Un des additifs alimentaires qu'il faudra bannir au plus tôt, ce sont les glutam ates. Sels de l'acide glutamique, largement employés sous forme de monosodium gl utamate dans la cuisine chinoise, ce sont des agents de sapidité qui exaltent le goût des aliments non sucrés. par Gerald MESSADIE On eut mieux fait de s'intéresser plus tôt aux raisons pour lesquelles ils ont c et effet : c'est qu'ils déclenchent et transmettent des signaux excitateurs au c erveau ; un aliment qui en contient expédie au cerveau beaucoup plus de signaux qu'un autre qui n'en contient pas. C'est donc une sorte de drogue excitatrice du système nerveux. Mais ils ont été ensuite adoptés sans plus de réflexion par l' industrie alimentaire internationale. Il y a déjà une vingtaine d'années, on a commencé à parler d'un « syndrome du re staurant » chinois, qui frappait les gens qui venaient de consommer un repas asi atique et qui consistait, dans l'ensemble, en une migraine intense, accompagnée de bouffées de chaleur et de troubles circulatoires. Ce phénomène fut attribué, mais sans trop de certitude, aux glutamates. Dès les années 1970, la Food and Dr ug Administration le faisait en tout cas retirer des aliments pour enfants. Ayant rapporté à l'époque les soupçons qui pesaient sur les glutamates, nous nou s vîmes opposer un tir nourri d'arguments scientifiques (dont quelques-uns menaç ants) destinés à les disculper. Les glutamates, disaient les experts, ne pouvaie nt pas être responsables du syndrome en question et ne pouvaient pas présenter d e toxicité, étant donné que ces acides aminés sont présents dans toutes les cell ules de l'organisme et sont des constituants essentiels des protéines. C'est bien exact. Mais des travaux américains qui viennent de connaître un grand retentissement international, ceux du Dr John Olney, de l'université Washington à St Louis, ont démontré que, normalement, le glutamate présent dans les cellul es, y compris dans celles du cerveau, est enfermé dans ces cellules ; il n'y en a qu'une part infime qui circule en dehors des cellules. Mais quand le cerveau, pour une raison ou une autre, est privé de sa ration normale d'oxygène, les cell ules relâchent massivement les glutamates qu'elles contiennent, ce qui entraîné la mort des neurones. Les cellules ayant perdu le contrôle des glutamates, tout l'équilibre neurochimique est déréglé et le calcium commence à envahir les cellu les, ce qui augmente encore le nombre de neurones tués, par un phénomène en casc ade. Normalement donc, et indépendamment de toutes considérations alimentaires, les glutamates peuvent présenter une très grande toxicité. Beaucoup de savants répugnent encore à admettre la toxicité des glutamates et su rtout des glutamates alimentaires ; mais ce n'est pas l'opinion d'Olney, qui est ime, sur la base de travaux sur l'animal, que ces derniers sont bien responsable s de lésions cérébrales. Les travaux du Dr Dennis Choi, chercheur en neurologie à l'université Stanford a démontré, par ailleurs, que des cellules du cerveau mi ses dans un tube peuvent survivre plusieurs jours sans oxygène si les récepteurs spécifiques des glutamates (car les cellules du cerveau possèdent des récepteur s qui ne captent spécifiquement que les glutamates, dans certaines proportions d éterminées, afin d'assurer leur équilibre) sont bloqués. Ces travaux de neurologie vont bien au-delà, on s'en doute, de la toxicité alime ntaire des glutamates. Ils permettent d'abord de définir les mécanismes de certa ines lésions cérébrales ; par exemple après une hémorragie ou un choc. Ils laiss ent aussi imaginer que, si l'on trouve un produit qui bloque les récepteurs des glutamates, on pourrait, en l'injectant rapidement après une hémorragie cérébral e, prévenir des lésions irréversibles du cerveau. Paradoxalement, une telle drogue existe déjà, et elle est interdite : c'est la d rogue dite PCP, phényl cyclohexine pipéridine, qui induit des hallucinations. En revanche, des récepteurs de glutamates qui sont définitivement bloqués seraie nt, selon le psychiatre Steve Zukin, de l'école de médecine Albert Einstein, de New York, responsables de la schizophrénie. Zukin fait d'ailleurs actuellement d es expériences sur des schizophrènes, auxquels il administre des glutamates pour vérifier si ceux-ci, introduits hors du circuit ordinaire des récepteurs, rétab lissent ou non un fonctionnement intellectuel normal. En tout état de cause, les glutamates sont des substances bien trop actives pour être encore employées comme additifs alimentaires. Mieux vaut manger un canard laqué qui ait un peu moins de saveur. -------------------------------------------------------------------------------- Science & Vie N°858, Mars 89, page 72
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