complète et enrichit la tâche de
renouveau linguistique entreprise par Bustos Domecq. Velmiro Ayala
Gauna créa, quant à lui, le commissaire Frutos Gómez (Los casos de don
Frutos Gómez, 1955; Don Frutos Gómez, el comisario, i960); Leonardo
Castellani, El enigma del fantasma en coche (1958) et El crimen de Ducadelia;
Maria Angélica Bosco, La muerte baja en ascensor (1955) et La muerte soborna
a Pandora (1956); Abel Mateo poursuit son labeur avec El asesino está en la
cárcel (1953), Reportaje en el infierno (1956), El detective original— où domine
la parodie humoristique —, El bosque y cinco árboles (i960); de nombreux
récits d'Adolfo Pérez Zelaschi; Rosaura a las diez (1955), de Marco Denevi
— roman qui emprunte certains éléments au policier comme l'énigme en
incorporant toutes les inflexions du parler des couches moyennes de
Buenos Aires. Ce langage fait apparaître surtout et avant tout une
mentalité et une façon d'aborder la vie : en somme, derrière l'intrigue, la
société. Aux noms ci-dessus cités se joignaient de nombreux écrivains qui,
eux, avaient choisi de masquer leur identité sous un pseudonyme pour
nourrir les pages de collections tels que « Cobalto », « Déborah », «
Pandora », « Punto Negro », etc. Abel Mateo signait
1. Les récits de Walsh dispersés dans plusieurs revues ou anthologies furent recueillis
sous le titre de Cuento para tahúres y otros relatos policiales. Bs. As., Punto Sur, 1989.
Postface de Victor Pesce.
Mayfer ses récits « durs » qu'il publiait dans la collection « Serie Naranja »;
Eduardo Goligorsky, quant à lui, avait recours à plusieurs pseudonymes.
La situation chilienne est comparable, à petite échelle, à celle de
l'Argentine. Les pionniers, tous influencés par le roman policier anglo-
saxon, s'appelaient Alberto Edwards, créateur de Román Calvo, premier
détective chilien; L. A. Isla; René Vergara, un ancien policier, créateur de
l'inspecteur Cortés; Luis Enrique Délano, qui signa du pseudonyme de
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Mortimer Gray (El caso de la mujer azul, Muerte entre los pinos, El caso del
cuadro surrealista; le detective Philip Dañe apparaît dans plusieurs de ses
nouvelles) et qui publia dans les années 1980 au Mexique El collar de
Jessica Rockson sous la fausse identité de José Zamora.
LE TOUR DU HARD-BOILED
Les deux décennies des années i960 et 1970 sont fondamentales pour la
valorisation du genre « dur ». Rivera et Lafforgue signalent que, comme ce
fut le cas pour le roman de mystère, le hard-boiled a eu besoin de la
reconnaissance des intellectuels pour s'imposer. Les collections se
multiplient : « Série Negra » dirigée par Ricardo Piglia dès 1969 (Chandler,
Goodis, McCoy); « Asesinos, Espîas y Cîa » et « Los Extraordinarios »
d'Alfa Argentina (puis en Espagne, avec la collection « Alfa 7 »); « Los
Libros de la Calle Morgue », puis « Circe », sous la direction d'Eduardo
Goligorsky; « Caîn »; « Novela Negra Universal » et, en Espagne, «
Novela Negra » de Bruguera, dirigée par l'écrivain argentin exilé Juan
Martini.
Des circonstances socio-politiques spécifiques exercent leur influence et
facilitent l'apparition d'un nombre important d'auteurs latino-américains.
Tout d'abord, une grave crise politico-économique se profile dans le
milieu des années 1970, dont le genre noir permet de témoigner. En
Espagne, Franco meurt en 1975, ouvrant ainsi la voie à la démocratisation
du pays et l'occasion de parler des interdits (avec des auteurs tels que
Manuel Vâzquez Montalbân, Juan Madrid, Andreu Martin)1. Le genre noir
aura alors une carte à jouer. Faisant allusion à la dernière vague d'auteurs
hispano-américains, le romancier mexicain Paco Ignacio Taibo II signale :
« Ils présentent plusieurs caractéristiques communes : une jeunesse agitée,
des affrontements contre la dictature franquiste, l'exil après le sanglant
coup d'État en Argentine, la politisation après l'ère des chars contre les
étudiants mexicains. Plusieurs d'entre eux ont exercé le métier de
journaliste ; métier critique et mal vu par le pouvoir ».
La reconnaissance intellectuelle, à l'instar de Borges et Bioy Casares dans
le passé, autorise certains auteurs à flirter avec le genre sans s'y consacrer
entièrement. Il s'agit soit de prendre certains traits du récit noir (la dureté
du langage, les dialogues
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de la façon dont les règles du genre, les procédés et les "trucs" du "policier noir"
fonctionnent sans rupture de ton tout en étant transposés en portugais, avec des noms,
des expressions et des lieux caractéristiques de Lisbonne. » {A regra do Jogo, Série Negra,
Lisbonne, 1982)
1. NAVARRO Felipe, Entretien avec Mempo Giardinetti : Pour une littérature noire latino-
américaine (in Bibliothèque énigmatique, n° 14, juillet 1988, France, p. 6-9). F. Navarro était le
pseudonyme de l'auteur de ce prologue.
2. Sinay vient de publier Es peligroso escribir de noche, Bs. As., Clarin/Aguilar, 1992.
auteur des romans noirs Manuel de Perdedores (1985) (publié tout d'abord
comme feuilleton), Arena en los zapatos (1989), Los sentidos del agua (1992)
s'intéresse aussi au problème du privé et y apporte une solution originale :
son protagoniste sera un homme à la retraite, Etchenique (devenu,
prononcé à l'anglaise, "Etchenaik"), qui joue la comédie du détective
jusqu'à ce qu'il finisse piégé par une violence bien réelle. Pendant cette
même période, la publication de romans classiques se poursuit (Maria
Angelica Bosco, Adolfo Perez Zelaschi, etc.).
D'après Jorge Rufinelli, Juan Carlos Onetti aurait en Uruguay publié dans
la revue Marcha plusieurs récits policiers signés de pseudonymes. En 1945
Enrique Amorim fit paraître El asesino desvelado en Argentine. Hiber
Conteris, auteur d'un roman écrit dans les prisons politiques de son pays,
El diezpor dento de vida (1985), y fait revivre Philip Marlowe et Raymond
Chandler; Carlos Maria Federici, quant à lui, se livre à un véritable travail
de pionnier : il est l'auteur de récits de science-fiction et des romans de
mystère : Mi trabajo es el crimen (1974), situé dans une ville qui tient
beaucoup de Montevideo, et Dos caras para un crimen (1982). Parmi
d'autres, Julio Ricci, Hugo Giovannetti Viola et Enrique Estrâzulas ont
écrit des nouvelles « noires » considérées par la critique comme des
modèles.
Au Chili, Poli Délano, sous le pseudonyme d'Enrico Falcone, publia au
Mexique un roman à énigme, Muerte de una ninfó-mana (1980) devenu un
authentique best-seller (environ 20 000 exemplaires). Ramon Diaz Eterovi
a créé le privé Heredia, qui mène ses enquêtes dans un Chili ravagé par la
dictature de Pinochet (La ciudad esta triste, 1988; Sólo la oscuridad, finaliste
du prix international Casa de las Américas, à Cuba, en 1988;
1. Cf. J. G. H., Heredia, un duro de Chile (in : La Semana, Santiago de Chile, 25 décembre
1988).
1. Cf. TYRAS Georges, Problemas ideológicos y soluciones narrativas. Un caso peruano : Pólvora
para gallinazos (in Tigre 3, Violencia, marginalídad perspectiva histórica en la narrativa peruana
[1975-1986], décembre 1986, CERPA, Grenoble, p. 131-146).
1. Cf. MARTI Agenor, Sobre acusados y testigos, La Havane, Letras Cubanas, 1980. L'auteur,
journaliste à Granma, a rencontré des auteurs de romans policiers et des intellectuels en
général pour connaître leur avis sur le genre.
2. Cf. NOGUERAS Luis Rogelio et RODRIGUEZ RIVERA Guillermo, i La verdadera novela policial? et
PÉREZ Armando Cristôbal, El género policial y la lucha de closes : un reto para los escritores
revolucionarios (in : NOGUERAS Luis Rogelio éd., Por la novela policial, La Havane, Editorial
Arte y Literatura, 1982). Il est intéressant de noter que l'article de Pérez était à l'origine un
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dépliant pour la promotion du prix du ministère de l'Intérieur en 1972.
Nestor Ponce,
Maître de conférences à l'université d'Angers et à l'École Polytechnique,
1993
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