LE POITOU-CHARENTES
Poitiers à l’âge baroque DES CAMPS
«J’ai écris ce livre pour que les
es moulins le long des berges du étant quasiment démunie de signes for- souffrances des exclus et des oubliés
L Clain, les bordels aux abords des
murailles, la rue de la Regratterie si
mels visibles, le terme désigne donc une
période comprise entre 1594 et 1652.» A
de cette guerre apparaissent à la
surface.» Avec Camps d’internement
souvent encombrée par les marchands cette époque – encadrée par la Ligue et la en Poitou-Charentes et Vendée,
et les chalands, les auberges aux ensei- Fronde, scandée par le passage de per- Jacques Perruchon, médecin à la
gnes colorées, la truie-qui-file ou le sonnalités et les ravages de la peste –, le retraite et historien amateur, aborde
chat-qui-pêche… corps de ville exerce son autorité depuis un pan mal connu de l’histoire de la
En deux tomes et quelque 800 pages, un hôtel de ville «austère et disparate» dernière guerre : ces camps
Jean-Pierre Andrault, agrégé d’histoire implanté entre la rue des Grandes-Eco- d’internements ouverts par dizaines
et docteur ès lettres, propose une pein- les et l’actuelle rue Gambetta. Au terme dans la région à partir de 1939 et dont
ture colorée, vivante, presque palpable de cette période, Poitiers perdra ses pri- certains ne fermeront qu’en 1948,
d’un Poitiers à l’âge baroque. «L’âge vilèges, c’est la fin de la mairie avec le départ des derniers
baroque évoque autant un style qu’une anoblissante et la mise au pas par l’abso- prisonniers allemands. Bien souvent,
époque, précise l’auteur. Mais Poitiers lutisme et la centralisation. les mêmes camps ont accueilli les
Poitiers à l’âge baroque est une version réfugiés espagnols, puis les Belges
revisitée de la thèse qu’avait soutenue évacués devant l’avance allemande,
Jean-Pierre Andrault (dir. Jean Tarrade). les prisonniers français de juin 1940,
Riche en notes et références, l’ouvrage puis les résistants, les communistes,
saura satisfaire l’appétit des érudits tout les juifs, les tziganes, et enfin les
en préservant une lecture accessible et collaborateurs et les prisonniers
agréable. allemands. Il y avait des camps à
Construit à la lumière des registres de Poitiers, à Luçon, à La Rochelle ou à
délibérations municipales, il propose une Montendre. Les souffrances n’étaient
lecture passionnante pour qui connaît un l’apanage d’aucun côté et l’absurde
peu Poitiers. Au fur et à mesure, au plan était partout. Jacques Perruchon
d’aujourd’hui se substitue la topogra- évoque ainsi le drame vécu par 4 000
phie d’alors. Au quotidien vient se su- civils allemands internés près de
perposer la vie du XVIIe siècle, animée Poitiers début 1945, dévalisés par
par les anecdotes extraites des 13 337 leurs gardiens qui les laissaient
procès-verbaux des comptes rendus de mourir de faim, ou ces gitans internés
conseils municipaux. par les Allemands au camp des
Anh-Gaëlle Truong Alliers, en Charente, qui ont dû
Sébastien Laval
SMOKY
La collection «Lettres du Poitiers années 30
Cabardès», animée par Jean-Claude
érard Simmat a constitué une impor- Comptant un peu plus de 40 000 habitants,
Pirotte aux éditions Le temps qu’il
fait, s’enrichit d’un nouveau titre : G tante collection de photos et cartes
postales anciennes sur Poitiers et la Vienne,
Poitiers était encore un village, avec sa
Smoky de Lambert Schlechter laiterie Saint-Cyprien, ses torréfacteurs,
(136 p., 14 €). Cet auteur, né en 1941 qui constitue la base de ses ouvrages à ses épiceries et nombreux autres commer-
à Luxembourg, a déjà publié à La caractère régionaliste. De ce point de vue, ces, ses vignes familiales, son travail de la
Table ronde et à L’Escampette. son Poitiers années 30 (Geste éditions) est peau d’oies blanches du Poitou…
remarquable : plus de 700 documents réunis Chez le même éditeur, Gérard Simmat
LE POITIERS en 230 pages qui couvrent les principales signe La Vienne autrefois, avec la colla-
DE DOMINIQUE BORDIER activités poitevines de cette époque, des boration de Michel Valière, Serge Gui-
Cet excellent photographe de la
transports aux revues militaires et autres bert, Eric Gaudin, Pierre Juchault et Em-
Nouvelle-République nous offre une
festivités. Le souci du détail est parfois manuel Touron. Ouvrage abondamment
promenade dans une ville qu’il
impressionnant (et d’abord par les centai- illustré qui traite six sujets : les ajoureuses
connaît parfaitement et qu’il aime.
Vision diagonale sur les multiples nes de noms cités). Par exemple, on connaît d’Angles-sur-l’Anglin, l’usine des
facettes du Poitiers d’aujourd’hui, le prix des allumettes et le montant de la taxe Coindres, la séquestrée de Poitiers,
de l’historique à l’insolite. sur les chiens en 1932, et la liste des 50 Pleumartin, les fours à chaux et la basili-
Ed. Déclic, 100 photos, 80 p., 15 € abonnés au téléphone en 1933. que de Marçay.
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