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Empire byzantin (en grec moderne : Βυζαντινή αυτοκρατορία / Vizandiní aftokratoría) est le
nom donné depuis le XVIIe siècle à l' Empire romain d'Orient (en grec médiéval Ἀνατολική
Βασιλεία Ῥωμαίων / Anatolikí Vasilía Rhômaíôn).
Dès la fin du IIIe siècle, l'empire est séparé en deux parties et il est définitivement divisé en
l'an 395, à la mort de Théodose Ier. Si l'Empire romain d'Occident disparaît en 476, l'« Empire
byzantin » subsiste jusqu'en 1453, date de la chute de Constantinople aux mains des
Ottomans.
Combinant ces héritages multiples, l'Empire byzantin donne naissance à une civilisation
brillante, raffinée et puissante qui va marquer l'histoire de l'Occident et de l'Orient pendant
des centaines d'années.
Au cours de ces mille ans d'existence, un certain nombre de lois et coutumes des Romains
sont conservées, ainsi que certains aspects culturels ou techniques comme l'architecture. Le
grec est la langue majoritaire des échanges, l'art est chrétien tandis que l'éducation — la
paideia — est gréco-romaine. La disparition de la partie occidentale de l'Empire romain et
celle des légions romaines, les menaces permanentes sur leurs frontières amènent les
Byzantins à se doter d'une armée puissante, dont la tactique commence à s'élaborer de
manière autonome dès le VIe siècle, ce qui lui permet de dominer la région jusqu'au
XIIIe siècle.
L'Empire byzantin est enfin un empire chrétien qui, entre autres, aura défini certains dogmes
du christianisme. L'Église officielle est l'Église chrétienne universelle jusqu'au schisme de
l'Église romaine de 1054. Par la suite, cette partie de l'Église, qui conserve la théologie et le
droit canon du premier millénaire (dite des sept conciles) prend le nom d'Église orthodoxe.
Histoire byzantine
L'Empire romain d'Orient durant l'Antiquité tardive (IVe au VIe siècle) [
L'Empire byzantin plonge ses racines dans la période dite de l'Antiquité tardive, débutant
traditionnellement[N 1] avec l'avènement de Dioclétien en 284[3].
Naissance de l'Empire]
En 395, lorsque meurt l'empereur Théodose Ier, l'unité de l'Empire prend fin. Il est partagé
entre ses deux fils, Honorius et Arcadius, qui s'attribuent un Empire d'Occident et un Empire
d'Orient. Cette division de 395 est traditionnellement considérée comme un point de départ
plausible pour l'Empire byzantin.
On a certes connu de telles divisions par le passé, mais celle-ci se révèle bientôt définitive :
Arcadius, qui réside à Constantinople, passe donc pour le premier souverain de ce « premier »
Empire byzantin[N 2]. Toutefois, les mêmes lois ont cours dans les deux moitiés de l'Empire
(elles sont en général promulguées conjointement par les deux empereurs) et chacun reconnaît
le consulat de l'autre. Aussi, cette date de 395 n'est pas retenue par tous les historiens comme
« origine » de l'Empire byzantin. Si certains le font remonter jusqu'à Constantin, la plupart
s'en tiennent à Héraclius (610–641) comme premier souverain byzantin. D'autres, enfin,
retiennent comme début de l'histoire byzantine 565, date de la mort de Justinien Ier.
Les grandes invasions du IVe au Ve siècle ; Chronologie associée.
À la fin du IVe siècle, au début des grandes invasions, la partie orientale de l'Empire devient
une cible pour les peuples germaniques, notamment les Wisigoths et les Ostrogoths. En 378, à
la bataille d'Andrinople, les Goths infligent une cuisante défaite à l'armée romaine d'Orient.
Théodose Ier leur concède, en 382, un territoire au sud du Danube en signant un nouveau
fœdus avec eux[5].
À partir du début du Ve siècle, les Germains et les Huns concentrent leurs attaques contre
l'Empire d'Occident, plus faible sur le plan militaire. L'Empire d'Orient, pour sa part, doit
affronter lors de guerres perso-romaines les assauts du nouvel Empire perse des Sassanides,
seul concurrent à sa mesure, bien que les deux empires restent presque continuellement en
paix entre 387 et 502. En 410, la ville de Rome est prise par les Wisigoths, ce qui est un choc
pour les Romains, tandis que la partie orientale de l'Empire — si l'on excepte les Balkans —
n'est pas inquiétée. De temps en temps, Constantinople s'efforce de venir en aide à l'Occident,
comme par exemple lors de la malheureuse campagne navale de 467-468 contre les Vandales.
Sous le règne de l'empereur Léon Ier, l'Empire doit affronter le problème posé par les troupes
d'auxiliaires germains. Jusqu'à la fin du Ve siècle, la charge de « magister militum »
(commandant en chef, un général de haut niveau) revient la plupart du temps à un Germain.
Vers 480, avec l'intégration des Isauriens dans le service militaire, on peut envisager de
résoudre ce problème en contrebalançant l'influence des Germains. Dans l'armée d'Orient,
combattent désormais de plus en plus de sujets de l'Empire. Les empereurs peuvent de ce fait
stabiliser leur situation à l'Est. Lorsque, en 476, le dernier empereur d'Occident Romulus
Augustule est déposé par le chef germain Odoacre, l'Empire d'Orient se retrouve en nette
position de force. En 480, les Germains reconnaissent l'empereur d'Orient comme leur
seigneur en titre, quand le dernier empereur d'Occident reconnu par Constantinople, Julius
Nepos, meurt en Dalmatie. Pendant cette période, l'empereur Anastase Ier renforce les
capacités financières de l'Empire, ce qui favorise la politique d'expansion ultérieure de
Constantinople.
La puissance de Justinien
Justinien.
Au VIe siècle, sous le règne de Justinien Ier (527-565), les deux généraux orientaux Bélisaire
et Narsès reconquièrent une grande partie des provinces occidentales : l'Italie, l'Afrique du
Nord, et la Bétique. Ils restaurent ainsi brièvement l'« Imperium Romanum » dans ses limites
d'autrefois. Cependant, les guerres contre les royaumes des Vandales et des Goths à l'ouest, et
contre le puissant Empire sassanide de Khosro Ier à l'est, auxquelles vient s'ajouter une
épidémie de peste (dite « peste de Justinien ») qui ravage à partir de 541 tout le bassin
méditerranéen, affectent sérieusement l'équilibre de l'Empire[8].
C'est pendant le règne de Justinien qu'est édifiée la basilique Sainte-Sophie (532-537). Ultime
grande construction de l'Antiquité, elle reste longtemps la plus grande église de la chrétienté.
Le long règne de Justinien représente une transition décisive entre le crépuscule de l'Antiquité
et le Moyen Âge byzantin, même si Justinien, « dernier empereur romain » selon Georg
Ostrogorsky, se rattache par de nombreux traits à l'Antiquité.
La conquête du Maghreb
Jean Troglita, général byzantin du VIe siècle qui est le lieutenant du général Bélisaire,
vainqueur des Vandales en Africa et des Ostrogoths en Italie dans les années 530, s'illustre
notamment contre les Perses et les Berbères.
Solomon fut nommé en 534 par Justinien comme gouverneur de l'Afrique, tout juste
reconquise par le général Bélisaire sur les Vandales de Gélimer. Il est remplacé deux ans plus
tard (en 536), avant de retrouver son poste en 539. Il doit faire face aux rebelles berbères,
notamment ceux du chef Antalas. Il est toutefois battu par ces derniers dans une bataille près
de la cité de Theveste (actuelle Tébessa) en 544, trouvant la mort au combat. Yabdas se
révolte à son tour contre l'autorité des Romains et des Byzantins et se proclame roi des Aurès
Mais deux chefs berbères des Aurès, Ifisdias et Cutzinas, sont également remarquables. Ils
deviennent des chefs byzantins, pendant le commandement de Jean Troglita, lorsque ce
dernier veut attaquer les Berbères du Sud après que les Aurès et le Zab sont dominés par les
Byzantins grâce à Solomon. En revanche Mastigas, roi berbère de la Maurétanie Césarienne,
après les Vandales, prend en main une partie de cette province, bien que les Byzantins soient
arrivés jusqu'à Frenda, car des inscriptions byzantines ont été retrouvées sur place en Algérie.
En 544, les Byzantins exercent leur pouvoir jusque dans la province de Constantine.
Cependant, des insurrections berbères contre les Byzantins provoquent l'organisation de
plusieurs États puissants dont les Djerawa, les Banou Ifren, les Maghraouas, les Awarbas, et
les Zénètes. Selon Corripus, dans la Johannide, à l'époque de Jean Troglita entre 547 et 550,
les Banou Ifren (Ifuraces) font la guerre aux Byzantins.
Au début de la conquête musulmane en Afrique du Nord, Koceila, roi berbère, s'allie avec les
troupes byzantines. Après sa mort, la reine berbère Kahina attaque les Omeyades avec l'aide
des Byzantins et les cavaliers zénètes. Elle l'emporte deux fois sur les troupes arabes.
Le déclin de l'Empire
Sous les successeurs de Justinien, l'influence de la langue latine décline irrémédiablement
dans l'Empire, et lorsque l'empereur Maurice établit l'exarchat à Carthage et Ravenne, il
abandonne un principe fondamental de l'Antiquité tardive : la séparation des compétences
civiles et militaires.
Justinien laisse à ses successeurs des caisses vides ; les empereurs qui lui succèdent ne sont
guère en mesure de relever les défis de la nouvelle politique extérieure, tels qu'ils apparaissent
à partir de la seconde moitié du VIe siècle. Justin II engage une guerre désastreuse contre les
Perses et à la faveur de la dépression nerveuse que lui occasionne la défaite, les Lombards
mettent la main sur une grande partie de l'Italie à partir de 586. Entre-temps, les Slaves sont
eux aussi passés à l'attaque (vers 580) dans les Balkans et jusqu'à la fin du VIIe siècle, ils en
contrôlent la plus grande partie.
L'empereur Maurice a pu conclure en 591 une paix avantageuse avec les Sassanides et réagir
vigoureusement face aux menées slaves, mais avec sa mort violente en 602, la situation
militaire se tend dangereusement. En 603, sous la conduite du grand roi Khosro II, les Perses
sassanides s'adjugent pour quelque temps le pouvoir sur la plupart des provinces orientales.
Jusqu'en 619, ils détiennent même l'Égypte et la Syrie, les plus riches des provinces romaines.
Comme de surcroît les Avars et leurs vassaux slaves menacent les Balkans, l'Empire semble
au bord de l'effondrement.
L'empereur Héraclius n'arrive pas à s'opposer à l'expansion arabo-musulmane dans les années
630. Le 20 août 636, lors de la bataille du Yarmouk, les Byzantins subissent une défaite
décisive face à une armée commandée par Khalid ibn al-Walid sous le second calife Omar ibn
al-Khattab, entraînant la perte de tout le sud-est de l'Empire (Syrie et Palestine incluses) avant
642
Cependant, contrairement à son vieux rival, l'Empire sassanide, qui sombre malgré sa
puissante contre-offensive de 642 à 651, l'Empire byzantin réussit à se préserver d'une
invasion totale par les Arabes musulmans. Les troupes byzantines qui ont assuré la sécurité
des marches orientales, doivent néanmoins se replier sur l'Anatolie, en proie aux razzias
arabo-musulmanes.
Les thèmes vers 650.
Les difficultés militaires et la perte définitive des plus riches provinces conduisent à une
transformation profonde de l'Empire, dans lequel le grec supplante pour de bon l'usage du
latin. Ce que l'Empire perd sur le plan territorial, il le gagne en homogénéité. La culture
antique était marquée depuis des siècles par l'influence d'innombrables cités, de taille diverse.
Cette époque touche à sa fin. La plupart des villes sont abandonnées ou se réduisent à la
dimension de villages fortifiés, appelés « castra ».
Les différences culturelles entre les provinces perdues du sud et de l'est et celles du nord ne
sont pas négligeables : dans leur majorité, les premières appartiennent depuis le Ve siècle, aux
Églises orthodoxes orientales et monophysites, lesquelles sont en rupture avec les Églises
orthodoxes grecques du Nord depuis 451. Ce conflit est peut-être une des raisons de la
soumission rapide aux Arabes musulmans en Syrie et Égypte, mais cette thèse est très
controversée par la recherche actuelle.
Le nord, qui reste sous contrôle impérial, manifeste une plus grande unité et une combativité
supérieure. Le prix à payer est néanmoins élevé avec la perte des deux tiers du territoire et de
la plupart des revenus fiscaux. Les structures étatiques et sociales de l'Antiquité tardive
disparaissent par pans entiers. Contre toute attente, Byzance a tenu bon malgré des décennies
de lutte pour sa survie face à des forces ennemies nettement supérieures. Cela doit sans doute
beaucoup au célèbre système des provinces militaires, les « thèmes ». Contrairement aux
hypothèses autrefois admises, celui-ci n'aurait vraisemblablement été mis en place qu'après le
règne d'Héraclius, pour faire face aux attaques continuelles et au déclin de la vie citadine
ailleurs que dans la capitale.
Des tendances déjà anciennes se cristallisent après 636 dans de nombreux domaines de la vie
politique et sociale. En même temps disparaissaient de nombreux circuits de production dans
la phase terminale de l'Empire romain d'Orient, tandis que se mettait en place l'Empire
byzantin médiéval[14].
Au cours du VIIe siècle, Byzance perd également le contrôle des mers dans l'est
méditerranéen, à la suite de sa défaite lors de la bataille des Mâts en 655 face aux Arabes
musulmans. Ce n'est qu'à grand peine qu'elle garde le contrôle de l'Asie Mineure,
constamment en butte aux incursions arabes, tandis que les Balkans restent sous la pression
des Slaves et Bulgares qui réduisent le pouvoir impérial à quelques localités.
La période qui s'étend du milieu VIIe siècle jusque dans le VIIIe siècle est essentiellement
caractérisée par une stratégie défensive, l'initiative revenant presque exclusivement aux
ennemis de Byzance. De 661 à 668, l'empereur Constant II transfère sa résidence en Sicile, à
Syracuse, peut-être pour y conforter sa domination des mers face aux Arabes, mais ses
successeurs repartent en Orient. En 679, l'empereur Constantin IV Pogonatos est contraint de
reconnaître le nouveau Royaume des Bulgares. De 674 à 678, les Arabes viennent même
assiéger Constantinople, qui ne s'en libère qu'en employant le feu grégeois, qui brûle même
sur l'eau. Dans la période qui suit, l'empire se réduit aux Balkans et à l'Anatolie, auxquels
s'ajoutent quelques territoires en Italie et, jusqu'en 698, en Afrique du Nord
L'empereur Justinien II, pendant le règne duquel Byzance reprend au moins partiellement
l'offensive, est le dernier monarque de la dynastie des Héraclides. Selon une méthode souvent
employée par la suite, les colons slaves des Balkans sont déportés et réimplantés en Anatolie.
L'objectif est de renforcer la défense des frontières, mais les désertions deviennent de plus en
plus fréquentes. On transfère inversement une partie des habitants de l'Asie Mineure vers les
Balkans. Mais Justinien, victime d'une conjuration en 695, est mutilé et envoyé en exil où il
épouse une princesse du peuple Khazar. Il parvient finalement à revenir sur le trône avec
l'aide des Bulgares, avant d'être assassiné en 711
En 717-718, Constantinople est en grand péril lorsque les Arabes l'assiègent. Seules la
compétence de l'empereur Léon III, les succès navals (les Byzantins emploient à nouveau le
feu grégeois) et un hiver très rude qui paralyse les Arabes sauve la capitale. Enfin, en 740, à la
bataille d'Akroinon, les Byzantins remportent une victoire décisive sur les Arabes. Désormais,
même si les combats défensifs contre ces derniers se poursuivent, ils ne menacent plus
sérieusement l'existence de l'Empire byzantin.
Dans les Balkans, Byzance se trouve aussi engagée dans de durs affrontements avec les
Slaves qui, du fait de l'écroulement du royaume des Avars, sont tombés dans la sphère
d'influence bulgare. Des pans entiers des Balkans sont soustrait au pouvoir byzantin. Si
l'Empire réussit à reprendre la main sur la Grèce qui avait vu aussi s'y constituer des
« Sclavinies », le reste de la péninsule des Balkans lui échappe face à ce nouvel adversaire
que sont les Bulgares du Danube, qui s'efforcent alors avec succès d'édifier leur propre État.
Au même moment, en 730, Léon III entreprend, par conviction personnelle, ce que l'on
appelle la « querelle des images », qui dure plus de 110 ans, et réveiller en maints endroits de
véritables guerres civiles et pour finir la guerre contre les Pauliciens qui dure de 843 à 872.
Mais, les écrits des auteurs iconoclastes ont été détruits après la victoire des iconodules, de
sorte que les sources disponibles pour cette époque reflètent exclusivement le point de vue des
vainqueurs et sont de ce fait discutables
Léon III et Constantin V.
À la suite d'une éruption volcanique en Mer Égée en 726, Léon fait enlever les icônes de la
porte de la Chalkè. Ses succès militaires lui permettent de remplacer les icônes (qui ne jouent
pas alors dans l'Église d'Orient un rôle aussi important qu'il l'est devenu de nos jours) par des
représentations de la croix, dans laquelle tous les Byzantins pourraient se retrouver. La théorie
selon laquelle Léon aurait rejeté la vénération des icônes sous l'influence des musulmans est
aujourd'hui passablement contestée. Les empereurs iconoclastes sont des chrétiens convaincus
qui rejettent les icônes, car l'essence divine ne saurait être réduite à une image. En outre, la
croix qui doit remplacer les icônes, est proscrite dans le monde musulman.
La recherche contemporaine doute également que Léon ait interdit formellement les images,
ou que sa politique ait entraîné de graves troubles publics, comme les sources iconodules le
laissent entendre. À l'évidence, cette étape de la guerre des images n'a pas été conduite avec
une grande férocité, comme la seconde, celle du IXe siècle[20]. À l'intérieur, Léon accomplit
plusieurs réformes et remporte de nombreux succès militaires. Ainsi reprend-t-il l'offensive
contre les Arabes en Anatolie, où son fils Constantin révèle d'incontestables qualités de
commandement.
Lorsque celui-ci lui succède sur le trône en 741, sous le nom de Constantin V, et après avoir
maté une rébellion menée par son beau-frère Artabasdos, il poursuit la politique iconoclaste
de son père et écrit même à ce sujet plusieurs traités de théologie. Le concile de Hiéreia (754),
doit abolir formellement le culte des images. En dépit de ses succès militaires, tant contre les
Arabes que contre les Bulgares, Constantin est dépeint dans la plupart des sources comme un
chef cruel, fort injustement et essentiellement à cause de son attitude iconoclaste. Son fils,
Léon IV, plus modéré dans sa politique contre les icônes, n'en subit pas moins plusieurs
tentatives de coup d'État et meurt en 780, après un bref règne de cinq années.
Son fils Constantin VI étant alors mineur, c'est la mère de ce dernier, Irène, qui assure la
régence. Il apparaît néanmoins très vite qu'elle n'a nulle intention d'abandonner ce pouvoir.
Par la suite, Constantin est aveuglé et en meurt. Irène revient désormais à une politique
favorable aux icônes et s'efforce vainement d'empêcher le couronnement impérial de
Charlemagne. Finalement, Irène est renversée en 802, après une gestion politique plutôt
maladroite, encore que l'on puisse retenir à son actif d'avoir jeté les bases de la future
« Renaissance macédonienne ». Ainsi prend fin la « dynastie isaurienne » fondée par Léon
III[21].
Avec Michel II, qui accède au trône en 820, une nouvelle dynastie apparaît, la dynastie
amorienne (ou phrygienne). Dans les Balkans, au début, il n'y avait guère à attendre du côté
des Bulgares. En 811, leur khan, Kroum, taille en pièces une armée entière conduite par
l'empereur Nicéphore Ier, qui trouve la mort sur le champ de bataille. Il faut attendre Léon V
pour qu'un traité d'alliance soit signé avec le khan Omourtag. Au IXe siècle et surtout au
Xe siècle, quelques succès sont remportés à l'extérieur, même si les débuts de la dynastie
amorienne sont affectés par des pertes territoriales (la Crète et la Sicile tombant aux mains des
Arabes). Théophile, fils et successeur de Michel, ravive une dernière fois la politique
iconoclaste, qui est définitivement abandonnée avec le dernier empereur phrygien, Michel III
(842-867). Sous le règne de Michel, les Bulgares adoptent le christianisme, précisément dans
le rite oriental, accentuant le rôle directeur dans le royaume bulgare de cette culture byzantine
alors en plein épanouissement. Tandis que la querelle des images est enterrée, les Byzantins
remportent plusieurs victoires sur les Arabes en Anatolie, lançant même des expéditions
navales sur la Crète et l'Égypte. Le temps des opérations purement défensives est désormais
révolu[21].
En 866, Michel III élève Basile Ier au rang de coempereur, ce qui n'empêche pas ce dernier de
faire assassiner Michel l'année suivante, de s'installer sur le trône et fonder la dynastie
macédonienne. La mémoire de Michel est fortement dénigrée, à tort comme le démontrent les
dernières recherches. Quoi qu'il en soit, Byzance vit alors un nouvel âge d'or (appelé la
« Renaissance macédonienne »), à peu près du temps de Constantin VII, qui a d'abord été
exclu des affaires publiques par Romain Ier Lécapène[21].
À l'extérieur, l'Empire regagne peu à peu du terrain : sous le règne de Nicéphore II Phocas, on
reconquiert la Crète. À peu de choses près, la frontière orientale de l'empire est dès lors
assurée par les Akrites. De même, Jean Ier Tzimiskès, bien qu'agissant seulement en qualité de
régent pour le compte des fils de Romain II, étend l'influence byzantine jusqu'en Syrie, et
même brièvement jusqu'en Palestine, pendant que les Bulgares eux-mêmes sont tenus en
échec. Byzance semble en passe de redevenir une puissance hégémonique dans la région.
Sous les empereurs macédoniens des Xe et début XIe siècles, l'Empire atteint son apogée.
Avec le mariage de la sœur de l'empereur Basile II avec le grand prince ruthène Vladimir Ier,
la religion orthodoxe étend progressivement son emprise sur les territoires actuels de
l'Ukraine, de la Biélorussie et de la Russie. L'Église russe reconnaît la primauté du patriarche
de Constantinople. Par une longue guerre, Basile II conquiert le premier royaume bulgare, ce
qui lui vaut le surnom de Bulgarochtone (« le tueur de Bulgares »). En 1018, la Bulgarie est
réduite au rang de province byzantine, tandis que Basile poursuit son expansion à l'est
Pourtant, l'Empire byzantin connaît peu après une période de déclin, dont la responsabilité
incombe largement à l'essor de la noblesse terrienne, qui sape le système des thèmes. Un point
de faiblesse de l'armée permanente est qu'elle est en partie composée (ou plus exactement doit
être composée) de troupes mercenaires, ce qui coûte cher en 1071 lors de la bataille de
Manzikert contre les Turcs seldjoukides. S'il ne s'était agi que d'une confrontation classique,
contre les ennemis traditionnels tels le califat abbasside, la partie eut été encore jouable. Mais
voilà que surgissent de nouveaux envahisseurs : les Normands s'emparent du sud de l'Italie
(prise de Bari en 1071) tandis que les Seldjoukides, bien que s'intéressant principalement à
l'Égypte, lancent des raids sur l'Anatolie, principale base de recrutement pour l'armée
byzantine.
Le siècle suivant de l'histoire byzantine est marquée par la dynastie d'Alexis Ier Comnène qui
accède au pouvoir en 1081 et entreprend de réorganiser l'armée sur la base d'un système
féodal. Il remporte des succès notables contre les Seldjoukides et, dans les Balkans, contre les
Petchenègues.
À partir du XIIe siècle, la République de Venise — qui a pourtant été jusqu'au IXe siècle un
avant-poste de la culture byzantine à l'ouest — devient une menace sérieuse pour l'intégrité de
l'Empire. En arrêtant tous les Vénitiens, Manuel Ier tente de récupérer les privilèges
commerciaux qu'il a consentis à ceux-ci en échange de leur soutien militaire dans la lutte
contre les Normands et les Seldjoukides.
Les empereurs essaient d'ailleurs de procéder de la même façon à l'égard des autres
commerçants italiens. En 1185, de nombreux « Latins » sont ainsi lynchés et massacrés au
cours d'une sorte de pogrom. Et cependant, Byzance vit en même temps une floraison
culturelle. Sous le règne de Jean II Comnène (1118-1143), fils d'Alexis et sous celui de son
fils Manuel Ier Comnène (1143-1180), la position des Byzantins s'affermit en Asie mineure et
dans les Balkans. Manuel ne se borne pas à faire face aux raids du royaume normand d'Italie
du Sud et à la deuxième croisade (1147-1149)[23], il s'engage également dans une ambitieuse
politique occidentale, qui aboutit à des gains territoriaux en Italie et en Hongrie, ce qui
dégénère en conflit avec l'empereur Frédéric Barberousse. À l'est, il marque également des
points contre les Seldjoukides. Cependant, sa tentative de les soumettre totalement le conduit
au désastre particulièrement meurtrier de la Bataille de Myriokephalon (1176)[24].
Par la suite, l'expansion seldjoukide absorbe les royaumes musulmans voisins en Anatolie et
atteint au détriment de Byzance la côte méditerranéenne. Le dernier Comnène, Andronic,
s'illustre par un règne de terreur, bref mais féroce (1183-1185) qui aboutit à l'effondrement du
système politique initié par Alexis, lequel repose sur l'intégration de l'aristocratie militaire. En
même temps, c'est toute l'organisation éprouvée et efficace des forces armées qui sombre,
celle-là même qui avait assuré le succès offensif sous les règnes d'Alexis, de Jean et enfin de
Manuel.
L'Empire est secoué par de graves tensions internes sous les empereurs issus de la maison des
Anges au point que Alexis IV en est réduit à faire appel aux Croisés pour défendre son trône,
les amenant à se battre pour son compte et celui de son père. La rémunération attendue
n'arrivant pas, c'est une catastrophe qui s'abat sur la ville : à l'instigation de la République de
Venise, les chevaliers de la quatrième croisade mettent à sac Constantinople en 1204, et
établissent un bref « Empire latin[23] ».
Cela traduit un affaiblissement durable de la puissance byzantine et creuse encore le fossé qui
séparait les Grecs orthodoxes et les Latins catholiques.
Théodore Lascaris et son successeur Jean III Doukas Vatatzès parviennent à constituer une
forme d'État florissant économiquement dans l'ouest de l'Anatolie, et à stabiliser sa frontière
face aux Seldjoukides, qui sont en difficulté depuis leur défaite lors de la Bataille de Köse
Dağ face aux Mongols en 1243. Appuyés sur leur solide base, les Lascaris peuvent s'étendre
vers l'Europe, s'emparer de la Thrace et de la Macédoine, et mettre hors jeu leurs concurrents
(le royaume d'Épire sort très amoindri d'une défaite face aux Bulgares, lesquels à leur tour se
sont faits étriller par une incursion mongole en 1241).
Michel VIII.
Après le bref règne du très cultivé Théodore II Lascaris, c'est le général victorieux Michel
VIII Paléologue qui assure la régence en lieu et place de Jean IV Lascaris, alors mineur. Il
finit d'ailleurs par lui faire crever les yeux et l'exiler dans un monastère. C'est ainsi qu'il fonde
une nouvelle dynastie, celle des Paléologue, qui dirige l'Empire jusqu'à sa chute. En 1259,
l'empereur byzantin de Nicée Michel VIII lors de la bataille de Pélagonia en Macédoine
parvient à vaincre une coalition ennemie associant le Despotat d'Épire, la Principauté
d'Achaïe, le Royaume de Sicile, le Royaume de Serbie et celui de Bulgarie, et un heureux
hasard lui permet de reprendre Constantinople en 1261.
Si l'empire est reconstitué, des pans entiers des anciennes possessions impériales échappent à
son autorité, les nouveaux maîtres qui s'y sont établis après l'effondrement de 1204 n'étant pas
vraiment disposés à reconnaître la suzeraineté de Constantinople. En outre, Constantinople
n'est plus désormais la brillante métropole qu'elle fut : la population a chuté, des quartiers
entiers sont à l'abandon, et lorsque l'empereur revient, si l'on voit partout les stigmates du
pillage de 1204, nul signe de reconstruction n'est perceptible. Ainsi, Byzance n'est plus la
grande puissance qu'elle fut, mais seulement un État très important à l'échelle régionale
À cela, il faut ajouter que le fossé entre Byzantins et Latins n'a fait que s'approfondir.
Cependant, l'important pour Michel VIII Paléologue est maintenant d'assurer les acquis en
Europe et par-dessus tout la sécurité de Constantinople face au risque de nouvelles incursions
croisées. Il craint notamment Charles d'Anjou, qui a supplanté Manfred de Sicile de
Hohenstaufen dans le Sud de l'Italie. C'est pour cette raison que Michel se résout en 1274,
malgré la vive controverse que cela soulève dans son pays, à l'Union de Lyon (Deuxième
concile de Lyon) avec l'Église d'Occident, afin de dissuader le pape de soutenir d'autres
croisades. Lorsque Charles de Sicile prépare néanmoins une agression, la diplomatie
byzantine suscite en 1282 un soulèvement en Sicile, les « Vêpres siciliennes ».
Mais, les Paléologue négligeant la défense des frontières à l'est, les différents États turcs, qui
ont profité du déclin du sultanat des Seldjoukides de Roum pour s'émanciper, peuvent
s'étendre en Asie Mineure occidentale. De ce moment aux années 1330, la quasi-totalité de
cette région est perdue pour l'Empire.
Pendant qu'en Anatolie s'établissent sur les anciennes terres impériales des beylicats turcs
(Menteşe, Aydın, Germiyan, Saruhan, Karasi, Teke, Candar, Karaman, Hamid, Eratna et les
Ottomans en Bithynie), les Paléologue se lancent dans une ultime et puissante offensive
contre le pouvoir latin en Grèce, jusqu'en 1336, annexant toute la Thessalie et le Despotat
d'Épire (1337), qui est sous l'autorité de la famille Orsini. Entre-temps, l'empereur Jean V
Paléologue doit faire face à la Grande Épidémie de peste noire (1347-1351), qui ébranle les
bases de l'État, mais aussi à de nombreuses guerres civiles, la plus longue étant celle durant
laquelle s'affrontent de 1321 à 1328 Andronic II et son petit-fils Andronic III.
Suivant cet exemple, Jean V Paléologue et Jean VI Cantacuzène se livrent une lutte acharnée
de 1341 à 1347 et de 1353 à 1354. Les deux factions cherchent un appui chez les voisins (non
seulement Serbes et Bulgares, mais aussi Aydın et les Ottomans).
Cela assure la prééminence serbe dans les Balkans, dans les années 1331-1355 sous le règne
de Stefan Uroš IV Dušan. Après la bataille de Velbazhd (1330), les Bulgares tombent sous la
dépendance de la Serbie, tandis que Stefan parvient en 1348 à imposer son hégémonie sur une
grande partie de la Macédoine, de l'Albanie, du Despotat d'Épire et de la Thessalie, qui sont
vassaux de l'empereur. Couronné tsar des Serbes et autocrate des Rhōmaíoi, Stefan
revendique également le trône impérial byzantin et l'autorité sur Constantinople. Toutefois, il
ne réussit pas à mettre la main sur la seconde capitale byzantine, Thessalonique, et sa Grande
Serbie se dissout peu après sa mort (en 1355) en un conglomérat de despotats, des
principautés serbes plus ou moins indépendantes.
Pendant que les États chrétiens des Balkans s'entredéchirent, les Ottomans prennent
solidement pied en Europe depuis 1354. Ils grignotent la Thrace byzantine, jusqu'à en détenir
la plus grande partie dans les années 1360. Une attaque préventive du roi de Serbie
méridionale Vukašin Mrnjavčević, en liaison avec le tsar bulgare Ivan Shishman de Veliko
Tarnovo contre le point névralgique du pouvoir ottoman en Europe, Andrinople, aboutit à la
défaite de la Maritza (1371), et cela en dépit de leur supériorité numérique. Par sa victoire sur
les deux puissances balkaniques, le sultan met la main sur des régions de Bulgarie
méridionale, sur la Macédoine serbe et étend son hégémonie sur de grandes parties des
Balkans. Pour finir, il contraint en 1373 les Bulgares à reconnaître la suprématie ottomane.
Même sort pour Byzance, réduite au rang de puissance mineure (Constantinople et ses
environs, Thessalonique et ses abords, la Thessalie, une poignée d'îles de la mer Égée et le
Despotat de Morée), et le royaume de Serbie du Nord, du prince Lazar Hrebeljanović qui
devient vassal des Ottomans.
Byzance cherche bien, et à de nombreuses reprises, l'appui des Occidentaux, allant jusqu'à
proposer l'union des Églises, comme lors du Concile de Ferrare et Florence en 1439,
proposition rejetée en raison de l'opposition de la population byzantine (« Plutôt le turban du
sultan que le chapeau du cardinal »).
Après la défaite des Serbes au « champ des Merles » (1389) et la défaite des Croisés
d'Occident à Nicopolis (1396), la situation de l'Empire paraît désespérée. Seule la défaite
écrasante des Ottomans face au puissant timouride Tamerlan à la bataille d'Ankara (1402)
assure aux Grecs un ultime répit. Tamerlan est bien disposé à l'égard des Byzantins et le
montre lorsque les Ottomans tentent de mettre le siège devant Constantinople cette même
année : ses envoyés se présentent au camp du sultan Bayezid Ier, le sommant de restituer à
l'empereur chrétien les terres qu'il lui a « volées ». La défaite d'Ankara est suivie pour les
Ottomans par une période de chaos et d'interrègne qui permet donc à Byzance de « souffler ».
Mais, privé de ses appuis territoriaux et des ressources qu'ils lui procuraient, l'Empire ne peut
plus éviter le coup de grâce que par la voie de la diplomatie.
Le sultan Murad II, qui achève la phase de consolidation de l'interrègne ottoman, reprend la
politique d'expansion de ses ancêtres. S'il échoue dans un siège de Constantinople en 1422, il
cherche une compensation en Grèce méridionale, en lançant une razzia sur le territoire
impérial, le Despotat de Morée. En 1430, avec la prise de Ioannina, il annexe l'Épire alors
sous domination « franque » tandis que le prince Carlo Tocco, en qualité de vassal, doit se
dédommager à Arta avec ce qu'il reste (la dynastie des Tocco est supplantée par les Ottomans
dans l'ensemble correspondant à la Grèce actuelle, l'Épire et les îles Ioniennes, mettant un
terme à la domination franque qui s'exerce depuis 1204 sur la Grèce centrale, jusqu'à quelques
fortifications vénitiennes).
La même année, il occupe Thessalonique, possession vénitienne depuis 1423, lorsque la
République de Venise l'obtient du despote de Thessalonique Andronic Paléologue, un fils de
l'empereur Manuel II, qui croit ne pouvoir tenir la ville seul face aux Ottomans. Il s'attaque
aussitôt au royaume des Serbes, dont le roi Ðurad Branković, en théorie vassal de la Sublime
Porte, a refusé de donner sa fille Mara en mariage au sultan.
Une expédition punitive ottomane vers le Danube détruit en 1439 la forteresse serbe de
Smederevo et assiège vainement Belgrade en 1440. Ce revers provoque l'intervention de leurs
adversaires chrétiens. Une nouvelle croisade contre les « Infidèles » est montée à l'instigation
du pape Eugène IV que l'Union des Églises de Florence (1439) rend très sûr de lui. Les
royaumes de Hongrie, de Pologne, de Serbie, l'Albanie et même l'émirat turc de Karaman en
Anatolie s'associent dans une coalition anti-ottomane. Mais l'issue de la bataille de Varna
(1444), conduite par le roi de Pologne et de Hongrie Ladislas III Jagellon, puis celle de la
seconde bataille au « champ des Merles » (1448), sous le commandement du régent hongrois
Jean Hunyadi enlèvent aux chrétiens tout espoir de sauver l'Empire byzantin de l'annexion par
les Ottomans.
C'est ainsi que le 29 mai 1453, au terme d'un siège d'à peine deux mois, la capitale de
l'Empire est conquise par Mehmet II. Le dernier empereur, Constantin XI Paléologue, trouve
la mort au cours des combats pour la ville. Puis, jusqu'en 1461, ce sont les derniers vestiges,
les cités de Trébizonde à l'est de la Mer Noire, et celle de Mistra sur la presqu'île de Morée,
qui tombent à leur tour. Seule subsiste Monemvasia (en français Malvoisie) en se mettant
sous protectorat vénitien en 1464. Cette ville représente alors juridiquement tout ce qui
subsiste de l'« Empire romain ».
La chute de Constantinople est un des tournants majeurs de l'histoire mondiale. Aujourd'hui
encore, le 29 mai représente pour les Grecs un jour de deuil, car il marque la fin de leur
pouvoir sur l'Asie mineure. Seule l'Église orthodoxe maintient en partie la cohésion de la
société, grâce à la bienveillance des Ottomans. Pendant longtemps, les dates où naquit et
disparut l'indépendance de la capitale, 395 et 1453, sont considérées comme les bornes du
Moyen Âge.
L'Empire byzantin, l'un des plus durables qu'ait connu l'histoire, disparaît ainsi, et avec lui une
ère qui avait duré plus de deux millénaires.
Société byzantine
Composition ethnique
L'Empire byzantin est certes un État multi-ethnique, qui compte, outre les Grecs, des
Arméniens, des Illyriens, des Valaques, des Slaves ainsi que, à ses débuts, des Syriens et des
Égyptiens. Cependant, la plupart des contrées sur lesquelles son autorité s'exerce sont
hellénisées depuis des siècles, et par conséquent intégrées culturellement au monde grec.
On y trouve les pôles majeurs de l'hellénisme que sont Constantinople, Alexandrie, Antioche,
Éphèse, Nicée, Thessalonique ou Trébizonde, et c'est là que s'élabore la forme orthodoxe du
christianisme.
Mistra mise à part (et tardivement) l'espace représenté par la Grèce actuelle ne joue plus guère
de rôle significatif dans l'Empire byzantin, car les territoires tenus pour essentiels par la
capitale, tant sur le plan militaire qu'économique, sont les provinces orientales. De plus, la
perte de l'Hellade face aux « États latins » donne une primauté à l'Asie mineure et, depuis le
haut Moyen Âge aux Balkans. La conquête turque de l'Asie Mineure, partielle après 1071 et
définitive au XIVe siècle, donne le signal du déclin, la grande puissance tombant à un rang
régional pour finir en petit État.
Économie et commerce
Pendant de nombreux siècles, l'économie byzantine est parmi les plus avancées en Europe et
en Méditerranée. L'Europe, en particulier, est loin d'égaler la force économique byzantine
jusqu'à tard dans le Moyen Âge. Constantinople est un centre primordial dans un réseau
commercial qui s'étend à travers presque toute l'Eurasie et l'Afrique du Nord, en particulier en
étant le premier terminus occidental de la célèbre route de la soie. Certains historiens
soutiennent que, jusqu'à l'arrivée des Arabes au VIIe siècle, l'Empire possède l'économie la
plus puissante dans le monde occidental (loin cependant derrière les grands royaumes de
l'Inde de l'époque et surtout de la Chine impériale. Les conquêtes arabes, cependant,
représentent un renversement substantiel de fortunes contribuant à une période de déclin et de
stagnation.
Les réformes de Constantin V (vers 765) marquent un renouveau qui continue jusqu'en 1204.
À partir du Xe siècle jusqu'à la fin du XIIe siècle, l'Empire byzantin projette une image de luxe
et les voyageurs sont impressionnés par la richesse accumulée dans la capitale. Tout cela
change avec l'arrivée de la quatrième croisade, qui est une catastrophe économique. Les
Paléologues essaient de ranimer l'économie, mais le dernier État byzantin ne récupère pas le
contrôle des forces économiques extérieures et internes. Progressivement, il perd aussi son
influence sur les règles de commerce et les mécanismes de prix, ainsi que son contrôle sur
l'écoulement des métaux précieux et, selon certains historiens, même sur la frappe de
monnaie.
Un des fondements économiques de l'Empire est le commerce. Les textiles doivent être de
loin la plus importante des marchandises d'exportation ; les soies sont certainement importées
en Égypte, et apparaissent aussi en Bulgarie et en Occident]. L'État contrôle sévèrement tant le
commerce intérieur qu'international et maintient le monopole sur la frappe de monnaie. Le
gouvernement exerce un contrôle formel sur les taux d'intérêt et décide des paramètres pour
l'activité des guildes et des sociétés, pour lesquels il a un intérêt spécial. L'empereur et ses
fonctionnaires interviennent pendant les crises pour garantir l'approvisionnement de la
capitale et limiter le prix des céréales. Finalement, le gouvernement recueille une part des
surplus à travers les taxes, et le remet en circulation, par la redistribution, dans les salaires des
fonctionnaires de l'État, ou dans l'investissement pour les travaux publics[29].
Les écrits de l'Antiquité classique n'ont jamais cessé d'être enseignés à Byzance. Par
conséquent, la science byzantine à chaque période est étroitement liée à la philosophie antique
et à la métaphysique[30]
À diverses reprises, les Byzantins font preuve de leur maîtrise dans l'application des sciences
avec de magnifiques réalisations (notamment dans la construction de Sainte-Sophie). Après le
VIe siècle, les scientifiques byzantins font quelques nouvelles contributions à la science en
termes de développement de nouvelles théories ou de l'extension des idées d'auteurs
classiques. Ils ont pris du retard pendant les années noires de la peste et les conquêtes arabes,
mais lors de ce que l'on a appelé « Renaissance byzantine » à la fin du premier millénaire
byzantin, ils intègrent l'évolution scientifique des Arabes et des Perses, dont ils deviennent
des experts, en particulier en astronomie et en mathématiques.
Dans le dernier siècle de l'Empire, les grammairiens byzantins sont les principaux auteurs en
grec ancien des études grammaticales et littéraires de la Renaissance en Italie. Au cours de
cette période, l'astronomie et les sciences mathématiques sont très vivantes à Byzance et sont
enseignées à Trébizonde, tandis que la médecine attire l'intérêt de presque tous les
chercheurs[35].
Dans le domaine du droit, les réformes de Justinien Ier ont un effet certain sur l'évolution de la
jurisprudence, et Léon III influence la formation des institutions juridiques dans le monde
slave[36].
Gouvernement et bureaucratie
Dans l'État byzantin, l'empereur est l'unique souverain et son pouvoir est absolu et considéré
comme étant d'origine divine[37]. À la fin du VIIe siècle, une administration civile fixée à la
cour est créée dans le cadre d'une consolidation à grande échelle du pouvoir dans la capitale
(l'augmentation de la prééminence de la position du Sakellarios est liée à ce changement). La
réforme la plus importante de cette période est la création des thèmes, où l'administration
civile et militaire n'est exercée que par une seule personne, le strategos.
Malgré le fait que le terme « byzantin » soit parfois utilisé pour qualifier une bureaucratie
complexe et lourde, celle-ci a longtemps eu une capacité forte à se conformer avec la situation
de l'Empire. Le système byzantin de la titulature et de la préséance fait ressembler
l'administration impériale à une bureaucratie ordonnée par des spécialistes modernes. Les
fonctionnaires sont organisés dans un ordre strict autour de l'empereur, et dépendent de la
volonté de l'empereur selon leur rang. Il y avait aussi des emplois administratifs, mais
l'autorité peut être confiée à des individus plutôt qu'à des bureaux
Aux VIIIe et IXe siècles, la fonction publique constitue le meilleur chemin vers le statut
aristocratique, mais, à partir du IXe siècle, une aristocratie de la noblesse héritée rivalise avec
l'aristocratie civile. Selon certaines recherches sur le gouvernement byzantin, la politique du
XIe siècle est dominée par la concurrence entre les aristocraties civiles et militaires. Au cours
de cette période, Alexis Ier Comnène entreprend d'importantes réformes administratives,
comprenant la création de nouvelles dignités et charges.
Diplomatie
Après la chute de Rome, le défi majeur de l'Empire est de maintenir un ensemble de relations
denses avec ses divers voisins. Lorsque ces nations se mettent à forger des institutions
politiques officielles, ils deviennent dépendants de Constantinople. La diplomatie byzantine
réussit rapidement à attirer ses voisins dans un réseau international de relations entre États Ce
réseau tourne autour de traités, et incluant la bienvenue de nouveau dirigeant dans la famille
royales, de l'assimilation des attitudes sociales, des valeurs et des institutions byzantinesLes
Byzantins considèrent la diplomatie comme une forme de guerre usant d'autres moyens : le
Skrinion Barbaron (« Bureau de barbares ») est la première agence de renseignement et
collecte d'informations sur tous les Empires rivaux[44].
Civilisation byzantine
Auto-perception
Les Byzantins — et les Grecs jusqu'au XIXe siècle — se considèrent et se décrivent eux-
mêmes comme « Romains » (Ῥωμαῖοι, « Rhōmaîoi », ou « Romäi » selon l'expression
courante d'alors). Jusqu'aux alentours de 1400, le terme de « Grecs » (Έλληνες, « Héllēnes /
Éllines ») n'a été employé que pour désigner les cultures et cités grecques pré-chrétiennes et
polythéistes. Néanmoins, après 1400, lorsque leur domination territoriale se réduit à des
contrées exclusivement hellénophones et se voit menacée par les États latins ou slaves et par
les Turcs, les Byzantins se présentent de plus en plus comme « Hellènes », et cette
identification se généralise après la fin de l'Empire, tandis que le terme de « Romains »
(Ῥωμαῖοι) est repris par les Ottomans sous la forme « Rûm » ou « Roum » (désignant tous les
fidèles du Patriarche orthodoxe, groupés en un même « Millet »).
Dans leur conception d'alors, ils ne se considèrent nullement comme des « successeurs » de
l'Empire romain, mais bien comme étant la continuation de l'Empire romain lui-même. Il en
découle que les dénominations d'Empire d'« Orient » ou d'« Occident » sont également des
néologismes, puisque à l'époque, aux yeux de ses citoyens et de leurs contemporains, il
n'existe qu'un seul empire sous l'autorité de deux empereurs, et ce aussi longtemps qu'ont pu
coexister ces deux portions de l'Empire. Cela est juridiquement exact, puisqu'il n'y a pas eu de
rupture comme en Occident, et que Byzance maintient un modèle d'organisation inspiré
directement de la fin de l'Antiquité. Sauf que celui-ci s'altère progressivement et mène, à
partir d'Héraclius, à une hellénisation progressive de l'État, facilitée par l'identité à dominante
grecque de l'Empire romain d'Orient. Le grec ancien, et après la mutation autour de
VIIe siècle, ce grec médian phonétiquement très proche du grec moderne, ne remplace pas
seulement le latin depuis Héraclius comme langue administrative. C'est aussi, et depuis bien
plus longtemps, la « Lingua franca » de l'église, de la littérature et du commerce[.
Ainsi l'Empire est dès l'origine imprégné de culture hellénistique, du droit public romain et de
la religion chrétienne. L'« Empire romain d'Orient », désormais appelé « Empire byzantin »,
ne perd son caractère romain de l'Antiquité tardive qu'au cours des conquêtes arabes du
VIIe siècle.
Son existence bien établie et durable lui apparaît comme une continuité immédiate et seule
légitime de l'Empire romain, amenant certains empereurs à une ambition de suprématie sur
tous les États chrétiens du Moyen Âge.
Cette prétention s'avère vite irréalisable, au plus tard au VIIe siècle, mais reste un fil
conducteur dans la conception de l'État. Ainsi les agents de l'empereur peuvent-ils continuer à
exiger (vainement) des droits de douane aux commerçants vénitiens sur des biens qui
n'appartenaient alors plus à l'Empire.
Contrairement à la plupart des autres puissances du Moyen Âge, l'Empire byzantin emploie
longtemps — même après l'intervention des Arabes — une bureaucratie strictement organisée
dont le cœur est Constantinople. C'est dans ce sens que Georg Ostrogorsky a pu parler d'un
« État » au sens moderne du terme. L'Empire dispose toujours d'un appareil administratif
efficace et d'une gestion organisée des finances, ainsi que d'une armée permanente. Aucun
autre État à l'ouest de la Chine n'est à cette époque en mesure de mobiliser autant de moyens
financiers que Byzance.La puissance économique et l'influence de Byzance est alors telle que
le solidus d'or est la devise de référence dans le bassin méditerranéen entre le IVe et le
XIe siècles
Basile Ier avec son fils Constantin et sa seconde épouse Eudoxia, 882.
L'empereur quant à lui règne de facto et quasiment sans limite aussi bien sur l'Empire que sur
l'Église. Et pourtant, nulle part ailleurs on ne rencontre de telles possibilités d'ascension
sociale dans l'aristocratie qu'à Byzance, qui représente selon l'expression de Ostrogorsky une
« combinaison du sens romain de l'État, de la culture grecque et de la foi chrétienne » et se
sent toujours investie du concept antique de la « puissance universelle ».
Le fait que Byzance ait gardé une part plus significative de l'héritage antique que l'Europe
occidentale joue également un rôle. Ainsi le niveau de référence reste-t-il longtemps plus
ambitieux qu'à l'ouest.
Religion
Selon Joseph Raya[47], la survie de l'Empire d'Orient requiert un rôle actif de l'empereur dans
les affaires de l'Église. L'État byzantin hérite de la routine administrative et financière des
affaires religieuses de l'époque païenne, et ces habitudes sont préservées dans l'Église
chrétienne.
Suivant le modèle fixé par Eusèbe de Césarée, les Byzantins voient l'empereur en tant que
représentant ou messager du Christ, en particulier pour les responsables de la propagation du
christianisme parmi les païens, et pour ceux qui sont « extérieurs » à la religion, tels
l'administration et les finances. Le rôle impérial, toutefois, n'a jamais été légalement défini
dans les affaires de l'Église
Avec le déclin de Rome, et des dissensions internes dans les autres patriarcats orientaux,
l'Église de Constantinople est devenue, entre le VIe et le XIe siècles, le plus riche et influent
centre de la chrétienté. Même lorsque l'Empire est réduit à l'ombre de lui-même, l'Église, en
tant qu'institution, n'a jamais cessé d'exercer une grande influence tant à l'intérieur qu'à
l'extérieur des frontières impériales.
Après la rupture de 1054 avec l'Église de Rome, comme Georg Ostrogorsky le signale, le
Patriarcat de Constantinople est devenu le centre du monde orthodoxe, avec des métropolites
subordonnés et des archevêques sur le territoire de l'Asie Mineure et des Balkans, ainsi que
dans le Caucase, l'Ukraine, la Russie et la Lituanie. Le patriarcat de Constantinople a aussi
conservé jusqu'au début du XXe siècle une tutelle (avec quelques interruptions, notamment
pendant les Croisades) sur les patriarcats orthodoxes subordonnés d'Antioche, Jérusalem et
Alexandrie. L'Église est restée l'élément le plus stable au sein de l'Empire byzantin[50].
Culture byzantine
Art byzantin
L'architecture, la peinture, et les autres œuvres artistiques visuelles produites dans l'Empire
byzantin et dans les différentes zones relèvent de l'influence chrétienne. L'art byzantin est
presque entièrement d'expression religieuse et, plus spécifiquement, soigneusement contrôlé
par la théologie. Les œuvres byzantines se répandent par le commerce et par la conquête de
territoire dont l'Italie et la Sicile, où ils subsistent sous une forme modifiée par l'intermédiaire
du XIIe siècle, et influencent l'art de la Renaissance italienne.
Par le biais de l'expansion à l'Est de l'église orthodoxe, les biens artistiques se diffusent aussi
dans les centres d'Europe orientale, notamment en Russie
Littérature
La littérature byzantine, est irriguée par quatre sources littéraires : la grecque, la chrétienne, la
romaine, et l'arabe. Elle est souvent classée en cinq groupes d'auteurs : les historiens,
annalistes et encyclopédistes (le patriarche Photios de Constantinople, Michel Psellos et
Michel Choniatès sont considérés comme les plus grands encyclopédistes de Byzance), les
essayistes et les poètes épiques (le plus connu est l'épopée héroïque de Digenis Acritas, mais
il en existe d'autres, comme celle du Maître Manolis, architecte qui doit se sacrifier pour
achever sa basilique). Les deux autres groupes comprennent les nouveaux types littéraires : la
littérature religieuse et théologique, et la poésie populaire. Sur les quelque deux à trois mille
volumes de la littérature byzantine qui ont survécu, seuls trois cent trente sont composés de
poésie, d'histoire, de science ou de pseudo-science
Alors que la période la plus florissante de la littérature de Byzance va du IXe au XIIe siècle, sa
littérature religieuse (sermons, livres liturgiques et poésie, théologie, traités de dévotion, etc.)
s'est développée beaucoup plus tôt avec Romain le Mélode, qui est son plus important
représentant
Héritage de Byzance
Historiographie
Entre-temps, il est devenu de plus en plus évident que Byzance avait joué un rôle considérable
dans la transmission des valeurs culturelles et des savoirs de l'Antiquité. En outre, elle a été le
« bouclier » qui a protégé l'Europe pendant des siècles, d'abord face aux Perses et aux peuples
des steppes, ensuite contre l'Islam. Ironie de l'histoire, c'est le pillage dévastateur de
Constantinople perpétré par les Croisés en 1204 qui rend caduque cette fonction protectrice.
Toutefois, sur de vastes pans de la « Nouvelle Rome », peu de choses sont connues.
Relativement peu de pièces de dossiers sont parvenues et l'historiographie byzantine est
silencieuse sur certaines parties, elle qui est alimentée par Procope de Césarée à la fin de
l'Antiquité ou, au Moyen Âge par Michel Psellos, Jean Skylitzès, Anne Comnène ou Nikétas
Choniatès, pour ne citer que quelques-uns de ses brillants représentants.
Le fait de ne disposer pour certaines périodes que de sources « ecclésiastiques » ne doit pas
conduire à penser que Byzance serait devenue un État théocratique. Certes, la religion y joue
souvent un rôle décisif, mais l'état des sources est trop parcellaire, et notamment pour la
période du VIIe au IXe siècles, pour que l'on puisse s'en faire une représentation claire. Au
contraire, la recherche actuelle a renoncé à la représentation d'un césaropapisme byzantin,
dans lequel l'empereur aurait exercé une autorité quasi-absolue sur l'Église.
Bilan actuel
L'Empire romain d'Orient a transmis, en lui faisant traverser les âges obscurs qui ont suivi la
chute de l'Empire d'Occident, l'héritage le plus universel de l'Empire romain, à savoir la
codification du droit, grâce au corpus juris civilis ou « code de Justinien ».
Ce sont également les Byzantins qui ont perpétué l'usage du grec et sauvegardé une grande
partie des anciennes bibliothèques grecques.
Les Arabes et les Turcs ont été fortement influencés sur les plans technique, intellectuel,
architectural, musical et culinaire. Les Égyptiens chrétiens (Coptes), les Éthiopiens, les
Arméniens, bien que monophysites, se rattachent également à la tradition byzantine, de même
que les Arabes orthodoxes de Syrie, du Liban et de Palestine.
En Italie, les réfugiés byzantins tels Jean Bessarion ou Jean Lascaris facilitent la transmission
du savoir et de la philosophie antiques, transmission qui influence la Renaissance du XVe au
XVIIe siècle. Venise regorge de trésors pris à l'Empire et son architecture est d'inspiration
byzantine.
L'Empire byzantin a contribué à sédentariser et christianiser les peuples slaves venus de l'est
de l'Europe. Byzance a ainsi eu, pour les actuels pays d'Europe de l’Est, autant d'influence que
Rome sur ceux d'Europe occidentale. Les Byzantins ont en effet donné à ces peuples un
alphabet cyrillique adapté à leurs langues, un modèle politique qui permet à certains d'entre
eux (Russie) de rivaliser avec Byzance elle-même, et une religion qui est encore la leur
aujourd'hui.
Les Roumains, les Bulgares, les Serbes, les Ukrainiens, les Biélorusses, les Russes et les
Géorgiens ont choisi la forme orthodoxe du christianisme, qui les rattache également à
Byzance ; à la chute de Constantinople, Moscou s'est proclamée la « Troisième Rome ». Les
familles impériales byzantines (Cantacuzènes, Paléologues, etc.) donnent des souverains aux
Principautés roumaines de Moldavie et Valachie.
Une partie des Grecs au XIXe siècle du temps de la Grande Idée, comme Constantin
Paparrigopoulos, s'enorgueillissent d'avoir continué la civilisation byzantine même sous la
férule ottomane, et cela dans Constantinople même où une université grecque a fonctionné
jusqu'en 1924, et ce n'est qu'en 1936 que la poste turque cesse définitivement d'acheminer les
lettres portant la mention « Constantinople ».
Aujourd'hui, le dernier héritier de l'Empire dans son ancienne capitale est le patriarche de
Constantinople.
Théodose Ier
Théodose Ier, en latin Flavius Theodosius, aussi nommé Thédose le Grand, né en 347 et mort
le 17 janvier 395, fut empereur romain de 379 à 395. Il était le fils de Théodose l'Ancien.
Jeunesse
Une famille aristocratique espagnole
Théodose Ier est probablement né le 11 janvier 347 à Cauca, aujourd'hui Coca, une petite ville
dans le nord-ouest de la province romaine de Gallaecia. Son père, qui s'appelait aussi Flavius
Theodose et qui était un militaire victorieux de Valentinien Ier, avait là-bas de grandes
propriétés. Ses grands-parents paternels, Honorius et Thermantia, étaient déjà des chrétiens
nicéens-orthodoxes, tout comme son père et lui-même. Théodose avait aussi un frère,
Honorius, dont il adopta plus tard la fille Serena et qui devait avoir une grande influence par
son mariage avec le magister militum Stilicon.
Le jeune Théodose passa son enfance dans son Espagne natale. On ne connaît presque rien de
son éducation, à l'exception de l'intérêt qu'il montre pour les études d'histoire et aussi qu'il
devait être très ouvert. En raison de sa haute naissance, il reçoit probablement une bonne
éducation.
À partir de 368, il fait partie de l'escorte de son père. Il entame une carrière militaire et il
prend part avec lui aux campagnes en Bretagne en 368/369, à la campagne contre les Alamans
en 370 au niveau du Rhin (son père exerce à partir de ce moment-là la fonction de magister
equitum praesentalis et fut donc commandeur de la cavalerie de l'armée) et contre les
Sarmates en 372/373 au niveau du Danube.
Probablement grâce à l'influence de son père, Théodose est promu dux moesiae prima, et
reçoit le commandement d'une province militaire dans les Balkans. Ce type de nomination
était à cette époque courant et le jeune Théodose semblait être totalement à la hauteur de la
tâche. En 373, son père fut finalement envoyé en Afrique pour mater la rébellion de
l'usurpateur Firmus, pendant que son fils battait en 374 les Sarmates en Pannonie (près de
l'actuelle Hongrie), après que ces derniers eurent franchi le Danube. Ainsi, il prouva sa valeur
militaire. L'exécution de son père, pour des raisons confuses, entraîne sa disgrâce provisoire
entre 375/6 et 378.
Empereur
La mort de l'empereur Valens à la bataille d'Andrinople (378) obligea Gratien à proclamer
Théodose empereur en 379 : il reçut l’Orient, la Macédoine et la Dacie.
Théodose se fixe pour objectif de stabiliser les frontières, d'abord celle du Nord avec les
Goths puis celle de l'Est avec les Perses.
En 380, avec Gratien, il arrêta les Goths en Épire et en Dalmatie. Théodose installa une partie
des Ostrogoths en Pannonie, et s’installa lui-même à Constantinople.
En 382, il installa les Wisigoths en Mésie. Cette décision, considérée par les contemporains
comme catastrophique, sera l'une des causes les plus immédiates de la fin de l'empire romain
d'occident. En effet, cette insertion d'un peuple barbare uni et fort dans l'empire, et du même
coup dans l'armée impériale, signera la fin d'un contrôle réel de l'empereur sur ses armées.
Mais après le désastre d'Andrinople sous l'empereur Valens il est vraisemblable que Théodose
n'ait guère eu le choix.
La répression fit sept mille à dix mille morts, selon les sources, ce qui valut à Théodose d’être
excommunié par l’évêque Ambroise de Milan. Les victimes des massacres furent ici
majoritairement des Romains et les massacreurs d’anciens barbares, populations au sein
desquelles l’armée recrutait.
Pendant plusieurs mois, Théodose et Ambroise campèrent sur leurs positions respectives. Puis
Théodose, sentant que la sienne devenait intenable, accepta de venir s’humilier publiquement
devant Ambroise la tête couverte de cendres pour obtenir sa réintégration dans l’Église. C'est
l’une des rares victoires de celle-ci sur le pouvoir temporel.
Les empereurs Théodose, pour l’Empire d'Orient et Gratien, pour l’Empire d'Occident, tous
deux chrétiens, élèvent le christianisme au rang de seule religion officielle et obligatoire par
l’Édit du 28 février 380, dit l'Édit de Thessalonique. L’empereur Gratien cesse alors de porter
le titre de pontifex maximus (souverain pontife) du culte romain. Ce titre est donné de
nouveau à l’évêque de Rome des siècles plus tard. Les temples de l'empire de Théodose sont
alors fermés et la statue de la déesse Victoire est retirée du Sénat romain, ce qui provoque
l'indignation chez les Romains fidèles à la tradition (Cf. le discours de Symmaque à ce
propos). Le patriarche d’Alexandrie Théophile est chargé d’appliquer l’édit de Théodose Ier,
qui interdit aux païens l’accès à leurs temples et toutes les cérémonies du culte païen, dans le
diocèse d’Orient. Les temples sont détruits ou transformés en églises. Les statues sont brisées
ou transportées à Constantinople. Le Serapeum de Memphis est détruit sur ordre de
l'empereur lui-même, tandis que le temple d'Isis le sera plus tard, au cours des disputes
meurtrières qui opposèrent les partisans de Cyrille et d'Oreste.
Les suites de l'Édit sont catastrophiques pour les tenants de l'ancienne religion romaine et
pour la culture gréco-romaine. Les rôles sont drastiquement renversés : ce sont maintenant les
« païens » et leurs œuvres qui sont interdits, traqués, exterminés. Toutes les œuvres et
manifestations jugées païennes sont progressivement interdites, et en 415, une émeute
fomentée par des moines cénobites, à Alexandrie, et tacitement encouragée par l'évêque
Cyrille, aboutit au lynchage d'Hypatie, mathématicienne et responsable de la Bibliothèque.
Selon Socrate le Scolastique, son corps mis en pièces est porté au sommet du Cinâron pour y
être brûlé, tandis que les émeutiers se dirigent vers la Bibliothèque pour l'incendier (Thomas
Molnar, dans son essai Moi, Symmaque, date cet événement de 391, à l'instar de ceux qui
croient que ce fut Théodose 1er lui-même qui commanda cet incendie, ce qui est erroné). En
392, Théodose écrasa l’usurpation d’Eugène qui, bien que chrétien, favorisait l’ancienne
religion romaine et avait annulé les mesures prises par Théodose.
De 388 à 391, Théodose demeura en Occident, presque toujours à Milan. En 390, voulant
mettre fin aux mœurs qui avaient jusqu'alors prévalu dans le monde antique, et imposer la
morale ascétique préconisée par les chrétiens les plus radicaux, il publia une loi qui punissait
de mort les homosexuels, et fit réprimer dans le sang par les troupes barbares une émeute à
Thessalonique.
Entre 392 et 394, il réprima l’usurpation d’Eugène, un fonctionnaire proclamé empereur après
la mort de Valentinien II.
En 394, il fut l’auteur du décret interdisant les Jeux olympiques accusés de diffuser le
paganisme (les jeux ne seront rétablis que 1502 ans plus tard en Grèce).
Un héritage difficile
Il mourut peu après, le 17 janvier 395. À cette date, l’Empire était réunifié pour la première
fois depuis trente ans; mais également pour la toute dernière fois.
De son premier mariage avec Aelia Flacilla, Théodose avait eu deux fils : Auguste Arcadius
en 383, et Honorius en 393. Il partagea entre eux l’Empire : Honorius (10 ans) reçut
l’Occident et Arcadius (18 ans) l’Orient, et il chargea le Vandale Stilicon de veiller sur eux
deux.
Flavius Arcadius
Flavius Arcadius (377-408) est le premier empereur romain d'Orient (395-408).
Fils aîné de Théodose Ier et de Aelia Flacilla, de petite taille et d'aspect chétif, il est associé
vers 383 à l'empire, à l'âge de 6 ans, et reçoit le titre d'Auguste. Il est nommé consul à trois
reprises en 385, 392 et 394. Instruit dans la religion chretienne par divers précepteurs de
grande renommée comme le rhéteur Thémistius ou le diacre Arsénius, Arcadius va se révéler
un prince faible subissant l'influence des divers membres de son entourage.
En 395, son père l'empereur Théodose Ier partage l'empire romain entre ses deux fils. Arcadius
reçoit l'Orient avec sa capitale Constantinople et à Honorius revient l'Occident. C'est un
partage de plus pour l'empire mais celui-ci est définitif. En fait, ces deux souverains
inexpérimentés ne sont que des paravents derrière lesquels se cachent les deux véritables
maîtres de l'empire, Stilicon à l'ouest et Flavius Rufinus (Rufin) à l'Est en compétition avec le
chambellan Eutrope. Ce dernier va marier Arcadius à Eudoxie, la fille du général franc de
Théodose Ier Bauto. Mais la fin de l'année 395 voit la catastrophique invasion des Wisigoths
d'Alaric Ier (sans doute appelés par Flavius Rufinus qui souhaitait se protéger de Stilicon), qui
pillent la Thessalie et prennent Athènes tandis que les Huns s'emparent de la Syrie et pillent
Antioche. Arcadius envisage d'associer Flavius Rufinus à l'empire (sans doute contraint et
forcé) quand ce dernier est assassiné, en novembre 395 par un chef Goth nommé Gaïnas
probablement à l'instigation de Stilicon.
Eutrope devient alors le véritable maître de l'empire d'Orient et se comporte en tyran
débauché. Accusé par Stilicon de complot et suscitant la colère populaire, il est exilé par
Arcadius à Chypre en 399. Il est exécuté un peu plus tard car Stilicon fait pression sur
Arcadius et, s'alliant momentanément avec les Goths de Gaïnas qui pénètrent à
Constantinople, obtient, outre l'exécution d'Eutrope, le renvoi d'Aurélien le nouveau préfet du
prétoire. Mais en 400 les Goths installés à Constantinople sont massacrés et Stilicon ne
possède plus de moyen de pression sur Arcadius. Pour commémorer la défaite de Gaïnas et la
victoire sur les Goths, Arcadius fait élever une colonne triomphale sur le forum qu'il a fait
construire à Constantinople, à l'instar de son père Théodose.
Arcadius règne alors seul et avec l'aide du patriarche de Constantinople Jean Chrysostome
entreprend une politique religieuse virulente contre le paganisme dont il fait détruire de
nombreux temples. Hostile à l'arianisme, il doit compter avec son épouse qui, favorable à
cette hérésie, réussira à deux reprises à faire exiler le patriarche.
Arcadius meurt le 1er mai 408 à 31 ans, 4 ans après Eudoxie, et laisse un fils, le futur
Théodose II, et trois filles dont la fameuse Pulchérie.
Théodose II
.
Théodose II
Empereur romain d'Orient
Théodose II, né le 10 avril 401 et mort le 28 juillet 450, est un empereur romain d'orient. Il
règne de 408 à sa mort.
Biographie
Fils d'Arcadius, auquel il succède, petit-fils de Théodose Ier, il n'a que sept ans lorsqu'il
devient empereur et règne d'abord sous la régence du préfet du prétoire Anthémius (408/414)
puis sous celle de sa sœur aînée Pulchérie, élevée au rang d’Augusta. Prince faible, comme
son père, Théodose II reste toujours sous l'influence de son entourage. De 414 à 421 c'est
Pulchérie qui exerce un rôle dominant transformant la cour en quasi-monastère du fait de son
caractère dévot. En 421 elle fait épouser à son frère la fille d'un rhéteur d'Athènes nommé
Léontias, Aelia Eudocia. Théodose est aussi sous l’influence de Flavius Taurus Seleucus
Cyrus, Égyptien originaire de Panopolis, qui prend de l’ascendant sur l’empereur quand le
cubicularius Antiochus est écarté et occupe la préfecture du prétoire de 439 à 441 ; celle,
également, de Nomus, maître des Offices de 443 à 446 ; celle, enfin, de son ami l’eunuque
Chrysaphius.
De 421 à 433 l'influence d'Eudoxie (à ne pas confondre avec la mère de Théodose II) éclipse
celle de Pulchérie jusqu'à ce que de fausses accusations d'infidélités entrainent son exil à
Jérusalem. Pulchérie reprend alors sa place à la cour mais pour constater que l'influence
principale dorénavant est entre les mains des eunuques impériaux, en particulier Chrysaphius.
Son règne est agité par les querelles religieuses du Nestorianisme opposant Cyrille
d'Alexandrie au patriarche de Constantinople Nestorius. Pour régler ces problèmes Théodose
convoque le concile d'Éphèse en 431 qui condamne le nestorianisme, puis le synode de
Constantinople en 448 qui condamne Eutychès et sa doctrine du monophysisme et un
nouveau concile à Éphèse en 449 où Eutychès, qui possède des appuis dans l'entourage de
l'empereur malgré l'hostilité de Pulchérie, l'emporte, n'hésitant pas à utiliser la violence contre
ses adversaires (d'où le nom de « brigandage d'Éphèse »).
Théodose fait rédiger en 426 la Loi des citations et en 438 le Code de Théodose (Codex
Theodosianus), qui contient toutes les Constitutions impériales promulguées depuis 312.
Le règne de Théodose II est marqué à l'extérieur par une double victoire contre les Perses en
421 et 441 mais surtout par ses relations complexes avec l'empire hunnique de Ruga, Bleda
puis Attila. Si Ruga meurt dans une expédition contre l'empire d'Orient son neveu et
successeur Bleda (conjointement avec son frère Attila) triomphe, plus diplomatiquement que
militairement d'ailleurs, et de 435 à 440 voit Théodose II verser un important tribut et
promettre de ne plus s'allier aux peuples germaniques hostiles aux Huns. En 440, profitant de
l'attaque perse sur l'Arménie, dont l'empire triomphe en 441, Bleda attaque de nouveau
l'empire d'Orient et s'empare d'un butin important. En 445–446 Attila, qui vient d'assassiner
son frère, devenant ainsi le seul roi des Huns, s'empare du sud de la Pannonie. Afin de
maintenir la fiction de la présence romaine, Théodose le nomme « maître de la milice ».
Profitant du tremblement de terre qui détruit une partie des murailles de Constantinople, le 27
janvier 447, il attaque de nouveau l'empire d'Orient mais sans grands résultats sinon que de
voir l'empire cesser de payer son tribut. Des négociations s'ouvrent et en 449, Théodose
envoie une ambassade, dirigée par Priscos et Maximin, qui accepte de payer de nouveau un
tribut. C'est dans ce contexte que Théodose meurt des suites d'un accident de cheval en 450.
Pulchérie lui succède, d'abord seule, puis avec son époux Marcien, jusqu'à son décès en 453.
Elle refuse tout nouveau paiement d'un tribut à Attila.
Si les auteurs chrétiens se réjouissent de la dévotion et de la piété du « plus doux de tous les
hommes » comme le qualifie Socrate de Constantinople au terme du panégyrique qu’il dresse
de l’empereur dans son Histoire ecclésiastique (VII, 42), les historiens modernes estiment que
celui qui reçut le surnom de « Calligraphe » était loin de posséder les qualités d’un chef d’État
et le voient plutôt confiné dans une fonction représentative ; Ernest Stein le considère comme
« débonnaire et insignifiant » [1] ; au XVIIIe siècle, l’historien anglais Edward Gibbon traçait
de lui un portrait peu flatteur, le décrivant sous les traits d’un perpétuel enfant, « entouré
d’une troupe servile de femmes et d’eunuques » ; et il poursuivait : « de futiles amusements et
des études inutiles remplaçaient les heures d’oisiveté que lui laissait son éloignement de tout
ce qui avait rapport aux devoirs essentiels du souverain » [2].
Marcien
Marcien
Empereur romain d'Orient
Marcien est un empereur byzantin, né en Thrace en 392 ou en 396 et mort en janvier 457. Il
est empereur d’Orient de 450 à 457.
Biographie
Ses origines sont assez mal connues. Sans doute est-il né en Thrace ou en Illyrie, soit en 392,
soit en 396. Son père est militaire et, très jeune, Marcien poursuit la tradition familiale. Il
commence sa carrière de soldat à Philippopolis en Thrace. Il participe à la guerre contre les
Perses en 421-422 et devient assez rapidement le principal second du général Aspar. Il est fait
prisonnier par les Vandales en 431 dans un combat près d'Hippone. En revanche, l’histoire
selon laquelle le roi vandale Genséric lui aurait prédit son accession au trône est une légende.
Sa carrière est peu connue jusqu’en 450 et la mort accidentelle de l’empereur Théodose II.
La succession est incertaine car l’empereur défunt ne laisse qu’une fille, qui est mariée à
Valentinien III, l’empereur d'Occident. Il semble qu’Aspar, qui ne peut devenir empereur du
fait de ses origines barbares et de son arianisme, et Pulchérie, sœur de Théodose, aient
organisé l’arrivée sur le trône de Marcien en mariant ce dernier à Pulchérie. L’accord du
Sénat impérial est alors une formalité et, le 25 août 450, Pulchérie elle-même remet la
couronne impériale à Marcien. Le fait que celui-ci s’engage à respecter la virginité de
l’impératrice (qui possède une bonne cinquantaine d’années) montre le caractère politique du
mariage. La seule fille de Marcien, issue d’une précédente union, Aelia Marcia Euphémie, est
rapidement mariée au futur empereur d'Occident Anthémius.
La colonne de Marcien à Constantinople érigée en 455
Le règne de Marcien commence par un changement immédiat de la politique envers les Huns
et leur chef Attila. À la fin du règne de Théodose II, le ministre Chrysaphius avait été
l’architecte d’une politique consistant à verser un important tribut à la confédération hunnique
pour éviter l’invasion de l’empire. À peine le couronnement de Marcien est-il terminé que
Chrysaphius est assassiné ou exécuté. Marcien refuse tout net de continuer à payer le tribut. Il
reçoit le soutien de l’aristocratie. Attila hésite sur la conduite à tenir car il sait que ses troupes
ne peuvent prendre Constantinople. Il semble que la décision de Marcien joue un rôle
considérable dans le déclenchement des offensives des Huns vers l’empire d’Occident (Gaule
en 451 et Italie en 452) qui représente une proie riche et bien moins résistante que l’empire
d'Orient. Marcien apporte d’ailleurs son aide à Valentinien III en Italie en 452 en massant des
troupes dans les Balkans sur les arrières des Huns. Cette intervention explique sans doute,
bien plus que l’intervention du pape Léon Ier, le brusque retrait d’Italie des Huns. Il semble
qu’Attila envisage une expédition sur l’empire d’Orient quand il meurt brutalement au cours
de sa nuit de noce en 453.
La suite du règne de Marcien comporte assez peu d’expéditions militaires significatives sinon
contre les tribus arabes en Syrie. Il intervient peu dans les affaires de l’empire d'Occident et se
contente après le sac de Rome par les Vandales d’envoyer une ambassade à Genséric pour
demander le retour de la veuve de Valentinien III et de ses filles, retour qui n’intervient que
sept ans plus tard en 464 sous le règne de Léon Ier.
Cette politique peu belliciste, et une sage politique fiscale (annulation de dettes) et budgétaire,
permettent à Marcien de laisser un trésor en excédent assez large à sa mort. Il lutte aussi
contre la corruption et en particulier contre l’achat des fonctions administratives. Le fait que
l’un de ses successeurs, Anastase Ier, adopte la même politique montre à quel point le
problème est endémique.
Marcien annule aussi une disposition remontant à Auguste et confirmée par Constantin Ier qui
interdisait à un membre de la classe sénatoriale d’épouser une femme libre d'une catégorie
sociale modeste. Cette disposition, confirmée en 520 par Justin Ier pour favoriser le mariage de
son neveu Justinien avec Théodora, correspond-t-elle à un cas particulier ? Nous l’ignorons.
Marcien meurt en janvier de l’année 457, apparemment d’une gangrène qui s’était déclarée
aux pieds à la suite sans doute d'un long pèlerinage religieux. Il est, avec son épouse, canonisé
par l’Église grecque le 17 février. C’est Léon Ier le Grand qui lui succède avec l’aide du
patrice Aspar.
Homonymie
Marcien est aussi le nom de l’un des gendres de l’empereur Léon Ier et de l’impératrice Vérine
impliqué dans une tentative de révolte contre son beau-frère l’empereur Zénon en 471.
Léon Ier, dit le Thrace, est empereur byzantin de 457 à 474. D'origine thrace et issu d'un
milieu modeste, il commence une carrière militaire et devient le tribun militaire du patrice
Aspar, l'un des généraux les plus puissants sous les règnes de Théodose II et Marcien. C'est
d'ailleurs Aspar, Alain d'origine et à ce titre ne pouvant prétendre être empereur, qui élève
Léon Ier au trône à la mort de Marcien en 457. Le fils d'Aspar, Patricius épouse quant à lui la
fille de Léon. Ce dernier est couronné empereur le 7 février 457.
De plus Léon Ier est confronté à une lutte du pouvoir entre Aspar, qui représente aux yeux des
romains une tutelle germanique de plus en plus inacceptable, et le parti isaurien emmené par
son gendre, depuis 468, le futur Zénon. Ce dernier échappe à un attentat commandité par
Aspar lors d'une campagne en Thrace. Zénon est envoyé en orient mais revient très vite et
s'installe à Chalcédoine. Il est probablement à l'origine des émeutes religieuses anti-ariennes
au cours desquelles Aspar trouve la mort, avec probablement la complicité au moins passive
de Léon Ier. Léon II le fils de Zénon et d'Ariadne, la fille de Léon Ier, devient empereur le 3
février ou le 9 février 474 à la mort, naturelle, de Léon Ier.
Léon II
Empereur romain d'Orient
Léon II (~467 - 474), empereur de l'Empire romain d'Orient durant l'année 474.
Grâce à son beau-fils - l'isaurien Tarasicodissa - l'empereur Léon Ier réussit à se débarrasser,
en 471, du puissant chef de la milice Aspar. Sentant la mort approcher mais sachant que son
beau-fils est pue populaire, il proclamme, le 31 octobre 473, son petit-fils César, le désignant
ainsi pour lui succéder. Le 17 novembre suivant, Léon I élève son petit-fils à la dignité
d'Auguste et fait, ainsi, de lui, son coempereur. A la mort de Léon I - son grand-père - Léon II
devient seul empereur.
Mais, incapable de respecter la volonté de son grand-père et de résister aux pressions aux
pressions paternelles, Léon II accorde la dignité impériale à son père Zénon et en fait son
coempereur.
Léon II décède le 10 novembre 474, soit près de 11 mois après son accession à l'empire. Les
raisons de sa mort ne sont pas connues : selon certains, il serait mort naturellement, selon
d'autres, son décès aurait été provoqué par son père.
Origines
Zénon est né à Rosoumblada, dans le sud-est de l’Asie Mineure, dans une famille noble
isaurienne. Quoique citoyens de l’empire depuis plusieurs siècles, les Isauriens étaient
considérés comme des barbares par les autres peuples de l'Empire romain et, en particulier,
par les Grecs.
Son nom de naissance est Taras(s)icodissa ou Tarasis, fils de Codissa. Il prendra le nom de
Flavius Zeno Perpetuus à l'occasion de son mariage avec Aelia Ariadne, fille de l'empereur
romain d'Orient Léon Ier.
La prise du pouvoir
Zénon (Tarasicodissa de son véritable nom), se fait remarquer assez rapidement pour ses
talents militaires par l’empereur Léon Ier, dont il commande les troupes isauriennes. Celui-ci
cherche, au milieu des années 460, à échapper à l’emprise des mercenaires alains et alamans
sur son armée et à l’influence de leur chef, le patrice Aspar, véritable « faiseur d’empereur ».
Aspar ne peut régner, étant un Alain, qui plus est de religion arienne. Il est à l’origine de
l’accession au trône de Marcien en 450, puis de Léon Ier en 457. L’un de ses fils a épousé
l’une des filles de Léon Ier. À la même époque, dans l’empire d'Occident ce rôle est tenu par
Ricimer qui, à défaut de pouvoir devenir empereur à cause de ses origines barbares, fait et
défait les empereurs d’Occident à sa guise.
C’est dans ce contexte dangereux que Zénon parvient au pouvoir. En 466, il dénonce la
trahison d’un des fils d’Aspar, ce que le puissant ministre ne lui pardonne pas. Il est nommé
magister militum en 466 en Thrace, où il repousse les Huns dirigés par le fils cadet d’Attila,
Dengitzik (ou Densegich), qui est tué un peu plus tard en 469. En 468, il est le seul général
qui échappe au discrédit qui retombe sur les militaires après l’échec de l’expédition contre les
Vandales. Cette même année, il renforce sa position en épousant Ariane, la fille de Léon Ier et
de l’impératrice Vérine, qui lui donne un fils, le futur Léon II, vers 470. C’est à cette époque,
et probablement pour se faire mieux accepter de la hiérarchie romaine et de la population
grecque, qu’il adopte le nom de Zénon.
Le danger est perçu par Aspar, qui pousse en avant son propre fils Patricius, lequel vient aussi
d’épouser une autre fille de Léon, Léontia. Zénon est nommé consul ordinaire en 470. Un an
plus tard, tandis que Zénon dirige une expédition militaire en Thrace, Aspar organise un
attentat contre lui, lequel échoue semble-t-il de justesse. Léon Ier éloigne Zénon en le
nommant maître de la milice des provinces d’Orient où il lutte un temps contre le chef de
guerre isaurien Indacus. Mais il s’installe rapidement à Chalcédoine pour éventuellement
intervenir à Constantinople si la situation l’exige. C’est alors qu’éclatent des émeutes
religieuses contre les ariens et en premier chef contre Aspar. Celui-ci est assassiné en même
temps que son fils Ardaburius dans des conditions peu claires, mais probablement à
l’instigation de Zénon et avec la complicité, au moins passive, de Léon Ier. En 473, Zénon
devient maître de la milice à la place d’Aspar.
L’usurpation de Basiliscus
C’est alors que ses relations avec Vérine se dégradent. Il semble que celle-ci souhaite se
remarier avec Patricius, un ancien préfet du prétoire, mais Zénon, peu pressé de voir poindre
un nouveau prétendant alors que la mort de son fils le prive d’une forte légitimité, refuse ce
mariage. Mais il a négligé l'impopularité que lui valent ses origines, tant au Sénat que dans le
peuple. En janvier 475, Zénon quitte Constantinople pour Antioche. Aussitôt, une conjuration
comptant dans ses rangs le général Illus, ancien compagnon d’armes de Zénon, porte au
pouvoir le frère de Vérine, Basiliscus, qui semble avoir pris de vitesse sa sœur et Patricius.
L’une des premières mesures de Basiliscus est d’ailleurs de faire tuer Patricius, éliminant
ainsi un concurrent potentiel.
Vérine se rapproche de nouveau de Zénon, sans doute par l’intermédiaire de sa fille Ariane,
épouse de l’empereur déchu. Celui-ci ne perd pas de temps. Il réunit une armée, retourne de
nouveau son camarade Illus qui abandonne Basiliscus, reçoit l'appui de Théodoric le Grand et
reprend en 476 sa capitale sans combats, tant l’usurpateur s’est déconsidéré. Zénon promet de
ne pas faire couler son sang ni celui de sa famille et tient sa promesse : il les fait mourir de
faim en Phrygie.
Une fois empereur, Zénon se révèle plutôt diplomate que guerrier. Non seulement il arrive à
débarrasser les Balkans des Ostrogoths, mais il signe aussi un traité de paix (en 476) avec
Genséric, le roi des Vandales, par lequel il reconnaît la suzeraineté de ce dernier sur l'Afrique,
la Corse, la Sicile, les Baléares et la Sardaigne. En échange, les Vandales mettent fin à leurs
raids contre l’empire et ne persécutent plus les catholiques. Cet accord tient une cinquantaine
d’années.
Nouvelles rébellions
Les ennuis domestiques continuent pour Zénon lorsqu'en 478, Vérine tente de faire assassiner
Illus. Elle est exilée dans un monastère de Tarse (en Cilicie), puis en Isaurie. Elle ne reviendra
jamais à Constantinople, mais son pouvoir de nuisance reste fort : elle encourage une nouvelle
révolte en 479, organisée par ses frères Procope et Romulus et un autre de ses gendres,
Marcien. La révolte n’échoue que de justesse, encore une fois grâce à l’intervention d’Illus.
Arianne tente d’intercéder auprès de Zénon pour le retour de sa mère à de nombreuses
reprises, mais en vain, car Illus s’y oppose vigoureusement. Au moins trois attentats sont alors
tentés contre lui, dont un qui le blesse assez grièvement. C’est pourquoi il est difficile de
comprendre la rébellion de 484 qui voit Vérine s’allier à son pire ennemi, Illus, devenu
commandant des armées orientales de l’empire. Cette révolte a pour but de renverser Zénon et
mettre sur le trône un usurpateur, Léontios. Peut-être contrainte, Vérine envoie des lettres de
soutien aux rebelles et demande à certaines villes de soutenir la révolte. Elle meurt peu après,
à la fin de l'année 484. La révolte est écrasée par Zénon en 488, et Léontios et Illus sont
exécutés.
Dans le domaine religieux, Zénon s’efforce de mettre fin à la querelle monophysite par un
compromis, l'Henotikon, publié en 482 et qui provoque un premier schisme avec Rome. En
effet, le pape Félix III estime ce texte trop teinté de monophysisme. Il lance donc un anathème
contre le véritable auteur du texte, Acacius (ou Acace), le patriarche de Constantinople, en
484. Cette première rupture va durer 35 ans, jusqu’au règne de Justinien.
Zénon meurt le 9 avril 491, sans avoir eu d’autres enfants avec Ariane. C’est donc un de ses
hauts fonctionnaires, Anastase Ier, qui lui succède.
Des circonstances macabres associées à la mort de Zénon par les chroniqueurs Kedrenos et
Jean Zonaras sont peut-être la première apparition d’une sorte de thème flottant, véridique ou
légendaire, qui s’est attaché aussi au scolastique John Duns Scot et à d’autres personnages
moins connus : l’enterré vif qui se dévore les bras ou les mains[1].
Basiliscus
Flavius Basiliscus (477), est brièvement empereur romain d’Orient de 475 à 476 quand
l’empereur Zénon est forcé de quitter Constantinople par une révolte. Sa date de naissance est
inconnue.
Basiliscus est le frère de Vérine, femme de l’empereur Léon Ier qui meurt en 474. Ses relations
avec l’empereur lui permettent de poursuivre une carrière militaire, qui, après des premiers
succès mineurs, se termine en 468, après qu’il a mené l’invasion byzantine contre l’Afrique
vandale — une des plus grosses opérations militaires de l’Antiquité tardive — au désastre.
La carrière militaire de Basiliscus débute sous Léon Ier. L’empereur, son beau-frère, lui
confère la dignité de dux, ou commandant en chef, en Thrace . Dans cette province, Basiliscus
mène une campagne militaire victorieuse contre les Bulgares en 463. Il succède à Rusticus en
tant que magister militum per Thracias (464), et connaît quelques succès contre les Goths et
les Huns (466 ou 467)
La considération de Léon pour Basiliscus augmente et l’intersession de Vérine en faveur de
son frère aide la carrière militaire et politique de Basiliscus par l’obtention du consulat en 465
et probablement aussi du rang de patrice . Son ascension va cependant connaître un coup
d’arrêt brutal.
Le Cap Bon, au large de l’actuelle Tunisie, est le lieu où débarque la flotte byzantine menée
par Basiliscus
En 468, Léon choisit Basiliscus comme chef de la fameuse expédition contre Carthage,
capitale du royaume vandale. cette invasion est l’une des plus grandes entreprises militaires
enregistrée dans les annales de l’histoire. C’est une opération amphibie qui comporte le
déplacement de plus de dix mille navires et cent mille soldats. La but de l’opération est la
punition du roi vandale Genséric pour le sac de Rome de 455 durant lequel l’ancienne capitale
de l’Empire romain d’Occident a été ravagée par les quinze jours qu’il a duré et l’impératrice,
Licinia Eudoxia, veuve de Valentinien III, et ses filles ont été emmenées comme otages.
Le plan est discuté entre l’empereur d’orient Léon, l’empereur d’Occident Anthémius et le
général Marcellinus qui jouit d’une relative indépendance en Illyricum. Il est ordonnée à
Basiliscus de voguer directement sur Carthage pendant que Marcellinus attaque la Sardaigne
et qu’une troisième armée, commandée par Héraclius d’Édesse, débarque sur les côtes
libyennes à l’est de Carthage, faisant de rapides progrès. Il semble que les forces combinées
se rencontrent en Sicile, d’où les trois flottes sont parties à différentes périodes .
La basilique Hagia Sophia (présentée ici après la reconstruction effectuée par Justinien en
537) a protégé Basiliscus de la colère de l’empereur, après la désastreuse campagne contre les
Vandales.
La Sardaigne et la Libye sont déjà conquises par Marcellinus et Héraclius quand Basiliscus
jette l’ancre près du Promontorium Mercurii, maintenant le Cap Bon, en face de Sicile, à une
soixantaine de kilomètres de Carthage. Genséric demande à Basiliscus cinq jours pour
produire les conditions d’une paix Pendant les négociations, Genséric rassemble ses navires et
attaque soudainement le flotte romaine. Les Vandales ont rempli bon nombre de vaisseaux
avec du matériel combustible et, durant la nuit, ces brûlots sont lancés contre la flotte romaine
qui ne se méfiait pas. Les commandants romains tentent de sauver quelques navires de la
destruction, mais leurs manœuvres sont empêchées par l’attaque d’autres navires vandales
Au cœur de la bataille, Basiliscus prend la fuite . La moitié de la flotte romaine est brûlée,
coulée ou capturée, et l’autre moitié s’enfuit avec Basiliscus. Toute l’expédition est un échec.
Héraclius fait retraite à travers le désert vers Tripolotania, tenant la position pendant deux ans
avant d’être rappelé ; Marcellinus se retire en Sicile où il est rejoint par Basiliscus ; le général
est cependant assassiné , peut-être à l’instigation de Ricimer, par un de ses propres capitaines,
et le roi des Vandales exprime sa surprise et sa satisfaction que les Romains eux-mêmes
suppriment du monde des pires ennemis
Après son retour à Constantinople, Basiliscus se cache dans l’église Sainte-Sophie pour
échapper à la colère du peuple et la vengeance de l’empereur. Par la médiation de Vérine,
Basiliscus obtient le pardon impérial et est simplement puni de bannissement à Heraclea
Sintica en Thrace
Ascension au pouvoir
En 471 et 472, Basiliscus aide Léon à se débarrasser de l’influence germanique à sa cour,
fomentant avec lui le meurtre du magister militum alain Aspar. La mort d’Aspar est suivie
d’une révolte en Thrace menée par l’Ostrogoth Theodoric Strabo. Basiliscus est envoyé pour
mater la révolte, ce qu’il réussit à faire avec l’aide de son neveu Armatus. En 474, il est élevé
au rang de caput senatus (« premier parmi les sénateurs »)
À la mort de Léon, Zénon, qui était un « barbare » de descendance isaurienne, mais aussi le
beau-frère de Léon, s’élève au rang d’empereur après un court règne de son fils Léon II (474).
Les origines « barbares » de l’empereur lui amène l’antipathie du peuple de Constantinople.
De plus, le parti germanique au sein de l’armée mené par Théodoric Strabo n’aime pas les
officiers isauriens envoyés par Léon Ier pour réduire sa dépendance vis-à-vis des Ostrogoths.
Finalement, Zénon réussit à s’aliéner le soutien du général Illus, suborné par Basiliscus. Au
centre de la conspiration trône Vérine, qui fomente une révolte populaire contre l’empereur.
Le soulèvement, soutenu par Théodoric Strabo, Illus et Armatus, est un succès et Vérine
convainc l’empereur de quitter la ville. Zénon fuit vers ses terres natales, emmenant avec lui
quelques Isauriens vivant à Constantinople ainsi que le trésor impérial. Basiliscus est alors
acclamé auguste le 9 janvier 475 au palais de l’Hebdomon par les officiers palatins et le
Sénat . La foule de Constantinople a sa revanche sur Zénon en tuant presque tous les Isauriens
encore dans la ville
Au début, tout semble bien aller pour le nouvel empereur, qui tente même d’initier une
nouvelle dynastie en conférant le titre d’Augusta à sa femme Aelia Zenonis et en nommant
son fils Marcus césar, puis plus tard auguste.Cependant, à cause de sa mauvaise gestion en
tant qu’empereur, Basiliscus perd rapidement la plupart de ses soutiens.
Règne Corruption et feu à Constantinople
Le problème le plus urgent qui se pose au nouvel empereur est la pénurie de ressources du
Trésor impérial. Basiliscus est donc obligé de lever de lourds impôts et de revenir à la
pratique de la vente de postes au plus offrant, cause manifeste d’un mécontentement diffus
dans la population. Il extorque aussi de l’argent à l’Église avec l’aide du préfet Epinicus, le
favori de Vérine
Au début de son règne, Constantinople souffre d’un incendie très important, qui détruit
maisons, églises et qui incinère totalement l’immense bibliothèque construite par l’empereur
Julien. Le feu est vu comme un mauvais présage pour la suite du règne de Basiliscus .
Basiliscus s’appuie sur les personnages les plus importants de la cour dans son accession au
pouvoir. Cependant, il perd rapidement leur soutien. En premier lieu, Basiliscus s’aliène le
soutien de propre sœur, Vérine, en faisant exécuter le magister officiorum Patricius. Patricius
est l’amant de Vérine et l’impératrice a prévu de l’élever au rang impérial et de l’épouser :
toute la révolte contre Zénon n’avait été organisée que pour faire de Patricius l’empereur.
Basiluscus double sa sœur, et, après la fuite de Zénon, fait en sorte que les ministres et le
Sénat le choisissent comme souverain byzantin et non Patricius. Basiliscus ordonne la mort de
Patricius, l’officier est en effet un candidat naturel dans le renversement du nouvel empereur ;
Vérine intrigue ensuite contre Basiliscus à cause de cette exécution
De plus, Théodoric Strabo, dont la haine pour l’Isaurien Zénon le pousse à soutenir la révolte
de Basiliscus, quitte les côtés de l’empereur. Basiliscus élève en effet son neveu Armatus,
dont la rumeur fait de lui l’amant de la femme de Basiliscus, au rang de magiter militum, le
même que Strabo. Enfin, le soutien d’Illus est probablement plus hésitant, étant donné les
massacres d’Isauriens autorisés par Basiliscus
Controverses religieuses
À cette époque, la foi chrétienne est ébranlée par l’antagonisme entre monophysites et
chalcédoniens. Ces deux positions christologiques s’opposaient sur la nature du Christ, les
monophysites clamant qu’il n’avait qu’une nature divine et les chalcédoniens que sa nature
était double, homme et divin. Le concile de Chalcédoine, convoqué par l’empereur Marcien
en 451, a fait du monophysisme une hérésie, avec le soutien du pape en Occident et nombre
d’évêques en Orient. Cependant, la position monophysite est toujours forte : les patriarches
monophysites Timothée II d’Alexandrie et Pierre le Fouleur d’Antioche sont alors déposés
sous Léon Ier
Depuis le début de son règne, Basiliscus manifeste son soutien aux monophysites. Zacharias
Scholasticus rapporte comment un groupe de moines monophysites égyptiens, ayant appris la
nouvelle de la mort de Léon, se rendent d’Alexandrie à Constantinople pour soumettre à
Zénon une requête en faveur de Timothée, mais à leur arrivée dans la capitale, ils trouvent
Basiliscus nouvellement élu empereur. Le magister officiorum Theoctistus, l’ancien médecin
de Basiliscus, est le frère d’un de ces moines, la délégation obtient ainsi une audience auprès
de Basiliscus, et avec le soutien de Theoctistus et de l’impératrice, ils convainquent Basiliscus
de rappeler d’exil les patriarches monphysites .
Basiliscus réinstalle donc Timothée Aelurus et Pierre le Fouleur et sur l’insistance de ce
dernier émet une circulaire (Enkyklikon) aux évêques (le 9 avril 475), les appelant à
n’accepter comme valides que les trois premiers synodes œcuméniques et à rejeter le concile
de Chalcédoine. Tous les évêques doivent signer l’édit. Alors que la plupart des évêques
orientaux acceptent la lettre, le patriarche Acacius de Constantinople refuse avec le soutien de
la population de la ville, montrant clairement son dédain pour le nouvel empereur en drapant
de noir les icônes de Sainte-Sophie .
Chute et mort
Tremissis émis par l’empereur Zénon. Zénon, dont le nom originel est Tarasicodissa, est
d’origine isaurienne et donc considéré comme « barbare » et peu apprécié du peuple de
Constantinople. Basiliscus n’exploite l’impopularité de ce dernier pour se vêtir de pourpre que
pour devenir impopulaire à son tour, principalement à cause de ses croyances religieuses.
Peu de temps après son élévation, Basiliscus dépêche Illus and son frère Trocundus contre
Zénon, qui, à présent maître des forteresses de ses terres d’Isaurie, a repris sa vie de chef de
guerre. Basiliscus, cependant, a peine à remplir les promesses faites aux deux généraux : de
plus, ils reçoivent des lettres d’un des importants ministres de la cour, les pressant de ramener
Zénon, car la cité préfère à présent un empereur isaurien restauré plutôt qu’un monophysite,
dont l’impopularité augmente avec la rapacité fiscale de ses ministres .
Durant ses opérations en Isaurie, Zénon fait prisonnier le frère d’Illus, Longinus, et le fait
garder dans une forteresse isaurienne. Parce qu’il pense pouvoir avoir une grande influence
sur Zénon si ce dernier est restauré, il change de côté et marche avec Zénon sur
Constantinople à l’été 476. Quand Basiliscus reçoit la nouvelle de ce danger, il se hâte de
rappeler ses édits ecclésiastiques et de se concilier le patriarche et le peuple, mais il est déjà
trop tard .
Armatus, en tant que magister militum, est envoyé en Asie Mineure avec toutes les forces
disponibles pour s’opposer à l’avancée de l’armée isaurienne, mais des échanges secrets avec
Zénon, qui lui promet le titre de magister militum à vie et de conférer le rang de césar à son
fils, le conduisent à trahir son maître . Armatus évite intentionnellement la route que prend
Zénon et marche sur l’Isaurie par une autre voie. Cette trahison précipite la chute de
Basiliscus.
En août 476, Zénon assiège Constantinople. Le Sénat ouvre les portes de la ville à l’Isaurien,
lui permettant de récupérer son trône. Basiluscus fuit et cherche sanctuaire dans une église,
mais il est trahi par Acacius. Il se rend alors de lui-même avec sa famille après avoir arraché
la promesse solennelle que leur sang ne serait pas répandu. Basiliscus, sa femme Aelia
Zenonis et son fils Marcus sont envoyés dans une forteresse en Cappadoce , où Zénon les
enferme dans une citerne asséchée et les laisse mourir.
Basiliscus a régné pendant vingt mois. Il est décrit par les sources historiques comme un bon
général, mais manquant de lucidité et facile à tromper
Accession à l'Empire
Anastase est né dans la ville de Dyrrhachium, à une date inconnue, bien que le recoupement
de diverses sources laissent penser qu'il devrait être né vers 430 ou 431. Il était le fils d'un
noble, Pompeius. Sa mère, Anastasia Constantina, était de religion Arienne. Elle était la soeur
de Clearchus, lui aussi arien.
Anastasius avait les yeux vairons, l'un noir et l'autre bleu et de ce fait fut surnommé Dicorus
(en grec: Δίκορος, "deux-pupilles").
Il devint haut fonctionnaire de l'Empire sous le règne de Zénon puisqu'il occupe le poste de
silentiaire.
Distingué par l'impératrice Ariane, veuve de son prédécesseur, il accède au trône impérial en
mai 491 et l'épouse. Anastase a soixante ans à son avènement, ce qui fait de lui un des plus
âgés des empereurs romains. Son règne commença sous de bons auspices. Il obtint la faveur
populaire avec une judicieuse réduction de taxes, et en démontrant une grande vigueur et forte
énergie dans l'administration des affaires de l'Empire.
Politique extérieure
L'Ivoire Barberini, diptyque en ivoire du 6eme siècle représentant Anastase ou son successeur
Justin Ier.
A l'extérieur, la politique d'Anastase revêt deux aspects. Strictement défensive, elle est
marquée par la protection énergique des frontières mais Anastase cherche aussi à étendre
l'influence de l'Empire, sans recourir à la force, par des initiatives essentiellement
diplomatiques.
Il doit d'abord mater la révolte de la région de l'Isaurie, qui dura de 492 à 496, organisée par
les soutiens de Longinus de Cardala, le frère de Zenon. La bataille de Cotyaeum en 491 "brisa
le dos" de la révolte, mais la guerrilla continua dans ces montagnes du Taurus pendant
quelques années encore.
A l'Est de l'Empire, il conduit les combats contre les Sassanides et remporte de nombreux
succès contre les Perses et leur roi Kavadh Ier (488-531). L'affrontement dura de 502 à 505,
Theodosiopolis et Amida furent occupées par l'ennemi, mais les provinces Perses souffrirent
beaucoup et les Byzantins reprirent Amida. Les adversaires étaient exténués quand ils
signèrent un traité de paix sur la base du stau-quo en 506. Anastase bâti la forteresse de Daras
pour contenir les Perses à Nisibis.
En Occident, il s'allie, plus formellement que réellement avec Clovis Ier, le roi des Francs, en
lui conférant la dignité consulaire puis, en 508, celle de patrice dans une sorte d'alliance de
revers afin de ne pas relacher la vigilance vis-à-vis des Ostrogoths et de leur chef, Théodoric,
roi d'Italie (493-526).
Organisation de l'Empire
Il réorganise les finances (suppression du chrysargyron en 498) et fortifie Constantinople.
En dépit des nombreuses guerres qu'il a dû soutenir et des importants travaux qu'il a entrepris,
il a laissé à ses successeurs des réserves financières équivalant aux revenus de plusieurs
années fiscales. A sa mort, en 518, au lieu d'un déficit, il laissait des réserves d'un montant de
320 000 livres d'or, soit 23 millions de pièces d'or, représentant deux années de recettes
fiscales, ce qu'aucun autre empereur ne réussit à faire, ni avant ni après lui.
La question religieuse
Son règne est traversé de révoltes et de guerres civiles, qui se fondent sur des divisions
religieuses de plus en plus prononcées.
Il commence son règne en soutenant l'Henotikon (l'acte d'union) rédigé en 482 par Acacius,
patriarche de Constantinople, à la demande de Zénon. Il s'agissait d'un texte de compromis en
vue d'apaiser les luttes entre les tenants et les détracteurs du Concile de Chalcédoine de 451
qui avait proclamé que le divin et l'humain constituaient "deux natures distinctes" du Christ
contre les Monophysites. L'acte d'Union combattu vigoureusement par le pape Gélase Ier, il
rompt avec Rome,
Il meurt à quatre-vingt huit ans, frappé par la foudre, selon l'historien byzanthin Johannes
Malalas, d'obédience chalcédonienne.
Justin Ier
Justin Ier le Grand ou Flavius (Anicius ?) Iustinus (v. 450 - 1er août 527), fut empereur
byzantin du 9 juillet 518 au 1er août 527. Il est le fondateur de la dynastie justinienne.
D'origine Thrace, Justin qui était le chef de la garde impériale (comes excubitorum) est élu
empereur à un age avancé par le Sénat.
Le règne de Justin est surtout marqué par l'ascension de son propre neveu et fils adoptif
Justinien. Dès son accession au trône impérial, il le laisse en effet prendre des initiatives
importantes et la seule décision importante que prend Justin est celle de déclarer un édit
contre les ariens ce qui provoque une vive réaction du chef goth Théodoric qui menace d'user
de la force si l'édit n'était pas abrogé. Le chef goth demande au pape de négocier l'annulation
de l'édit mais ce dernier ne réussit pas.
Dans les faits c'est Justinien qui est le véritable maître d'œuvre de la réconciliation entre
Rome et Constantinople en 519. Ainsi, le règne de Justin est plutôt terne et constitue surtout
un préambule à celui de son fils adoptif qu'il fera empereur associé peu avant sa mort en 527.
Sous son règne l'Empire connaît deux grands séismes, l'un en 518 qui touche la Pisidie et
détruit la cité de Sagalassos et l'autre en 526 qui atteint Antioche et fait un nombre
considérable de victimes.
Justinien
Justinien Ier (né le 11 mai 482 en Illyrie - mort le 13 novembre 565) ou Justinien le Grand,
est empereur byzantin de 527 à sa mort en 565. Il est l’un des plus importants dirigeants de
l’Antiquité tardive. Que ce soit sur le plan du régime législatif, de l’expansion des frontières
de l’Empire ou de la politique religieuse, il laisse une œuvre et une vision considérables.
Il est considéré comme saint par l'Église orthodoxe et fêté le 2 août ou le 14 novembre ou le
15 novembre avec son épouse Théodora
Justin adopte son neveu et lui fait donner, alors qu’il est lui-même sans grande culture, la
meilleure éducation possible ; l’éducation d’alors se base sur le droit, la rhétorique et la
théologie. Devenu empereur, Justin associe rapidement Justinien aux affaires et le nomme
patrice, puis consul. Il est rarissime dans l’histoire politique byzantine de voir un homme né
aussi loin du trône, à ce point préparé à régner. Quand il accède au pouvoir en 527, à l’âge de
quarante-cinq ans, il est un homme mûr à la personnalité contrastée.
Enfin, et même s’il ne faut pas exagérer son influence, le rôle de Théodora, ancienne actrice
de très humble origine (à tel point que Justin Ier fit modifier la loi interdisant à un sénateur
d’épouser une actrice pour permettre le mariage de son neveu), épouse de Justinien depuis
environ 523, est indéniable. Justinien est l'empereur qui va essayer de reconstruire l'Empire
romain.
Tous les soldats étaient recrutés par volontariat sauf les limitanei(soldats des frontières), qui
se succédaient par droit héréditaire. Le métier des armes n'était pas toujours considéré comme
attractif et la proportion des soldats par rapport à la population représentait 1% de celle-ci.
L'armée était un moyen d'ascension sociale d'autant plus sûr que nul obstacle ne s'opposait à
la promotion des simples soldats aux grades d'officiers. Le meilleur exemple d'une ascension
entièrement due à l'armée est donné par Justin Ier qui, de simple paysan recruté comme
simple soldat, accéda aux plus hauts grades militaires avant de monter sur le trône.
Dès le début de son règne, Justinien effectue des réformes importantes et il semble qu'il mène
à leur aboutissement des changements amorcés antérieurement. Poursuivant d'autre part une
évolution commencée sous Anastase. L'évolution des effectifs marquant le début du règne de
Justinien mais auquel on ne peut assigner une date précise car il fut sans aucun doute
progressif, consiste en une augmentation consistante des effectifs de l'armée entre 527 et 540
et en leur déclin après. Le seul chiffre dont nous disposons pour le règne de Justinien est
donné par Agathias. Selon lui, le nombres de soldats dont disposait l'Empire en 559 n'était
plus que de 150 000 hommes, nombre qui ne concerne que l'armée de campagne et ne
comprend ni les limitanei ni les marins. Agathias ne se borne pas à constater un déclin étalé
dans la longue durée. Il oppose aussi le début du règne de Justinien, à l'époque où il
entreprenait des conquêtes dans toute la vigueur de sa jeunesse, à celle de sa vieillesse
marquée par sa négligence à l'égard de l'armée et à sa préférence pour les manœuvres
diplomatiques.
Quoi qu'il en soit des effectifs, après les changements et les adaptations opérés depuis le IVe
siècle, l'armée acquiert, sous Justinien, une valeur combattante et une efficacité qui lui ont
permis d'affronter avec succès des armées bien supérieurs en nombre. Elle le doit à deux types
de changements : la cavalerie, d'une part et d'un autre côté , les modes de combat et
d'armement qui prennent une importance telle que l'issue des batailles, désormais, dépendent
essentiellement de son action. La guerre, au VIe siècle, est l'affaire exclusive de soldats
professionnels. Ils sont soumis, en permanence, à un entrainement intense. Ils sont formés au
combat individuel aussi bien qu'aux évolutions collectives exigent ordre et discipline. Ils sont
dotés, en fin, d'équipements coûteux. Dans un passage célèbre de « l'Histoire des guerres »,
Procope de Césarée soutient avec fermeté, contrairement à l'usage qui voulait que l'on exalte
la supériorité des méthodes du passé, que les combattants de son temps sont beaucoup plus
redoutables que ceux d'antan.
En apparence, les armées de Justinien sont moins nombreuses que celles dont disposaient
Dioclétien et Constantin. Sous son règne, aucune armée d'opération ne dépasse 30 000
hommes. Bélisaire attaque l'Afrique vandale avec 15000 hommes, l'Italie ostrogothique avec
7 000 hommes et le chiffre maximal des effectifs engagés en Italie, en 554, ne dépasse pas
18000 hommes. Sur le front oriental, Bélisaire commande 25000 hommes en 530 mais il doit
finir la campagne avec 20 000. Il en a 30 000 en 543. Contre les Bulgares en 548, il ne
dispose que de 15 000 hommes. Avec ces armées aux effectifs en apparence dérisoires, les
généraux de Justinien n'en sont pas moins capables de remporter de brillantes victoires et de
conquérir des royaumes organisés et puissants.
Justinien ne parut jamais lui-même sur les champs de bataille. Ses prédécesseur lui avaient
légué un État dont l'administration centrale et ses ramifications dans les provinces étaient
assez fortes pour qu'il se dispensât de consolider son autorité en assurant personnellement le
commandement des armées et en remportant des victoires qui fussent la confirmation de sa
légitimité et de la protection de Dieu. Mais il demeura toujours méfiant et ne se résigna que
dans les circonstances graves à confier le commandement d'un corps expéditionnaire à un
général en chef ; dans la plupart des cas, il le répartissait entre plusieurs généraux, ce qui
compromit souvent le succès des opérations. De tous les généraux, le plus illustre est
Bélisaire. Ce sont ses talents d'homme de guerre qui ont fait sa gloire et rendu durable sa
notoriété. Ses talents comme stratège éclatèrent dans les guerres contre les Vandales et contre
les Goths. À deux reprises, il ramena à Constantinople, enchainés, les rois qu'il avait vaincus :
Gélimer, roi des Barbares, et Vitigès, roi des Ostrogoths. Né vers 500 à Germania, aux
confins de la Thrace et de l'Illirye, il avait peut-être des ascendants germains. Il avait la taille
et l'allure d'un héros : grand et beau, il était doué d'une force physique exceptionnelle qui le
poussa souvent à s'exposer dans les combats mais lui valut l'admiration de ses soldats qu'il
traitait avec rigueur et équité. Les historiens modernes ont souvent émis des jugements
sévères sur la réalité de ses capacités comme stratège. Charles Diehl, qui brosse pourtant un
portrait très élogieux de Bélisaire, insiste finalement sur ses insuffisances. Les écrivains
militaires, eux, n'ont jamais ménagé leurs éloges en insistant sur l'originalité de ses
conceptions et la maîtrise avec laquelle il sut les mettre en œuvre alors que les effectifs dont il
disposait furent toujours inférieurs en nombre à ceux de ses adversaires[3]. Avec Bélisaire,
Sittas fut un des généraux les plus brillants de Justinien, toutes ses actions annonçaient un
stratège de premier ordre . Il fut tué au combat en 538, en Arménie, où Justinien l'avait
envoyé réprimer une révolte. À l'inverse de Bélisaire, Narsès, qui a été son rival, est tenu en
haute estime par les historiens du règne. En 537, il accomplit une délicate mission de
conciliation pour rétablir la paix à Alexandrie quand la ville était déchirée par des querelles
religieuses. Sa carrière militaire s'amorça à partir de 538 mais ce n'est qu'après 541 qu'il lui fut
donné, de révéler ses capacités de général en chef. Autre chef de grande valeur, Germanos,
était un des neveux de Justinien, il accéda aux plus hauts commandements mais ne devint
jamais un de ses proches. D'autres généraux de talent viennent en seconde position : Solomon,
qui passe pour un fidèle de Bélisaire, l'Ostrogoth Bessas, Jean, le neveu de Vitalien, ainsi que
Bouzès et Courtzès.
Constantinople
Rome
Ravenne
Naples
Ad Decimum
Taginae
AFRIQUE
ITALIE
ILLYRIE
THRACE
ÉGYPTE
ORIENT
ASIE MINEURE
BÉTIQUE
Les conquêtes de Justinien (en orange) essentiellement sur la moitié ouest de la méditerranée.
Dès le début de son règne Justinien semble avoir comme objectif de reconstituer l’ancien
empire romain autour de la Méditerranée (restauratio imperii). Mais, pour cela, il doit
d’abord mettre fin à la lutte contre la Perse, dont les troupes sont aux portes d’Antioche en
529. Bélisaire remporte quelques succès entre 529 et 531 mais, Justinien préfère finalement,
en 532, acheter la paix qui lui est nécessaire pour réaliser ses objectifs de reconquête en
Occident.
Sur le front oriental, le refus opposé à Kavadh de faire adopter son fils Khosro Ier par
l'empereur ouvre une période de confrontation directe avec la Perse. À plusieurs reprises, pour
atteindre des buts de politique intérieure, tout en réalisant des opérations de pillage et sans
perdre l'espoir d'acquérir des territoires, le roi perse déclenche contre l'Empire des guerres qui
rappellent les confrontations du IIIe siècle. Face à ces initiatives, la politique de Justinien ne
manque pas de cohérence. Elle consiste à contenir la poussée des armées perses par la force
armée ou par des trêves ou des paix coûteuses. Mais, en même temps, il s'efforce de pousser
l'effort d'évangélisation à l'Est et d'explorer des routes permettant de contourner le territoire de
la Perse afin de s'affranchir du contrôle que les Sassanides exercent sur le commerce avec
l'Extrême-Orient.
Dès lors que l'alliance proposée par Kavadh est rejetée, le contentieux territorial entre
l'Empire et la Perse reprend toute son importance mais la guerre entre les deux empires en
dépasse le cadre. Conscient de l'ampleur qu'elle peut prendre, après la trêve établie à la suite
de la mort de Justin Ier, Justinien entreprend de réorganiser la frontière, surtout dans les
régions du Caucase et de l'Arménie où les premières confrontations ont eu lieu, dans un
contexte politique, social et religieux qui en détermine souvent l'issue.
Au bilan, la guerre n'a pas permis aux Perses d'obtenir de réels succès. La victoire de
Callinicum elle-même n'a eu aucune suite décisive. Partout les armées impériales ont tenu et
aucune ville importante n'a été prise. Mais Kavadh avait tout de même montré au
gouvernement impérial que la paix ne pouvait être assurée en dehors d'un accord acceptable
par les deux parties. Or, les besoins en or de la monarchie sassanide étaient importants. La
prospérité de ses finances dépendait de la capacité du roi à s'imposer à sa noblesse.
Quoi qu'il en soit, le temps de la paix est venu. Khosro Ier est prêt à y consentir dès lors qu'il
ne s'agit pas d'une paix de défaite mais d'une paix dont il puisse se prévaloir auprès de sa
noblesse, car il lui faut avant tout consolider son pouvoir. Justinien lui envoie une délégation
de quatre ambassadeurs : Rufin, Alexandre, Thomas et Hermogène. Khosro propose
d'accorder à l'Empire une paix de cent dix ans, à condition que le commandant de l'armée de
Mésopotamie ne réside ni à Dara ni dans ses environs mais à Constantine, qu'on leur remette
les forteresses de Pharange et de Bole en Lazique et qu'on lui verse un tribut de 100 livres
d'or. Les ambassadeurs acceptent ces conditions, à l'exception des forteresses du Lazique pour
lesquelles ils souhaitent solliciter l'avis de l'empereur.
Entre-temps, Khosro masse une armée aux environs de Nisibe et la tient prête pour une
éventuelle reprise de la guerre. Avec l'acceptation de Justinien, pour éviter la reprise
immédiate de la guerre, Rufin permet, en contrepartie, d'obtenir satisfaction pour ses
demandes et, en plus, une somme d'argent importante.
Hermogène et Rufin concluent alors une « paix éternelle ». Justinien verse en une seule fois
un tribut de 11 000 livres d'or équivalant à vingt annuités, soit 72 000 pièces d'or. Les deux
empires se restituent mutuellement les places qu'ils ont prises en Lazique. Justinien, de son
côté, reconnaît la suzeraineté du roi perse sur l'Ibérie. Tout le contentieux entre les deux
empires ayant été réglé à leur mutuel consentement, la paix paraît reposer sur des bases solide.
Avant d'avoir été conquise par Genséric et occupée par le peuple vandale, l'Afrique du Nord
était une des régions les plus densément peuplées et les plus riches de l'Empire. Rome
dépendait encore de ses exportations en blé, en olives et en huile pour son ravitaillement. En
dépit des dissensions qui avaient opposé les donatistes aux catholiques, son Église occupait,
dans la société, une position hégémonique qui tenait à l'origine sociale de ses évêques, à
l'étendue de ses possessions foncières et au rayonnement que lui procurait une lignée de
penseurs dont Saint Augustin était à la fois le plus récent et le plus brillant.
Le royaume Vandale apparait comme la menace la plus dangereuse. L’empereur craint que la
flotte vandale ne perturbe plus tard ses opérations militaires en Italie, et les liaisons
commerciales. Outre cet aspect il y a une raison plus politique: Hildéric, roi des Vandales
vient d’être renversé par Gélimer. Hildéric était le représentant de la tendance pro-byzantine,
et favorable à un rapprochement. Ses divisions internes récentes rende le royaume vulnérable
et les catholiques persécutés par le roi appellent de leurs vœux une intervention impériale. Ce
sont ces faits qui déterminent Justinien à en faire le premier objectif de sa politique
d'expansion.
Aussi Bélisaire à la tête d’une forte armée pour l’époque, sans doute 18 000 hommes,
débarque entre Sfax et Sousse en 533. La bataille de l’Ad Decimum en 533, puis le 15
septembre 533 la prise de Carthage et du roi Gélimer sonnent le glas du royaume fondé par
Genséric. Dans la foulée les armées byzantines s’emparent de la Corse, de la Sicile et de la
Sardaigne.
Dès que la décision d'entrer en guerre est prise, Justinien agit avec une extraordinaire
promptitude. La paix avec la Perse est signée en septembre 532. Dès juin 533, la flotte
byzantine quitte le port de Constantinople pour l'Afrique. En fait, aucune expédition militaire
de cette importance n'a encore été entreprise, par mer, pour atteindre un objectif aussi éloigné
et débarquer une armée aussi nombreuse dans un territoire où rien n'a été préparé à l'avance,
sur l'état duquel on ne dispose d'aucun renseignement précis et sans qu'aucun groupe restreint
de militaires ni de civils l'attende sur place pour l'aider à s'installer et à affronter les premiers
dangers.
Après l'avoir rappelé du front oriental, dans des conditions évoquant celles d'une disgrâce,
Justinien nomme Bélisaire maître des Milices d'Orient mais le dispense d'en exercer la charge,
pour lui confier le commandement de l'expédition comme généralissime investi de pouvoirs
spéciaux. Il a pour adjoint principale Solomon, qui est originaire des confins orientaux de
l'Empire. Les effectifs du corps expéditionnaire se montent à 15 000 hommes, 10000
fantassins et 5 000 cavaliers, auxquels il convient d'ajouter probablement ses bucellaires.
Cette armée est constituée en partie de soldats de l'armée de campagne, en partie de fédérés
mais, comme le remarque Procope de Césarée, ces fédérés ne sont pas nécessairement des
étrangers. Ils n'en forment pas moins deux groupes séparés au sein du corps expéditionnaire.
Les fantassins de l'armée « régulière » sont commandés par Théodoros, les cavaliers par le
Thrace Rouphinos et le Massagète Aïgan qui appartiennent l'un et l'autre à la « maison de
Bélisaire », c'est-à-dire en fait à ses bucellaires. Les fédérés sont sous les ordres du maître des
Milices d'Arménie, Dorothé. Quel que soit le corps auquel ces soldats appartiennent, l'armée
qu'ils forment est le produit d'un mélange, du moins au niveau des officiers supérieurs. Aïgan
est d'origine hunnique. La plupart des autres sont originaires de Thrace. On distingue parmi
eux 400 Hérules commandés par Pharas, qui a joué un rôle important à la bataille de Dara, et
600 Huns, tous archers à cheval, commandés par Sinnion et Balas. À en croire Procope de
Césarée, il s'agissait d'une armée composée de corps d'élite aux compétences éprouvées. Si
nombreux qu'il fût, s'agissant d'une armée embarquée, ce contingent était bien inférieur en
nombre à l'armée vandale, laquelle jouissait d'une excellente réputation.
Pour transporter cette armée, Justinien a rassemblé une flotte de 500 navires marchands et de
92 navires de guerre. Les navires marchands sont manœuvrés par 30 000 marins. Les navires
de guerre ou drômoi sont des navires allongés, conçus et équipés pour la guerre, connus pour
leur rapidité et embarquant 2000 hommes faisant fonction à la fois de rameurs et de soldats.
La flotte appareille en juin 533, du port Julien, en contrebas du Palais impérial. L'expédition
se poursuit sans encombre jusqu'à la Sicile, et se poursuit en direction de la côte africaine,
pour arriver au cap Vada ou « cap des Bas-fonds », l'actuel Ras Kaboudian. Bélisaire fait
débarquer immédiatement toute l'armée, cavaliers, fantassins, et matériel militaire pour
progresser avec prudence en direction de Carthage. Entre-temps, Gélimer a été informé de
l'arrivée de Bélisaire et de l'armée romaine et rassemble tous les Vandales et se poster à 15 km
de Carthage, près de l'Ad Decimum, dans le défilé qu'emprunte la route menant à la capitale.
L'armée arrive en trois jours à l'Ad Decimum, le 12 septembre, sans savoir que l'armée
vandale se trouve dans les environs. La bataille décisive aura lieu le lendemain 13 septembre
533. Comme le remarque Procope, Gélimer perd l'occasion qui devait lui donnée de vaincre
les Romains, quand Bélisaire survient à la tête de son armée en formation de combat les
Vandales prennent la fuite mais, au lieu de chercher un refuge en Byzacène ou à Carthage, ils
se dirigent vers la Numidie. La route de Carthage est ouvert. Le 15 septembre 533, Bélisaire
entre dans Carthage à la tête de toute son armée en formation de combat.
Bélisaire, toutefois, ne cède pas à l'euphorie d'une victoire encore incomplète. Gélimer est
libre de ses mouvements. À la Bataille de Tricaméron le 15 décembre 533, Bélisaire, estimant
que la réfection de l'enceinte de Carthage est terminée , fait sortir sa cavalerie et l'infanterie de
Jean l'Arménien et sa propre garde. Les Vandales les attendent près de Tricaméron, à environ
25 km de Carthage, Gélimer a décider de jouer son sort dans une bataille décisive. Après des
escarmouches qui confirment l'infériorité des Vandales dans le corps à corps : Tzazon frère de
Gélimer est tué, celui-ci s'enfuit discrètement , dès le début de l'attaque, vers la Numidie.
Trois mois s'étaient écoulés depuis la prise de Carthage et il ne restait plus rien de la
puissance vandale qui s'était imposée dans tout le bassin occidental de la Méditerranée
pendant plusieurs décennies, inspirant la terreur à tous les riverains et à l'Empire d'Orient tant
de crainte.
L’assassinat, par son mari Théodat, de la fille de Théodoric Ier le Grand, la reine Amalasonte,
est le prétexte évoqué par Justinien pour envahir l’Italie en 535. Deux armées prennent en
tenaille les armées des Ostrogoths, l’une venant de Dalmatie, l’autre de Sicile, sous la
direction de l’indispensable Bélisaire. Celui-ci s’empare de Naples, puis occupe Rome le 10
décembre 536, et enfin Ravenne en 540, malgré la résistance opiniâtre du nouveau roi Vitigés.
Ce dernier est fait prisonnier, et est envoyé à Constantinople, où Justinien le traite avec
honneur. Mais l’empereur commet l’erreur, en 540, de disgracier Bélisaire, dont il craint
visiblement la popularité, et qu’il avait déjà tenté de contrôler en lui envoyant Narsès comme
second, vers 538. L’échec cuisant de cette tentative avait abouti au rappel de Narsès un an
plus tard.
En 540, le rappel de Bélisaire dans la capitale, où il se voit confier des missions plus
honorifiques que de réels commandements, correspond aussi à une nouvelle offensive de la
Perse dans le Caucase et en Syrie. La paix n’est définitivement signée qu’en 562, et aboutit à
une progression de l’influence byzantine en Arménie et dans le Caucase. Toujours en 540, la
capitale est menacée par les Bulgares dont Justinien ne se débarrasse qu’en lançant contre eux
les Avars, qui vont s’établir dans la vallée du Danube. Ces difficultés permettent aux
Ostrogoths, dirigés par Totila, de reprendre l’offensive, et de vaincre à deux reprises les
Byzantins (Faenza, puis Mugillo en Italie centrale). La ville de Naples est reprise en 543,
celle de Rome le 17 décembre 546.
Il faut attendre l’arrivée de Narsès, en 552, pour voir la situation tourner à l’avantage des
troupes de Justinien. Narsès, seul commandant en chef cette fois, et pourvu d’une forte armée,
se révèle un excellent chef de guerre et inflige aux Ostrogoths la défaite de Taginae (552) en
Ombrie, où Totila est tué. Les dernières résistances sont balayées en 553 au mont Lactarus,
près du Vésuve, où leur dernier roi, Téias est tué. En 555 Narsès écrase une invasion
alamanne près de Capoue. L’Italie est redevenue romaine, mais au prix de la ruine de la
péninsule.
Profitant de l’appel à l’aide du roi wisigoth Athanagild, en lutte contre un compétiteur, Agila
Ier, Justinien se fait céder pour prix de son soutien l’ancienne province de Bétique (l’actuelle
Andalousie) en 554, et impose la suzeraineté byzantine au royaume des Wisigoths.
Justinien est le dernier empereur à avoir tenté de réunir les deux parties de l’ancien Empire
romain. Ses successeurs, s’ils ne renonceront pas au titre, prennent acte de la séparation
définitive entre l’Orient et l’Occident.
Illustration pour les Institutiones Imperiales. Justinien trône au centre de la gravure (XVIe
siècle)
À son accession au pouvoir Justinien trouve une situation économique et financière saine
grâce à la sage politique suivie par ses prédécesseur tels Anastase Ier. Cela lui laisse les mains
libres afin d’appliquer son programme de restauration et d’unification du monde romain. Dès
le début de son règne il s’applique à une grande réforme juridique.
Diverses commissions, dirigées par le juriste Tribonien, compétent mais détesté pour sa
vénalité, sont chargées de remettre de l’ordre dans l’ensemble des constitutions impériales
publiées depuis Hadrien. Cette réorganisation, le Corpus Juris Civilis, est ce que nous
appelons le Code Justinien (529) écrit en latin, la langue vernaculaire de l’Empire romain, qui
n’était pas compris par la plupart des citoyens de l’empire d’Orient. Une seconde version, le
Codex retitae praelectionis, la seule que nous ayons, celle de 529 étant perdue, est publiée en
534. En 529, Justinien ferme l'école néoplatonicienne d'Athènes, alors dirigée par Damascios
le Diadoque, et qui prolongeait l'illustre Académie de Platon, close avec Sylla en 86 av. J.-C.
[2]
: sept philosophes (Damascius le Diadoque, Simplicios de Cilicie, Priscien de Lydie,
Eulamios de Phrygie, Hermias de Phénicie, Diogène de Phénicie, Isidore de Gaza) durent se
réfugier chez le roi de Perse, Khosrô Ier, et revinrent en 533.
En 533 est publiée aussi le Digeste (ou Pandectes), qui correspond à une modernisation de
toute la législation antique ainsi qu’à une synthèse de la jurisprudence antique. À cela s’ajoute
un manuel pour enseigner le droit, les Institutes (533). Enfin les lois nouvelles, voulues par
Justinien, les Novelles, sont écrites en grec, la langue véhiculaire de l’empire, après 534. Cette
œuvre législative prend une importance fondamentale en Occident car c’est sous cette forme
reçue de Justinien que l’Occident médiéval, à partir du XIIe siècle adopte le droit romain.
Justinien entreprend aussi de nombreuses réformes administratives, contenues surtout dans les
grandes Novelles de la période 535-536. Leur objectif est essentiellement de renforcer le
pouvoir de l’empereur en démembrant les grands offices, de lutter contre l’inquiétant
développement de la grande propriété foncière ainsi que contre la corruption endémique des
fonctionnaires impériaux. Aussi, souvent pour des raisons fiscales, Justinien regroupe diverses
provinces, considérées de taille insuffisante et, afin de simplifier l’administration locale,
supprime un certain nombre de diocèses et regroupe parfois, comme en Égypte agitée par des
troubles réguliers, les pouvoirs civils et militaires entre les mains de commandants militaires.
Politique religieuse
Justinien fut un des premiers empereurs à être représenté avec une croix sur la face d’une
pièce
Justinien se conçoit comme l'élu de Dieu, son représentant et son vicaire sur la terre. Il se
donne pour tâche d’être le champion de l’orthodoxie dans ses guerres ou dans le grand effort
qu’il fait pour propager la foi orthodoxe, soit dans la façon dont il domine l’Église et combat
l’hérésie.Il veut gouverner l’Église en maître, et, en échange de la protection et des faveurs
dont il la comble, il lui impose sa volonté, se proclamant nettement empereur et
prêtre.L’action législative de Justinien s’inscrit donc dans la durée, avec une attention toute
particulière pour l’Église. En effet, l’empereur est un chrétien sincère et il s’estime, dans la
tradition de césaropapisme héritée de Constantin Ier, le dirigeant suprême de l’Église. Le
christianisme est, d’un point de vue institutionnel et juridique, religion d’État. C’est en cela
qu’il règle avec une minutie pointilleuse les conditions de recrutement des membres du
clergé, leurs statuts, l’organisation de l’administration des biens ecclésiastiques. C’est lui qui
légalise le contrôle des évêques sur les autorités civiles locales, ce qui a comme curieuse
conséquence d’atténuer les excès centralisateurs de nombre de ses décisions. En effet, les
notables provinciaux qui participent aux élections épiscopales, peuvent ainsi exprimer leur
avis, et contrôler en partie l’emploi de certains fonds publics.
Justinien est confronté aux dernières résurgences du paganisme, contre lequel il agit avec
vigueur. C’est ainsi qu’il met fin à l’Académie de Platon à Athènes, alors présidée par
Damase, et interdit l’adoration des dieux païens, en particulier dans certaines régions reculée
de l’Anatolie. Il persécute les Juifs bien que la contrainte employée ne suscite guère de
conversions.
C’est aux dissensions internes des Églises chrétiennes que Justinien tente de mettre fin pour
maintenir la cohésion de l’Empire. C’est pourquoi il tente un rapprochement avec les
monophysites, nombreux dans la partie orientale de l’empire (en Syrie et en Égypte), d’autant
que les convictions religieuses de Théodora sont notoirement proches des leurs.
L’impératrice, en 537, n’hésite pas à ordonner à Bélisaire, qui combat alors en Italie, de
s’emparer du pape Silvère, pour le remplacer par Vigile, réputé moins intransigeant envers ce
que la papauté considère comme hérésie. Cependant, Justinien doit aussi composer avec les
divers papes dont il a besoin dans son entreprise de reconquête de l’Italie.
Cette politique de bascule s’illustre dans l’affaire dite des Trois Chapitres: sous l'accusation
de nestorianisme, Justinien fait condamner la mémoire de trois théologiens détestés par les
monophysites, (Théodore de Mopsueste, Ibas d’Édesse et Théodoret de Cyr), dans l’espoir de
les rallier à l’Église officielle. Le Ve concile œcuménique de 553 qui officialise cette
condamnation, voit ses décrets fort mal accueillis en Occident, surtout par le pape Vigile que
Justinien fait enlever afin de le contraindre à accepter les Trois Chapitres, sans pour autant
rallier les monophysites.
Pour ses actions, Justinien est considéré comme saint par l'Église orthodoxe. Il est fêté le 2
août ou le 14 novembre ou le 15 novembre avec son épouse Théodora.
La vie culturelle est intense sous Justinien et profondément marquée par la personnalité et les
préoccupations de l’empereur. On retrouve chez l’historien Procope de Césarée, qui écrit
l’histoire du règne de Justinien, cette recherche de la grandeur romaine qui anime le couple
impérial (dont pourtant il médit beaucoup). Les hymnes (poésies religieuses) de Romanos le
Mélode (Romain le Mélode) sont un écho fidèle de la foi chrétienne profonde,
quoiqu’intolérante, de Justinien et Théodora. Il fait reconstruire Antioche, sous le nom de
Théopolis, après sa destruction par un terrible tremblement de terre en 526, et son pillage par
les Perses en 538.
Le bâtisseur
Un de ses derniers actes législatifs concerna la date de Noël : il la fixa au 25 décembre alors
qu'à Jérusalem et dans les pays voisins on célébrait la naissance du Christ le 6 janvier.
C'est sans doute à la dernière année de son règne que Corippe fait allusion en constatant que
« le vieillard ne se souciait plus de rien ; déjà tout glacé, il ne brûlait plus que de l'amour de
l'autre vie ; c'était vers le ciel que tout son esprit était tourné ; déjà oublieux de ce corps, il
pensait que la figure de ce monde était passée ». Le même auteur soutient qu'« il avait épuisé
les avantage du fisc jusqu'à le vider ».
Justinien et Théodora sont représentés dans leurs ornements impériaux, avec les dignitaires de
leur cour, par deux fameux panneaux de mosaïque visibles dans la basilique San Vitale à
Ravenne.
L'héritage culturel
Héritage linguistique, le bilinguisme est un phénomène courant en Orient depuis les premiers
temps du christianisme. A l'araméen s'est ajouté le grec. Puis l'arabe a pris sa place dans cette
culture universelle, à partir du moment où l'Empire byzantin s'est rétréci. La langue
araméenne avait été assez forte pour tenir, durant de longs siècles, le rôle de langue
internationale en Orient. Après avoir fait disparaître l'assyrien, le perse ancien, l'hébreu et les
dialectes cananéens dans le parler populaire, elle triomphe à Palmyre (tarif douanier
découvert, daté de 156) et à Édesse (chrétienne), où la masse araméenne est commandée par
une aristocratie arabe. L'araméen sert de langue écrite aux Nabatéens arabe et aux habitants
des oasis du Hidjâz, dans la péninsule arabique. L'écriture arabe sort de l'écriture cursive
nabatéenne, à partir d'une transformation amorcée au IIe siècle après Jésus-Christ. Les princes
d'Édesse, considérés comme des Arabes par les Romains, ont des noms arabes, nabatéens ou
Parthes. Ils règnent pendant trois cent cinquante-deux ans. L'araméen occidental devint la
langue courante en Palestine au temps de Jésus de Nazareth.
- Les chrétiens de Palestine, écrit Karl Brockelmann, comme tous leurs coreligionnaires
araméens, sont, depuis le IIIe siècle, dans l'entière dépendance du centre intellectuel
d'Édesse, et par suite se servent longtemps des traductions de la Bible qui en proviennent.
Seules les discussions christologiques (Christologie), qui divisent aussi le christianisme
oriental, font cesser cette dépendance. Les Palestiniens sont « melkite » (le mot vient de
malik, « roi ») et partisans des propositions du Concile de Chalcédoine, acceptées par
l'empereur de Byzance ; comme tels ils rompent avec l'Église syriaque orthodoxe et les
Nestoriens de l'Est, et se créent, depuis environ le VIe siècle, une littérature originale .
L'Empire byzantin est, pour sa période médiévale, officiellement de langue grecque. Byzance
recueille ainsi l'héritage culturel de l'Antiquité grecque et oublie l'héritage des lettres latines,
qu'elle n'a d'ailleurs jamais vraiment approfondies. La question de la langue pose ainsi la
question de l'identité de Byzance : est-ce un État grec ou bien un Empire romain « d'Orient » ?
Les étrangers, occidentaux et orientaux, la désignent comme un État grec. À Byzance même,
le grec est exalté comme le vecteur de la diffusion du christianisme dans l'Empire, dans la
mesure où le Nouveau Testament a bien été rédigé en grec. Pour autant, l'Empire ne s'identifie
pas à un État grec, tout d'abord parce que la réalité de l'Empire, à partir des invasions du VIIe
siècle, est celle d'un milieu oriental multilingue où les minorités slave, arménienne et même
syriaque occupent, selon les régions et même à Constantinople, une place importante. Par
ailleurs, les Byzantins se considèrent comme dépositaires d'une mission universelle et
providentielle, confiée par Dieu à l'Empire romain christianisé, et plus largement comme le
nouveau peuple élu. La langue grecque est ainsi perçue, d'une manière universaliste voire
« impérialiste », comme la langue de la vraie religion « orthodoxe » et de l'Empire romain,
destinés à recouvrir toute l'humanité. En théorie comme en pratique, la langue grecque
représente donc une parfaite synthèse de l'identité byzantine, à la fois chrétienne et romaine.
Justin II
Justin II
Justin II (latin : Flavius Iustinus Iunior Augustus) (520 † 5 octobre 578) est empereur
byzantin du 13 novembre 565 à sa mort le 5 octobre 578. Il est le neveu de Justinien Ier et son
successeur, celui-ci n'ayant pas de fils. Il accède au trône à la mort de son oncle, désigné par
celui-ci sur son lit de mort, en 565. Il épouse une nièce de l'impératrice Théodora, Sophie, à
qui il abandonne rapidement la réalité du pouvoir.
L’Empire est épuisé militairement et financièrement par les efforts de restauration de l’empire
romain entrepris sous le règne précédent et le nouvel empereur ne se montre guère à la
hauteur de sa tâche. Sur la demande pressante de Sophie, il rappelle Narsès d’Italie en 567 au
moment où les Lombards, sous la direction d’Alboïn, pénètrent dans la péninsule et
s’emparent d'une partie des conquêtes justiniennes. C'est ainsi qu’en 568 ils prennent Pavie,
puis Spolète et Bénévent en 572. Cette même année est créé l’exarchat de Ravenne afin de
résister au plus près aux invasions lombardes.
Parallèlement, à partir de 568 les Avars envahissent la Dalmatie et l'Illyrie. Justin II se voit
obligé de signer avec eux un traité en 571 par lequel il s’engage à payer un fort tribut.
En Espagne les Wisigoths du roi Léovigilde reprennent Cordoue en 572. Enfin la Cappadoce
et la Syrie sont ravagées par des incursions perses. En effet en Orient, tandis que Justinien
achetait la paix aux frontières par le versement de tributs, Justin II adopte une diplomatie
ferme et reprend la guerre avec les Perses, en partie pour soutenir les Arméniens révoltés
contre le joug perse en 571. Il envoie donc le général Marcien, mais ce dernier échoue à
prendre Nisibe. Sophie le fait remplacer par son favori Acacius, mais les troupes grecques
dont défaites à plusieurs reprises. Justin perd Dara en Syrie en 573, et doit à nouveau payer un
tribut d’un montant de 45 000 pièces d’or aux Perses.
Atteint de troubles mentaux, sans descendant direct pour lui succéder, Justin II associe au
trône un militaire, le futur Tibère II, en 574 sur les conseils de Sophie.
Tibère II Constantin
Tibère II Constantin, (540 - 582), fut empereur byzantin de 578 à 582. Il appartient à la
dynastie justinienne.
Tibère parvient à s'immiscer au plus près du pouvoir par le truchement de Sophie, l'épouse de
Justin II, qui en fait son fils adoptif. Il est élevé au rang de César le 7 décembre 574 et
commence dès lors à exercer les fonctions exécutives de l'État en raison de la folie qui touche
l'empereur. Nommé auguste le 26 septembre 578, il devient son successeur le 6 octobre et
prend le nom de Constantin. Durant son court règne, Tibère II est d'une grande libéralité, il
accorde de généreuses baisses d'impôt qui aggravent les finances de l'empire mais lui valent
une grande popularité.
Sur le plan militaire il remporte des succès face aux Perses en Arménie, mais doit abandonner
Sirmium aux Avars en 581. De même il ne lui est pas possible d'empêcher les tribus Slaves de
pénétrer en Thessalie et en Thrace.
Il meurt (empoisonné ou d'une indigestion ?) le 14 août 582, quelques jours après avoir
désigné officiellement son gendre Maurice, époux de sa fille Constantina comme son
successeur, en lui accordant le titre de César.
Ses sujets, irrités par son austérité, son absence de faste et son dégoût pour les jeux,
acclamèrent le nouvel empereur, mais il ne leur fallut que quelques semaines pour regretter un
grand empereur qui s'était sacrifié pour eux. Maurice laissait un empire incomparablement
renforcé. Sa mort et l'extinction de sa dynastie provoqua l'invasion perse et la mutinerie d'une
partie de l'armée contre le tyrannique Phocas.
Le Strategikon
Maurice est connu pour être l'auteur de l'un des plus grands classiques de la pensée militaire,
le Strategikon, qui offre la première théorie sophistiquée de l'utilisation des armes combinées
jusqu'à la Seconde Guerre mondiale. Certains historiens pensent toutefois que le Strategikon
est l'œuvre de son frère ou de l'un des généraux de sa cour.
Union et postérité
Maurice avait épousé Constantina la fille de son prédécesseur Tibère II Constantin, petite-fille
d'Anicia, épouse de Magnus, fils de Probus et Anastasia, fille d'Anastase Ier Dikoros et
Aspidia. Par sa grand-mère maternelle, Constantina descend de Drusilla, épouse de Gaius
Julius Sohaemus, roi d'Emèse ; fille de Ptolémée de Maurétanie, fils de Juba II, roi de
Numidie et Cléopâtre Séléné II, fille de Cléopâtre VII reine d'Egypte et Marc Antoine.
• Théodose (4 août 583 - 27 novembre 602) associé au trône le 26 mars 590 épouse la
fille du patrice Germain.
• Tibère décapité le 27 novembre 602.
• Pierre décapité le 27 novembre 602.
• Paul décapité le 27 novembre 602.
• Justin décapité le 27 novembre 602.
• Justinien décapité le 27 novembre 602.
Les têtes de Maurice et de ses fils sont présentées à Phocas qui le fit exposer à l'Heddomon.
Quelques jours après le corps de Maurice est déposé à Saint-Mamas ainsi que ceux de son
épouse et de ses enfants et l'on grave sur leur tombeau une longue inscription.
Phocas
Flavius Phocas Auguste (né vers 547, mort le 5 octobre 610) fut empereur byzantin de 602 à
610.
Natif de Thrace, hellénophone de naissance, Phocas entre dans l'histoire en 600, alors qu'il
n'est qu'un simple centurion. Les Avars avaient fait près de 13 000 prisonniers et leur khan
exigeait une modeste rançon pour chaque captif. L'empereur Maurice, parcimonieux à l'excès,
refusa et les prisonniers furent tués. Une délégation fut envoyée à Constantinople mais
n'obtint rien de plus. Phocas, qui en faisait partie, fut giflé et humilié.
Pendant l'hiver 601-602, une famine fit rage à Constantinople et provoqua des émeutes que
l'empereur Maurice eut le plus grand mal à réprimer. L'empereur était si impopulaire qu'il
était ouvertement brocardé dans les rues de la capitale et qu'il fut lapidé par la foule pendant
une procession. L'été suivant, il envoya son frère Pierre à la tête d'une armée pour combattre
les Slaves au nord du Danube; pour économiser des vivres, il ordonna à Pierre de faire
hiverner ses troupes là où elles se trouvaient en tirant leur subsistance du pays. Mais le
mauvais temps et la froidure s'installèrent dès l'automne et les soldats s'insurgèrent de devoir
rester dans une contrée si inhospitalière; Pierre ayant refusé de changer les ordres, les troupes
se mutinèrent, mirent Phocas à leur tête, et le prince-général dut s'enfuir vers Constantinople,
poursuivi par les mutins.
Arrivés près de la capitale, ceux-ci, excluant le maintien sur le trône de Maurice, proposèrent
de le remplacer par Théodosius, son fils aîné, qui refusa. Ils se tournèrent alors vers
Germanus, ancien co-héritier avec Maurice sous le règne de Tibère II, et beau-père de
Théodosius; celui-ci, déjà soupçonné par Maurice de cultiver sa popularité auprès de la
populace de Constantinople, semble avoir envisagé d'accepter; menacé d'arrestation, il
chercha asile à Sainte-Sophie; comme les gardes de l'empereur tentaient de l'en extraire, une
émeute éclata, paroxysme de la situation explosive qui régnait depuis plusieurs mois dans la
ville. Maurice, sa famille et ses fidèles durent s'embarquer pour se réfugier sur l'autre rive du
Bosphore. Cependant, dans la capitale, parmi les émeutiers, la faction des Verts (voir factions
(Byzance)) s'opposa violemment à la proclamation de Germanus comme empereur: c'était un
fervent partisan des Bleus. Finalement, dès l'entrée de Phocas dans la ville à la tête de ses
troupes, le 23 novembre 602, il fut proclamé et couronné empereur, âgé d'environ cinquante-
cinq ans.
Phocas ne fut reconnu ni par le général de l'armée d'Orient, Narsès, ni par le roi des Perses,
Chosroès II: celui-ci avait été accueilli comme hôte par Maurice et aidé par l'ex-empereur à
reconquérir son trône, et c'est Narsès qui l'avait raccompagné dans sa capitale (en 591).
L'ambassadeur envoyé par Phocas à Chosroès pour lui annoncer son avènement fut jeté en
prison; Narsès prétendit avoir sous sa garde le fils aîné de Maurice, Théodosius, et invita
Chosroès à se joindre à lui pour mettre sur le trône l'héritier légitime. Cependant la majorité
de l'armée d'Orient se rallia à Phocas. Les Perses entrèrent sur le territoire de l'Empire,
défirent une première fois les troupes byzantines et assiégèrent Dara, principale forteresse
impériale sur la frontière (604).
Phocas réagit énergiquement: ayant conclu un traité avec les Avars dans les Balkans et avec
les Lombards en Italie, moyennant le paiement de lourds tributs, il constitua une grande armée
sous le commandement de l'eunuque Léontius et l'envoya en Orient. Mais les Slaves,
inorganisés et incontrôlables, ignorant le traité signé par les Avars, en profitèrent pour envahir
à nouveau les Balkans et assiéger Thessalonique. En Orient, Chosroès était arrivé lui-même
avec une armée et celle de Léontius fut lourdement défaite; les nombreux prisonniers
byzantins furent massacrés par les Perses. Le prétendu Théodosius rejoignit Chosroès, et
beaucoup, jusqu'à Constantinople, pensaient qu'il ne mentait pas sur son identité.
Ces défaites affaiblirent de plus en plus l'autorité de Phocas, qui tenta de conforter sa position
en mariant sa fille Domentia au comte des Excubiteurs Priscus, promis à la succession
puisque l'empereur n'avait pas de fils. Mais en 608 la peste fit son retour à Constantinople, et
la famine causée par de mauvaises récoltes sévit également. C'est alors qu'Héraclius l'Ancien,
exarque de Carthage, se déclara rebelle, peut-être avec la complicité de Priscus avec qui il
aurait secrètement correspondu: pendant l'été 608, il envoya son neveu Nicétas s'emparer par
surprise d'Alexandrie et de la Basse-Egypte. Les provinces d'Egypte et d'Afrique fournissant
presque tout le ravitaillement en grain de Constantinople, les rebelles étaient en situation
d'obtenir rapidement le renversement de Phocas.
En Egypte, Bonosus était d'abord parvenu à enfermer Nicétas dans Alexandrie, mais le neveu
d'Héraclius retourna finalement la situation, et à la fin de l'année 609 Bonosus avait dû se
retirer d'Egypte. Nicétas renvoya alors une partie de ses troupes à Carthage, où son cousin
Héraclius le Jeune, fils de l'exarque, montait une expédition maritime pour attaquer
directement la capitale.
A ce point des événements, l'autorité de Phocas était déjà complètement ruinée: la déroute
face aux Perses, arrivés devant Constantinople, les Balkans livrés aux Slaves, la sécession de
la moitié de l'Empire, la famine, la peste... tout le discréditait. Le chaos s'installait dans les
villes; les cités syriennes étaient fortement troublées par des affrontements violents entre
Chrétiens orthodoxes, monophysites et Juifs; à Thessalonique, menacée par les Slaves,
c'étaient les factions du cirque qui s'affrontaient dans les rues; l'empereur était ouvertement
insulté et méprisé dans la capitale, où les Verts et les Bleus se battaient également, et les
vaines tentatives de répression du souverain déchu ne faisaient qu'envenimer les choses. Au
cours de l'année 610, la partie de la Syrie non encore envahie par les Perses et l'île de Chypre
passèrent à la rebellion, et tandis qu'Héraclius le Jeune cinglait avec sa flotte vers
Constantinople, un mouvement se fit dans plusieurs provinces pour le rejoindre et le soutenir.
En septembre 610, la flotte franchit l'Hellespont; le 3 octobre, elle arriva devant la capitale.
Dans la ville régnait l'anarchie: la faction des Verts livra à Héraclius le port qu'elle gardait; le
gouverneur Bonosus, qui avait rejoint la capitale, fut lynché par des émeutiers; puis ce fut le
tour de Domentiolus, frère de l'empereur (et père du général homonyme). Priscus, le comte
des Excubiteurs, se rallia rapidement à Héraclius. Le 5 octobre, Phocas fut capturé par un
groupe d'hommes à l'intérieur du palais impérial, dans l'église palatiale de l'Archange où il
s'était réfugié, et emmené complètement nu jusque sur le navire d'Héraclius. "Est-ce ainsi,
misérable, que tu as gouverné l'Etat?" lui lança ce dernier. "Nul doute que tu feras mieux", lui
répondit-il. Puis Phocas fut mis à mort sur le navire même; on lui coupa la main droite, puis la
tête, et ces parties de son corps furent portées en trophées à travers la ville; le reste de son
cadavre, dit-on, fut écorché, et finalement ses restes furent jetés dans un four qui se trouvait
sur le Forum du Boeuf. Plusieurs fonctionnaires qui avaient servi sous lui connurent le même
jour un sort comparable.
En matière religieuse, Phocas fut un allié proche de la papauté, qu'il couvrit de ses faveurs et
qui lui témoigna en retour son appui total. Le pape Grégoire Ier (590-604), en délicatesse avec
Maurice, accueillit son avènement par une lettre de félicitation dont le ton enthousiaste
(Laetentur caeli, exsultet terra, etc.), mis en regard avec le meurtre de Maurice et de ses fils,
lui a été beaucoup reproché. Phocas reconnut officiellement la primauté universelle de
l'évêque de Rome et interdit au patriarche de Constantinople de porter le titre de "patriarche
oecuménique"; ces décisions ne firent pas peu pour lui attirer l'hostilité de l'Eglise grecque.
Ferme partisan du symbole de Chalcédoine, défendu notamment par les papes, il persécuta les
monophysites. Il offrit à la papauté l'ancien Panthéon de Rome, qui devint l'église Sainte-
Marie-aux-Martyrs. En remerciement, la Colonne de Phocas fut érigée en 608 sur le Forum
Romanum. Il était en général fort dévot, chose habituelle à l'époque, et consultait notamment
le célèbre ascète Théodore de Sykéon.
Il est l'un des protagonistes d'une pièce de Pierre Corneille, Héraclius (1647).
Héraclius
Héraclius Ier (en latin Flavius Heraclius) ou Hérakleios (en grec ancien Ηράκλειος) (né vers
575, règne de 610 à 641) fut empereur byzantin, d'origine arménienne et le fondateur de la
dynastie des Héraclides.
Le début de règne
Héraclius est le fils du patrice Héraclius, exarque d'Afrique. Il naît vers 575 en Cappadoce. Le
règne d’Héraclius débute en réaction au despotisme de Phocas et à son incapacité à s’opposer
à l’avancée des Perses Sassanides. En 608, Héraclius part de Carthage en direction de
Thessalonique puis arrive à Constantinople en 610 à la tête d’une puissante flotte pour
renverser Phocas. Entre-temps, il s’est assuré du soutien populaire de la capitale. Le 5
octobre, Phocas est arrêté et emmené devant lui, il le fait exécuter sur le champ. Le même
jour, il se marie et est couronné empereur.
De 623 à 628, son armée avance profondément en territoire perse dans une campagne
militaire ininterrompue, adoptant ainsi une attitude résolument offensive. Son courage lui
valut l’admiration même de ses ennemis. Il remporte une victoire décisive à la bataille de
Ninive contre l’armée perse en 627. Par ailleurs, Héraclius est le premier empereur byzantin à
s’allier avec les Bulgares de Koubrat.Cette alliance restera un des piliers de la diplomatie
byzantine.
La croisade d’Héraclius
En 614, les Perses prennent Jérusalem. Ils s’emparent de la Sainte Croix et brûlent l’église du
Saint-Sépulcre. Après sa victoire sur la Perse, Héraclius ramène en 630 la Sainte Croix, en la
portant lui-même le long de la Via Dolorosa, jusqu’à l’église du Saint-Sépulcre qui a été
reconstruite.
Atteint d'hydropisie qui l'avait rendu d'une obésité monstrueuse, Héraclius meurt le 11 février
641.
Succession
Héraclius avait associé au trône son fils ainé Constantin, né d'un premier mariage. Devenu
veuf, il épousa sa nièce Martina. En 638, sur l'insistance de celle-ci, il associa également au
trône Héraclonas, le fils qu'elle lui avait donné.
Constantin III est brièvement empereur byzantin de février à mai 641. Fils d'Héraclius et de
sa première femme, l'impératrice Fabia Eudocia, né le 3 mai 612, il est couronné dès le 22
janvier 613, mais monte finalement sur le trône avec son demi-frère Héraclonas, fils de
l'impératrice Martine, seconde épouse d'Héraclius, lequel a été couronné en 638. Agé de 29
ans tandis qu'Héraclonas n'en a que 15, il est l'empereur réellement en charge du
gouvernement, bien qu'étant d'ailleurs de santé très précaire.
Constantin meurt le 25 mai 641, après seulement quelques mois de règne, probablement des
suites d'une tuberculose chronique, mais Martine est accusée de l'avoir empoisonné afin que
son propre fils accapare le pouvoir. Constantin laisse deux fils, Héraclius (futur Constant II) et
Théodose, qui rallient très vite le soutien des ennemis de Martine et d'Héraclonas.
Constant II
Constant II, de son nom officiel Héraclius Constantin, (630-668), fils de Constantin III et de
Grégoria, est empereur byzantin de 641 à 668.
Début du règne
Initialement nommé Héraclius, il accède au trône impérial à l'âge de 11 ans, renommé
Constantin, et surnommé Constant, "petit Constantin", en l'honneur de son père récemment
disparu. Certains historiens font observer qu'il faudrait plutôt le nommer Constantin III, et son
père Constantin II. Plusieurs empereurs de cette dynastie portent les noms d'Héraclius et de
Constantin, ce qui entraîne parfois des difficultés d'identification.
Il est couronné à la faveur d'une sédition contre Martine, veuve d'Héraclius 1er, et son fils
Héraclonas, suspectés tous deux d'avoir fait périr Constantin III pour se réserver le pouvoir :
en septembre 641, Martine et Héraclonas sont renversés, mutilés et exilés par le général
Valentin, officier promu par Constantin III.
Ces années sont catastrophiques pour l'Empire, envahi par les Arabes musulmans: après la
Palestine et la Syrie, c'est au tour de l'Egypte, la province la plus riche et la plus peuplée,
d'être attaquée.
Dès novembre 641, Alexandrie tombe aux mains du général musulman `Amr, qui accorde aux
fidèles de l'Empire 11 mois pour quitter la ville. Malgré l'envoi, fin 645, du général Manuel
qui réoccupe Alexandrie pendant quelques mois, mais est finalement repoussé (bataille de
Nikiou, début 646), l'Egypte, comme la Palestine et la Syrie, passe définitivement aux
Musulmans.
Pendant ce temps, le gouverneur musulman de Syrie, Muawiya (futur calife Muawiya Ier),
lance une série d'attaques en Anatolie qui atteignent Amorium, aux deux tiers de la route de
Constantinople. En Italie, les Lombards tuent l'exarque byzantin Isaac et s'emparent de Gênes
(644). Incapable de défendre efficacement l'Empire, et ayant semble-t-il voulu s'emparer du
trône, Valentin est lynché par des émeutiers à l'automne 644.
Désormais, à 14 ans, maître du pouvoir, Constant montre vite de la détermination, mais reste
relativement impuissant du fait, entre autres, des divisions religieuses entraînées par la
querelle du monothélisme et de plusieurs révoltes. En 646, Grégoire, exarque de Carthage et
cousin de Constant, se proclame empereur; proche du moine Maxime le Confesseur, qui a
séjourné plusieurs années à Carthage, il se présente comme le défenseur de l'orthodoxie du
symbole de Chalcédoine contre le monothélisme; il est tué en 647 au cours d'une attaque des
Arabes contre sa province. Mais son successeur Gennadius, payant tribut aux Musulmans, fait
de la province d'Afrique une principauté quasi-indépendante de l'Empire.
L'édit de Constant
L'Ecthèse d'Héraclius et du patriarche Sergius faisait du monothélisme la doctrine officielle
depuis 638, en dépit de nombreuses oppositions dont celle de la papauté. En 647, le pape
Théodore Ier excommunie le patriarche œcuménique de Constantinople, Paul. En réaction,
Constant promulgue en 648 le Typos, ou "règle": l'Ecthèse est retirée de la basilique Sainte-
Sophie, mais le monothélisme n'est pas formellement renié, et toute discussion à ce sujet est
interdite aux évêques et aux théologiens sous peine de fouet et de bannissement.
Mais l'année suivante, en 649, le nouveau pape Martin Ier, élu sans l'aval du gouvernement
impérial, réunit un concile au Latran en présence du moine Maxime le Confesseur et lance
l'anathème contre à la fois le monothélisme et le Typos. L'exarque de Ravenne, Olympios, a
ordre d'arrêter le pape, mais il se range à ses côtés et se proclame empereur (650). Olympios,
cependant, meurt peu après de la peste.
En juin 653, Constant II parvient à faire arrêter le pape Martin Ier ainsi que le moine Maxime,
adversaires farouches du monothélisme, par un nouvel exarque, Théodore Calliopas. Traité
sans aucun ménagement, le pape est amené à Constantinople où il est accusé de complot
contre l'empereur (accusation politique et non religieuse) et condamné à mort par le sénat.
Après plusieurs semaines de captivité et un appel à la clémence du patriarche en sa faveur, sa
peine est commuée en bannissement ; il est déporté en Crimée où il meurt six mois plus tard.
Le moine Maxime, torturé et mutilé, meurt en 662, exilé en Lazique, à l'âge de 82 ans.
Par ailleurs, Constant accepta l'élection de papes qui n'étaient pas favorables au monothélisme
(Eugène Ier en 654, Vitalien en 657), du moment qu'ils ne militaient pas ouvertement contre
cette doctrine.
La tentation de l'Occident
Au début des années 650, les Musulmans, commandés principalement par Muawiya,
devinrent de plus en plus menaçants: non contents de leurs attaques terrestres en Asie
Mineure, ils s'étaient rapidement constitué une flotte qui mit bientôt fin à la domination
absolue que les Byzantins exerçaient sur la mer Méditerranée depuis plus d'un siècle. En 655,
la flotte byzantine, commandée personnellement par Constant, rencontra la flotte arabe au
large de Phoenix en Carie (la "bataille des mâts"). Malgré de lourdes pertes qui les
empêchèrent de pousser leur avantage, les Arabes en sortirent largement vainqueurs, et
Constant put tout juste se réfugier à Constantinople, déguisé en simple matelot.
Fort heureusement pour l'Empire, une guerre intestine éclata entre les Musulmans (assassinat
du calife Othman en 656), et toutes les attaques de ce côté furent interrompues pendant
quelques années. En 659, Muawiya accepta même de conclure un traité et de payer un
important tribut (1000 nomismata, un cheval et un esclave par jour) pour éviter que les
Byzantins ne tirent trop avantage du désordre grandissant dans le califat.
Constant profita de ces années de répit pour faire avancer la réorganisation de l'armée et de
l'administration de l'Empire: de cette époque semble dater la transformation des corps d'armée
appelés "thèmes" en véritables circonscriptions territoriales, qui devaient jouer un rôle très
important dans l'Empire byzantin pendant plusieurs siècles.
D'autre part, en 658, Constant mena une campagne victorieuse contre les Slaves implantés en
Thrace, la première de l'Empire depuis plus de 50 ans; il ramena beaucoup de prisonniers qu'il
établit en Asie Mineure. En 662, il quitta Constantinople pour une grande expédition vers
l'ouest, laissant l'impératrice Fausta et leurs trois fils dans la capitale. Il se rend d'abord par
mer à Thessalonique, puis par terre à Athènes et à Corinthe. Il passe ensuite en Italie, à
Tarente, avec son armée, et entreprend une campagne militaire contre les Lombards du duché
de Bénévent, de qui il obtient une soumission très formelle, sans chercher vraiment à
reconquérir l'Italie du sud. Il gagne ensuite Naples, puis Rome, où il est reçu avec pompe par
le pape Vitalien. C'est la seule apparition à Rome d'un empereur d'Orient depuis le IVe siècle
jusqu'à la fin du XIVe siècle.
Constant quitte Rome après un séjour de 12 jours en emportant une très grosse quantité de
bronze, arrachée aux monuments de la ville; ce "pillage" est probablement justifié par la
nécessité de payer ses troupes. Il gagne la Sicile en repassant par Naples, et s'installe à
Syracuse à l'automne 663. Désormais, il réside dans cette ville jusqu'à sa mort, ayant semble-
t-il décidé d'en faire la nouvelle capitale de l'Empire. Il tenta d'ailleurs d'y faire venir sa
femme et ses fils, mais le sénat et le peuple de Constantinople s'opposèrent à leur départ.
Pendant cette période, il parvint à faire chasser Gennadius d'Afrique et à reprendre le contrôle
d'une partie de cette province, mais Muawiya Ier, grâce à Gennadius qui s'était rallié à lui,
gagna du terrain dans le sud.
Il meurt le 15 juillet 668, à 38 ans, dans sa retraite occidentale, assassiné par un de ses
serviteurs qui le frappe pendant son bain avec le vase dont il se servait pour lui verser de l'eau
sur la tête. On ignore les mobiles exacts des conspirateurs, qui ensuite proclament empereur le
général arménien Mizizios.
Il laissait trois fils, tous trois couronnés, dont l'aîné fut l'empereur Constantin IV. Il avait eu
aussi un frère, Théodose, qu'il avait fait exécuter pour conspiration avant son départ définitif
de Constantinople (661).
Héraclonas
À la mort de son demi-frère Constantin III, Héraclonas est seul empereur du 25 mai à fin
septembre 641 avec sa mère Martine. Les deux sont mal vus comme femme incestueuse et
fruit d'un inceste. De plus, Constantin III s'était fait aimer, notamment parmi les soldats, en
distribuant de l'argent. Le peuple de la capitale, et une armée révoltée commandée par le
général Valentin, accusent Héraclonas et Martine d'avoir fait empoisonner Constantin et
exigent que l'on associe au trône le fils de Constantin III, le jeune Héraclius, renommé
Constant. Héraclonas et sa mère sont bientôt renversés par Valentin, qui fait couper la langue
de Martine et le nez d'Héraclonas et les exile à Rhodes. Héraclonas fut le premier prince
impérial byzantin qui eut le nez coupé, une mutilation souvent reproduite par la suite.
Constantin IV
Constantin IV
Constantin IV Pogonat (v.650- 685), c'est-à-dire "le Barbu", fils aîné de Constant II et de
l'impératrice Fausta, co-empereur à partir de 654 puis empereur byzantin de 668 à sa mort. De
son épouse, Anastasia, il eut deux fils, dont l'aîné devint l'empereur Justinien II.
Son père Constant II avait quitté Constantinople en 662, et après un passage en Grèce et une
visite à Rome, s'était installé en 663 à Syracuse où il souhaita faire venir sa famille; le sénat et
le peuple de Constantinople s'y opposèrent. Pendant cette période, Constantin fut investi de
l'autorité impériale dans la capitale, et dut faire face à la révolte de Saborius, général de
l'armée d'Orient qui s'était proclamé empereur avec l'appui des Musulmans. Saborius mourut
accidentellement.
Après l'assassinat de Constant II à Syracuse en 668, Constantin entama son règne personnel,
ses frères Héraclius et Tibère étant associés à l'Empire. Il dut d'abord se rendre en Sicile pour
mettre fin à l'usurpation de l'Arménien Mizizios, l'un des meurtriers de son père, mais celui-ci
avait déjà été renversé et tué quand il arriva. Parmi les dignitaires impliqués dans la révolte et
exécutés figurait un patrice nommé Justinien, peut-être cousin de l'empereur; son fils
Germanos, seulement castré, devint plus tard patriarche de Constantinople (Germain Ier, 715-
730).
Considéré comme un homme d'État avisé et un meneur d'hommes, Constantin IV lutta avec
fermeté contre les Arabes, qui harcelaient l'Empire depuis 663 (invasion de la province
d'Afrique et fondation de la forteresse musulmane de Kairouan, raid sur Syracuse,
affrontement dans toute l'Asie Mineure et prise de Cyzique et de Smyrne en 670, premier
siège de Constantinople par les Arabes, 674-678). Il les vainquit en 678 grâce à l'utilisation du
feu grégeois, inventé par le Syrien Callinicos et vendu à l'Empire, qui permit d'incendier la
flotte arabe. Un traité de paix de trente ans fut conclu avec le calife Muawiya Ier, qui s'engagea
à payer un tribut annuel. Ce fut historiquement le premier coup d'arrêt donné à l'expansion de
l'Islam.
Constantin IV échoua cependant en 681 face à une attaque des Bulgares, et il dut abandonner
une partie des Balkans et payer tribut à leur khan Asparoukh, qui installa sa capitale à Pliska.
Ce fut l'origine de l'Etat bulgare qui menaça ensuite Constantinople pendant plusieurs siècles.
Sous son règne eut lieu le troisième Concile de Constantinople, sixième oecuménique (680 -
681) : organisé à l'initiative personnelle de l'empereur qui négocia avec les papes Donus et
Agathon malgré l'opposition d'une partie du haut clergé grec, ce concile condamna le
monothélisme et réunifia la chrétienté. Ses deux frères ayant tenté d'imposer leur participation
au pouvoir en inspirant des révoltes (dont une où les révoltés prétendirent réclamer pour des
raisons religieuses une "trinité" impériale), Constantin finit par les démettre de leur titre
honorifique d'empereurs et par leur faire couper le nez. Ils furent présentés ainsi devant le
concile.
Justinien II
Justinien II (668-711), dit Rhinotmetus (« Nez coupé »), est empereur byzantin de 685 à 695,
puis de 705 à 711. Il est le fils de Constantin IV et le dernier représentant de la dynastie
héraclide.
Sa politique fiscale d'augmentation massive des impôts le rend impopulaire puis odieux à son
peuple, au point que de nombreux sujets Slaves d'Arménie passèrent à l'ennemi ; Justinien II
ordonne alors le massacre de toutes les familles slaves de Bithynie.
Le Quinisexte
En 691, il convoque un synode de 75 évêques orientaux pour régler les affaires laissées en
suspens par les conciles œcuméniques. Ce synode, connu sous le nom de Quinisexte, et doit
s'occuper de questions d'une importance insignifiante : obligation pour les ermites de se
couper les cheveux, pénitence de six ans infligée aux diseurs de bonne aventure, interdiction
faite aux femmes de danser, interdiction de porter les cheveux bouclés.
Il envoie à Rome une adresse au pape Serge Ier, lui ordonnant péremptoirement de souscrire
aux canons approuvés par ce synode. Comme plusieurs de ces canons étaient contraires aux
usages romains, le pape refuse, provoquant la colère de Justinien II, qui ordonne alors à
l'exarque de Ravenne, Zacharias, de procéder à l'arrestation du pape.
Déposition
L'échec de cette tentative d'arrestation accroit la colère de Justinien II, plus impopulaire que
jamais, tant pour ses défaites militaires que du fait des tortures que ses collecteurs d'impôt
infligeaient à l'aristocratie.
En 695, Justinien est renversé par une révolution menée par Léonce II. On lui coupe le nez
(rhinokopia), puis il est exilé à Kherson, en Crimée.
Ses ministres sont traînés dans les rues de Constantinople et brûlés vifs sur le Forum du Bœuf.
Il parvient à s'échapper de Crimée en 698 et trouve asile chez les Khazars, qui resteront par la
suite un allié fidèle de l'empire, et épouse la sœur du khan Ibuzir, baptisée sous le nom de
Théodora, qui lui donne un fils, Tibère (de son premier mariage avec Eudoxie, il avait eu un
fils qui ne lui survécut pas).
En 711, la Crimée se révolte et se choisit pour chef Philippicos. Celui-ci obtient l'allégeance
de la flotte envoyée par Justinien II qui est finalement arrêté et exécuté le 4 novembre, tandis
que son fils Tibère, âgé de 6 ans, est égorgé.
Léonce II
Léonce II fut le favori de Justinien II. Il prit sa place sur le trône en 695 mais fut renversé par
Tibère III en 698. Lorsque Justinien revint sur le trône en 705, il le fit assassiner dans la
prison où il se trouvait.
Originaire d'Isaurie, Léonce s'illustre comme général de l'Armée byzantine. Nommé stratège
du thème d'Anatolie par Constantin IV, il est envoyé par Justinien II en Géorgie et en
Arménie pour repousser les Arabes en 686. Ses succès militaires, souvent marqués par l'usage
de tactiques cruelles, ont contribué au renouvellement par le calife Abd al-Malik de traités
favorables à Byzance.
Il est emprisonné par Justinien II en 693 suite à une défaite. A sa libération, il renversera
Justinien II qu'il exilera à Chersonèsos. Durant son règne impopulaire, Léonce perdra
Carthage en 697, ce qui entrainera sa disgrâce dans le patriciat byzantin, qui le remplacera par
Tibère III en 698.
Tibère III
Tibère III Apsimar (parfois aussi désigné sous le nom de Tibère II, à ne pas confondre avec
Tibère II qui est alors dans cette même nomenclature Tibère I) est empereur byzantin de 698 à
705.
Comme son nom de baptême, Apsimar, l'indique, il est un noble d'origine gothique, iranienne
ou arménienne. En 697, il est drongaire des Cibyrrhéotes et accompagne Jean le Patrice dans
une expédition navale contre l'Afrique. Après la mort de ce dernier, il dépose l'empereur
Léonce II, qui lui-même avait renversé le basileus Justinien II Rhinotmède en 695.
Tibère III fait subir à Léonce le même supplice que ce dernier avait utilisé envers son
prédécesseur, à savoir l'ablation du nez (rhinokopia), cette amputation écartant du trône en
théorie un éventuel prétendant ou empereur déchu. Mais Justinien, déporté en Crimée sous le
règne de Léonce II, parvient à s'échapper et obtient l'aide des Bulgares qui le rétablisse sur le
trône en 705.
Sous son règne la percée musulmane en Afrique se poursuit sans qu'il parvienne à la juguler.
Il remporte cependant quelques succès en Syrie du nord en 700 et parvient à reprendre une
partie de l'Arménie.
Tibère III, avec Léonce II, est l'une des premières victimes de la cruelle répression qui s'abat
alors sur Constantinople. Justinien II épargne toutefois son fils, Théodose, qui devient évêque
d'Éphèse et joue un rôle important au concile de Hiéreia.
Philippicos
Pièce de Philippicos
Bardanès est un ancien général en exil d'origine arménienne. Au début de l'année 711, il prend
la tête d'une rébellion indépendantiste en Crimée et obtient l'allégeance de la flotte envoyée
par Justinien II pour rétablir la souveraineté byzantine. Bardanès décide alors de retourner à
Constantinople où il est accueilli favorablement en raison du despotisme qui caractérise le
deuxième règne de Justinien II. Après avoir fait égorger le prince Tibère, âgé de six ans, fils
de Justinien II, Bardanès est couronné empereur sous le nom de Philippicos et Justinien
exécuté tandis qu'il revient de campagne.
Philippicos se montre hédoniste, ne s'intéressant qu'aux vieilles querelles théologiques et
tentant de restaurer le monothélisme.
Anastase II a gardé son nom, Artemius, même sur sa monnaie ; ce solidus porte la légende
APTEMIUS ANASTASIUS.
Artémios, fonctionnaire de son état, fut choisi pour succéder à Philippicos le 3 juin 713, et
couronné empereur byzantin le 4 sous le nom d'Anastase II.
En 720, il mena une révolte contre l'empereur Léon III, qui l'arrêta et le fit mettre à mort
l'année suivante.
Théodose III
Théodose III (en grec : Θεοδόσιος Γ΄) fut empereur byzantin de 715 au 25 mars 717.
Il était percepteur d'impôts dans le sud du thème d'Opsikion. Selon certaines théories, il serait
le fils de l'ancien empereur Tibère III. Quand les troupes thème d'Opsikion se rebellèrent
contre l'empereur Anastase II, il fut choisi comme empereur. Théodose n'accepta pas
facilement ce choix. Selon le chroniqueur Théophane le Confesseur, il essaya même de se
cacher dans les forêts près d'Adramyttion. Finalement, on le retrouva et il fut proclamé
empereur en mai 715.
Théodose et son armée mirent immédiatement le siège devant Constantinople. Six mois plus
tard, en novembre 715, ils purent entrer dans la ville. Théodose se montra alors extrêmement
modéré dans le traitement qu'infligea à son prédécesseur et à ses partisans. Suite à
l'intervention du Patriarche Germanos Ier, Anastase II accepta d'abdiquer de devient moine à
Thessalonique.
On sait peu de choses du court règne de Théodose. Il dut immédiatement faire face à une
invasion Arabe qui pénétra loin en Anatolie et à une avancée de la flotte Arabe. En 716, il
conclut un traité avec Kormesiy de Bulgarie, traité favorable aux Bulgares, dans le but
d'assurer un soutien contre l'invasion arabe. Cette politique s'avéra payante quand, en 719, les
Bulgares apportèrent leur aide lors du siège de Constantinople.
En 717, le stratège du thème d'Anatolie Léon l'Isaurien (le futur Léon III) se rebella contre
Théodose. Léon l'Isaurien s'était allié avec Artavasde, stratège du thème d'Arménie. Léon
l'Isaurien captura le fils de Théodose à Nicomédie et Théodose choisit d'abdiquer le 25 mars
717. Lui et son fils entrèrent alors dans le clergé.
Théodose pourrait être devenu évêque d'Éphèse vers 729. Les historiens modernes pensent
plutôt que c'est son fils qui fut évêque. Quoi qu'il en soit, la dernière trace que l'on ait de cet
évêque est le 24 juillet 754, à l'occasion du Concile de Hieria.
Léon III l'Isaurien, né en 675 à Germaniceia (aujourd'hui Maras en Turquie), mort en 741,
empereur byzantin de 717 à 741. Il fonde la dynastie isaurienne.
L'empereur Anastase II le nomma stratège du thème des Anatoliques. Théodose III ayant
renversé Anastase, il marcha à son tour sur Constantinople et se proclame empereur, à
l'approbation de tous, le 25 mars 717.
Règne
Les Arabes mettent peu après le début de son règne le siège devant Constantinople, d'août 717
à août 718, mais il parvient à les repousser, s'étant préoccupé, dès son avènement, de
renforcer les protections de la ville en levant un impôt spécial sur les terres dans ce but. Il met
également fin au danger bulgare, par un accord avec le Khan Tervel.
En 718 Sergios le gouverneur de Sicile désigne lui aussi un empereur en la personne de Basile
le fils de Grégoire Onomagoulos un noble de Constantinople qu'il proclame basileus sous le
nom de « Tibère IV ». Léon III s'empresse d'envoyer en Sicile Paul son « chartularios »
(secrétaire privé) qu'il nomme patrice et général et qui s'empare rapidement de
Syracuse.Sergios s'enfuit chez les Lombards et l'éphémère empereur « Tibère » est exécuté 1.
En mai 740, il bat avec son fils et héritier, Constantin, les armées arabes du calife Hicham à la
bataille d'Akroinon.
La réforme de l'Empire
Léon III s'emploie à réorganiser l'administration militaire, financière, et juridique de l'empire.
Il publie ainsi, en 726, l'Ekloga, recueil de lois formant un code adapté aux nécessités
pratiques et quotidiennes des magistrats et regardé comme une des plus importantes
compilations de droit byzantin avec les codes de Justinien et de Théodose.
L'iconoclasme
Le trait le plus marquant de la politique de Léon III est l'apparition de l'iconoclasme, qu'il
impose peu de temps après son avènement. Trois raisons semblent avoir motivé la décision de
Léon III :
• une raison sociale : fondée sur un courant reconnaissant aux images une valeur
éducative, certains religieux prônent le culte des images comme symbole du
rapprochement de l'homme et de la divinité. Ce culte des images est cependant poussé
à des extrêmes idolâtres confinant au paganisme. Dans ces conditions, apparaît au sein
du peuple un phénomène de rejet des icônes ;
Léon III prend pour la première fois position contre les images en 726, sous l'influence de
Constantin de Nacolia et de Thomas de Claudiopolis. La première manifestation significative
de l'iconoclasme est la destruction du Christ de la Chalké, à Constantinople, qui provoque une
émeute vite réprimée dans le sang. Il convient de dire ici que l'historienne Marie-France
Auzépy a démontré qu'aucune preuve fiable ne corroborait ce récit. Les lettres du patriarche
Germanos parlent de représentations des Apôtres et de la Croix, pas du Christ. L'icône du
Christ aurait été placée par l'impératrice Irène (797-802), iconodoule convaincue, puis détruite
par l'empereur Léon V (813-820). L'attribution d'une première destruction à Léon III
l'Isaurien semble relever de la propagande exploitant une facile analogie des noms des deux
empereurs.
L'édit iconoclaste est promulgué en janvier 730, prescrivant la destruction non seulement des
icônes mais aussi des reliques. Cette politique reçoit l'opposition non seulement de Jean
Damascène, mais aussi du pape Grégoire III : en représailles, Léon III confisque tous les biens
pontificaux situés en Sicile et en Calabre, alors terres byzantines.
Union et postérité
Léon III avait épousé Maria couronnée après la naissance de leur fils, « Augusta » le 25
décembre 718 dont :
Constantin V
Constantin V
Empereur romain d'Orient
Portraits de Léon III (à gauche) et Constantin V (à droite) sur une pièce de
monnaie
Règne
741 - 14 septembre 775 (~34 ans)
Période Isauriens
Prédécesseur(s) Léon III l'Isaurien
Successeur(s) Léon IV
Biographie
Naissance ~718
Nom originel Constantin
Décès 14 septembre 775 (~57 ans)
Père Léon III
Mère ?
Épouse(s) Irène († 750), Marie († 751),
Eudoxie
Descendance Léon IV (° 750 † 780),
Nicéphore, Eudoxios,
Chistophoros, Anthime,
Nicétas, Anthousa
Constantin V dit Copronyme ou Caballinos est né en 718, il fut empereur byzantin de 741
jusqu'à sa mort le 14 septembre 775. Il est le fils de Léon III l'Isaurien et est associé au
pouvoir par son père dès 720.
Empereur maudit
Constantin V est l'une des figures les plus noircies par les chroniqueurs et historiens
postérieurs ; faute de sources objectives (les critiques de son règne sont iconodules), il reste
une figure mal connue.
Constantin reçoit son surnom principal "Copronyme" au cours de son baptême, durant lequel
il souille les fonts baptismaux au point d'incommoder l'assistance. Le patriarche Germain, qui
présidait la cérémonie, se serait alors écrié : "cet enfant souillera l'Église". En effet
"Copronyme" signifie littéralement : "au nom d'excrément" ; surnom qui sera surtout employé
par les iconodules. Plus tard, sa passion pour les chevaux lui vaudra le surnom, plus aimable,
de Caballinos.
Restauration de l'Empire
Héritant de son père d'un Empire divisé, Constantin V s'emploie à le réunir et remporte un
grand nombre de victoires militaires. Les historiens voient en lui un combattant courageux,
brillant tacticien et grand meneur d'hommes, particulièrement aimé de ses soldats.
Les débuts de son règne sont consacrés à l'affirmation de sa légitimité, contestée par
Artavasde, lui-même gendre de Léon III.
En 741, il envahit la Syrie et le nord de l'Euphrate, dont il transporte les habitants en Thrace ;
en 750, il reconquiert définitivement Chypre. Le 30 juin 762, il détruit totalement l'armée
bulgare du roi Télétzès. Il participe à la bataille d'Akroinon en 740. Il récupère sur
l'usurpateur Artabasde, sa capitale et son trône, occupés de 741 à 743.
L'influence byzantine en Occident se réduisit lorsque Constantin ne put repousser l'attaque des
Lombards sur l'exarchat de Ravenne qui est prise en 751 et fut incapable de garder le Nord de
l'Italie sous son autorité, obligeant le pape à faire appel aux Francs lorsque Rome fut sous la
menace lombarde.
L'iconoclasme [
Après la tentative de coup d'État de son beau-frère Artavasde, appuyé par le patriarche
Anastase, Constantin éprouve la nécessité de réduire l'influence de la hiérarchie orthodoxe.
Profondèment monophysite, décidé à poursuivre la politique de son père Léon III, Constantin
réunit le 10 février 754 le concile de Hiéreia, une assemblée oecuménique qui déclare le
Christ aperigraptos, c'est-à-dire incernable et donc impossible à représenter dans une image ;
les images de la Vierge et des Saints frôlant l'idolatrie païenne devaient donc, également être
condamnées. À l'occasion de cette réunion, il nomme au patriarchat oecuménique Constantin
de Sylaion.
Constantin V confirma donc les décrets iconoclastes de son père, Léon III et fit excommunier
les iconodules, multipliant contre eux les persécutions. Ainsi, en 760 ou 763, l'ermite Etienne
le Jeune fut arrêté pour refus de ratifier le décret du concile. Emprisonné, puis exilé, il est
laissé en vie bien qu'ayant foulé au pied une effigie de l'empereur, ce qui est un crime de lèse-
majesté. Néanmoins, il fut mis à mort par la foule. Ce regain d'iconoclasme entraîna la
destruction d'un grand nombre d'images, mouvement qui culminera après l'élection, en 766,
du nouveau patriarche, Nicétas, lorsque des moines et moniales iconodules furent forcés de
défiler à l'Hippodrome en habits laïcs, main dans la main.
Si la disparition des icônes ne pose aucune difficulté dans les églises et les palais officiels, elle
s'avère en revanche plus aléatoire dans les palais privés. En province, les décrets impériaux
sont souvent mal appliqués par des évêques ou des gouverneurs iconophiles. Certains
monastères défendent aussi farouchement les icônes, qui représentent une ressource financière
importante.
Léon IV (empereur byzantin)
Léon IV le Khazar, né à Constantinople le 25 janvier 750 et mort le 8 septembre 780,
empereur byzantin de 775 à 780, fils de Constantin V et de sa première femme, la princesse
khazar baptisée sous le nom Irène, dont il tire le surnom de « Khazar ».
Son père l'associe au trône dès 751. Devenu seul empereur, il poursuit la politique de son père
en supportant l'iconoclasme mais en apaise les tensions nées de la crise et permet ainsi le
retour à un climat religieux plus modéré. Les derniers mois de son règne sont cependant
marqués par un renouveau de l'iconoclasme, notamment après la mort du patriarche Nicétas,
le 6 février 780.
Il surveille de près les Bulgares et obtient notamment le baptême du Khan Telerig. Il combat
les Arabes, en Syrie en 776 et 778, et en Anatolie en 779 mais ne peut empêcher les
incursions en Asie Mineure en 776, 779 et 780.
Il épousa le 3 août 768 Irène († 803) avec qui il eut un fils Constantin VI qui fut plus tard
aveuglé par sa mère Irene qui prit le pouvoir à sa place en devenant impératrice. Il mourut de
la fièvre à Strongylon lors d'une campagne contre les Bulgares.
Constantin VI
Constantin VI dit l'Aveugle, empereur byzantin de 780 à 797, né en 771, mort en 800, fils de
Léon IV et d'Irène l'Athénienne.
Coempereur dès 776, couronné après la mort de son père en 780, il règne sous la tutelle de sa
mère la basilissa Irène. Sous son influence, il décide de renforcer les liens avec Rome et réunit
un concile dans l'église des Saints-Apôtres, à Constantinople ; mais le concile échoue. L'année
suivante, en septembre 787, Constantin réunit un nouveau concile œcuménique à Nicée, qui
met fin officiellement à l'iconoclasme en rétablissant le culte des images.
Il épouse en 788 Marie d'Arménie, qui lui donne deux enfants : Euphrosyne, qui épousera
Michel II l'Amorien, et Irène.
Réunissant autour de lui les opposants d'Irène, sa mère, il faillit être victime, de sa part, d'un
coup d'État en 790 : les régions d'Asie Mineure refusent cependant de reconnaître sa mère
comme impératrice et Constantin est acclamé comme le seul souverain de Byzance. Irène est
confinée dans un palais tandis que son principal ministre, Staurakios, est tonsuré et banni.
Il est vaincu par les Bulgares en 792, puis par les Arabes en 797 ; confiant le pouvoir à sa
mère et faisant mutiler ses oncles, il s'aliène toute l'aristocratie byzantine.
Devenu impopulaire dans l'armée, dont le soulèvement lui avait permis en 790 de se
débarrasser de la régence, il divorce de Marie l'Amnia (qui est exilée dans un couvent) pour se
remarier avec Théodote : ce second mariage (dont naîtra un fils, Léon, mort au berceau en
797) lui aliène le parti monastique, qui craignait ses velléités de retour à l'iconoclasme.
Le 18 août 797 au matin, des conjurés s'introduisent dans le palais impérial et lui crèvent les
yeux. Il est déporté hors de Constantinople, enfermé dans un monastère où il meurt,
probablement avant 812.
Union et postérité
1. Marie d'Amnia ou Marie l'Arménienne dont
o Euphrosyne (épouse Michel II)
2. Théodote
o Léon (mort en 797)
Irène l'Athénienne
Irène, impératrice byzantine de 797 à 802, née à Athènes en 752, morte en 803 sur l'île de
Lesbos.
La prise du pouvoir
Au décès de Léon IV, son fils Constantin VI n'étant âgé que de dix ans, Irène parvient à faire
écarter ses beaux-frères Nicéphore et Christophore et à se faire reconnaître régente de
l'Empire, ce qui n'est pas sans attirer le mécontentement de l'armée. Elle est couronnée en
même temps que son fils en 780.
Décidée à restaurer les relations avec Rome, elle envoie en 781 une ambassade au roi franc
Charlemagne, afin de lui proposer de marier sa fille Rotrude à son fils Constantin VI.
Le concile s'ouvre à Constantinople le 1er août 786 mais une émeute provoquée par les
partisans de l'iconoclasme oblige Irène et Taraise à l'ajourner jusqu'en septembre 787, et à le
déplacer à Nicée, sur l'autre rive du Bosphore. Le 23 octobre 787, le concile se conclut par la
restauration du culte des images.
Forte de ce succès, Irène décide d'écarter Constantin des affaires et d'assumer seule le
gouvernement de l'Empire. Cette décision rallie à Constantin tous les ennemis d'Irène, dont
les iconoclastes ; une mutinerie des arméniaques provoque une insurrection dans l'armée qui,
le 10 novembre 790, proclame Constantin VI comme seul basileus autocrator.
Retour au pouvoir
Irène profite de l'impopularité croissante de son fils due à ses échecs militaires (défaite en 791
devant les Bulgares) et à sa politique matrimoniale (divorce de Marie l'Arménienne et
remariage avec Théodote) pour reprendre le pouvoir, le 15 janvier 792. Consciente des
sympathies de son fils pour les iconoclastes et craignant une guerre civile dans l'Empire, Irène
accepte que Constantin soit énucléé en 797 ; il meurt probablement peu après.
Sur le plan intérieur, Irène prend le contrepied de la politique suivie par Constantin V et
Constantin VI et apporte son soutien aux riches commerçants, au détriment des couches
populaires. Elle favorise la reprise des échanges commerciaux dans les Balkans, ce qui la
conduit à verser un tribut à Haroun al-Rachid en 798.
Elle cherche la paix avec les Francs, mais le couronnement de Charlemagne comme Empereur
des Romains par le pape Léon III, le 25 décembre 800, est regardé à Constantinople comme
un acte de rébellion. À l'automne 801, elle propose à Charles un projet d'union matrimoniale
destiné à réunifier l'Empire romain.
L'aristocratie byzantine, hostile à Irène, voyant dans ce projet un acte sacrilège organise un
coup d'État en octobre 802 : le logothète du Trésor Nicéphore se fait proclamer Empereur par
une assemblée de hauts fonctionnaires, sous le nom de Nicéphore Ier.
Mort et canonisation
Irène est enfermée dans la forteresse de Prinkipo, où elle jouit du statut d'higoumène ; elle est
ensuite déportée au monastère de Mitylène, dans l'île de Lesbos, où elle meurt le 9 août 803 ;
son corps est ramené à Prinkipo.
En 864, elle est canonisée et son corps ramené dans l'église des Saints-Apôtres de
Constantinople ; sa tombe a été pillée par les croisés en 1204, puis détruite par Mehmet II en
1461.
Nicéphore Ier
Nicéphore Ier et son fils Staurakios
Nicéphore Ier le Logothète (grec : Νικηφορος), né vers 760 et mort le 6 juillet 811, fut
empereur byzantin de 802 à 811.
Biographie
Grand logothète (surintendant des finances) de l’impératrice Irène, il est porté sur le trône par
un coup d’État mené par les hauts officiers civils après avoir déposé l'impératrice. Il est ainsi
proclamé empereur le 31 octobre 802.
Malgré des qualités militaires et d'administrateur économique, Nicéphore Ier est qualifié par
Théophane comme étant avare et tyrannique.
En 803, il provoque la rupture entre les Empires romain d'Orient et d'Occident. Il est fidèle au
culte des Images, tout en restant modéré, mais mène une politique agressive contre le clergé et
provoque la colère des stoudites, qui quittent l'Église officielle.
Nicéphore Ier engage une profonde réforme des finances : suppression des exemptions
d'impôts, interdiction des prêts privés aux commerçants, restriction des prêts aux armateurs,
imposition des propriétaires et taxe sur les héritages et les trésors. Ces mesures permirent
d'assainir les finances de l'Empire.
Il réorganise l'armée, en imposant le service militaire aux paysans plus pauvres tels les
stratiotes et en établit des marins sur des parcelles de terre.
Sa politique de colonisation des régions slavisées, restaure la domination byzantine dans les
Balkans, après la défaite des slaves à Patras en 805. Mais, il ne peut rétablir totalement sa
domination sur Venise en 809.
Battu par les Arabes, il doit accepter un traité humiliant avec Haroun al-Rachid. Lors de la
bataille de Pliska, il fut vaincu et tué le 25 juillet 811, ainsi qu'une grande partie de son armée,
par les Bulgares et leur khan Krum, qui fit de son crâne une coupe à boire.
Union et postérité
Il avait pour épouse Procopia et avait eu :
• Staurakios, qui lui succèdera
• une autre Procopia, mariée à Michel Ier Rhangabé
Biographie
Staurakios était le fils de Nicéphore Ier et de l'impératrice Procopia et il avait épousé
Théophano, une cousine de l'impératrice Irène.
Staurakios devient Empereur après la mort tragique de son père, le 26 juillet 811. Paralysé par
un coup d'épée au cou reçu pendant la bataille de Pliska contre les Bulgares du khan Kroum, il
règne seulement deux mois, du 28 juillet au 2 octobre. Il abdique en faveur de son beau-frère
Michel Ier Rhangabé avant de se retirer dans un monastère sous le nom de Syméon, où il meurt
le 11 janvier 812.
Michel Ier Rhangabé, empereur byzantin de 811 à 813, mort le 11 janvier 844, fils de
Théophilacte Rhangabé, drongaire de la flotte.
Michel Ier succède le 2 octobre 811 à son beau-frère Staurakios. Faible et influencable, il se
laisse manipuler par le patriarche Nicéphore de Constantinople et l'abbé Théodore de
Stoudios, tous deux opposés sur la question du culte des images.
Léon V l'Arménien
.
Léon V l'Arménien
Léon V dit « l'Arménien », né en 775 et assassiné le 25 décembre 820, fut empereur byzantin
de 813 à 820.
Origines
Il est fils d'un Bardas (° v. 735 † 792), stratège des Anatoliques, puis patrice. Il a également
deux neveux, Bardas († 821), duc de 813 à 820, et Grégorios († 823), stratège.
Le patriarche Nicéphore Ier écrivit une notice sur Léon V (lequel l'avait fait déposer), qui
relate que ce dernier était arménien et descendant d'"un mauvais rejeton parricide de
Sennacherib, roi des Assyriens". Cette référence au roi assyrien renvoie aux familles
arméniennes Arçrouni et Gnouni, qui revendiquaient également cette ascendance. La
documentation de l'époque ne permet pas de trancher entre les deux familles, mais les
prénoms de Bardas et Gregorios sont les traductions des prénoms arméniens Vardan et
Grigor, portés par des princes Arçrouni1.
L'éphémère successeur de celui-ci, Michel Ier Rhangabé, demande à Léon son intervention. Ce
dernier tire prétexte de désaffections dans ses troupes pour laisser Michel Ier se faire battre en
813 à la bataille de Versinikia. Il lui est facile ensuite de le renverser et de se proclamer
empereur sous le nom de Léon V.
Pour éliminer la menace bulgare, il invite le khan Krum à négocier et lui tend une embuscade.
Mais le khan s’échappe, seulement blessé d’une flèche, et reprend le pillage de la Thrace,
avant de mourir en avril 814.
Les qualités militaires indéniables de Léon V lui permettent alors de battre son successeur
Omourtag et de mettre fin à la menace bulgare entre 814 et 817. Il remporte une écrasante
victoire à Mesembria en 817.
Un édit est promulgué, entraînant une grande vague de destructions d'images sacrées dans tout
l'Empire.
Un complot se met en place vers 820 pour donner le trône à son ami et général Michel
Psellos. Ce dernier est emprisonné et condamné à mort en décembre 820. Les amis de Michel
Psellos réussissent cependant à assassiner Léon V dans l'église Sainte-Sophie la nuit de Noël
820 et Michel devient empereur sous le nom de Michel II.
Michel II l'Amorien Psellos (le Bègue) (mort le 8 octobre 829) est empereur byzantin de 820
à 829. Il est le fondateur de la dynastie amorienne.
Il naît dans un milieu modeste à Amorium (Amorion) en Phrygie en 770. Il entre dans l'armée
comme simple soldat mais s'élève rapidement par son mérite au rang de général.
Il soutient son compagnon et cousin Léon V l'Arménien lorsque celui-ci s'empare du trône en
renversant Michel Ier Rhangabé (813). Mais les relations entre les deux hommes s'enveniment
et Michel est emprisonné lorsque sa participation à un complot est avérée. Condamné à mort
en décembre 820, il est sauvé par la réaction de ses partisans qui assassinent Léon V dans
l'église Sainte-Sophie, la nuit de Noël (25 décembre 820).
Michel doit faire face à la révolte d'un soldat, Thomas le Slavonien, lui aussi général, entre
822 et 824. Pour cela il obtient l'aide des Bulgares, en particulier celle d'Omourtag, le fils de
Krum ; Thomas, quant à lui, reçoit le soutien du calife abbasside. Assiégées, les troupes de
Thomas se rendent après avoir mangé leurs propres chevaux en décomposition. Quant à
Thomas, il est empalé après avoir eu les pieds et les mains coupés.
Les Arabes enlèvent la Crète sous son règne (823) et commencent leurs attaques en Sicile
(829).
Il meurt le 8 octobre 829, à l'âge de 59 ans, et son fils Théophile lui succède.
Théophile
Théophile est un empereur byzantin qui règne d'octobre 829 au 20 janvier 842.
Biographie
Il est le fils de Michel II le Bègue1, le fondateur de la dynastie amorienne, et reçoit une
excellente éducation, en particulier de la part de Jean le Grammairien, un ardent iconoclaste.
Cette influence se retrouve dès l'accession au trône de Théophile en 829 car il se révèle l'un
des plus ardents empereurs iconoclastes. En 832, un édit impérial interdit strictement
l'utilisation des icônes, puis en 833, un décret ordonne l'arrestation de ceux qui ne suivent pas
l'Église officielle, notamment les Stoudites. Les récits des traitements cruels que reçoivent les
récalcitrants sont nombreux et sans doute parfois exagérés. La propre femme de l'empereur,
Théodora, est une adoratrice des images, ce qui entraîne des conflits avec son mari.
Théophile est un empereur assez controversé. Certains historiens en font un des souverains les
plus capables de Byzance, d'autres au contraire un despote oriental au règne insignifiant. Ce
qui est certain, c'est qu'il s'attaque avec courage à la corruption de son administration et
s'attèle à l'assainissement des finances. Un incident frappa ainsi fortement ses contemporains :
un navire ayant apporté des marchandises de Syrie dans le port de son palais, Théophile fit
demander à qui était destiné son chargement. Le capitaine répondit qu'il était pour
l'impératrice. Théophile fit brûler le navire et conseilla à sa femme de faire ses achats au
marché de Constantinople pour ne pas priver l'État des taxes qui y étaient prélevées.
Touché physiquement par la prise de sa ville natale, Amorium, et malade, Théophile meurt le
20 janvier 842. Son fils Michel III lui succède sous le régence de sa mère l'impératrice
Théodora (21 janvier 842- 15 mars 866).
Union et postérité
L'empereur Théophile épousa vers 821 Théodora, une fille de Marinos Drongaire en
Paphlagonie et de Théoctista Phlorina dont
• Thékla moniale ;
• Anna moniale ;
• Anastasia moniale ;
• Constantin mort jeune vers 830/835 ;
• Maria née vers (825-838) épouse en 837 d'Alexis Mosélé créé César en 837.
• Pulchéria moniale :
• Michel né en 840.
Théodora et ses quatre filles furent en 858 tondues moniales sur l'ordre de Michel III et
enfermées d'abord au monastère du Carien, où elles vécurent misérablement puis transférées
au monastère de Sainte-Euphrosyne; Finalement les trois survivantes ; Thékla, Anastasia et
Pulchéria furent ensevelies par Basile Ier avec leur mère Théodora et leur gand-mère
Théoctista au monastère de Gastria.
Alexis Mosélé l'époux de Maria devenu suspect à son beau-père Théophile, décida de se
retirer dans un couvent. Après la mort de son épouse il se fait moine en 839 et Théophile lui
attribue le monastère impérial de Chrysopolis avant qu'il n'en fasse construire un pour s'y faire
ensevelir.
Michel III
Pièce de monnaie représentant Michel III sur une face, ainsi que sa soeur Thecla et sa mère
Théodora sur l'autre.
Michel III dit l'Ivrogne est un empereur byzantin né en 840, qui règne de 842 à 867.
D'autre part, l'impératrice néglige totalement l'éducation de son fils qui devient rapidement un
débauché. Bardas incite alors Michel III à enfermer Théodora dans un couvent pour
gouverner seul en 856. En réalité c'est Bardas qui gouverne, laissant son neveu à ses femmes
et ses banquets.
Le règne personnel de Michel III commence après le meurtre, sur son ordre, le 20 novembre
855, de Théoktistos.
Incapable de gouverner, Michel III laisse le gouvernement des affaires à son oncle Bardas, qui
se révèlera d'ailleurs assez efficace : sous son règne, et sous l'influence du patriarche de
Constantinople Photios, saint Cyrille et saint Méthode commencent l'évangélisation des
peuples slaves à partir de 863 ; en 864 le tsar de Bulgarie Boris Ier se convertit lui aussi au
christianisme ; militairement Michel III est confronté à une révolte des peuples slaves de
l'empire, écrasée en 849 par le général Théoktistos Vriennon, puis à l'expansion russe dont la
flotte est détruite en 865 par une tempête opportune.
Quant à l'expansion arabe en Asie mineure, elle est contenue par la grande victoire d'un autre
oncle maternel de l'empereur, Petronas (863), et compense la défaite de l'armée byzantine
dirigée par Michel III en personne (860). Par contre, la Crète n'est pas reprise.
Union et postérité
En 855, il épouse Eudoxie Décapolitaine.
Basile Ier
Basile Ier
Basile Ier (Basilius Ier, Vasíleios A) (811 - 886) dit le Macédonien fut empereur byzantin de
867 à 886.
Biographie
Son enfance et son ascension nous sont notamment connues par l'œuvre de Jean Skylitzès,
Synopsis Historion. Issu d'une famille de paysans arméniens établis en Macédoine, il serait
selon l'auteur byzantin également descendant d'un lignage arménien illustre, celui des
Arsacides. Sur son enfance, Jean Skylitzès raconte qu'il aurait été capturé avec sa famille par
Krum (en bulgare Крум), khan des Bulgares, lors de la prise d'Andrinople avant de revenir
dans sa patrie « grâce à la bienveillance divine ». Quittant la Macédoine pour Constantinople,
il est enrôlé par un homme du nom de Théophilitzès, proche de l'empereur Michel III et du
César Bardas. Remarqué par l'empereur Michel III, il devient d'abord simple écuyer, et
devient, grâce à sa beauté et à son adresse à dresser les chevaux, son favori, le faisant
prôtostrator et lui faisant épouser sa maîtresse, Eudocie Ingérina.
Jean Skylitzès raconte également que Bardas et Léon le Philosophe auraient prédit que Basile
causerait la perte de la lignée de l'empereur. Or, très proche de l'empereur, il pousse celui-ci à
éliminer son oncle maternel, Bardas, en mai 866. Michel III le nomme alors co-empereur le
26 mai 866, avant de se faire lui-même assassiner par Basile, avec la complicité de son
épouse, le 23 septembre 867. Basile fonde ainsi la dynastie macédonienne sous laquelle
l'empire byzantin atteint son apogée.
Basile Ier est un homme sans scrupule mais un politique sage et avisé. Il rétablit par des
économies drastiques le trésor précédemment dilapidé par Michel III. Il refoule
méthodiquement les Arabes de l'Asie mineure, détruit leur allié paulicien (prise de Téphrikè
en 878) et rétablit l'autorité byzantine sur l'Italie du sud. Ainsi il s'empare de Tarente en 880.
Dans le domaine religieux il relègue dans un premier temps le patriarche Photius, cousin de
son prédécesseur, dans un couvent, puis le rétablit dans ses prérogatives en 878 et le confirme
à son poste par le pseudo-synodus photiana en 879 au VIIIe concile œcuménique des Grecs.
Les relations avec Rome s'améliorent aussi quand l'empereur accepte en 869/870, lors du VIIIe
concile œucuménique de Constantinople qui avait condamné Photius, de rétablir Ignace
comme patriarche et de rentrer dans la communion romaine.
Enfin dans le domaine législatif Basile Ier entame la grande œuvre poursuivie par ses
successeurs ("la purification des Lois"), et en particulier Léon VI, par la publication du
Prochiron et de l'Épanagogè. Ce recueil des lois impériales est connu sous le nom de
Basiliques.
On a de lui un traité de l'Art de régner adressé à son fils Léon (publié à Palerme, 1584, grec-
latin, et traduit en français par dom Percheron, 1590). Il avait commencé en 877 un recueil de
lois en 60 livres, que son fils termine et qui est connu sous le titre de Basiliques : c'est une
traduction grecque des Institutes, du Digeste, et du Code Justinien, avec des compléments. Ce
recueil est publié en 1647 à Paris par Fabrot, 7 volumes in-folio, et à Leipzig, par Heimbach,
1831-1849, 5 volumes in-4.
Enfin, c'est sous son règne que la Nouvelle Église de la Néa est construite, et consacrée en
880.
Basile Ier meurt le 29 août 886, à l'âge de 73 ans, après un règne de 19 ans.Il est inhumé dans
l'église des saints Apôtres dans l'hérôon de Constantin le Grand dans un sacophage vert de
chrysoprasinon 1.
Unions et postérité [
Basile Ier le Macédonien eut deux épouses.
1) Maria fille de Kônstantinos Maniakès, répudiée pour que Basile puisse épouser Eudoxia.
• Constantin associé au trône entre novembre 867 et février 868, mort 3 septembre 879
2) Eudoxia Ingérina issue de la famille des Martinakioi (ex maîtresse de Michel III)
Léon VI le Sage
.
Léon VI
Léon VI, dit le Sage (grec : Λέων ΣΤ' ο Σοφός), né le 19 octobre 866 mort le 11 mai 912, fut
empereur byzantin de 886 à 912.
Il est surnommé le Sage car il était moins ignorant que ses contemporains. Il fut instruit par
Photios, qui fut par la suite patriarche de Constantinople. Vers 900, afin de le rendre
compréhensible aux juristes byzantins, il commanda la traduction en grec du Corpus juris
civilis de l'empereur Justinien Ier. Cette version grecque fut intitulée Basilica.
Naissance
L'identité de son père est le sujet de nombreuses discussions d'érudits et n'a pas été
formellement tranchée. Pour les historiographes officiels de la dynastie macédonienne, Léon
VI est le fils de son prédécesseur Basile Ier et de sa seconde épouse Eudoxie Ingerina.
Toujours est-il que sa jeunesse est troublée par les sentiments d'antipathie et de dégoût que
son père officiel éprouve à son égard ; tombé amoureux de Zoé Zoutsina, il doit renoncer à
elle pour épouser, de force, Théophano. Son aversion pour son épouse entraîna une colère de
son père, qui le fit emprisonner pendant trois mois.
Règne
Léon monta sur le trône à la mort de son père, Basile Ier : s'il dut théoriquement partager le
pouvoir avec son frère Alexandre III, la frivolité de ce dernier conduisit Léon à exercer seul le
pouvoir impérial.
Affaires intérieures
Dès son avènement, il nomma Stylianos Zaoutsès Maître des offices et logothète du Drome et
exila le patriarche Photios, contraint d'abdiquer. Le jour de Noël 886, Léon fit couronner
patriarche son propre frère puîné, Étienne, alors qu'il n'avait que 16 ans : maladif, ce dernier
fut aussi coopératif qu'on le lui demandait.
En 899, il fit convoquer un grand synode destiné à restaurer les relations entre les Églises
d'Occident et d'Orient. Pendant ce temps, Léon s'attacha à la révision et à la recodification du
droit romain, commencée sous Basile Ier. Les lois furent regroupées matière par matière dans
des volumes spécifiques puis traduites en grec, seule langue alors comprise par le peuple et
les fonctionnaires.
Campagnes militaires
Léon ne fut pas aussi heureux que son père dans ses campagnes militaires. Il fut vaincu par les
Bulgares en 894, les battit avec l'aide des Magyars l'année suivante, mais, ayant rompu cette
alliance, fut à nouveau battu par les Bulgares en 896. Le tsar Syméon profita de ces victoires
pour obtenir l'indépendance de son Eglise et l'établissement d'un patriarcat.
Il perdit la Sicile en 902, conquise par les musulmans qui prirent aussi Thessalonique en 904.
En 907, Constantinople fut assiégée par les Rus' de Kiev qui réclamaient des avantages
commerciaux. Léon les leur accorda, puis les attaqua en 911, mais dut en fin de compte signer
un traité commercial.
En 912, il tenta vainement de reprendre la Crète aux Arabes, mais sans succès. Il tomba
malade au retour et mourut le 11 mai 912. Son fils étant encore enfant, ce fut son frère,
Alexandre, qui lui succéda.
Mariages et postérité
À l'époque, l'Église d'Orient considérait comme amoral pour un homme d'avoir
successivement plus de deux épouses : si les deux premiers mariages étaient regardés comme
nécessaires à la perpétuation de la famille, les mariages subséquents étaient considérés comme
des fornications. Pour assurer sa succession, Léon VI dut cependant se marier quatre fois :
Il épousa d'abord sur ordre de son père en 886 Théophanô ( 896), fille de Martinacos, noble
byzantin de la famille des Martinakioi, dont il eut :
Veuf, Léon VI se remaria en juillet 898 avec sa maîtresse Zoé ( 899), fille de Stylianos
Zaoutzas, qu'il avait promu « magistre » et « logothèque » et dont il avait eu :
• Anne (fin 887 morte en 903) épouse fin 900 Louis III l'Aveugle, empereur d'Occident
Le troisième mariage se fit en 900 avec Eudoxie Baïana († 12 avril 901), mais le litige avec
l'église commença bien que le nouveau patriarche, Antoine II Cauléas, lui eût accordé la
dispense nécessaire. Il s'acheva rapidement par la mort de l'épouse en avril 901. Ils avaient
eu :
Il contracta une quatrième union avec Zoé Carbonopsina ( 919), dont il eut :
Pour légitimer ce dernier, il épousa secrètement Zoé dans une chapelle du Palais sacré de
Constantinople puis la proclama épouse et impératrice. La fureur de l'Église ne connut alors
plus de bornes et refusa la dispense nécessaire : ce fut l'affaire de la tétragamie. L'Église était
cependant divisée en deux factions, les photiens et ignaciens (anciens partisans respectifs de
Photios et d'Ignace), et Léon sut jouer de ces divisions : il accorda le patriarcat à Euthyme,
sous la condition que celui-ci lui accorde la dispense de remariage.
Mosaïque d'Alexandros
Alexandre, (grec moderne : Αλέξανδρος, Alexandros), (né le 23 novembre 870, mort le 6 juin
913) il est le fils de Basile Ier, et il succède à son frère aîné, Léon VI.
Biographie
Alexandre est co-empereur byzantin de 871 à 912, sous les règnes de Basile Ier et de Léon VI,
puis seul du 11 mai 912 à 913.
Cruel et ivrogne, il s'emploie à prendre le contrepied de son frère Léon VI, refusant d'honorer
les traités et les tributs conclus par ce dernier notamment avec les Bulgares.
Il rappelle le patriarche Nicolas Ier, déposé par Léon VI, qui s'efforcera de purger la hiérarchie
de l'Église, afin d'en éliminer les évêques et les prêtres ayant des sympathies pour le
patriarche Ignace. La plupart des prêtres démis refusèrent cependant de quitter leurs fonctions,
obligeant ainsi Nicolas à revenir sur sa décision. Alexandre meurt le dimanche 6 juin 913.
Avant de mourir il avait désigné comme tuteurs de Constantin VII : le patriarche Nicolas
Mystikos, les magistroi Étienne et Jean Elada, le recteur Jean et deux de ses favoris les
patrices Basilitzès et Gabrielopoulos1.
Enfance
Constantin est le fils de l’empereur Léon VI le Sage et de sa maîtresse Zoé Carbonopsina.
L’empereur n’ayant pas d’autre fils, il épouse Zoé, en quatrième mariage, en violation autant
des règles de l’Église que du Code des lois qu'il avait lui-même promulgué et qui prohibait
toute union au-delà de la deuxième.
Pour l'Église orthodoxe, en effet, le premier mariage revêt un caractère sacré ; à la mort de
l'épouse, un second mariage est autorisé afin de permettre la perpétuation de la famille ; le
troisième et a fortiori le quatrième mariages sont considérés comme des fornications et
condamnés, les enfants issus de ces unions étant regardés comme illégitimes.
Issu d'une quatrième union, Constantin est donc regardé comme illégitime.
La légitimation
Léon lutte pendant plus d’un an pour imposer cette légitimation, forçant pour cela l’abdication
du patriarche Nicolas, et son remplacement par Euthyme, qui accorde à Léon la dispense
nécessaire pour épouser Zoé et légitimer Constantin.
En 918, après des succès initiaux, ses armées sont à leur tour vaincues par les Bulgares.
Constantin, encouragé par son précepteur, fait appel à l’amiral Romain Lécapène, pour éviter
une probable prise du pouvoir par le général Léon Phocas, appelé par Zoé.
Romain Lécapène s’impose, Constantin épouse sa fille Hélène et en 920, il renvoie Zoé au
couvent, puis le 17 décembre, se proclame lui même Basileus. Bien qu’exerçant tout le
pouvoir, il respecte la personne de Constantin et son titre, le reconnaissant comme co-
empereur, mais à la seconde place. Il fera plus tard proclamer ses trois fils co-empereurs,
plaçant l’aîné, Christophe, à la deuxième place, reléguant Constantin en troisième position.
Cependant, à la mort de Christophe, Romain, viellissant confirme la deuxième place de
Constantin. En 944, cependant, le peuple impose Constantin, dont le règne commence
vraiment le 16 décembre.
Empereur érudit
Confiné au palais impérial sous le règne de son beau-père Romain Ier, Constantin VII s'avère
un peintre de talent et doté d'une curiosité intellectuelle sans limite : il consacra ainsi des
heures à l'étude des arcanes des cérémonies de la cour byzantine, dont il tira une étude
intitulée De ceremoniis aulae byzantinae (Le livre des cérémonies). Il écrivit également un
ouvrage intitulé De administrando imperio, destiné à son fils Romain, futur Romain II. Ce
dernier ouvrage, qui le conseille sur le gouvernement intérieur de l’Empire, décrit
minutieusement les moyens de combattre ses ennemis extérieurs. Il rédige aussi une histoire
de l’Empire, couvrant la période postérieure à la mort du chroniqueur saint Théophane le
Confesseur, en 818. Ces écrits sont une source importante pour les historiens de la période.
Il ne tenta cependant rien pour s'affirmer, même lorsque son beau-père Romain Lécapène
associe au trône son fils Christophe en 921, puis en 925 ses autres fils Étienne et Constantin
Lécapène.
Sur le plan intérieur, Constantin VII poursuit la politique mise en œuvre par Romain Ier et
favorise les petits propriétaires paysans, ordonnant même en 947 que soient restituées sans
compensation toutes leurs terres acquises par la grande aristocratie terrienne depuis le début
de son règne, en 913. Les petits propriétaires paysans sont la base de la puissance militaire et
surtout fiscale de l’Empire, et les empereurs forts les protègent.
En 949, il tente de reprendre la Crète aux Arabes, mais comme son père en 911, il échoue. Il
provoque une attaque arabe contre les territoires byzantins en Syrie, en Arménie, et en Italie.
Les territoires à l’est sont reconquis par le général Jean Tzimiskès. En 957, une flotte arabe
est détruite par le feu grégeois. En 958, il reçoit la visite d’Olga, une princesse russe de Kiev,
qui est baptisée sous le nom d’Hélène et commence à convertir son peuple. La christianisation
de la Russie ne se fera cependant que sous son petit fils Vladimir.
Union et postérité [
Constantin VII avait épousé le 4 mai 919 Hélène († 961), fille de Romain Lécapène dont,
• Romain II
• Zoé
• Agathe
• Théodora épouse en novembre 970 Jean Ier Tzimiskès
• Théophano
• Anne
Les cinq filles de l"empereur furent enfermées par leur frère Romain II dans le monastère de
Kanikleios puis transférées les unes au monastère d'Antiochos et les autres dans celui du
Myrelaion et tondues moniales par l'abbé Jean de Stoudios. Romain II leur fit la même
pension qu'au palais impérial mais elles rejetèrent l'habit monastique. Plus tard Jean Ier
Tzimiskès épousa Théodora qui n'avait sans doute pas prononcé de voeux.
Bibliographie [modifier]
• Jean Skylitzès Empereurs de Constantinople « Synopsis Historiôn » traduit par
Bernard Flusin et annoté pat Jean-Claude Cheynet éditions P.Lethilleux Paris 2003
(ISBN 2283604591) « Constantin, fils de Léon », p.167-178 & « Second règne personnel
de Constantin », p.197-208.
Romain II
Romain II, (en Grec : Ρωμανός Β΄, Rōmanos II) est né en 939, fils de Constantin VII et
d'Hélène Lécapène. Empereur byzantin de 959 à 963, il est mort (sans doute empoisonné) en
963.
Vie
Né dans la pourpre à l'instar de son père, les historiens affirment qu'il possède son charme et
ses manières.
Il épouse d'abord en 944 Eudoxie (929 † 949), qui semble être une des filles illégitimes
d'Hugues d'Arles.
Veuf, il dédaigne la fiancée choisie par son père pour épouser la fille d'un aubergiste du
Péloponnèse, Théophano. Née en 941, celle-ci prend un important ascendant sur Romain et
commence son règne en écartant sa belle-mère, reléguée dans une aile du Palais Sacré et ses
belles-sœurs, contraintes de prendre le voile.
Sous l'influence de sa femme, Romain confie à Joseph Bringas les fonctions de chambellan,
lui conférant ainsi le pouvoir de diriger les affaires.
Dès son avènement le 10 novembre 959, il organise une ambitieuse expédition militaire en
Crète à laquelle participent des mercenaires russes et varègues et dont il confie le
commandement à Nicéphore Phocas, futur empereur Nicéphore II Phocas. La flotte prend la
mer en juin 960 et les Byzantins occupèrent Candie le 7 mars 961.
Pendant ce temps, Léon Phocas, commandant de l'armée de l'Est, doit faire face à l'émir de
Mossoul, Ali Sayf al-Dawla qui, en 944, s'est emparé d'Alep. En novembre 960, Léon
parvient à décimer l'armée arabe en l'attirant dans un défilé rocheux et en la faisant écraser
sous les rochers.
À partir de 962 l'armée byzantine, dirigée par les frères Phocas, reprend de nombreuses villes
de Cilicie puis finalement Alep.
Bibliographie
• Jean Skylitzès Empereurs de Constantinople « Synopsis Historiôn » traduit par
Bernard Flusin et annoté pat Jean-Claude Cheynet éditions P.Lethilleux Paris 2003
(ISBN 2283604591) « Romain le Jeune », p.209-213.
• John Julius Norwich (trad. Dominique Peters), Histoire de Byzance (330-1453),
Librairie Académique Perrin, Paris, 1998 (1re éd. 1999) (ISBN 2-262-01333-0) [détail des
éditions]
Nicéphore II Phocas
.
Nicéphore II Phocas (° 912 † 969) est un grand général de l'empire byzantin qui accéde au
trône et devint un empereur contesté. Il régne de 963 à 969.
Origines
Nicéphore (prénom qui signifie qui porte la victoire) appartient à la famille Phocas, originaire
de Cappadoce, qui a donné à Byzance plusieurs autres généraux. Il est né vers 912 et rejoint
l'armée assez jeune. Son grand-père, prénommé aussi Nicéphore, s’était illustré en Italie et en
Sicile d’où il avait chassé les Maures d’Afrique du Nord sous Basile Ier. Sous Léon VI, il
combattit les Bulgares, un de ses fils et oncle de Nicéphore, Léon Phocas, avait été
domestique des scholes, commandant en chef des armées dans la guerre contre les Bulgares et
avait même tenté d’usurper le trône de Constantin VII. Léon avait été stoppé par Romain
Lécapène. Un autre de ses oncles, du côté maternel, était saint Michel Maléïnos, higoumène
au mont Kyminas en Bithynie. Le père de Nicéphore, Bardas Phocas, avait combattu les
Sarrasins et était devenu un vrai héros populaire. Il avait aidé aussi Constantin VII à recouvrer
son pouvoir abandonné aux Lécapène.
Nicéphore a deux frères. Le premier, Constantin, stratège de Séleucie, est fait prisonnier par
les Hamdanides en 949 et meurt empoisonné dans un cachot 6 ans plus tard selon Kedrenos.
Le second, le curopalate et stratège de Cappadoce Léon Phocas, le remplace comme
commandant sur la frontière orientale.
Constantin VII le nomme magister et domestique des scholes d’Orient, ce qui en fait le
commandant des forces impériales en Asie.
L’expédition en Crète
Depuis sa conquête par les Sarrasins en 824, la Crète est devenue la base arrière de pirates
pillant le pourtour des terres byzantines. Leurs expéditions sont sanglantes et sans pitié
comme celle de 904 sur Thessalonique racontée par Jean Caminiatès. Dès 825, les Byzantins
tentent de reprendre l’île, mais toutes les tentatives sont des échecs. En tout, cinq tentatives
ont lieu avant 960 ; la dernière, commandée par Constantin Gongyle, à la fin du règne de
Constantin VII est un désastre. Les pirates ruinaient le commerce des ports byzantins, aussi
Joseph Bringas, le parakimomène, chef du Sénat et vrai détenteur du pouvoir impérial sous
Romain II, décide d’une nouvelle expédition. Il plaça à sa tête le meilleur général de
l’Empire : Nicéphore Phocas. Bringas doit vaincre l’opposition du Sénat qui voit, non sans
raison, dans Nicéphore un possible usurpateur du trône impérial tant il est populaire.
L’époque est favorable à une action sur la Crète, les musulmans étant alors désorganisés et
empêtrés dans des guerres intestines.
Nicéphore mène l’expédition sur la Crète, ravage Candie après un siège de dix mois et
élimine la présence sarrasine de l'île.
Campagne en Orient
Après avoir reçu les honneurs rares du triomphe et être fait domestique des scholes d’Orient
(il remplace son frère Léon à ce poste), il retourne dans l'Est avec une armée forte et bien
équipée durant l’hiver 961-962. Il s'empare en 962 d'Anazarbe et Sis en Cilicie, passe ensuite
en Syrie du nord et enlève à l'émir hamdanide Sayf al-Dawla la ville d'Alep (23 décembre
962) qui est impitoyablement saccagée. Mais ne pouvant s'emparer de la citadelle il quitte la
ville et rentre en Cilicie. Le thème de Séleucie est alors reformé.
Après être allé à Constantinople recueillir la couronne impériale 963, Nicéphore dirige une
seconde opération contre les Hamdanides, qui règnent à l'époque sur la Syrie du nord et sur
Mossoul, au moment même où les Bouyides de Bagdad prennent à revers ces derniers.
Nicéphore dans un manifeste adressé à la cour de Bagdad annonce ses intentions avec clarté,
reprendre Antioche puis Damas et renvoyer les Arabes dans leur patrie d'origine l'Arabie.
Enfin il souhaite reprendre Jérusalem. Manifeste d'une certaine façon prémonitoire puisqu'il
annonce les croisades. Il ne fait pas de conquêtes permanentes. C'est durant cette campagne
que lui est donné le sobriquet « la mort pâle des Sarrasins ».
Règne
Accession au trône
Après un soulèvement populaire contre Bringas à Constantinople, Nicéphore Phocas fait son
entrée dans la ville et y est couronné le 16 août au côté des fils de Romain II. Le 20
septembre, il épouse Théophano malgré l'opposition de son fils, le patriarche Polyeucte (il
initia une procédure de nullité de mariage plus tard).
Au cours de son règne, il continue les campagnes militaires. De 964 à 965, il conquiert
définitivement Tarse, Massissa et la Cilicie pendant que le patrice Nicétas Chalcoutzès
reprend Chypre aux musulmans (964/965). En 966 il ravage la Mésopotamie jusqu'à Nisibe
puis s'enfonce en Syrie ou il s'empare de la place forte d'Arta entre Alep et Antioche. En
janvier 967 la mort du prince Hamdanide d'Alep, Saïf el-Dwala, remplacé par son fils
l'incapable Saad el-Dwala renforce la position de Nicéphore.
En 968, il réduit la plupart des forteresses de Syrie et après une victoire devant Alep
Nicéphore s'empare de Ma'arrat al-Numan, Kafartab, Chayzar, dont il réduit en cendres la
grande mosquée, puis Hama et Homs laquelle est livrée aux flammes. Après le saccage de la
vallée de l'Oronte le Basileus s'approche de la côte libanaise et prend Jabala, Arqa, Tortose et
reçoit la soumission de Lattaquié (Laodicée). L'expédition est un succès et l'empereur
retourne à Constantinople avec un butin considérable et sans doute plusieurs dizaines de
milliers de captifs. Il charge son neveu Pierre Phocas et le stratège Michel Bourtzès du blocus
d'Antioche. Suite à une attaque surprise de Michel Bourtzès le 29 octobre 969 la ville est prise
définitivement le 1er novembre 969 avec l'intervention de Pierre Phocas. La reconquête
d'Antioche par les Byzantins marque le couronnement de la croisade grecque. La ville
constitue pendant plus d'un siècle la place forte de l'empire dans la région. En décembre 969
ou janvier 970 Pierre Phocas prend à nouveau la ville d'Alep (où un usurpateur Kargouya a
chassé Saad el-Dwala) sauf la citadelle et se contente d'obtenir une promesse de vassalité ainsi
que de relever toutes les églises chrétiennes.
Nicéphore est moins heureux en Occident. Après avoir renoncé au tribut des califes fatimides,
il envoie une expédition en Sicile (964-965), mais les défaites subies sur terre et sur mer le
forcent à quitter l'île. En 967, il fait la paix avec les Sarrasins de Kairawan pour mieux
combattre Otton Ier du Saint-Empire qui attaque les possessions byzantines en Italie.
Nicéphore doit faire retraite.
La trahison
Les impôts trop élevés, la dépréciation de sa monnaie, rendent Nicéphore très impopulaire et
en 967 un mouvement de foule hostile à son encontre éclate lors d'une procession: l'empereur
essuie alors des jets de pierre2.
Nicéphore, trop âgé, n'est pas un mari séduisant pour Théophano qui le trompe avec Jean
Tzimiskès. Elle ne tarde pas à tramer un complot contre lui avec l'aide de son neveu et de
Tzimiskès. Ce dernier était assigné à résidence dans ses terres d’Arménie par Nicéphore —
sous l’influence de son frère devenu curopalate. Tzimiskès, en plus de subir la disgrâce de se
voir retirer le commandement de ses armées est fait logothète de la course publique
(responsable des postes). Théophano, dont Nicéphore était passionné, parvient à faire lever la
disgrâce.
Les conjurés décident donc de passer à l’action et de supprimer Nicéphore. Les suivantes de
Théophano font entrer un détachement commandé par Tzimikès dans le palais impérial de
Boucoléon le 11 décembre 969. Ce groupe était composé de huit à dix hommes dont Michel
Bourtzès, stratège disgrâcié, Léon Pédiasomos, un autre patrice, Leo Abalantés, taxiarque,
Théodore le Noir.
Ils poignardent Nicéphore pendant son sommeil. Sa tête est tranchée et exposée en public, son
corps est jeté dans la neige. Peu après, ses restes sont ensevelis discrètement aux Saints-
Apôtres dans un sarcophage sur l’heroon de Constantin. Abalantés est désigné comme
coupable et bouc-émissaire ; il est exécuté peu après.
Il reste une incertitude sur les motivations de Théophano. Selon certains chroniqueurs, elle a
agi pour un motif purement crapuleux ; d’autres chroniqueurs, tel Manassès, la dédouanent
entièrement et parlent de la menace que faisait peser Nicéphore et son frère sur les enfants de
Théophano. Cette dernière craignant de voir ses fils mutilés et exilés dans un monastère aurait
alors fait appel à Tzimiskès.
« Le 20 septembre [963], levant le masque qu’il avait pris et cessant de jouer la comédie, il
épousa en justes noces Théophanô. À cette occasion, il prit aussi de la viande alors
qu’auparavant il s’abstenait d’en manger depuis que Bardas, le fils qu’il avait eu de sa
première épouse, prenant de l’exercice à cheval dans la plaine avec son neveu Pseulès, était
mort d’un coup de lance donné involontairement. Nicéphore faisait-il cela par abstinence
vraie ou bien jouait-il la comédie afin de tromper les gens au pouvoir à l’époque ? »
Ces attaques portent aussi sur son aspect physique et sa manière d’être. Ainsi Kédrénos décrit
Nicéphore comme petit, gros, avec de larges épaules. Il le décrit aussi d’une humeur sombre
et taciturne et cependant voué aux passions. Ses panégyristes y voyaient plutôt de la sagesse
et de la sévérité ainsi qu'un haut sens de la justice. Ainsi Léon Diacre écrit-il que « Nicéphore
était un juste, un scrupuleux observateur de la loi ». Mathieu d'Édesse dans sa Chronique fait
l’éloge de son humanité : « C’était un homme de bien, saint, animé de l’amour de Dieu, plein
de vertu et de justice, et en même temps brave et heureux dans les combats. Miséricordieux
pour tous les fidèles du Christ, il visitait les veuves et les captifs et nourrissait les orphelins et
les pauvres. » Plusieurs chroniqueurs attestent de sa piété. Athanase de Trébizonde, moine au
Mont Athos, était très lié à lui et le poussait à adopter la vie monastique. Ce dernier fut
récompensé de cent livres d’or pour avoir prédit la victoire de Nicéphore sur les Arabes.
Cette opposition des historiens est sans doute renforcée par le fait que Nicéphore accorde, non
sans raisons, de nombreux subsides à l’armée et dépouille le Sénat et les monastères.
Skylitzès nous fait aussi le récit de sa fin de règne où Nicéphore passe pour développer un état
d’esprit paranoïaque. Ainsi écrit-il que Nicéphore fait construire un mur autour du palais et
« une citadelle d’où il put exercer sa tyrannie sur les malheureux citoyens ». Il finit par
critiquer sa brutalité envers les citoyens de Constantinople — dont il avait fini par se faire
détester — ainsi que son avarice.
Jean Ier Tzimiskès (en grec Ιωάννης « Τζιμισκής » Κουρκούας / Iôánnes « Tzimiskếs »
Kourkoúas) (° v. 925 † 10 janvier 976) est empereur byzantin de 969 à 976.
Les origines
Son vrai nom est Kourkouas, sa mère est issue de la famille Phocas, il est ainsi le neveu de
Nicéphore Phocas. Ces deux familles originaires d'Arménie, sont très puissantes en
Cappadoce et parmi les plus en vue dans l’aristocratie militaire en Asie Mineure. Il épouse en
premières noces Marie Sklérina, fille de Panthérios Sklèros, noble byzantin, et de Grégoria,
descendante d’un frère de Basile Ier, et sœur de Bardas Sklèros. Son surnom de Tzimiskès a
deux origines possibles : soit ce nom est dérivé de l’arménien tshemshkik, signifiant « botte
rouge », soit de l'arménien pour « petite stature ».
Les sources contemporaines de Tzimiskès le décrivent comme plutôt petit mais svelte, avec
des cheveux et une barbe blonds-roux et des yeux bleus qui lui attiraient la faveur des
femmes. Il semble avoir rejoint l’armée à un âge précoce, et au début sous le commandement
de son oncle Nicéphore. Ce dernier est aussi considéré comme son instructeur dans l’art de la
guerre. Grâce à ses origines familiales et à ses propres talents de soldat, il s'élève rapidement
dans la hiérarchie militaire et on lui confie un commandement en Arménie avant qu'il
n'atteigne l’âge de 25 ans. En 958, il bat à plusieurs reprises Nagā al-Kāsakī, un des
lieutenants de l’émir abbasside de Damas Saif ad-Dawlah. Il prend Samosate et Raban après
avoir infligé une lourde défaite à ad-Dawlah. Il est nommé stratège des Anatoliques en 959 en
replacement de Léon Phocas, promu domestique des Scholes d’Orient.
La prise du pouvoir
Jean est aimé de ses troupes et se distingue aux côtés de Nicéphore pendant la campagne que
fait ce dernier et qui se termine par la prise d’Alep en 962. Brillant général, il commande ses
troupes en Asie Mineure. Quand Nicéphore II monte sur le trône, il lui confie le
commandement général de l’armée. Il remporte une victoire sur les Abbassides à Adanes en
Cilicie.
Pour légitimer son arrivée sur le trône, il épouse en novembre 970 Théodora, sœur de Romain
II, et associe au trône les deux fils de Romain II, Basile II et Constantin VIII. Par ailleurs, il
gagne le peuple en mettant fin aux famines qui sévissaient à cette époque, en construisant des
hôpitaux et en visitant les léproseries où il pansait lui-même les malades.
Avec l’aide de son beau-frère Bardas Sklèros, il réprime la révolte de Bardas Phokas en 970.
La même année, il annexe la Bulgarie orientale, après y avoir chassé les Russes, à la bataille
d'Arcadiopolis (aujourd'hui Luleburgaz) et force Sviatoslav Ier à demander la paix l'an suivant.
La scène de la reddition de Sviatoslav, dans laquelle ce dernier arrive en bateau, est restée
célèbre.
En 971, Jean Ier fait le siège de Silistrie sur le Danube d'où il chasse définitivement les Russes
de Sviatoslav Ier. La même année, une expédition est envoyé conquérir Jérusalem. Mais
l’armée qu’il confie à un grand domestique est massacrée dans un défilé par Abataglab,
gouverneur de la province de Miafarekin (Miyafariqin ou Martyropolis). Jean Ier vient lui-
même au printemps suivant mettre le siège devant Nisibe et force Myctarsis à lui ouvrir ses
portes.
Il retourne ensuite à Constantinople où le peuple lui fait un triomphe, mais doit en 974 et 975
reprendre le chemin de la Mésopotamie et de la Syrie, retombées aux mains des Abbasides.
Dans cette nouvelle campagne, il s’empare à l'automne 974 de Miyafarekin (Silvan), Amida
(Diyarbakir) et le 12 octobre entre dans Nisibe évacuée par sa population. L'émir Hamdanide
de Mossoul, Abou-Taglib fait sa soumission. Il semble que Jean Ier soit tenté par une
expédition sur Bagdad mais il y renonce. Ce n'était là qu'une campagne de pillage.
Au printemps 975, l'empereur entame une campagne en Syrie plus sérieuse. Il part d'Antioche
en avril, s'empare d'Homs qui paye tribut sans résistance, puis d’Apamée et Baalbek (laquelle
pour avoir voulue résister est durement châtiée), et force le gouverneur de Damas à lui payer
un tribut. Ensuite, il marche sur la Palestine et après s'être rendu maître de Tibériade, de
Beyrouth, de Nazareth, d’Acre, de Césarée et du mont Thabor, la ville sainte semble à portée
de sa main, mais il y renonce. La domination musulmane sur la Syrie n’étant plus qu’un
souvenir, il préfère probablement temporiser et ne pas surcharger de taxes le reste de l’Empire
par ses besoins en approvisionnement. Le maintien des fortes garnisons fatimides dans les
villes littorales (Tripoli dont ont sait qu'elle résista plus tard dix ans aux croisés) et la fidélité
plus que fluctuante des émirs musulmans de Syrie dont beaucoup restent en place montrent
les limites des résultats de cette expédition. La mort rapide de Jean Ier n'ayant pas permis de
consolider les résultats obtenus.
Il tombe subitement malade sur le chemin du retour et meurt à peine parvenu à Constantinople
le 10 janvier 976. On pense qu’il succombe à la typhoïde. Ange de Saint-Priest avance, sans
guère de preuves, qu’il a été empoisonné par le chambellan Basile le parakoimomène dont
Jean avait critiqué la fortune scandaleuse 1
Bibliographie
• Nicole Thierry, Un portrait de Jean Tzimiskès en Cappadoce
• Jean Skylitzès Synopsis Historiôn « Jean Tzimiskès » p.239-261.
Jean Ier Tzimiskès (en grec Ιωάννης « Τζιμισκής » Κουρκούας / Iôánnes « Tzimiskếs »
Kourkoúas) (° v. 925 † 10 janvier 976) est empereur byzantin de 969 à 976.
Les origines
Son vrai nom est Kourkouas, sa mère est issue de la famille Phocas, il est ainsi le neveu de
Nicéphore Phocas. Ces deux familles originaires d'Arménie, sont très puissantes en
Cappadoce et parmi les plus en vue dans l’aristocratie militaire en Asie Mineure. Il épouse en
premières noces Marie Sklérina, fille de Panthérios Sklèros, noble byzantin, et de Grégoria,
descendante d’un frère de Basile Ier, et sœur de Bardas Sklèros. Son surnom de Tzimiskès a
deux origines possibles : soit ce nom est dérivé de l’arménien tshemshkik, signifiant « botte
rouge », soit de l'arménien pour « petite stature ».
Les sources contemporaines de Tzimiskès le décrivent comme plutôt petit mais svelte, avec
des cheveux et une barbe blonds-roux et des yeux bleus qui lui attiraient la faveur des
femmes. Il semble avoir rejoint l’armée à un âge précoce, et au début sous le commandement
de son oncle Nicéphore. Ce dernier est aussi considéré comme son instructeur dans l’art de la
guerre. Grâce à ses origines familiales et à ses propres talents de soldat, il s'élève rapidement
dans la hiérarchie militaire et on lui confie un commandement en Arménie avant qu'il
n'atteigne l’âge de 25 ans. En 958, il bat à plusieurs reprises Nagā al-Kāsakī, un des
lieutenants de l’émir abbasside de Damas Saif ad-Dawlah. Il prend Samosate et Raban après
avoir infligé une lourde défaite à ad-Dawlah. Il est nommé stratège des Anatoliques en 959 en
replacement de Léon Phocas, promu domestique des Scholes d’Orient.
La prise du pouvoir
Jean est aimé de ses troupes et se distingue aux côtés de Nicéphore pendant la campagne que
fait ce dernier et qui se termine par la prise d’Alep en 962. Brillant général, il commande ses
troupes en Asie Mineure. Quand Nicéphore II monte sur le trône, il lui confie le
commandement général de l’armée. Il remporte une victoire sur les Abbassides à Adanes en
Cilicie.
Pour légitimer son arrivée sur le trône, il épouse en novembre 970 Théodora, sœur de Romain
II, et associe au trône les deux fils de Romain II, Basile II et Constantin VIII. Par ailleurs, il
gagne le peuple en mettant fin aux famines qui sévissaient à cette époque, en construisant des
hôpitaux et en visitant les léproseries où il pansait lui-même les malades.
Avec l’aide de son beau-frère Bardas Sklèros, il réprime la révolte de Bardas Phokas en 970.
La même année, il annexe la Bulgarie orientale, après y avoir chassé les Russes, à la bataille
d'Arcadiopolis (aujourd'hui Luleburgaz) et force Sviatoslav Ier à demander la paix l'an suivant.
La scène de la reddition de Sviatoslav, dans laquelle ce dernier arrive en bateau, est restée
célèbre.
En 971, Jean Ier fait le siège de Silistrie sur le Danube d'où il chasse définitivement les Russes
de Sviatoslav Ier. La même année, une expédition est envoyé conquérir Jérusalem. Mais
l’armée qu’il confie à un grand domestique est massacrée dans un défilé par Abataglab,
gouverneur de la province de Miafarekin (Miyafariqin ou Martyropolis). Jean Ier vient lui-
même au printemps suivant mettre le siège devant Nisibe et force Myctarsis à lui ouvrir ses
portes.
Il retourne ensuite à Constantinople où le peuple lui fait un triomphe, mais doit en 974 et 975
reprendre le chemin de la Mésopotamie et de la Syrie, retombées aux mains des Abbasides.
Dans cette nouvelle campagne, il s’empare à l'automne 974 de Miyafarekin (Silvan), Amida
(Diyarbakir) et le 12 octobre entre dans Nisibe évacuée par sa population. L'émir Hamdanide
de Mossoul, Abou-Taglib fait sa soumission. Il semble que Jean Ier soit tenté par une
expédition sur Bagdad mais il y renonce. Ce n'était là qu'une campagne de pillage.
Au printemps 975, l'empereur entame une campagne en Syrie plus sérieuse. Il part d'Antioche
en avril, s'empare d'Homs qui paye tribut sans résistance, puis d’Apamée et Baalbek (laquelle
pour avoir voulue résister est durement châtiée), et force le gouverneur de Damas à lui payer
un tribut. Ensuite, il marche sur la Palestine et après s'être rendu maître de Tibériade, de
Beyrouth, de Nazareth, d’Acre, de Césarée et du mont Thabor, la ville sainte semble à portée
de sa main, mais il y renonce. La domination musulmane sur la Syrie n’étant plus qu’un
souvenir, il préfère probablement temporiser et ne pas surcharger de taxes le reste de l’Empire
par ses besoins en approvisionnement. Le maintien des fortes garnisons fatimides dans les
villes littorales (Tripoli dont ont sait qu'elle résista plus tard dix ans aux croisés) et la fidélité
plus que fluctuante des émirs musulmans de Syrie dont beaucoup restent en place montrent
les limites des résultats de cette expédition. La mort rapide de Jean Ier n'ayant pas permis de
consolider les résultats obtenus.
Il tombe subitement malade sur le chemin du retour et meurt à peine parvenu à Constantinople
le 10 janvier 976. On pense qu’il succombe à la typhoïde. Ange de Saint-Priest avance, sans
guère de preuves, qu’il a été empoisonné par le chambellan Basile le parakoimomène dont
Jean avait critiqué la fortune scandaleuse 1
Bibliographie
• Nicole Thierry, Un portrait de Jean Tzimiskès en Cappadoce
• Jean Skylitzès Synopsis Historiôn « Jean Tzimiskès » p.239-261.
Romain III Argyre (968 - 11 avril 1034) est empereur byzantin du 12 novembre 1028 à
1034. Il était le petit-fils de Romain Argyre et de son épouse Agathe Lécapène, elle-même
fille de Romain Ier Lécapène.
Sur son lit de mort, Constantin VIII arrangea le mariage de sa fille Zoé avec un sénateur de
Constantinople, Romain Argyre, déjà assez âgé et marié (son épouse dut se tondre et accepter
d'entrer dans un couvent pour que Romain, menacé de mort, pût monter sur le trône).
Incapable de remplir sa charge, ayant peu d'expérience politique et militaire, Romain III
décida de mener une campagne en Syrie en 1030.Il y fut lamentablement défait et se consacra,
désormais, aux tâches administratives, dans lesquelles il ne sut non plus devenir compétent.
Il se tourna alors vers la construction d'églises et fit édifier la grande église de la Vierge
Peribleptos "qui voit tout", ainsi qu'un monastère adjacent. La démesure de ces deux
constructions finit par dresser le peuple contre lui.
Il mourut aux bains, peut-être de la main de Zoé, le jour du vendredi saint 11 avril 1034. Il
subsiste une incertitude sur les causes de sa mort ; comme il était tombé malade peu avant sa
mort — possiblement du fait d'un empoisonnement —, on ne sait pas s'il est mort
naturellement ou noyé. Zoé installa aussitôt sur le trône son amant Michel IV le
Paphlagonien.
Bibliographie
• Jean Skylitzès Empereurs de Constantinople « Synopsis Historiôn » traduit par
Bernard Flusin et annoté pat Jean-Claude Cheynet éditions P.Lethilleux Paris 2003
(ISBN 2283604591) « Romain Argyros », p.311-324.
Zoé de Byzance
Zoé la Porphyrogénète, née en 978, morte en 1050, impératrice byzantine de 1028 à 1050,
fille de Constantin VIII.
Elle est née sous le règne de son oncle Basile II. Psellos, le grand intellectuel du siècle, la
décrit comme petite et grassouillette, mais blonde et d'une peau très blanche; "aucune partie
de son corps ne portait aucune ride, mais toute sa chair était lisse, ferme et tendue." Zoé est
fiancée en 1002 à Otton III, empereur germanique. Elle débarque alors en Italie pour
apprendre la mort de son fiancé juste avant le mariage. En 1028, son père se meurt et décide,
pour garder la couronne dans la famille, de marier Zoé à un parent, Romain Argyre, en dépit
des interdits canoniques, car c'est déjà un homme marié. Elle régne avec sa sœur Théodora à
la mort de son père, puis l'exile avec l'aide de son mari, Romain III. Son mariage avec ce vieil
homme ne lui donne pas d'héritier. Elle le fait assassiner par un valet de Romain III, qui est en
fait son amant et le proclame empereur sous le nom de Michel IV en 1034. Cette attitude
choque une partie de la cour. Quand Romain III, malade, décède au cours d'un bain, la rumeur
court que l'impératrice a accéléré la mort de son époux en le faisant noyer.
Elle adopte le neveu de celui-ci Michel le Calfat, qui devient empereur sous le nom de Michel
V à la mort de son oncle.
Zoé est populaire dans la capitale, car elle se montre généreuse, distribuant libéralement, voire
dilapidant une partie de l'immense trésor laissé par son oncle: "Elle avait la main prodigue et
capable d'épuiser le jour même une mer épaisse de poudre d'or".
Constantin IX
Constantin IX Monomaque (grec: Κωνσταντίνος Θ΄ Μονομάχος, Kōnstantinos IX
Monomakhos), (1000 - 11 janvier 1055) fut empereur byzantin du 12 juin 1042 au 11 janvier
1055.
Au cours de son règne de plus de 12 ans Constantin Monomaque qui n’a pratiquement jamais
quitté le palais impérial doit faire face à un complot, deux séditions militaires une attaque des
russes sur la capitale, ainsi qu’à l’apparition de nouveaux ennemis avec le début des attaques
des turcs seldjoukides à l’est, l’invasion des Petchenègues sur le Danube et l’agression des
Normands en Italie du sud.
Biographie [
Le Christ entre Constantin IX Monomaque et Zoé. Mosaïque de Sainte-Sophie
Sa seconde épouse Pulchéria Sklèros était la nièce de Romain III Argyre. Compromis dans un
complot sous le règne de Michel IV il est exilé par Jean l'Orphanotrophe dans l'île de
Mytilène5. Il est rappelé par l’impératrice Zoé qui le choisi comme prince consort et qui
l’épouse le 11 mai 1042 la veille de son couronnement. Après la disparition de Zoé à l’âge de
72 ans en 1050 il demeure seul empereur jusqu’à sa propre mort d’une pleurésie le 11 janvier
1055. Il est inhumé aux côtés de Maria Sklèraina dans le somptueux tombeau qu’il s’était fait
édifié dans le monastère de Saint-Georges dans le quatier des Manganès
Événements intérieurs
• Le général Georges Maniakès, renvoyé en Italie par Zoé en avril 1042, châtie les villes
qui ont fait appels aux Normands . Il se révolte lorsque son ennemi Romain Sklèros 6
obtient son rappel et il se fait proclamer empereur par ses troupes en octobre 1042.
Georges Maniakés s’embarque pour Dyrrachium et marche sur la capital grâce à son
alliance avec le chef serbe Étienne Vojislav de Dioclée. Dès la première rencontre
avec l’armée envoyée contre lui il est mortellement blessé.
• Une seconde révolte militaire est menée par Léon Tornikios. Ce dernier quitte la
capitale le 14 septembre 1047 avec plusieurs chefs d’armée. Proclamé empereur il
marche sur la ville impériale à la tête d’une armée rebelle. Après plusieurs assauts
vains contre la ville, il bat en retraite lors de l’arrivée de l’armée d’Orient il est capturé
et aveuglé (25 décembre 1047) .
• le samedi 16 juillet 1054 la rupture (Schisme de 1054) est consommée entre les églises
de Rome et de Constantinople du fait de l’intransigeance des protagonistes le
patriarche Michel Ier Cérulaire et des trois légats du Pape mort le 19 avril précédent :
Humbert de Moyenmoutier, l’archevêque Pierre d’Amalfi, et le cardinal Frédéric de
Lorraine.
Affaires extérieures
• Depuis la fin du siècle précédent l’empire byzantin entretenait avec les princes russes
de Kiev des relations pacifiques. Le meurtre à Byzance d’un marchand de Novgorod
et le refus de l’empereur de verser une indemnité à la famille du défunt entraîne une
expédition de représailles. Une flotte commandée par Vladimir le fils aîné de Iaroslav
le Sage attaque la capitale. Les russes sont repoussés en juin 1043 avec une lourde
perte de 15 000 hommes grâce à l’utilisation du feu grégeois. Les bonnes relations ne
seront rétablies qu’en 1046 après l’union de la fille de l’empereur avec le prince
Vsevolod un fils cadet de Iaroslav
• L’Empire byzantin renouvelle pour 10 ans en 1045-/1046 la trêve qui le lie aux
Fatimides et les rapports cordiaux s’établissent avec l’Égypte. Constantin ravitaille
même la Syrie musulmane pendant une famine en 1053.
• En 1045 Constantin avait exigé du roi Gagik II d'Arménie l’application d’un testament
de son oncle le roi Jean Sempad qui léguait en 1021 le royaume d’Ani à l’empereur.Si
l'annexion du Royaume d'Arménie bagratide repousse les limites de l'empire, elle
aboutit à affaiblir la défense de ses frontières lorsque quelques années plus tard
l'empereur ordonne la dissolution des milices féodales arméniennes fortes de 50 000
hommes pour les remplacer par des impôts destinés à l'administration byzantine
• C’est en 1048 qu'a lieu la première incursion des turcs Seldjoukides qui ravagent le
Vaspourakan .Les forces byzantines appuyés par des auxiliaires Ibères les repoussent.
Menées par un chef habile Katakalôn Kékauménos elles infligent une défaite sanglante
à Ibrâhîm Inal, le demi-frère du sultan Toghrul-Beg à Gaboudrou le 17 septembre
1048 Pour libérer le prince Liparit IV Orbélian qui avait été fait prisonnier Constantin
IX doit signer une trêve avec Toghrul au début de 1050. En 1053/1054 mettant à profit
l’envoie l’année précédente des armées d’Orient sur le front du Danube contre les
Petchenègues le sultan Seldjoukides Toghrul-Beg lance une offensive en Arménie
contre le Vaspourakan il est toutefois contenu devant Mantzikert dont il ne peut pas
s’emparer et repoussé au-delà des frontières de l’empire byzantin
• Sur le Danube c’est également pendant l'hiver 1048/1049 que les Petchenègues du
khan Tyrach fils de Vilter franchissent le fleuve. Les troupes de Constantin Areinitès
duc d’Andrinople sont battu à Déampolis (1049) l’année suivante le duc est tué lors de
la bataille de Basiliké Libadia. Un chef de guerre Kégénis en conflit avec le Khan se
réfugie dans l’empire avec une partie des troupes. Ils entrent au service de byzance et
sont envoyés en Bithynie pour lutter contre les turcs . Les barbares indisciplinés et mal
commandés se révoltent repassent le Bosphore et s’établissent dans la plaine de
Sofia .Les généraux Nicéphore Bryennos et Michel l’Acoluthe avec une armée
d’auxiliaires francs et varègues remporte la victoire de Goloèo et les forcent à évacuer
la Thrace . Toutefois Tyrach décime l’armée impériale aux passages des Balkans et les
petchenègues obtiennent en 1050 la paix et le droit eux aussi de s’établir en Bulgarie.
Un traité est par ailleurs signé en 1053 avec Mihailo Vojislavljević prince de Dioclée
et fils d' Étienne Vojislav qui avait succédéà son père.
• En Italie du Sud les normands avaient continué à progresser après que le rappel du
général Argyros pour défendre la capitale contre Léon Tornikios. Après le meurtre de
leur chef Drogon de Hauteville, le 11 aout 1050, Argyros revient avec les titres de
Magistros et de duc d’Italie. En juin 1052 il fait alliance avec le pape Léon IX. Ce
dernier décide de se rendre en Allemagne afin de solliciter l’aide de l’empereur Henri
III. Argyros entre seul en en campagne et subit trois défaites à Tarente Crotone et
enfin à Siponto en juin 1053. Le pape subit à son tour une défaite complète le 17 juin
1053 à Civitate. Prisonnier des normands à Bénévent il doit traiter avec eux et ne
rentre à Rome qu’en mars 1054 pour y mourir le 19 avril suivant.
• Du fait de ses bonnes relation avec les Fatimides, l'empereur Constantin IX put
coopérer à la reconstruction de l'église du Saint Sépulcre à Jérusalem et exercer une
sorte de protectorat de facto sur les chrétiens de la Terre-Sainte.
Unions et postérité
Constantin Monomaque avait épousé en première noce une noble, fille d’un membre distingué
de la cour impérial qui mourut de maladie
Veuf il s’était remarié avec Pulchéria Skléros, fille Basile Sklèros et par sa mère Pulchéria
Argyropoulina nièce de l’empereur Romain III Argyre qui fut sans doute la mère de sa fille
unique :
• Anna (parfois nommée Zoé ou Irène ) († en 1067) épouse en 1046 du prince Vsevolod
Ier, grand-duc de Kiev.
À la suite de la mort sa seconde épouse il hésite à contracter une troisième union et vit
maritalement avec une nièce de sa défunte femme Maria Sklèraina († entre 1042/1050).
Après avoir épousé en 1042 l’impératrice Zoé il réussit à obtenir de cette dernière le maintien
de sa maîtresse au palais. L’impératrice pour le moins très complaisante officialise ce ménage
à trois en accordant à la Sklèraina le titre inédit de « Sébasté ». Elle l'aurorise en outre à
participer au conseil en vertu d'un contrat d'amitié.
Bibliographie [modifier]
• Louis Bréhier Vie et mort de Byzance Albin Michel Paris 1946 réédition 1969. p. 207-
219
• Louis Bréhier Les institutions de l'empire byzantin Albin Michel Paris 1949 réédition
1970.
• John Julius Norwich Histoire de Byzance Perrin Tempus Paris 1999 p. 262-267.
• Michel Psellos Chronographie Livre VI chapitres 14-203.
• Jean Skylitzès Empereurs de Constantinople « Synopsis Historiôn » traduit par
Bernard Flusin et annoté par Jean-Claude Cheynet éditions P.Lethilleux Paris 2003
(ISBN 2283604591) « Constantin Monomaque », p. 351-394.
Théodora Porphyrogénète
Théodora
Théodora, dite Porphyrogénète, est la fille de l'empereur byzantin Constantin VIII, née vers
980, morte le 21 août 1056.
Elle règne avec sa sœur Zoé à la mort de son père en 1028 pendant quelques semaines mais
est exilée dans un couvent par Zoé et son époux Romain III. À la chute de Michel V (21 avril
1042), elle est appelée par le sénat afin de partager de nouveau le trône avec sa sœur du 21
avril au 12 juin 1042 mais le remariage de celle-ci avec Constantin IX Monomaque l'exclut
une nouvelle fois du pouvoir.
À la mort de Constantin IX, elle règne enfin seule du 11 janvier 1055 au 21 août 1056, et
désigne Michel VI, un fonctionnaire de l'administration centrale, pour lui succéder.
Bibliographie
• Jean Skylitzès Empereurs de Constantinople « Synopsis Historiôn » traduit par
Bernard Flusin et annoté pat Jean-Claude Cheynet éditions P.Lethilleux Paris 2003
(ISBN 2283604591) « Théodora », p.395-396.
Michel VI
Michel VI Bringas Stratiotique (ou Stratiotikos — signifiant le belliqueux) ( ? - 1059) est
empereur byzantin du 30 août 1056 au 31 août 1057. Général déjà âgé, il est choisi par les
eunuques pour succéder à la dernière représentante de la dynastie macédonienne,
l’impératrice Théodora.
Biographie
Michel est un lointain parent du parakoimomène Joseph Bringas, ministre de Romain II qui
s’était opposé à Nicéphore II presque un siècle auparavant. Michel a été logothète du
stratiotikôn, ce qui pourrait expliquer son nom. Selon Skylitzès, Michel est amené sur le trône
par les eunuques du palais et le syncelle Léon en août de l'année 1056 selon le comput
byzantin alors que Théodora était encore agonisante. Skylitzès affirme qu'il s'agit un homme
simple et qui n’a guère fait plus que s’occuper des caisses de l’armée jusqu'à présent. En
1056, Michel est déjà âgé1 ce qui est sans doute l'explication du choix des eunuques
impériaux; Ceux-ci espèrent probablement contrôler l'empereur lequel jure d'ailleurs de ne
jamais rien faire sans leur accord.
Michel est proclamé empereur le 31 août 1056 mais doit immédiatement faire face à la révolte
du proèdre Théodose, cousin germain de l’empereur Constantin IX Monomaque et qui
considère que le trône lui revient. Mal préparée et ne recevant pas le soutien du patriarche
Michel Ier Cérulaire, la révolte de Théodose est un échec. Il est exilé à Pergame.
Michel ne possède aucune finesse politique et ne parvient pas à maintenir l'équilibre entre
l’aristocratie et l’armée : pour gouverner il souhaite s'appuyer sur la noblesse civile. En effet
depuis le règne de Constantin IX Monomaque (1041-1055) la bourgeoisie urbaine obtient les
dignités qui lui permettent l'accès au Sénat. Ce phénomène suscite une violente hostilité de
l’armée et de l’aristocratie d’origine militaire. En poursuivant cette politique il s'aliène les
militaires tels Isaac Comnène (le futur empereur Isaac Ier) et Katakalôn Kékauménos.
Michel n'est guère plus heureux en politique extérieure. Il refusant de payer le franc Ervévios
Phrangopôlos et se moque de lui, le poussant à s’allier à l’aventurier turc Samouch. L’alliance
ne tient guère, mais les faibles capacités de Michel pour la diplomatie mettent des régions de
l’Empire en danger.
Le 8 juin 1057 l'armée proclame Empereur Isaac Comnène. Isaac est soutenu par les tagmata
orientales, tandis que Michel reçoit essentiellement le soutien des armées occidentales et
macédoniennes. Les deux camps finissent par s’affronter près du mont Sophôn (actuellement
le Sabandja dagh en Turquie). Bien que les deux armées soient de force égale, Michel est
vaincu par les armes, il tente alors une victoire diplomatique, proclamant Isaac comme son
successeur. Le 30 août 1057, les sénateurs reconnaissent Isaac comme empereur. Un coup
d’État fomenté par le patriarche Michel Cérulaire met définitivement fin au règne de Michel
qui, déposé, redevient un simple citoyen et meurt peu après.
Bibliographie
• Michel Psellos Chronographie Livre VII, chapitres 1-43, p.209-229.
• Jean Skylitzès Empereurs de Constantinople « Synopsis Historiôn » traduit par
Bernard Flusin et annoté pat Jean-Claude Cheynet éditions P.Lethilleux Paris 2003
(ISBN 2283604591) « Michel le Vieux », p.397-411.
• Louis Bréhier Vie et mort de Byzance Payot Paris 1946 réédition 1969, p.220-221.
Isaac Ier
Isaac Ier, né vers 1007 et mort en 1061, empereur byzantin du 1er septembre 1057 au 25
décembre 1059.
Il est proclamé empereur le 8 juin 1057. Homme d’État capable, il souhaite assainir les
finances de l’Empire et décentraliser l’administration. Ce faisant, il heurte les intérêts de la
bureaucratie impériale ainsi que ceux du clergé.
Il entreprend également une réforme complète des armées, avec une efficacité toute militaire :
il s’assura ainsi que les troupes disposent d’un budget correct et restaura rapidement la
discipline sévère sur laquelle reposait la sécurité de l’Empire.
Il confisque également les grands domaines que s’étaient appropriés les favoris, notamment
ceux acquis par le patriarche Michel Cérulaire — auquel il accorda cependant, en
reconnaissance de l’aide qu’il lui avait apportée lors de son accession au trône,
l’administration de Sainte-Sophie. Malgré cela, Michel Cérulaire entreprend de déposer Isaac
Ier : le 8 novembre 1058, Isaac le fait arrêter et exiler. Cette mesure finit par rendre Isaac
impopulaire.
Fatigué et malade, il abdique fin 1059 en faveur de son principal ministre, Constantin X
Doukas après que son propre frère, Jean Comnène (le père du futur empereur Alexis Ier) ait
décliné l'offre de lui succéder. Il meurt en 1061 au monastère du Stoudion.
Il épouse avant 1057 Catherine de Bulgarie, fille de Ivan Vladislav, tsar de Bulgarie et de
Marie dont un fils Manuel et une fille Marie qui se retire avec sa mère au couvent après
l'abdication de son père.
Bibliographie
• Michel Psellos Chronographie Livre VII, chapitres 44-92, p.230-252.
Constantin X
Histaménon de Constantin X
Biographie
Il est membre de la famille aristocratique des Doukas qui domine la société byzantine jusqu'au
règne d'Alexis Ier et dont les revenus proviennent de grands domaines en Thrace et Macédoine
et de biens-fonds dispersés en Asie Mineure. Ministre et principal conseiller d'Isaac Ier
Comnène, il succède à ce dernier plus ou moins contraint d'abdiquer en 1059 à la suite de
décisions fiscales impopulaires1 Mais Constantin, issu de l'aristocratie civile, ne possède pas
les appuis dans l'armée de son prédécesseur. Aussi doit-il dans sa lettre d'avènement envoyée
aux différents thèmes évoquer l'accord conclu avec Isaac pour éviter toute rébellion. Il
s'appuie pour gouverner sur les grandes familles byzantines y compris celle de son
prédécesseur.
Érudit et intellectuel, il ne sait continuer l'œuvre d'Isaac Ier, se contentant de passer son temps
en discussions savantes et de rédiger d'interminables dissertations sur les points les plus
minimes de la loi.
Comme représentant de la noblesse civile, il facilite l'entrée au sénat aux plus larges couches
de la bourgeoisie. Il supprime les mesures fiscales d'Isaac Ier mais accroit considérablement les
dépenses de l'État par la création d'une administration civile pléthorique. Constantin, afin de
diminuer le poids de l'armée recrute de plus en plus de mercenaires étrangers.
Unions et postérité
Constantin avait d'abord épousé une fille de Constantin Dallassène, noble Byzantin. Il ne
semble pas avoir eu d'enfants de ce premier mariage. Il épouse en secondes noces avant 1050
Eudoxie Makrembolitissa dont il a :
À sa mort, sa femme Eudoxie Makrembolitissa est chargée de la régence au nom de son fils
Michel VII. Pour exercer cette régence, et malgré l'interdiction que Constantin lui avait faite
avant de mourir, elle se remarie avec Romain IV Diogène
Bibliographie]
• Michel Psellos Chronographie Livre VII, chapitres 1-29, p.253-263.
A la mort de son père, sa mère se remarie avec Romain Diogène qui est associé au trône.
Après la défaite de Romain IV à Mantzikert le 26 août 1071 et sa captivité par Alp Arslan, il
reste le seul maître de l'Empire.
Il poursuit la politique de son père, mais est incapable de rejeter les forces qui envahissent les
territoires byzantins et de contrôler les rébellions internes. Son règne est marqué par des
troubles causés, depuis l'extérieur, par l'Église de Rome, les Petchenègues et les Magyars.
Les Normands qui envahissent l'Italie du Sud arrivent près de Constantinople. Il sollicite l'aide
des Seldjoukides d'Anatolie.
Il est renversé par Nicéphore Botaniatès en 1078 et se retrouve enfermé dans le monastère du
Studium. Sa femme Marie d'Alanie est contrainte d'épouser Nicéphore III. Il devient plus tard,
sous le règne d'Alexis Ier, évêque jusqu'à sa mort.
De Marie d'Alanie, il a un fils Constantin Doukas, qui est un temps associé au trône.
Bibliographie
• Michel Psellos Chronographie Livre VII, chapitres 1-20, p.281 & sv.
Romain IV Diogène
Romain Diogène (1032 - 1071) fut empereur byzantin sous le nom de Romain IV.
À la mort de Constantin X, en 1067, sa femme Eudoxie devint impératrice. Elle épousa peu de
temps après Romain Diogène, né en 1032 qui fut couronné empereur sous le nom de Romain
IV le 1er janvier 1068. De cette union naissent Nicéphore Diogène et Léon Diogène.
Sous son règne, les Normands s'installèrent en Sicile et dans la région de Naples, finissant par
en chasser les Byzantins en 1071.
Romain dut mener de nombreuses campagnes dans l'est de l'Empire à cause de la présence des
Turcs Seldjoukides, qui finirent par le vaincre lors de la bataille de Manzikert, en août 1071 ;
Romain IV fut capturé par leur chef Alp Arslan, qui le libéra peu après.
De retour à Constantinople, il fut déposé par son beau-fils Michel VII Doukas, qui fit exiler
l'Impératrice Eudoxie. Michel VII lui fit crever les yeux et le fit enfermer dans un monastère,
où il mourut quelques jours après. Romain IV fut inhumé dans l'île de Proti.
Sous son règne l'Empire byzantin connaît sa première grande crise financière (1068-1080) ; le
manque de métaux précieux le conduit à dévaluer les monnaies d'or et d'argent 1.
Bibliographie
• Michel Psellos Chronographie Livre VII, chapitres 10-43, p.268-280.
A la mort de son père, sa mère se remarie avec Romain Diogène qui est associé au trône.
Après la défaite de Romain IV à Mantzikert le 26 août 1071 et sa captivité par Alp Arslan, il
reste le seul maître de l'Empire.
Il poursuit la politique de son père, mais est incapable de rejeter les forces qui envahissent les
territoires byzantins et de contrôler les rébellions internes. Son règne est marqué par des
troubles causés, depuis l'extérieur, par l'Église de Rome, les Petchenègues et les Magyars.
Les Normands qui envahissent l'Italie du Sud arrivent près de Constantinople. Il sollicite l'aide
des Seldjoukides d'Anatolie.
Il est renversé par Nicéphore Botaniatès en 1078 et se retrouve enfermé dans le monastère du
Studium. Sa femme Marie d'Alanie est contrainte d'épouser Nicéphore III. Il devient plus tard,
sous le règne d'Alexis Ier, évêque jusqu'à sa mort.
De Marie d'Alanie, il a un fils Constantin Doukas, qui est un temps associé au trône.
Bibliographie]
• Michel Psellos Chronographie Livre VII, chapitres 1-20, p.281 & sv.
Nicéphore III Botaniatès, né en 1001 et mort en 1081, est empereur byzantin du 7 janvier
1078 au 1er avril 1081.
Stratège du thème d'Anatolikon, il est proclamé empereur par l’armée d’Orient le 10 octobre
1077 à Nicée, révoltée contre Michel VII. Il renverse celui-ci avec l’aide du turc seldjoukide
Süleyman Ier, auquel il verse tribut, et épouse l’impératrice Marie d'Alanie, femme de Michel
VII. Avec l’aide d’Alexis Comnène, il écarte ses rivaux, dont le général Nicéphore Bryenne,
et réussit à se faire accepter par l’aristocratie et le clergé.
Son règne est une suite de révoltes et de guerres civiles. Le parti de la bureaucratie civile
s’étant effondré, le Sénat se trouvait privé de toute autorité.
Son règne de 37 ans est l’un des plus longs de l’empire byzantin et aussi l’un des plus agités.
Il révèle les qualités d’homme d’État d’Alexis dans des circonstances dramatiques où les
menaces sur l’Empire s’amoncellent de toutes parts. Confronté à de nombreuses révoltes
intérieures, l'empire est aussi la proie de convoitises étrangères, qu'il s'agissent des Turcs, des
Normands ou des Petchenègues. Son règne est donc une lutte continuelle pour la survie de
l'empire. À sa mort Alexis lègue à son fils un territoire consolidé et agrandi. Cependant, si à
court et moyen terme le gouvernement d'Alexis Ier est un succès, son bilan reste contrasté :
début du déclin économique de l'empire du fait de ses accords commerciaux avec les cités
italiennes ; fermeture de la société byzantine ; fin d'une certaine renaissance culturelle.
Alexis Comnène Ier
La bataille de Malazgirt
Au XIe siècle l'empire byzantin est marqué par l'ascension irrésistible d'une noblesse fondée
sur la naissance et l'accès aux fonctions militaires. Alexis est membre d'une de ces familles. Il
est élevé, ainsi que ses frères, par sa mère Anne Dalassène en vue de monter un jour sur le
trône. Celle-ci en effet n'a jamais accepté le refus de son mari, Jean Comnène, de succéder à
son frère Isaac Ier Comnène lorsque celui-ci abdique en 1059 au profit de Constantin X
Doukas. Aussi pratique-t-elle une stratégie matrimoniale qui unit les Comnène à toutes les
grandes familles de l'empire. Alexis prend ainsi, de sa position de courtisan, connaissance des
principaux clans aristocratiques et de l'estimation de leur importance.
Son premier contact avec l'armée remonte aux mois qui précèdent la défaite de Manzikert
(1071) quand sa mère l'envoie rejoindre l'empereur Romain IV Diogène pour remplacer son
frère ainé Manuel Comnène, mort de maladie au cours de la campagne. Alexis n'a que 13 ans.
L'empereur lui ordonne cependant de retourner immédiatement à Constantinople.
Le chef normand représente une menace telle pour l’empire que Michel VII s’entend avec les
Turcs seldjoukides pour s’en débarrasser. Battu en Cappadoce par l'émir turc Artouch,
Roussel est fait prisonnier. Rapidement libéré contre rançon, il se réfugie en Arménie, à
Amasya, et se rend maître des principales villes du Pont. Alexis, qui a juste 17 ans, est alors
nommé stratopédarque (1075) et envoyé s’emparer du Normand. Il ne dispose guère de plus
d'un millier d'hommes et pratique une campagne de harcèlement. Alexis utilise aussi la
diplomatie (constante que l'on retrouve plus tard tout au long de son règne) et prend contact
avec un chef turc nommé Toutach, sans doute envoyé par Malik Shah Ier. Celui-ci s'empare de
Roussel et le livre à Alexis, qui se trouve alors confronté au mécontentement des habitants
d'Amasya, sur qui il compte pour payer la somme promise aux TurcsIl rentre alors sur
Constantinople par mer, car la route terrestre est bloquée par des bandes turques, ce qui
illustre l'affaiblissement de l'empire.
En novembre 1077, Nicéphore Bryenne, général issu d'une famille illustre, se révolte et
s'empare de la Macédoine, tandis que son frère Jean Bryenne tente d'assiéger la capitale.
Alexis en commande la défense avec l'aide de Roussel de Bailleul, sorti de sa prison sur ordre
de l'empereur Michel VII. Les deux anciens adversaires remportent la victoire sur l'armée de
Jean Bryenne en janvier 1078. Cet exploit lève l'opposition de Michel VII au mariage d'Alexis
avec Irène Doukas, petite-fille du César Jean Doukas, oncle de l'empereur et véritable chef de
la famille Doukas. Le fils unique de celui-ci, Andronic, est mourant et il parait important à
Jean Doukas et à sa bru, Marie de Bulgarie, d'assurer l'avenir de la famille à un protecteur à
l'étoile montante d'autant que l'horizon politique du Basileus semble incertain.
En effet, à peine cette victoire est-elle obtenue qu'une seconde révolte éclate, menée par le
duc des Anatoliques, Nicéphore Botaneiatès, en Asie mineure. Le 25 mars 1078, une émeute
de ses partisans éclate dans Constantinople. Alexis, qui dirige les troupes de la capitale, est
persuadé qu'il est possible de tenir tête aux insurgés, mais Michel VII préfère abdiquer
(3 avril 1078). Alexis tente alors vainement de convaincre Constantin Doukas, le frère de
Michel, d'accepter le trône ; devant le refus de ce dernier, il se rallie à Nicéphore Botaneiatès.
Celui-ci, trop heureux de ce soutien qui lui livre la capitale, accepte avec empressement et
monte sur le trône sous le nom de Nicéphore III, épousant la femme de Michel VII,
l'impératrice Marie d'Alanie. Celle-ci cependant espère préserver les droits au trône de son fils
Constantin et cherche un protecteur en la personne d'Alexis faisant de lui, en l'adoptant de
façon officielle au printemps 1078, le frère de son fils âgé de 4 ans. Il est plus que probable
qu'une liaison entre Alexis et Marie d'Alanie, réputée pour sa beauté, intervient vers 1078,
d'autant que la femme d'Alexis n'a à l'époque qu'une douzaine d'années.
La prise du pouvoir
Alexis Comnène est dans un premier temps considéré avec honneur par le nouvel empereur
ainsi que sa famille. Le frère aîné d'Alexis, Isaac, de retour d'Antioche à l'été 1078, est
nommé sébaste lui aussi. Marié à une cousine de l'impératrice Marie d'Alanie, il réside au
palais impérial et devient proche du basileus. L'âge avancé de Nicéphore III déclenche des
ambitions : celles d'Alexis et de son frère Isaac, soutenus par leur mère Anne Dalassène, mais
aussi celle de Jean Doukas qui a deux petits-fils, Michel et Jean, pouvant prétendre au trône.
Marie d'Alanie, enfin, n'a pas renoncé à l'empire pour son fils Constantin. Alexis reste
cependant le prétendant le plus sérieux : il est à la fois allié aux Doukas par son mariage,
adopté par Marie d'Alanie et surtout général prestigieux ayant des relais nombreux dans
l'armée.
Plan de Constantinople
Dans la nuit du 14 février 1081, Alexis prend contact avec les généraux Grégoire Pakourianos
et Constantin Humbertopoulos et reçoit leur soutien, puis il quitte la capitale et se rend à
Schiza. Il reçoit alors l'appui, décisif sur le plan financier, du César Jean Doukas, chef de
cette famille. Pendant ce temps, à Constantinople, les femmes de la famille Comnène sont
enfermées dans un monastère. À Schiza, Alexis est alors proclamé empereur, après que son
frère aîné, Isaac, s'est effacé à son profit. Il faut y voir la volonté du clan Doukas dont est
issue la femme d'Alexis. Finalement, c'est Isaac lui-même qui chausse son frère des
pantoufles pourpres, insigne impérial par excellence. Il le seconde avec efficacité jusqu'à sa
mort (vers 1104).
Alexis marche ensuite sur la capitale dont il fait le siège. Cependant, Nicéphore Botaneiatès
dispose de troupes non négligeables, en particulier les corps d'élites de mercenaires que sont
les Varangeset les Chomatènoi. De plus, le Sénat et le peuple de Constantinople sont hostiles
à Alexis. Enfin, la majeure partie des troupes d'Asie Mineure soutient un autre prétendant au
trône, Nicéphore Mélissènos, qui s'empare de Damalis, en face de la capitale. C'est surtout
avec le soutien des troupes « européennes », ainsi que des auxiliaires Turcs, qu'Alexis assiège
la capitale. Quelques attaques infructueuses lui font prendre conscience que le plus simple est
de circonvenir une partie des défenseurs, souvent des mercenaires étrangers. Alexis rallie à sa
cause le chef des Némitzoi (mercenaires allemands) qui garde la porte d'Andrinople, et pénètre
le jeudi saint (1er avril 1081) dans Constantinople. Une partie de la ville est alors livrée au
pillage par les mercenaires d'Alexis2 avant que ce dernier ne reprenne le contrôle de ses
troupes. Nicéphore propose à Alexis un partage du pouvoir mais, sous l'influence du
patriarche Kosmas, il finit par abdiquer et se retire dans un monastère. Alexis écarte
rapidement le dernier prétendant, Nicéphore Mélissènos, qui proposait un partage de l'empire,
en lui octroyant la dignité de César et la ville de Thessalonique.
L'homme d’État
C’est un homme jeune qui accède au pouvoir mais qui a déjà derrière lui une longue
expérience militaire dont les succès ont dépendu pour l’essentiel de son habileté diplomatique
plus que de ses qualités militaires. De petite taille, il dégage de lui un charisme certain (que
notent plus tard les chroniqueurs de la Première croisade) et un parfait contrôle de soi. Peu
cruel de nature, ses deux prédécesseurs terminent leur vie l’un sur un trône épiscopal (Michel
VII), l’autre dans un monastère (Nicéphore III), il est capable cependant d’utiliser la ruse et
même la terreur quand la situation l’exige. En épousant Irène Doukas il s’allie à l’une des plus
grandes familles de l’empire ce qui conforte son trône mais toute sa vie, et jusque sur son lit
de mort, il est contraint de déjouer les intrigues et complots de l’aristocratie byzantine et de
son entourage familial. Ainsi sa mère, une femme décrite comme dominatrice et possessive,
éprouve une haine féroce envers la nouvelle impératrice et son clan, haine partagée par Marie
d'Alanie, femme de Michel VII, de Nicéphore III Botaneiatès et probable maîtresse d’Alexis
avant son accession au trône1. Pour limiter les risques d’usurpation, Alexis pratique une habile
politique d’alliances matrimoniales. Sa fille aînée, Anne, épouse ainsi Constantin Doukas (le
fils de Michel VII et de Maria d’Alanie), puis, après le décès de celui-ci, Nicéphore Bryenne,
le fils du révolté de Dyrrachium.
Le redressement financier
La situation de l’empire en 1081 est dramatique. Dans les Balkans les Byzantins sont
confrontés aux Normands de Robert Guiscard ainsi qu’aux invasions des Petchenègues. Les
peuples Slaves en Serbie et Dalmatie sont en dissidenceN 11. La Cilicie, peuplée par des vagues
de migrations arméniennes est quasi-indépendante et se déchire entre les luttes fratricides de
plusieurs roitelets. De plus, la perte de l’Anatolie prive le basileus d’importantes recettes
fiscales et l’ancien système de recettes fiscales s’est effondré. L’un des premiers défis auquel
s’attaque Alexis Ier est donc le problème financier. Les moyens utilisés par l’empereur pour
faire rentrer de l’argent ne sont guère populaires mais néanmoins efficaces. La population est
taxée à la limite du supportable, certains biens de nobles et de l’Église sont confisqués, les
peines judiciaires sont fréquemment des amendes plutôt que des peines d’emprisonnement.
Enfin Alexis Ier prend deux décisions majeures qui se révèlent catastrophiques sur le long
terme : il accorde d’énormes avantages commerciaux à Venise par le chrysobulle de 1082, au
détriment du commerce byzantin lui-même, ce qui dans un premier temps lui assure l’alliance
de la puissante flotte de la cité des doges, et il dévalue la monnaie impériale qui, durant sept
siècles avait été la seule monnaie stable du bassin méditerranéen. Cette politique permet à
Alexis de remettre sur pied une administration efficace, de recréer une véritable armée et une
flotte et même d’entretenir une cour fastueuse.
L'Adriatique en 1084
En politique étrangère, la difficulté à laquelle est confrontée Alexis c’est de savoir contre quel
adversaire lutter en premier. Le calcul qu’il fait alors est que la lutte contre les Turcs suppose
un effort sur le long terme qu’il n’est pas encore capable d’effectuer mais que les querelles
internes affaiblissent provisoirement les Seldjoukides. Aussi choisit-il dans un premier temps
de repousser l’attaque normande. Robert Guiscard et ses troupes viennent de s’emparer
d’Avlona et assiègent Dyrrachium depuis l’été 1081. Robert justifie son intervention par sa
volonté de rétablir sur le trône l'ex-empereur Michel VII avec lequel il avait signé un alliance
en 1074. Ses effectifs sont compris entre 10 000 et 15 000 hommesAlexis lors de sa prise du
pouvoir a immédiatement remplacé le duc de Dyrrachium, Georges Monomachos, à la
fiabilité douteuse, par son beau-frère Georges Paléologue qui en organise immédiatement la
défense. La flotte vénitienne, alliée aux Byzantins, inflige une grave défaite aux Normands en
juillet 1081 qui lèvent le siège maritime mais pas le siège terrestre.
En octobre de la même année Alexis intervient avec une armée dont le corps principal est la
garde varègue composée, pour l’essentiel, d’Anglo-Saxons mais recrute aussi de nombreux
mercenaires turcs. Alexis repousse l'avis de ses généraux expérimentés qui conseillent une
guerre de harcèlement et attaque immédiatement Robert Guiscard. La bataille est longtemps
incertaine mais finalement Alexis est battu sévèrement et doit fuir le champ de bataille en
abandonnant la tente impériale. Dyrrachium tombe en février 1082, après avoir ouvert ses
portes aux Normands. Robert Guiscard contrôle ainsi la Via Egnatia qui lui ouvre la route de
Thessalonique et surtout de Constantinople.
C'est dans ces circonstances dramatiques que se mesure l'habileté d'Alexis lequel a toujours
plusieurs fers au feu. Ce désastre militaire est effectivement rapidement compensé par une
habile politique diplomatique. Anne Comnène indique qu'Alexis avait fortifié « les endroits
situés en face de Robert et devant lui; mais il n'avait pas négligé non plus d'intervenir derrière
lui. » Un rapprochement est mené avec l'empereur Henri IV en lutte avec le pape Grégoire
VII et ses alliés Normands. L'empereur germanique intervient militairement devant Rome en
mai 1081 puis de nouveau au printemps 1082. Alexis soutient aussi les revendication des
neveux de Robert, Abagelard et Herman, qui lui disputent l'héritage d'Onfroi de Hauteville,
son frère aîné. Une partie des Pouilles se soulève contre Robert au début de 1082. Enfin et
surtout Alexis renforce son alliance avec Venise. C'est dans ce contexte difficile pour l'empire
qu'il faut comprendre les privilèges commerciaux considérables obtenus par les Vénitiens
avec le chrysobulle de mai 1082. Venise, aidée d'une flotte byzantine, remporte au printemps
1082 un second succès naval sur les Normands.
Ces évènements obligent Robert Guiscard à repartir en Italie en avril 1082 avec une partie de
ses troupes. Il laisse son fils Bohémond en Grèce. Celui-ci s'enfonce en territoire byzantin et
Alexis se précipite pour essayer d'arrêter la marche de l'envahisseur. Il est battu à Ioannina
(mai 1082) puis de nouveau à Arta (juillet 1082) et retourne (aout 1082) à Constantinople
reconstituer une armée. Bohémond cependant assiège Larissa pendant 6 mois ce qui laisse à
Alexis le temps de recruter de nombreux mercenaires dont plus de 7000 turcs. Il réussit à
débaucher aussi une partie des officiers de Bohémond. À la fin de l'été 1083 il entame une
campagne d'embuscades. Il parvient par un stratagème à faire sortir la cavalerie de Bohémond
du siège de Larissa et massacre les fantassins de son adversaire. Les soldats normands sont
découragés et ne sont plus payés. Il est ainsi aisé à Alexis de leur faire changer d'allégeance.
Bohémond retourne alors à Avlona puis en Italie afin de trouver de quoi payer ses troupes.
En Asie Mineure la situation de l'empire byzantin s'est terriblement dégradée depuis la défaite
de Manzikert face aux Turcs Seldjoukides en 1071. Le principal chef turc est Soleïman Ibn
Qoutloumouch. Il est chargé par le sultan Malik Shah Ier de poursuivre la guerre contre les
Byzantins et s'acquiert de sa tache avec une telle vigueur que la quasi-totalité de l'Anatolie est
perdue pour Constantinople. Cette situation est rendue possible pour plusieurs raisons. Depuis
le règne de Basile II les grandes familles résident le plus souvent à Constantinople. Il n'y a pas
de ce fait de système local de défense contre les Turcs, qui contrairement aux Arabes
souhaitent s'établir en Anatolie, sur le modèle du château fort d'Europe occidental3. La défense
de ces terres est laissée à l'empereur. De plus les rebellions incessantes contre les empereurs
après la fin de la dynastie macédonienne, et le recours à des mercenaires turcs, favorisent
l'avance de ces derniers. Soleïman soutient ainsi en 1082 la tentative de Nicéphore
Mélissènos. Quand ce dernier se soumet à Alexis Soleïman s'est emparé de Nicée, d'une partie
de la Bithynie et de quelques cités de la Phrygie et refuse de les rendre. Nicée devient même
la capitale officielle du sultanat seldjoukides d'Anatolie. À partir de 1084/1085 les derniers
territoires sous contrôle byzantin en Asie passent sous suzeraineté turque sauf quelques
territoires côtiers d'Asie Mineure (Propontide). Ainsi les Turcs s’emparent de la grande cité
d’Antioche (13 décembre 1084) et des villes de Mélitène et Édesse peu après, peuplées
d’Arméniens pour la plupart. Seule Trébizonde, sur la cote nord de la mer Noire, reste
byzantine,
Quand Alexis devient empereur il est face à un choix. Quel ennemi combattre en premier, les
Normands ou les Turcs ? Contrairement à Robert Guiscard, dont l'objectif est clairement
Constantinople, les Turcs ne semblent pas avoir encore de dessein impérial et représentent
aux yeux d'Alexis un danger moins pressant. Aussi, nous l'avons vu précédemment, fait-il le
choix de défendre la partie occidentale de l'empire. Pour cela il mène une intense activité
diplomatique pour acheter la paix aux seldjoukides afin de se consacrer à la guerre contre les
Normands et n'hésite pas à recruter des mercenaires turcs dans ses propres troupes. Il parvient
à reprendre Damalis, promontoire situé en face de Constantinople de l'autre côté du Bosphore.
Face aux Turcs la politique d'Alexis est d'une grande constance, « diviser pour régner ». La
mort en 1086 du principal chef turc, Soleïman Ibn Qoutloumouch, qui venait de prendre
Antioche et qui marchait sur Alep, tué par un de ses rivaux jette la confusion chez les Turcs
d’Anatolie et vient en aide au basileus. Les différents subordonnés de Soleïman se rendent
indépendants et Nicée ainsi reste 6 ans entre les mains d’un rebelle, Abul Qasim, et ce n’est
qu’en 1092, peu avant sa mort, que Malik Shah Ier parvient à rétablir le fils de Soleïman, Kılıç
Arslan Ier. Alexis profite de cette situation confuse pour reconquérir Cyzique et signe un traité
d'assistance avec Abul Qasim (vers 1086)N 16. Alexis reçoit des propositions d'alliances de
Malik Shah Ier lui-même (à l'époque le plus grand souverain du monde musulman) à au moins
deux reprises. En 1086, au moment où il négocie avec Abul Qasim (qui craint l'intervention
du sultan et se rapproche de Byzance pour cette raison) puis vers 1091/1092. À cette époque
Malik Shah cherche à se débarrasser de son frère Tutuch, qui gouverne Antioche, et à rétablir
le fils de Soleïman Ibn Qoutloumouch à Nicée. Il propose à Alexis la restitution des villes de
Bithynie et du Pont et un mariage entre Anne Comnène et son fils aîné.
L'assassinat de Malik shah en 1092 entraîne l'abandon du projet. Cependant Alexis est
confronté à un nouvel adversaire potentiellement plus dangereux, l’émir turc de Smyrne,
Tzakhas
En effet l’émir turc de Smyrne, Tzakhas, tente à la fois de fédérer les roitelets turcs dans le
cadre d’une alliance et se rend maître, entre 1080 et 1090, de la côte égéenne et des îles de
Lesbos, Chios, Samos et Rhodes avec la complicité de nombreux Grecs qui forment
l’armature de sa puissance navale. Alexis qui vient de recréer une flotte lui inflige une défaite
en mer de Marmara mais il n’est débarrassé du danger qu’en suggérant à Kılıç Arslan, qui
avait épousé vers 1092, la fille de Tzakhas, l’assassinat de son beau-père, ce qui est fait en
1093 lors d’un banquet à Nicée4. Alexis ne récupère pas pour autant les possessions de
Tzakhas du moins pas tout de suite et il doit attendre la bataille de Dorylée et l’aide des
Croisés pour en chasser le fils de Tzachas.
L’un des facteurs qui expliquent la relative passivité d’Alexis dans les années 1086/1092 face
aux Turcs est la menace immédiate et réelle que représentent les Petchenègues sur la frontière
danubienne. Ce peuple d’origine turque est repoussé vers le sud par les Russes. Quand en
1083 Alexis décide d'exiler les chefs Pauliciens, une secte dualiste implantée en Thrace et
considérée comme hérétique, certains traitent avec les Petchenègues, qui vivent à l'époque au
nord-est de l'actuelle Bulgarie, et qui commencent une série d'incursions. Une expédition
armée dirigée par le domestique d'Occident Grégoire Pakourianos est vaincue à la bataille de
Béliatova en janvier 1086N 18 et les Petchénègues s’emparent de la Thrace en 1086 ou 1087
avec l’aide des Hongrois. Les Byzantins sont battus à Silistrie en 1087 par un adversaire plus
nombreux et mieux organiséN 19.
Cependant la discorde s'installe entre Petchénègues et Coumans à propos du butin important
de la bataille et Alexis en profite pour négocier une paix avec les premiers. Il redoute une
alliance des deux peuples. Cette paix n'est qu'une fiction et les Petchénègues recommencent
rapidement leurs incursions en Thrace. Au printemps 1089 ils massacrent à Charioupolis
environ 300 archontopoulo ce qui est ressenti à Constantinople comme une catastrophe
majeure.
En 1091 les Petchenègues, occupent la région de Gallipoli et s'allie avec les Seldjoukides et
en particulier Tzakhas en février. Cette alliance, potentiellement mortelle pour l’empire,
échoue de par les divisions internes aux Turcs et grâce à l’habileté diplomatique d’Alexis qui
s’allie aux Coumans dont près de 40 000 viennent d'arriver sur les pas des Petchénègues. C'est
à ce moment qu'Alexis utilise avec habileté son arme favorite, la diplomatie. Il détache les
Coumans de l'alliance petchénègue par une habile politique de cadeaux et un banquet
mémorable. Les Coumans s'allient alors aux troupes byzantines et écrasent les Petchenègues
le 29 avril 1091 à la bataille de la colline de Lebounion. Le nombre de prisonniers est tel que
les Byzantins craignent une révolte de ceux-ci. Un grand nombre est alors massacré
probablement avec l'accord tacite d'Alexis bien qu'Anne Comnène tente de dégager sa
responsabilité.
Alexis Ier est alors définitivement libéré des menaces sur sa frontière septentrionale et peut se
consacrer entièrement à la lutte contre les Seldjoukides.
Les rapports diplomatiques d’Alexis Ier avec les pays occidentaux d’Europe sont dans un
premier temps relativement conflictuels. Le pape Grégoire VII avait entretenu de bonnes
relations avec Michel VII et, après la déposition de celui-ci en 1078, excommunié
immédiatement son successeur Nicéphore III. Cette excommunication s’étend en avril 1081
au nouvel empereur, Alexis Ier. Ce dernier tente en juin 1081 de renouer le contact et d’avoir
l’appui du pape contre les entreprises de Robert Guiscard mais sans que ses lettres reçoivent
de réponses. L’empereur Henri IV, en conflit avec le pape, prête une oreille plus attentive aux
ambassadeurs d’Alexis et aux subsides que l’empereur byzantin lui verse. Alexis, en
représailles à l’attitude de Grégoire VII, ferme les églises latines de Constantinople. La mort
de ce dernier en 1085 est accueillie avec soulagement6. L’élection en mars 1088 sur le trône
pontifical d’Eudes de Lagery sous le nom d’Urbain II permet une amélioration nette des
relations diplomatiques. En délicatesse avec les Normands de Sicile et Henri IV, il parvient
habilement à accroître son influence politique et spirituelle. En 1095 son autorité est
considérable.
Même si Urbain II, peu soucieux d’aborder avec Byzance des questions de théologie,
n’envoie pas de lettre systatique les bonnes relations sont rétablies. En 1090, une ambassade
byzantine apporte un message d’amitié au pape. Certes les controverses théologiques se
poursuivent, mais en sourdine.
La Première croisade
La situation pour Alexis Ier au milieu des années 1090 est paradoxale. Le pouvoir seldjoukide
semble décliner. Le sultan Malik Shah Ier est mort en 1092 et sa disparition entraîne un guerre
de succession qui divise profondément les Turcs. Le successeur de Malik Shah, son frère
Tutuch, meurt à son tour en 1095 laissant deux fils, frères ennemis, régner l’un sur Alep
(Ridwan) l’autre sur Damas (Dukak). Des chefs Turcs et Kurdes s’établissent en Irak et en
Syrie. Kerbogha, l’atabeg de Mossoul, grignote progressivement le territoire de Ridwan. Les
Fatimides s’implantent progressivement dans le sud de la Palestine et se rapprochent de
Jérusalem où gouvernent les Ortoqides. Enfin un clan chiite, les Banou Ammar s’implante à
Tripoli. Pour Alexis, il existe donc un opportunité réelle de reprendre pied en Anatolie et en
Syrie d’autant qu’il a rétabli la domination byzantine sur les Balkans et la côte ionienne. Mais
le point faible des Byzantins est l’armée dont les effectifs restent trop faibles et peu
expérimentés à l’exception des mercenairesdont la fiabilité est parfois douteuse. Alexis, qui
doit garder des effectifs importants dans les Balkans et sur sa frontière danubienne, a donc
besoin de recrues supplémentaires s’il souhaite passer à l’offensive contre les Turcs. Sa
politique de rapprochement avec le pape se révèle utile si elle permet d’user de l’influence de
celui-ci pour enrôler de nouvelles recrues. D’autant que par le passé des seigneurs
occidentaux sont déjà venus combattre aux côtés des Byzantins. C’est ainsi que des
plénipotentiaires Byzantins sont amenés à prendre la parole lors du concile de Plaisance réuni
par Urbain II en mars 1095, peu avant son départ pour la France et Clermont. Nous ignorons
le détail de leurs discours mais ils semblent insister sur les épreuves subies par les chrétiens
orientaux et sur la nécessité de s’enrôler sous la bannière impériale afin de chasser les
« Infidèles ». Cette intervention marque fortement Urbain II qui invite les chrétiens qui
l’écoutent à s’engager par serment à aller secourir l’empire de Constantinople7. De plus dans
un contexte général de recul de l’Islam en Europe (Espagne, Sicile), le pape envisage un
dessein plus vaste que le simple envoi de mercenaires à Alexis Ier, il songe désormais à une
« guerre sainte »
L’appel de Clermont
Lors du concile de Clermont, convoqué pour le 24 novembre 1095, Urbain II invite ses
auditeursN 26 à employer leurs forces pour la défense de leurs frères d’Orient victimes des
sévices que leur infligent les musulmans. Ce n’est pas d’ailleurs un projet nouveau. Grégoire
VII en avait formulé un similaire au moment de la défaite de Mantzikert mais qui avait été
abandonné après la déposition de Michel VII. Lorsque le pape quitte Clermont le 2 décembre,
il ignore encore le succès que va avoir son appel dans toute l’Europe et qu’il a déclenché un
mouvement dont les conséquences pour la Chrétienté et Byzance sont incalculables.
Alexis cependant ne perd pas son sang-froid. Afin d’empêcher les pillages il est nécessaire de
nourrir les armées croisées. Aussi fait-il aménager des dépôts de provisions dans les grands
centres urbains de l’empire. Il organise aussi des unités afin d’encadrer les déplacements des
troupes occidentales pour éviter tout débordement. Le neveu d’Alexis, Jean Comnène,
gouverneur de Dyrrachium reçoit l’ordre d’accueillir les chefs de la Croisade cordialement
mais de veiller à contrôler leur moindre déplacement. L’amiral Nikolaos Mavrokatalon est
envoyé dans l’Adriatique afin de signaler l’arrivée des premiers navires francs.
La croisade populaire
Les premières bandes de la croisade populaire, celles « dirigée » par Gautier Sans-Avoir,
arrivent dans l'Empire fin mai 1096 dans la région de Belgrade et après quelques incidents,
sont sévèrement encadrées jusqu’à Constantinople où elles arrivent en août. Le 26 juin les
croisés, également de la croisade populaire, dirigés par Pierre l'Ermite pillent la ville de
BelgradeN 27. En juillet Nicétas, le gouverneur d'Alexis, qui vient d'envoyer des renforts,
massacre une partie des croisés devant Nish. Finalement le reste du voyage se déroule sans
encombre mais les troupes d'Alexis encadrent fortement les croisés. Habilement, Alexis reçoit
Pierre l'Ermite, assure le ravitaillement de ces troupes indisciplinées. Il ne se fait visiblement
aucune illusion sur la valeur militaire de cette croisade populaire mais cherche, afin de limiter
les risques de pillages, à s'en débarrasser le plus vite possible. Arrivée le 1er août 1096 à
Constantinople, la croisade populaire est transportée par la flotte impériale en Asie le 6 août.
Elle est anéantie par les Turcs le 21 octobre, près de NicéeN 28.
Les grands seigneurs occidentaux arrivent en ordre dispersé quelque temps après l'échec de la
croisade populaire. Le premier à partir est le frère du roi de France Philippe Ier, le comte
Hugues de Vermandois. Il arrive début octobre 1096 à Bari et embarque pour Dyrrachium. Il
prend la précaution d'envoyer une ambassade à Jean Comnène, le gouverneur de la ville, afin
d'être reçu selon son rang. Son arrivée est mouvementée puisque son navire fait naufrage mais
il est accueilli avec honneur par les Byzantins, selon les consignes données par Alexis. Ce
dernier reçoit Hugues avec chaleur... tout en limitant sa liberté de mouvement
Godefroy de Bouillon inquiète davantage Alexis car son armée est importante et il apparaît
assez vite que la création d'une principauté en Orient ne déplairait pas, sinon à Godefroy du
moins à son jeune frère BaudouinGodefroy et ses troupes passent par la HongrieAlexis, tout
en envoyant une escorte à la fois pour accueillir les croisés et les surveiller, organise un
ravitaillement efficace des troupes lorraines et germaniques et la traversée de la péninsule
balkanique s'effectue sans désordres jusqu'au 12 décembre 1096. Ce jour là les troupes de
Godefroy ravagent pendant 8 jours les alentours de Selymbria sans que l'on sache les raisons
précises L'arrivée de Godefroy et d'une armée nombreuse pose problème à Alexis Ier. Il doit en
effet s'assurer de l'allégeance des croisés mais les éloigner rapidement de sa capitale qui vient
déjà de souffrir du passage des bandes de Pierre l'Ermite. Dans un premier temps Godefroy
refuse l'allégeance car son suzerain est l'empereur d'Allemagne ce qui amène Alexis à lui
couper le ravitaillement pour faire pression sur lui. Baudouin pille alors les faubourgs de la
capitale jusqu’à ce qu'Alexis fasse machine arrière. Godefroy décide d'attendre les autres
chefs croisés avant de prendre une décision. En mars 1097 de nouveaux affrontements
éclatent et le jeudi 2 avril, celui de la Semaine Sainte, Godefroy tente de pénétrer dans la ville
mais est repoussé par les troupes d'Alexis. Cette défaite révèle à Godefroy sa faiblesse et il
prête serment quelques jours plus tard tandis que son armée est transportée sur la rive
asiatique du Bosphore.
Arrivée des Croisés à Constantinople
Pour Alexis il est temps car le 9 avril 1097, Bohémond de Tarente arrive à Constantinople. Ce
dernier désire se constituer une principauté au Levant car en Sicile ses ambitions sont
contrecarrées par son oncle Roger Ier de Sicile. Son armée est moins nombreuse que celle de
Godefroy mais est bien équipée et d'une valeur militaire de premier ordre. Alexis le sait
parfaitement, lui qui a déjà combattu les Normands au début de son règne. La traversée de la
Grèce de cette troupe se déroule correctement, Bohémond maintenant une discipline de fer.
Pour Alexis, Bohémond est le croisé le plus dangereux. Homme de guerre médiocre c'est un
redoutable diplomate et un politique avisé. Il a pris conscience, bien mieux que Godefroy et
Baudouin, du redressement byzantin, et qu'un affrontement direct conduirait la croisade au
désastre. Il estime préférable de s'entendre avec Alexis (lequel le rencontre seul à seul) et
prête sans hésitation le serment d'allégeance au Basileus. Les troupes de Bohémond sont
transportées par la marine d'Alexis en Asie le 26 avril. Le lendemain arrive une nouvelle
armée croisée dirigée par le comte de Toulouse Raymond IV.
Le comte de Toulouse estime qu'il est le seul à pouvoir diriger la croisade. Il a déjà lutté
contre les musulmans (en Espagne), est le seul à avoir rencontré Urbain II et il est
accompagné du légat du pape, Adhémar de Monteil, évêque du Puy. Raymond offre aux yeux
d'Alexis un contraste frappant par rapport aux autres chefs croisés. Plus civilisé, plus courtois
il est considéré comme un homme fiable et honnête par les Byzantins. Cela n'empêche pas les
troupes d'Alexis d'infliger une défaite cuisante aux troupes de Raymond qui pillaient les
Balkans en avril 1097. Raymond refuse de prêter serment à l'empereuret n'accepte qu'un
serment modifié dans lequel il s'engage à respecter la vie et l'honneur du Basileus et ne rien
tenter contre lui. Alexis se contente de cet accord. Les relations entre Raymond IV et Alexis
se réchauffent rapidement car l'empereur comprend vite qu'il dispose, avec le comte de
Toulouse, d'un allié contre Bohémond à l'intérieur même de la croisade.
Peu après arrive la dernière armée des croisés, dirigée par le duc de Normandie, Robert II,
Étienne de Blois et le comte de Flandre Robert II sans anicroches particulières. Le serment à
l'empereur est prêté sans résistance aucune par les chefs de cette dernière expédition.
Au final la gestion par Alexis de cette arrivée massive de seigneurs occidentaux (entre 60 000
et 100 000 hommes, chiffres considérables pour l'époque) se révèle particulièrement habile.
Entre 1096 et le printemps 1097 il a réussi à accueillir l'ensemble des forces croisées, à les
ravitailler sans que les inévitables débordement et maraudes prennent une ampleur démesurée.
De plus, à l'exception notable de Raymond IV de Toulouse avec lequel il conclut un
arrangement particulier, l'empereur obtient un serment d'allégeance des chefs de la croisade. Il
est peu probable qu'Alexis se fasse beaucoup d'illusion sur la validité de ce serment mais cela
lui donne un avantage juridique en cas de litige.
Plus que la prise de Jérusalem l'objectif d'Alexis Ier est la reconquête de l'Asie Mineure sur les
Turcs. L'objectif premier est donc la prise de Nicée la capitale seldjoukide. Le souverain turc
Kılıç Arslan Ier vient de commettre l'erreur, après avoir écrasé la croisade populaire, de partir
en guerre contre d'autres princes musulmans afin de contrôler Mélitène11. Il est tellement
persuadé que les croisés ne pousseront pas jusqu’à sa capitale qu'il y laisse sa femme, ses
enfants et son trésor.
L'armée croisée s'est réunie à Pélékan qu'elle quitte le 26 avril 1097 pour Nicomédie. Elle
franchit le défilé où la croisade populaire a été massacrée. Godefroy de Bouillon, sur les
conseils d'Alexis, avance prudemment et n'atteint Nicée que le 6 mai 1097. Le 13 mai arrive
Bohémond et ses Normands, puis le 16 mai Raymond de Toulouse et le 3 juin les soldats du
duc de Normandie. Alexis lui-même débarque à Pélékan afin de garder à la fois le contact
avec sa capitale (si les choses tournent mal) et de pouvoir, en cas de victoire, mettre Nicée
sous le tutelle byzantine. Le 21 juin Kılıç Arslan Ier arrive avec son armée mais ne peut forcer
le dispositif croisé. Il se rend rapidement compte qu'en terrain découvert ses troupes ne sont
pas de taille à vaincre les croisés et se retire dans les montagnes, abandonnant la ville à son
sort.
Cependant les croisés constatent que la ville est bien protégée et que le siège risque de
s'éterniser d'autant que le blocus est incomplet la ville étant ravitaillée par le lac Askanios. Les
croisés demandent alors l'intervention d'Alexis. Celui-ci attend probablement ce moment de
montrer que sa coopération est indispensable. Il envoie des troupes terrestres dirigées par les
généraux Tatikios et Tzitas12, et fournit une flottille pour bloquer le lac, dirigée par Manuel
Boutoumitès. La garnison comprend alors que la situation est désespérée et entre en
négociations avec l'empereur (par l'intermédiaire de Boutoumitès). Le 19 juin au matin les
croisés ont par conséquent la surprise de voir l'étendard impérial flotter sur la ville. Alexis
récupère ainsi habilement Nicée sans que la ville subisse les conséquences brutales d'une mise
à sac, d'autant que la majorité des habitants sont des chrétiens. Si les chefs croisés se satisfont
de la situationN 37 ce n'est pas le cas des hommes de troupes frustrés du pillage. Alexis anticipe
tout mouvement de grogne en ravitaillant largement la croisade et en distribuant une partie du
trésor de Kılıç Arslan. Alexis en profite alors pour demander l'allégeance des seigneurs de
second rang, qu'il obtient, ainsi que celle de Tancrède. Celui-ci accepte après une violente
algarade avec son oncle Bohémond.
Le traitement généreux des Turcs prisonniers par Alexis surprend et choque beaucoup les
Croisés. Le Basileus autorise les officiers et fonctionnaires à racheter leur liberté et reçoit à
Constantinople la famille de Kılıç Arslan avec des honneurs royaux avant de la renvoyer au
sultan.
La victoire de Dorylée
Le 26 juin, soit une semaine après la chute de Nicée, la croisade reprend sa route. Alexis
prend la précaution de lui adjoindre un contingent byzantin dirigé par Tatikios. Kılıç Arslan
s'est allié avec ses adversaires Danichmendides et tente une embuscade près de Dorylée le
1er juillet 1097 sur l'avant-garde croisée dirigée par Bohémond. L'arrivée dans la journée du
reste de l'armée transforme la bataille en déroute pour les Turcs qui abandonnent leur
campement.
Tatikios conseille alors d'emprunter la route sud de l'Anatolie moins dangereuse. Cependant
les relations entre les Byzantins, qui reprochent aux croisés leur indiscipline et leur
ingratitude, et les « Francs », qui craignent une traîtrise des Byzantins, restent fraîchesN 38.
Antioche
Les croisés arrivent devant Antioche le 21 octobre 1097Bohémond, impressionné par la taille
et la puissance des murailles décide d'en faire son fief. Il a l'exemple d'Alexis à Nicée et
décide que la ville doit se rendre à lui seul afin que ses prétentions soient difficiles à contester.
Mais le siège dure longtemps et la famine s'installe. Le départ pour Chypre de Tatikios
(février 1098), représentant d'Alexis, départ qu'il justifie en annonçant qu'il doit retourner en
territoire impérial afin d'organiser un meilleur ravitaillement, est exploité immédiatement par
Bohémond. Puisque le représentant de l'empereur quitte l'armée, la croisade s'estime libérée
de toute obligation envers Alexis. Ce qui en clair signifie qu'il ne faut pas lui remettre la ville
d'Antioche. L'arrivée le 4 mars 1098 de matériel de siège envoyé par Alexis ne change pas
l'état d'esprit des occidentaux. Finalement Bohémond parvient à se faire livrer la ville par
trahison le 3 juin 1098. Mais le 7 juin une armée musulmane dirigée par Kerbogha assiège à
son tour les croisés dans Antioche.
La seule chance de salut pour les croisés est donc l'arrivée de l'empereur Alexis. Celui-ci,
après la reconquête du sud de l'Asie Mineure par Jean Doukas (fin 1097/début 1098), prend la
tête de son armée et progresse vers Antioche. Mais il rencontre en chemin, à Philomélion près
d'Attaleia, Étienne de Blois, l'un des chefs croisés qui s'est enfui du siège d'Antioche le 2 juin
peu avant la prise de la ville, et qui lui indique que les Turcs ont certainement anéanti la
croisade. Alexis n'a aucune raison de mettre en doute le récit d'Étienne de Blois et poursuivre
son offensive lui apparaît dangereux face à des Turcs qu'il imagine grisés par la victoire. Il
apprend de plus que les Turcs concentrent des troupes dans la région du haut Euphrate. Le
risque d'être pris en tenaille par deux armées turques lui semble important. Alexis réunit ses
officiers et son conseil et annonce qu'il fait retraite et se contente des gains territoriaux non
négligeables obtenus jusqu'alors. Un demi-frère de Bohémond, au service de l'empereur
depuis des années, Guy, demande à Alexis de continuer, persuadé qu'il est encore temps de
sauver la croisade mais Alexis demeure intraitable et l'armée byzantine remonte vers le nord.
Cette décision a, pour la suite des croisades, un impact considérable. À court terme elle
arrange les ambitions de Bohémond qui en tire parti pour revendiquer avec plus de force la
possession d'Antioche. Sur le long terme cette décision d'Alexis renforce chez les croisés le
sentiment de méfiance envers les Byzantins orthodoxes. La victoire des croisés sur Kerbogha,
le 28 juin, pose immédiatement le problème de la dévolution de la ville. Dans un premier
temps des ambassadeurs sont envoyés, à la fureur de Bohémond, prévenir Alexis et lui
demander de prendre le contrôle de la ville. Mais la nouvelle du départ d'Alexis parvient peu
après aux croisés. À leurs yeux cela équivaut à un suzerain qui manque à ses obligations
d'assistance. L'opinion qui prévaut chez les croisés c'est que l'empereur est déchu de ses droits
sur la ville et qu'eux-mêmes sont libérés de leur serment envers Alexis.
Alexis envoie cependant en mars 1099 une ambassade pour réclamer la restitution de la ville.
En vain. Alexis offre de venir en personne participer à la reconquête de Jérusalem mais les
croisés refusent (à l'exception notable de Raymond de Saint-Gilles). Le comte de Toulouse est
le seul chef croisés à maintenir de bonnes relations et des rapports privilégiés avec Alexis. Il
rend ainsi aux Byzantins la ville de Laodicée (février 1099) dont il était le protecteur depuis
l'été 1098. Alexis cherche en effet à reprendre le contrôle des ports de la Cilicie et de la Syrie
du nord. Pour cela il envoie des troupes venues de Chypre. Une flotte venue de Pise pille en
ce début de 1099 les îles Ioniennes avant d'être vaincue par la flotte d'Alexis près de Rhodes.
Les rescapés de cette flotte tentent alors de s'emparer de Laodicée avec l'aide de Bohémond.
Raymond de Saint-Gilles revient rapidement de Jérusalem et force Bohémond à lever le siège.
En ce début d'année 1100 deux seigneurs occidentaux se partagent donc la Syrie du Nord :
Bohémond à Antioche et Raymond de Saint-Gilles qui contrôle Laodicée « au nom de
l'empereur ». Il est certain qu'Alexis compte sur Raymond pour reprendre Antioche à
Bohémond. Une occasion se présente avec l'arrivée à Constantinople d'une nouvelle croisade.
Raymond se rend en toute hâte (juin 1100) à Constantinople où il est investi du
commandement des croisés4. Il prête une seconde fois serment à Alexis mais un serment
différent de celui de 1097. Il ne s'agit plus de restituer à l'empire les anciennes terres
byzantines reconquises (à l'exception d'Antioche) mais plutôt de constituer un état
indépendant, dirigé par Raymond, sous suzeraineté byzantine. Cette nouvelle croisade,
composée pour l'essentiel de Lombards, de Normands et de Français (on y retrouve Étienne
de Blois) emprunte, contre l'avis d'Alexis, la route au nord-est de l'Anatolie. Il semble que
l'objectif affiché par certains de ses chefs soit la libération de Bohémond fait prisonnier peu
de temps auparavant par les Turcs (août 1100) danichmendides et retenu en Cappadoce à
Sivas. Les croisés sont vaincus par les divers émirs Turcs de la région. Raymond de Saint-
Gilles et Étienne de Blois parviennent cependant à s'enfuir et à rejoindre la capitale de
l'empire (septembre 1101). Alexis est de prime abord furieux contre Raymond qui s'est enfui
en pleine bataille mais très vite se réconcilie avec lui. Le comte de Toulouse demeure
quelques temps à Constantinople avant de repartir en Syrie.
Le traité de Dévol
Alexis cependant tente une nouvelle intervention en 1103. C'est ainsi que Laodicée est reprise
par un corps expéditionnaire byzantin tandis que les villes de Cilicie se révoltent contre les
Normands. Bohémond (libéré par les Turcs en mai 1103) et Tancrède ne possèdent pas les
effectifs nécessaires pour tenir la principauté et Alexis a la maitrise de la mer. Bohémond se
décide alors à partir pour l'Italie (janvier 1105) où il lève une armée de Normands. Il se rend
ensuite en France et cherche à mettre au point une croisade contre Alexis. Il affirme que
l'empereur a trahi les croisés à Antioche ainsi que la croisade de 1101. Ces mensonges
rencontrent un large écho en Occident. Les lettres diplomatiques d'Alexis, trouvées en 1099
dans les bagages du sultan fatimide d'Égypte, avec lequel il a d'excellentes relations, après la
bataille d'Ascalon prouvent aux yeux des croisés la collusion entre Alexis et les princes
musulmans. C'est pourquoi les captifs de Ramla, libérés par Alexis, sont comblés de cadeaux
par le basileus avant d'être renvoyés en Europe afin de réfuter les calomnies de Bohémond.
Ce dernier reçoit la bénédiction du pape Pascal II pour une croisade contre Byzance. Il épouse
Constance, la fille du roi de France Philippe Ier et obtient la main de Cécile de France, une
autre fille de Philippe, pour Tancrède resté à Antioche. Le 9 octobre 1107 Bohémond
débarque à Avlona en Épire avec une importante armée puis le 13 il met le siège devant
Dyrrachium. Rapidement l'expédition se transforme en désastre. Alexis, s'appuyant sur
l'alliance avec Venise parvient à couper les communications de son adversaire avec l'Italie.
Puis il bloque les cols des montagnes isolant l'armée de son adversaire de tout ravitaillement.
La famine guette rapidement les troupes normandes. Alexis en profite alors pour acheter de
nombreux barons normands à qui il distribue honneurs et largesses. À partir de septembre
1108 des négociations s'ouvrent et une rencontre directe entre Alexis et Bohémond a lieuN 45.
Le traité de Dévol (septembre 1108) spécifie que Bohémond se reconnaît l'homme lige du
basileus pour Antioche. Bohémond ne peut contracter de nouvelles alliances qu'avec l'accord
de l'empereurN 46. Bohémond promet son appui militaire contre tout ennemi d'Alexis en Europe
et en Asie. Il promet aussi de traiter Tancrède en ennemi si celui-ci refuse le traité. Bohémond
reçoit en échange un fief constitué d'Antioche, du port de Saint-Syméonmais un fief en viager
qui doit retourner à Alexis après la mort de Bohémond. Ce dernier est donc, selon les clauses
de ce traité inspiré directement des pratiques occidentales et non byzantines, à la fois le
lieutenant de l'empereur et son vassal. Le littoral de Cilicie revient à l'empire. En théorie à la
conclusion de ce traité l'empire retrouve la suzeraineté de toute la Syrie du nord et sur
l'ensemble des états croisés à l'exception du royaume de Jérusalem. Parmi les signataires du
traité figurent les représentants du roi de Hongrie, Coloman, beau-père du fils d'Alexis
Jeanainsi que de nombreux conseillers d'Alexis, tous occidentaux tel Marinos Néapolitès
(originaire de Naples), Pierre d'Alipha et Roger le Franc. Ce phénomène témoigne de
l'occidentalisation de la cour d'Alexis où vivent et travaillent pour l'empereur des Lombards et
Italiens du sud ainsi que de nombreux Normands y compris de la famille de Bohémond
Carte des états latins d'Orient. En jaune clair, le royaume de Jérusalem vers 1100; en orange la
principauté d'Antioche et entre les deux le comté de Tripoli
Par le traité de Dévol Alexis espère avoir mis fin à la question d'Antioche, par la soumission
de Bohémond, d'autant qu'il estime avoir fait preuve de modération. Mais Tancrède de
Hauteville qui gouverne en réalité la ville depuis près de 10 ans au nom de son oncle ne
l'entend guère ainsi. Son objectif n'est pas, comme Bohémond, de s'emparer du trône byzantin
mais bien d'imposer la domination normande en Syrie du nord. Le départ de Bohémond pour
l'Europe, après la signature du traitélui laisse les mains libres car lui ne l'a pas ratifié. Ainsi en
1108 il reprend, avec l'aide d'une escadre pisane, la ville de Laodicée puis s'empare (en 1109)
des villes de Cilicie, en particulier Mamistra, aidé il est vrai par l'incapacité du général en chef
de l'armée d'orient, l'arménien Aspiétès. Alexis envoie une ambassade et propose une
négociation, en vain.
À la fin de 1108 le bilan de l'intervention des croisés est, pour l'empire, assez ambigu. Certes
Alexis a ainsi pu repousser les Turcs et reprendre l'Asie Mineure occidentale (Nicée et
Smyrne en particulier) mais la Syrie du nord reste indépendante et toute idée de suzeraineté
byzantine sur les états latins d'orient reste chimérique. Alexis se révèle ainsi incapable d'aider
Bertrand, le fils de Raymond de Saint-Gilles contre les visées de Tancrède et de Guillaume
Jourdain. C'est le roi de Jérusalem Baudouin Ier de Jérusalem qui à Tripoli, après la prise de la
ville, en 1109 convoque un plaid solennel qui règle la question du partage des terres croisées.
C'est donc le roi de Jérusalem qui possède le rôle de suzerain et d'arbitre sur l'ensemble des
états latins d'orient et non le basileus.
Alexis ne se décourage pas cependant mais il dispose d'une faible marge de manœuvre. Il
tente de nouer des alliances contre Tancrède, y compris auprès des chefs musulmans14. Il
envisage vers 1111 une expédition militaire mais en est dissuadé par son conseil. Il tente alors
d'isoler le normand par une intense activité diplomatique. À l'automne 1111 une ambassade
conduite par Michel Boutoumitès est envoyée auprès de Bertrand, avec de fortes sommes
d'argent. L'objectif est de persuader les autres chefs croisés du bien fondé d'une attaque contre
Tancrède. Mais le comte de Tripoli est devenu l'homme-lige du roi de Jérusalem Baudouin Ier
et celui-ci, bien que désireux de garder des relations cordiales avec Constantinople, ne veut
pas d'une restauration de l'autorité impériale à Antioche, à proximité de son royaume.
L'ambassade rejoint Constantinople sans avoir rien obtenu (été 1112). Cet échec explique sans
doute l'intense activité diplomatique d'Alexis auprès des républiques italiennes afin de trouver
de nouveaux alliés et surtout empêcher une nouvelle croisade comme celle que Bohémond
avait mis en place en 1107/1108.
Les relations entre Pise et l'empire au cours de cette période sont conflictuelles. Depuis 1099
la cité italienne, ainsi que celle de Gènes, pille régulièrement les côtes de l'empire et à au
moins deux reprises les Pisans ont soutenu les Normands lors des sièges de Laodicée (1099 et
1108). C'est pourquoi Alexis tente d'obtenir un accord diplomatique et entame des
négociations vers 1109/1110.
En octobre 1111 Alexis publie un chrysobulle qui accorde aux Pisans des privilèges
commerciaux et une position qui n'est surpassée que par Venise. Cette dernière reste un allié
du basileus mais ce dernier cherche visiblement par cet accord à rééquilibrer ses relations
avec les républiques italiennes. Byzance s'engage à ne pas entraver la marche des pèlerins se
rendant en Terre Sainte sur les bateaux pisans tandis que la cité reconnaît la suzeraineté
d'Alexis «depuis la Dalmatie jusqu'à Alexandrie» et prête un serment de fidélité qui fait de la
commune un vassal de l'empire. C'est un énorme succès pour Alexis car vis-à-vis de Venise le
message est clair, la Dalmatie fait partie intégrante de l'empire (autorité toute virtuelle à
l'époque). Comprendre Alexandrie dans l'accord est certes une fiction (la ville appartient au
monde musulman) mais illustre la volonté du basileus de ne pas renoncer à ses prétentions sur
la Syrie, la Palestine et l'Égypte. Pour Pise l'accord est avant tout économique mais les
relations avec le roi de Jérusalem Baudoin de Boulogne sont fraiches depuis le conflit entre ce
dernier et le patriarche Daimbert de Pise ce qui est un probable facteur du rapprochement avec
Byzance
Il est plausible que cette alliance entre Pise et Byzance n'ait pas été bien vue par Venise.
Toujours est-il qu'en 1112 une ambassade vénitienne, conduite par le patriarche de Venise lui-
même, est reçue à Constantinople afin de persuader le basileus de laisser la sérénissime
république étendre son emprise sur la Dalmatie16. Bien qu'Alexis revendique aussi cette région
il ne peut se permettre de se fâcher avec son puissant allié et donne un accord de principe en
laissant en suspens la question de la suzeraineté finale sur cette province
Au même moment Alexis négocie avec le pape Pascal II. Il espère se concilier celui-ci et les
barons du sud de l'Italie dans ses projets contre Tancrède et Antioche). Mais la condition
posée par le pape, la reconnaissance par Byzance de la primauté papale, est excessive, et
Alexis le sait bien, aux yeux du clergé byzantin et de la population de l'empire. Une nouvelle
ambassade est envoyée auprès de Pascal II et 1117 sans que l'on sache son contenu exact ni
ses résultats mais il est probable que cela concerne encore les revendication d'Alexis sur les
états croisés et la question de l'union des églises.
En 1113 il semble qu'Alexis, malgré l'échec de son ambassade auprès du roi de Jérusalem et
du pape, mais avec la neutralité des républiques italiennes de Pise et Venise, souhaite tenter
une action contre Antioche. Mais à ce moment il doit se retourner à nouveau contre les
Seldjoukides. En effet la période qui suit la première croisade permet à Alexis de consolider
ses positions en Asie Mineure occidentale ainsi que sur ses côtes nord et sud. Mais il est
confronté en permanence à des infiltrations de Turcs, souvent nomades avec des troupeaux
d'ovins et de caprins, dont la présence ruine progressivement l'agriculture sédentaire de ces
régions. En 1115 Alexis remporte une victoire contre Malik Châh Ier seldjoukide du sultanat
de Roum à Philomélion mais qui reste sans lendemains. Les Turcs reprennent rapidement
Laodicée de Phrygie (Denizli) et pénètrent dans la vallée du Méandre. Ils coupent ainsi la
piste d'Attalie. Alexis se prépare à une nouvelle expédition militaire lorsqu'il est atteint par la
maladie (en 1118)
Il ne renonce pas cependant à Antioche mais tente une nouvelle approche. Une ambassade est
envoyée dans la capitale de la principauté afin de négocier un mariage entre son petit-filsN 53 et
l'héritière d'Antioche. La tentative échoue mais elle est le signe qu'Alexis accepte la réalité
des faits et de la présence permanente des croisés à Antioche et en Syrie du nord.
Dans les Balkans la situation reste instable. Des infiltrations de Coumans nécessitent une
intervention personnelle d'Alexis dans la région de Philippopolis en 1114.
Alexis Ier souffre depuis de nombreuses années de la goutte mais les premiers symptômes de
la maladie qui va l'emporter apparaissent en 1112. En effet il se prépare à se rendre à
Dyrrachium pour rencontrer des émissaires normands (des Pouilles) lorsqu'il tombe
brutalement malade. La gravité de son état fait craindre son décès aux habitants de
Constantinople et l'empereur à peine remis doit se montrer à cheval sur l'agora. À partir de ce
moment la lutte pour la succession semble ouverte. Selon Zonaras Alexis aurait donné à son
épouse Irène des assurances en vue d'une éventuelle régence au nom de son fils. Aucun acte
officiel après le rétablissement rapide d'Alexis ne vient confirmer ceci mais il est vrais
qu'Irène semble jouer un rôle plus important et qu'elle accompagne son époux dans plusieurs
voyages. En 1115 Nicéphore Bryenne, le gendre d'Alexis (le mari d'Anne Comnène) prend en
charge le gouvernement avec le soutien d'Irène tandis qu'Alexis guerroie contre les Turcs. De
retour en 1116 de ce qui est sa dernière campagne le basileus s'alite et s'en remet à son
épouse. Celle-ci tente alors de faire déshériter son fils Jean au profit de son gendreJean essaye
de se créer un réseau et reçoit le soutien de son frère, nommé Isaac, et de son ami d'enfance,
d'origine turque, Jean Axouch. Il possède cependant un avantage considérable car il a été
couronné du vivant de son père en 1092 et celui-ci jusqu'à la fin ne remet pas en cause ce
choix.
Au début de l'année 1118 Alexis tombe de nouveau malade. Son médecin, Nicolas Kalliklès ,
s'inquiète de la douleur persistante de l'empereur à l'épaule. Au cours de l'été l'empereur se
plaint de ne pouvoir respirer Il s'agit très vraisemblablement d'angine de poitrine.
L'étouffement est sans doute dû à un œdème pulmonaire aigu qui témoigne d'une grave
insuffisance cardiaque L'alerte de 1112 était probablement un premier infarctus. Au mois
d'août son état s'aggrave et Alexis est incapable d'avaler autre chose que de la bouillie. Il reste
cependant conscient jusqu'au 15 août avant de décéder dans la nuit du 15 au 16 entouré de sa
femme et de ses trois filles.
Alors que son père est à l'article de la mort, Anne Comnène tente, avec l'aide de sa mère, de
faire déshériter Jean au profit de son mari. En pure perte car Alexis ne revient pas sur son
choix de 1092 et confirme Jean en lui donnant l'anneau impérial peu avant de mourir. La
tentative échoue aussi en grande partie à cause de la pusillanimité de Nicéphore. En effet,
alors qu'Alexis n'est pas encore mort, Jean, avec l'aide de son frère Alexis, se fait proclamer
empereur par la foule de ses partisans tandis que la garde du palais et Nicéphore Bryenne
hésitent. Cette hésitation est favorable à Jean II qui consolide sa position en nommant ses
proches et ses principaux soutiens aux postes-clésLe rôle principal est confié à un ami
d'enfance, d'origine turque, Jean Axouch qui devient Grand Domestique et commandant de
l'armée. Quelques jours plus tard Anne ourdit un nouveau complot contre son frère qui se
repose dans sa résidence de Philopation mais celui-ci est prévenu à temps par Nicéphore
Bryenne lui même qui décidément n'a guère envie de devenir empereur.
Selon Nicétas Choniatès, c'est Jean Axouch qui parvient à réconcilier l'empereur avec sa sœur
Anne, laquelle, avec son mari, se console de la perte de ses ambitions par les joies plus
tranquilles du métier d'historien. De façon générale Jean II se montre clément avec ceux qui
se sont opposés à lui, une fois son trône affermi.
Il faut préciser que le règne d'Alexis correspond à une période ou les débordement hérétiques
atteignent un point qui semble culminant aux yeux de l'Église mais aussi de l'empereur. Le
nombre de procès pour hérésies atteint un niveau inconnu depuis longtemps. Il est donc
nécessaire pour Alexis de redonner à l'Église un lustre dans un domaine auquel elle se
consacre traditionnellement, la théologie et d'être celui qui se consacre au salut de son peuple
en étant présent sur les fronts missionnaires et répressifs. Un témoignage important de cette
action est la Panoplie dogmatique d'Euthyme Zigabène, une œuvre commandée par Alexis
lui-même et qui compile l'ensemble des hérésies connues à l'époque.
Une crise beaucoup plus grave éclate cependant quelques mois à peine après son accession au
trône. Pour trouver les ressources nécessaires afin d'affronter les Normands de Robert
Guiscard (fin 1081) Alexis lance un appel urgent à sa mère et son frère Isaac qui gouverne
Constantinople en son absence. Isaac réunit un synode, explique l'urgence de la situation et se
référant à une loi qui remonte à Justinien ordonne la saisie de certains biens ecclésiastiques.
Isaac rencontre une faible opposition, et reçoit même l'accord du nouveau patriarche. Mais les
premiers échecs militaires, et la vue des ouvriers arrachant l'or et l'argent aux portes des
églises, font monter l'hostilité à ces mesures. Un évêque, Léon de Chalcédoine prend la tête de
la contestation. Pour désamorcer la fronde Alexis promulgue un chrysobulle (août 1082) dans
lequel il promet de ne plus jamais toucher aux trésors de l'Église. Puis il réunit une assemblée
composée des sénateurs, des principaux dignitaires religieux (hiver 1083/1084) et donne un
compte-rendu précis des prélèvements qui ont été effectués. Il ordonne de plus le
dédommagement de certains monastères et certaines églises qui avaient été davantage spoliés
(l'église du Christ Antiphonètès par exemple).
Le procès de Jean Italos, qui se tient dès le début du règne d'Alexis (mars/avril 1082), pose le
problème de la société byzantine qui connaît à l'époque une pleine effervescence intellectuelle
et qui semble prête à basculer dans le mouvement de redécouverte de l'Antiquité et d'
approche de la pensée rationnelle qui va caractériser l'occident à la fin du XIIIe siècle. La
reprise en main d'Alexis est si ferme qu'elle anéantit ce mouvement. L'historienne Elisabeth
Malamut utilise l'expression de « Renaissance avortée ».
Jean Italos est un philosophe d'origine normande et né probablement en Italie. Il entame de
brillante étude à Constantinople et devient un proche de Michel Psellos auquel il succède
comme « consul des philosophes » sous le règne de Michel VII. Si le règne de ce dernier se
révèle particulièrement calamiteux sur le plan politique, la cour du souverain est largement
ouverte aux intellectuels et aux controverses philosophiques et religieuses. Cependant déjà à
cette époque Italos est mis en difficulté pour les thèses qu'il professe et les rumeurs d'hérésie
le concernant se font persistantes. Ses théories sont réunies par l'empereur en neuf
propositions (sans que l'auteur soit mentionné) et soumises au synode qui les estiment
contraires aux dogmes fondamentaux de l'Église.
L'arrivée au pouvoir d'Alexis en 1081 fait perdre au philosophe la protection impériale. Jean
Italos demande au nouveau patriarche, Eustratios Garidas, une enquête sur son orthodoxie Un
nouveau synode se réunit ou Isaac Comnène, le frère du basileus, joue un rôle majeur. La
brillante défense d'Italos semble emporter l'adhésion du patriarche mais l'intervention d'une
foule hostile au philosophe contraint Garidas à remettre l'affaire entre les mains de l'empereur.
C'est pourquoi Alexis préside en mars 1082 une cour qui accuse Italos et ses disciple
d'arianisme et de sabellianisme. . Les propositions sont anathématisés et, bien que ces
accusations soient réfutées par Italos, il lui est interdit , ainsi qu'à ses disciples, d'enseigner et
de prendre part au moindre débat théologique25. L'introduction d'un mémoire qui contient neuf
propositions païennes attribuée à Italos ainsi qu'une dixième qui l'accuse d'iconoclasme
renforce l'accusation d'autant qu'Italos maintient les neuf premières. Un synode est alors
convoqué afin de faire appliquer les décisions prises et Italos, sur qui les pressions sont
énormes, doit anathématiser, le 13 mars 1082 (dimanche de l'orthodoxie qui commémore la
victoire sur l'Iconoclasme) ses propositions. Il est ensuite définitivement exilé.
Ce qui est finalement reproché à Italos c'est d'avoir voulu intégrer la pensée philosophique de
l'Antiquité (Aristote en particulier) dans son enseignement et dans ses refléxions
théologiques26. Le courant intellectuel incarné au XIe siècle par Michel Psellos, Nicétas
Byzantios, Jean Mavropous, Jean Xiphilin, et, dans une moindre mesure par Italos, et qui se
caractèrise par une redécouverte des oeuvres de l'Antiquité bénéficie de l'impulsion donnée
par l'empereur Constantin IX (1042-1055) et l'aristocratie civile qui contrôle le pouvoir à cette
époque dans une phase de paix relative et de prospérité (la dynastie des Doukas en est la
représentante la plus emblématique). De nombreux clercs, surtout le clergé de Sainte-Sophie,
sont en relations étroites avec Italos. Les hésitations du patriarche au début du procès sont
révélatrices. L'arrivée d'Alexis au pouvoir renverse la situation. Il est le représentant de cette
aristocratie militaire d'Asie, qui privilégie l'actionet prône des valeurs plus réalistes, adaptées
aux difficultés du temps. Dans le domaine religieux Alexis est le défenseur d'une stricte
orthodoxie. Chrétien sincère il subit de plus l'influence de sa mère, Anne Dalassène , une
femme dévote et constamment entourée de moines, lesquels sont généralement hostiles au
courant intellectuel incarné par Italos, ainsi qu'aux clercs de Sainte-Sophie. La prophétie de
l'un d'eux, Cyrille le Philéote, sur le destin impérial de son fils influence probablement le
comportement d'Anne. C'est ainsi qu'Alexis, depuis l'enfance, est accompagné d'un moine en
toutes circonstances y compris sur les champs de batailles.
Par conséquent l'affaire Italos dépasse la personnalité et les idées du philosophe. Elle a été
instrumentalisée par Alexis qui proclame sa volonté de restaurer l'empire ainsi qu'une stricte
orthodoxie religieuse. Les poursuites contre les disciples d'Italos touchent surtout les membres
de l'aristocratie civile, souvent membres du sénat, qu'Alexis soupçonne de comploter contre
lui ainsi que les membres du clergé de Sainte-Sophie. Cependant Alexis sait aussi transiger.
Devant la montée du mécontentement chez les clercs de la capitale il autorise cinq anciens
élèves d'Italos, diacres de Sainte-Sophie, à poursuivre leur enseignement une fois que la
preuve de leur refus des options hérétiques du philosophe ait été apportée. L'un d'eux, nommé
Eustratios, devient même, plus tard, un proche conseiller spirituel de l'empereur. Mais de
façon globale l'action d'Alexis s'est traduit par la disparition complète de ce mouvement de
renaissance intellectuelle et cela pour au moins trois siècles.
Le règne d'Alexis correspond à une phase de lutte contre les diverses hérésies christologiques
et dualistes, en particulier les Bogomiles et les Pauliciens, qui connaissent un regain de
vigueur en ces temps troublés. Le fondement spirituel de ces mouvements religieux est
simple. Pour eux le mal ne vient pas de la désobéissance de l'homme vis-à-vis de Dieu mais
d'un principe extérieur appelé Satan au pouvoir équivalent au bien. Ces hérésies adoptent
rapidement un comportement sectaire et refusent parfois de reconnaître les autorités
religieuses et laïques.
Les Pauliciens
Les Pauliciens sont rapidement remarqués par Alexis quand un contingent de 3000 d'entre
eux, venant de Philippopolis participent en 1081 à la bataille Dyrrachium contre les
Normands. Apès la défaite ils refusent de se rendre aux convocations de l'empereur et celui-ci,
un fois le danger passé à la fin de 1083 fait exiler leurs chefs. Ces derniers s'allient aux
Petchénègues et participent à la bataille de Bélatiova (janvier 1086) ou les Byzantins sont
écrasés.Plus tard, dans les années 1114/1115, alors que le danger petchénègue semble passé,
Alexis tente d'utiliser la persuasion envers les Pauliciens allant, personnellement, discuter
théologie avec les chefs de la secte.
La réaction contre l'hérésie bogomile d'Alexis est beaucoup plus violente. Cela s'explique
probablement par le fait que cette dernière a déjà profondément pénétré dans la capitale. Dès
le Xe siècle les Bogomiles sont présent en Bulgarie, puis jusqu'en Asie Mineure au milieu du
siècle suivant. Dans sa Panoplie dogmatique, Euthyme Zigabène fait un exposé complet de la
doctrine bogomile. Ce qui inquiète l'empereur c'est l'habileté des Bogomiles à passer inaperçu
et l'aura dont ils bénéficient dans le peuple et certains cercles des élites de la capitale. Alexis
fait arrêter le chef de la secte à Constantinople, un certain Basile29. Selon sa fille Alexis agit
avec ruse et prudence et approche Basile en lui faisant miroiter une certaine attirance de sa
part vis-à-vis de la doctrine bogomile. Basile est convié à l'exposer,en 1104, devant
l'empereur mais derrière un rideau, caché, se trouvent réunis le Sénat et le saint-synode. À la
fin de l'exposé le rideau est levé et Basile condamné comme hérétique. Tandis qu'Alexis le
presse d'abjurer il fait arrêter les principaux dirigeants de la secte. Finalement Basile est mis à
mort dans l'hippodrome afin que son châtiment soit visible de tous. Il est brulé vif.
L'édit de 1107
L'empereur cependant est inquiet. Le procès de Jean Italos, la multiplication des hérétiques
jusque dans la capitale et dans le clergé montrent qu'une réforme de l'église parait
indispensable. Alexis accuse le clergé de négligence, en particulier dans l'enseignement de la
foi et de la prédication, et de s'être tourné vers des intérêts essentiellement matériels. En se
détournant de la prédication le clergé, et en particulier les moines, a permis à l'ignorance de se
développer et à l'hérésie de prospérer. Cette rhétorique permet à Alexis de proposer la
création d'un ordre de prêcheurs rattaché à l'Église patriarcale.
Ces prêcheurs appelés Didascales, sont recrutés au sein du clergé patriarcal et perçoivent,
pour les clercs titulaires, une rémunération. C'est aussi pour Alexis un moyen de renforcer le
contrôle impérial sur l'Église et en particulier sur le clergé de Sainte-Sophie dans la capitale.
Les didascale reçoivent un rôle d'enseignement mais aussi de surveillance morale Une mesure
prise par Alexis prouve d'ailleurs qu'il existe à l'époque une relative crise de recrutement dans
l'Église. En effet Alexis autorise les Didascales à rester diacres s'ils le souhaitent mais offre de
grands avantages (salaires élevés et pensions) pour ceux qui embrassent la prêtrise.
Parallèlement Alexis encourage les évêques à exercer les tâches d'enseignement eux-mêmes,
« parce que ce n'est pas un déshonneur pour un évêque, mais un très grand honneur, que
d'entrer même dans la demeure d'un pauvre.. »
Ce qui apparait clairement à travers cet édit c'est que la position d'Alexis, très favorable aux
moines durant sa jeunesse, sous l'influence probable de sa mère Anne Dalassène, a évolué
vers la méfiance. La réflexion d'Anne Comnène dans son Alexiade: « On ne verra pas en effet
une chevelure mondaine chez les Bogomiles; leur perversité se cache sous le manteau et le
capuchon..»illustre le fait qu'un grand nombre d'hérétiques sont des moines à commencer par
Basile le leader de la secte dans la capitale. Ces moines dit « gyrovagues » ne travaillent pas
et ne vivent que de la charité. Déjà lors du concile de Chalcédoine, en 451 les autorités
ecclésiatiques tentent de contrôler ces moines errants qui entrent souvent en conflit avec les
évêques. Cet édit de 1107, ajouté à la compilation de toutes les hérésies, écrite sous le nom de
Panoplie dogmatique par Euthyme Zigabène sur ordre du basileus vers 1104, démontre cette
volonté de réforme et de reprise en main de l'Eglise. La création des didascales choisi au sein
du clergé patriarcal est à l'origine de ce que l'on nomme « l'Ecole patriarcale ».
Il semble que le nombre de didascales dans la capitale soit au nombre de 12. Les trois
principaux dépendent de Sainte-Sophie et les 9 autres dirigent les écoles d'enseignement
rattachés aux principales églises de Constantinople. Les liens entre ces écoles et l'Eglise
existent déjà et de nombreux directeurs et professeurs de ces établissements étaient déjà
désignés par le patriarche. L'enseignement dispensés dans ces écoles est de nature profane et à
comme objectif de préparer aux matières théologiques enseignées par les trois didascales de
Sainte-Sophie. L'édit pris par Alexis renforce la mainmise du clergé patriarcal qui dirige
dorénavant la totalité des écoles de la capitale. L'effacement des laïcs dans l'enseignement
semble progressif mais réel et contraste avec la période précédente ou des laïcs comme
Michel Psellos et, à un moindre degré, Jean Italos avaient eu une influence déterminante. Le
rôle des didascales est plus ample que celui d'enseignant puisqu'Alexis souhaite qu'ils puissent
interpréter les écritures (dans un sens évidemment favorable à l'orthodoxieCette réforme
aboutie par conséquent à une reprise en main de l'Eglise par le pouvoir impérial et par le
renforcement du rôle du patriarcat et du clergé de Sainte-Sophie qui devient pour les derniers
siècle de l'Empire le lieu de formation et de recrutement des principaux ecclésiastiques.
La réforme monastique
L'intérêt d'Alexis pour les questions religieuse est en partie lié à l'importance et au rôle des
moines dans son entourage. Anne Dalassène avait veillé à l'instruction de ses fils par des
moines. Et Alexis est systématiquement accompagné d'un moine lors de chaque campagne
militaire. Certes l'emepereur, nous l'avons vu précédemment, semble vers la fin de son règne
se méfier des déviances hérétiques de quelques moines, surtout des itinérants, et confie la
mise en place de sa réforme religieuse au clergé de Sainte-Sophie mais il n'en reste pas moins
que les questions lié au monachisme prennent dans son esprit une grande importance. Les
relations entre le basileus et les moines sont fondées sur l'intercession de ces derniers, par
leurs prières, afin de donner la victoire à Alexis sur les ennemis de l'Empire et de l'autre sur le
devoir de l'empereur de sauvegarder les monastères. De plus le règne d'Alexis se caractèrise
par d'importants transferts de richesses vers l'entourage familial des Comnènes. Une part non
négligeable est utilisée à la fondation de monastères. C'est ainsi le cas du monastère du Christ
Pantépoptès, fondé par Anne Dalassène où elle est ensevelie. Grégoire Pakourianos fonde le
monastère de la Théodokos Pétritziôtissa (prés de Philippoupolis) et Manuel Boutoumitès
celui de la Théotokos de Kykko (sur l'île de Chypre). En avril 1088 Alexis promulgue un
chrysobulle accordant l'île désertique de Patmos, celle où est mort Saint Jean, au moine
Christodule afin d'y fonder le monastère de Saint-Jean-le-Théologien.
Mais une réforme semble nécessaire en particulier de la charistikè. En effet si l'on excepte les
nouvelles fondations la quasi-totalité des monastères appartient aux mains de riches
administrateurs, souvent laïcs, que l'on nomme les charisticaires. La charistikè consiste en
l'attribution d'un monastère, souvent en mauvais état voir en ruine, afin de le restaurer mais
sans en donner la propriété. Rapidement les charisticaires en profitent pour aliéner de façon
illégales de nombreuses propriétés ecclésiatiques. Ils n'hésitent pas parfois à choisir eux-
mêmes les moines et à persuader les novices de céder tout ou partie de leurs biens. Certains
n'hésitent pas à inscrire des laïcs, membres de leur famille, sur les listes du personnel du
monastère afin de bénéficier de prébendes ecclésistiques (adelphata). Alexis lui même au
début de son règne, alors que son pouvoir est chancelant, utilise ce système pour récompenser
ses fidèles. Certains religieux considèrent aussi que la nomination d'administrateurs laïcs dans
au sein d'une communauté de moines est une pervession de la vie monastique.
Ce n'est qu'en 1094, après le synode des Blachernes, qu'Alexis commence à s'attaquer au
problème. Le patriarche Nicolas Grammatikos tente un inventaire des monastères appartenant
au patriarcat. L'obstruction est telle qu'elle contraint l'empereur à intervenir en décembre 1096
par une novelle Sur le droit du patriarche concernant les monastères. Il y rappele le pouvoir
absolu du patriarche de contrôler et de corriger tout dysfonctionnement et surtout il lui
redonne toute latitude dans les nominations des esômonitai (laïcs résidants à l'intérieur d'un
monastère et destiné à embrasser la vie monastique). Il interdit aussi d'inscrire des laïcs sur la
liste du personnel et donc ainsi d'avoir accès aux adelphata.
Les droits du fondateur d'un monastère, l'une des caractèristiques du monachisme byzantin
sont en revanche préservés. Ce patronage laïc (appelé éphoreia) est différent du sustème des
charisticaires en ceci que le fondateur, l'éphoros doit préserver sa fondation afin qu'il ne
tombe en de mauvaises mains et ne pas exploiter à son profit personnel les revenus du
monastère. Ainsi le monastère de Notre-Dame-Pleine-de-Grace a pour première éphoros
Eudocie Comnène, une fille d'Alexie, qui y réside comme nonne après son veuvage. Après sa
mort en 1118 lui succède sa propre mère Irène Doukas, puis sa fille Anne, la sœur de cette
dernière Marie, la fille de celle-ci Irène et ainsi de suite dans la branche féminine de la
famille. Alexis lui-même est le patron dans sa capitale du monastère du Christ Philanthrôpos,
de celui de Saint-Môkios et d'une autre fondation en Thrace.
Ce type de patronage n'est pas un phénomène marginal et se poursuit bien après le règne
d'Alexis. Il existe un double intérêt à ce système. Pour le monastère qui en théorie est séparé
du monde extérieur mais dépend de la société alentour pour ses ressources. Un patronage,
surtout impérial, est l'assurance de ne manquer d'aucun soutien. Pour le patron c'est
l'assurance d'un couteux investissement mais dont l'objectif est d'assurer le souvenir (et sa
pérennité) de sa personne et de sa famille dans le temps. Alexis attend donc de ses dotations
que les moines intercèdent, par leur prière, pour sa sauvegarde personnelle mais aussi pour
celle de l'empire. Il y a cependant une réelle volonté de faire de la réforme monastique décrite
précédemment l'un des points d'appui de la rénovation religieuse qu'il appele de ses vœux.
La Renovatio
Le règne d'Alexis correspond à un renforcement de l'autocratie impériale. L'exemple le plus
frappant vient des réformes religieuses décidées, nous venons de le voir, par l'empereur et non
le patriarche. Mais la multiplicité des compétences impériales renforce ce phénomène d'autant
qu'Alexis, dont le modèle est Basile II36 est un des basileus parmi les plus actifs. Il organise un
système de gouvernement centralisé qui repose essentiellement sur lui et entre les mains de
ses fidèles. Surtout il place les membres de sa famille à de nombreux postes mettant ainsi en
place un système de gouvernement qui repose entièrement entre les mains de ses parents.
Alexis à une tendance très nette à confondre l'Empire avec la maison des ComnènesS'il ne
prend soin de couronner qu'un seul de ses fils, contrairement à certains usages des dynasties
précédente, il donne à ses autres enfants, à ses gendres, à ses frères et neveux les plus hautes
dignités. L'exemple de Nicéphore Bryenne, son gendre, véritable bras droit d'Alexis ses
dernières années en est l'illustration. A la mort de son frère Isaac, Alexis prend en charge tous
ses enfants et les élèvent sans faire de distinction avec les siens .
Famille
De son mariage avec Irène Doukas Alexis à 9 enfants:
Surtout Alexis va associer étroitement sa famille, enfants, neveux, nièces dans un réseau
complexes d'alliances matrimoniales qui lient les Comnènes à toutes les grandes familles de
l'aristocratie byzantine
Jean II Comnène
Jean II Comnène, mosaïque de l'église Sainte Sophie, Constantinople, (XIIe siècle).
Jean II Comnène est le troisième enfant, mais le premier fils de l'empereur byzantin Alexis Ier
Comnène et d'Irène Doukas. Dès son enfance, il a à ses côtés comme fidèle compagnon et
confident un enfant turc de son âge, Jean Axouch, arrivé à Constantinople comme prisonnier
et offert par les croisés à son père3. Le jeune Jean bénéficie de l'amour inconditionnel de son
père3, mais sa mère Irène et sa sœur Anne Comnène le méprisent et le calomnient, espérant le
voir éliminé de l'héritage impérial au profit de Nicéphore Bryenne, le mari d'Anne3.
Cependant, Jean bénéficie de la confiance de son père. Il est couronné de son vivant le
1er septembre 1092, et rien n'indique que ce choix ait été remis en cause par Alexis. Il est peu
probable que celui-ci ait favorisé l'accession au trône de Nicéphore, dont il avait combattu et
aveuglé le père, au détriment de la dynastie des Comnène3. Au contraire, en 1111, Alexis
demande au patriarche Nicolas Grammatikos, mourant, de bénir Jean. De plus, il rédige à la
fin de sa vie les Mousai, une suite de conseils à destination du futur basileus, Jean.
L'hypothèse des historiens contemporains est qu'Alexis, comme de coutume sur l'ensemble de
son règne, a feint d'accepter de céder le pouvoir à Bryenne et Anne, tout en ne cédant rien sur
le fond et sa volonté de voir son fils lui succéder4.
Monnaie d'or de Jean II Comnène, il est représenté en présence de la Vierge Marie, XIIe
siècle.
Selon le récit détaillé de Nicétas Choniatès, au cours de l'été 1118, Alexis sent sa mort
approcher. Malade depuis de nombreuses années, il souffre de la goutte, et connaît
probablement une première attaque cardiaque en 1112. Le rôle d'Irène Doukas, la mère de
Jean et d'Anne Comnène, auprès d'Alexis va alors croissant, ainsi que celui de Nicéphore
Bryenne, le mari d'Anne. Lors de l'expédition d'Alexis contre les Turcs (vers 1115-1116),
c'est Nicéphore qui dirige l'administration à Constantinople. Deux clans rivaux nouent des
intrigues autour du basileus. Jean reçoit le soutien de son frère Isaac, auquel s'oppose le clan
des femmes de la famille, dirigé par Irène et surtout Anne.
Pendant l'agonie d'Alexis, sans doute atteint d'angine de poitrine5, Irène et Anne montent une
garde jalouse auprès de l'empereur au monastère de Mangana et tentent de lui faire déshériter
Jean. Mais Alexis tient à faire de Jean son successeur et rétorque, selon Nicétas Choniatès,
qu'aucun empereur ayant un fils apte à régner ne l'a négligé et lui a préféré un gendre6. Il
semble que Jean, profitant du transfert de son père dans la partie nord du monastère, au
cinquième étage, dans un lieu plus frais, s'éclipse et gagne en hâte le Grand Palais7 après avoir
effectivement obtenu de son père mourant l'anneau royal6. Lors d'un détour par la basilique
Sainte-Sophie où, au cours d'une cérémonie assez rapide, il est nommé empereur byzantin par
le patriarche Jean IX, il se fait proclamer empereur par le Sénat, l'armée et est acclamé par la
foule, tandis que la garde du palais et Nicéphore Bryenne hésitent. Le garde varègue, par
ordre de l'impératrice Irène, lui en interdit l'accès, mais Jean, selon Jean Zonaras, annonce la
mort de son père, qui n'aura en fait lieu que quelques heures plus tard, et obtient sa
soumission. Selon Choniatès, son entrée est quelque peu musclée : les hommes de la garde de
Jean démontent les portes de bronze du palais de leurs gonds afin d'entrer8.
Irène, ignorant les dernières volontés d'Alexis, demande que le mari d'Anne soit proclamé
empereur. Nicétas Choniatès rapporte, dans ses chroniques, qu'Alexis remercie Dieu, parce
que sa femme n'est pas informée du couronnement de Jean9. Il meurt peu après, le
15 août 1118, certain que son fils lui succèdera et qu'il va assurer la stabilité de l'empire. Il est
enterré au monastère consacré au Christ Philanthrope. La position de Jean ne semble pas si
assurée que cela, puisqu'il n'assiste pas aux funérailles de son père, craignant pour sa vie.
L'animosité d'Anne Comnène, fille aînée d'Alexis, envers Jean est ancienne. Elle s'explique
par le fait qu'à l'âge de cinq ans, elle avait été fiancée au fils de Michel VII Doukas,
Constantin, ce qui, en théorie, devait lui permettre d'accéder au trône comme
impératriceConstantin décède jeune et elle est promise en mariage à Nicéphore Bryenne, fils
de Nicéphore Bryenne, qui, entre 1077-1079, avait essayé de s'emparer du trône de Byzance
avant d'être vaincu et aveuglé par Alexis. Ce dernier, qui tente de s'allier les grandes familles
de l'aristocratie byzantine, impose donc ce mariage, et nomme son gendre César en 1111. Ce
dernier occupe, de plus, une place importante auprès du basileus à la fin de sa vie et contrôle
en partie l'administration.
Aussi Anne ne renonce pas à s'emparer du trône, même après la mort de son père, tandis que
sa mère Irène semble se résigner Au printemps 1119, elle tente de faire assassiner Jean dans le
palais de Philopation, qui sert de pavillon de chasse en dehors des murailles de la ville. Le
manque d'enthousiasme de Nicéphore Bryenne fait échouer le projet, ce que sa femme ne lui
pardonne pas. Cependant, Jean se montre clément. La fortune des conjurés est confisquée
avant de leur être restituée peu après. Nicéphore Bryenne poursuit sa carrière politique auprès
du nouveau basileus. Anne est exilée au monastère de la Kécharitôménè et consacre le reste
de sa vie à rédiger la biographie de son père, l'Alexiade, devenue l'une des principales sources
sur cette période de l'Empire byzantin et sur la première croisade.
Jean décide rapidement, afin d'éviter semblable mésaventure lors de sa propre succession,
d'associer son fils aîné Alexis au trône en 1122.
Durant son règne, l'empereur reçoit le surnom de « bon » pour son caractère. Jean ne supporte
pas les personnes frivoles et il ne tolère pas le luxe. Il est apprécié, non seulement parce qu'il
distribue souvent des cadeaux au peuple, mais aussi parce qu'il apparaît sincère dans son
attachement aux valeurs de la religion orthodoxe, bien qu'il soit peu porté, contrairement à son
père, sur les controverses intellectuelles ou religieuses. Jean est réputé fidèle à son épouse,
même si celle-ci possède peu d'influence sur lui. Il est jugé droit et clément, qualités assez
rares pour un homme de pouvoir. Ses goûts sont austères. C'est enfin un administrateur
capable et efficace.
Il ne choisit pas ses conseillers parmi les membres de sa famille et celui en qui il a le plus
confiance est le Turc Jean Axouch, son ami d'enfance, qu'il nomme « grand domestique »,
commandant de l'armée impériale. La famille impériale nourrit du ressentiment à l'encontre de
cette décision, qui est renforcé par le fait qu'ils sont tenus de faire allégeance à Axouch.
Comme il est de tradition dans sa famille, issue de l'aristocratie militaire, c'est un soldat. Son
grand-oncle Isaac Ier, son père Alexis Ier et plus tard son fils Manuel Ier sont très actifs
militairement. Mais alors que le règne de son père correspond à une phase où l'empire est sur
le déclin et la défensive, le règne de Jean II est nettement plus offensif : son rêve est de
reconquérir toutes les terres de l'Empire byzantin qui sont entre les mains des musulmans,
ainsi qu'Antioche qui appartient aux croisés, et de retrouver l'ancienne gloire de l'empire. Aux
yeux de ses contemporains, sa vie est une campagne militaire permanente. Tout au long des
vingt-deux années de son règne, il passe plus de temps avec l'armée qu'à Constantinople. Il
n'hésite pas, dès qu'ils en ont l'âge, à emmener ses fils dans ses campagnes militaires. Il est le
prototype de l'« empereur-soldat », courageux, audacieux et d'une totale intégrité. Il est
considéré par ses sujets comme le « plus grand des Comnène » et aussi comme le « Marc-
Aurèle » de Constantinople. Mais les sources historiques, en particulier les écrits des
historiens Jean Cinnamus et Nicétas Choniatès, comme ceux du poète Théodore Prodomus,
manquent d'objectivité. Les historiens modernes le considèrent avec beaucoup plus de
circonspection, compte tenu de la faiblesse de ses résultats.
Le premier acte de Jean II est de reprendre l'initiative contre les Turcs seldjoukides en Asie
Mineure. Si l'empire a sous son contrôle les côtes septentrionales, occidentales et au sud
jusqu'au fleuve Méandre, Antalya est uniquement accessible par voie maritime. En effet,
malgré la victoire d'Alexis en 1115 à Philomélion, les Turcs reprennent leurs offensives et
s'emparent vers 1117 de Laodicée de Phrygie et de la vallée du Méandre, ce qui coupe la route
d'Antalya. Alexis se préparait à une offensive contre eux au moment de sa mort. C'est
pourquoi Jean souhaite entreprendre cette expédition contre les Turcs, non seulement pour
agrandir les territoires de l'empire, mais également parce qu'ils ont enfreint le traité de paix
qu'ils ont signé avec son père. La situation semble propice, car les choses sont calmes sur le
flanc occidental de l'empire
En 1119, au printemps, Jean débarque en Asie Mineure à la tête d'une puissante armée pour
combattre les Seldjoukides. Il traverse la Phrygie, franchit le Méandre et assiège Laodicée. Il
est alors rappelé à Constantinople et confie le siège à Jean Axouch, bien que ce dernier ne
possède pas une grande expérience militaire. Axouch s'empare de la ville à l'issue d'un siège
en règle et fait la preuve de ses capacités de stratège. Après la conquête de Laodicée, l'émir
Abuchara est expulsé et l'empereur, de retour, fait reconstruire les murs de la ville afin de la
fortifier. Grâce à la conquête de Laodicée, l'armée byzantine avance rapidement et possède
une base arrière solide. Jean s'empare par la suite de Sozopolis (Uluborlu (Isparta)), de
nouveau sur les Seldjoukides du sultanat de Roum, et fait attaquer conjointement plus à l'est
les Danichmendides. Néanmoins, cette dernière offensive, dirigée par le duc de Trébizonde
Constantin Gabras, est un échec. Celui-ci est vaincu et fait prisonnier par l'émir Ghazi et
Toughroul de Mytilène. Mais une dispute opportune entre les deux chefs turcs empêche ces
derniers de profiter de leur victoire.
En 1122, les Petchenègues redeviennent une menace pour l'empire. Ce peuple nomade,
d'origine turque, avait été battu sérieusement mais non sans difficultés par Alexis Ier. Mais à
partir de 1122, les Petchenègues dévastent la Macédoine et la Thrace. Provenant des steppes
russes, installés au nord de la Thrace, dans l'actuelle Bulgarie, ils envahissent l'Empire
byzantin par la frontière sur le Danube. Selon Michael Angold, il est possible que Vladimir II
Monomaque (1113-1125), roi de Kiev, en soit la cause. Jean II est fortement déterminé à
arrêter les envahisseurs qui sont susceptibles de lui faire perdre le contrôle de la partie
septentrionale des Balkans. Il transfère son armée de la frontière de l'Asie Mineure où elle
vient de battre les Turcs seldjoukides.
Jean réunit son armée près de Constantinople, puis avance très rapidement vers les
Petchenègues pour engager le combat. Ces derniers ont installé un camp près de la ville de
Béroia, en Bulgarie. Jean leur propose un traité de paix, mais il s'agit en fait d'une supercherie,
et, alors que la réponse des Petchenègues n'est pas encore arrivée, Jean donne l'ordre
d'attaquer leur camp. Pris par surprise, les Petchenègues opposent, malgré tout, une forte
résistance, et aucune des deux armées ne semble en mesure d'emporter la victoire. L'empereur
ordonne alors à sa garde varègue, élite de l'armée byzantine et garde personnelle de
l'empereur, de donner l'assaut. Son intervention est déterminante. Les Petchenègues sont
encerclés et battus. La victoire est complète, de nombreux Petchenègues sont déportés comme
colons alors que d'autres sont incorporés dans l'armée byzantineLa victoire byzantine de
Béroia met fin au problème de l'invasion des Petchenègues. Ceux qui s'échappent se
regroupent en Hongrie et fusionnent avec la population locale, mettant ainsi fin à leur identité.
Toutefois, pour Jean II, la victoire ne conduit pas immédiatement à la paix dans les Balkans. Il
intervient aussi contre les Serbes de Rascie, qui sont vaincus, et contre les Dalmates et les
Croates, qui sont contraints de reconnaître l'autorité byzantine22. Entre 1124 et 1128, il lutte
avec succès face aux Hongrois, bien que Jean ait pris pour femme Piroska, appelée par la suite
Irène, fille du roi Ladislas Ier de Hongrie. Les troupes du roi Etienne II de Hongrie, un parent
d'Irène, envahissent l'empire et s'avancent vers Sofia avant d'être battus par Jean sur leur
propre terrain25. En définitive, la victoire sur les Petchenègues, suivie de celle sur les
Hongrois, permet aux Byzantins de conforter leurs frontières sur le Danube, et offre à Jean la
possibilité de concentrer ses forces dans la lutte contre les Seldjoukides en Asie Mineure, qui
demeurent la principale menace pour l'empire.
Parallèlement à son intervention aux Balkans, Jean doit faire face à une dégradation de ses
relations avec Venise. En effet, en 1082, Alexis Ier avait émis un chrysobulle par lequel il
exemptait les marchands vénitiens de tout impôt dans les principaux ports et villes de l'Empire
byzantin, en échange de l'aide de la flotte vénitienne au cours de la guerre contre les
Normands de Robert Guiscard. Les conséquences de cette mesure, nécessaire dans le contexte
de l'époque, sont considérables pour les caisses de l'Empire, qui perdent d'importantes
rentrées fiscales. Aussi, à la mort d'Alexis, Jean se refuse à renouveler l'accord, malgré les
protestations des ambassadeurs vénitiens26. Il préfère soutenir le commerce avec les rivales de
Venise, Pise et Gênes.
Venise est touchée dans son activité commerciale, qui constitue la clef de voûte de son
système économique, social et politique. Les rapports avec son ancienne mère-patrie (le duché
de Venise ayant été un ancien duché byzantin) sont modifiés. Le doge, Domenico Michele, se
prépare donc à la guerre, cherchant un prétexte permettant de la déclencher et de réaffirmer la
puissance de Venise sur les mers du Levant.
L'occasion est donnée par la capture du roi de Jérusalem Baudouin II par les Sarrasins et la
demande d'aide envoyée par les États croisés. Venise accourt à leur secours, désireuse
d'envoyer une puissante flotte en Orient. Le 8 août 1122, le Doge embarque depuis le port du
Lido avec une flotte de plus d'une centaine de navires qui se dirige, chargée de pèlerins et de
croisés, au secours de Baudouin, mais son but principal est d'accomplir une expédition
punitive contre l'Empire byzantin. Ces évènements se déroulent en même temps que Jean
soumet les Petchenègues lors de la bataille de Beroia.
Après une escale à Bari, une première attaque est portée sur Corfou. La ville est assiégée
pendant 6 mois (automne 1122-printemps 1123), mais sans résultat significatif. Réalisant
qu'ils ne peuvent la conquérir, les Vénitiens se dirigent vers les îles de la mer Égée et
dévastent Rhodes, Chios et Lesbos. Ils arrivent à Chypre, où ils sont informés de la position
de la flotte égyptienne. Dès lors, la flotte vénitienne participe à la consolidation des positions
franques en Orient, pille un grand nombre de richesses31 et se rend à Sidon et à Tyr, conquise
le 30 juillet 1124 après un siège de cinq mois. Enfin, libre des engagements avec les États
chrétiens, le doge revient à son principal objectif, faire pression sur l'empereur byzantin.
Samos et Andros sont dévastées vers 1124-1125. Le doge est alors obligé de retourner dans
l'Adriatique pour affronter Étienne II de Hongrie qui menace les possessions vénitiennes de
Dalmatie. En 1126, les Vénitiens reprennent à nouveau la mer pour affronter les Byzantins et
attaquent Modon et Céphalonie. Face à la dévastation de ses possessions maritimes,
l'empereur se résout à envoyer des ambassadeurs pour demander la paix.
En 1126, Jean émet un nouveau chrysobulle reconnaissant tous les droits déjà accordés par
son père et les augmente par de nouvelles exonérations et des monopoles. Pour l'empereur,
l'unique solution est d'accorder également de nouvelles concessions aux républiques de Gênes
et de Pise, dans l'espoir de contrebalancer la puissance vénitienne, mais la conséquence du
conflit est la disparition de Byzance comme grande puissance commerciale et maritime. Face
à la force navale des cités italiennes, Jean II s'est révélé, tout comme son père, impuissant. Il
s'agit bien d'un échec.
Occupé en Europe entre 1122 et 1128, Jean II ne peut intervenir efficacement en Asie
Mineure. Ce laps de temps a profité aux Danishmendides dirigés par l'émir turc Gumuchtegin.
L'émir s'est emparé d'Ankara, Gangra et Kastamon au détriment des Byzantins. En 1130, il
écrase l'armée de Bohémond II d'Antioche. Même si on ignore les visées exactes de
Gumuchtegin sur Antioche, le danger que la ville retombe aux mains des musulmans semble
réel et presse Jean d'intervenir. Il peut le faire d'autant plus aisément que les Seldjoukides sont
divisés par des querelles familiales importantes. En effet, en 1125, le sultan Massoud Ier, en
lutte avec l'un de ses frères, nommé Arab, se réfugie à Constantinople, avant de retrouver son
trône vers 1129 avec l'aide de Gumuchtegin, son beau-père. C'est alors Arab qui se réfugie à
Constantinople.
Entre 1130 et 1135, avec une grande armée, Jean débarque en Asie Mineure et conduit cinq
campagnes successives contre Gumuchtegin, devenu seigneur d'une grande partie de l'Asie
Mineure. Les cinq campagnes sont victorieuses et pour cela, en 1133, à son retour à
Constantinople, Jean reçoit un triomphe digne de la Rome antique. Mais l'année suivante, la
mort brutale de l'impératrice l'oblige à se retirer provisoirement du théâtre des opérations.
Il retourne en Asie Mineure et conduit une nouvelle campagne victorieuse. La mort de
Gumuchtegin, en septembre 1134, et les luttes fratricides entre ses successeurs consacrent
définitivement la victoire de Jean, parachevée par une dernière campagne en 1135 pour
s'emparer de la ville de Gangra. Le sultan seldjoukide de Roum, Massoud Ier, traite
directement avec l'empereur.
En seulement cinq ans, Jean a reconquis une bonne partie de l'Asie Mineure, ainsi que les
territoires perdus par Byzance. Il n'a plus de rivaux. En Europe, la situation est calme et les
Turcs ont subi une cuisante défaite. Ainsi, Jean peut se préparer à reprendre les territoires qu'il
considère de droit byzantin, bien que qu'ils soient soumis au pouvoir des croisés : le royaume
arménien de Cilicie et la principauté normande d'Antioche, fondée par Bohémond de Tarente.
L'intervention en Syrie
L'alliance germanique [
En 1130, l'accession au trône de Sicile de Roger II inquiète le basileus. La vieille rivalité entre
les Normands de Sicile et Byzance n'est pas éteinte. De plus, le nouveau souverain peut faire
valoir ses droits sur Antioche, où Bohémond II, en mourant, ne laisse qu'une héritière en bas
âge, Constance. Si Roger est rapidement confronté à une révolte de ses barons, qui paralyse
provisoirement ses ambitions, Jean estime plus prudent, avant de s'avancer en Syrie, de
neutraliser cet éventuel adversaire.
Pour cela, une ambassade est envoyée auprès de l'empereur germanique Lothaire III afin qu'il
engage une guerre contre les Normands (1135). Lothaire, soutenu par le pape Innocent II,
accepte après de longues négociations. Il sait que cela lui donne la possibilité de poursuivre
une expédition militaire lucrative contre le royaume de Sicile avec l'argent de l'Empire
byzantin. Lothaire entame sa campagne au printemps 1137. Malgré l'ascendant militaire (prise
de Bari), Lothaire, en proie à la révolte de ses troupes, retourne en Allemagne. Par la bulle du
27 juillet 1139, le pape s'avoue vaincu et reconnaît définitivement Roger II Rex Siciliae,
ducatus Apuliae et principatus Capuae (« roi de Sicile, duc d'Apulie et prince de Capoue »).
Mais celui-ci reste bloqué en Italie et doit se détourner de ses ambitions orientales.
La guerre contre les États latins d'Orient
Jean, à partir de 1137, est en situation d'intervenir en Syrie. Les Turcs d'Anatolie sont
provisoirement matés et Roger II de Sicile, occupé par l'invasion de ses États par Lothaire III.
Aussi, au printemps 1137, une imposante armée byzantine36, dirigée par Jean II en personne,
accompagné de plusieurs de ses fils, se rassemble à Antalya. Tout comme son père, son
objectif prioritaire reste Antioche, qui, selon le traité de Déabolis (appelé aussi traité de
Dévol), est terre d'Empire. Jean se dirige ensuite vers la Cilicie, sous contrôle des Arméniens
de la maison roupénide et de son roi Léon Ier, alors que sa flotte progresse en parallèle le long
de la côte. L'armée est composée de soldats byzantins, mais également de détachements alliés
parmi lesquels des Petchenègues, des Turcs et des Arméniens hostiles à la dynastie des
Roupénides
L'avance de l'armée est rapide. Elle s'empare des cités de Mersin, Adana et Mamistra. Jean
commence le siège de la ville de Tarse. Pendant le siège, Jean donne à son fils Alexis le
commandement de l'armée et l'héritier désigné du trône démontre sa qualité de stratège. Au
début des combats, l'affrontement est défavorable aux Byzantins, mais Alexis réussit à
renverser la situation en ordonnant le bombardement de la ville par les trébuchets. La victoire
byzantine s'avère décisive. Elle est aidée par une révolte anti-arménienne qui éclate à
l'intérieur de Tarse, après une promesse de présents et l'amnistie générale par l'empereur. Puis,
après un siège de 37 jours, Jean s'empare d'Anazarbe, en juillet 1137. En l'espace de six mois,
l'ensemble de la Cilicie est conquise par Byzance, ce qui met temporairement fin au royaume
arménien de Cilicie. Léon Ier, le roi déchu de Petite-Arménie se réfugie dans les montagnes du
Taurus.
L'empereur avance alors vers la principauté d'Antioche, occupant en peu de temps Dörtyol
puis Alexandrette. Il reprend quelques localités aux musulmans en Syrie41, puis déploie son
armée aux portes d'Antioche le 29 août 1137 Raymond de Poitiers, prince d'Antioche par son
mariage avec l'héritière du comté, Constance, se trouve alors plus au sud, vers la plaine de la
Bekaa, afin d'aider le roi Foulque de Jérusalem. Il revient le plus vite possible vers sa capitale
et réussit, Jean n'ayant pas eu le temps d'investir totalement la ville, à pénétrer dans Antioche.
Avec peu de troupes, aucune aide à attendre de l'extérieur et des barons qui souhaitent
négocier, sa position est intenable. Dans un premier temps, Raymond envoie un émissaire à
Jean pour lui demander de le nommer son vicaire impérial en échange de la soumission à son
autorité. Jean refuse et impose une reddition inconditionnelle. Raymond demande alors
l'arbitrage du roi de Jérusalem. La réponse de Foulque est sans appel : « Nous savons tous
[…] qu'Antioche appartenait à l'empire de Constantinople […] et que les revendications
présentées par l'empereur au nom des traités faits par nos ancêtres sont correctes. »L'allusion
par Foulque au serment de vassalité de Bohémond de Tarente à Alexis Ier et au traité de
Déabolis est évidente. Il est probable que Foulque, en difficulté face aux musulmans, ne
souhaite pas s'aliéner le principal État chrétien de la région. Enfin, certains auteurs44 n'hésitent
pas à voir, dans ce soutien au basileus, une vengeance de la reine Mélisende, épouse de
Foulque, sur Raymond de Poitiers, lequel avait trahi sa sœur Alix
Jean est suffisamment réaliste pour comprendre qu'il doit donner aux Croisés des
compensations pour la perte d'Antioche. Aussi offre-t-il à Raymond, contre les clés de la ville,
les cités d'Alep, Shayzar, Homs et Hama, qui restent à prendre aux musulmans de Syrie. En
outre, le patriarche latin d'Antioche doit être remplacé par un orthodoxeSi la bannière
impériale est hissée sur la citadelle, les troupes byzantines ne pénètrent pas immédiatement à
Antioche. Jean retourne alors en Cilicie pour liquider les dernières résistances des princes
arméniens. Léon Ier est fait prisonnier après la prise de Feke avec deux de ses fils, Roupên et le
futur Thoros II. Ils sont envoyés en captivité à Byzance en 1138. Si Roupên est exécuté, Léon
et Thoros demeurent en résidence surveillée. Dans le même temps, Jean envoie des
ambassadeurs auprès de Zenghi afin de lui faire croire qu'il n'a rien à craindre de la présence
byzantine.
Si Jean veut prendre pleinement possession d'Antioche, il lui est nécessaire de s'emparer du
nord de la Syrie sur les musulmans, et en particulier sur Zengi qui règne à Alep. Pour cela, en
février 1138, les autorités d'Antioche, sur ordre impérial, arrêtent tous les marchands et
voyageurs venus des villes musulmanes du nord de la Syrie, afin d'empêcher qu'ils n'aillent
rapporter les préparatifs militaires. À la fin mars, Jean gagne Antioche avec son armée. Il est
rejoint par un contingent de Croisés dirigés par Raymond et Josselin de Courtenay, comte
d'Édesse, auquel s'adjoint un fort détachement de Templiers. Jean n'a aucune confiance en les
deux hommes en raison du peu de sympathie dont ils ont toujours fait preuve à l'égard de
l'empire.
La campagne contre les musulmans débute par des succès qui permettent aux Byzantins de
conquérir de petites villes fortifiées. Le 1er avril 1138, al-Balat est occupé, le 8 avril c'est au
tour de Bizaa. Le 20 avril, l'armée est devant Sawar, mais la forteresse vient de recevoir des
renforts de Zenghi et apparaît trop puissamment défendue. Jean avance alors vers le sud et
s'empare d'Athareb le 22 avril, de Maarat al Numan le 25 et de Kafartab le 27. Enfin, le 28
avril, il met le siège devant la ville-forteresse de Chayzar, défendue par le vieil émir Soultan
Ibn Mounqidh, qui contrôle la vallée de l'Oronte (désormais Nahr al-ˁAsī. Jean préfère en
effet éviter d'assiéger Alep, la capitale de Zengi, qui paraît difficile à conquérir sans causer de
pertes importantes en les rangs de son armée47 ; il espère conquérir les villes autour d'Alep afin
de l'isolerÀ partir du 28 avril 1138, Jean fait encercler la citadelle et donne l'ordre à son armée
de commencer le siège, mais alors que la bataille fait rage, ce qu'il craignait se vérifie : ni
Raymond, ni Josselin ne veulent combattre pour des raisons de jalousie, de ressentiment à son
encontre, et ils se soucient peu de la prise d'Alep qui les obligerait à céder Antioche.
L'armée de Zengi, seigneur d'Alep, vient au secours de Chayzar. Bien moins nombreuse que
celle de son opposant, elle renonce à une attaque de front et entreprend une tactique de
harcèlement. Zengi fait propager des rumeurs annonçant l'arrivée de gigantesques armées
venant de Perse, d'Irak et d'Anatolie. Il ne reste plus à l'empereur qu'à lever le camp dans la
crainte, notamment, de perdre les puissants trébuchets qui sont indispensables aux sièges. La
chance veut qu'avant de donner l'ordre de battre en retraite, le seigneur musulman de Chayzar
offre la paix à Jean, se résignant à ce que la ville devienne tributaire de l'Empire byzantin et
garantissant la restitution de la Croix perdue par Romain IV Diogène lors de la bataille de
Manzikert en 1071. L'empereur accepte, lève le siège de Chayzar et repart pour Antioche le
21 mai 113853.
Jean II reçoit Raymond de Tripoli en 1138 (manuscrit d'Estoire d'Eracles, Guillaume de Tyr,
Bibliothèque municipale d'Amiens, XVe siècle.)
Jean insiste pour faire une entrée triomphale dans la ville, le prince d'Antioche et le comte
d'Édesse à ses côtés. Il impose à Raymond de céder la ville à l'Empire byzantin et les
chroniques de l'époque, même si elles ne rapportent pas la réaction de Raymond, indiquent
que Josselin assure l'empereur de l'arrivée dans la ville de tous les barons latins, y compris
Raymond, afin de discuter ensemble de la question. Lorsque la rencontre a lieu, Josselin
propose à Raymond de diffuser, dans la ville, la fausse information selon laquelle l'empereur
pense chasser tous les Latins et que pour ce motif, il faut l'attaquer immédiatement afin de le
prendre par surprise.
Une émeute éclate et Josselin retourne au palais, faisant semblant d'avoir échappé par miracle
au lynchage. Jean réalise que les évènements prennent une mauvaise tournure : son armée est
à deux kilomètres d'Antioche et sa vie est en danger. Il se contente alors du renouvellement du
serment de tous les barons latins, puis prend le chemin du retour. Alors qu'il voyage vers
Constantinople, il combat les Turcs seldjoukides de Massoud qui ont, une fois de plus, envahi
les territoires byzantins et les vainc en 1138. Enfin, vers la fin du printemps 1139, l'empereur
rejoint son palais après trois ans de guerre.
Lettre solennelle signée par Jean Comnène et par le pape Innocent II (rouleau de parchemin,
texte grec et latin, Bibliothèque du Vatican, 1141).
Lors de la campagne de 1137 contre Antioche, l'une des revendications de Jean est que le
patriarcat d'Antioche soit expressément rendu au clergé orthodoxe. Il ne s'agit d'ailleurs que
d'une des clauses du traité de Dévol. La crainte du patriarche latin d'Antioche, Raoul de
Domfront (lequel est, de plus, en violent conflit avec Raymond), à propos des revendications
byzantines, le pousse à demander l'appui du pape Innocent II. Celui-ci publie un décret
interdisant toute collaboration de l'Église catholique en cas d'action entreprise contre le clergé
de la ville. Jean, incertain de sa position, préfère temporiser et entérine dans un premier temps
la présence d'un patriarche latin en acceptant d'être officiellement accueilli par Raoul de
Domfront.
Cependant, de façon générale, les relations avec la Papauté sont relativement cordiales. La
menace de l'adversaire commun, le royaume normand de Sicile, explique cette situation.
Après le schisme de 1054 dû à l'excommunication du patriarche grec Michel Cérulaire,
plusieurs papes avaient essayé de rétablir des relations avec l'Église byzantine. Une lettre,
écrite par le basileus au pape Innocent II en avril 1142, montre comment Jean II tient à
réaliser l'unité entre les deux Églises En accord avec l'empereur, les théologiens byzantins se
montrent disposés à réexaminer la controverse avec l'Église romaine dans un climat
d'ouverture et un esprit de réconciliation. Le dialogue entre les deux Églises est également
facilité par le fait que Byzance, en raison de sa position géographique, est devenue le
carrefour du commerce et des échanges qu'entretiennent les différents États et régions
d'Europe et l'on peut facilement y rencontrer des gens qui viennent de Russie, de Venise,
d'Amalfi, ainsi que des commerçants anglais, génois et français. Les fidèles chrétiens, de rite
romain aussi bien que grec, se rencontrent et dialoguent sans hostilité et dans un respect
mutuel. Selon les historiens, le règne de Jean II est aussi caractérisé par l'émergence de
fondations religieuses.
La dernière campagne
Les années suivantes, Jean est à nouveau mobilisé par l'émir danishmendide Mehmed Ghazi
III. Celui-ci, en 1139, envahit la haute Cilicie et prend la forteresse de Vahka. Il fait alliance
avec le duc de Trébizonde, Constantin Gabras, qui s'est rendu autonome vis-à-vis du pouvoir
impérial. Entre 1139 et 1140, Jean repousse les Turcs de Bithynie et de Paphlagonie et
contraint Gabras à la soumission. Il entreprend le siège de la forteresse de Niksar. La
désertion de son neveu Jean, fils de son frère Isaac, qui passe à l'ennemi, épouse la fille du
sultan seldjoukide Massoud et se convertit à l'Islam, marque profondément l'empereur, qui
abandonne le siège. La mort en 1141 de Mehmed Ghazi III et les divisions entre ses héritiers
permettent à Jean de revenir à ses projets en Syrie.
Tous les bénéfices de la campagne de 1137 sont en effet perdus. Zenghi, dès la fin de l'année
1137, reprend Kafartab, Ma`arrat al-Nu`man, Bizaa et Athareb. Raymond de Poitiers, le
prince d'Antioche, se révèle totalement incapable de contrer cette offensive et se préoccupe
davantage de son conflit avec le patriarche Raoul de Domfront. Jean décide alors une nouvelle
campagne pour 1142. Il assure de nouveau ses arrières et renouvelle son alliance avec
l'empereur germanique, Conrad III, qui vient de succéder à Lothaire III. Cette alliance,
toujours dirigée contre Roger II de Sicile, est conclue par un mariage entre la belle-sœur de
Conrad, Berthe de Sulzbach, et le dernier fils de Jean, Manuel. Jean s'assure également de la
neutralité des cités marchandes italiennes, comme Venise et Gènes.
Jean entame sa nouvelle campagne au printemps 1142 afin de redresser la situation en Syrie
du nord. Il est accompagné de ses quatre fils. Arrivé à Attalia, son héritier Alexis meurt d'une
fièvre foudroyante, le 2 août59. Il ordonne à son second fils, Andronic et au troisième, Isaac, de
ramener la dépouille de leur frère à Constantinople et de l'enterrer dignement6. Il garde son
dernier fils Manuel auprès de lui, car il envisage de lui constituer une principauté autour
d'Antioche, Attalia et Chypre. Pendant le trajet du retour, Andronic meurt de la même maladie
qui a frappé Alexis. Quand la nouvelle arrive à Jean, la douleur est insupportable : il perd
deux fils en quelques jours, dont celui qu'il avait formé pour être son héritier.
Malgré cette épreuve, Jean poursuit la campagne. Pour ne pas éveiller l'inquiétude des
Croisés, il prétexte une expédition contre les Turcs danishmendides. Il traverse à marches
forcées la Cilicie et met le siège devant Turbessel, la seconde ville du comté d'Édesse. Le
comte Josselin II de Courtenay se hâte de rendre hommage à l'empereur, qui se tourne alors
vers Antioche. Il exige de Raymond la remise de la cité et promet en échange de l'aider à se
créer une principauté sur des territoires pris aux musulmans. Raymond se trouve dans une
situation difficile, car s'il tente de livrer la ville à l'empereur, sa femme Constance le détrônera
avec l'aide de ses vassaux : la seule issue par conséquent est la guerre. Mais l'hiver est arrivé
et Jean décide de retourner en Cilicie avant de reprendre l'offensive au printemps, le siège
d'Antioche pouvant être long
Mort de Jean II, et couronnement de son fils Manuel Ier Comnène (Manuscrit, BNF, Paris,
XIIIe s.).
En mars 1143, au cours d'une banale chasse, l'empereur est blessé accidentellement par une
flèche empoisonnée65. La blessure semble sans gravité, mais l'infection gagne rapidement et la
gangrène s'installe. Jean travaille jusqu'à la fin, avec dignité et un certain courage. Il lui faut
préparer sa succession. Le 5 avril 1143, dimanche de Pâques, il rassemble ses conseillers à
son chevet et les informe que son héritier au trône n'est pas Isaac, son troisième fils, mais son
benjamin Manuel
« Accueillez donc mon fils Manuel comme Seigneur oint par Dieu, comme roi par ma
décision. […] Manuel empereur des Romains. »
Il ôte la couronne de sa tête et la place sur la tête de Manue. Ce choix s'explique, semble-t-il,
par la faible confiance que Jean possède en Isaac, considéré comme versatile et peu fiable.
Mais dans la dynastie des Comnènes, ce n'est pas la première fois qu'un fils cadet accède à
l'empire au détriment d'un aîné. Alexis I avait ainsi un frère plus âgé que lui, prénommé aussi
Isaac, qui lui avait cédé le pas pour l'accession au trône.
Jean meurt trois jours plus tard. Le fidèle Jean Axouch part rapidement pour Constantinople
afin d'assurer le trône à Manuel face aux visées d'Isaac, tandis que le nouvel empereur ramène
l'armée à travers l'Anatolie. Manuel organise l'enterrement de son père. Son corps est
transporté à Constantinople et inhumé avec ses deux fils morts en 1142.
Descendance
Miniature du début du XIIe siècle , représentant l'empereur Jean II avec son fils Alexis.
Manuel Ier Comnène (en grec byzantin Μανουήλ Α’ Κομνηνός / Manouếlê A Komnênós) (28
novembre 1118 – 24 septembre 1180) est empereur byzantin (1143-1180) à une période
charnière pour l’empire. Manifestant sa volonté de le restaurer dans sa gloire passée et de
réaffirmer Byzance dans sa suprématie du monde méditerranéen au XIIe siècle, Manuel
poursuit une politique étrangère ambitieuse et énergique. Pour ce faire, il s’allie au pape et
aux puissances occidentales montantes, envahit l’Italie, maîtrise le passage de la Deuxième
croisade à travers son empire et établit un protectorat byzantin sur les royaumes croisés
d’Outremer. Faisant face au jihad islamique en Terre sainte, il fait cause commune avec le
Royaume de Jérusalem et participe à l’invasion de l’Égypte fatimide. Manuel recompose la
carte politique des Balkans et de la Méditerranée orientale en plaçant les royaumes de
Hongrie et d’Outremer sous l’hégémonie byzantine et en menant des campagnes agressives
aussi bien à l’ouest qu’à l’est. Toutefois, vers la fin de son règne, les réalisations de Manuel
en Orient sont compromises par la défaite à la bataille de Myriokephalon qui, pour une large
part, est due à son arrogance à attaquer une place forte turque bien défendue.
L’historien latin Guillaume de Tyr décrit Manuel comme sage, bon et brave. Manuel est aussi
loué par Robert de Clari comme étant « un homme généreux et plein de sagesse2 ». Une telle
estime pour un souverain byzantin est rare parmi les chroniqueurs occidentaux, et cette
réputation positive a mené quelques historiens modernes à le voir comme un innovateur
inspiré qui compte plus sur la coopération que sur la confrontation avec l’Occident et les
Croisés3.
Nommé Mégas (Μέγας, « le Grand ») à Byzance, Manuel est connu pour avoir inspiré une
loyauté intense à ceux qui l’ont servi. Il apparaît comme un héros dans une histoire écrite par
son secrétaire Jean Kinnamos et chez qui on retrouverait toutes les vertus : depuis le courage
au combat, en passant par l’intelligence, l’humanité jusqu’à des compétences en philosophie
et même en médecine. Jean Phokas, un soldat qui combat dans l’armée de Manuel, le décrit
comme « sauvegardant le monde » et un glorieux empereur
Manuel est renommé pour son charisme et son affinité pour l’Occident, ce qui le mène à
organiser des joutes et même à y participer, chose inhabituelle pour les Byzantins. Il est
représentatif d’un nouveau genre de souverains byzantins dont la pensée est influencée par les
croisés occidentaux. Homme de guerre accompli et doté d’un grand courage, Manuel s’est
consacré aux armes tout au long de son règne avec diverses fortunes.
Manuel Comnène est le quatrième fils de Jean II Comnène et de Piroska, fille de Ladislas Ier
de Hongrie. Rien au départ ne le destine à monter sur le trône. Il a trois frères plus âgés et
Jean II désigne son fils ainé Alexis pour lui succéder. Mais ce prince talentueux meurt au
printemps 1142 de maladie suivi peu après par son frère Andronic. S’étant distingué dans la
guerre menée contre les Turcs Seldjoukides, Manuel est alors désigné par son père, pour lui
succéder de préférence à son fils aîné encore vivant, Isaac. Mais cette investiture paternelle ne
régle pas complètement la question de la succession : elle a lieu en effet auprès du lit de mort
de son père dans les étendues de Cilicie, très éloignées de la capitale Constantinople. Il est
vital qu’il retourne dans la capitale aussi vite que possible, mais il doit encore s’occuper des
funérailles de son père. La tradition veut aussi qu’il fonde un monastère sur le lieu où son père
a rendu l’âme. Cependant, il dépêche au préalable dans la capitale son secrétaire Jean Axouch
avec des ordres pour arrêter son plus dangereux rival : son frère Isaac qui vit au Grand Palais
et a ainsi un accès immédiat au trésor. Axuch arrive dans la capitale avant même la nouvelle
de la mort de Jean II. Il s’assure rapidement de la loyauté de la cité et quand Manuel fait son
entrée dans la capitale en août 1143, il est couronné par le nouveau patriarche Michel II
Courcouas. Quelques jours plus tard, quand il n’a plus rien à craindre, Manuel ordonne la
libération de son frère, sa position étant assurée.
L’empire dont Manuel hérite a subi de profonds changements depuis sa fondation, huit siècles
auparavant. Le plus important a eu lieu au cours du VIIe siècle : les soldats de l’Islam ont pris
définitivement à l’Empire les provinces orientales d’Égypte, de Palestine et une grande partie
de la Syrie. Depuis lors, les souverains byzantins ne gouvernent plus qu’un empire composé
essentiellement de l’Asie Mineure à l’est et des Balkans à l’ouest. Depuis le temps de son
prédécesseur Justinien (qui régna de 527 à 565), les empereurs ont aussi perdu le contrôle
d’une partie de l’Italie. L’État byzantin à l’avènement de Manuel doit faire face à de
formidables défis. À la fin du XIe siècle, les Normands ont pris la Sicile aux Byzantins. Les
Turcs Seldjoukides ont fait de même en Anatolie centrale. Au Levant, une nouvelle force est
apparue : les États latins d’Orient des Croisés. Toutes ces nouvelles puissances qui s’attaquent
aux terres historiquement occupées par l’Empire sont un danger pour lui.
La première épreuve que Manuel doit affronter arrive en 1144, quand Raymond de Poitiers,
prince d’Antioche, lui demande la cession des territoires ciliciens. Toutefois, plus tard dans la
même année, l’État latin du Comté d’Édesse est emporté par une offensive habile de l’atabey
de Mossoul et d’Alep, Zengi. Cette victoire retentissante provoque le prêche de la Deuxième
croisade et sera tenue par les chroniqueurs arabes ultérieurs comme le lancement d'un vaste
jihad contre les états croisés. Raymond, son flanc oriental exposé dangereusement à cette
nouvelle menace, n’a d’autre choix que de se résoudre à une visite humiliante à
Constantinople en réalisant que compter sur une aide immédiate de l’Occident est hors de
question. Il ravale donc sa fierté et demande protection à l’empereur. Après qu’il a rendu
hommage à Manuel, on lui promet le soutien qu’il requiert et son allégeance à Byzance est
assurée. Les Byzantins ont été d’autant plus prompts à apporter leur aide à Édesse et Antioche
qu’ils ont toujours considéré ces deux villes comme faisant partie intégrante de l’Empire,
même lorsqu’elles seront occupées par les Arabes, les Turcs ou les Latins4.
La croisade arrive
Toutefois, Manuel ne peut donner suite à ces premiers succès dans l’Est, à cause
d’événements dans l’Ouest qui requièrent sa présence dans les Balkans. En 1147, il autorise le
passage de deux armées de la Deuxième croisade à travers ses terres : celles de Conrad III de
Hohenstaufen et de Louis VII de France. Il y a encore des personnes à la cour byzantine qui se
rappellent le passage de la Première croisade. La croisade est un événement marquant dans
l’imaginaire collectif de ce temps et elle fascine particulièrement la tante de Manuel, Anne
Comnène, qui décrit quelques uns de ses chefs dans son Alexiade, une biographie de son père
et grand-père de Manuel, Alexis Ier. Beaucoup de Byzantins craignent la croisade et ce
sentiment est amplifié par les nombreux actes de vandalisme et de vols perpétrés par les
armées croisées indisciplinées alors qu’elles traversent le territoire byzantin. Des troupes
byzantines suivent les croisés, essayant de contenir leurs débordements tandis que d’autres
troupes ont été positionnées à Constantinople pour défendre la capitale contre tout acte
d’agression. Cette approche prudente est avisée, mais de nombreux épisodes d’hostilité sourde
ou déclarée entre les Grecs et les Francs sur leur ligne de marche — pour lesquels les deux
côtés semblent être à blâmer — amènent presque un conflit entre Manuel et ses invités.
Sagement, Manuel conclut une alliance avec Conrad en 1148, en épousant au préalable sa
belle-sœur, Berthe de Sulzbach en 1146. Mais Conrad meurt en 1152 et Manuel ne peut
trouver un accord avec son successeur, Frédéric Barberousse.
L’invasion de Chypre
La forteresse de Kyrenia à Chypre. La garnison ne suspecte rien et est surprise par les Croisés
L’attention de Manuel doit encore une fois être portée sur Antioche en 1156, en raison d’une
atrocité épouvantable : le nouveau prince d’Antioche, Renaud de Châtillon, envahit la
province byzantine de Chypre. Après avoir mis l’île à sac et avoir pillé toutes les richesses,
son armée mutile tous les survivants avant de les forcer à racheter leurs vies avec le peu
qu’elle leur a laissé. Le sac de l’île a vu des scènes d’inimaginable cruauté, d’inhumanité et de
sauvagerie, au point que les Byzantins se demandent qui est leur ennemi des Sarrasins ou des
Croisés5. Ainsi enrichi avec assez de butin pour rendre Antioche prospère pour des années, les
envahisseurs repartent et font voile vers leurs foyers. Le peuple de Chypre, qui a envoyé de la
nourriture aux Croisés mourants de faim lors de la Première croisade, est récompensé de sa
bonté par le sang.
La paix ayant été rétablie, une grande procession cérémonielle est organisée pour l’entrée
triomphale de Manuel dans la cité, ce dernier chevauchant à travers les rue tandis que Renaud
et le roi de Jérusalem, arrivé entretemps, suivent à pieds. Manuel dispense la justice aux
citadins et préside à des jeux et des tournois organisés pour la foule.
Au printemps suivant (avril-mai 1159), Manuel lance, conjointement avec Baudouin III, son
neveu par alliance, et Renaud de Châtillon, une campagne contre Nûr Al-Dîn. Les armées
franques et byzantines se dirigent vers Alep, contrairement à ce qui avait été fait du temps du
père de Manuel, Jean Comnène. La simple arrivée de ces forces aux portes de sa cité pousse
l'atâbeg, impréparé, à demander des termes de paix, comprenant notamment la remise en
liberté de tous ses prisonniers, au nombre de 10 000. Manuel, au lieu de pousser son avantage
et d'attaquer le royaume zengide, fait alors demi-tour en juin 1159 et regagne Constantinople,
en passant par la Cilicie. Les Francs, désemparés par cette paix subite, se replient également.
Cette défection très rapide, somme toute étrange puisque Manuel pouvait aisément réduire
grandement la pression turque à cette occasion, a été analysée par René Grousset comme étant
un calcul politique visant à maintenir les Francs sous pression musulmane, les rendant ainsi
plus enclins à faire appel aux forces byzantines. Cependant, la condition du remplacement du
patriarche latin d'Antioche par un patriarche grec, sur laquelle s'était engagé Renaud de
Châtillon lors de son serment de vassalité à Manuel, ne fut pas appliquée par les Francs. Cette
question n'était pas que confessionnelle : en échangeant un patriarche grec au latin, la ville se
serait à court ou moyen terme "grecquisée", ce que ne souhaitaient bien entendu pas les
Francs.
Satisfait des résultats obtenus, Manuel retourne à Constantinople. Sur le chemin du retour, ses
troupes sont surprises en ordre de marche par les Turcs. Malgré ce désavantage, c’est une
victoire totale pour Manuel, son armée ayant infligé de lourdes pertes aux Turcs avant de les
disperser. Dans l’année qui suivit, il libère l’Isaurie de la présence turque.
Les termes de l’accord entre Manuel et Renaud de Châtillon montrent que Manuel ne veut pas
seulement atteindre l’objectif de son père et de son grand-père qui est de ramener Antioche
dans le giron impérial, mais qu’il voit plus grand, considérant les Latins et l’Occident comme
une force à utiliser pour affirmer la présence byzantine sur tout le pourtour méditerranéen.
Cette ambition le pousse plus tard à s’impliquer dans une aventureuse croisade en Égypte, une
région où l’influence de l’Empire ne s’est pas faite sentir depuis longtemps.
En 1147, Manuel doit faire face à une guerre avec Roger II de Sicile, dont la flotte s’est
emparé de l’île byzantine de Corfou et en avait pillé les villes grecques. Dans un raid
audacieux, Roger pille Thèbes et Corinthe dans le sillage de la Deuxième croisade. Toutefois,
bien qu’ayant été distrait par une attaque coumanne dans les Balkans, Manuel requiert l’aide
des Vénitiens, qui défont Roger grâce à leur redoutable flotte. En 1149, Manuel recouvre la
suzeraineté sur Corfou et se prépare à mener une offensive contre les Normands. Manuel
envoie Michel Paléologue et Jean Dukas avec des troupes byzantines et une bonne quantité
d’or pour envahir l’Apulie en 1155. Les deux généraux s’avisent de chercher le soutien de
l’empereur allemand Frédéric Barberousse, passé du côté des ennemis des Normands de Sicile
et se présentent au sud des Alpes à ce moment. Frédéric refuse son aide car ses armées sont
démoralisées et ses hommes le pressent de retourner au nord des Alpes aussi tôt que possible9.
Néanmoins, avec l’aide de barons locaux déchus — et notamment le comte Robert de
Loritello —, l’expédition de Manuel progresse de manière stupéfiante, aidée par la rébellion
de toute l’Italie du Sud contre la couronne sicilienne. S’ensuit un enchaînement de succès
spectaculaires, avec la prise de nombreuses places fortes, soit par la force, soit achetées par
l’or byzantin
Alliance byzantino-papale
Le pape Adrien IV, qui négocia avec Manuel contre le roi normand Guillaume Ier
La cité de Bari, qui avait été la capitale du catépanat des Pouilles des siècles avant l’arrivée
des Normands, ouvre ses portes à l’armée impériale, et ses habitants sont ravis de pouvoir
démolir la citadelle normande, symbole de leur oppression. Encouragé par le succès, Manuel
rêve d’une restauration de l’Empire romain au prix d’une union entre Églises orthodoxe et
catholique, une perspective qui est souvent offerte au pape au cours des négociations et des
plans d’alliance avec lui.
S’il y eut jamais une chance de réunir les Églises d’Orient et d’Occident et de se concilier le
pape, ce fut probablement le moment le plus favorable. La papauté n’est jamais en bons
termes avec les Normands, sauf dans le cadre d’une menace militaire directe. Pour la papauté,
avoir l’Empire romain d’Orient, considéré comme plus « civilisé », à sa frontière méridionale
est préférable à avoir à gérer constamment les débordement de Normands de Sicile. Il est dans
les intérêts du pape Adrien IV de sceller un accord si cela est possible, ce qui permettrait une
considérable extension de l’influence papale sur toute la population chrétienne orthodoxe. Les
négociations sont menées à la hâte et une alliance est formée entre Manuel et Adrien. Le sort
des Siciliens paraît scellé.
Les espoirs d’une alliance durable avec le pape se heurtent aussi à des problèmes
insurmontables. Les conditions imposées par le pape Adrien IV pour une union incluent la
reconnaissance de son autorité religieuse sur tous les chrétiens où qu’ils soient et donc la
reconnaissance de son autorité séculaire. Ni l’Orient ni l’Occident ne peuvent accepter de
telles conditions ; même si un empereur pro-occidental comme l’est Manuel l’acceptait, les
Grecs auraient refusé tout net une telle union, comme ils le feront deux siècles plus tard quand
les Églises orthodoxe et catholique seront brièvement unies sous l’autorité du pape. Malgré
ses manières amicales avec l’Église romaine, Manuel n’est jamais honoré du titre
d’« auguste » par Adrien. En fin de compte, un tel accord est impossible et les deux Églises
restent séparées depuis lors.
Malgré un coût très élevé, les résultats de la campagne italienne sont limités : la cité d’Ancône
devient une base byzantine en Italie, acceptant l’Empereur pour souverain ; les Normands de
Sicile sont affaiblis et font la paix avec l’Empire pour le reste du règne de Manuel ; la
capacité de Byzance à s'impliquer dans les affaires italiennes est démontrée.
Manuel régna sur tous les Balkans du Danube (nord-est) au Péloponnèse (sud-ouest)
Sur sa frontière septentrionale, Manuel redouble d’efforts pour préserver les conquêtes
effectuées par Basile II plus d’une centaine d’années auparavant et maintenues, parfois de
façon ténue, depuis lors.
Il force les Serbes en rébellion à devenir ses vassaux (1150-1152) et répète ses attaques contre
les Hongrois avec pour objectif l’annexion de leurs territoires le long de la rivière Save. Dans
les guerres de 1151-1153 et 1163-1168, Manuel mène ses troupes en Hongrie et opère un
spectaculaire raid en profondeur dans le territoire ennemi dont il rapporte un butin substantiel.
En 1168, une victoire décisive près de Zemun lui permet de conclure un traité de paix par
lequel la Dalmatie et d’autres territoires aux confins de l’Empire lui sont cédés. Des efforts
sont faits pour une annexion diplomatique. L’héritier hongrois Béla est envoyé à
Constantinople pour y être éduqué à la cour de Manuel, dont l’intention est de le marier à sa
fille, Maria, et de faire de lui son héritier, assurant ainsi une union durable entre la Hongrie et
l’Empire. À la cour, Béla prend pour nom Alexis et reçoit le titre de despote qui n’avait été
jusque là utilisé que pour désigner l’Empereur lui-même. Cependant, quand son fils naît,
l’Empereur rompt cet engagement
Néanmoins, les plans de Manuel sont pour l’essentiel couronnés de succès dans les Balkans.
La Hongrie est réduite à un état de dépendance et Manuel y impose sa volonté pour le choix
du roi : Béla III est couronné en 1172. Manuel étend les frontières de l’Empire assurant la
sécurité de toute la Grèce et de la Bulgarie. Ceci permet aux provinces occidentales de
connaître un nouvel essor économique qui avait déjà commencé aux temps de son grand-père
Alexis Ier et qui continue jusqu’à la fin du siècle. Il a été soutenu en effet que Byzance au
XIIe siècle était plus riche et plus prospère qu’à aucune autre époque depuis l’invasion perse
sous Héraclius, près de cinq siècles plus tôt. Pour preuve de ce développement économique, il
reste bon nombre de nouvelles constructions et de nouvelles églises édifiées à cette époque et
notamment dans des endroits reculés, ce qui montre que la richesse était bien répartie12.
Bien qu’il soit vrai qu’à la fin du IXe siècle les cités de l’Empire avaient commencé à se
rétablir dans leur puissance perdue suite aux invasions arabes et slaves de l’Antiquité tardive,
cette progression est brutalement interrompue par la défaite à la bataille de Manzikert et la
guerre civile qui précéda l’accession au trône d’Alexis Ier. Ce n’est que le succès des Comnène
qui empêcha une disparition totale de l’Empire et c’est sous cette fortune que le
développement urbain reprit. Manuel est le digne continuateur de cette politique.
Constantinople et le commerce
Le contrôle de l’Égypte était un vieux rêve du royaume croisé de Jérusalem. Seule une
alliance avec Byzance pourrait le réaliser. Ainsi, outre la reconnaissance de la suzeraineté de
Manuel sur Antioche et Jérusalem en 1159, les deux puissances scellent leur alliance par des
mariages dans les années 1160 : en 1162, Manuel épouse Marie d’Antioche, fille de Raymond
de Poitiers, tandis que Amaury Ier, roi de Jérusalem épouse en 1167 la petite-nièce de Manuel,
Marie Comnène. En 1168, une alliance formelle est négociée et en 1169, il envoie une
expédition conjointe avec le roi Amaury en Égypte. L’expédition est une démonstration de
force pour l’Empire qui envoya près de 200 navires — dont beaucoup étaient des vaisseaux de
guerre équipés de siphons à feu grégeois et d’armes de siège — ainsi qu’une armée qui
représente un investissement de ressources substantiel pour les Byzantins. L’historien croisé
Guillaume de Tyr, qui négocia cette alliance, est particulièrement impressionné par les
bateaux de transport lourds qui furent utilisés pour l’acheminement de la cavalerie13.
Bien qu’une attaque d’une telle portée et aussi éloignée du centre de gravité de l’Empire
puisse sembler extraordinaire — la dernière fois que l’Empire avait essayé quelque chose de
cette ampleur, c'était pour l’invasion de la Sicile près de 120 ans plus tôt, et cela s'était soldé
par un échec — cela peut s’expliquer par la politique extérieure de Manuel qui, comme
expliqué précédemment, utilisait les Latins pour s’assurer de la survie de l’Empire. Cet intérêt
aux affaires du monde mena Manuel à intervenir en Égypte, car on croyait alors que dans le
contexte d’un conflit plus large entre les États croisés et les puissances islamiques orientales,
le contrôle de l’Égypte serait le facteur décisif pour avoir l’ascendant sur l’autre camp.
Le charme de l’Égypte
Une invasion réussie de l’Égypte aurait plusieurs avantages pour l’empire byzantin. Tout
d’abord, elle empêcherait les puissances islamiques de la région d’expulser les Croisés hors
de Terre Sainte. En second lieu, l’Égypte est une province riche et, à l’époque de l’Empire
romain, avait pourvu à la majeure partie du blé et des grains nécessaires à Constantinople,
avant qu’elle ne tombe sous la domination arabe au VIIe siècle. Les revenus que l’Empire peut
espérer gagner de la conquête de l’Égypte sont considérables, même s’il faudrait les partager
avec les Croisés. De plus, cela lierait les Croisés plus étroitement avec l’Empire, un but que
Manuel aura poursuivi avec détermination tout au long de son règne et qui sera devenu
évident quand le roi Amaury plaça son royaume entier sous la protection de Manuel, étendant
en fait l’accord sur Antioche en faisant de tout le royaume de Jérusalem une partie de
l’Empire, au moins nommément. Néanmoins, c’est un arrangement personnel, dans la
tradition féodale de l’Europe de l’Ouest, et en tant que tel uniquement applicable tant que
Manuel et Amaury sont les dirigeants de leurs États respectifs.
Des opportunités perdues
On pourrait s’attendre à un soutien de l’invasion par les chrétiens coptes, qui avaient vécu
sous un régime islamique pendant près de 500 ans. Cependant, à cause de l’impossibilité pour
les Croisés et les Byzantins de coopérer pleinement, les chances de prendre l’Égypte
s’envolent. La flotte byzantine n’a apporté des provisions que pour trois mois : le temps que
les Croisés soient prêts, l’approvisionnement vient déjà à manquer et la flotte doit se retirer
après une vaine attaque contre Damiette. Chaque côté cherche à blâmer l’autre pour l’échec,
mais tous les deux savent aussi qu’ils dépendent l’un de l’autre : l’alliance est maintenue et de
nouveaux plans sont faits, qui ne donneront finalement rien13.
En fin de compte, les annales du règne de Manuel Comnène ne relatent que peu cette
expédition contre l’Égypte, à cause de son échec et des choses de plus grande importance
comme l’essor de la République de Venise et des Turcs seldjoukides. Cependant, les
conséquences de cet échec sont sérieuses. Manuel a investi beaucoup de temps, d’argent et
d’hommes dans l’attaque contre l’Égypte, des ressources qui auraient été mieux utilisées
contre les Turcs en Anatolie.
Le sultan Kılıç Arslan II profite de ce répit pour éliminer ses rivaux et étendre son pouvoir sur
l’Asie Mineure. Le rapport de forces en Méditerranée orientale est en train de changer et les
effets de l’insuccès en Égypte se feront encore sentir longtemps après la mort de Manuel. La
montée d’un jeune général kurde, Saladin, aidé de son oncle Shirkuh, n’est possible que grâce
à sa conquête réussie de l’Égypte durant la même année, 1169 ; et les armées de Saladin
reconquerront Jérusalem, ce qui déclenchera la Troisième croisade.
Manuel a un accord avec les Seldjoukides, obtenu après sa victoire sur eux en 1162, qui
stipule que certaines régions frontalières, dont la ville de Sivas, doivent lui revenir en échange
d’une certaine quantité d’or. Cependant, quand il devient clair que les Seldjoukides n’ont
aucune intention d’honorer leur part du marché, Manuel décide qu’il est temps de s’occuper
des Turcs une fois pour toutes. Pour cela il rassemble l’armée impériale au complet et marche
contre la capitale turque, Iconium. La colonne ainsi formée par l’armée est longue de presque
vingt kilomètres selon une lettre envoyée par Manuel au roi Henri II d’Angleterre et donc
difficile à guider. De plus, Manuel est devenu impétueux et il semble que cela ait altéré son
jugement : à l’entrée de la passe à Myriokephalon, des ambassadeurs turcs viennent à sa
rencontre, ils lui offrent la paix en des termes généreux. La plupart des généraux et des
courtisans expérimentés de Manuel le pressent d’accepter l’offre. Cependant, les plus jeunes
et plus belliqueux membres de la cour lui demandent au contraire d’attaquer. De manière
inconsidérée, il écoute ces derniers et continue à avancer8.
Malheureusement, Manuel commet de sérieuses erreurs tactiques, telles que ne pas faire
reconnaître la route avant de s’y engager. Ces manquements le mènent à faire avancer ses
troupes droit vers une embuscade. Le 17 septembre 1176, l’armée de Manuel est battue par
Kılıç Arslan II à la bataille de Myriokephalon, dans laquelle son armée est prise dans un piège
alors qu’elle passait par une passe montagneuse étroite. L’équipement de siège de l’armée est
rapidement détruit, et Manuel est forcé de se retirer — sans engins de siège, la conquête
d’Iconium est impossible. Les termes par lesquels le sultan seldjoukide permet à Manuel et à
son armée de partir sont qu’il doit démanteler ses forts frontaliers à Dorylaeum et Siblia ainsi
que retirer leurs garnisons14. Cependant, depuis que le sultan avait déjà failli à remplir sa part
du traité de 1162, Manuel n’a aucune intention de remplir les conditions de ce nouvel accord.
Néanmoins, la défaite à Myriokephalon est embarrassante à la fois pour Manuel
personnellement et pour l’Empire. Les empereurs Comnène avaient travaillé dur depuis la
bataille de Manzikert, 105 ans auparavant, pour restaurer la réputation de l’Empire. Parce
qu’il a été trop confiant, Manuel a montré au monde que Byzance ne pouvait toujours pas
battre les Seldjoukides malgré les avancées faites le siècle passé.
La défaite de Myriokephalon est souvent dépeinte comme une catastrophe dans laquelle
l’armée byzantine entière est détruite. Manuel lui-même compare la défaite à Manzikert, et
comme Manzikert, elle semble être devenue un désastre légendaire ; en réalité, elle ne cause
pas la ruine de l’armée byzantine qui combat en Asie Mineure l’année suivante. La plupart
des pertes ont eu lieu sur l’aile gauche, commandée par Baudoin d’Antioche15, et aussi sur le
train arrière, qui soutint le choc de l’embuscade turque et qui était sa cible principale. Les
pertes sont rapidement comblées et l’année suivante, les forces de Manuel défont une contre-
attaque turque. Une nouvelle campagne reprend même des territoires en 1177.
Le problème était surtout que Manuel s’est permis de se laisser distraire par une série
d’aventures en Italie et en Égypte, plutôt que de répondre au problème plus pressant posé par
les Turcs. Cela a donné au sultan un certain nombre d’années pour éliminer ses rivaux et
construire une force capable de tenir tête aux armées byzantines. Sans ces années pendant
lesquels les forces seldjoukides se sont renforcées, la bataille n’aurait même pas eu lieu.
Enfin, la défaite à Myriokephalon marque la fin des tentatives byzantines pour récupérer le
plateau anatolien, qui est dès lors perdu pour toujours pour l’Empire.
Un bilan en demi-teinte
Jeune homme, Manuel avait été déterminé à restaurer la force et la prédominance de l’empire
byzantin sur le pourtour méditerranéen. Jusqu’à sa mort, il s’est écoulé 37 ans depuis le jour
singulier où son père le proclama empereur dans les étendues sauvages de Cilicie. Ces années
ont vu Manuel impliqué dans des conflits de tous les côtés. Le père et le grand-père de
Manuel avaient travaillé patiemment à résorber les dommages faits à la suite de la bataille de
Manzikert. Grâce à leurs efforts héroïques, l’Empire dont Manuel hérite est plus fort et mieux
organisé qu’à aucun autre moment dans les cent précédentes années. Au temps de son
avènement, beaucoup espèrent que son règne sera le point culminant de toutes les réalisations
de la dynastie des Comnène.
Moins pieux que son père, Jean II Comnène, Manuel s’est montré un brillant et énergique
empereur qui voyait des possibilités partout et dont la vision optimiste a influencé son
approche de la politique étrangère. Cependant, en dépit de ses prouesses militaires, Manuel ne
remplit que modestement son objectif de restaurer l’empire byzantin. En fait, il réussit à
unifier beaucoup de ses voisins dans une haine commune qui en fait des ennemis, plutôt que
de jouer l’un contre les autres. Se serait-il plus concentré sur la situation en Anatolie, que
Manuel aurait sans doute réussit le but de son père, qui était d’expulser les Turcs de régions
cruciales. Au lieu de cela, il laisse son attention accaparée par des aventures risquées en Italie
et en Égypte qui en fin de compte ne rapportent presque rien à l’Empire. Ses victoires sont
contrebalancées par des défaites, quelques unes coûteuses non seulement en termes
d’opportunités manquées, mais aussi en termes de dépenses pour les Trésor impérial.
L’historien byzantin Nicetas Choniates critiqua Manuel pour avoir augmenté les taxes :
l’argent ainsi levé est dépensé sans compter aux dépens de ses sujets. Les dépenses
occasionnées par cette politique étrangère expansionniste, une attitude généreuse vis-à-vis de
l’argent combinée avec une magnificence somptueuse de sa cour ont asphyxié les ressources
financières de l’État16.
Les problèmes qu’il crée sont, dans une certaine mesure, compensés par ses succès, et en
particulier dans les Balkans, mais étant donné l’effondrement rapide de l’empire byzantin qui
suit sa mort, il eût mieux valu déployer les ressources disponibles plus précautionneusement,
soit en renforçant le trésor, soit en se concentrant sur des aventures moins périlleuses. Sa
politique pro-occidentale cause beaucoup de ressentiment au sein de l’Empire et conduit au
massacre des Latins lors du retour d’Andronic Ier Comnène en 1182. Ces événements, parmi
d’autres, mèneront à l’annexion de l’Empire durant la Quatrième croisade. Rétrospectivement,
certains commentateurs ont critiqué certains buts de Manuel, jugés irréalistes, en particulier
les expéditions qu’il envoie en Égypte, vues comme un rêve de grandeur qui ne peut être
réalisé. Pour Manuel, de telles initiatives étaient simplement des tentatives ambitieuses de
tirer profit des circonstances qui se présentaient à lui
Legs
On se souviendra de Manuel en France, en Italie et dans les États latins d’Orient comme du
plus puissant souverain au monde. Un preuve parlante de l’influence que Manuel a pu avoir
sur les États croisés peut être encore vue dans l’église de la Nativité à Bethléem. Dans les
années 1160, la nef est redécorée avec des mosaïques représentant les conciles de l’église.
Manuel est un des mécènes du travail. Sur le mur sud, une inscription en grec dit : « le présent
travail est fini par Ephraïm, peintre et mosaïste, sous le règne sur grand empereur
porphyrogénète Manuel Comnène, et au temps du grand roi de Jérusalem, Amaury ». Que le
nom de Manuel soit placé en premier est symbolique et est une reconnaissance publique de
son autorité sur tout le monde chrétien. Son rôle de protecteur de chrétiens orthodoxes et des
lieux saints chrétiens en général est aussi évident par ses tentatives réussies de garder ses
droits sur la Terre Sainte. Manuel a participé à la construction et à la décoration de beaucoup
d’églises et monastères grecs en Terre Sainte, dont le Saint-Sépulcre à Jérusalem, où grâce à
ses efforts le clergé byzantin est autorisé à pratiquer la liturgie grecque chaque jour. Tout cela
renforce sa position de suzerain des États latins, avec son hégémonie sur Antioche et
Jérusalem reconnue par Renaud, le prince d’Antioche et Amaury, le roi de Jérusalem. Cela,
ajouté à ses succès dans les Balkans, doit être vu comme les plus grands réussites du règne de
Manuel Comnène
Manuel a aussi initié une réforme de la justice afin que celle-ci soit plus favorable au
requérant. La justice était en effet paralysée par les riches et les puissants de l’Empire qui
multipliaient les recours et alourdissaient les procédures. Manuel fait donc du Grand
Drongaire de la Veille un juge civil et supprime des possibilités de recours, ce qui allège la
charge de l’ultime organe de décision, le tribunal impérial
Durant ces 37 années en tant qu’empereur, Manuel contrecarre toutes les tentatives d’attaque
sur l’Empire de la part de puissances extérieures ; cependant ses gains sont compromis par la
défaite de Myriokephalon en 1176. À sa mort, l’Empire est une grande puissance, à
l’économie prospère et aux frontières défendues et fortifiées, mais il y a aussi de sérieux
problèmes internes. La cour byzantine requérait un souverain fort pour en assurer l’union or
après la mort de Manuel, la stabilité est sérieusement mise en danger de l’intérieur. Certains
des ennemis de l’Empire sont à l’affût, guettant le moment propice pour attaquer, en
particulier les Turcs en Anatolie et les Normands en Sicile qui avaient déjà tenté d’envahir
l’Empire à plusieurs occasions. Même les Vénitiens, les seuls alliés importants d’Occident,
sont en mauvais termes avec l’Empire à la mort de Manuel en 1180. Venise, inquiète de ses
succès et des traités qu’il a passés avec Pise en 1169 et en 1171, se lance dans un conflit qui
rompt leur relation pendant 14 ans. Étant donnée la situation, il faudrait un empereur fort pour
éloigner les menaces auxquelles l’Empire doit faire face et renflouer le Trésor.
Malheureusement pour Byzance, un tel homme n’est pas annoncé.
Famille
Fils de Jean II Comnène et d’Irène de Hongrie (qui changea son nom hongrois — Piroska —
à son mariage), il épousa :
• Berthe de Sulzbach († 1160) en premières noces en 1146, fille du comte Gebhard III
de Sulzbach et de Mathilde de Bavière, sœur de Gertrude, mariée à Conrad III. De
cette union naquit :
o Marie (1152 † 1182), fiancée à Béla III de Hongrie puis à Guillaume II de
Sicile, et mariée ensuite en 1180 à Rainier de Montferrat (1163 † 1182)
o Anne (1154 † 1158)
• Marie d’Antioche (1145 † 1182) en secondes noces en 1161, fille de Raymond de
Poitiers prince d’Antioche et de Constance d’Antioche, qui lui donna pour enfant :
o Alexis II Comnène (1169 † 1183)
Alexis II Comnène
Alexis II Comnène, né le 10 septembre 1169, mort en octobre 1183, empereur byzantin de
1180 à 1183, fils de Manuel Ier Comnène et de Marie d'Antioche. En 1180, il épouse Agnès de
France (1171-1240), fille de Louis VII et d'Alix de Champagne et rebaptisée Anna.
Régente de l'Empire, Marie d'Antioche suscite contre elle le mécontentement non seulement
par ses origines latines, mais aussi en nommant comme conseiller le protosébaste Alexis
Comnène, neveu de Manuel Ier et aux sympathies pro-occidentales.
En 1182, son oncle sexagénaire Andronic Ier Comnène, organise un coup d'État suite au
massacre des Latins de Constantinople et fait arrêter Alexis II et sa mère, avant de les faire
étrangler.
Jeunesse
Andronic, qui vécut son enfance chez le sultan d’Iconium, fut élevé avec son cousin germain
le futur empereur Manuel Ier Comnène. Andronic n’était jamais d'accord avec ce dernier et
pendant son règne avait passé la plupart de son temps en disgrâce, en prison et en exil.
Andronic était à la fois intelligent, instruit, pratiquait les exercices de corps en plus d'être un
cavalier accompli d’un très grand courage. Ces qualités faisaient de lui un homme populaire
dans l’armée.
Son cousin, cherchant à l’éloigner, le nomma duc de Cilicie en 1151, mais échoua dans cette
tâche. Il fut ensuite condamné pour avoir tenté de fomenter un complot contre l’empereur et
jeté en prison en 1154. Il s’évada une première fois en 1158, fut repris et s’évada une
deuxième fois, définitivement, en 1164. Parvenant à gagner la cour du prince russe Iaroslav II
de Kiev, il fut rappelé par Manuel avec qui il se réconcilia. Ce dernier le renvoie une nouvelle
fois en Cilicie (1166) mais le destitue très vite à cause de sa conduite désastreuse. Mais
Andronic s’enfuit en Palestine avec le produit des impôts. À Saint-Jean-d'Acre, il séduit
Théodora Comnène, veuve de Baudouin III de Jérusalem. Elle se décide à suivre Andronic.
Ce dernier reçoit le fief de Beyrouth par le roi Amaury de Jérusalem mais apprenant sa
recherche par les Byzantins qui ont reçu l’ordre de lui crever les yeux il s’enfuit avec
Théodora (1167).
Pendant treize ans il mena une vie errante. On le croise successivement à Damas, Bagdad, en
Géorgie, à Mardin, à Erzurum puis chez un émir turc de l’ancien thème de Chaldée qui lui
donne une forteresse à la frontière turco-byzantine. De là il mène la vie d’un chevalier
brigand, rançonnant les caravanes et pillant le territoire impérial. Mais dans une de ces
incursions Théodora est capturée par le duc de Trébizonde. Andronic implorant la grâce de
Manuel qu’il obtint, reçoit de lui une résidence dans une ville de mer Noire après avoir prêté
serment au basileus et à son fils Alexis II. De sa résidence, il observa attentivement les
événements qui se passaient à Constantinople.
Règne
Accession au trône [
C’est en 1182, après avoir levé une armée, qu’il bat l’armée d’Andronic Ange à la bataille de
Nicomédie. Devant la gravité de la situation, le protosébaste Alexis Comnène, le régent
demanda un compromis à Andronic mais ce dernier lui répondit par un ultimatum : destitution
d’Alexis II et entrée dans un monastère de la régente.
La haine des Grecs se porta sur les ecclésiastiques de rite latin à l’image du cardinal Jean,
légat du pape Alexandre III qui fut décapité et à qui l’on attacha la tête à la queue d’un chien.
Andronic, favorable au mouvement, envoya des troupes en soutien aux émeutiers.
Politique intérieure
Il entra dans Constantinople peu après, fit exécuter la régente Marie d’Antioche, se fit
associer au trône et fut couronné en septembre 1183. Destiné à éliminer tous ceux qui se
dressaient entre lui et le trône, il fit ensuite empoisonner la fille de Manuel Ier, Maria et son
époux avant de faire étrangler le jeune empereur Alexis, avec une corde d’arc. Il se remaria
ensuite avec la jeune impératrice Anna, veuve d’Alexis. Andronic Ier Comnène se fait ensuite
absoudre de ses parjures par le nouveau patriarche Basile II Kamatéros qui était sa créature.
Andronic monta sur le trône avec une volonté réformatrice. Les chroniqueurs de l’époque
pouvaient le blâmer comme lui faire les plus grandes éloges. Il changea en effet totalement
l’administration, supprima la vénalité des charges, interdit de lever arbitrairement des impôts,
donna des sécurités aux cultivateurs, supprima le droit d’épave, envoya des juges
réformateurs dans les provinces. Andronic voulait mettre fin d’une manière radicale aux abus
de l’administration, aux exactions commises par les puissants sur les pauvres (surtout au
niveau financier).
Ces changements ne furent pas au goût de tout le monde et son comportement discordant
entraîna des rébellions internes, notamment de la noblesse. Il dut d’ailleurs en 1184 partir en
campagne réprimer une révolte des gouverneurs des villes d’Asie Mineure (ainsi, son cousin
Isaac Comnène gouverneur de Tarse s’établit officiellement à Chypre et se déclara
politiquement indépendant). Comme vengeance il s’en prit à ses parents et exaspéré par les
révoltes dans l’empire, il fit régner la terreur à Constantinople. Bientôt il fut détesté par la
plupart des habitants de l’empire.
Politique extérieure
La politique étrangère d’Andronic était tout à fait différente de celle de Manuel, il eut une
attitude haineuse envers les populations franques de Syrie. Il signa d’ailleurs un traité avec
Saladin par lequel il s’engageait à aider le sultan à conquérir les États croisés. Mais en
Occident, le mariage du roi Henri VI, fils de Frédéric Barberousse, avec Constance, tante et
héritière de Guillaume II de Sicile, le 29 octobre 1184 rapproche deux des principaux ennemis
de Byzance.
Andronic tenta de se rapprocher de Rome et signa un traité avec Venise mais ceci ne suffit pas
à empêcher Guillaume II de partir en campagne contre l’empire byzantin. Le roi de Sicile
partit le 11 juin 1185 de Messine et Guillaume remporta rapidement de nombreuses victoire :
le 24 juin, Durazzo est prise ; le 6 août l’armée normande arriva devant Thessalonique
rejointe ensuite par la flotte le 15 août. Le 24 août, les Normands prirent d’assaut la ville, la
panique gagna Constantinople et Andronic demanda que l’on tue les détenus qui étaient en
prison mais il n’eut pas le temps de publier son édit car le favori d’Andronic Ier, voulant
arrêter Isaac Ange, se fit tuer par ce dernier. Ceci provoqua la chute d’Andronic, Isaac se
réfugia à Sainte Sophie où il fut rejoint par une population déchaînée.
Mort
Une diseuse de bonne aventure ayant désigné son cousin Isaac Ange comme successeur au
trône, il envoya un homme de main l’arrêter mais Isaac le transperça de son épée avant
de se réfugier dans la basilique Sainte-Sophie et d’ameuter la foule contre Andronic
(12 septembre 1185).
Lorsque la nouvelle de la rébellion parvint à lui, Andronic tenta de fuir avec son épouse et ses
concubines sur une galère, en direction du Bosphore mais il fut rattrapé et arrêté en pleine
Mer Noire en septembre 1185. On le conduisit devant Isaac Ange pour connaître son
châtiment : on lui coupa la main droite, on l’attacha sur le dos d’un chameau malade et on
l’exhiba dans Constantinople pendant plusieurs jours sans eau ni nourriture.
Le peuple de Constantinople s’acharna alors contre lui : on lui jeta de l’eau bouillante au
visage, on lui arracha un œil et on le pendit par les pieds entre deux piliers sur l’Hippodrome.
Il n’arrêtait pas de répéter : « Aie pitié, mon Dieu ! Pourquoi s’acharner sur un roseau
brisé ? ». Un soldat italien mit fin à ses souffrances en lui plongeant une lame dans le ventre.
Isaac II Ange refusa de le laisser inhumé dans l'église des Quarante-Martyrs qu'il avait fait
construire et richement décorer pour lui servir de sépulture. Ses restes furent déposés par des
âmes charitables dans un cimetière situé non loin d'un petit monastère.
Unions et postérité
1. vers 1144 Ne princesse géorgienne fille de Démétrius Ier de Géorgie dont
o Manuel père de Alexis Ier de Trébizonde et de David Ier de Trébizonde
o Jean
o Marie
2. liaison à partir de 1166 avec Théodora Comnène
o Alexis
o Irène
3. en 1183 Agnès de France le jeune veuve d'Alexis II Comnène
Isaac II Ange
Isaac II Ange (° 1155 † 1204) est un empereur byzantin (1185-1195 et 1203-1204), fils
d’Andronic Ange et d’Euphrosyne Kastamonides. C’est un arrière petit-fils d’Alexis Ier
Comnène.
Accession au trône
Le 11 septembre 1185, alors que Thessalonique était attaquée par les Siciliens, une voyante
avait affirmé à son cousin Andronic Ier Comnène, alors empereur, qu’Isaac devait lui succéder
au trône. Isaac tua le soldat chargé de l’arrêter, courut à Sainte-Sophie où il expliqua à la
population ce qui s’était passé. Mécontent de l’empereur, la population proclama Isaac
basileus et marcha sur le palais impérial. Andronic s’enfuit, mais rattrapé, il fut emprisonné
puis exécuté.
Cependant Isaac n'était pas de taille à relever la tâche qui l'attendait. L'empire était rongé de
l'intérieur, l'œuvre des premiers Comnènes avait commencé à péricliter en à peine 5 ans et
Isaac confirma cette chute. Le nouvel empereur, contrairement à ses prédecesseurs, n'avait pas
de vue d'ensemble ni de plan pour relever l’Empire.
Administration intérieure
Sur le plan intérieur, Isaac II fut incapable d'empêcher la désintégration de l’Empire et
l’aristocratie féodale se montra de plus en plus rebelle. Le basileus altéra les monnaies,
augmenta les impôts, paya mal les fonctionnaires qui se payaient donc sur le peuple. Il avait
confié l'administration du trésor à son oncle maternel, Théodore Kastamonidès, excellent
financier mais exacteur impitoyable. À sa mort Isaac le remplaça par des hommes inadaptés à
la situation de crise de l'Empire et qui achevèrent de ruiner le Trésor de l'empire.
Politique extérieure
Durant tout son règne Isaac eut à combattre sur le front des Balkans où les Serbes
progressaient de manière inquiètante au dépens de l'Empire et où les Bulgares se plaignant
d'un impôt trop lourd se constituèrent avec les Valaches en un état indépendant (1187). Mais
un des évènements le plus important du premier règne d'Isaac fut la Troisième croisade mené
par Frédéric Barberousse.
Dès son avènement, Isaac II eut à combattre les Normands, qui avaient eu comme projet
d'envahir l'empire sous Andronic Ier Comnène et que l'avènement d'un nouveau basileus
n'avaient pas arrêté dans leur politique belliciste. Le nouvel empereur nomma rapidement le
stratège Alexis Branas au commandement suprême des forces militaires. Celui-ci remporta
des succès contre les troupes siciliennes du roi normand Guillaume II le Bon, notamment lors
la bataille du fleuve Strymon ; elles furent repoussées et forcées de conclure la paix.
La mauvaise administration d'Isaac conduisit à des révoltes. Un impôt extraordinaire levé sur
les troupeaux pour financer le mariage d'Isaac II avec une princesse hongroise fut l'occasion
d'une révolte des bergers valaques. Cette insurrection s'étendit à toute la Bulgarie. La révolte
fut dirigée par deux boyards, Pierre et Ivan Asen.
Leurs demandes furent repoussées par Isaac. Bulgares et Valaques décidèrent donc de s'allier.
La nouvelle confédération fit alliance avec les Coumans et le joupan serbe Étienne Nemanja.
Pendant les années 1186-1187 Isaac empêcha les valacho-bulgares de s'établir en Thrace,
avec l'aide du stratège Alexis Branas, mais ne put mater la révolte.
Peu après la tentative d'usurpation d'Alexis Branas, les Valaques et les Bulgares pillèrent et
envahirent la Thrace. Il fallut qu'Isaac l'Ange entre en campagne en 1188 pour les en chasser.
Selon les termes d’un traité de paix, il leur octroyait le pays situé entre le Danube et les
Balkans. La Bulgarie redevenait à nouveau un pays dangereux pour l'Empire, près de deux
siècles après son anéantissement presque total par Basile II.
Néanmoins Isaac II, désireux de restaurer la puissance de l'Empire dans les Balkans, lança une
offensive contre les Bulgares peu après celle qu'il avait lancée avec succès contre les Serbes
en 1190. Mais cette nouvelle attaque n'eut pas la même fortune. En 1191, le basileus alla
assièger Tirnovo, mais une invasion subite des Coumans le força à battre en retraite et il subit
une grande déroute en repassant les Balkans. Mais ce qui empêcha Isaac de repartir à
l'offensive, ce fut la révolte de Constantin l'Ange, gouverneur de Philippopolis qui fut
proclamé empereur par ses soldats (1193) ; il fut cependant arrêté à Andrinople et on lui creva
les yeux.
Les Asên profitèrent de ces événements pour passer les Balkans et ravager la Thrace, battant
deux généraux impériaux près d'Arcadiopolis (1194-1195). L'empereur manquant de troupes
passa tout l'hiver à lever une armée et demanda à son gendre le roi de Hongrie des secours. Il
finit par partir en campagne au printemps de 1195, mais ce fut pour être renversé par une
conspiration mené par son propre frère Alexis.
Guerre contre les Serbes de Stefan Nemanja
Après la mort de Manuel Ier Comnène en 1180 les serbes se considérèrent dégagés de leurs
promesses envers Byzance et Stefan Nemanja reprit sa marche d’invasion. Il soutint
opportunément la révolte valacho-bulgare pour se faire de nouveaux alliés dans sa lutte contre
Constantinople. En 1187, il réussit à s'emparer de de la place de Niš et chercha à s'offrir un
débouché sur l'Adriatique en occupant la Dioclée en Dalmatie jusqu'aux Bouches de Kotor.
Pour arrêter les Serbes, Isaac Ange dut s'allier avec le roi Béla III de Hongrie, dont il épousa
la fille Marguerite en 1185 et avec qui il conclut une alliance dirigée contre les Serbes et les
Bulgares.
Cependant en 1190, peu après que la croisade allemande eut quitté le territoire byzantin, Isaac
II fit le projet de reconquérir les Balkans. Il dirigea une expédition contre Stefan Nemanja et
le battit sur la Morava. Cette défaite obligea le chef serbe à signer un traité par lequel il
restituait ses dernières conquêtes, mais qui lui garantissait les anciennes. Le deuxième fils du
joupan serbe épousait une nièce du basileus et devenait sébastocrator. Ainsi se finit la lutte
entre les Serbes et les Byzantins sous le règne d'Isaac II Ange.
C'est le 27 mars 1188, à la suite de la prise de Jérusalem par Saladin le 2 octobre 1187, que
Frédéric Barberousse décida de prendre la croix à Mayence. Frédéric, comme ses
prédecesseurs, devait passer par l'Empire byzantin s'il voulait atteindre la terre sainte. Il
choisit la voie diplomatique pour arriver à ses fins. Après des échanges d'ambassades un
accord fut signé en septembre 1188 entre l'empereur du Saint Empire romain germanique et
Isaac II. Cet accord autorisait les armées germaniques à traverser le territoire byzantin à
condition qu'elles s'abstiennent de toute violence. Malheureusement cette croisade qui n'aurait
dû causer aucun problème eut des conséquences très néfastes pour l'Empire à cause d'une
décision d'Isaac.
Traîtrise d'Isaac II
Barberousse habillé en croisé eut à se battre contre Isaac II pour aller en terre Sainte
En effet, peu après le départ de l'armée germanique, Isaac II changea d'avis pour une raison
inconnue et signa avec Saladin un traité d'alliance par lequel il s'engageait à détruire l'armée
des croisés.
À son arrivée en territoire byzantin, Frédéric Barberousse fut pris au dépourvu, les routes qu'il
devait emprunter étaient bloquées par l'armée impériale et les convois de vivres stoppés ; il
apprit de plus que ses ambassadeurs à Constantinople avaient été faits prisonniers.
Une pareille traîtrise enragea Fréderic qui se mit en rapport avec tous les ennemis de Byzance.
Stefan Nemanja en profita pour capturer de nouvelle forteresses à l'empire byzantin. Très vite
le conflit entre les deux empereurs devint un conflit armé et les forces germaniques forcèrent
le passage de Trajan gardé par l'armée impériale. Des lettres pleines de récriminations furent
échangées et Frédéric ravagea la Thrace, déclarant qu'il n'arrêterait le conflit qu'en cas de
libération de ses ambassadeurs. Finalement le gouverneur de Philippopolis, Nicétas
Khoniatès, alla informer le basileus de la situation et ce dernier, après plusieurs échanges
d’ambassades, accepta de libérer les deux ambassadeurs (19 octobre 1189).
Mais le conflit n'en était pas fini pour autant, car les ambassadeurs libérés mirent Frédéric
Barberousse au courant de l'accord signé entre Saladin et Isaac, des prédications haineuses du
patriarche et du mauvais traitement qui leur avait été infligé. L'empereur germanique se
considéra donc en état d'hostilité avec l'Empire et après une bataille sanglante entre ses forces
et l'armée byzantine à Didymotika, marcha sur Andrinople qu'il atteignit le 22 novembre. En
février 1190 les Allemands étaient presque aux portes de Constantinople et occupaient la
plupart des places fortes de Thrace et de Macédoine orientale après avoir incendié Berrhoé et
Philippopoli.
Compromis
Isaac l'Ange, se sentant perdu, tenta de tromper l'ennemi en faisant traîner les négociations en
longueur. Finalement les deux empereurs signèrent le traité d'Andrinople (février 1190) par
lequel le basileus s'engagea à faire passer en Asie Frédéric Barberousse et son armée à Sestos
et à Gallipoli, à leur assurer des vivres, à payer une indemnité aux deux ambassadeurs qui
avaient été retenus captifs et à ne pas punir ceux qui avaient aidé les Allemands. C'était une
capitulation totale.
Les croisés franchirent donc l'Hellespont (21-30 mars) et traversèrent l'Asie Mineure, non
sans qu'Isaac ne prévienne Saladin de leur mouvement. Les Allemands attaquèrent le sultan
d'Iconium Kılıç Arslan qui fut battu et s'avançaient vers la Terre Sainte. L'arrivée de Frédéric
Barberousse excitait la terreur dans le monde musulman mais ce dernier mourut au passage du
Selef le 10 juin 1190. Après cet événement l'armée germanique se dispersa.
Conséquence
Mouvements séparatistes
Depuis le règne d'Andronic I les tentatives de sécession voire d'usurpation avaient été
nombreuses et l'avènement du nouvel empereur fut loin de les arrêter. Cependant seulement
trois hommes furent vraiment dangereux pour Isaac II.
Le basileus dut lutter contre son stratège Alexis Branas, qui, après avoir vaincu les Bulgares,
se fit proclamer empereur par ses soldats et établit un blocus devant Constantinople. La
situation d'Isaac était désespérée lorsqu'arriva un chevalier franc, Conrad de Montferrat, beau-
frère du basileus, de passage à Constantinople, sur le chemin de Jérusalem. La charge des
cavaliers francs permit la victoire de la sortie d'Isaac. Conrad tua lui-même Alexis Branas au
cours d'un duel à la lance.
À Chypre (1186)
Peu après le traité de paix signé avec Ivan Asen Ier, Isaac II Ange dut lutter contre le
mouvement séparatiste d'Isaac Comnène. Le basileus envoya un flotte contre Chypre, où se
trouvait celui-ci, mais la flotte impériale subit un désastre face à la flotte sicilienne envoyée
par Guillaume II pour secourir Isaac Comnène. L'amiral normand vainqueur, Margaritone,
reçut en fief du roi de Sicile les territoires conquis en 1185 qu'il possédait encore et resta en
possession de Zante et Céphalonie.
En Asie Mineure.
En Asie Mineure, Isaac II Ange ne pouvait venir à bout du séparatiste Théodore Mancaphas
qui se créa un territoire comprenant la Lydie et Philadelphie. Pour l'en déloger l'empereur fit
appel au duc des Thracésiens, Basile Vatatzès, qui le chassa. Théodore Mancaphas se réfugia
auprès du sultan d'Iconium. Il obtint de ce dernier des troupes avec lesquelles il ravagea les
provinces byzantines. Isaac II finit par obtenir à prix d'argent que Théodore Mancaphas lui fût
livré, mais cet épisode en dit long sur l'impuissance de l'empereur et la désagrégation
progressive de l'empire.
Fin du règne
Le 8 avril 1195, Isaac II fut détrôné et aveuglé par son frère Alexis III. Alexis, son fils, se
réfugia à Venise et demanda l’aide de la république. Profitant de l’occasion, le doge Enrico
Dandolo détourna la Quatrième croisade sur Byzance et le 18 août 1203 rétablit Isaac II sur le
trône impérial associé avec Alexis, couronné sous le nom d’Alexis IV.
Bilan
Excepté pour la deuxième partie de son règne où il n'eut qu'un rôle symbolique, le règne
d'isaac II fut une catastrophe pour l'empire byzantin, qui perdit définitivement les Balkans
avec la révolte des Bulgares et la progression des Serbes. Après deux siècles d'unité, les
Balkans redevinrent une mosaïque d'Etats dangereux pour l'empire byzantin. L'intégrité de
l'Empire était donc gravement menacée.
Une grosse erreur d'Isaac a sûrement été sa brouille avec Frédéric Barberousse qui entraîna
une guerre ouverte entre les deux empereurs qui se termina par une véritable capitulation
d'Isaac. Cet événement a bien sûr été un des facteurs qui entraînèrent l'animosité entre
l'empire germanique et l'empire byzantin et plus largement entre l'Occident et Byzance, et qui
conduira à la prise de Constantinople en 1204.
Alexis III Ange, empereur byzantin (1195-1203), mort en 1210 fils d'Andronic Ange et
d'Euphrosyne Kastamonides.
Le 8 avril 1195 il renverse son frère Isaac II, l'emprisonne et lui fait crever les yeux. Son
règne est une suite d'émeutes et de conspirations, qui achèvent de ruiner l'empire. Des régions
entières de l'empire sont perdues, leur gouverneurs prenant leur indépendance. D'un caractère
faible, Alexis ne put stopper l'irrémédiable affaiblissement de l'empire et au fait qu'il ne se
résume plus qu'à Constantinople.
Peu après son avènement, et afin de faire face au tribut exigé par l'Empereur germanique
Henri, il institua un impôt spécial qu'il compléta en arrachant tous les ornements précieux des
tombes impériales de l'église des Saints-Apôtres.
Après la création de l'empire latin, il s'enfuit en Thrace, où il esquisse une résistance, puis
passe en Asie mineure. Il pose des problèmes à son gendre Théodore Ier Lascaris, qui s'est fait
couronner empereur de Nicée en 1208. Théodore l'emprisonne alors, et il reste en prison
jusqu'à sa mort.
Alexis IV Ange
Alexis IV Ange
Alexis IV Ange, né vers 1182, mort en 1204 à Constantinople, empereur byzantin (1203-
1204), fils d'Isaac II.
Il est enfermé par son oncle Alexis III, qui a détrôné son père.
Il réussit à s'évader et conclut une alliance avec les chefs de la quatrième croisade, pour
rétablir son père sur le trône. En échange de l'aide des Croisés, il promet de rétablir l'union
religieuse avec Rome et d'aider les Latins dans leur lutte contre les Turcs.
Après le siège de Constantinople en 1203, Isaac II est rétabli sur son trône .
Alexis IV est couronné Co-Empereur le 18 août 1203 au côté de son père Isaac II. Devant
l'état du Trésor, il dut lever de nouveaux impôts et faire fondre les objets de culte. Les
byzantins furent scandalisés et quelques-uns d'entre eux en profitèrent pour allumer un
incendie dans le quartier sarrasin de Constantinople : l'incendie se propagea et ravagea la
quasi-totalité de la ville.Le père et le fils sont renversés le 28 janvier 12041.
L'usurpateur Alexis Murzuphle le fait jeté en prison et l'étrangle de ses propres mains le 8
février 1204. Pour faire croire à une chute il fait ensuite meurtrir son cadavre à coup de
masse2.
Nicolas Kanabos
Nicolas Kanabos (en grec Νικολαος Καναβος, en latin Nicolas Kanabus. empereur byzantin
pendant trois jours en janvier 1204.
Nikolaos Kanabos est élu empereur byzantin le 25 janvier 1204 par une assemblée du Sénat et
par des prêtres. Le 28 janvier, il est déchu par Alexis V1.
Issu d'une famille noble, il occupe à la Cour la charge de protovestiaire ; il épouse Eudoxie
Ange, troisième fille d'Alexis III. Il renverse Isaac II et Alexis IV en février 1204, durant la
période troublée de la Quatrième croisade.
Devenu Empereur, Alexis V montra une très grande autorité : il renforça les murs et les tours
de Constantinople, renforça la garde de la ville mais refusa d'acquitter les tributs promis par
ses prédecesseurs, ce qui irrita les croisés. Ceux-ci s'emparèrent de la ville le 12 avril 1204.
Ayant vainement tenté de mobiliser ses sujets, Alexis V s'enfuit. Il épousa alors Eudoxie
Ange et tenta une contre-offensive, qui échoue. Il cherche alors refuge chez son beau-père
Alexis III qui lui fait arracher les yeux. Séparé de son épouse et fuyant il est en novembre
1204, capturé par les « Francs » (c'était ainsi que les Grecs nommaient tous les Occidentaux
alors) commandés par Thierry de Loos, amené à Constantinople et jugé par Baudouin Ier de
Flandre.
Ce dernier le condamne à « avoir les os brisés, comme il les avait brisés au jeune Alexis ». On
le fait monter au haut de la colonne de Théodose on l'attache à une planche avant de le
précipiter dans le vide
Baudouin VI de Hainaut
Biographie
Le comte de Flandre et de Hainaut
S’il prête rapidement hommage à Compiègne à Philippe Auguste, il reste dans une prudente
attente dans le conflit franco-anglais, mais est obligé par le roi de France à donner des
garanties supplémentaires à sa foi : le roi reçoit le serment des barons flamands de lui rester
fidèle ; la menace d’un anathème plane sur le comte en cas de parjure ; enfin, les fiefs de
Boulogne, Guînes et Oisy sont cédés à la Couronne. Taxé de faiblesse à son retour par les
Flamands, Baudouin s’allie alors à Richard Cœur de Lion et demande au roi de France le
retour à la Flandre de Lens, Arras, Hesdin, Bapaume, Saint-Omer et Aire. Devant le refus du
roi, Baudouin entre en Artois, tandis que le duc Richard occupe les forces françaises en
Normandie et met le siège devant Arras. Philippe Auguste réagit, repousse Baudouin jusqu’à
l’Yser, mais le comte fait alors ouvrir les écluses sur le camp français. Le roi de France,
enserré par les eaux et les armées flamandes n’a d’autre choix que de céder aux exigences de
Baudouin, promesses qu’il fait rétracter par son conseil sitôt revenu à Paris. Baudouin prend à
nouveau les armes et occupe Aire et St-Omer.
La comtesse Marie intervient alors et s’entremet entre le comte, son mari et le roi de France,
son oncle. Son intervention débouche sur la conférence de Péronne en janvier 1199, où les
deux parties arrivent à un accord : le roi conserve les terres au-delà du Fossé Neuf, tandis que
Baudouin IX garde ou recouvre Douai, Ardres, Lillers, La Gorgue, Richebourg, Aire, Saint-
Omer, l’avouerie de Béthune et l’hommage du comté de Guînes. Ce succès renforce la
popularité du comte auprès de ses barons et de ses villes.
Le croisé
Les armées gagnent Venise où un accord a été trouvé avec la république maritime pour
transporter les Croisés en Orient : la moitié des conquêtes devra aller à la ville de saint Marc.
Les Croisés prennent d’abord Zara comme paiement aux Vénitiens, puis à la demande de
Philippe de Souabe, la croisade est détournée pour secourir son beau-frère Alexis Ange dont
le père Isaac II a été renversé à Constantinople par son frère, devenu Alexis III. Le
détournement est appuyé par le doge de Venise Enrico Dandolo. Chalcédoine en Bithynie est
rapidement investie, puis Galata, et les Croisés arrivent donc sous les murs de Constantinople.
Alexis III s’enfuit, Isaac II est libéré par les Grecs et doit céder aux conditions exigées par les
Croisés pour l’aide accordée à son fils devenu Alexis IV.
Dès avril 1204, la situation se dégrade: les indemnités promises ne sont pas payées. La
position d’Alexis IV est devenue intenable et il a été renversé en janvier par Alexis
Murzuphle. L'énergique Alexis V renforce les défenses de la ville et refuse toute négociation.
Le lundi de Pâques 1204, les Croisés prennent et saccagent alors l’antique Byzance, dont
Baudouin est rapidement élu empereur avec l'appui des Vénitiens.
L'empereur de Constantinople
Couronné Baudouin Ier premier empereur latin de Constantinople le 16 mai 1204, le nouveau
souverain respecte les accords passés pendant le siège de la ville avec Dandolo : les Vénitiens
reçoivent les trois huitièmes de la ville et de l'Empire.
Baudouin se heurte rapidement aux réticences des Grecs et à l’intervention des Bulgares,
appelés à l’aide. Il assiège Andrinople qui s’est soulevée, mais qui espère l’arrivée du tsar des
Bulgares Jean Kalojan. Le comte de Blois, désobéissant à l’empereur, se porte au-devant
d’eux, ce qui contraint Baudouin à lui prêter secours. Le 15 avril 1205, les Francs sont battus
devant Andrinople, le comte de Blois est tué. Baudouin est fait prisonnier selon Geoffroi de
Villehardouin, même si les chroniqueurs Meyer et Raynaldi reconnaissent ignorer s’il est mort
au champ d’honneur ou en prison. Si l’on en croit un autre chroniqueur, Nicétas Khoniatès,
Baudouin aurait été détenu à Ternobe, puis aurait été abandonné dans une vallée pieds et
mains coupées, et serait mort après une agonie de trois jours. Cette version est contestée, et il
est plus probable que l’empereur flamand soit mort en prison.
Sa disparition, suivie six semaines plus tard de celle de Dandolo, nonagénaire, entraîna un
partage des terres conquises et des querelles que son successeur, son frère Henri, ne sut éviter.
Mariage et descendance [
Il avait épousé le 6 janvier 1186 Marie de Champagne (1174 † 1204), fille d'Henri Ier le
Libéral, comte de Champagne et de Marie de France. Il laissait deux fillettes, à la merci de
leur ambitieux suzerain :
L'aventure du faux-Baudouin
Sa mort incertaine permit en 1225 à un imposteur, Bertrand Cordel, de se faire passer en
Flandre pour l'empereur, censé avoir échappé à la mort en Bulgarie. Le difficile contexte
flamand de l'après Bouvines et la captivité du comte Ferrand permit l'aventure.
Fils d’un vassal de Clarembaut de Capes, natif de Rains, près de Vitry-sur-Marne, Bertrand
Cordel était saltimbanque et jongleur. Après Bouvines, vers 1220, les Franciscains ont
commencé à arriver en Flandre, accompagnés d'un grand prestige. La rumeur plaçait parmi
eux d'anciens croisés flamands revenus au pays. C’est dans ce contexte qu’en 1225, un baron
crut reconnaître Baudouin IX en Bertrand, qui vivait de mendicité publique et passait pour
ermite dans le bois de Glançon, près de Valenciennes. Bertrand, installé dans un hôtel de cette
ville, finit par jouer le jeu (27 mars 1225). Des personnalités dirent le reconnaître et lui
apprirent vraisemblablement des rudiments de la vie de l’empereur et de la manière de bien se
comporter. La crédulité du peuple fut correctement exploitée et une immense émotion
parcourut les comtés de Flandre et de Hainaut. Il fut acclamé à Valenciennes, à Tournai, à
Lille, ses entrées à Bruges et à Gand furent magnifiques. Il y était revêtu de tous les attributs
impériaux.
La comtesse Jeanne, fille de Baudouin, dut alors se réfugier au Quesnoy avec quelques
fidèles. On tenta même de l’enlever. Elle put néanmoins gagner Mons, alors que l’imposteur
régnait à sa place (avril-mai 1225), entouré des barons dont il servait les intérêts. Jeanne de
Constantinople tenta pour le confondre de le faire venir au Quesnoy, mais Bertrand déclina
l’invitation. Cependant, grâce au témoignage de Josse de Materen, un des franciscains, ancien
croisé, qui avait accompagné le grand comte jusqu’à sa mort en Bulgarie, elle fut convaincue
de son bon droit. Elle en appela au jugement du roi Louis VIII, qui ne pouvait que s’alarmer
car le roi Henri III d'Angleterre avait déjà pris contact avec le faux-Baudouin : le roi le
convoqua à Péronne, tandis que Jeanne rassemblait toutes les personnes ayant connu son père,
dont tous les franciscains qui durent reprendre contact avec le monde pour témoigner,
contrairement à leurs vœux. L’enquête fut présidée par l’évêque Guérin de Senlis. Bertrand ne
put se soustraire à la convocation du suzerain capétien : il fut accueilli comme s’il était le
comte, mais l’imprécision de ses réponses au roi et à Guérin furent décisives : devant les
barons flamands ébahis, il ne sut pas dire quand, où et par qui il aurait été fait chevalier, ni
quand et dans quelle chambre il aurait épousé Marie de Champagne ! Comme preuve
définitive, la nuit suivante il s’enfuit de la cour comme un voleur, ne doutant plus de la pensée
du roi (30-31 mai 1225).
Henri Ier de Hainaut1, né en 1176, mort le 11 juillet 1216 est un empereur de Constantinople
de 1206 à 1216 et fils de Baudouin V, comte de Hainaut, marquis de Namur, et de Marguerite
Ire, comtesse de Flandre.
Biographie
Jeunesse
Il atteint sa majorité en 1194 et veut être armé chevalier, mais son père, pour une raison
inconnue, s’y oppose et Henri se rend auprès de Renaud, comte de Dammartin et de
Boulogne, qui le fait chevalier. À la mort de son père, en 1195, son frère aîné Baudouin lui
donne en apanage quelques domaines en Flandre et en Hainaut, parmi lesquels Harlebeek et
Blaton.
Croisé
En 1187, Saladin avait repris aux Francs la ville de Jérusalem et la plus grande partie des
États latins d’Orient. La troisième croisade avait permis la reconquête de nombreuses places
fortes côtières en 1191 et en 1192, complétées par les actions des rois de Jérusalem qui
s’étaient ensuite succédé. Mais la ville sainte reste encore aux mains des Musulmans et le
pape décide d’organiser une autre croisade. Un tournoi est organisé à Ecry-sur-Aisne le 28
novembre1199 et de nombreux seigneurs, dont Baudouin et Henri de Hainaut, s’engagent à la
suite de Thibaut III, comte de Champagne, qui négocie le transport des croisés avec la
république de Venise. Le comte meurt malheureusement peu après et la direction de la
croisade est confiée à Boniface, marquis de Montferrat. Le prix du voyage parait cependant
trop onéreux pour de nombreux croisés qui décident de se rendre en Terre Sainte par d’autres
moyens, aussi lorsquau cours de l'été 1202 les croisés se regroupent à Venise, il apparaît
rapidement qu’ils ne disposent pas de la somme nécessaire pour payer les Vénitiens. En
échange de la somme manquante, Enrico Dandolo, le doge de Venise, propose aux croisés de
prendre pour son propre compte la ville de Zara. Les croisés acceptent, malgré l’opposition et
les protestations de certains d’entre eux2. La ville est prise, et les croisés sont immédiatement
excommuniés par le pape Innocent III, pour avoir fait la guerre à des chrétiens sous couvert de
Croisade.
C’est alors qu’Alexis Ange, fils de l’empereur Isaac II se présente auprès des croisés et leur
demande leur aide pour reprendre l’empire byzantin à son oncle Alexis III qui avait détrône
Isaac II, contre le payement de la dette des croisés envers la ville de Venise. Les croisés
acceptent et font voile vers Byzance devant laquelle ils mettent le siège. La ville est prise
d’assaut le 17 juillet 1203 ; le 2° corps de l’armée des croisés avait été placé sous le
commandement d’Henri de Hainaut. Ce dernier accompagne ensuite Alexis destiné à le faire
connaître auprès de la population comme le nouvel empereur, puis combat Alexis Murzuphle
près de Philée, sur la mer Noire.
En effet, les Grecs n’acceptent ni leur nouvel empereur, ni la présence des Latins et ne tardent
pas à se révolter, sous la conduite d’Alexis Murzuphle, gendre d’Isaac III. Les croisés doivent
quitter précipitamment Byzance et l’assiéger de nouveau. Elle est de nouveau prise le 12 avril
1204 ; Henri commandait alors un corps d’armée devant la porte Blacherne et prend le palais
homonyme, dont il protège les trésors et les défenseurs, les premiers des pillages des croisés,
les seconds de leur fureur. La ville est en effet pillée et saccagée.
Après le siège, son frère Baudouin est choisi pour diriger l’empire3 est et couronné le 16 mai
empereur latin de Constantinople. Henri parcourt alors l’empire, pour faire reconnaître le
nouvel empereur. Mais d’une part certaines parties de l’empire font sécession sous l’autorité
de princes byzantins (empire grec de Nicée, empire grec de Trébizonde, despotat d’Épire), et
les Bulgares, conduit par leur tsar Kalojan, envahissent l’empire latin. Le 14 avril 1205
Baudouin est battu et fait prisonnier près d’Andrinople. Pour pallier son absence, les barons
de l’empire reconnaissent Henri comme régent de l’Empire. Les ravages causés par les
Bulgares lui apportent le soutien des populations grecques, jusqu’alors hostiles, et Henri
réussit à reprendre Andrinople et à repousser les Bulgares. Les rumeurs de la mort de
Baudouin, toujours prisonniers, se confirment, et Henri consent à succéder à son frère et à se
faire couronner le 20 août 1206.
Empereur
Henri commence par se rendre avec son armée à Andrinople pour faire face à une nouvelle
invasion de Kajolan. Il y reste jusqu'en novembre, puis doit traverser le Bosphore, pour
repousser Théodore Ier Lascaris, empereur de Nicée. Il n'y réussit que partiellement, et signe
un traité de paix par lequel il s'engage à démolir deux forteresses, Cyzique et Nicomédie.
Kajolan en profite pour assiéger Andrinople, mais doit lever le siège et est peu après
assassiné. En 1207, Boril, frère et successeur de Kajolan, assiège Salonique, mais une armée
levée par Henri le vainc le 2 août 1207, malgré une notable infériorité numérique. L'année
suivante, en novembre 1208, un traité de paix est signé avec les Bulgares, et renforcé par un
mariage, celui de sa fille avec un prince bulgare.
Mariages et enfants
On ne lui connait pas d'épouse avant 1207. Cependant, le chroniqueur Henri de Valenciennes
mentionne un mariage célébré à Constantinople en 1208 entre un certain "Esclas"
probablement Alexis Slav4 , voïvode de Melnik et neveu de Kalojan, tsar des Bulgares et une
fille de l'empereur Henri, sans nommer cette dernière. On considère cette fille comme
illégitime5. On la considère comme décédée entre 1208 et 1213.
Veuf, Henri se remarie en 1213 avec Marija, fille de Kalojan, tsar des Bulgares, mais on ne
connait pas d'enfants issus de ce mariage.
Yolande de Hainaut
Yolande de Hainaut, née en 1175, morte en 1219, impératrice latine de Constantinople, fille
du comte Baudouin V de Hainaut et de Marguerite Ire (1145-1194), dite Marguerite d'Alsace,
comtesse de Flandre.
• Marguerite (1194 † 1270), mariée à Raoul de Lusignan, comte d'Issoudun puis d'Eu (†
1219), puis Henri, seigneur de Vianden
• Philippe II (1195 † 1266), margrave de Namur
• Sibylle (1197 † 1210), nonne
• Elisabeth (1199 † ap.1269), mariée à Gaucher, comte de Bar sur Seine, puis en 1220 à
Eudes de Bourgogne, seigneur de Montaigu
• Yolande de Courtenay (1200 † 1233), mariée en 1215 à André II de Hongrie (1176 †
1235), roi de Hongrie
• Robert Ier (1201 † 1228), empereur latin de Constantinople
• Agnès (1202 † ap.1247), mariée en 1217 à Geoffroy II de Villehardouin († 1246),
prince de Morée
• Marie (1204 † 1222), mariée en 1219 à Théodore Ier Lascaris († 1222), empereur de
Nicée
• Henri (1206 † 1229), margrave de Namur
• Eléonore (1208 † 1230), mariée à Philippe Ier de Montfort († 1270), seigneur de
Castres
Biographie
Après la mort sans fils d’Henri de Hainaut, empereur latin de Constantinople, la couronne
impériale avait été proposé au roi André II de Hongrie, qui l’avait refusé, puis à Pierre II de
Courtenay, qui l’avait accepté. Tandis que sa femme Yolande, sœur d’Henri de Hainaut, se
rend à Constantinople par bateau, Pierre de Courtenay préfère la voie terrestre, est attaqué et
fait prisonnier à Durazzo par Théodore Comnène, despote d’Epire en 1217. Il meurt peu après
sans avoir vu Constantinople. Yolande de Hainaut assure le gouvernement impérial, mais
meurt le 24 ou le 26 août 1219.
Il ne cherchait que la paix, mais l’empire est alors en proie aux ambitions de deux de ses
voisins, le despotat d’Epire et l’empire de Nicée, tous deux issus du démembrement de
l’empire byzantin en 1204 et cherchant à reprendre Constantinople aux Latins. Les premières
hostilités viennent de Théodore Comnène, despote d’Epire, qui envahit la Thessalie dès 1221
et s’empare du royaume de Thessalonique, en 1224 et s'y proclame empereur. Démétrios de
Montferrat était bien partit en Occident pour demander de l'aide mais n'en avait pas obtenu.
Robert, bien qu'il soit en lutte contre l'empire de Nicée, lui envoie une armée de secours, qui
est battue devant Serrès et bat en retraite en Thrace.
Face à Théodore Ier Lascaris, empereur de Nicée, Robert n'a pas plus de succès. Théodore est
marié à Marie de Courtenay, sœur de Robert et, estimant que celle-ci a des droits sur une
partie l'empire, lui enlève une partie de la rive asiatique de l'empire latin. Pour pouvoir faire
face à Théodore Comnène, Robert négocie une trêve avec Théodore Lascaris, qui voyant son
caracère indolent de Robert, décide de lui donner en mariage sa troisième fille pour mieux le
contrôler, mais l'opposition du patriarche grecs, qui s'appuie sur la parenté par alliance, fait
échouer le mariage. Théodore Lascaris meurt peu après, et son gendre Jean III Doukas
Vatatzès lui succède, au détriment des frères de Théodore, Alexis et Isaac Lascaris. Ces
derniers se réfugient à Constantinople et persuadent Robert de faire la guerre à Jean Vatatzès,
mais l'armée latine subit une sévère défaite à Poimanenon en 1224. Robert perd la Bithynie,
les frères Lascaris sont capturés et aveuglés. Profitant de ses succès, Jean Vatatzès débarque
en Europe et prend la ville d'Andrinople, mais cette dernière est prise en 1225 par Théodore
Comnène. À partir de cette date, l'Empire Latin est condamné à disparaitre2, et la seule
inconnue est de savoir qui en sera le conquérant, entre le basileus d'Épire ou celui de Nicée.
Qualifié de stupide par les chroniqueurs contemporains3, Robert de Courtenay ne réagit que
mollement à ces revers, sollicite en 1224 des renforts auprès du roi Louis VIII de France, qui,
se préparant à partir en croisade des Albigeois, ne peut lui en envoyer. En 1225, Guillaume
VI, marquis de Montferrat, tente de reconquérir le royaume de Thessalonique pour le compte
de son frère Démétrios, mais sa mort le 17 septembre 1225 entraine le retrait de son armée.
Robert se désintéresse alors de son empire et ne parvient pas à tirer profit de la rivalité qui
oppose le despotat d'Épire à l'empire de Nicée. Méprisé par ses barons et discrédité par les
pertes d'Andrinople, de la Thrace et de la Bithynie, il se livre à la débauche et aux plaisirs. Il
enlève une fille d'un chevalier de Neuville-en-Artois à son fiancé et l'épouse secrètement. Le
fiancé évincé réunit quelques barons qui font irruption dans le palais pour couper les lèvres et
le nez de la jeune épouse, sans que Robert ne cherche à la protéger. Couvert de honte et
craignant pour sa sécurité, il se réfugie à Rome auprès du pape Honorius III, qui lui reproche
sa conduite et l'ordonne de revenir à Constantinople et de racheter sa conduite, mais Robert
meurt de maladie au retour, lors d'une escale en Morée.
Fiançailles et mariage
Il est fiancé en 1222 avec Eudoxie Laskarina, fille de Théodore Ier Lascaris, empereur grec de
Nicée, et d'Anne Angelina. Mais le mariage est annulé en raison de la parenté par alliance
entre les deux fiancés.
Pierre II Yolande
de Courtenay de Hainaut
Eudoxie Robert
Laskarina de Courtenay
Jean de Brienne
Jean Ier de Brienne, (né vers 11701 - mort le 21 mars 1237 à Constantinople), est un roi de
Jérusalem de 1210 à 1225, puis un empereur latin de Constantinople de 1229 à 1237. Il était
fils cadet d'Érard II, comte de Brienne et d'Agnès de Montfaucon ou de Montbéliard ( v. 1150
- + après 1199 ) .
Biographie
Armoiries de Jean de Brienne : d'azur au lion d'or armé et lampassé de gueules
Son père le destinait à une carrière ecclésiastique, mais il avait la passion des armes et s'enfuit
à Clervaux, où l'un de ses oncles le prend en charge. Il devient chevalier et se couvre
d'honneur en participant à de nombreux tournois. Il est rapidement considéré comme le
chevalier le plus valeureux de son époque. Ayant probablement pris part le 28 novembre 1199
au tournoi d'Ecry-sur-Aisne, il rejoint la quatrième croisade avec son frère Gautier III de
Brienne. Jean de Brienne participe à la prise de Constantinople en 12042.
Mais cette participation à la quatrième croisade est remise en cause, car Gautier III de
Brienne, marié en 1200 avec Elvire, fille de Tancrède de Lecce, revendique le royaume de
Sicile face aux Hohenstaufen et les combat de 1201 à sa mort en 1205, et l'on comprend mal
pourquoi il aurait abandonné ce combat et laissé le champ libre aux Hohenstaufen. Après
1205, Jean de Brienne doit céder face à Frédéric II de Hohenstaufen et rentre en France avec
son neveu Gautier IV de Brienne. Peut-être fit-il comme son cousin Gautier de Montbéliard,
qui rejoint la quatrième croisade avant de la quitter pour soutenir Gautier III. Selon la
Chanson de la Croisade, il participe à la croisade des Albigeois et est présent au siège de
Béziers en 12093,4.
Roi de Jérusalem
En 1208, Marie de Montferrat reine de Jérusalem est âgée de dix-sept ans et le régent Jean
d'Ibelin et également son oncle songe à lui trouver un mari. Après en avoir délibéré à Saint-
Jean-d’Acre, le conseil des barons décide de demander conseil à Philippe Auguste, roi de
France. Gautier de Florence, évêque d’Acre, et Aymar de Lairon, seigneur de Césarée sont
envoyés auprès du roi, lequel leur propose Jean de Brienne. L’Estoire d’Eraclée suggère que
le roi voulait se séparer d’un chevalier dont Blanche de Castille, épouse du prince héritier,
était éprise, et relate le désappointement des barons à la venue d’un seigneur ayant atteint la
quarantaine, mais la suite montre que le choix du roi de France est malgré tout avisé. Il avait
auparavant montré ses qualités de sagesse et de bravoure, et son impécuniosité est compensé
par les dons de Philippe Auguste et du pape Innocent III qui lui donne chacun quarante mille
livres tournois. Arrivé à Acre en septembre 1210, il épouse Marie de Montferrat le 14
septembre et est sacré roi avec son épouse le 3 octobre5.
Peu avant, en septembre, la trêve négociée en 1204 entre Al-Adel et Amaury II arrive à
échéance et les Templiers décident de reprendre les hostilités. Sans soutient d’une croisade,
les Latins d’Orient ne peuvent pas résister aux forces musulmanes, qui viennent incendier les
abords de Saint-Jean-d’Acre. Mais Jean de Brienne réussit à réfréner l’ardeur belliqueuse des
Templiers et négocie une nouvelle trêve avec Al-Adel en juillet 1211 pour une durée de six
ans, pendant lesquels les Templiers vont combattre pour le prince d’Antioche pour reprendre
leur citadelle de Baghrâs que Saladin avait prises. De leur côté, les Hospitaliers vont prêter
main forte au roi Léon II d’Arménie contre le sultanat seldjoukide de Roum. Marie de
Montferrat meurt peu après avoir donné naissance à une fille Isabelle, mais les barons
acceptent Jean de Brienne comme bayle du royaume, c'est-à-dire régent6.
En Occident, le pape Innocent III commence à prêcher une cinquième croisade, dès le IVe
concile de Latran, en 1215. Il meurt le 16 janvier 1216, mais son successeur Honorius III
continue ses projets. Une croisade part sous la conduite du roi André II de Hongrie et du duc
Léopold VI d’Autriche et débarque à Acre en septembre 1217. L’objectif choisi est une
citadelle que le sultan Malik al-Adel vient de construire sur le Mont Tabor et qui contrôle la
Galilée et la Samarie qui est assiégée en vain du 29 novembre au 7 décembre 1217. Il semble
que les Croisés aient alors manqué de persévérance. A la tête d’un petit détachement, un
prince hongrois tente ensuite de prendre le château de Shaqîf Arnûn (Beaufort) dans le Marj
Ayoun, bien que le comte de Sidon lui déconseille une telle entreprise, et son armée est taillée
en pièces par les montagnards. Puis l’armée hongroise retourne dans son pays en janvier
1218. De son côté, Jean de Brienne fait fortifier Césarée7.
D’autres Croisés, venant de royaumes plus occidentaux, continuent à arriver en Terre Sainte
et Jean de Brienne, qui a compris l’inutilité d’attaquer et d’assiéger directement Jérusalem,
décide de s’attaquer à des ports égyptiens, Alexandrie ou Damiette, pour ensuite négocier
l’échange de ce port contre Jérusalem. La flotte franque débarque devant Damiette le 29 mai
1218, réussit à forcer le passage sur le Nil le 24 août 1218. Malik al-Adil meurt le 31 août, et
ses fils lui succèdent, Malik al-Kamil en Egypte et Malik al-Mu’azzam en Syrie
Le 29 août 1218, Al-Mu'azzam tente de faire diversion en prenant et détruisant Césarée, mais
sans succès. A la fin du mois de septembre, le légat Pélage arrive à Damiette et demande la
direction de la croisade. Le 9 octobre, Al-Kamil tente une attaque du camp croisé, mais est
repoussé. A la suite d'un complot, il abandonne son camp le 4 février 1219, et son armée se
disperse. Prévoyant la cession de Jérusalem aux Croisés, Al-Mu'azzam entreprend en mars
1219 de démanteler les fortifications de la ville. Par deux fois, en mai et en septembre, Al-
Kamil propose aux croisés la ville de Jérusalem contre la levée du siège de Damiette, mais
Pélage repousse à chaque fois l'offre par fanatisme. Damiette es prise par les Croisés par le 5
novembre 1219. Jean de Brienne refuse de continuer la croisade et quitte Damiette avec son
armée en mars 1220. En juillet 1221, l'armée décide de marcher sur le Caire, mais est
paralysée par la crue du Nil, et doit livrer Damiette en échange de sa liberté9
Après l’échec de cette cinquième croisade, Jean de Brienne conclut avec Al-Kamil un trêve de
sept ans. Il décide de se rendre en Italie afin de discuter avec les principaux souverains du sort
des états latins d’Orient. Débarqué à Brindisi en octobre 1222, il rencontre le pape Innocent
III, auquel il se plaint du comportement du légat Pélage qui a fait échouer la croisade par son
intransigeance. Le pape lui donne raison, puis lui propose le mariage de la princesse héritière
à l’empereur Frédéric II. Ce dernier est intéressé par le projet, qui lui permet d’ébaucher un
empire méditerranéen, tandis que Jean de Brienne apprécie la possibilité de bénéficier des
troupes germaniques. Philippe Auguste, à qui Jean de Brienne vient ensuite rendre visite,
apprécie moins et reproche à Brienne de s’être fait manipulé. Une escadre impériale vient
chercher la fiancée en août 1225, et le mariage est célébré à Brindisi le 9 novembre 1225. Le
lendemain, Frédéric dépossède Jean de Brienne de la baile du royaume. Scandalisé par cette
manœuvre que les négociations du mariage ne laissaient pas présager, et aussi par le viol dont
Frédéric II s’est rendu coupable auprès d’une des cousines d’Isabelle, Jean de Brienne quitte
définitivement le royaume de Jérusalem10.
Soutenu par le pape Grégoire IX, il tente d’envahir le royaume de Sicile, mais est vaincu par
son gendre et doit accepter la paix en août 1230
La mort de Robert de Courtenay en janvier 1228, place sur le trône un enfant de onze ans,
Baudouin II de Courtenay. Les barons songent d'abord à confier la régence à Ivan Asen II,
tzar des Bulgares, mais changent d'avis, craignant la puissance de ce dernier. Ils proposent
ensuite la régence à Jean de Brienne, qui l'accepte, à la condition d'être associé au trône. Il est
couronné empereur à son arrivée à Constantinople en 1231. L'empire latin se réduit alors à
Constantinople et ses environs, et sous la triple menace de l'empire de Nicée, du despotat
d'Épire et des Bulgares. En 1235, l'empereur de Nicée et le tzar bulgare assiègent
Constantinople, alors qu'il n'y a que 160 chevaliers. Mais les Vénitiens, craignant la perte de
leurs avantages commerciaux, lui prêtent main forte et la ville résiste. La flotte vénitienne
domine sur la mer, et les assiégeants finissent par se décourager. Jean de Brienne meurt
l'année suivante, le 23 mars 1237
Mariages et enfants
Il épouse en 1210 (à quarante ans) Marie de Montferrat (1191 † 1212), reine de Jérusalem,
fille de Conrad de Montferrat et d'Isabelle de Jérusalem, roi et reine de Jérusalem, qui donne
naissance à :
Veuf, il se remaria en 1214 avec Rita d'Arménie (ap.1195 † 1220), fille du Léon II, roi
d'Arménie et d'Isabelle, qui donne naissance à :
De nouveau veuf, il se remarie en 1224 avec Bérengère de Léon, fille du roi Alphonse IX de
León et de Bérengère de Castille. De ce troisième mariage, il eut :
Frédéric II du Saint-Empire
Il parlait au moins six langues : le latin, le grec, le sicilien, l'arabe, le normand, l'allemand, et
probablement l'hébreu. Il accueillait des savants du monde entier à sa cour, portait un grand
intérêt aux mathématiques et aux beaux-arts, se livrait à des expériences scientifiques, édifiait
des châteaux dont il traçait parfois les plans. De par ses bonnes relations avec le monde
musulman, il mena à bien la sixième croisade – la seule croisade pacifique – et fut le second à
reconquérir les lieux saints de la chrétienté, après Godefroy de Bouillon.
Othon IV fut couronné empereur romain germanique par Innocent III en 1209 mais quand
Othon IV perdit la faveur du souverain pontife, ce dernier soutint à la Diète d'Empire de
Nuremberg de 1211 l'élection de Frédéric comme roi de Germanie et excommunia Othon IV.
Mais ce titre de roi d'Allemagne, qui était un préalable à la couronne impériale, ne signifiait
rien tant qu'Othon IV demeurait empereur, jusqu'à sa défaite à la bataille de Bouvines en
1214.
Les princes allemands, soutenus par Innocent III, élirent Frédéric roi d'Allemagne à nouveau
en 1215 et le pape vint même lui porter la couronne à Aix-la-Chapelle alors qu'il parvenait à
sa majorité. Mais il fallut quelque temps encore avant que le pape acceptât de lui accorder
l'Empire, à la seule condition que le royaume de Sicile et l'Empire germanique ne fussent pas
unis. Lors du couronnement d'Aix-la-Chapelle, Frédéric utilisa le manteau royal de Roger II
de Sicile, qui devint alors le manteau de sacre des empereurs, l'un des insignes impériaux,
utilisé par la suite jusqu'au 18ème siècle par 47 empereurs. Le manteau est conservé à la
Schatzkammer de Vienne (Autriche) avec les autres insignes et le trésor des rois de Sicile.
Le pape Honorius III couronna finalement Frédéric II empereur à Rome en 1220. Cela devait
être la fin de l'entente entre l'Empire et la Papauté puisque Frédéric II n'avait pas l'intention de
séparer ses deux héritages, la Sicile maternelle et l'Allemagne paternelle. Frédéric renouvela
le serment d'allégeance envers la papauté, confirma le versement d'un tribut annuel de 1 000
pièces d'or par la Sicile, et promit de partir en croisade dans les lieux saints. Toutes ses
promesses lui permirent d'asseoir son pouvoir solidement.
La croisade
Lors de son couronnement à Aix-la-Chapelle en 1220, Frédéric avait promis au pape de partir
en croisade. Son vœu reprenait en fait celui de son grand-père et de son père. Mais son échec
devant la résistance des communes lombardes en 1225-1226 retarda son départ. Or, la papauté
espérait desserrer l'étau que faisait peser l'empereur du Saint-Empire sur ses États pontificaux
en éloignant l'ambitieux souverain5. Frédéric fut donc excommunié par Grégoire IX en 1227
pour ne pas avoir honoré sa promesse de lancer la sixième croisade. Il partit l'année suivante
alors que son excommunication n'était pas levée. Sa brève croisade se termina en négociations
et par un simulacre de bataille avec le sultan Malik al-Kamel « le Parfait », avec qui des liens
d'amitié s'étaient tissés, et par un accord, le traité de Jaffa. Il récupéra sans combattre la ville
de Jérusalem et fut couronné roi de Jérusalem le 18 mars 1229.
Malheureusement, l'islamophilie de l'empereur et son comportement brutal envers la noblesse
d'Orient dégénéra en guerre civile et à partir de 1243, le Royaume de Jérusalem fut en proie à
l'anarchie. Cet état de fait engendra la septième croisade menée par le roi Louis IX de France.
En 1231, il promulgua les Constitutions de Melfi ou Liber Augustalis, un recueil des lois de
son royaume qui devait unifier les lois complexes de l'Empire, soumis aux droits régaliens
multiples que possédaient les princes et autres souverains du Saint Empire. Ce recueil n'avait
pour autre but, sous couvert d'une uniformisation des systèmes politico-judiciaires, que
d'empêcher la mainmise des petits seigneurs sur les villes et leurs corps de métiers. Le Liber
Augustalis, s'ouvre sur l'énumération des titres de Frédéric. Il est Imperator Fridericus
secundus, Romanorum Caesar semper Augustus, Italicus Siculus Hierosolymitanus
Arelatensis, Felix victor ac triumphator. A travers la présence des titulatures romaines, on
peut voir la volonté d'affirmer le pouvoir impérial. Frédéric fit frapper des monnaies d'or, les
augustales. Il était représenté sur l'une des faces, à l'instar des empereurs romains, vêtu du
manteau impérial avec une couronne de laurier sur la tête, entouré de l'inscription IMP. ROM.
CAESAR AUG. Sur l'autre face, figurait l'aigle impériale avec l'inscription Fridericus.5.
Frédéric II, comme les empereurs romains, affirmait sa domination sur le monde mais il
n'avait pas les moyens de sa prétention. Il se heurtait aussi au pape, vicaire du Christ, qui
depuis le XIe siècle voulait imposer à l'Occident son dominium mundi.
Le conflit entre Frédéric et le pape Grégoire IX, puis Innocent IV, reprit. Les cités italiennes
de Lombardie qui prirent parti pour Frédéric constituaient le groupe dit des gibelins et les
cités plus nombreuses qui s'opposèrent au pouvoir impérial et s'allièrent au pape était les
guelfes (parfois, l'opposition entre les factions des guelfes et gibelins traversait la même ville
selon les alliances politiques). Il triompha des villes lombardes le 27 novembre 1237 à
Cortenuova. Sûr de sa force, il offensa alors le pape, à qui il réclamait une partie des villes
lombardes en récompense de sa victoire, et écrivit aux Romains pour leur rappeler leur
grandeur passée du temps de l'Empire romain.
Dès les années 1237-1238, il suit de près les affaires en Provence en nommant un vice-roi en
Arles, puis en 1240 en demandant au comte Raymond VII de Toulouse d'intervenir
militairement9 contre le comte Raimond Bérenger IV de Provence et Jean Baussan,
archevêque d'Arles.
La fauconnerie
Aigle, camée en sardonyx, cour de Frédéric II, vers 1240, Bibliothèque nationale de France,
Paris.
Frédéric II est l'auteur d'un manuel de fauconnerie, De arte venandi cum avibus (De l'art de
chasser au moyen des oiseaux) dont la préface contenait un éloge de l'expérience contre les
théories de l'école. L'ouvrage débordait largement la simple fauconnerie et contenait aussi une
partie sur l'anatomie des oiseaux. Ainsi les différentes positions des ailes durant le vol y
étaient-elles remarquablement décrites. Les illustrations situées dans les marges étaient d'une
grande qualité pour l'époque. Ce livre, du fait des opinions de Frédéric II, fut mis à l'index par
l'Église et ne reparut qu'à la fin du XVIe siècle. Les ornithologues n'en découvriront l'intérêt
qu'au XVIIIe siècle.
Frédéric, dit-on, fit aussi l'expérience de faire élever deux enfants en dehors de tout contact
humain afin de comprendre d'où venait le langage : leurs serviteurs n'avaient pas le droit de
leur parler. Il le fit dans le but de savoir si les petits parleraient latin s'ils n'avaient aucune
influence extérieure!? Les deux enfants moururent... Frédéric était féru de poésie, de
mathématiques et de sciences naturelles. Il put rencontrer à Pise Leonardo Fibonacci, avec qui
il rechercha des solutions à divers problèmes5. Il écrivit aux savants et philosophes du monde
musulman et appela à la cour ceux qui lui paraissaient devoir être utiles. Il attira aussi en
Sicile un astronome d'origine irlandaise ou écossaise, Michael Scot, qui l'attira vers
l'astrologie. Après 1230, il ne pouvait plus prendre une décision sans consulter ses
astrologues. Il s'occupa aussi de questions métaphysiques. Il n'hésita pas à poser des questions
épineuses à un théologien musulman, Ibn Sabin, sur l'éternité de l'univers, les attributs
fondamentaux de l'Être, l'immortalité de l'âme. Cette correspondance ne pouvait qu'accentuer
la méfiance du pape envers lui5.
Bilan
Frédéric avait été éduqué par un juge musulman à Palerme. Il était un mécène des sciences et
il gérait son État d'une manière radicalement nouvelle, d'où ses surnoms de « Stupeur du
monde » et de "prodigieux transformateur des choses" (Matthew Paris).
Il indigna son époque en s'habillant parfois en tenue orientale. Il écrivit même qu'il enviait que
les califes fussent à la fois dirigeants spirituels et terrestres. Il entretenait une grande cour,
constituée entre autres de nombreuses jeunes filles (esclaves astreintes à des travaux de
couture, servantes, danseuses), si bien que ses adversaires (le pape principalement) lui
reprochaient d'entretenir un harem
Les descendants de Frédéric, son fils légitime Conrad IV, le fils de ce dernier Conradin et son
fils illégitime Manfred n'accédèrent pas à l'Empire. Le royaume de Sicile leur fut également
enlevé par le pape, qui y installa Charles d'Anjou. Ce fut la fin de la Maison des Hohenstaufen
de Souabe, qui laissa place aux Habsbourg et à l'essor des cités italiennes.
Manuel II Paléologue
Règne
Prisonnier du sultan Bayezid Ier et retenu à Brousse, il craint que celui-ci, en sa qualité de
suzerain de l'Empire byzantin, ne nomme Basileus son neveu Jean VII Paléologue. Il s'enfuit
de Brousse le 7 mars 1391 et rentre triomphalement à Constantinople.
Quand le sultan Bayezid Ier l'attaque de nouveau, il fait appel aux Croisés occidentaux, qui
sont vaincus à Nicopolis en 1396.
L'empire byzantin en 1403
Laissant alors le pouvoir à son neveu Jean VII, il va cherche de l'aide en occident de 1399 à
1402. Mais en vain, étant donné que les Occidentaux sont trop occupés par le conflit franco-
anglais, et par le Grand Schisme d'Occident.
Constantinople est cependant sauvée de la menace turque par la victoire de Tamerlan sur les
Turcs à Ankara en 1402. En 1403, un traité est conclu avec Isa Çelebi, aux termes duquel les
Byzantins retrouvent leur indépendance et se voient restituer Thessalonique, le Mont Athos et
les îles de la Mer Égée. Lorsque Moussa assassine Isa, en 1411 et annule ces dispositions,
Manuel II s'allie à son frère Suleyman qui vainc Moussa le 5 juillet 1413 à Camurlu, en
Serbie, et devient le sultan Mehmed Ier.
Mehmet Ier confirme alors tous les engagements pris avec Manuel II et une paix s'établit entre
Byzantins et Turcs jusqu'en 1421.
Constantinople est à nouveau assiégée à l'avènement de Murad II, fils de Mehmet Ier, en
1421. La Morée est ravagée par les Turcs en 1423 et Manuel doit laisser son fils aîné,
Andronic, offrir la ville aux Vénitiens. La ville de Constantinople n'est pas prise, mais elle
doit se reconnaître vassale du sultan en 1424 et payer tribut pour conserver ses possessions : il
refuse en cette occasion l'aide proposée par le pape Martin V en échange de l'union des
églises.
En juin 1425, il prononce ses voeux de moine en adoptant le nom de Matthieu ; il meurt le 22
juillet de cette même année, pleuré par son peuple.
Famille et descendance
Il a épousé le 10 février 1392 Hélène Dragas (1376 † 1450), fille de Constantin Dragas, un
noble serbe. Il eut comme descendance :
Lorsque Jean VIII monte sur le trône, l'Empire byzantin est réduit à la ville de Constantinople
et à la Morée. Le 26 mars 1430, les Turcs s'emparent de Thessalonique, qui était alors la
deuxième ville de l'Empire.
Jean VIII cherche alors secours auprès des occidentaux et du pape Eugène IV, en concluant
l'union des Églises (concile de Florence en 1439), facilitée par l'adoption d'une interprétation
commune du Filioque latin, mais il ne peut l'imposer à son peuple : la plupart des dignitaires
de l'Eglise orthodoxe condamnent, en effet, les résultats du concile et affaiblissent la position
de l'Empereur.
Le désastre de Varna, le 10 décembre 1444, livre l'empire byzantin aux Turcs en 1446, qui lui
imposent leur tutelle.
Famille [modifier]
Il se maria trois fois, sans avoir d'enfant :
1. en 1409 avec Anne de Moscou (1393 † 1417), fille de Basile Ier, grand
prince de Moscou
2. en 1421 avec Sophie de Montferrat (1396 † 1437), fille de Théodore II
Paléologue, marquis de Montferrat. Ils se séparent en 1426
3. en 1427 avec Marie Comnène († 1439), fille d'Alexis IV de Trébizonde
Constantin XI Paléologue
Constantin XI
Constantin XI (ou XII) Paléologue, dit Dragasés, ( en grec: Κωνσταντίνος ΙΑ' Δραγάσης
Παλαιολόγος, Kōnstantinos XI Dragasēs Palaiologos, en serbe: Konstantin XI Dragaš
Paleolog ) né en 1405 à Constantinople, mort le 29 mai 1453 sur les murailles de
Constantinople, est le dernier empereur byzantin du 31 octobre 1448 au 29 mai 1453, et par
conséquent le dernier Empereur Romain de l'Histoire, au terme de presque 1500 ans
pendant lesquels le titre fut porté.
Fils de Manuel II Paléologue, empereur byzantin, et d'Hélène Dragas (serbe), il se marie deux
fois : d'abord en 1428 avec Madeleine Tocco († 1429), fille de Léonard II Tocco, seigneur de
Zante, puis le 27 juillet 1441 avec Catherine Gattilusi († 1442), fille de Dorino Ier, seigneur
de Lesbos.
En 1443, il est despote de Mistra, et à la mort de son frère Jean VIII le 31 octobre 1448, il
monte sur le trône byzantin. Il n'est pas considéré comme un empereur car il est couronné à
Mistra et non à Constantinople comme ce fut le cas pour son père et son frère.
Mehmed II devient sultan ottoman en 1451 et menace Constantinople. Constantin XI, sans
argent, ne peut aligner que six à sept mille soldats, dont approximativement deux mille
Italiens, face à une armée très importante dont les effectifs sont cependant incertains : les
Byzantins parlent de cinq cents mille hommes, les Italiens plus raisonnablement de cent
cinquante mille à deux cents mille Turcs, et la plupart des historiens actuels estiment cette
armée à environ quatre-vingt mille soldats, sans compter la horde de non-combattants
effectuant les travaux d'entretien et de ravitaillement. Mehmet II met le siège devant
Constantinople que Constantin défend héroïquement. Le mardi 29 mai 1453 au matin, une
escouade turque découvre une poterne - la Kerkoporta, près du palais des Blachernes - que la
garnison italienne du secteur a laissée ouverte par mégarde : c'est le commencement de la fin.
La bataille est acharnée, mais les Grecs acculés aux remparts sont taillés en pièces, et lorsque
tout est perdu, Constantin XI entouré de 3 fidèles dont 2 proches amis et un espagnol se
réclamant de la maison des Comnènes, se débarrasse des insignes impériaux et se jette dans la
masse des janissaires dans une ultime charge héroïque, à la porte Saint-Romain.
Son cadavre ne fut jamais retrouvé : s'il n'est pas exclu qu'il ait été identifié et inhumé en
secret par les rares habitants chrétiens demeurés à Constantinople après la conquête, ou par les
soldats turcs lors du décompte des morts, la version la plus probable est que son corps ne fut
jamais identifié et enterré dans une fosse commune avec les corps de ses soldats. Une autre
légende répandue est qu'il est inhumé dans ce qui est aujourd'hui l'hagiasma de Aydabir dans
le quartier d'Unkapani. Avec lui finit l'Empire byzantin le mardi 29 mai 1453.
Les empereurs Jean VIII et Constantin XI meurent sans héritier mâle. Les deux derniers fils
de Manuel II, Démétrios et Thomas, se partagent le gouvernement du despotat de Morée
(Péloponnèse). Les deux frères sont dans l'impossibilité de venir en aide à Constantinople
assiégée, car ils ont eux-mêmes à défendre la Morée contre une armée turque faisant
diversion. Par la suite, ils se livrent une guerre fratricide suicidaire. Le sultan Mehmed II
décide de liquider les derniers vestiges de l'Empire byzantin. Démétrios choisit de se rendre
au sultan : il reçoit une forte somme d'argent et quelques îles de l'Égée en apanage. Thomas se
réfugie d'abord à Raguse qui refuse de l'accueillir puis à s'installe à Rome où il est accueilli
par le pape Pie II. Jusqu'à sa mort, il est considéré comme l'héritier de l'Empire byzantin. L'un
de ses deux fils entre au service du sultan, l'autre devient un temps chef de la garde du
Vatican, avant de finir abandonné de tous.
Au cours des années 1990, les travailleurs qui réparaient les fondations d'une ancienne église
grecque d'Istanbul découvrirent un squelette décapité chaussé de bottes pourpres frappées d'un
aigle argenté, le symbole de la dynastie des Paléologues. Il est possible qu'il s'agisse du corps
du dernier empereur de Byzance.