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Che Guevara, un héritage controversé

Il y a quarante ans – le 9 octobre 1967 précisément – Che Guevara était exécuté par l’armée
bolivienne. C’était la mort du chantre de l’anticapitalisme, du compagnon de route de Fidel
Castro, du défenseur du tiers-monde, du symbole de la révolution internationaliste. Quatre
décennies plus tard, ses idées ne font guère recette, mais le personnage séduit toujours. Le
révolutionnaire est devenu un mythe à la jeunesse éternelle, un mythe exploité
commercialement.

Par MFI -

Première publication le 08/10/2007

Né le 14 juin 1928 en Argentine dans une famille de la classe moyenne, Che Guevara – de son vrai
nom Ernesto Rafael Guevara de la Serna – incarne le combat révolutionnaire en Amérique latine,
la lutte contre l’impérialisme et l’aspiration à la solidarité internationale en faveur des peuples
opprimés. Enfant fragile et asthmatique, le petit Ernesto est un élève médiocre, mais qui lit
énormément et s’impose la pratique du sport pour surmonter sa maladie.

Ses premiers contacts avec la politique sont le fait d’un oncle communiste qui participe à la guerre
d’Espagne. Sa mère est une militante féministe et anticléricale, ce qui était rare en Argentine à
l’époque. Mais la véritable révélation politique pour celui qui, entre-temps, est devenu étudiant en
médecine est le voyage qu’il effectue aux débuts des années cinquante à travers l’Amérique latine.
Il découvre alors la misère, les inégalités sociales et l’absence de droits pour les plus pauvres.
Influencé par ses lectures marxistes, Che Guevara considère alors que seule la révolution peut
changer cette situation.

En 1954, il rencontre à Mexico Fidel Castro. Une rencontre qui va transformer le jeune aventurier
humaniste en un héros de la révolution. Il rejoint les troupes du Líder Maximo dans leur lutte
contre le dictateur cubain Fulgencio Batista, et s’impose comme un combattant acharné. À la
chute de Batista en 1959, Che Guevara devient procureur du tribunal révolutionnaire, puis
gouverneur de la Banque centrale et ministre de l’Industrie de Cuba. Mais le pouvoir et la
bureaucratie l’ennuient ; il critique l’omniprésence de l’URSS ; Fidel Castro se méfie de sa
popularité. En 1965, Che Guevara reprend son bâton de pèlerin de la révolution, allant défendre
ses idées internationalistes – parfois les armes à la main – d’abord au Congo, puis en Bolivie d’où il
espère généraliser la guérilla à tous les pays andins. Mal préparée, l’opération est un désastre. Che
Guevara est capturé, puis exécuté le 9 octobre 1967 par l’armée bolivienne alors entraînée par la
CIA. Celui qui était un héros de la révolution devient alors une icône pour les mouvements
marxistes et les jeunes en quête d’idéaux révolutionnaires.

Son charisme transcende l’échec des régimes communistes

Comme tout mythe, celui d’Ernesto Guevara a une dimension irrationnelle. Quarante ans après sa
mort, l’homme est connu et populaire dans le monde entier. Il incarne l’idéal d’une révolution
pure, sans compromission. Mort à 39 ans, il apparaît toujours jeune, alors qu’il aurait près de 80
ans aujourd’hui. De nombreux livres, documentaires et expositions lui ont été consacrés, ainsi
qu’un film – Carnets de voyage – qui retrace son premier périple en Amérique latine. Des chansons
à sa gloire ont même été composées. L’hebdomadaire américain Times Magazine l’a classé parmi
les 100 personnalités les plus importantes du XXè siècle. Son charisme transcende l’échec des
régimes communistes à travers le monde, même celui de Cuba.

Un an après sa mort, les milliers de manifestants américains contre la guerre du Vietnam portent
un t-shirt à son effigie. Pendant les événements de mai 68 en France, les étudiants scandent « Ho-
Ho-Ho Chi Minh ! Che-Che-Guevara ! » Le philosophe Jean-Paul Sartre proclame : « Che Guevara
est l’être humain le plus complet de notre époque. » L’appel lancé par le révolutionnaire argentin –
« Créer deux, trois…, de nombreux Vietnam » – en faveur de la libération des pays occupés
rencontre un écho très fort auprès de la jeunesse occidentale. Dans son livre Che Guevara,
itinéraire d’un révolutionnaire, Loïc Abrassart écrit : « Le Che offre le modèle d’un communisme
rénové, libéré des entraves du socialisme réel des pays de l’Est. C’est le soleil de Cuba contre la
grisaille soviétique. » Il reste un symbole puissant de rébellion et de justice sociale.

Aujourd’hui encore, les posters du Che ornent les chambres des adolescents en quête d’idéal. Des
adolescents pourtant nés 25 ans après sa mort. À Cuba, l’intéressé fait l’objet d’une vénération
quasi-religieuse. Le mausolée où il repose à Santa Clara attire chaque année des milliers de
visiteurs dont de nombreux étrangers. Sa statue décore plusieurs lieux publics et des usines. Tous
les matins, les enfants des écoles chantent : « Pioneros por el comunismo, Seremos como el Che
» (pionniers du communisme, nous serons comme le Che).

Des bières et des préservatifs

Il est indéniable que, pour partie, le mythe a été développé par la dimension commerciale qu’il
revêt ; l’image de ce chantre de l’anti-capitalisme – et les adversaires du Che ne manquent pas
d’ironiser sur le phénomène –, génère en effet des millions de dollars. T-shirt, montres,
casquettes, tasses à café… l’effigie de Che Guevara se retrouve sur tous les supports. En 2003, la
banque d’affaires luxembourgeoise Dexia la choisit comme emblème d’une campagne publicitaire
avec pour slogan « Combattons les idées reçues ». L’image du révolutionnaire au béret étoilé a
servi à vendre des bières et des préservatifs, des glaces et des contrats d’assurance, des vélos et
des abonnements à Internet.

Certes il n’est pas le seul dans ce cas. Le détournement de figures contestataires – comme Lénine
ou Gandhi – correspond à une stratégie publicitaire ancrée. « En quarante ans, aucune image n’a
été autant utilisée, adaptée, manipulée, recyclée, mythifiée ou vidée de tout sens que celle du Che.
Tout le monde se l’est appropriée : des militants politiques, des artistes comme Andy Warhol et son
pop-art, des journalistes, des créateurs de mode, des marchands en tout genre », expliquait, dans
le magazine Vanity Fair, le directeur d’une galerie d’art londonienne.
Les défenseurs de la mémoire de Che Guevara regrettent que cette utilisation commerciale
affaiblisse son message politique. Mais ils soulignent que cela témoigne aussi de sa popularité et
que jamais cette utilisation n’a été voulue par l’intéressé.

Pour les adversaires du Che, cette glorification de l’homme, sa dimension messianique sont
insupportables. Ils rappellent que, loin d’être un humaniste aux idées généreuses, Che Guevara a
approuvé des centaines d’exécutions par le tribunal révolutionnaire de La Havane. Il l’a lui-même
écrit : « Les exécutions sont une nécessité pour le peuple de Cuba, et également un devoir imposé
par ce peuple. » Il est aussi à l’origine des camps de réhabilitation par le travail, de sinistre
réputation, qui existent encore à Cuba.
Enfin, Che Guevara fut un piètre ministre de l’Industrie, s’entêtant pour des raisons idéologiques
dans des politiques vouées à l’échec. Sur ce point cependant, l’embargo américain explique aussi
la ruine de l’économie cubaine.

N’en déplaise à ses détracteurs, le culte du Che reste une réalité. Deux photos y ont largement
contribué. Celle de Che Guevara sur son lit de mort, les yeux grand ouverts, le visage apaisé, une
allure de Christ martyr, l’image d’un Saint des pauvres et des opprimés, désormais sacrifié. Encore
plus célèbre, la photo prise par Alberto Korda du Che regardant fièrement au loin, son béret étoilé
sur la tête ; le cliché le plus reproduit au monde, immédiatement reconnaissable comme peut
l’être la Joconde.

À son sujet, le publicitaire Jacques Séguéla écrivait dans le magazine Photo : « La photographie de
Korda concentre toutes les vertus qu’on attribue au Che : honnêteté, bravoure, désintéressement,
défi, loyauté, fierté, sans oublier une dose de virilité militaire. Le visage de Che Guevara exprime
autant la fermeté (face aux États-Unis) que la confiance (en l’avenir de la révolution), la négligence
(barbe, cheveux longs au vent) que le sérieux de l’engagement (l’étoile de commandant sur son
béret). »

Renvoyer dos-à-dos les États-Unis et l’URSS

À en croire Ariel Dorfam, professeur de sciences politiques à l’université de Duke (États-Unis) : «


Nous vivons une époque où règnent une concurrence féroce et un consumérisme acharné. Le
monde est marqué par une marche en avant vers l’argent et les biens matériels. Les utopies sont
enterrées, mais nous sommes toujours en quête de sens. Nous cherchons des valeurs héroïques que
Che Guevara incarne avec sa culture métisse, son allure de nomade, son refus de tout compromis,
son mépris du confort, sa jeunesse éternelle, son exigence de justice à l’échelle mondiale. » Une
analyse que partage Loïc Abrassart : « En ce début de siècle dépourvu de projet collectif,
caractérisé par la mondialisation néolibérale, le Che fait rêver. L’absence d’idéologie alternative au
capitalisme après l’écroulement des régimes autoritaires de l’Est laisse un vide à combler. La figure
du Che est appelée à la rescousse d’un monde orphelin d’une pensée contestataire non-
compromise par les dramatiques bilans des pays se réclamant du socialisme. »

La force du Che est d’avoir toujours cru à la révolution, d’avoir toujours défendu les pays colonisés
et d’avoir fini par renvoyer dos-à-dos les États-Unis et l’URSS comme responsables de l’oppression
du tiers-monde. Sa force est aussi de ne pas être associé au pouvoir et à ses bassesses dans
l’inconscient collectif. C’est la thèse que défend Christopher Hitchens, qui fut un fervent avocat de
la révolution cubaine dans les années soixante avant de tourner politiquement casaque : «
L’admiration pour Che Guevara revêt aujourd’hui une dimension romantique qui occulte ses idées
politiques. Sa personnalité est complexe ; il était à la fois exemplaire et arrogant, provocateur et
réfléchi, impitoyable et humaniste, idéaliste et extrémiste, communiste mais électron libre,
idéologue mais dénué de toute diplomatie et calcul politique. Ces contradictions sont séduisantes.
Le statut d’icône du Che vient du fait qu’il a échoué. Son histoire est une histoire de défaite et
d’isolement. C’est un révolutionnaire qui n’a plus ni griffes ni crocs ; il incarne une révolte qui ne
blesse personne. Aurait-il vécu plus vieux, aurait-il été associé au pouvoir, le mythe du Che serait
mort depuis longtemps. »

La construction d’un « homme nouveau »

L’époque n’est plus à la révolution, et la chute du bloc soviétique en 1979 a sonné le glas d’une
certaine idéologie communiste. Au Cambodge, le génocide perpétré par les Khmers Rouges a
décrédibilisé l’idée d’une révolution qui fait table rase du passé, de la construction d’un « homme
nouveau », d’un tiers-monde qui se libère de ses jougs. Les pays qui se réclament encore du
marxisme – Corée du Nord, Cuba, Laos – ne sont ni des modèles de démocratie, ni des exemples
de réussite économique. Le style même de Che Guevara – refus du compromis, lutte jusqu’à la
mort, exigence éthique absolue – ne fait guère recette. Le Vietnam – cité en exemple par le Che –
est certes toujours officiellement un pays communiste, mais largement intégré à l’économie
globale, comme l’est la Chine.

Néanmoins le « guévarisme » n’est pas mort. Dans les années quatre-vingt-dix, l’échec des
réformes néolibérales en Amérique latine a remis au goût du jour certaines opinions politiques du
Che, telles que le panaméricanisme, les fronts populaires, la nationalisation des industries-clés. De
même, l’absence d’opposition forte à la mondialisation libérale qui s’impose partout ressuscite
l’intérêt pour ses idées. Certains voient dans les altermondialistes les héritiers de Che Guevara. En
Amérique latine, nombre de guérillas s’inspirent du « guévarisme ». C’est le cas au Pérou du
Sentier lumineux, de sinistre réputation et aujourd’hui décimé ; en Colombie des Forces armées
révolutionnaires de Colombie (Farc), qui ne sont pas seulement les ravisseurs d’Ingrid Betancourt,
mais aussi les partisans d’une révolution paysanne ; au Mexique enfin, l’Armée zapatiste de
libération nationale, dirigée au Chiapas par le sous-commandant Marcos, fait référence au
révolutionnaire argentin. Certes, aucune de ces guérillas n’a remporté son combat, ni même
rencontré un large soutien populaire. Le bouillant président vénézuélien, Hugo Chavez, prononce
souvent ses discours vêtu d’un t-shirt à l’effigie du Che. Quant à Evo Moralès, le nouveau chef
d’État bolivien, il rend régulièrement hommage à Che Guevara dans ses discours. Il a même fait
installer un portrait de son héros, fabriqué en feuilles de coca, dans la suite présidentielle. Des
gestes symboliques qui cependant ne font pas une politique.
L’icône du Che
Pour commémorer le cinquantième anniversaire de la mort d’Ernesto Che Guevara, le lundi 9
octobre 2017, retour sur la vie et le mythe éternel du célèbre révolutionnaire, héros romantique
de la lutte contre l’impérialisme et combattant pour la solidarité internationale en faveur des
peuples opprimés, devenu une icône mondiale du XXe siècle.

Par Arnaud Jouve -

Première publication le 08/10/2017

« Surtout, soyez toujours capables de ressentir au plus profond de votre cœur n'importe quelle
injustice commise contre n'importe qui, où que ce soit dans le monde. C'est la plus belle qualité
d'un révolutionnaire. » Lettre d'adieu de Che Guevara à ses enfants en mars 1965.

Le célèbre révolutionnaire Ernesto Rafael Guevara de la Serna est né à Rosario en Argentine le 14


juin 1928 au sein d’une famille plutôt aisée, intellectuelle et cultivée de l’aristocratie argentine. Il
est le premier d’une famille de cinq enfants. Son père, Ernesto Raphael Guevara Lynch, est
constructeur civil et sa mère Celia de la Serna est une femme de grande culture qui l’initiera à la
littérature française.

Le jeune Ernesto passe ses premières années dans la province de Misiones où ses parents ont une
plantation de maté (une herbe traditionnellement très consommée en Argentine). Plus tard, suite
aux problèmes d’asthme dont il souffre, sa famille déménage et s’installe dans la région de
Cordoba où le climat est plus sain et il passe son adolescence dans la villa Nydia (aujourd’hui
transformée en musée) à Alta Gracia.

Pour lutter contre ses problèmes de santé, Ernesto multiplie les activités physiques et se
passionne très tôt aux questions politiques et sociales, se nourrissant aussi bien de Sophocle,
Voltaire, Baudelaire ou Freud. Après ses études secondaires, la famille s’installe en 1947 dans la
capitale Buenos Aires où Ernesto suit des études de médecine.

Les voyages initiatiques

Son intérêt pour les civilisations précolombiennes et son envie de découvrir le continent vont
l’amener à entreprendre un voyage en moto de plus de 4 000 km à travers l’Amérique latine avec
un ami d’enfance, Alberto Grenado. Trois moments forts de ce premier voyage initiatique
marqueront politiquement Ernesto.

En mars 1952 dans le nord du Chili, la visite de la mine de cuivre à ciel ouvert de Chuquicamata le
choque profondément. Les conditions très dures d’exploitation de la mine gérée par des Nord-
Américains renforcent sa haine anti-impérialiste. En avril, la découverte de l’extraordinaire cité de
Machu Pichu le renvoie à l’histoire de l’anéantissement de la civilisation Inca et au génocide
espagnol sur les populations amérindiennes. En juin, il est pris de compassion pour les malades de
la léproserie de San Pablo sur l’Amazone. A l’issue de ce périple, il rentre à Buenos Aires et
décroche en 1953 son diplôme de médecine. Le film « Carnet de voyages » de Walter Salles, sorti
en 2004, retrace ce voyage et son rôle fondamental dans la construction de la pensée du Che.

Le deuxième voyage entrepris en juillet 1953 l’amènera en Bolivie, en plein bouillonnement


politique, au Pérou, en Equateur et en Amérique centrale jusqu’au Guatemala considéré à
l’époque comme le pays le plus pauvre d’Amérique latine. Au Guatemala, Ernesto fait la
connaissance d’une militante péruvienne, Hilda Gadea Acosta, qui lui fait découvrir la pensée de
Mao. Il l’épouse et ils auront ensemble une fille du nom de Hildita. Mais un coup d’État éclate,
Castillo Armas soutenu par les Etats-Unis renverse le président du Guatemala Jacobo Arbenz. Le
jeune couple se réfugie au Mexique où Ernesto reçoit le sobriquet de « Che ».

En juillet 1955 à Mexico, il rencontre un certain Fidel Castro qui prépare une expédition pour
libérer Cuba de la tyrannie de Fulgencio Batista (après l’échec de l’attaque de la caserne de la
Moncada le 27 juillet 1953). Les deux hommes s’apprécient et partagent une même analyse de
l’impérialisme américain. Leur amitié sera déterminante.

L’engagement révolutionnaire

Le Che reçoit un entraînement militaire et s’engage aux côtés de Fidel. Le 25 novembre 1956, un
yacht de 60 pieds (18m de long), le « Granma » (qui donnera son nom au principal quotidien
cubain) quitte le Mexique avec 82 hommes à bord, dont le Che, et s’échoue sept jours plus tard
sur la plage de Las Coloradas au sud-est de Cuba. Les hommes débarquent usés et partent à pied
trois jours durant jusqu’à Alegria de Pio dans la commune de Niquero où les attend l’armée de
Batista. Cette première bataille est un désastre pour les révolutionnaires. Seuls 22 rescapés
trouvent refuge dans le massif de la Sierra Maestra d’où ils entreprennent la reconquête de Cuba
avec un appui croissant de la population.

De multiples batailles suivront. Le Che intervient comme médecin, éduque ses compagnons
analphabètes, prêche la réforme agraire et se bat comme guérilléro. En 1958, le Che reçoit des
pouvoirs de commandement et contribue très activement à la libération de Cuba, auprès de Fidel
Castro, jusqu’à la fuite de Batista et la prise de La Havane le 1er janvier 1959.

En août 1960, Fidel Castro nationalise les compagnies pétrolières nord-américaines, les Américains
sont expropriés et leurs biens sont confisqués sans indemnisation. Moscou s’engage à acheter une
partie du sucre de Cuba et à fournir l’île en pétrole. Le 16 avril 1961, les Américains organisent un
débarquement de 1 500 anticastristes à Playa Giron dans la baie des Cochons, les Cubains les
rejettent à l’eau.Le 2 décembre 1961 Fidel Castro déclare que la révolution est marxiste-léniniste.

Le Che, auréolé d’une réputation de combattant et de commandant exemplaire, héros de la


révolution, va pendant six ans occuper des postes importants à Cuba. Il sera successivement
ambassadeur auprès des pays socialistes et du tiers-monde, directeur de l’Institut national de la
réforme agraire, président de la Banque cubaine et ministre de l’Industrie. De plus, ses talents
d’orateur le font connaître au-delà de Cuba et ses slogans seront repris dans le cadre de
nombreuses luttes à travers le monde, notamment auprès de la jeunesse occidentale « La patrie
ou la mort », « Soyez réalistes, demandez l’impossible », « créez deux, trois…de nombreux
Vietnam »…

La lutte vers les pays non alignés

Pour les États-Unis, la présence d’un État marxiste-léniniste à moins de 200 km des côtes de
Floride est insupportable. L’URSS renforce son aide à Cuba et installe des missiles nucléaires dans
la province de l’Oriente. La crise des missiles que cela va entraîner entre le 22 et le 28 octobre
1962, met les deux superpuissances au bord de l’affrontement nucléaire. Finalement un accord est
trouvé, les États–Unis renoncent à attaquer Cuba et les Soviétiques acceptent de retirer leurs
missiles de l’île.

Le président de l’URSS, Nikita Khrouchtchev, n’a pas consulté Fidel Castro sur l’accord de sortie de
crise. Le Che est furieux et dénonce dans un discours enflammé à Alger en février 1965 les limites
du modèle soviétique. « Les Soviétiques marchandent leur soutien aux révolutionnaires populaires
au profit d’une politique étrangère éloignée des grands objectifs internationaux de la classe
ouvrière … Les pays socialistes sont dans une certaine mesure les complices de l’exploitation
capitaliste. Il faut une conception nouvelle des rapports internationaux… ». Fidel Castro ne peut
pas rompre avec l’URSS, dont il est très dépendant, et c’est le Che qui part pour continuer son
combat anti-impérialiste ailleurs.

Le Che se libère de ses fonctions à Cuba, renonce à la citoyenneté cubaine et quitte la grande île
pour reprendre la lutte armée sur d’autres fronts. Un combat qu’il résume dans une formule
célèbre qui restera liée à son image: « Hasta la victoria siempre (jusqu’à la victoire, toujours) ».

En avril 1965, il débarque au Congo dans le Sud-Kivu, avec quelques hommes, auprès de la
rébellion maoïste, avec l’idée d’exporter en Afrique sa guerre révolutionnaire. Mais l’opération
tourne au désastre. Dans son journal du Congo, le Che écrit en préambule: « Ceci est l’histoire d’un
échec ». Il quittera l’Afrique sept mois plus tard.

Ensuite en 1966, ce sera la Bolivie. Ne bénéficiant ni de l’aide du Parti communiste bolivien, ni de


l’appui des populations, il est traqué dans les montagnes par l’armée du président Barrientos,
soutenu par les conseillers militaires nord-américains et les agents de la CIA. Le 9 octobre 1967 il
est capturé et tué.

A l’annonce de la mort du « guérillero héroïque », les drapeaux cubains sont mis en berne durant
30 jours. Vingt ans plus tard, son corps sera rapatrié à Cuba. Le mausolée où il repose dans la ville
de Santa Clara attire chaque année des milliers de visiteurs cubains et étrangers.

La légende du Che

Pour l’historienne et anthropologue vénézuélienne Elisabeth Burgos, cité par l’Obs, à l’annonce de
la mort du Che, Fidel Castro a véritablement canonisé son compagnon dans ses discours et en a
fait une sorte d’apôtre, de héros christique « Le Che a bénéficié d’un Pygmalion de génie : Fidel
Castro. C’est lui qui a construit la légende du Che en utilisant la symbolique chrétienne des douze
apôtres de la révolution, pour gagner les consciences des Cubains, puis des Latino-américains. Le
Che était donc perçu comme un apôtre, un Saint-Paul en treillis, prêt à tous les sacrifices, comme
les premiers chrétiens. Mais le mythe Guevara vient aussi du fait qu’il est mort jeune, comme le
Christ, Jim Morrison, Eva Peron ou Carlos Gardel. Tous sont partis avant de vieillir. Le Che est mort
à 39 ans. Et puis il y a un facteur évident : il était très beau. Il avait un charisme intense ».

A sa mort, une célèbre photo du Che prise par Korba (un assistant-photographe du
journal Revolucion) le 5 mars 1960, contribue à faire du héros de la révolution une icône pour les
mouvements marxistes et les jeunes du monde entier en quête d’idéaux révolutionnaires. La
photo est un portrait du Che dont la barbe et la chevelure surmontée d’un béret avec une étoile
incarne toutes les vertus du mythique « guérillero héroïque ». La photo, d’abord parue en
couverture d’un livre après sa mort, sera véhiculée dans le monde de l’art par un artiste irlandais,
Jim Fitzpatrick, qui stylise le portrait sur un fond uni de couleur. Le fort caractère contestataire de
cette image se déclinera alors sur des posters, des T-shirts, des bols, des casquettes et toutes
sortes d’objets à travers le monde.

Un an après sa mort, des milliers de manifestants Américains portent des T-shirts avec la photo du
Che pour dire « non » à la guerre du Vietnam. En mai 1968 en France, les étudiants affichent des
portraits du Che et crient dans la rue « Ho-Ho-Ho Chi Minh ! Che-Che –Guevara !». Alors que les
jeunes occidentaux se révoltent au son du rock et d’une contreculture pour un autre modèle de
société, le Che apparaît comme le dit le romancier Alain Foix « comme un dernier héros
romantique d’un monde en finition ». Jean Paul Sartre, le philosophe proclamera à cette époque :
« Che Guevara est l’être humain le plus complet de notre époque ».

Les représentations du Che

Le symbole et cette glorification agacent aussi ceux qui restent des adversaires politiques du Che.
Ils dénoncent les exécutions par les révolutionnaires cubains, les arrestations arbitraires
d’opposants, les camps de réhabilitation par le travail de sinistre réputation qui ne font pas du
Che, de leur point de vue, un humaniste aux idées généreuses. Mais comme le définit Jean Sevilla
dans un article du Figarointitulé Le Che, un mythe à déboulonner, « en vérité, définir ce
psychopathe sanguinaire comme un modèle politique représente l’imposture la plus complète de
notre époque ». Une perception qui revient en force dans une époque moins critique à l’égard du
capitalisme.

Comme pour Lenine ou Gandhi, l’image du Che va être aussi détournée et exploitée de mille
façons par les publicitaires. En 2003 par exemple, une banque d’affaires luxembourgeoise, Dexia,
choisit l’image du Che pour sa campagne publicitaire avec pour slogan « Combattons les idées
reçues ». L’icône est devenue une image forte de son siècle, même si son usage est parfois
irrationnel. Comme l’expliquait un directeur de galerie d’art londonienne dans les colonnes
de Vanity Fair, « aucune image n’a été autant utilisée, adaptée, manipulée, recyclée, mythifiée ou
vidée de tout sens que celle du Che. Tout le monde se l’est appropriée : des militants politiques, des
artistes comme Andy Warhol et son pop-art, des journalistes, des créateurs de mode, des
marchands en tout genre ».
De multiples films et livres sont sortis sur le Che, de nombreuses musiques ont été également
composées mais l’une d’elles intitulé Comandante Che Guevara particulièrement populaire à Cuba
est devenue un grand succès commercial. Composé par Carlos Puebla (1917-1989), celui que l’on
nommait « le chanteur de la révolution cubaine » repris plus tard par Nathalie Cardone, est
certainement l’éloge musical le plus célèbre du Che.

Pour le cinquantième anniversaire de sa mort, toute l’Amérique latine et principalement


l’Argentine où il est né, Cuba où il a vécu et la Bolivie où il est mort, commémorera de manière
quasi religieuse la mort d’Ernesto Che Guevara. L’histoire, pour certains, d’un mythe éternel.

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