La capacité biologique d’un milieu correspond à son aptitude à pouvoir
supporter la vie d’un certain nombre d’individus d’une espèce donnée. Cette notion est liée à divers paramètres dont particulièrement la taille et la disponibilité des ressources nécessaires à l’espèce ou de manière plus étendue à la niche écologique de l’espèce. Dans les milieux naturels, cette capacité biologique représentée par la variable K dans les modèles démographiques (équation logistique d’accroissement démographique des populations), est très rarement dépassée. En effet, il existe différents mécanismes de régulations des populations tels que les phénomènes de compétitions intra ou interspécifique, la prédation, le parasitisme, les maladies et épidémies, la pression des facteurs environnementaux, etc., qui permettent de réguler naturellement les niveaux des populations de sorte que ceux-ci restent toujours inferieurs à la capacité limite du milieu. Toutes les espèces vivantes sont soumises dans une certaine mesure, à ces processus de régulation démographique. De sorte que dans les milieux naturels climaciques, il existe un équilibre naturel, une harmonie entre chacune des espèces et leur environnement et entre les espèces elles- mêmes. Toutes sauf une seule, la plus évoluée : l’espèce humaine. Homo sapiens a atteint au fil de l’évolution un niveau extraordinairement complexe et inégalé d’adaptation. Si bien que la plupart des processus naturels de régulation démographique énoncés plus tôt, ne s’exerce plus sur cette espèce ou du moins à une échelle extrêmement plus réduite. De toutes les formes de vies sur terre, l’espèce humaine est devenue la plus compétitive quelque soit le type ou la nature de la ressource considérée. Cette espèce s’est soustraite à la grande majorité des formes interspécifiques de compétitions existant par le biais d’une évolution technologique fulgurante et d’une extraordinaire diversification de son réseau trophique. Elle est également parvenue à se soustraire des différents types de prédation qui existent et même à de nombreuses maladies mortelles (grippe espagnole, peste, variole, scarlatine, rubéole, rougeole, etc.) qui par leur action contrôlait la taille des populations humaines et sélectionnait entre autre, les individus les plus résistants. Elle a colonisé presque tous les milieux terrestres et même certain milieux extra- terrestres (Lune). Ces tours de force ont été réalisés par différents moyens dont le plus important demeure l’avancée technologique et par extension les connaissances et l’intelligence humaine. La race humaine s’est donné les moyens de survivre à la plupart des types de sélection naturelle sans pour autant faire intervenir les traits adaptatifs de son génotype mais plutôt ses capacités intellectuelles inégalées. « A court terme » et dans une certaine mesure, l’homme s’est rendu indépendant de la plupart des facteurs environnementaux de son milieu de vie qu’il adapte et modifie au fur et à mesure de ses besoins. Cette absence de mécanismes efficients de contrôle des populations humaine s’est traduite par la super explosion démographique de cette espèce (plus de 6 milliards d’individus), et une expansion géographique et Yannick BAIDAI – Le paradoxe de l’évolution humaine 1 démographique qu’aucune autre espèce avant lui n’avait pu réaliser. Si bien qu’aujourd’hui, l’on est en mesure de supposer que la biosphère a atteint la limite de sa capacité biologique pour l’espèce humaine. Les corollaires de cette rupture de l’équilibre entre populations humaines et capacité limite de la terre s’exprime à travers les bouleversements de plusieurs équilibres naturels se traduisant par les changements globaux observés à l’échelle de la planète entière et les phénomènes cruciaux d’érosion de la biodiversité et la détérioration de la qualité de vie de la plupart des communautés vivantes. En effet, mise à part les causes naturelles de certains processus, la plupart des changements globaux décrits découlent en grande partie de l’activité humaine. L’augmentation du taux de carbone dans l’atmosphère, l’effet de serre en résultant, ainsi que tous les autres maux qui leur sont associés (entre autres, fontes des calottes glaciaires, augmentation du niveau des mers, perturbation des mécanismes de régulation climatique, disparition de certaines formes de vies, etc.) ne sont que les conséquences directes d’une évolution technologique humaine exponentielle (moyens de locomotion, industrialisation, production énergétiques etc.) couplée à une déforestation dramatique au profit de l’agriculture ou de l’urbanisation d’une espèce à démographie exceptionnelle. La surexploitation des ressources de la biosphère, la réduction considérable des énergies non renouvelables notamment le pétrole (dont la quasi-totalité a été produite depuis le carbonifère du fait de l’absence de champignons décomposeurs) ne sont en réalité que des émanations de la rupture de cet équilibre naturel qui existait entre la taille des populations humaines et l’aptitude de la biosphère à pourvoir des conditions de vie optimales. Ainsi, le réel problème de la planète semble être en réalité lié au développement fulgurant de l’espèce humaine. Cependant, ce développement a été autorisé et favorisé par la nature elle-même qui tout au long de l’évolution nous a fait don de nombreux « cadeaux » qui pris l’un sur l’autre ont augmenté nos capacités adaptatives et notre supériorité sur les autres formes de vies existantes. Le plus important de ces cadeaux et peut être le plus dangereux également a été « l’intelligence humaine » ou plutôt la faculté d’utiliser certaines aires cérébrales afin d’apporter des solutions données à une situation précise. En effet, la science enseigne que la bipédisation de l’être humain, trait adaptatif sans doute sélectionné par la savanisation de son milieu original, a été l’un des facteurs déterminants dans l’évolution du psychisme et de l’évolution humaine. La bipédisation par l’affranchissement des membres supérieurs, libère les zones cérébrales autrefois dévolues uniquement à la locomotion. L’une des premières conséquences de cette phase apparaît dans la création de l’outil, qui représente le début de l’effarante évolution technologique humaine et l’un des tous premiers « traits adaptatifs extérieurs au génotype humain ». La transmission héréditaire de ce caractère se réalise alors par des moyens différents de ceux que la nature a mis en place par les voies de la reproduction. Elle intervient à travers l’apprentissage de
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génération en génération des techniques de conception de l’outil ainsi que par le cumul des savoirs. Les premiers outils augmentent le fitness des populations humaines en améliorant leur succès à la chasse, la pêche, etc., en augmentant la disponibilité des ressources ou leurs capacités à se défendre contre les prédateurs : « l’homme que la nature n’a pourvu ni de griffes, ni de crocs, répare cette injustice au travers des premiers outils ». Au fil des générations et des différentes pressions environnementales qui s’exercent sur l’homme, les outils, leurs techniques de conception, s’affinent et se perfectionnent. D’autres outils plus performants, d’autres techniques plus évoluées voient le jour. Parmi celles-ci naissent l’agriculture et l’élevage qui seront à l’origine d’une augmentation considérable du fitness et des capacités adaptatives de l’espèce humaine. Au contraire de la plupart des autres animaux, l’homme utilise ses capacités intellectuelles propres ou celles accumulées tout au long de son évolution pour répondre à un type précis de pression environnementale ou pour satisfaire un certain type de besoins à un moment donné, là où les autres espèces demeurent soumises au crible de l’évolution et de la sélection naturelle. Ainsi, au lieu de s’adapter par le biais de ses spécificités génotypiques, l’homme adapte son environnement. Ce type d’adaptation pour le temps qu’il dure, a permis l’explosion démographique de la race humaine. Toutefois, comme le citait xxx : « Le règne de l’homme sur la nature n’est qu’illusoire ». En effet, la majorité des actions et activités humaines ont conduit à la rupture de l’équilibre écologique qui préexistait entre les populations humaines et la biosphère. Conséquemment, l’évolution humaine semble paradoxale puisqu’elle a offert à l’homme des capacités adaptatives formidables et d’un tout nouveau type, par le biais de divers processus tels que la pression des contraintes environnementales, de la sélection naturelle, la bipédisation, etc. Mais ce faisant, elle a également permis à cette espèce de se soustraire de tous les mécanismes naturels de contrôle des populations, d’où un extraordinaire accroissement démographique. De cet accroissement anarchique a résulté la plupart des changements globaux de la planète terre et l’autodestruction de notre espèce. Ce laïus qui pourrait en grande partie se résumer par cette citation de Tintant H. : « L’homme est l’animal le plus anti-écologique de la planète », se veut être un énième cri d’alarme, un énième appel au réveil des consciences sur l’obligation de mêler les avantages et commodités des progrès technologiques actuels et futurs et la nécessité ou l’indispensabilité de la protection de notre environnement et de notre milieu de vie, du moins autant que faire ce peut…
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