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Théologie

Un nouveau regard sur l’animal


Racines bibliques
par Olivier JELEN,* Montreux

Il n’y a rien de plus ambigu que de décrire les relations de l’Homme à l’animal. Ces liens im-
prégnés de mystère, reconnaissons-le humblement, accompagnent l’histoire de l’humanité
et de ses civilisations. En effet, à l’exemple de la recherche désespérée - du moins jusqu’à
aujourd’hui - du chaînon manquant entre l’Australopithèque et l’Homo sapiens, la relation
entre l’Homme et l’animal fait partie intégrante d’un mystère, car elle est, selon les termes de
Jean Dorst, d’une rare «subtilité» et d’une rare complexité. La Bible, et plus particulièrement
l’Ancien Testament, reflète très bien ce jeu ambivalent et le reprend largement.

lypse,3 soit comme ami au service de l’hom-


L’ animal a pu être perçu par l’Homme
aussi bien comme un prédateur,
comme un parasite, que comme un Dieu,
me - exemple de l’agneau pascal - soit com-
me ennemi - exemple du Wüstendämon.4
un attribut de Dieu ou comme son meilleur
ami. Les relations entre les deux espèces
sont ainsi tantôt complémentaires, voire Egalité des êtres
alliées, tantôt conflictuelles, voire concur-
rentes. Elles sont essentiellement compo- Face à un tel constat qui témoigne nette-
sées soit de l’exploitation de l’animal, soit ment de l’importance de l’animal - d’appré-
de l’assimilation, voire de la mise à dis- ciation, certes, positive ou négative -, on ne
tance, de ce dernier. L’animal peut donc peut comprendre certains théologiens con-
être successivement rejeté, divinisé ou haï, temporains, tel A. Bondolfi qui rappelle
selon que l’homme reconnaît en lui des va- que parler de l’animal en théologie relève
leurs positives ou négatives. d’un «luxe», si ce n’est même d’une «pro-
Ces liens se retrouvent dans la Bible. En vocation».5
effet, que serait la Bible sans la représenta- Pour d’autres, au contraire, trop peu de
tion du monde vivant et donc tout particu- conclusions ont été tirées des enseigne-
lièrement des animaux ? Sans ces nombreu- ments bibliques à l’égard de l’animal.6 En
ses références au monde animal, elle perdrait effet, à l’exemple du peuple juif, peuple élu
non seulement au niveau du message, mais par Dieu, les animaux bénéficient dans la
également au niveau de son charme. En Bible également de la protection divine.
effet, pas une seule page, comme le re- Les prescriptions dites mosaïques, textes
marque si bien le professeur O. Keel,1 où de Loi, observent à l’égard des animaux des
l’animal ne soit pas présent dans la Bible.
L’animal s’y trouve du début de la création, * Prêtre, auteur d’un mémoire de licence à
avant même l’apparition de l’homme,2 à la l’Université de Fribourg sur la théologie ani-
fin des temps, ainsi dans le récit de l’Apoca- male, dite aussi «sur les animaux».

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règles spéciales. Ainsi, tout comme son de l’âme en hébreu, et utilisé indistinctement
maître, l’animal bénéficiera du repos le jour aussi bien pour l’homme que pour l’animal.
du sabbat. Il sera donc interdit au maître, à Ce n’est que dans le Nouveau Testament, à
la suite du fils de sa servante et de l’émigré travers la première épître aux Thessaloni-
(Ex 23,12), de faire travailler l’animal le sep- ciens, que la division entre corps, âme et es-
tième jour de la semaine. Tout comme son prit est opérée. L’influence de la philosophie
maître, l’animal aura droit lors de son travail grecque n’est alors que trop évidente !
au résultat de son labeur. Ainsi l’homme ne
«musellera pas le bœuf quand il foule le blé»
(Dt 25,4). L’animal, même si c’est celui de La théologie animale
son ennemi, aura droit à être secouru lors-
qu’il se trouve en difficulté (Ex 23,5). Peu nombreux sont les théologiens qui,
L’élément de bienveillance à l’égard de l’ani- à l’exemple des nombreuses références bi-
mal - il n’est pas ici uniquement une simple bliques précitées, se réfèrent au monde
marchandise - est même repris dans le livre animal et à son importance pour la Bible.
de Samuel, à travers l’exemple de l’agnelle et Alors que les études en génétique et en
du pauvre (2 S 12,3-7). éthologie démontrent de plus en plus la
Quant à Esaïe, il évoque le rétablissement proximité de l’animal avec l’homme et en
de l’ordre cosmique universel où «le loup appellent à un regard différent sur l’animal,
habitera avec l’agneau… le lion, comme le la grande majorité des théologiens mo-
bœuf, mangera du fourrage. Le nourrisson dernes se contente de répéter la distinction
s’amusera sur le nid du cobra… et étendra sa entre l’homme, «sommet de la création», et
main sur le trou de la vipère» (Es 11,7-8). Ce le reste du créé, en rappelant que ce der-
texte reprend l’idée du règne de la justice da- nier n’a de valeur que par rapport à ce qu’il
vidique, caractérisée ici par une cohabitation fournit à l’homme.
pacifique et amicale de tous les êtres vivants. Pourtant, dès la fin des années ’70 et le
Même l’animal le plus répugnant et redouté, début des années ’80, dans le courant de la
celui qui a été l’objet d’une malédiction per- théologie de la création, une nouvelle bran-
sonnelle de Dieu (Gn 3,14), le serpent, de- che de la théologie, celle de la théologie
vient inoffensif avec l’enfant. animale, a surgi. Cette nouvelle vision théo-
Nombreux sont donc les textes bibliques logique, née dans les milieux protestants et
qui expriment la bonté de Dieu envers tou- anglicans, se réfère entre autres à saint
tes ses créatures. La distinction, reprise par François d’Assise, témoin de l’amour uni-
la philosophie occidentale, entre le corps et versel entre tous les êtres. Elle déplore que
l’âme n’entre pas dans le discours de l’An- les Eglises officielles, aussi bien catholique
cien Testament. A ce sujet, il n’y a pas de que protestantes, ainsi que le mouvement
différence, comme l’indique le verset d’un franciscain, n’aient pas su exploiter l’idée
psaume : «Seigneur, tu sauves hommes et précurseur de saint François, à savoir celle
bêtes» (Ps 36,7) et le livre de Qohéleth : de la fraternité universelle des êtres et de la
«Car le sort des fils d’Adam, c’est le sort de communion cosmique de l’homme avec la
la bête, c’est un sort identique : telle la mort nature.
de celle-ci, telle la mort de ceux-là, ils ont Il revient à l’historien Baratay d’avoir pu
tous un souffle identique : la supériorité de démontrer que pour l’Eglise catholique,
l’homme sur la bête est nulle, car tout est c’est la réforme tridentine qui amorça et se
vanité» (Qo 3,19). fit la promotrice d’une distanciation de plus
L’égalité des êtres se retrouve dans la dési- en plus forte de l’homme à l’égard de la
gnation même du terme nephesch, synonyme création. On se méfiait de toute influence

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venant de la nature, des animaux et de la tut de l’homme, l’autre faisant souffrir l’ani-
matière, la recherche du Créateur passant mal inutilement. Sans pour autant la con-
«uniquement par la quête spirituelle inté- damner fortement, Bruguès met ainsi en
rieure ou par l’action auprès des hommes».7 question la vivisection en ce qu’elle peut
Saint François, en ce XXe siècle, a donc déboucher sur un «plaisir sadique» et l’éle-
été récupéré, malgré les hésitations de vage industriel qui rend les animaux «pri-
l’Eglise catholique, par les défenseurs des sonniers à vie».11 En même temps, il estime
animaux ainsi que par les sociétés protec- toutefois que les animaux, «créatures infé-
trices des animaux (SPA). Ces nouveaux rieures», peuvent être en toute «légitimité»
mouvements attendirent en vain de la part chassés et mangés ; même la corrida lui pa-
de l’Eglise hiérarchique une condamnation raît moralement recevable puisqu’elle per-
ferme des corridas, combats de coq et autres mettrait un «exorcisme de la violence hu-
traditions antiques. Le manque d’engage- maine» profitant positivement à l’homme.
ment de l’Eglise catholique dans le combat Mgr Brand, ancien archevêque de Stras-
des droits des animaux s’illustre à travers de bourg et membre de l’Association catholique
nombreux exemples. pour le respect de la création animale, n’est
Lors de la création des SPA en France et pas de cet avis et rappelle que non seule-
en Angleterre, au milieu du XIXe siècle, l’in- ment il y a «commune origine» entre tous les
vestissement de l’Eglise catholique est plus vivants, mais également que l’homme «se
que timide ; il est quasi inexistant. L’Eglise déshonore en massacrant - lors de corridas -
ne soutient guère la «croisade des défen- des êtres vivants qui n’ont pas les moyens de
seurs des animaux» lors de l’ouverture de la lui résister».12 Pour Brand, les autorités reli-
première SPA en France, en 1845.8 Dans ce gieuses doivent veiller à ne pas se rendre
contexte, le philosophe allemand Schopen- complices, «ne fût-ce que par leur si-
hauer attaque vivement les moralistes chré- lence», de ceux qui font souffrir les ani-
tiens pour qui il n’était pas question de con- maux. On le comprend par ces deux ex-
férer à l’animal un quelconque droit. «On emples, l’Eglise est partagée sur le sujet !
prétend que les bêtes n’ont pas de droit ; on
se persuade que notre conduite à leur égard
n’importe en rien à la morale (…) qu’on n’a Recherches modernes
pas de devoir envers les bêtes : doctrine ré-
voltante, doctrine grossière et barbare, pro- Autre sujet brûlant d’actualité qui remet
pre à l’Occident, et qui a sa racine dans le en question le regard du chrétien à l’égard
judaïsme.»9 de l’animal et de son statut : celui de la
Le récent Dictionnaire de morale catho- descendance de l’Homme. Que l’Homme
lique réaffirme la position classique et sécu- ait des relations de parenté avec le singe
laire de l’Eglise à l’égard de l’animal. Selon est indéniable et prouvé par de nom-
son auteur, le Père Bruguès o.p., actuel breuses sciences telles la paléontologie, la
évêque d’Angers, l’animal ne saurait avoir biologie, l’anatomie comparée, l’éthologie,
des droits - «ceux-ci découlent de la dignité à travers l’étude des données anatomiques,
intrinsèque de la personne humaine et chromosomiques, génétiques… La nais-
exclusivement d’elle» - et il serait inadéquat sance de l’Homme a donc été dépendante
pour l’homme de lui accorder de l’affection, de celle des animaux, tels le pika et «la
du respect «qui ne sont dus qu’aux êtres longue chaîne ininterrompue des ancêtres
humains».10 de l’homme (qui) a failli se casser plusieurs
Bruguès condamne fortement deux «dé- fois… L’empreinte du temps marque donc
viations», l’une faisant de l’animal un substi- l’homme à tout jamais, ses sources y sont

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Une vache carnivore !

inscrites et il en porte les traces ineffa- La recherche génétique a prouvé les affir-
çables, qu’il faut savoir déchiffrer», expli- mations de Darwin en démontrant que
que la paléontologue Jean Chaline. l’homme partageait plus de 98 % de son
En 1871, Darwin démontre que l’hom- ADN avec son «cousin» le singe. Les deux
me et le chimpanzé ont un ancêtre com- minuscules pour cent qui séparent l’homme
mun «en raison de la possession de carac- du singe, lui permettent-ils de l’exploiter
tères communs, notamment au niveau sans autre ?
embryonnaire» (J. Chaline). Mais Darwin, La théologie animale n’entend certaine-
aussi révolutionnaire et téméraire qu’il ait ment pas sacraliser l’animal ou le «totémi-
pu paraître lors de la publication, en 1871, ser», mais elle lui reconnaît une valeur
de son livre The Descent of Man and Se- pour lui-même, indépendante de ce que
lection in Relation to Sex ne faisait que l’homme peut en faire. Les recherches mo-
reprendre les intuitions déjà formulées par dernes contribuent à lui donner raison.
Buffon, puis par Linné, ce dernier attri- En conclusion, interrogeons-nous sur
buant à l’homme le nom savant d’Homo l’idée du compagnonnage que le livre d’Esaïe
sapiens et à coté de lui celui de l’«autre et sa prophétie des temps messianiques nous
homme», l’Homo troglodyte, au chimpan- décrivait, ce compagnonnage idyllique entre
zé. Darwin reprenait aussi Lamarck qui, le l’homme et l’animal. Est-il encore envisa-
premier, eut l’audace d’intégrer dans sa geable aujourd’hui ? Le serait-il plus aujour-
vision transformiste le singe et l’homme. d’hui qu’autrefois, lors de la rédaction des li-

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vres bibliques ? Cette vie harmonieuse entre 5 Alberto Bondolfi, Droits des animaux -

l’homme et l’animal n’est-elle pas sérieuse- Expériences sur les animaux, in : «Concilium»
ment compromise par des scandales moder- 1989, n° 3, p. 139.
nes ? Ainsi celui de l’encéphalopathie spon- 6 «De tous ces textes se dégage un enseigne-

giforme bovine, dite maladie de la vache ment qui, jusqu’à présent, n’a pas assez retenu
folle, révèle une limite, un frein à l’exploita- l’attention», cf. Jean Gaillard, Les Animaux,
tion animale par l’homme. Au nom de la pro- nos humbles frères, Le Sarment / Fayard, Paris
ductivité, on a fait consommer à des herbi- 1986, p. 28.
vores de la farine de viande. De ruminants, 7 E. Baratay, L’Eglise et l’animal (France,

on a fait des carnivores ! N’y a-t-il pas dans XVIIe-XXe siècle), Cerf, Paris 1996, p. 110.
ce cas précis blasphème, dans le sens d’un 8 Cf. Georges Fleury, La belle histoire de la

irrespect de la création et du projet de Dieu S.P.A. de 1845 à nos jours, Grasset & Fasquelle,
sur elle ? Paris 1995, 332 p. Pour preuve, citons l’effectif
Autre scandale : celui de la fièvre aph- des clercs engagés comme membres de la SPA
teuse. Plutôt que de soigner l’animal ma- qui constitue une minuscule présence parmi les
lade, on préfère pour des raisons économi- membres (0,95 % en 1857, et 1,30 % en 1869) et
ques s’en débarrasser, comme on le fait à qui reste considérablement inférieur à celui des
la Bourse pour une action qui s’avère trop instituteurs ou des médecins ; cf. à ce sujet : E.
peu rentable ! Baratay, op. cit., p. 207.
Le XXe siècle aura eu le mérite de nous 9 Arthur Schopenhauer, Le fondement de la

montrer les limites de l’exploitation abu- morale, Librairie générale française, Paris 1991,
sive de l’animal, comme simple objet selon p. 194.
le Droit romain. Il aura également eu le 10 Jean-Louis Bruguès, Animaux, in «Diction-

mérite d’accélérer l’obligation de changer naire de morale catholique», C.L.D., Chambray


notre regard à l’égard de l’animal, mettant 1991, pp. 34 - 36.
un frein à l’absolu du dominium terrae du 11 Il cite très concrètement l’exemple des poulets.

livre de la Genèse. 12 Mgr Charles A. Brand (archevêque de

Strasbourg), Eglise, création et monde animal,


O. J. in Michel Damien, L’Eglise et les Français.
Quatorze évêques répondent, Robert Laffont,
Paris 1997, p. 288.

1 Cf. Othmar Keel et al., Orte und Landschaften


der Bibel : Ein Handbuch und Studienreise- Fermeture d’été
führer zum Heiligen Land, Band I, Benziger/ Les bureaux de l’administration
Vandenhoeck & Ruprecht Verlag, Einsiedeln, et de la rédaction de choisir
Zürich, Göttingen, 1984, p. 100. ainsi que le CEDOFOR
2 Selon le premier récit de la Genèse (Gn 1,1 -
seront fermés
2,4). Il s’agit du récit sacerdotal qui, au con-
à partir du vendredi 28 juin, à 17h.
traire du récit yahwiste (Gn 2,4 - 3,23), voit la
création de l’animal directement liée à la soli-
tude de l’homme. Cf. à ce sujet Albert de Pury, Réouverture
Homme et animal Dieu les créa, Labor et Fi- de la rédaction et de l’administration
des, Genève 1993. le lundi 5 août, à 9h,
3 Qui nous décrit des anges avec des ailes, des
et du CEDOFOR,
pattes… le mardi 20 août, à 9h.
4 Othmar Keel et al., op. cit, p. 100.

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