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janvier 2007
C OMITÉ DE RÉDACTION
M. J. Barbot, G. Bécousse, J. F. Berthon, M. F. Bishop, D. G. Brassart, L. Ca-
det, T. Charnay, C. Cohen Azria, L. Conraux, B. Daunay, I. Delcambre, J. Dolz,
C. Donahue, A. Dubus, M. Fialip Baratte, R. Guibert, R. Hassan, A.-M. Jove-
net, I. Laborde Milaa, D. Lahanier Reuter, M. Lebrun, G. Legrand, M. Morisse,
É. Nonnon, M. Pagoni, M. C. Pollet, Y. Reuter, E. Rosen, J. M. Rosier, F. Ruellan (†),
N. Salagnac, A. Trépaut, N. Tutiaux Guillon
R ESPONSABLE TECHNIQUE
L. Conraux
C OMITÉ SCIENTIFIQUE
G. Legros (Namur), J. P. Jaffré (CNRS), A. Petitjean (Metz), B. Schneuwly (Ge-
nève), C. Simard (Québec).
Antoine T HÉPAUT
Le match de fin de séance : genre scolaire / genre didactique ? Première ap-
proche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
Nathalie S ALAGNAC
Comment évaluer les compétences narratives des enfants à partir de la diver-
sité des conduites narratives ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81
Yves R EUTER, Gérard B ÉCOUSSE, Cécile C ARRA, Cora C OHEN A ZRIA, Bertrand D AU -
NAY , Isabelle D ELCAMBRE , Martine F IALIP B ARATTE , Rouba H ASSAN P ILARTZ ,
Anne-Marie J OVENET, Dominique L AHANIER R EUTER & Maria PAGONI
Recherche collective sur l’école « Freinet » de Mons en Barœul – Éléments de
synthèse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97
iii
Présentation
5
langue étrangère, ici le russe, le hongrois et le vietnamien. Les auteures analysent
la partie du journal d’apprentissage consacré à l’observation de l’enseignant et
de sa pédagogie, et plus précisément de sa gestualité professionnelle. Il s’avère
que la perception du geste pédagogique par les étudiants est à la fois complexe et
incomplète. Les auteures concluent qu’un aspect de la formation des enseignants
devrait prendre cette question en charge.
Nathalie Salagnac propose une analyse de reformulations par des enfants (de
maternelle et de cours préparatoire) de récits qui leur avaient été lus par l’en-
seignant, en présentant deux variables : présence ou non du livre pendant le
reformulation, lecture préalable unique ou double par l’enseignant. Son analyse
veut évaluer les compétences narratives des enfants à partir de la diversité des
conduites narratives de ces derniers. Si l’étude relève d’un cadre théorique psycho-
linguistique, elle offre un matériau intéressant de près la didactique et l’auteure
fait des propositions en ce sens, en cernant les dimensions didactiques de son
approche.
Enfin, le dernier article forme à lui seul un ensemble, puisqu’il correspond au
bilan d’une recherche collective menée sur une école Freinet : Yves Reuter et les
membres de l’équipe proposent une synthèse de leur recherche, sous forme de
bilan et de perspectives, en présentant les intérêts de l’expérience menée, ses
limites et les conditions de sa possible transférabilité hors du cadre étudié.
Bertrand Daunay
Guy Legrand
Les cahiers T HÉODILE no 7 (janvier 2007), p. 7–32
La notion d’« écritures réflexives », largement utilisée dans les discours didac-
tiques et pédagogiques actuels, s’entend autant à propos des pratiques scolaires
que des activités de formation professionnelle, notamment celles des enseignants.
Cependant, le statut et la définition de ces écrits ne semblent pas stabilisés et
chaque publication sur ce sujet s’efforce d’en re-dessiner les contours, voire d’y
apporter des compléments lexicaux et conceptuels1 . Toutefois, à travers ces fluc-
tuations définitionnelles, des points communs apparaissent qui peuvent être per-
çus comme les invariants de la notion, comme si, au-delà des variations, un noyau
conceptuel plus stable pouvait être appréhendé. C’est en partant de ce constat qu’il
a semblé pertinent de s’interroger sur l’existence d’éléments constants rendant
reconnaissables ces écrits comme genre.
Pour aborder cette notion de genre, nous nous sommes référé à deux défini-
tions, dont le croisement a semblé fructueux. La première est celle développée à la
suite de Jean-Paul Bronckart par les didacticiens suisses de Genève, Jean-François
De Pietro et Bernard Schneuwly en 20032 . Élaborant un « modèle didactique du
genre », ils en déterminent cinq composantes essentielles : la définition générale,
les marques linguistiques, la structure textuelle globale, les contenus spécifiques
et les paramètres du contexte énonciatif, offrant ainsi un outil facilitant la catégo-
risation. L’autre approche est d’Yves Reuter (2005) qui considère, dans le cadre des
travaux de l’équipe Théodile, que l’analyse du genre se fait par rapport aux trois
espaces dans lesquels il existe. Le premier de ces espaces est celui des pratiques di-
dactiques, le second, celui de la prescription et le dernier celui de l’encadrement de
1 – On peut citer, comme exemple, le numéro 30/2004 de la revue Repères, consacré aux « pratiques
langagières en formation » qui élabore, dans son introduction, l’idée d’une « réflexivité dialogique »
dont la finalité est de mieux se comprendre et de mieux appréhender le discours de l’autre.
2 – Définition également présentée dans un précédent numéro des Cahiers Théodile, no 3, janvier
2003.
8 M.-F. Bishop & L. Cadet
L ES CONCEPTIONS DE L’ ÉCRITURE
Nous pouvons postuler que les origines théoriques des pratiques d’écritures
réflexives dans les deux domaines d’apprentissage envisagés sont les mêmes. Il est
possible de les citer brièvement, sans les développer, car elles sont au cœur des
conceptions de l’écriture actuellement adoptées en didactique de l’écrit, et n’ont
plus besoin d’être présentées.
En anthropologie et psychologie, c’est à partir des théories de J. Goody (1977),
de L. S. Vygotsky (1985)4 , de J. Bruner (1983, 1996), entre autres, que s’établit la
relation entre développement cognitif et maîtrise de l’écrit et que se développe
le principe d’une écriture susceptible d’être un vecteur de la construction des
savoirs.
Le principe fondateur est que l’écriture favorise ce que J. Goody a appelé la
« rumination constructive« (1979, p. 97), qui est la forme de la pensée réflexive
car elle nécessite une mise à distance du discours et une organisation du flux
de la parole en introduisant des critères de classement et d’organisation dans la
perception immédiate des choses. En ce sens, elle répond à la définition de la
réflexivité posée en préalable, puisqu’elle peut aider à percevoir et à comprendre
ses façons de percevoir et d’agir.
4 – Dans Vygotsky aujourd’hui, (1985), B. Schneuwly et J. P. Bronckart (dir.) Paris, Neuchâtel, Delachaux
et Niestlé.
10 M.-F. Bishop & L. Cadet
L ES CONCEPTIONS DE L’ APPRENTISSAGE
Dans le champ de l’apprentissage, à la suite des théories constructivistes qui
prônent la construction du savoir par l’apprenant lui-même, va se développer et
s’étendre le principe de l’écriture comme médiation entre l’élève et le savoir, en
partie grâce aux travaux du groupe ESCOL de Paris VIII et plus particulièrement,
des écrits d’É. Bautier et de D. Bucheton en 1995. Ces travaux sont poursuivis
par l’équipe LIRDEF de Montpellier, réunie autour de D. Bucheton et J. C. Cha-
banne (2002). Ce groupe s’est attaché à étudier cette notion d’écriture réflexive
contribuant ainsi à son succès.
Le LIRDEF confère à l’écriture réflexive scolaire quatre grandes caractéristiques
(Chabanne, 2006, à paraître) :
– d’être construite sur le principe d’un lien dynamique existant entre écriture
et activité cognitive. L’écriture est ce qui permet de donner corps à la pensée,
de l’élaborer et de la reprendre, de la faire évoluer et de la transformer. C’est
dans l’effort que constitue l’acte graphique lui-même que la pensée émerge
et prend forme. Le lien entre pensée et écriture est donc indissociable et
réciproque ;
– d’être, comme toute activité d’écriture, une activité métalinguistique qui né-
cessite de faire des choix et de se confronter à des décisions linguistiques. Là
encore, le lien entre pratique métalinguistique et pratique réflexive est indis-
sociable et réciproque. Pour reprendre la formule-titre d’É. Bautier (2002) :
« Parler et écrire pour apprendre c’est apprendre à parler et écrire »5 ;
– d’être le lieu d’une intertextualité, car tout discours renvoie à d’autres discours
et les transforme. J. C. Chabanne développe la métaphore du « tricotage qui
oscille entre répétition et réappropriation » d’autres textes ;
– de conduire à une transformation du sujet par le biais de la construction d’une
image de soi. La mise en mots de l’expérience, non seulement transforme
cette expérience qui devient histoire, mais elle transforme également le sujet,
lui conférant une identité, lui renvoyant une image de soi modifiée.
Le sens du terme réflexif se développe sur deux plans, d’une part, comme image
du monde, par un effet réfléchissant de l’écriture et, d’autre part, comme image de
soi, par l’effet constructif de l’écrit, mais également comme réflexion sur le monde,
et réflexion sur la langue à mesure qu’on l’utilise.
La richesse de cette définition laisse entrevoir deux niveaux qui s’articulent mais
qui ne sont pas toujours clairement distingués. En effet, comme le laisse entendre
le premier point de cette définition, l’écriture réflexive est le lieu de la réflexion,
dans le sens d’élaboration de la pensée, mais elle est également un jeu de reflet et
5 – É. Bautier, Lire et écrire pour penser et apprendre, Actes des séminaires inter-académiques DESCO
2001-2002 – Regroupement des acteurs des classes relais (site : http://eduscol.education.fr/).
Les écritures réflexives en formation [...] 11
L A DÉMARCHE SCIENTIFIQUE
C’est dans le cadre de la réflexion sur la démarche scientifique que semble avoir
été vraiment développée, pour la première fois, la valeur réflexive de l’écriture dans
le cadre scolaire. En 1996, l’opération La main à la pâte est lancée, à l’initiative du
professeur Georges Charpak, (prix Nobel de physique en 1992) et de l’Académie
des sciences. Elle vise à promouvoir au sein de l’école primaire une démarche
d’investigation scientifique. Cette démarche repose sur l’expérimentation, la mani-
pulation et la mise en mots de cette expérience. L’un des outils mis à la disposition
de l’élève est le cahier d’expérience qui est décrit par Sophie Ernst, en novembre
12 M.-F. Bishop & L. Cadet
construction personnelle ;
– le principe de l’intégration théorie / pratique ;
– le principe de l’introspection métacognitive qui doit permettre l’autorégula-
tion de ses pratiques.
Elles tentent d’amener les étudiants à une pratique réflexive d’enseignement
en s’appuyant sur des activités d’écriture réflexive portant sur les pratiques d’en-
seignement et d’apprentissage. Parmi les actions concrètes de formation à la
réflexivité, un exemple peut être présenté ici, celui du journal d’apprentissage
(Cadet 2004) rédigé par les étudiants des cursus de didactique des langues.
L E JOURNAL DE BORD, PRÉSENTATION GÉNÉRALE
En mention FLE, comme dans de nombreuses formations à l’enseignement des
langues, les étudiants qui se destinent à devenir enseignants de français langue
étrangère ont à faire l’apprentissage d’une langue nouvelle et à cette occasion, on
leur demande de tenir un « journal de bord » portant sur ce nouvel apprentissage.
Basé sur l’observation de classe, l’auto-observation et l’introspection, le journal de
bord d’apprentissage, dans lequel les étudiants consignent leur expérience d’ap-
prentissage, notent leurs observations, leurs réflexions, leurs réactions face à la
langue nouvelle, vise à leur faire prendre conscience de leur pratique apprenante
et à leur faire expliciter leurs démarches d’apprentissage. Il s’agit donc d’initier une
réflexion sur l’apprentissage et sur l’enseignement des langues en général à partir
d’une expérience personnelle d’apprentissage. Même si cela ne fait pas l’unani-
mité auprès des chercheurs, M. Berchoud (2001, 2002) a montré que ce type de
travail permettait de favoriser le processus d’apprentissage. En effet, cette dernière
a constaté qu’à l’intérieur d’une même classe, les compétences linguistiques des
étudiants qui avaient tenu un journal d’apprentissage se révèlent supérieures à
celles des apprenants qui n’y étaient pas obligés. M. Berchoud considère alors que
la tenue d’un journal de bord d’apprentissage influence, voire modifie, le compor-
tement des étudiants face à leur apprentissage. Grâce au journal d’apprentissage
et à leur position d’observateur dans la classe, les apprenants seraient plus à même
de choisir des procédures et de mettre en œuvre des stratégies d’apprentissage
efficaces. C’est la raison pour laquelle nous rejoignons R. Oxford (1990) qui consi-
dère que tenir un journal d’apprentissage constitue une stratégie d’apprentissage
en soi et plus précisément une « stratégie affective d’apprentissage ». Pour cette
dernière, l’utilité première du journal d’apprentissage serait de permettre à l’élève
d’exprimer, de clarifier, de « ventiler » les émotions et les sentiments qui accom-
pagnent l’apprentissage et qui peuvent lui faire obstacle ou le favoriser7 . Ainsi, se
mettre à l’écoute de soi-même favoriserait en retour l’apprentissage et, on peut ici
7 – Oxford R., 1990, Language learning strategies : What every teacher should know, New York, Newbury
House Publishers, citée par P. Cyr (1998, p. 140).
16 M.-F. Bishop & L. Cadet
débat est organisé sur les contenus présentés, l’auteur répond aux questions qui
contribuent à développer l’écrit initial.
Il est possible de supposer que l’écriture autobiographique scolaire ne semble
pas avoir de valeur réflexive en soi. C’est la situation mise en place, c’est-à-dire
le travail mené à partir des écrits qui permet la réflexivité. Contrairement aux
écritures autobiographiques littéraires qui mêlent autobiographie et réflexivité
(Rouxel, à paraître, 2006), les écritures autobiographiques scolaires ne peuvent être
considérées comme des écritures immédiatement réflexives, elles le deviennent
dans le cadre d’activités d’élucidation.
L ES JOURNAUX D ’ APPRENTISSAGE
Comme pour les écrits réflexifs produits à l’école élémentaire, la situation des
écrits réflexifs de type journal de bord d’apprentissage n’est pas non plus homo-
gène et ce, à plusieurs niveaux. On peut constater qu’il existe de grandes variations
entre les différentes universités qui pratiquent ce type d’écriture (variations inter-
universitaires) mais aussi des variations intra-universitaires puisqu’il n’existe pas
de consensus sur la forme ou sur les contenus attendus. De même, l’accompa-
gnement de la réflexion et de l’écriture diffèrent d’une institution à l’autre (Cadet
2004). Conséquences : l’activité ne va pas de soi, ni pour les enseignants, ni pour
les étudiants. On constate de la part des deux parties concernées un certain désar-
roi voire une incompréhension vis-à-vis des tâches rédactionnelles et réflexives à
accomplir.
En outre, peu habitués à pratiquer ce type d’exercice, les étudiants ressentent
une sorte de dédoublement difficile à gérer et désignent comme un problème la
surcharge cognitive engendrée par la double tâche d’apprentissage et d’intros-
pection. Vis-à-vis de la difficulté de la tâche, souvent perçue comme irréalisable
et fictive, on assiste à des phénomènes paradoxaux : les étudiants se trouvent
« plongés » dans l’auto-observation et paradoxalement, l’objectif d’apprentissage
de la langue devient secondaire. Certains vont même jusqu’à dire que la tâche
introspective nuit à leur apprentissage puisqu’ils ne peuvent s’y consacrer plei-
nement. D’autres, au contraire, semblent considérer que l’on peut observer son
apprentissage sans entrer dans un processus d’apprentissage voire même que
le fait de ne pas s’impliquer dans l’apprentissage est un pré-requis ou que l’on
20 M.-F. Bishop & L. Cadet
manifeste pas non plus une prise de distance par rapport à l’expérience immédiate
ou le développement d’une conscience critique. Dans le cas des journaux de bord
rédigés, rappelons-le, par des adultes en formation, nous proposons donc une
analyse tout à fait différente de celle de J. Crinon (2002) qui considère qu’énumérer
les activités constituent déjà un effort pour se resituer dans la journée. En effet, le
journal ne porte que sur le cours de langue qui est bien circonscrit dans un espace
temps déterminé et isolé par rapport aux autres domaines disciplinaires auxquels
les étudiants se confrontent le reste de la journée. Il semble alors que l’explication
de ce type de démarche réside davantage dans la difficulté que les étudiants ont à
entrer d’emblée dans une démarche réflexive. Toutefois, ce type d’énumération,
qui existe et qui est même fréquent surtout au début des journaux d’apprentissage
pour lesquels les étudiants ont retenu une organisation chronologique, n’est pas
la modalité d’expression la plus fréquemment retenue par les étudiants. En effet,
il ne faut pas négliger dans l’analyse une caractéristique propre à la production
des journaux de bord : contrairement aux écritures scolaires qui ne sont pas le
résultat de réécritures et de réflexions successives mais qui constituent en général
le premier et seul « jet », les journaux de bord sur lesquels nous fondons notre
analyse sont le résultat de réécritures successives et rendent compte, en leur sein
même, de différents reculs réflexifs dont on peut voir des traces visibles dans la
structuration même des journaux comme dans le discours des étudiants.
Ainsi, on constate des manipulations sur les textes telles que changement de
couleur d’encre pour indiquer les passages de réflexion menée a posteriori, justifi-
cation de la thématique principale retenue par rapport à une (re)lecture sélective
des journaux plus personnels tenus au cours de l’année, phénomènes d’auto-
discursivité qui renvoient, selon A. Quatrevaux (2002, p. 49) à tous les types de
réemplois qu’un rédacteur peut faire de son propre discours :
La mise en écrit permet donc d’effectuer une mise à distance entre le « JE appre-
nant », c’est-à-dire celui qui participe au cours et le « JE scripteur ». Les étudiants
mettent en évidence le chemin parcouru et l’évolution qui a eu lieu entre les indi-
vidus qu’ils étaient avant le début de l’apprentissage et ceux qu’ils sont devenus à
la fin de l’apprentissage (Cadet 2004a et b). L’apprentissage d’une langue nouvelle
semble aussi être l’occasion de se (re)découvrir et de mieux comprendre les raisons
de certaines difficultés en langue. Certains découvrent en eux de nouveaux appre-
nants, différents de ceux qu’ils ont précédemment été, ce qui n’est pas toujours
ressenti comme un point positif mais plutôt comme un bouleversement qui remet
en question les bases sur lesquelles ils ont construits leur identité d’apprenant.
Dans l’extrait suivant, l’étudiant parle en effet d’une sorte de destruction de l’image
qu’il avait de lui-même en tant qu’apprenant, évoque les souvenirs douloureux
qui « remontent à la surface » et une sensation de perte de capacités intellectuelles
liée lui semble-t-il à son avancée en âge :
En milieu universitaire, on note qu’il existe aussi une difficulté à réaliser l’activité
qui semble surtout due à une certaine appréhension et au manque d’habitude à
produire un écrit en « JE » dans un contexte institutionnel. En effet, les étudiants
n’ont pas été confrontés à ce type d’exercice au cours de leur scolarité antérieure
tant au niveau du travail de réflexion sur soi-même que de la mise en forme de cette
réflexion. Toutefois, il nous semble que ce n’est pas tant la modalité d’écriture en JE
qui leur pose véritablement problème mais bien plutôt, comme nous l’avons déjà
évoqué brièvement, des difficultés à choisir les « thèmes » importants pertinents
jugés non pas véritablement de leur point de vue d’étudiants-scripteurs mais
plutôt du point de vue du lecteur : la véritable question qui se pose alors ici
aux étudiants n’est pas tant « comment / en quoi mon écrit va participer à ma
formation » mais bien plutôt « qu’est-ce que mon lecteur et au-delà de lui, qu’est-
ce que l’institution universitaire, attend de moi ? »
Pour le journal de bord, nous avons évoqué précédemment les variations inter-
universitaires qui existent dans l’organisation générale de l’activité. Ces variations
apparaissent aussi en ce qui concerne le destinataire et l’appartenance des textes
à la sphère publique ou privée. Pour les journaux auxquels nous nous sommes
intéressées, le destinataire des journaux de bord était aussi l’enseignant de langue
lui-même. Savoir qui est le destinataire et travailler en contexte académique, pour
obtenir un EC, a forcément de multiples influences sur l’écrit produit.
Pour l’école élémentaire, les textes officiels présentent ces textes comme des
écrits privés mais réalisés dans un espace public. De plus, ils sont souvent des-
tinés à servir de point de départ aux discussions entre élèves, c’est-à-dire à être
communiqués. Écrits de travail, brouillons, ils peuvent cependant être conservés
selon les supports sur lesquels ils se trouvent (cahier de sciences). Nous pouvons
constater que l’absence de précision sur la destination de ces textes en brouille
certainement les contours. On n’écrit pas de la même manière selon le destinataire,
selon le savoir que l’on partage avec lui et l’image que l’on veut donner de soi.
Toutefois les demandes des enseignants sont très diverses car l’objet lui-même
n’est pas clairement défini.
Dans les deux cas, la pratique semble souvent reposer sur le présupposé que
ces écritures « vont de soi », qu’il suffit de demander aux élèves d’écrire sans que
soit posée la question des modalités énonciatives, de la réception des textes ni
de la forme de ces textes. Or, comme nous avons essayé de le montrer dans ces
pages, ce ne sont pas des écritures qui vont de soi et nous irons même jusqu’à dire
que, dans le cas du journal d’apprentissage qui est utilisé à des fins de formation
professionnelle, de telles pratiques peuvent aussi constituer une sorte d’obstacle à
Les écritures réflexives en formation [...] 25
la formation. En effet, les jugements émis et les analyses faites par les étudiants
demandent à être discutés en classe, appellent à la confrontation pour ne pas
produire l’effet inverse de celui attendu, à savoir : former un enseignant figé sur
ses croyances... et donc « non réflexif ».
L A TROISIÈME AMBIGUÏTÉ EST LIÉE AU TEXTE À PRODUIRE
Les écrits réflexifs sont peu formalisés (Crinon 2002). Il n’existe pas de typologie
de référence. La question est de savoir comment les élèves et les étudiants se
« débrouillent » avec ce qui est leur demandé, avec ce qu’ils pensent devoir faire et
avec ce qu’ils anticipent du « comment » le faire.
Les choix effectués, peuvent apparaître comme le résultat d’une négociation
dont les aspects sont :
– les indications fournies par la consigne qui définit de manière plus ou moins
précise les enjeux, les destinataires et le but de l’écriture ;
– les connaissances dans le domaine abordé. Comme nous l’avons évoqué
précédemment, « décrire » ce qu’on voit, « émettre des hypothèses » n’est pas
la même chose en sciences et en histoire ;
– les discours et les concepts de référence : l’utilisation d’autres textes comme
réservoir de référence, d’idées, de lexique... Ce qui pose le problème de l’ex-
pertise dans la discipline ;
– la plus ou moins bonne maîtrise de la langue et la flexibilité que permet cette
maîtrise ;
– les connaissances intertextuelles, c’est-à-dire le calcul sur le choix des textes
qui servent de référence.
Les écrits réflexifs, comme tout écrit scolaire sont un lieu de tension et de
négociation pour les scripteurs. Mais ces ambiguïtés sont sans doute accentuées
ici, par l’absence de clarté sur les textes à produire et l’apparente liberté laissée
au scripteur peut être une cause de désarroi. On peut à ce sujet relever dans les
journaux d’apprentissage des marques d’incompréhension vis-à-vis de la tâche
à accomplir mais aussi des manifestations de l’inquiétude des étudiants qui les
poussent à demander des prescriptions et des normes plus précises. Ils ne savent
pas quoi dire ni comment l’exprimer, quelle forme donner à la production écrite.
Dans l’extrait issu de l’introduction de T 27, l’étudiant évoque « le chaos » qui règne
dans son esprit et les difficultés qu’il éprouve à trouver une méthode de travail
face au manque de consignes rédactionnelles :
T 27 Lors des deux premiers mois de cours, c’était un peu le chaos dans mon
esprit. De plus, n’ayant reçu aucune consigne, je ne savais pas vraiment
comment tenir mon journal d’apprentissage ; je me contentais de dater les
feuilles et de noter mes impressions ainsi que les difficultés (et il y en avaită !)
rencontrées.
26 M.-F. Bishop & L. Cadet
vue du sujet, d’un travail inouï, sans précédent, et ce, même si, après
coup, on peut découvrir des régularités communes [...]
La logique de production inquiète les étudiants qui se trouvent confrontés à
une nouvelle activité dont ils doivent définir les modalités. Elle les place dans une
position d’autant plus inconfortable qu’ils savent que leur travail sera lu et évalué.
P OUR CONCLURE
Nous avons souligné la complexité des écritures réflexives qui apparaissent
comme hétérogènes dans leur forme et leur contenu, et qui constituent un lieu
de tension. En effet, si les prescriptions les présentent comme allant de soi, il
est possible de s’arrêter sur leur mise en IJuvre, car comme tout écrit scolaire,
ces productions dépendent de ce que les scripteurs anticipent de la demande
scolaire et des attentes du lecteur / évaluateur. De plus, ces écrits semblent rele-
ver de deux modalités différentes mais souvent confondues qui sont la réflexion
comme construction de la pensée (et du savoir) et la réflexivité comme expression
d’une métacognition, d’un retour sur cette élaboration (cf. §Les conceptions de
l’écriture). Le terme de réflexivité, massivement utilisé, a tendance à masquer
ces différences de degré. Dans les deux situations évoquées les critères de pro-
duction sont différents ainsi que la réception. Il serait sans doute nécessaire d’en
clarifier les formes, les attendus et la mise en place afin d’éviter de placer les
apprenants écoliers ou étudiants dans des situations ambiguës, dans lesquels la
multiplicité des objectifs risquent de nuire au bénéfice indéniable de l’activité
d’écriture (Brigaudiot 2000).
À l’issue de cette étude, on peut se demander s’il est possible de considérer
les écritures réflexives comme un genre identifiable. La diversité des emplois et
l’hétérogénéité des résultats nous conduit à envisager les écritures réflexives moins
comme un genre que comme des pratiques d’enseignement / apprentissage, qui
présentent des éléments stables (ce que nous avons signalé comme invariants)
quel que soit le niveau d’apprentissage. Mais les textes produits sont différents,
peu formalisés et appartenant à des genres de textes différents (descriptions, listes,
journaux d’apprentissage, etc.).
Pour finir il semble également que l’aspect réflexif de ces pratiques, ne soit pas
uniquement lié à l’écriture, mais qu’il dépende plutôt de la situation mise en place,
de l’ensemble des activités réflexives (oral, mise en commun, débats, réécriture,
etc.) qui accompagnent l’écriture.
B IBLIOGRAPHIE INDICATIVE
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Les écritures réflexives en formation [...] 29
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A NNEXES
32 M.-F. Bishop & L. Cadet
Les cahiers T HÉODILE no 7 (janvier 2007), p. 33–48
I NTRODUCTION
Notre objectif est de caractériser les rituels de maternelle comme genre, en
essayant de préciser s’il s’agit d’un genre scolaire, pédagogique, didactique1 . Nous
plaçant dans la même logique que Zerbato-Poudou, Mercier & Amigues (1997),
sans considérer la maternelle, à l’instar de Fargeas (1990), comme le lieu d’un
« maternage collectif », nous partirons pour cela de la question suivante : quelle est
la part du disciplinaire dans ces rituels ?
Notre réflexion s’appuie sur l’analyse d’un corpus (construit par Isabelle Del-
cambre) constitué de l’enregistrement de séances de classes (élèves de 2 ans 9 mois
à 3 ans 6 mois) et d’entretiens d’auto-confrontation où les enseignantes com-
mentent leurs actions et les évènements qu’elles jugent remarquables dans les
séances enregistrées. La question que nous nous proposons de traiter est la sui-
vante : dans quelle mesure est-il possible de caractériser ces situations de parole
en maternelle comme des situations pédagogiques ou des situations didactiques ?
Dans notre perspective, cette question revient en fait à se demander :
– d’une part, de quels types de savoirs les enseignants ont besoin pour organiser
et mener ces situations ;
– d’autre part, quelle conscience les enseignants ont de la nature didactique de
ces situations – et donc des savoirs qui y sont engagés ;
– enfin, quel est le degré d’intentionnalité dans leur convocation de ces savoirs
au cours de la situation.
Dans un premier temps, nous présenterons notre réflexion sur la question de la
dimension disciplinaire des apprentissages en maternelle et nous ferons quelques
remarques générales issues de notre corpus ; puis nous analyserons plus en détails
1 – Cet article a trouvé une première ébauche dans notre participation à un symposium sur la forma-
tion des enseignants (Delcambre & Daunay, 2005). Nous nous inscrivons dans le travail au long cours
d’Isabelle Delcambre sur les rituels (notamment Delcambre 2005a et 2005b).
34 B. Daunay & I. Delcambre
deux exemples, afin de tester notre cadre d’analyse, pour enfin poser la question
de la caractérisation générique du rituel.
On voit bien que l’indexation des activités aux champs disciplinaires est double :
– si ces domaines2 constituent un socle des apprentissages scolaires – qui
sont, eux, disciplinaires –, il est logique que la structuration de ces domaines
se fasse de façon descendante : ce sont bien les champs disciplinaires qui
justifient, a priori, les domaines d’activité ;
– dans la mesure où l’on repère des compétences correspondant à ces cinq
domaines d’activités (compétences listées à la fin des programmes), il est
clair que ce sont des champs disciplinaires identifiables qui structurent ces
compétences.
2 – Rappelons les cinq domaines d’activités répertoriées : le langage au cœur des apprentissages ;
vivre ensemble ; agir et s’exprimer avec son corps ; découvrir le monde ; la sensibilité, l’imagination, la
création.
Les rituels en maternelle : genre scolaire ou disciplinaire ? 35
Ce qui se joue ici – et c’est précisément une question didactique – est l’écart
entre la perception disciplinaire des activités, au moment même de leur réalisation,
par l’enseignant et par l’élève. Le champ d’horizon, qui donne du sens aux activités,
est bien la structuration disciplinaire des apprentissages ; mais ce champ d’horizon
est présent pour l’enseignant, il est à construire pour l’élève.
Mais cette problématique est-elle franchement différente à la maternelle et aux
autres niveaux d’apprentissage ? Que les disciplines soient effectivement nommées
à l’école élémentaire, au collège et au lycée est-il une garantie suffisante pour que
la tension entre les perceptions disciplinaires respectives de l’élève et de l’ensei-
gnant disparaisse ? C’est bien un enjeu didactique permanent que de permettre
à l’élève de référer telle activité à un champ disciplinaire donné, quel que soit le
niveau d’apprentissage. De ce point de vue, ce qui différencie école maternelle et
école élémentaire n’est que la décision initiale de référer telle activité à tel champ
disciplinaire3 .
Qu’est-ce que cela signifie que l’enfant d’âge préscolaire soit préparé
à l’apprentissage par matières à l’école ? Voilà ce que cela signifie :
l’enfant arrive à l’école, il commence à apprendre l’instruction ci-
vique, l’arithmétique, les sciences naturelles. Pour que l’enfant puisse
commencer à apprendre l’instruction civique, l’arithmétique et les
sciences naturelles, ne faut-il pas qu’il ait quelques représentations
générales des chiffres, des quantités ou quelques représentations gé-
nérales de la nature, de la société ? S’il n’a pas de tout cela une re-
présentation très générale, il lui est même impossible de commencer
un apprentissage par matières à l’école. Préparer cette représenta-
tion générale du monde de la nature, de la société constitue la tâche
immédiate que l’école assigne à l’éducation préscolaire.
Or Vygotski ajoutait :
3 – Cf. les propositions de Reuter (2003) et Lahanier Reuter & Reuter (2004) sur la notion de conscience
disciplinaire, en référence aux travaux de Brossard (1994 et 2002).
36 B. Daunay & I. Delcambre
ralisations mises en œuvre dans les activités4 . C’est dans ce cadre que nous nous
proposons d’analyser les rituels de maternelle, en ramenant la problématique qui
se dessine ici à une question somme toute banale : quels sont les interactions
qui réfèrent, plus ou moins clairement (sinon explicitement) à des savoirs (mais
aussi des savoir-faire) identifiables et didactisables, voire parfois didactisés dans
la situation analysée5 .
Nous nous en tenons à des aspects qui sont traditionnellement et sans discus-
sion possible (à l’heure actuelle du moins et à notre connaissance) référés à la
didactique du français. Ce qui nous amène à laisser de côté la question des inter-
actions verbales qui ne sont pas centrées sur des savoirs relevant de la didactique
du français. Ce choix est éminemment discutable, dans la mesure où précisément
peut se discuter l’appartenance à un champ didactique donné des pratiques lan-
gagières dans les disciplines : didactique du français ou autres didactiques ? Nous
laissons cette discussion de côté ici, parce qu’elle dépasse le cadre strict de la ma-
ternelle : elle se pose en fait à tous les niveaux d’enseignement et particulièrement
à l’élémentaire, depuis les nouveaux programmes en France (Bernié, 2004).
La question qui nous occupe ici est plus spécifique : dans quelle mesure peut-
on repérer du didactique dans les rituels de maternelle ? Et cette question sera
mieux posée si l’on s’en tient à une didactique, celle du français en l’occurrence.
Rappelons que notre question est triple :
– Quels sont les champs disciplinaires visibles dans les interventions de l’ensei-
gnante ? Cette approche se voudra objective en ce sens que nous ne ferons
qu’interroger des traces de surface, en les catégorisant selon notre propre
définition de la didactique du français.
– Quel est le degré de conscience chez l’enseignante du caractère didactique de
certaines de ses interventions ? Cette question est, elle, franchement subjec-
tive, en ce que nous nous demanderons si ces traces linguistiques de surface
peuvent permettre d’inférer une intention (par définition, dans un tel corpus,
indécelable) de l’enseignant. Mais le croisement de ces observations avec
les paroles des enseignantes sur leur cours peut donner une certaine vali-
dité à ces hypothèses : certains savoirs ou savoir-faire peuvent échapper à
la conscience de l’enseignant (du moins dans cette situation-là d’entretien),
tout en étant présents et identifiables par le chercheur dans la situation de
classe.
4 – Cf. Jaubert, Rebière & Bernié (2003, p. 75) : « À l’école maternelle, désigner un livre par son titre est
un acte de langage qui se développe au sein des règles de vie de la classe. Mais les enjeux culturels de la
« maîtrise des discours », leitmotiv des instructions du français en Collège, sont également concernés,
sans quoi on tombe dans la « rhétorique-fonctionnelle » des interactions ».
5 – On pourrait d’ailleurs analyser les rituels de maternelle, si on les envisage comme moyens de
construction des domaines d’apprentissages disciplinaires, comme des rites de passage, à la manière
de Delamotte et al., Passage à l’écriture, notamment p. 91 sqq.
Les rituels en maternelle : genre scolaire ou disciplinaire ? 37
ce sont pas les doigts qui parlent c’est la bouche ». Ce qui se joue dans ces
extraits est à la fois la volonté de poser comme distincts les actes de montrer
et de dire et de construire des situations (et les activités qui y contribuent)
permettant de faire en sorte que l’élève perçoive la différence et fictionna-
lise l’exposé : on pourrait montrer, mais on doit dire. On reviendra plus loin
sur cet aspect.
– Des conduites discursives proposées : « vous venez expliquer ce que vous
avez fait ? » ; « tu nous montres ce que c’est tu nous dis pourquoi tu l’as
ramené qu’est ce que c’est ? » ; « est ce qu’il y avait quelqu’un d’autre qui
avait quelque chose à raconter ? ».
– Des conduites d’interlocution entre élèves provoquées : l’enseignante es-
saie de créer une interaction sur un objet : « est ce qu’il y a quelqu’un qui
veut encore dire quelque chose à Samuel et Félicie ? » ; « Est ce qu’il y a des
enfants qui veulent demander quelque chose ou dire quelque chose à Anissa
et Caroline ? »
– L’identification d’objets culturels
• identification d’objets culturels et maniement de l’objet-livre ;
• identification fictif vs réel (on y revient plus loin)
• jeu entre réel et fictif : construction de l’imaginaire fictif : à propos d’une
maquette, l’enseignante demande : « Il y a des bonshommes et qu’est ce
qu’ils font ces bonshommes ? ». De telles interactions engagent en fait
l’apprentissage de la compréhension des histoires (cf. point suivant).
– La compréhension de l’écrit, particulièrement fictionnel
• dimension causale d’une histoire fictive (construction de scripts) : « Il va
dans un tiroir et pourquoi ? » ; « Il est blessé – Comment il s’est blessé ? qu’est
ce qu’il lui est arrivé ? – Il c’est arrivé à la voiture parce que la voiture elle a
roulé xxx elle avait mal ») ;
– Personnages, lieux, actions, objets.
Notre relevé fait apparaître dans les échanges des savoirs et des savoir-faire
disciplinaires (c’est-à-dire qui peuvent être aisément référés à une discipline).
Pour autant, fondent-ils un contrat didactique ? Ont-ils bien la fonction de savoirs
et de savoir-faire fondateurs d’une situation didactique ? Pour nous, pas plus que
pour Zerbato-Poudou, Mercier & Amigues (1997), il ne s’agit pas là de savoirs
protodisciplinaires (pour reprendre en l’élargissant, après d’autres, le concept de
Chevallard), mais bien de savoirs ou de savoir-faire qui relèvent d’une discipline
et qui sont susceptibles d’un apprentissage disciplinaire, au même titre que des
savoirs plus facilement identifiables (par les élèves comme par l’enseignant) dans
une situation où le savoir est plus centralement organisateur des apprentissages,
c’est-à-dire dès l’école élémentaire.
On peut considérer quatre façons d’inscrire ces savoirs dans une interaction :
Les rituels en maternelle : genre scolaire ou disciplinaire ? 39
7 – Nous empruntons le mot, de façon sauvage pour ainsi dire (parce que nous donnons à ce mot un
sens qui nous est propre) à Samuel Joshua (2003). Merci à Roland Goigoux d’avoir attiré notre attention
sur ce mot.
Les rituels en maternelle : genre scolaire ou disciplinaire ? 41
ces séances (dire et non montrer8 , parler en regardant le groupe et non la maî-
tresse, construire un discours quasi-monologique9 , face à un groupe constitué en
interlocuteur ou locuteur secondaire (poser des questions à celui qui présente).
Le placement / déplacement de l’élève-locuteur principal est représentatif de ce
que nous appelons le faire didactique. L’enseignante est parfaitement consciente
qu’il s’agit d’un savoir faire à construire (« Je trouve important de laisser ma place
à ce moment là parce que c’est une place stratégique je crois pour les enfants et
quelque part ils prennent la place de la maîtresse c’est eux qui sont acteurs et qui
mènent le groupe c’est pour ça moi je préfère faire ça plutôt que de les laisser
à leur place et qu’ils soient interrogés »). Ce savoir, explicite dans le discours de
la maîtresse, sous-tend l’organisation de la situation de parole. Ce n’est pas un
savoir disciplinaire (qui serait de type métacommunicationnel) à faire construire
par les élèves mais un savoir sur les conditions de l’apprentissage d’une parole
monologique qui guide l’action de l’enseignant. Le faire didactique repose sur un
savoir de l’enseignant (dont les composantes sont explicites pour lui, constituent
ses intentions d’enseignement et guident son action), mais il engage un faire des
élèves (un savoir-faire manié).
Et nous considérons que ce faire est didactique et non pédagogique dans la
mesure où l’apprentissage d’une conduite langagière (que nous attribuons à la
discipline français) est explicite pour l’enseignant.
On voit dans l’entretien comment ce faire didactique se décompose : prendre la
place de la maîtresse va de pair avec le fait de s’adresser au groupe en le regardant,
en parlant et en s’adressant à lui (« au tout début [Emma] elle avait du mal à entrer
en relation avec les autres et à parler alors que là elle a vraiment une attitude
de grande », « ce que j’aimerais au moins obtenir en fin d’année c’est qu’il y ait
plus d’interactions entre les enfants [...] qu’il y ait au moins ne serait-ce que le
regard c’est ça que le regard soit plus vers le groupe que vers moi ») voire en le
menant (« c’est eux qui sont acteurs et qui mènent le groupe ») ; en tout cas, il
s’agit clairement de construire un dispositif qui se démarque de la communication
pédagogique traditionnelle (« je préfère faire ça plutôt que de les laisser à leur place
et qu’ils soient interrogés »). Ces savoirs métacommunicationnels constituent les
savoirs théoriques de l’enseignante et sous-tendent son action, ce sont des savoirs
pour l’enseignant.
Dans la séquence analysée, une autre remarque, apparemment anodine, « tu me
8 – Dans la séquence analysée ici, cette opposition est présente dans le discours de l’enseignante :
TP 1 « tu vas montrer » reformulé en TP3 « qu’est-ce que tu as fait comme travail ? » : « montrer » est ici
à comprendre comme « dire ce que tu as fait ». L’opposition est présente mais non explicitée. Il s’agit
d’un savoir épididactique.
9 – Quasi-monologique car la maîtresse doit accompagner de son étayage la production langagière de
l’élève, peu capable encore, à 3 ans, de développer seul et longtemps un discours oral, mais l’institution
d’un locuteur principal tend vers la pratique orale monologique.
42 B. Daunay & I. Delcambre
l’as déjà dit », peut être considérée comme reposant sur un savoir épidisciplinaire.
L’exigence de varier les prises de parole, que l’on soit locuteur principal ou secon-
daire, est explicitée dans les entretiens menés avec les maîtresses en étant souvent
sous une forme négative ( »mon intervention est quasiment obligatoire [...] pour
poser des questions que les enfants n’ont pas l’habitude de poser » « Camille pareil
elle est très à l’aise déjà c’est un leader dans la classe et c’est vrai que c’est elle qui
va poser des questions même si elle pose toujours les mêmes questions elle est
dedans quoi par rapport à d’autres »). Le didacticien dira qu’une des tâches de la
maîtresse est de proposer des modèles discursifs de manière à amener les élèves
à varier leurs mises en mots, à ne pas les encourager dans des formes de reprise
répétitive. Cette attente renvoie à ce qu’on peut appeler à la suite d’É. Nonnon
(2001-2002) une prise de risque énonciative ; de ce point de vue, on peut considérer
que l’objectif ici n’est pas simplement pédagogique. La conscience épididactique
de la maîtresse entraîne un faire épididactique, à la limite de l’anecdotique, qui
peut se transformer en savoir explicite par exemple par la réitération et l’explici-
tation de cette exigence en situation de classe (à Camille « tu poses toujours la
même question tu ne veux pas en poser une autre ? »). Mais sommes-nous dans
du didactique ou du pédagogique ? Le didactique ici est assez fortement dilué :
c’est toute la difficulté de considérer le développement de conduites langagières
comme un contenu disciplinaire (de la discipline Français ou d’une autre) : la
focalisation sur le langage noie les savoirs disciplinaires.
Enfin, l’analyse de la séquence fait apparaître un savoir hypodidactique qui
renvoie à une expertise de l’enseignante dans l’organisation de son questionne-
ment mais qui n’est pas explicité dans l’entretien (cela dit, cette dimension avait
échappé aussi à l’enquêtrice au moment de l’entretien !). La maîtresse aide par
son questionnement l’élève à nommer les couleurs10 , puis elle lui fait dire ce que
représente le dessin réalisé avec le jeu Colorédo. On peut y voir l’organisation (en
préfiguration) d’une conduite de description, associant l’identification des parties
(ici les couleurs) à la dénomination du tout (le camion). Est-ce aller trop loin que
de considérer qu’il y a ici un savoir intuitif de l’activité langagière de description
qui sous-tend le questionnement et amène l’élève à porter deux regards différents
sur son travail (regard local, regard global) ?
L E FICTIF ET LE RÉEL
Certaines interactions construisent un monde fictif possible à partir d’éléments
concrets. Par exemple :
– À propos d’une maquette, l’enseignante demande : « Il y a des bonshommes
et qu’est ce qu’ils font ces bonshommes ? » ; puis, quand l’élève répond « ils
C’est ici une approche épididactique, où le savoir n’est pas occulté (hypodidac-
tique) ni énoncé (didactique) mais apparaît en acte.
Mais, comme on l’a vu par la citation du propos de l’enseignante dans l’entretien,
l’enseignante a une perception claire, (méta)didactique donc, de l’enjeu de savoir
que recèle cette interaction.
En revanche, ce n’est pas le cas de la suite, où l’enseignante demande à l’élève
si la cassette qu’elle a apportée contient une histoire : l’enseignante prend de
front ici la question didactique des genres culturels (film, dessin animé, Cendrillon,
Les trois petits cochons), et est clairement dans un approche épididactique dans
l’interaction avec l’élève, mais l’entretien ne fait pas apparaître qu’elle y voit là un
objet didactique pertinent : l’enseignante interroge ici la relation famille-école,
en détournant la question initiale de l’enquêtrice (« Elle a du mal à expliquer ce
qu’il y a dedans hein ? « ) Elle reste, sur cette question, dans un entre deux qui ne
permet pas de désigner clairement l’objet didactique, et s’en tient à une conscience
épididactique.
4 QUESTIONS DE GENRE
L’analyse qui précède montre plutôt des éléments épars, qui ne sont précisément
pas nécessairement cohérents d’un point de vue disciplinaire. De ce point de vue,
s’il y a du didactique dans les rituels, ces derniers ne forment pas une situation
didactique au sens strict. On peut en fait caractériser le rituel comme genre scolaire,
pédagogique ou didactique.
En tant que genre scolaire, il relève du « mode scolaire de socialisation » que
représente la « forme scolaire » (Vincent, Lahire & Thin, 1994, p. 39),
référence à la discipline ;
– en aval, l’objectif est bien, à la faveur de certains échanges, de construire chez
l’élève cette conscience disciplinaire ; et cela peut se faire quand bien même
l’enseignant n’en est pas conscient.
Notons que le fait que les disciplines puissent structurer les échanges en amont
empêche de parler de genre pré-disciplinaire.
Ce n’est donc pas seulement une acculturation à la forme scolaire ou pédago-
gique que vise le rituel, mais bien à des formes disciplinaires. Ce qui le caractérise –
et qui interdit que l’on parle de genre disciplinaire – c’est qu’il fond les disciplines
dans un discours qui n’est pas disciplinairement identifiable. Mais comme en
même temps le rituel se fonde sur les disciplines, la question n’est pas réglée...
L’un des buts du rituel est précisément de construire des champs disciplinaires
identifiables, et ce but donne en partie forme aux échanges qui s’y déroulent :
l’intention didactique dessine de multiples « contrats didactiques » au sein des
échanges, qui ne peuvent se dérouler efficacement que si la nature disciplinaire de
l’échange est perçue. C’est de ce point de vue que nous considérons possible d’ap-
préhender le rituel comme genre didactique, entendu comme forme de discours
qui peut être appréhendé comme la mise en œuvre d’une intention et d’une forme
didactiques. La difficulté de cette position tient au fait que, de la sorte, on donne
à didactique une extension plus générale, sans référer le mot à une discipline
particulière, mais au caractère disciplinaire de certains échanges, où sont en jeu
plusieurs disciplines...
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48 B. Daunay & I. Delcambre
Antoine T HÉPAUT
IUFM Nord – Pas de Calais
Équipe T HÉODILE (E . A . 1764)
Le genre est une réflexion d’actualité dans les études en didactique du français.
Il n’en est pas de même en éducation physique et sportive (EPS). Le genre dans
cette discipline est abordé sous l’angle du masculin et féminin, surtout depuis
que les travaux sur l’évaluation montrent une inégalité de réussite persistante aux
différents examens scolaires, en faveur des garçons (Combaz 1992, Cleuziou 2002,
Cogérino 2005).
Si la question du genre, défini comme manière de catégoriser des objets, des
œuvres littéraires est un problème pertinent en didactique du français, l’est-il
également en EPS ? Et plus loin, l’est-il en mathématiques, comme en toute autre
discipline scolaire ; cette question ouvre là une réflexion intéressante dans une
perspective comparatiste. Nous ne l’aborderons pas dans cet article. Nous ne
travaillerons pas ici le concept de genre dans une étude de didactique comparée.
Nous traiterons dans une première approche, à partir d’un exemple précis – celui
du traditionnel match de fin de séance lors de l’enseignement des jeux sportifs
collectifs à l’école élémentaire – comment le genre peut être exploité dans une
discipline, autre que celle qui a vu son émergence.
1 L E GENRE : UNE PRÉOCCUPATION SPÉCIFIQUEMENT LITTÉRAIRE ?
Catégoriser les objets en genre semble être une préoccupation propre au do-
maine de la littérature. Il n’est pas anodin ici que la définition du genre qu’en
donne tout dictionnaire d’usage courant, en réfère à la notion de genre littéraire.
Le genre : une manière de catégoriser les objets
Le match dans cette seconde approche, prend bien évidemment une toute autre
signification.
Le match de fin de séance [...] 55
On le voit, l’activité de l’élève mise en œuvre au cours du match est loin d’être
simple. Dans ce contexte, le match constitue-t-il un genre didactique ? Répondre à
cette question suppose d’observer et d’analyser des situations concrètes.
3 L E CONTEXTE DE L’ ÉTUDE
Afin d’étudier l’activité déployée en match par des élèves et de la comparer à
celle mise en œuvre au cours d’exercices, nous nous sommes appuyés sur des
observations réalisées lors d’une étude antérieure2 .
2 – Nous nous référons ici aux observations construites pour le travail de thèse (Thépaut 2002). Ayant
analysé le contrat didactique se développant aux cours de quelques situations d’exercice, le travail de
comparaison s’en est trouvé facilité.
Le match de fin de séance [...] 57
Chaque élève a ainsi vécu au cours de ces trois séances, deux fois le jeu de la
balle au capitaine, l’exercice avec cerceaux et participé à trois matchs.
Au cours de cet exercice, le maître souhaite que les élèves apprennent, lorsqu’ils
sont non-porteurs de balle, à se déplacer en avant du porteur de balle afin de lui
offrir des solutions d’échanges de la balle qui fasse progresser celle-ci vers la cible
adverse.
Le but du jeu est de parvenir par une série de passes à donner la balle à son
capitaine situé dans un cerceau à l’autre bout du terrain. A chaque fois qu’une
équipe y parvient elle marque un point. Les règles du jeu sont celles du basket-ball
rappelées en début de chaque séance. Au cours de cet exercice, le maître ajoute
une règle supplémentaire : le porteur de balle n’a pas le droit de se déplacer. Il doit
rester sur place. En interdisant ainsi au porteur de balle de se déplacer, l’enseignant
souhaite que les élèves comprennent que, lorsqu’ils sont non-porteurs de balle,
pour faire progresser la balle vers l’avant, ils n’ont pas d’autre solution que de se
déplacer vers l’avant.
L E JEU DU CERCEAU
l’autre du terrain pour marquer un point. Deux défenseurs sont présents sur le
champ pour l’en empêcher en cherchant à intercepter les passes. Le principe de
construction de la tâche est le suivant : sachant qu’il y a deux défenseurs pour
chaque ligne de trois attaquants, il doit nécessairement y avoir un joueur libre de
tout marquage, joueur à qui, bien évidemment le porteur de balle doit transmettre
la balle. Au cours de cet exercice, le maître souhaite donc que les élèves apprennent,
lorsqu’ils sont porteurs de balle, à regarder rapidement vers l’avant pour voir s’ils
ont un partenaire démarqué à qui transmettre la balle.
4 M ÉTHODOLOGIE
R ECUEIL DE DONNÉES
Chaque séance a été filmée à l’aide de deux caméscopes. Les enregistrements ont
donné lieu à une transcription écrite sous forme de tableau mettant en parallèle
l’activité et les interventions verbales de l’enseignant avec l’activité des élèves
selon les modalités suivantes :
Schémas
Activités et in-
Temps Activités (configurations
terventions ver-
déroulement des élèves successives du
bales du maître
jeu)
Pour la description de l’activité des élèves, nous avons effectué une sélection
en ne retenant que les modes de réalisation de l’exercice. Ainsi, pour le jeu de la
balle au capitaine, nous avons noté à chaque échange de la balle, les placements
et déplacements des partenaires et adversaires. Nous relevons en particulier si le
joueur non-porteur de balle se place en avant du porteur de balle, selon quelle
orientation et trajectoire, puisque tel est pour l’enseignant l’enjeu de la situation
d’apprentissage.
Nous avons procédé de la même sorte pour la transcription de l’activité en
match. Nous effectuons en même temps un relevé de quelques indications sur
l’évolution du rapport de force (nombre d’entrées en possession de la balle, nombre
de tentatives de tir, nombre de points marqués, ...)
C ADRE D ’ ANALYSE
C ADRE D ’ ANALYSE DES SPORTS COLLECTIFS
Pour analyser l’activité en match nous avons retenu des principes d’analyse
classiques (Bayer 1979, AEEPS 1984) en procédant à un découpage temporel et
spatial du jeu.
Le match de fin de séance [...] 59
5 R ÉSULTATS
O BSERVATIONS
L’activité de chaque élève est étudiée selon une double perspective :
1. diachronique : l’élève applique-t-il au cours du match qui suit, ce qui a été
abordé durant l’exercice précédent ?
2. synchronique : le jeu de l’élève évolue-t-il d’un match à l’autre ?
Pour construire cette première approche nous nous appuyons sur l’observation
et l’analyse de l’activité de quatre élèves.
60 A. Thépaut
A NALYSE ET INTERPRÉTATION
Les élèves appliquent-ils en match les solutions expérimentées, travaillées à
l’entraînement ?
1. Au cours des situations d’exercice, les élèves ne parviennent déjà pas à
appliquer la solution attendue par le maître.
Ces échecs, qui tiennent à de nombreuses raisons, sont liés notamment à la
complexité du « milieu » mis en place par l’enseignant (Thépaut & Léziart à
paraître). Ainsi, si Anaïs n’applique pas en match les solutions expérimentées
au cours de l’exercice, c’est parce qu’au cours de ce dernier, elle met en
œuvre une solution autre que celle qui est attendue, mais qui n’en est pas
moins efficace. Parce que Kéwin ne veut pas jouer le rôle de défenseur, elle
assume alors cette tâche en restant en permanence devant le capitaine
adverse. Toute situation de jeux sportifs collectifs contient une double tâche,
en attaque et en défense. Ici, en se dévouant pour l’équipe, elle ne s’occupe
que de la défense de la cible. À aucun moment elle ne participe à l’attaque.
Elle ne s’engage pas dans les situations de gagne terrain, de progression vers
l’avant.
2. Lorsque les élèves parviennent à réaliser la tâche, atteindre le but, ce n’est
pas, dans les exercices étudiés ici, par une application de la solution souhai-
tée par l’enseignant mais par un compromis entre ce qu’il attend et ce qui
est concrètement mis en IJuvre par les joueurs. Il semble s’opérer un accord
médian autour de solutions acceptables par les uns et les autres, permettant
de faire avancer le temps didactique. Ces modes de réalisation sont dans
certains cas intégrés en match, inexploités dans d’autres.
3. En match, la plupart des élèves adoptent des stratégies qui, pour être re-
produites régulièrement, apparaissent stabilisées. Mais il s’agit de stratégies
« individuelles », c’est à dire l’application de solution manifestant comment
chaque joueur voit la façon dont il faut être efficace, sans que cela ne donne
lieu à concertation, coordination préalable. Il n’apparaît pas de projet col-
lectif. Chacun jouant sa partition et adaptant son comportement au coup
par coup en fonction de la configuration du jeu.
La stratégie dominante adoptée est la suivante : les enfants ont bien compris
le sens du jeu, le fait d’aller placer la balle dans la cible adverse. Pour cela
ils savent qu’il faut faire progresser la balle vers le panier adverse pour être
le plus proche possible avant de tirer. La progression de la balle est assurée
de deux façons, soit le non-porteur de balle est en arrière du porteur de
balle, alors il se déplace pour monter à hauteur du porteur de balle, soit le
non-porteur de balle est déjà en avant du porteur de balle, alors il attend la
balle à l’arrêt, orienté vers le porteur de balle, dos à la cible.
Le match de fin de séance [...] 63
4. Lorsque les exercices sont assez proches de la situation de match (la balle au
capitaine) les réponses mises en œuvre montrent que les élèves ont tendance
à appliquer en situation d’exercice, les stratégies de match, c’est-à-dire ce
qui correspond à la façon de se représenter la tâche à réaliser et le rôle à tenir.
Il apparaît alors, pour ces cas étudiés, situation de début de cycle, l’enjeu du
jeu est plus important que l’enjeu d’apprentissage. Ils sont centrés d’abord
sur la réussite du jeu, la victoire sur l’adversaire, plutôt que de tenter de
résoudre le problème posé par la situation.
6 D ISCUSSION
– Le match constitue-t-il un genre ? La réponse ne peut être que prudente dans
l’état actuel des résultats. Il semble constituer un « objet didactique » particu-
lier susceptible de différencier les activités selon l’approche dans laquelle il
s’inscrit (activité d’application, activité de résolution de problème). Il néces-
site une étude plus approfondie pour identifier l’activité mise en œuvre par
les élèves. Les quelques observations rapportées semblent montrer que les
élèves n’apparaissent pas appliquer les solutions travaillées à l’entraînement.
Il y a là tout au moins, une relation traditionnellement établie qui mérite
d’être questionnée et retravaillée.
– Qu’apporte cette première approche à la problématique sur le genre ? Il ap-
paraît nécessaire de différencier l’aspect formel – ce qui relève du prescrit –
(Reuter 2005) et l’activité du sujet réellement mise en jeu. Nous renvoyons
ici à l’étude réalisée par B. Daunay (2005), à propos du commentaire. Ici,
les catégorisations scolaires proposées, selon les définitions que l’on y met,
ne renvoient pas aux mêmes activités de la part de l’élève et du maître. Le
travail passe alors par une étude et une description précise de l’activité de
l’enseignant et de l’élève à propos de l’enseignement apprentissage d’un sa-
voir donné. Nous retrouvons là une préoccupation identique dans les travaux
de didactique du français et de l’EPS. La notion de genre didactique peut être
un outil heuristique pour discriminer des fonctionnements didactiques diffé-
rents. L’étude confirme, qu’un même exercice scolaire, sous une appellation
identique, renvoie à des activités différentes, tant du maître que des élèves.
64 A. Thépaut
C ONCLUSION
La question du genre, entendue comme activité intellectuelle de catégorisation
a donné lieu à des développements importants en STAPS, à travers le débat sur
les classifications. Il s’agit de classer les différentes APS en fonction d’un cadre
d’analyse préétabli.
Nous retrouvons cette même préoccupation en EPS. Entre la nécessité de s’ap-
puyer sur plusieurs APS afin d’offrir une formation polyvalente ouverte sur les
différentes modalités de la culture corporelle et la construction d’unités d’appren-
tissage suffisamment longues pour favoriser l’émergence de réelles transforma-
tions motrices, il est apparu nécessaire de procéder à des regroupements et de
construire des catégories susceptibles de fonder un programme propre à la disci-
pline. Cette préoccupation, si elle paraît fondamentale ne concerne toutefois que
le premier versant de la transposition didactique (Léziart 1997). Elle ne permet pas
de décrire le fonctionnement des séquences. Rechercher des genres didactiques
relève d’un tout autre projet. Il s’agit de repérer des « objets didactiques » discrimi-
nants dans le fonctionnement du processus d’enseignement et d’apprentissage.
C’est à cette fin que nous nous sommes focalisés sur le moment du match lors
de l’enseignement des jeux sportifs collectifs. Le match constitue-t-il un genre
didactique ?
Traditionnellement proposé en fin de séance, il recoupe deux façons de conce-
voir l’activité sportive en même temps que deux approches des démarches d’en-
seignement. Abordé sous cet angle, il semblait intéressant de déterminer quelle
activité déploient les élèves lorsqu’ils sont en match. Sont-ils dans une activité de
réinvestissement des solutions abordées en cours ou dans une activité de résolu-
tion de problème posé par l’équipe adverse ?
L’étude réalisée, en s’appuyant sur l’observation de quelques élèves ne permet
pas de répondre formellement à cette question. Elle permet néanmoins de dégager
que la relation traditionnellement établie entre les exercices et le match d’appli-
cation est loin d’être effective. Les élèves, en appliquant une activité qui semble
autonome, montrent que le match constitue un moment particulier qui pourrait
constituer un objet didactique propre.
B IBLIOGRAPHIE
AEEPS (1984), Sports Co en milieu scolaire. Des stages amicale au nouveau bac,
Paris, AEEPS.
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activités physiques et sportives Toulouse, Privat, chap. 17, p. 241–273.
A RNAUD P. (1989) « Contribution à une histoire des disciplines d’enseignement :
la mise en forme scolaire de l’éducation physique », Revue française de péda-
Le match de fin de séance [...] 65
Le geste pédagogique
dans la formation des enseignants
de langue étrangère
Réflexions à partir d’un corpus
de journaux d’apprentissage
I NTRODUCTION
Depuis les années 70, certains gestualistes et didacticiens nord-américains et
européens s’intéressent aux manifestations non verbales dans la relation péda-
gogique en particulier en classe de langue et l’intérêt pour cette question est
actuellement grandissant1 .
En didactique des langues, la problématique du geste a été abordée sous diffé-
rents angles et porte généralement sur l’activité non verbale de l’apprenant, sur la
gestualité de l’enseignant, et, dans une autre perspective, sur le geste en tant que
contenu culturel.
L’analyse de l’activité non verbale des apprenants intéresse actuellement un
certain nombre de chercheurs comme, par exemple, M. Gullberg (1998) qui a
étudié les gestes en tant que stratégie compensatoire de communicationă ou
encore G. Stam (2002) qui travaille sur les gestes coverbaux en langue cible et le
développement d’une interlangue gestuelle.
Du côté des gestes de l’enseignant, il existe essentiellement des études descrip-
tives (Pavelin 2002 ; Lazaraton 2004). De rares études tentent d’évaluer l’impact
du geste pédagogique sur l’apprentissage et plus particulièrement sur la compré-
hension (Sime 2001 ; Tellier 2004) et sur la mémorisation de la langue cible par les
apprenants. Deux chercheures, à notre connaissance, ont réalisé des études expéri-
1 – Témoin le programme du dernier colloque de l’ISGS 2005 (International Society of Gesture Studies)
qui consacre une part plus qu’importante au geste dans l’enseignement.
68 L. Cadet & M. Tellier
2 – FLE : Français langue étrangère et EFL : English as a Foreign Language ou Anglais langue étrangère.
3 – Les emblèmes (Ekman & Friesen 1969) aussi appelés quasi-linguistiques (J. Cosnier 1982) sont
des gestes conventionnels qui traduisent des expressions idiomatiques. Ils peuvent accompagner
l’expression verbale ou la remplacer. En français par exemple, l’expression « mon œil ! » peut être
exprimée verbalement et / ou gestuellement par un geste de pointage (ou déictique) vers l’œil de
l’émetteur.
4 – La mention FLE est une option rattachée à certaines licences de langues vivantes, lettres modernes
et sciences du langage. Elle constitue la première étape de formation des étudiants qui envisagent de
devenir enseignants de français auprès de publics étrangers. Au moment où nous écrivons ces lignes,
la mention FLE est toujours proposée dans les universités qui n’ont pas encore appliqué la réforme
européenne LMD (Licence, Master, Doctorat ; voir l’arrêté du 23 avril 2002).
Le geste pédagogique dans la formation des enseignants 69
tion, le journal d’apprentissage, dans lequel les étudiants consignent leur expé-
rience d’apprentissage, notent leurs observations, leurs réflexions, leurs réactions
face à la langue nouvelle, vise à leur faire prendre conscience de leur pratique
apprenante et à leur faire expliciter leurs démarches d’apprentissage. Il s’agit donc
d’initier une réflexion sur l’apprentissage des langues en général à partir d’une
expérience personnelle d’apprentissage et l’on peut de ce fait considérer que pro-
poser une expérience comme celle-ci tend à respecter le principe selon lequel la
formation des enseignants de langue doit avant tout être « centrée sur l’appren-
tissage » (Porquier & Wagner, 1984). Le journal d’apprentissage est actuellement
utilisé comme outil de formation professionnelle privilégié dans presque toutes les
mentions FLE (Martinez 1994, Grandcolas & Vasseur 1999). Toutefois, la pratique
et l’organisation de l’activité journal d’apprentissage et l’appellation même de
journal d’apprentissage ne sont pas homogénéisées et diffèrent d’une université
à l’autre voire, au sein d’une même institution, d’un enseignant à l’autre (Cadet
2004b). Il semble que les contraintes imposées aux étudiants et le lieu même
dans lequel les journaux d’apprentissage sont produits ont une influence sur la
réalisation du travail et sur la façon dont les étudiants appréhendent et vivent
l’activité. Par conséquent, les journaux d’apprentissage peuvent être considérés
comme indissociables du contexte institutionnel et du dispositif dans lequel ils
s’inscrivent et duquel ils se nourrissent.
Dans le champ des études sur la gestuelle de l’enseignant, le choix d’un cor-
pus de journaux d’apprentissage comme objet d’observation est nouveau, voire
inattendu. En effet, en règle générale, les travaux qui s’intéressent aux gestes péda-
gogiques s’appuient principalement sur des observations in vivo effectuées par
le chercheur dans une classe (Barnett 1983 ; Antes 1996), sur des corpus vidéo re-
cueillis en classe (Pavelin 2002) ou de manière expérimentale (Tellier 2004 et 2005).
L’analyse des gestes de l’enseignant se fait alors à travers le regard du chercheur
qui décrit les manifestions non verbales dans l’acte pédagogique de transmission.
C’est donc le chercheur qui relève les gestes, les classe, parfois même leur donne
un sens. Les études dans lesquelles on demande aux apprenants d’analyser les
gestes de l’enseignant sont plus rares mais nous semblent tout à fait pertinentes
dans la mesure où elles nous permettent d’explorer, de l’intérieur, la manière
dont les apprenants perçoivent, ressentent et utilisent les gestes de l’enseignant.
On peut ainsi mentionner le travail de D. Sime (2001) qui, après avoir filmé des
séances de cours d’anglais langue étrangère, a demandé à des apprenants adultes
de visionner les enregistrements et de commenter les gestes de l’enseignante.
L’étude montre que certains gestes sont mal interprétés, parfois même non com-
70 L. Cadet & M. Tellier
pris des étudiants5 . De la même façon, M. Tellier (2004 et à paraître) a montré que
même s’ils sont d’une aide considérable pour la compréhension, certains gestes
d’adultes peuvent être mal interprétés par de jeunes enfants dans une situation
d’apprentissage précoce de langue étrangère6 .
Travailler à partir de journaux d’apprentissage nous situe à la confluence de ces
recherches. En effet, ceci devrait nous permettre de voir comment, en fonction de
leur double statut, des apprenants de langue engagés dans un cursus profession-
nalisant à l’enseignement du FLE abordent la question du geste pédagogique.
5 – L’exemple le plus parlant de ce travail est celui dans lequel l’enseignante essaie d’expliquer que les
films étrangers peuvent être en version originale sous titrée ou doublés. Pour expliquer »doublé », elle
mime une bouche avec sa main droite qu’elle place près de son visage. Un étudiant japonais participant
à l’expérience est dérouté par ce geste et explique qu’il signifie « stupide » au Japon, ce qui montre bien
que certains gestes, très marqués culturellement, peuvent induire l’apprenant en erreur.
6 – Au cours d’une expérimentation dans laquelle des enfants de cinq ans devaient identifier des
gestes d’adultes, le mime de l’action « boire » réalisé avec la main représentant une bouteille et dont le
goulot est le pouce, a été interprété comme étant « sucer son pouce » par la moitié des jeunes sujets.
(Tellier 2004 et à paraître)
Le geste pédagogique dans la formation des enseignants 71
à traiter les quatre thèmes proposés dans la grille et leur journal d’apprentissage
doit respecter l’ordre d’apparition de toutes les rubriques : observation de la
classe, observation de l’enseignant et de sa pédagogie, remarques et impressions
concernant l’apprentissage, réflexions linguistiques sur la langue-cible et enfin,
réflexions sur le rôle de cette expérience au sein de la formation.
Comme on peut le constater, la grille d’observation ne porte pas sur la problé-
matique particulière du geste pédagogique mais, dans la mesure où elle traite de
l’ensemble de l’acte d’enseignement / apprentissage, elle aborde aussi la gestuelle
de l’enseignant. C’est donc à l’intérieur de la deuxième rubrique que le regard et
la réflexion des étudiants ont été dirigés vers cette problématique à partir de la
question suivante :
L’enseignant utilise-t-il des mimiques faciales, gestes ou mimes ? Don-
nez des exemples. Cela vous a-t-il aidé ? Pour la compréhension ? Pour
la mémorisation ?
C’est à partir des réponses données par les étudiants à cette question que nous
procèderons à l’analyse et que nous tenterons de montrer comment ils perçoivent
le geste pédagogique. L’initiation à une langue nouvelle doit permettre aux étu-
diants de confronter les éléments vus en cours à l’expérimentation personnelle
afin de faire le lien entre théorie et pratique. Nous tenons toutefois à signaler que,
dans l’analyse d’un tel corpus, il est parfois difficile de distinguer le témoignage
d’une expérience personnelle d’apprentissage de la répétition massive du cours
théorique de didactique. L’enseignante de didactique qui a évalué les journaux
d’apprentissage et qui est aussi une des auteures de cet article a parfois relevé des
remarques qui tenaient plus de la reprise du cours que de la description d’une
expérience vécue. Ceci pourrait être rapproché de ce que nous appellerons, sur le
modèle du « paradoxe de l’observateur » développé dans les années 70 par W. La-
bov, le « paradoxe du lecteur ». En effet, la figure de l’enseignant-destinataire du
journal d’apprentissage exerce une influence sur le contenu du journal et nous
ne devons pas oublier qu’un rédacteur tel qu’un étudiant de licence va adapter
son discours en fonction des attentes de l’enseignant qu’elles soient réelles ou
supposées (Cadet 2004 a et b).
pourrait expliquer la diversité des remarques des étudiants concernant les gestes
des enseignants. Toutefois, à la lecture des journaux d’apprentissage, un nouveau
constat s’impose. La perception de la gestuelle des enseignants diffère souvent
d’un étudiant à l’autre, et ce, considérablement, au sein d’une même classe.
1.D ES PERCEPTIONS DIFFÉRENTES
Ainsi dans V 2 et V 37 et dans R 2 et R 5, on remarque que même s’ils ont partagé
la même expérience, les étudiants n’ont pas toujours une perception identique
du geste pédagogique. Là où les uns voient une multitude de manifestations non
verbales, les autres n’en relèvent pas ou peu. En tout cas, ils ne leur accordent pas
la même place dans leur apprentissage et par conséquent dans leur journal :
V 2 Aucune mimique faciale ou mime n’ont été utilisés lors des séances.
V 3 Le professeur utilise beaucoup de mimiques faciales et de gestes pour nous
permettre de mieux percevoir la tonalité et le rythme de la langue.
Ceci nous renvoie à la notion de « profil » d’apprenant et suggère que chaque
individu appréhende différemment les divers supports pédagogiques en fonc-
tion de sa modalité (kinesthésique, visuelle, auditive) d’apprentissage privilégiée
(Trocmé-Fabre 1987).
QUEL IMPACT SUR L’ APPRENTISSAGE ?
Ainsi dans la classe, l’information est transmise par le biais d’une multitude
de supports concomitants et complémentaires qui sont saisis différemment par
chaque apprenant. Le geste doit être considéré comme un de ces supports. Il peut
être ou non explicitement repéré comme aide tant pour la compréhension que
pour la mémorisation et, par voie de conséquence, pour l’apprentissage (R2, R6).
R 2 L’enseignante utilisait beaucoup de gestes pour la compréhension du vocabu-
laire lorsque ce dernier était donné sans l’appui du manuel [...]. Cela aidait
beaucoup pour à la compréhension mais également à la mémorisation des
formules. En effet, dès que je recherchais la forme de la question ou de la
réponse, je revoyais le geste. »
R 6 « Cela m’a aidée à comprendre à peu près ce qu’elle voulait nous dire, mais
ses gestes ne m’ont pas aidée à mémoriser.
En outre, on peut émettre l’hypothèse que la gestuelle pédagogique s’adapte
aux particularités de chaque langue pour, supposément, en faciliter la transmis-
sion. Ainsi par exemple, dans la majorité des journaux de vietnamien, on constate
7 – Après avoir été classés de manière aléatoire, de 1 à 8 pour le vietnamien, de 1 à 6 pour le hongrois
et de 1 à 9 pour le russe, les journaux ont été codés comme suit : vietnamien 1 =V 1 et ainsi de suite,
hongrois 1 =H 1 et ainsi de suite, russe 1 =R 1 et ainsi de suite.
Le geste pédagogique dans la formation des enseignants 73
R 6 Cela m’a aidée à comprendre à peu près ce qu’elle voulait nous dire, mais
ses gestes ne m’ont pas aidée à mémoriser.
Comme le révèlent les extraits cités, c’est parce que les apprenants n’ont pas
tous la même perception du geste et parce qu’ils n’utilisent pas de la même façon
le support gestuel qu’il existe une grande variété dans leur témoignage.
D ÉFINIR LE GESTE PÉDAGOGIQUE : UNE TÂCHE COMPLEXE
À ces deux facteurs, nous pouvons en ajouter un troisième : les apprenants ne
construisent pas la même définition de la notion de geste pédagogique ce qui
les amène à observer des manifestations non verbales différentes et peu ciblées.
Certes, ils relèvent des gestes d’information mais sont moins attentifs aux gestes de
gestion de la classe (deux exemples sur la totalité du corpus qui portent sur l’ani-
mation de la classe et la distribution des tours de parole) et aux gestes d’évaluation
(une seule occurrence en R 8).
L’étude des témoignages révèle également que les étudiants ne mettent pas
toujours sous l’appellation « geste », les mêmes manifestations non verbales. Ainsi,
certains se focalisent sur les mouvements des mains, d’autres sur les mimiques
faciales des émotions, d’autres encore sur les postures... certains même font état de
manifestations gestuelles qui ne sont pas pédagogiquement pertinentes, comme
dans l’extrait issu de R 8 :
R 8 Les seuls gestes et mimiques que nous pouvions déceler aux cours suivants
étaient involontaires et plus représentatifs de la démotivation et du découra-
gement que d’un support didactique.
Cet extrait met en évidence le fait que la notion de geste pédagogique est encore
abstraite pour les apprenants et qu’il convient en formation d’en donner une
définition claire et apte à les guider dans l’observation et dans l’analyse.
3 QUELLES PROPOSITIONS POUR INTÉGRER LE GESTE PÉDAGOGIQUE
À LA FORMATION ?
G ESTES ET GESTES PÉDAGOGIQUES : DÉFINITIONS
Le geste est au cœur des études de la communication non verbale qui comprend :
« [...] des gestes, des postures, [...] des orientations du corps, [...] des singularités
somatiques, naturelles ou artificielles, voire [...] des organisations d’objets, [...]
des rapports de distance, entre les individus, grâce auxquels une information
est émise » (Corraze 1983, p. 13). Elle comprend donc des éléments relevant à la
fois de la proxémie et de la kinésie. Les différentes recherches qui s’intéressent
à la gestuelle la situent toujours dans une situation de communication de la vie
quotidienne. Dans la présente recherche, nous nous intéressons aux gestes pro-
duits dans une situation de communication spécifique, la classe de langue, où
Le geste pédagogique dans la formation des enseignants 75
l’espace) ainsi que le travail sur la relation entre corps et supports pédagogiques
ne tiennent que peu de place dans le cadre des formations professionnelles à l’en-
seignement. Sur ce dernier aspect, C. Tagliante (1994, p. 63) soulève, par exemple,
la question du tableau « L’enseignant ne peut pas imaginer la classe sans écrire
ou dessiner [au tableau]. S’en préoccupe-t-on dans la formation initiale ? Non, la
fée pédagogie s’étant une fois pour toute penchée sur le berceau des futurs ensei-
gnants, le don d’utiliser le tableau est désormais considéré comme inné ». Ainsi,
tout comme l’enseignant n’est pas préparé à l’utilisation du tableau ou à la mise
en place de sa relation pédagogique avec le groupe-classe, il n’est pas non plus
formé à se mouvoir dans l’espace, à contrôler sa posture ou à produire des « gestes
stratégiques ». Le « savoir-être dans la classe » et l’utilisation du corps et de l’espace
semblent eux-aussi être considérés comme innés, comme un don qu’il n’est pas
nécessaire de développer du moins en formation initiale (en formation continue,
il existe par exemple des ateliers du type « formation au sosie » ou « autoscopie »
qui permettent de prendre conscience de l’image que l’on renvoie mais l’impact
du geste sur les processus cognitifs de l’apprenant n’est pas pris en compte .)
De la même façon qu’il existe des différences dans la perception du geste pé-
dagogique chez les apprenants, il y a une grande variabilité dans la production
gestuelle entre les individus (amplitude, fréquence, iconicité du gesteĚ) qui dé-
termine le profil gestuel de chacun. Cette notion peut être rapprochée du « profil
prosodique » développé par E. Guimbretière (2000, p. 297), lui-même composé
de différents paramètres tels que « le débit, la vitesse d’articulation régulière ou
irrégulière, rapide, lente ou normale, comportant ou non des accélérations ou
des décélérations » ainsi que « les phénomènes de segmentation et de structura-
tion de la chaîne sonore, illustrés principalement par les pauses-silences (arrêt de
l’émission sonore) ou pauses remplies » et les faits d’accentuation.
Ainsi, notre objectif n’est pas d’imposer un guide pratique de la gestuelle de
l’enseignant, ce qui nous semble illusoire et artificiel, mais de permettre aux futurs
enseignants de conscientiser et d’optimiser leur propre gestuelle en l’adaptant au
cadre communicatif spécifique de la classe de langue (interlocuteurs multiples,
distance de communication, asymétrie dans la maîtrise de la langue véhiculaire).
Dans cette perspective et compte tenu de tout ce qui a été évoqué précédem-
ment, on pourrait imaginer une intégration de la réflexion sur le geste dans la
classe à la formation initiale des enseignants de langue. Au stade actuel de notre
recherche, deux propositions nous semblent possible : soit créer un module spé-
cifique autour de la thématique « geste et enseignement / apprentissage » qui
couvrirait les différents aspects et fonctions du geste, soit une intégration théma-
tique et fonctionnelle de chaque facette du geste à une formation globale comme
l’illustre le tableau ci-après.
Le geste pédagogique dans la formation des enseignants 77
Place dans la à intégrer dans la créer un module à intégrer dans le à intégrer dans
formation réflexion sur l’en- de réflexion et module de forma- le module de for-
seignement de la d’analyse autour tion sur la gestion mation sur l’éva-
culture-cible du geste en classe de la classe luation
de langue
Quelle que soit l’option choisie, elle devra privilégier trois aspects essentiels :
la conscientisation du profil gestuel, la réflexion sur l’impact du geste sur l’ap-
prentissage et le travail d’adaptation de la gestuelle de l’individu à la gestuelle de
l’enseignant.
C ONCLUSION
Tout comme l’acteur ou l’homme politique, l’enseignant se trouve, de par son
rôle dans la classe, dans une position à part. Face à un auditoire, il doit transmettre
de multiples messages (informations sur la langue, consignes, évaluations) en
adaptant, d’une part, sa gestuelle au niveau de l’amplitude afin qu’elle puisse être
perçue par tous et, d’autre part, la forme de son geste afin d’en ôter toute ambi-
guïté pour en faciliter le traitement. Être conscient de son profil gestuel permet
de s’interroger sur sa pratique enseignante et sur son utilisation du corps et de
l’espace. De ce point de vue, le geste de l’enseignant appartient à une pratique
comportementale professionnelle au même titre qu’adapter sa voix à la situa-
tion de communication, savoir capter l’attention... Dans ce sens, nous rejoignons
donc G. Calbris et L. Porcher qui soulignaient (1989, p. 21–22), à propos des com-
municants efficaces, que « les gestes appropriés à un message [...] ne sont pas
aléatoires [et qu’] il faut en acquérir la maîtrise au point qu’ils paraissent non
appris, "spontanés" ». Travailler sur cet élément constitutif de l’acte d’enseigne-
ment nous apparaît donc fondamental en formation mais il convient également
de s’interroger sur la façon dont les apprenants perçoivent le geste et structurent
par rapport à lui leurs apprentissages. Ceci obligera l’enseignant à multiplier les
supports et à intégrer cette réflexion / conscientisation dans sa pratique. Connaître
l’impact du geste sur l’apprentissage permettra ainsi d’utiliser le geste à meilleur
escient.
78 L. Cadet & M. Tellier
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IUFM Nord–Pas de Calais, Arras, 24-26 Mars 2004. [ CDROM ].
Comment évaluer
les compétences narratives
des enfants
à partir de la diversité
des conduites narratives ?
Nathalie S ALAGNAC
Université Charles–de–Gaulle — Lille III
Équipe T HÉODILE (E . A . 1764)
I NTRODUCTION
Dans l’analyse des récits enfantins, poser le problème de l’évaluation des com-
pétences narratives des enfants me semble être un point très délicat. En fait, cela
reviendrait à se demander s’il existe des compétences narratives spécifiques en
dehors de ce qui est produit à tel moment, sur tel thème. En m’appuyant sur les
travaux de F. François , E. Sabeau Jouannet et sur ceux de R. Delamotte je pense
qu’un enfant qui n’est pas capable de raconter son plus horrible cauchemar, se-
rait peut être tout à fait capable de raconter son plus gros mensonge. Ainsi, on
peut penser que le terme appliqué au genre narratif n’est pas très adéquat. Si l’on
veut cependant évaluer ce que les enfants sont capables de raconter, il faut donc
envisager l’évaluation en lien avec une situation narrative particulière. Ainsi, les
résultats obtenus rendront compte des compétences narratives des enfants dans
la situation proposée et non pas d’un point de vue général.
Dans cette optique, j’ai repris le corpus de ma thèse qui portait sur la restitution
orale d’un album illustré : Arc en ciel le plus beau poisson des océans de Marcus
Psister. Je centrerai mon analyse sous la forme d’un « repérage » et d’une évaluation
des compétences narratives orales dans une situation de restitution. Les étudier à
partir d’une situation de restitution me paraît être intéressant pour plusieurs rai-
82 N. Salagnac
sons. Ici, je n’en retiendrais que trois : 1o lors de la restitution orale, on peut évaluer
les compétences des enfants à partir d’un récit d’origine, c’est-à-dire évaluer les
éléments repris ou non, 2o mais on peut également mesurer la diversité des récits
produits c’est-à-dire voir à partir d’un récit commun les variations apportées par
les enfants. 3o Enfin, on peut analyser l’importance de la complexité des récits
produits.
Afin de proposer un outil d’analyse valide dans cette situation particulière, je
vais présenter une proposition de classification des récits en fonction de leur
complexité. Ensuite, je montrerai comment se distribuent les récits restitués à
partir de cette classification selon l’âge des enfants en insistant sur les effets des
situations de restitution (à savoir présence ou non du livre et nombre de lectures).
En préalable, je vais rappeler brièvement quelques éléments d’ordre méthodo-
logique.
1 M ÉTHODOLOGIE
L’intégralité de ce corpus a été recueilli dans le cadre scolaire. Il se compose de
soixante-treize récits d’enfants de classe de moyenne section, de grande section
de maternelle et de cours préparatoire. J’ai choisi d’étudier ces reformulations à
partir de deux restitutions des enfants : une effectuée sans le livre et une effectuée
avec le livre. J’ai aussi distingué deux sous groupes d’enfants : ceux à qui l’histoire
a été lue une fois et ceux à qui l’histoire a été lue plusieurs fois. Ces variables m’ont
permis de mesurer la diversité des récits produits par les enfants. Enfin, j’ajoute
que le degré de participation orale de l’interlocuteur était très faible. Le but étant
de laisser un maximum d’espace discursif à l’enfant. L’adulte ne devait intervenir
que si l’enfant manifestait de réelles difficultés dans l’acte de raconter.
2 P ROPOSITION DE CLASSIFICATION
La classification des récits proposée se base sur la complexité des récits produits.
J’envisage cette complexité de deux points de vue : du point de vue de la trame nar-
rative et de la nature des dramatisations. Cette notion, développée par F. François ,
prend en compte non seulement les types d’évaluations proposés par W. Labov
mais également d’autres procédés rendant compte d’une certaine « épaisseur » du
récit tels que les contrastes par exemple et la notion de point de vue. J’ai catégorisé
les récits en quatre groupes : 1o les récits lacunaires, 2o les récits minimaux, 3o les
récits dramatisés et 4o les récits multiples.
Voyons plus précisément ces quatre catégories de récits.
L E RÉCIT LACUNAIRE
Le premier type de récit, est un récit que les enfants n’ont pas mené à son terme.
Étant dans une situation particulière de restitution, certains des enfants ont signalé
Comment évaluer les compétences narratives des enfants [...] ? 83
Prénom Angeline
Classe moyenne section
Support sans le livre
Nombre de fois lue une fois
Durée de l’enregistrement 1 minute et 19 secondes
Étudiante Lætitia
Læ 1 alors tu vas me raconter l’histoire d’Arc-en-ciel, une première fois puis après
tu racont’ras avec le livre. d’accord ? exemple 1
Ang 1 d’accord
Læ 2 tu me racontes c’qui s’est passé ?
Ang 2 hum hum <pause 3 s> euh les petits poissons i [z] ont voulu une de ses
é-cailles # et Arc-en-ciel il a dit « non ».
Læ 3 hum hum
Læ 4 ah bon ?
Ang 3 euh <pause 2 s> après < en chuchotant > <pause 11 s> qu’est-ce qui s’est
passé après euh : : <pause 2s> m’en rappelle p(l)us
Læ5 - c’est vrai déjà. qu’est-c’ qui s’est passé après. alors : ?
Ang 4 elle a été voir l’étoile de mer. # elle lui a expliqué son histoire # euh après
elle est partie. l’étoile de mer elle a elle lui a dit qu’i y a une grotte + avec une
pieuvre. # et : après, elle est lui a donné un conseil.
Læ 6 ah oui
Læ 7 hum hum
Læ 8 hum hum
Læ 9 ah : et c’était quoi l’conseil ?
Ang 5 <pause 3 s> m’en rappelle p(l)us
Læ 10 ah bon. [ba] c’est pas grave. <pause 5 s> c’est tout ?
Ang 06 inaudible,2s
Læ 11 ah : tu veux raconter avec le livre maint’nant ?
84 N. Salagnac
Malgré les interventions de l’adulte, Angeline n’a pas pu terminer son récit.
Elle a donné des éléments du récit initial, comme les personnages qui ont été
presque tous repris ainsi que quelques évènements. Mais la non conservation du
genre lors de la reprise anaphorique du personnage central (une fois « il » puis
« elle ») ne permet pas d’établir une réelle cohésion et par la même une véritable
progression du récit. Cependant, on sait que la conduite anaphorique se met en
place assez tard dans les récits des enfants (environ 6 ans) d’après les auteurs tels
que M. Hickmann et G. de Weck. J’ajoute que son récit est ponctué de pauses et
d’hésitations qui peuvent manifester par exemple : soit une difficulté à raconter
soit le besoin d’un temps important pour l’élaboration de son récit.
L E RÉCIT MINIMAL
W. Labov définit le récit minimal comme « toute suite de deux propositions
temporellement ordonnées, si bien que l’inversion de cet ordre entraîne une
modification de l’enchaînement des faits reconstitués au plan de l’interprétation
sémantique. »
En m’appuyant sur cette définition, j’envisage le récit minimal comme un ré-
cit avant tout événementiel. Il se traduit par une succession d’événements sans
changer de héros. Prenons l’exemple du récit d’Alexis.
Prénom Alexis
Classe moyenne section
Support sans le livre
Nombre de fois lue une fois
Durée de l’enregistrement 1 minute et 21 secondes
Nat 1 alors quand tu es prêt tu commences. d’abord sans le livre. alors c’est l’his-
toire de quoi ? exemple 2
Ale 1 hum + des chenilles.
Nat 2 <pause 6 s> qu’est-ce qui s’est passé dans cette histoire que je t’ai lu ?
Ale 3 et ben, y avait Arc-en-ciel i voulait pas prêter ses écailles. <pause 7 s> il est
allé voir la pieuvre. et après il il a prêté <pause 26 s>
Nat 3 tu as fini ou y a autre chose ? tu penses à autre chose ? ++ quand tu as fini tu
me dis c’est fini.
Ale 4 <en chuchotant> j’ai pas fini.
Nat 4 ben alors, vas-y je t’écoute.
Ale 5 y avait Arc-en-ciel qui voulait pas prêter + l’écaille à le petit poisson. + c’est
fini.
Comment évaluer les compétences narratives des enfants [...] ? 85
Prénom Pauline 1
Classe moyenne section
Support avec le livre
Nombre de fois lue plusieurs fois
Durée de l’enregistrement 3 minutes 28 secondes
L’enfant a du mal à entrer dans l’activité. Elle consulte le livre seule avant l’enregis-
trement.
Nat 1 alors + c’est l’histoire de quoi ? exemple 3
Pau 1 de ++ d’Arc-en-ciel
Nat 2 hum <pause 33 s> et puis
Pau 2 < pause 26 s> je sais pas
Nat 3 tu étais là quand j’ai raconté l’histoire ?
86 N. Salagnac
Pau 3 P. acquiesce
Nat 4 je l’ai racontée au moins trois fois l’histoire <en fait la maîtresse l’a raconté
deux fois>. qu’est-ce qui lui arrive ?
Pau 4 + euh + i voit un poisson. i dit « Arc-en-ciel, donne-moi une de tes petites
écailles. » < tourne la page, pause 5 s> là tout le monde vienne à cô à côté de
lui pour pour prend(r)e pour pour prendre une une écaille. <tourne la page>
et là il rencontra la l’étoile <tourne la page ; pause 5 s> là c’est Octopus la
PIEUvre. <tourne la page ; pause 5 s> soudain, deux yeux brillaient dans le
noir. <pause 4 s> euh + « mais donne-leur lui une de tes petites écailles ? »
« OH NON ! » <tourne les pages ; pause 16 s> « Si + s’il te plait donne-moi une
de tes écailles ! » + « d’accord, mais une petite ça se verra pas. » <tourne la
page> et tous les poissons i venaient autour de lui pour avoir une éCAille.
<tourne la page> et tout le monde en avait. <tourne la page> i il lui en restait
encore là. <tourne la page> main(te)nant i s’en va avec plus qu’une écaille
<pause 5 s>
Nat 5 c’est fini ?
Pau 5 acquiesce.
On note d’emblée que ce récit n’est pas un récit minimal car il présente de
nombreux éléments narratifs ainsi que différents éléments de dramatisation. On
remarque, par exemple, la présence de nombreux contrastes.
L ES CONTRASTES
On peut définir les contrastes dans la rencontre et l’opposition. En effet, ils
interviennent dans la rencontre de deux intensités, deux temps qui s’opposent,
deux verbes qui se succèdent, deux types de discours. Ils apparaissent très souvent
dans la narration. Je vais insister ici sur ceux qui expriment particulièrement la
dimension dramatique des récits.
deux yeux brillaient dans le noir <4 s> heu , mais donne-leur lui une de
tes p’tites écailles ? OH NON ! <16 s, Pauline tourne les pages> si s’il te plaît
donne-moi une de tes écailles exemple 4
Le contraste ne réside pas dans le fait de donner ou de ne pas donner l’écaille. Il
s’agit d’un contraste par un ancrage référentiel différent du discours rapporté. Le
discours est attribué à différents personnages. J’ajoute que ce contraste indique
également un changement de point de vue.
donne-lui exemple 5
donne-moi
Comme le souligne W. Labov, les contrastes sont marqués par la présence des in-
tensificateurs. On remarque ici la présence d’une différence d’intensité phonique :
Comment évaluer les compétences narratives des enfants [...] ? 87
Ici, on peut relever deux types de contrastes. Le premier lié à la relation des
procès et à l’emploi des temps des verbes. Le second, plus important réside dans le
passage d’une conduite déictique « là c’est Octopus » à une conduite non déictique
« soudain, deux yeux br i l l ai ent dans le noir ».
On rappelle que la conduite déictique telle que l’a définie Karmiloff-Smith fait
référence au fait que l’enfant construit son discours à partir du support imagé (ré-
férent) et non pas à partir d’une représentation discursive (planifiée par exemple).
Cet exemple illustre bien le passage entre les deux conduites dans la mesure où
effectivement Pauline disposait du livre au moment de la restitution.
On peut remarquer que d’autres éléments de dramatisation apparaissent dans
ce récit comme celui du mélange des genres.
L E MÉLANGE DES GENRES
La présence du discours rapporté correspond à un mélange des genres puisqu’il
fait à la fois intervenir le genre de la narration et celui du discours direct. Pauline
l’utilise à plusieurs reprises, soit en l’introduisant :
i dit « Arc-en-ciel, donne-moi une de tes petites écailles » exemple 9
ou encore
si s’il te plaît, donne-moi une de tes écailles.
d’accord mais une petite, ça s’verra pas.
88 N. Salagnac
L E RÉCIT MULTIPLE
Le récit multiple comporte en plus des évaluations du récit dramatisé, des
dramatisations externes au récit, comme des anecdotes ou des parallèles. Ce
sont des moments où l’enfant sort de son récit pour parler d’autre chose : il peut
faire des commentaires sur l’image, sur les personnages ou faire un lien avec une
anecdote.
Prénom Agathe
Classe moyenne section
Support avec le livre
Nombre de fois lue plusieurs fois
Durée de l’enregistrement 3 minutes et 13 secondes
Aga 1 arc-en-ciel il a pas envie d’donner ses é-cailles. c’est un beau poisson + et
il donne + il a les c + il s’appelle Arc-en-ciel pa(r)ce que i il a les couleurs +
de l’arc-en-ciel. <tourne la page> et les poissons i veulent une écaille mais
Arc-en-ciel il a pas envie d’en donner. <tourne la page> alors après, le petit
poisson + i veut une écaille mais Arc-en-ciel il dit « non » et + et il dit un truc
méchant au p’tit poisson <Agathe reprend sa respiration tourne la page>
alors après, le p’tit poisson i dit ça à TOUS les aut(r)es poissons. alors, plus
personne ne veu voulait a adresser la parole à Arc-en-ciel. <Agathe tourne la
page> euh + après i va voir l’étoile + de mer. et l’étoile de mer lui dit .euh +
euh.ă« dans la grotte hum.. elle s’appelle OCTOPUS. elle sait plein d’choses
OCTOPUS. » <tourne la page> A Otopus i lui dit tout + ARC-EN-CIEL. mais
Octopus dit lui aussi i i i dit + euh + i dit + les vagues i i lui ont rapporté
son his-toire à Arc-en-Ciel. <tourne la page> et Arc-en-ciel après i i veut
pas. i il a disparu derrière un nuage + et après il est +.i veut i donn’ra jamais
une de mes belles é + de ses belles écailles. <tourne la page> alors après, le
p’tit poisson i veut une écaille et Arc-en-ciel i i veut. après + i va lui donner
une éCAille. <tourne la page> i lui donne une écaille. ++ <Agathe tourne la
page> il lui donne là. là il est en train d’ lui donner une écaille + brillante.
normalement les poissons ça ça ça peut pas donner des trucs ! <tourne la
page> alors après, [b ?] + lui au lui il a une écaille ! <tourne la page> là après,
Arc-en-ciel i distribue les écailles + mais sauf que y’en a un qui en aura
pas, mais on le voit pas. <tourne la page> maint’nant tout l’ monde a une
écaille. Arc-en-ciel il n’en a qu’une. + tout l’ monde en a une + vraiment
TOUT L’ MONDe <tourne la page> Oups + et Arc-en-ciel après i repart + i
part <tourne la page> et c’est terminé.
Nat 2 et ben c’est très bien Agathe.
Le récit d’Agathe est fortement dramatisé car nous retrouvons tous les éléments
énoncés précédemment.
L ES CONTRASTES
Les contrastes sont marqués par la présence des intensificateurs. Dans le récit
d’Agathe l’accent est mis
– soit sur une partie d’énoncé comme dans :
vraiment TOUT L’ MONDE exemple 13
ou OCTOPUS
– soit sur le nom des personnages, comme « OCTOPUS », qui est très intensifié.
On note aussi la présence des quantificateurs. D’après W. Labov, c’est un des
procédés les plus utilisé afin de donner de l’intensité aux propositions. Si on prend
90 N. Salagnac
L ES CONTRASTES TEMPORELS
après + i va lui donner une écaille. il lui donne une écaille.++ il lui donne là.
là il est en train d0 lui donne(r) une écaille+brillante. exemple 15
i i i dit heu i dit "les vagues i i lui ont rapporté son histoire à Arc-en-CIEL"
exemple 16
Dans l’exemple 17, l’explication « il a les couleurs de l’arc en ciel » est introduite
par « parce que ». Cette conduite intervient au début du récit et cette explica-
tion semble nécessaire à la compréhension du récit. En effet, Agathe commence
son récit par un événement puis revient sur la présentation du personnage. Elle
interrompt son énoncé afin d’expliquer la raison du nom porté par le héros.
Dans ce récit, on remarque la présence des commentaires. Le commentaire
constitue un des procédés de dramatisation qui n’existait pas dans les types de
récits précédents. Ainsi Agathe fait des commentaires sur son propre récit :
là après arc-en-ciel i distribue les écailles, mais sauf que y’en a un qui en
aura pas mais on le voit pas. exemple 19
Ce qu’ajoute Agathe (exemple 19) n’existe pas dans le récit. Elle a inventé le fait
qu’un des poissons ne reçoive pas d’écaille. Devant la surprise de l’institutrice,
puisque sur l’illustration tous les poissons ont une écaille, elle ajoute « on ne le
voit pas » Cet ajout manifeste l’implication d’Agathe dans la narration. Il peut être
également un indicateur du plaisir qu’éprouve cette enfant à raconter, à inventer
des histoires.
Globalement, ce récit complexe est surtout traversé par des dramatisations va-
riées. Le poids des commentaires est faible par rapport à l’importance des drama-
tisations. C’est un récit où le mélange des genres constitue l’un des organisateurs
dominants. La présence de contrastes à différents niveaux, manifeste l’intérêt du
récit. F. François évoque donc la nécessité de tenir compte de deux dimensions. La
première est liée à la « variété externe » des types de récits. Il ne s’agit pas dans ce
cas, de définir une structure mais plutôt une typologie capable de rendre compte
de la diversité des conduites (récits de rêves, de reproduction d’un récit, etc...). La
seconde est liée à la « variété interne » de l’organisation des récits. Elle rend compte
de la diversité de mise en mots. Selon lui, il existe « différentes stratégies opposées
et non un comportement fortement réglé ». En effet, s’il existe des formes domi-
nantes telles que l’identification d’un héros et la succession des actions, celles-ci
n’empêchent pas « la diversité des codages linguistiques » (multiplicité des points
92 N. Salagnac
Le graphe montre que pour toutes les classes le récit dramatisé est la conduite
la plus fréquente même pour les enfants de moyenne section. Ce récit représente
63 % des récits produits. Chez les enfants de moyenne section on constate un
nombre important de récits lacunaires et de récits minimaux. Bien que certains
Comment évaluer les compétences narratives des enfants [...] ? 93
de ces enfants ont pu produire des récits multiples, ce dernier type se développe
surtout en grande section et en cours préparatoire. On conclut que 1o les enfants,
même très jeunes, sont capables de produire des récits dramatisés dans une si-
tuation de restitution et que 2o les procédés de dramatisation s’enrichissent et se
complexifient à partir de la grande section.
Voyons à présent la répartition des récits selon les situations.
récit des enfants, quand ils disposent du livre. Les enfants de moyenne section
et ceux de grande section ne produisent pas de récits multiples sans le livre alors
qu’ils en produisent avec. On peut donc émettre l’hypothèse que la présence du
livre ou la seconde élaboration du récit a pu permettre à certains enfants de produire
des récits plus « complets ».
Voyons si l’importance du nombre de fois où l’histoire a été lue a une incidence
sur les types de récits produits par les enfants selon les classes. Comme on peut
s’y attendre, le nombre de lectures faites aux enfants peut avoir un effet sur les
productions des enfants. J’ai choisi de grouper ces graphes afin d’avoir un point
de vue de comparaison entre les différentes classes.
Le nombre de lectures a eu peu d’effet sur la nature des récits produits par
les enfants de moyenne section alors qu’on note certains effets pour les enfants
des autres classes. Les enfants de grande section et ceux de cours préparatoire
de la situation 2 (lectures multiples) ne produisent plus de récits inachevés ou
Comment évaluer les compétences narratives des enfants [...] ? 95
C ONCLUSION
L’analyse des exemples à partir de la proposition de classification ainsi que la
distribution des récits produits ont permis de montrer que les récits produits par
les enfants sont très diversifiés. Cette classification permet d’évaluer les récits non
pas à partir d’un modèle ou d’un schéma, mais bien à partir de la complexité de la
trame narrative sans négliger l’importance des dramatisations.
Le rôle du livre a été également souligné. Ainsi, la mise en place de deux situa-
tions de restitution (sans le livre, puis avec) peut constituer un outil d’évaluation
pour le maître, mais elle peut également constituer une « aide » quant à l’améliora-
tion des compétences narratives des enfants ; et ce, pour plusieurs raisons :
1. dans le cas d’un album où les illustrations complètent ou reprennent glo-
balement le sens véhiculé par la mise en mots, notre étude montre, surtout
pour les plus jeunes, que si les enfants ont déjà tenté une restitution sans
le livre, lors de la seconde restitution avec le livre, ils ne produisent pas de
conduite déictique et entrent dans la conduite de narration en s’aidant des
images : ils réalisent lors de leur seconde narration des récits plus complexes.
2. Nous avons vu que la variable du livre, constituait un soutien important
à la narration. Cependant, il est apparu que la seconde restitution peut
constituer en soi un soutien. Si nous faisons un parallèle avec les brouillons
à l’écrit, cette deuxième mise en mots pourrait permettre aux enfants de
réajuster, de reprendre et d’ajouter d’autres éléments.
Cette proposition d’analyse peut donner lieu à des recherches en didactique. En
première approche, il semble que l’on puisse faire les observations suivantes :
– La première est liée à la situation de restitution à savoir : comme on l’a vu,
faire varier les deux modes de restitution (sans puis avec le livre) permet aux
enfants de produire des récits plus complexes. Cependant, même si on ne
fait pas varier la situation, on peut, à partir d’une situation de restitution
96 N. Salagnac
avec le livre, laisser aux enfants la possibilité de revenir sur une première
mise en mots et leur permettre de raconter plusieurs fois la même histoire.
L’enseignante pourrait ainsi mesurer ce qui a été ajouté, ou modifié lors de
cette seconde restitution.
– La deuxième concerne la proposition de classification. Cette proposition
peut permettre à l’enseignante d’évaluer non seulement des compétences
narratives de ses élèves mais également de mesurer les progrès des enfants
en observant si les enfants en fonction des récits produits, changent ou non
de catégorie et surtout voir à quel niveau les progrès ont été réalisés.
– Enfin, cette classification n’est pas un « prêt à penser ». Elle peut constituer
une base permettant à l’enseignant d’élaborer sa propre classification à partir
de la situation proposée et des récits produits.
Pour finir, cette proposition d’évaluation des récits enfantins insiste très large-
ment sur deux notions essentielles dans l’acte de raconter qui sont celle du plaisir
et celle de la manière de dire. Ainsi, la prise en compte des dramatisations permet
de montrer qu’il est tout aussi important de mettre l’accent sur ce qui est dit que
sur la manière dont les enfants le disent. Pour cette raison cette proposition d’ana-
lyse insiste sur cet aspect qui est souvent peu pris en compte. Cela permettrait
également d’aborder la question du style narratif des enfants mais il s’agit d’une
autre histoire...
Les cahiers T HÉODILE no 7 (janvier 2007), p. 97 – 105
Recherche collective
sur l’école « Freinet » de Mons en Barœul
Éléments de synthèse
1 – Cette recherche donnera lieu à la publication d’un ouvrage à paraître chez l’Harmattan en avril
2007 : Une école Freinet. Fonctionnements et effet d’un pédagogie alternative en milieu populaire.
2 – Précisons qu’il ne se comprend qu’à la lumière de l’ensemble du rapport qui l’étaye et le modalise.
Il sera complété et affiné par les analyses complémentaires que nous menons encore.
98 Yves Reuter et al.
Tout cela nous amène à poser nettement que l’expérience menée ici, au regard
de la situation antérieure de l’école, des élèves concernés et du milieu environnant,
s’avère, en l’état de nos recherches, bénéfique.
2 D E QUELQUES PROBLÈMES
Mais le caractère bénéfique mentionné précédemment rencontre aussi – ce qui
est normal ! – certaines limites. Nous nous contenterons de relever ici quatre zones
de problèmes que nous allons essayer de spécifier plus avant dans les recherches à
venir.
1. En premier lieu, le dispositif mis en place et ses effets demeurent fragiles, dans
un environnement social particulièrement rude et sujet à des dysfonctionne-
ments sporadiques liés aux difficultés à vivre, aux relations avec la police, aux
drames humains... L’investissement des parents reste limité. L’intégration
des normes par les élèves est toujours vacillante comme en témoignent, par
exemple, les problèmes récurrents lors de la venue de remplaçants. Cela
révèle sans doute que les repères patiemment construits demeurent forte-
ment tributaires des dispositifs et de l’autorité des maîtres. Cela peut aussi
signaler, à certains moments, un travail d’accompagnement et d’aide, plus
(trop) limité des maîtres de cette école face aux collègues remplaçants. Cela
peut renvoyer à une volonté d’autovalorisation inconsciente (montrer par
comparaison sa valeur) ou à un fonctionnement groupal (on est dans ou hors
l’équipe et on ne donne que partiellement les clés à ceux qui sont extérieurs).
Mais cela ne doit pas faire oublier les conditions parfois problématiques des
remplacements (remplaçants arrivant à la dernière minute ou en retard). Et
cela rappelle, en tout cas, à quel point les élèves sont « difficiles ».
2. Il nous semble aussi que la logique de promotion à l’œuvre dans ce groupe
scolaire (école « expérimentale » selon le souhait des maîtres) n’est pas sans
soulever certains problèmes :
– moindre attention (très relative cependant comparativement à d’autres
écoles) aux élèves à certains momentsă(lors de la venue de représentants
des médias, par exemple) ;
– relations parfois tendues avec les écoles du voisinage qui se sentent mises
en cause, moins suivies, et surtout en concurrence ;
– sensibilité exacerbée aux incidents avec les parents (qui, dans ce cadre,
paraissent susceptibles de porter atteinte à l’image de l’école que les
enseignants cherchent à construire et qui provoquent de douloureuses
remises en question, bien plus marquées qu’ailleurs).
3. On peut encore relever quelques zones plus incertaines dans les apprentis-
sages disciplinaires. Cela concerne, par exemple, la mise en texte (dans ses
[...] l’école « Freinet » de Mons en Barœul 101
C’est pourquoi en fonction de ces constats, nous continuons à travailler sur les
relations entre solidité et fragilité de ce qui se construit ; entre espace d’autonomie,
d’autorisation, de liberté d’une part et établissement de limites d’autre part ; entre
développement d’une attitude réflexive d’un côté et problèmes de formalisation
« académique » d’un autre côté.
L ES FRONTIÈRES DU POSSIBLE
L ES LIMITES DU SOUHAITABLE
Sans ignorer que le souhaitable appartient plus à la nation, aux politiques et aux
décideurs institutionnels, nous aimerions cependant effectuer deux remarques à
ce propos.
La première relève à la fois du politique (jusqu’où est-il souhaitable de tenter
d’unifier des fonctionnements scolaires ?) et de la recherche dans la mesure où
l’état des lieux sur lequel se fonderait de telles décisions demeure encore, à notre
sens, bien trop lacunaire :
– il convient en effet d’approfondir le fonctionnement et les effets de ce mode
de travail pédagogique en étudiant notamment leurs différences selon les
niveaux scolaires et les catégories d’élèves (CSP, genres...) ;
– il est tout aussi nécessaire d’approfondir ces questions en prenant en compte
d’autres modes de travail pédagogique (par exemple en projet) ;
– il est encore indispensable de préciser ces questions en ce qui concerne
ce que l’on regroupe dans la catégorie de mode de travail « classique » ou
« traditionnel », avec des enseignants compétents et respectueux des élèves,
afin de ne pas enterrer trop vite des fonctionnements parfois hâtivement
agglomérés et critiqués en s’appuyant sur certaines dérives...
La seconde remarque concerne les limites du mode de travail que nous avons
étudié, notamment en ce qu’il peut exclure a priori certains possibles, intéressants
au travers de la littérature théorique existant par ailleurs (travail en petits groupes,
individualisation autour des problèmes orthographiques, consignes d’écriture
collective, écriture longue...), ou en ce que certaines accentuations (les recherches
et créations en mathématiques par exemple) se paient de certains déséquilibres
(absence de dispositifs similaires en grammaire ou en sciences, par exemple). Cela
soulève de nouveaux problèmes que nous comptons d’ailleurs explorer dans les
années à venir :
– jusqu’où et comment ces possibles (ici exclus) seraient intéressants ?
– jusqu’où et comment serait-ce intégrable sans modifier le mode de travail
pédagogique lui-même ?
– jusqu’à quel point peut-on penser ou espérer transformer / améliorer des
pratiques qui tiennent déjà compte d’autant de dimensions...
Comme on peut s’en apercevoir de multiples questions demeurent en suspens.
Nous tenterons d’y apporter des éléments de réponse complémentaires au travers
des recherches en cours. Néanmoins nous ne saurions conclure ce rapport sans
souligner deux constats. Le premier consiste en un rappel : au regard de l’état an-
térieur de l’école, des élèves concernés et du milieu environnant, cette expérience
[...] l’école « Freinet » de Mons en Barœul 105
est indéniablement une réussite, quels que soient les problèmes mentionnés. Le
second risquerait, en fonction de notre mode de traitement de la question de la
transférabilité, de passer inaperçu. D’une certaine manière, au travers de cette
expérience, et à l’encontre de nombre de discours en circulation, le mode de travail
pédagogique « Freinet » a manifesté ses potentialités et son adaptabilité au delà
des classes uniques, du milieu rural ou des élèves « non défavorisés ». Cela mérite
d’être noté.
Imprimé sur les presses de l’université de Lille iii
à Villeneuve d’Ascq, en janvier 2007.