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pls tudes
Yeraphiques
No 34 Printemps 2016
Que dit la théorie de la photographie ? / Interroger lhistoricité
Que dit la théorie de la
photographie ?
ANprE GUNTHERT
Texte intégral
Apres avoir abondamment nourri l'intérét pour la photographie a la fin du xe siecle,
le questionnement théorique s’était brusquement tu avec le choc du numérique.
abstraction du pixel ne contredisait-elle pas la matérialité du grain d'argent, garant
de la trace photographique ? Mais Ta continuité des pratiques a fini par rassurer. Le
motif de la photographie comme preuve ou comme empreinte refait surface,
témoignant que la eroyance dans une forme d’authenticité spécifique n’a pas disparu’
Héritage prestigieux, le réalisme indiciel n’en finit pas de hanter un champ en mal de
considération intellectuelle. Alors que la revue Etudes photographiques a tenté ds ses
origines de proposer une autre approche, plus attentive a la variété et & Vhistoricité des
usages’, il nous a semblé opportun de nous joindre aux efforts de mise en perspective
des thases essentialistes’
2 —_Liexposition « Qu’est-ce que la photographie ? », proposée en 2015 par Clément
Chéroux et Karolina Ziebinska-Lewandowska au Centre Pompidous, a donné l'occasion
de réunir une journée d’étude’, dont le présent numéro reprend plusieurs contributions.
3 Les éléments qui ressortent de cette discussion peuvent étre résumés en trois points.
Tout le monde s’accorde a dénoncer la dimension identitaire abusive de la théorie
ontologique, qui ne tient pas compte de la diversité des pratiques photographiques.
Reste toutefois & mesurer les bénéfices en termes d'image culturelle dune posture qui
west pas propre & la photographie, mais qui a largement profité & la littérature, & la
peinture ou au cinéma.
4 Ilexiste également un assez large consensus pour discuter les postulats techniques
trop sommaires de la théorie, qui réduisent le dispositif photographique au seul
hipssietudesphotographiques revues org3586 182072016
(Que dita there de la photographie?
support d’enregistrement et n’expliquent pas les dimensions construites ou
intentionnelles que Yon rencontre dans les pratiques professionnelles.
Puisque le réalisme indiciel repose & la fois sur le postulat d'une identité de la
photographie et sur celle d'une unité de sa technique, ces deux critiques devraient
suffire & en déconstruire le substrat. Le déploiement de ’éventail des usages fictionnels
de Vimage devrait par ailleurs contribuer & produire un paradigme susceptible de se
substituera celui dela trace, ainsi que le suggere Philippe Dubois. Mais le constat peut-
@tre le plus frappant de cette discussion est au contraire celui de la résistance, contre
vents et marées, d’une croyance dans la nature d’empreinte de la photographie. Comme
Yexplique Georges Didi-Huberman : « opter pour le point de vue diamétralement
inverse revient & troquer le fout pour le rien. Cela revient & perdre de vue la puissance
photographique elle-méme et le point - problématique, il va sans dire - oti Pimage
touche au réel®
Test plus facile de déeréter épuisé le paradigme de la trace que d'invalider un effet de
croyance. Comprendre la force du modéle de Yempreinte, est apereevoir & quel point
Vidée de photographie incarne et cloture une mythologie de la représentation séculaire.
Crest done bien en replongeant la photographie dans une histoire des images que on
pourra résoudre les paradoxes du réalisme indiciel. Au risque de faire perdre A la
photographie ce qui a été si longtemps sa signature essenticlle ? Celle-ei doit & son tour
devenir Vobjet d’une investigation en termes Phistoire culturelle et d'histoire des idées.
Comme on le voit, le débat est loin d’étre clos,
Notes
1 Horst Brana, Théorie de Yacte dimage, rad. de allemand par F, Joly, Pati, La Découverte,
2015,P.176.
22 André Guxmiees, « Au doigt ou a Vaxl », tudes photographiques, n°3, novembre 1997, p. 4-5
{hitps://etudesphotographiques.revues.ors/9).
43 James Exxns (dir), Photography Theory, Londres, Routledge, 2007 ; Herbert Mouosames,
Gregor Wenano (dir), Lifvidence photographique. La conception positiviste de la
photographie en question, Pars, Editions de la Maison des scienees de homme, 2009,
4 Clément Crtsorx, Karolina ZsransesLrwaeanses, Quiest-ee que la photographie 2, et. exp.
“Editions du Centre Pompidou / Xavier Barral, 2015,
45 Colloque « O en sont les théories de la photographie ? », 27 mai 2015, Patis, Centre Pompidou
(avee lt partiipaton de Funiversit Paris Panthéon- Sorbonne (HiCSA), de TEHESS et dele
revue £tudes photographiques), contributions de : Clément Chéroux, Philippe Dubois,
Jacqueline Guittard, André Gunthert, Johanne Lamoureux, Michel Poivert, Joel Snyder, Jean
‘Marie Schaeffer, Herta Wolf (enregistrement vidéo, http://imagesociale.fr/1475)
{6 Georges Dioi-Humaaas, Images malgré tout, Paris, Minuit, 2003, p. 93.
Pour citer cet article
Référence électronique
‘André Gunther, « Que dit la théorie de la photographie ? », Etudes photographiques,
34 | Printemps 2016, [En ligne], mis en ligne le 19 mai 2016. URL
hnplletudesphotographiques.revues.org/3588. consulté le 20 jullet 2016.
Auteur
André Gunthert
‘André Gunthert est male de contérences en histoire visuelle & "Ecole des hautes études en
sciences sociales (EHESS). Spécialiste d'histoire de la photographie, la élargi son champ
étude aux usages sociaux des images, et compte parmi les premiors @ avoir intorrage leur
basculement dans l'ére numérique (Lmage partagée. La photographie numérique, Textuel,
2015). Ses recherches actuelles sont consacrées aux systémes narraifs de la culture visuelle,
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