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«Le défi des migrations pour l'Europe»

Par Nicolas Baverez


Publié le 22/01/2018

CHRONIQUE - Selon l'essayiste, le renouveau des migrations est mondial. La diminution des
flux n'enlève rien à la gravité de la crise.

L'Europe est confrontée depuis 2014 à la plus importante vague de migration depuis l'après-
Seconde Guerre mondiale. Elle a culminé en 2015 avec l'entrée dans l'Union de 2,7 millions
de personnes, dont 1,3 million de réfugiés. Depuis, l'afflux s'est ralenti en raison de la
fermeture de la route des Balkans puis de la mise en place d'une double ligne de contrôle
des mouvements de population au niveau du Niger et du Tchad puis en Libye qui ont
fortement réduit les arrivées en Italie. Le nombre de demandes d'asile a été ramené en
Allemagne de 890.000 en 2015 à 280.000 en 2016 et 187.000 en 2017, année où la France a
enregistré pour sa part 100.412 demandes.
La diminution des flux reste précaire et n'enlève rien à la gravité de la crise. Le renouveau
des migrations n'est pas seulement européen mais mondial. Il est durable car il trouve son
origine dans des évolutions de long terme: l'explosion démographique de l'Afrique qui
gagnera 2 milliards d'habitants d'ici à la fin du siècle sans disposer partout des ressources
nécessaires tandis que la population de l'Europe diminuera de plus de 100 millions ; la
dynamique de la violence découlant du djihad et de la multiplication des guerres civiles ; le
chaos provoqué par les révolutions avortées et l'effondrement des États dans le monde
arabo-musulman, notamment sur la rive sud de la Méditerranée que contrôlaient des
régimes dictatoriaux ; enfin, les effets du réchauffement climatique.

Une machine à diviser les nations libres

Les conséquences de cette vague migratoire pour les démocraties sont immenses. Elle joue
un rôle clé dans la poussée populiste, la figure du migrant concentrant toutes les peurs des
citoyens des pays développés qu'attisent les démagogues. D'où la délégitimation des
institutions démocratiques et la montée des extrémistes comme il a été montré du Brexit à
la percée de l'extrême droite en Allemagne et en Autriche en passant par le ralliement des
pays du groupe de Visegrad à la démocratie illibérale. Elle pose de réels problèmes de
sécurité en raison de l'hybridation des réseaux criminels et des organisations terroristes qui
développent toutes les formes de trafic - dont celui des êtres humains avec à la clé le
renouveau de l'esclavage.

Les sociétés vieillissantes et fermées sont promises au déclin, ce qui justifie l'ouverture de
l'Europe à des jeunes et des talents extérieurs
Elle constitue une machine à diviser les nations libres et à les opposer entre elles. Elle
représente une arme redoutable entre les mains des djihadistes mais aussi des
démocratures russe et turque, qui se servent des migrants comme d'un moyen de pression.
L'Europe et les nations qui la composent ont pour l'heure subi la crise au lieu d'agir. À
l'exception de la décision unilatérale prise par Angela Merkel en 2015 d'ouvrir les
frontières dont les résultats se sont révélés catastrophiques pour elle - car elle a ruiné son
leadership -, pour l'Allemagne - où elle a fait le lit de l'extrême droite et paralysé les
institutions - et pour l'Union qui s'est déchirée tout en faisant la démonstration de son
impuissance avec l'échec complet des plans de relocalisation. Il est temps de définir et de
déployer une politique claire.
Plusieurs principes méritent d'être rappelés. La mobilité des biens et des capitaux, des
informations et des données implique celle des hommes. Les sociétés vieillissantes et
fermées sont promises au déclin, ce qui justifie l'ouverture de l'Europe à des jeunes et des
talents extérieurs dans le contexte très compétitif de l'économie de la connaissance. Il existe
par ailleurs un devoir d'humanité et de solidarité vis-à-vis des victimes de l'oppression. Ceci
n'implique pas pour autant un droit inconditionnel d'installation en Europe. La circulation
des hommes n'est acceptable pour les démocraties que si elle respecte les règles de l'État de
droit et les impératifs de leur sécurité. Enfin, l'accueil de migrants et de réfugiés n'a de sens
que s'il est économiquement soutenable et s'il vise leur intégration dans la communauté des
citoyens.

Contrôle strict et aide massive

Les migrations sont exemplaires des risques du XXIe siècle qui relèvent d'une stratégie
globale. Au plan national, chaque État doit rester libre de définir sa politique migratoire, en
fonction de sa démographie, des besoinsde son économie, de sa culture et de son histoire, y
compris en fixant des objectifs chiffrés pour tenir compte de ses capacités d'accueil. Les
migrants ne doivent pas être livrés à eux-mêmes mais recensés, hébergés et formés s'ils
disposent d'un titre de séjour, reconduits sans délai s'ils ont été déboutés de leur demande:
or la Cour des comptes, dans un rapport publié fin 2015, a montré qu'alors que les trois
quarts des demandes d'asile sont rejetées, 96 % des déboutés restent sur le territoire
français. Au plan européen, la priorité doit aller au contrôle strict des frontières extérieures
et à une aide massive à la stabilisation politique et au développement des pays d'origine -
dont la contrepartie est l'acceptation du retour des clandestins et des déboutés. La
circulation des hommes, comme toute liberté, ne peut survivre que si elle est encadrée par
des institutions fortes et des règles effectives.

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