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: CATÉCfflSMg .

S LA VIE INTÉRIEURE
PÀB M. OLIER ^
£ Ctllî lï 3AEIT-SCI.KCÏ
* f . T
DEUXIÈME ÉDITION .

• PARIS.
L1BRMHIE SI GAUME FRÈRES,
if •* . Rce da Pot^-Fcr, n° 5.
/3a

CATÉCHISME

LA VIE INTÉRIEURE.
IMPRIMERIE 1>'àD. LE GLEBE ET CP.
Quai des Aujustins, n° iïj.
9
CATÉCHISME
t! V-'.t
CATÉCHISME
de

LA VIE INTÉRIEURE.

PAR M. OLIER
CIRE DE SAIBT - SULFIGE.

PABIS.
LIBRAIRIE BE GAUME FRÈRES,
Rue du Pot-de-Fcr, i
1831.
M
-
APPROBATION
DE L'ÉVÈQUE DE PAMIERS.

L'émisenck et la pureté de l'esprit chré


tien sont si brièvement et si clairement
exprimées dans cet ouvrage, qu'on ne
peut douter qu'il n'ait été inspiré de
Dieu à son auteur , et qu'il n'ait reçu du
père des lumières les sublimes pensées
et les paroles de grâce dont il se sert,
pour faire connoître et goûter en même
temps les vérités divines, qui doivent
conduire et animer la vie des véritables
enfans de Dieu. Il faut seulement que le
lecteur prenne garde de lire saintement
des instructions si saintes j qu'il y ap
porte un cœur dégagé de l'affection de
tout péché , parce que le péché jette dans
l'ame des ténèbres qui lui cachent les vé~
VIII APPROBATION.
rites de noire mainte foi 5 qu'il y apporte
un esprit bien résolu de mener une vie
conforme à la sainteté de la vocation
chrétienne, dont l'idée et les maximes
sont proposées en ce livre , avec tant de
lumière et d'onction, qu'on se sentira
également éclairé et animé à suivre Jé
sus-Christ par des voies si belles, si
courtes et si assurées , pourvu qu'on se
donne à l'Esprit de vérité pour en être
touché, et qu'on les médite devant Dieu
a loisir et avec humilité.
Donné à Paris, le 1er avril i65G.
f FRANÇOIS , É**q« d« Pamien.
AIMM VIRGINI

IN TEMPLO PRESENTATES.
APPROBATION
DE i/ÉVÊQUE DU FUT.

Si le désir de savoir est naturel à


l'homme, le désir d'acquérir la science
des saints est une grâce du Saint-Es
prit, et un devoir de la religion. C'est à
dessein de nous imposer la nécessité
d'être ses écoliers , que cet Esprit de lu
mière a laissé beaucoup d'obscurités dans
les saintes lettres , et afin que Dieu en
seignât toujours, et que toujours l'homme
fût à son école, selon la remarque de
saint Irénée. La sainte Vierge, instruite
dans celle du Saint-Esprit, ne laisse pas
d'écouter de simples bergers. Les plus
grands hommes se sont fait gloire d'être
de petits écoliers, dans les maximes du
christianisme. Saint Augustin, quoique
X APPROBATION
fort avancé en âge et revêtu de l'épisco-
pat , étoit dans la disposition d'apprendre
de la bouche d'un enfant ; et disoit que ,
pour se faire instruire, il auroit souffert
non-seulement la correction des paroles ,
mais même les chàtimens. Que n'a pas
'ait saint Jérôme, dans le désir qu'il
avoit de s'instruire? Apprenez , disoit-il,
avant que d'enseigner j un soldat n'est
pas digne de son métier, s'il n'a fait son
apprentissage; et pour être maître, il
faut auparavant avoir passé pour écolier.
Plusieurs fidèles feroient de grands pro
grès dans la doctrine du christianisme,
s'ils ne croyoient que les catéchismes et
les instructions familières sont trop au-
dessous de leurs portée, et trop basses
pour des esprits qui se croient élevés au-
dessus du commun.
Mais certes, je trouve dans cet ou
vrage , qui doit être admiré de tous ceux
qui en feront la lecture, un puissant cor
DE l/ÉVKQlE lttt PUY. XI
rectif à tous ces mouvemens d'orgueil ,
qui sont si naturels aux hommes. Je
trouve un maître qui enseigne une doc
trine si solide et si utile pour l'instruc
tion des ames, que les grands esprits,
aussi bien que les moindres , en doivent
profiter. Je rends donc ce témoignage
public au mérite de ce précieux labeur,
et je déclare que sa doctrine est très-
avantageuse, pour former dans l'ame du
lecteur les plus saintes et les plus salu
taires maximes de l'esprit du christia
nisme, et pour réunir à Dieu des ames
que l'orgueil en auroit séparé. Quicon
que aimera cette chère lecture, sans
doute sera béni de Dieu, et honoré des
i:arrsses de celui qui est riche et libéral
de t4es dons en faveur de tous ceux qui
l'invoquent.
Donné à Paris, le 1er avril i655.
f HENRI, Évê^eduPHy,
Comtc de Velay.
CATÉCHISME
.' * CHRÉTIEN
pour
LA VIE INTÉRIEURE.

première pariie.
DE L'ESPRIT CHRÉTIEN.

LEÇON I.
J'esprit et des deux vies de N. S. Jésus-Christ.

Demande. Qui est celui qui mérite


d'être appelé chrétien ?
Réponse. C'est celui qui a en soi
lEsprit de Jésus-Christ (i).
(i) Si quis Spiritirm Christi non babct , liîc non
est ejw. Rom. vin. <j.
2 CATÉCHISME CHRETIES
D. Qu'entendez-vous par l'Esprit
de Jésus-Christ ?
R. Je n'entends pas son ame, mais
le Saint-Esprit qui habitoit en lui.
D. A quoi connoît-on qu'on a l'Es
prit de Jésus-Christ ?
R. On le connolt aux inclinations
qu'il donne semblables aux siennes,
et par suite desquelles on vit comme
lui.
D. Quelle est la vie de Jésus-Christ
dont vous parlez ?
R. C'est cette vie sainte qui nous
est dépeinte en l'Ecriture, et surtout
dans le Nouveau Testament.
D. Combien y a-t-il de vies en
Jésus-Christ?
R. Il y en a deux, la vie intérieure,
et la vie extérieure.
POUR LA VIE WTERIEIIRE. 3
lnt D En quoi consiste la vie inté
rieure de Jésus-Christ?
iats R. Elle consiste dans ses disposi
tions et sessentimens intérieurs envers
Es- toutes choses; par exemple, dans sa
religion envers Dieu , dans son amour
mis envers le prochain, dans son anéan-
ies, tissement par rapport à soi-même,
me dans son horreur pour le péché, et
dans sa condamnation du monde et
rist de ses maximes.
D. En quoi consiste sa vie exté-
ms rieure ?
>ut R. Elle consiste dans ses actions
sensibles, et dans lespratiques visibles
en de ses vertus émanées du fond de son
divin intérieur.
re, D. Il faut donc, pour être vrai
chrétien , avoir en nous le Saint-Es
4 CATÉCHISME CHRÉTIEN
prit, qui nous fesse vivre intérieure
ment et extérieurement comme Jésus-*
Christ?
R. Oui.
D. Mais cela est bien difficile ?
R. Oui , à celui qui n'a pas reçu le
saint baptême , où le Saint-Esprit de
Jésus-Christ nous est donné, pour
nous faire vivre comme lui.

LEÇON II.
De la perte de la grâce après le baptême , et du
travail de la pe'aitencc pour la recouvrer.

D. Cjeidi qui a perdu la grâce du


Saint-Esprit depuis son baptême , la
peut-il recouvrer ?
R. Il le peut par la pénitence|, mais
FOUR LA VIS INTÉRIECRE. 5
avec grand travail et grande peine.
D. C'est pour cela, peut-être, qu'on
appelle le sacrement de pénitence, un
baptême laborieux ?
R. Il est vrai , sans doute ; car par
le baptême, où nous sommes engen
drés en Jésus-Christ, Dieu notre père
nous donne par lui-même la vie de
son Fils, sans que sa divine justice
exige de nous aucune peine ; mais il
n'en est pas ainsi de la pénitence.
D. Pourquoi cela ?
K. C'est qu'il faut suer et travailler
pour recouvrer les vertus que Dieu
seulnous avoit données parlui-même,
et qu'il avoit plantées dans notre cœur
de sa main toute-puissante; il faut
qu'à la sueur de notre front le Saint-
Esprit fertilise notre terre stérile et
6 CATÉCHISME CHRÉTIEN
ingrate, dans laquelle auparavant
la grâce faisoit germer les vertus, sans
travail et sans peine.
D. La perte de la grâce du bap
tême est donc une grande perte ?
R. Oui , on ne saurait l'exprimer ;
et comment pourroit-on réparer ce
chef-d'œuvre de grâce et de misé
ricorde ?
D. Cette perte n'est-elle pas répa
rée par la pénitence ?
R. Non, pas parfaitement; car,
par la pénitence, on fait d'ordinaire
comme un apprenti qui voudrait ra
fraîchir l'original d'un grand peintre»
déjà fort altéré : ce dernier ouvrage
n'approcherait pas du premier.
D. Pourquoi faut-il tant de peine
pour recouvrer cette grâce?
POUR LA VIE INTERIKUIE. 7
R. Parce qu'on l'a perdue par un
péché énorme et par une ingratitude
étrange , en foulant aux pieds le sang
de Jésus-Christ , et en étouffant le
don du Saint-Esprit qu'on avoit reçu
par le baptême.
D. Mais quoi! celui qui, après le
baptême, offense Dieu par un péché
mortel, foule-t-il aux pieds le sang
de Jésus-Christ?
R. Oui, cela est ainsi.
D. Et comment ?
R. Premièrement, parce qu'il fait
outrage aux mérites et au sang de
Jésus-Christ, qui lui ont acquis le
Saint-Esprit et toutes ses grâces. Se
condement, parce que celui qui com
met un péché mortel, devient un
même esprit avec le démon, lequel
8 CATÉCHISME CHRÉTIEN
foule aux pieds Jésus- Christ dans
l'arae du pécheur, et triomphe de
Notre-Seigneur en son propre trône.
D. C'est donc ainsi peut-être que
le pécheur crucifie en soi-même Jé
sus-Christ, comme parle S. Paul (i).
R. Oui.
D. Et comment peut-on le cruci
fier?
R. C'est que , comme les Juifs ,
mus par la rage des démons, garot-
toient, clouoient, et cramponnoient
Jésus-Christ sur l'arbre de la croix,
en sorte qu'il n'avoit aucun usage de
ses membres, et qu'il ne lui restait
aucune liberté d'agir; de même par
le péché on lie et on garotte Notre-
(i ) Cruciligentes sibimetipsis Filium Dei* Hebr.
vi. 6.
POCR LA VIE 1NTEaIEURE. f)
Seigneur, et on le réduit dans l'im
puissance d'agir en nous.
D. Expliquez-moi cela davantage ?
R. Notre avarice cloue sa charité ,
notre colère sa douceur, notre impa
tience sa patience, notre orgueil son
humilité ; et ainsi par nos vices nous
tenaillons, nous garottons, et nous
mettons en pièces Jésus-Christ ha
bitant en nous.

Leçon m.
De la dignité du chrétien en qui Jésus-Christ ha
bite ponr lui inspirer ses mrenrs et ses sentimens;
en un mot, pour t'animer de sa vie même.
D. Jésus-Chbist habite donc en
nous (i)?
(0 Ego in vobis. Juan. xiv. 20.
10 CATÉCHISME CHRÉTIEN
R. Oui, il habite par la foi dans
nos cœurs, comme le dit S . Paul après
Notre-Seigneur même (i).
D. Ne m'avez-vous pas dit que le
Saint-Esprit y habitait aussi?
R. Oui ; il y est avec le Père et le
Fils , et y répand , comme nous l'a
vons dit, les inclinations mêmes, les
sentimens, les mœurs, et les vertus ■
de Jésus-Christ.
D. Un chrétien est donc quelque
chose de grand ?
R. Il n'y a rien de plus grand , de
plus auguste et de plus magnifique;
c'est un Jésus-Christ vivant sur terre.
D. Bien malheureux est celui qui
perd ces grands trésors par le péché
(i) Chràtum habiure per fidem in cordibus
vutris. Eph. tu. i 7.
POUR LA VIE INTÉRIEtaE. II
mortel! Mais vous dites que Jésus_
Christ habite en nous, et que nous
sommes oints de l'onction dont il est
oint lui-même, c'est-à-dire, du Saint-
Esprit; et qu'il répand en nous ses
mœurs, ses inclinations, ses senti-
mens; d'où savez-vous cela?)
R. S. Paul veut que nous ayons en
nous les mêmes sentimens que Jésus-
Christ (i) , lequel s'est anéanti et hu
milié sur la croix, quoiqu'il fût égal
à son Père.
D. Que veut dire cela, avoir en
soi les mêmes sentimens que Jésus-
Christ?
R. C'est avoir dans son cœur et dans
son aine les mêmes désirs qu'avoit
( i ) Hoc sentite in vobù, quod ct u CUristo Jcsu.
Philip u. S.
13 CATÉCHISME CHRÉTIEN
Jésus -Christ, par exemple , d'être
anéanti et crucifié.
0. Faut-il avoir ces désirs dans la
même perfection qu'il les avoit?
R. Je ne dis pas cela. Je dis seule
ment qu'il faut les avoir semblables ,
quoique non pas égaux.
0. Pouvons-nous même en avoir
de semblables?
R. Oui.
0. Par quel moyen?
R. Par la vertu du Saint-Esprit,
qui peut donner des inclinations tou
tes contraires et opposées à celles que
nous avons dans la chair , par notre
naissance d'Adam.
POUR LA VIE INTERIEURE. l3

LEÇON IV.
De l'esprit et des inclinations d'Adam ; que ta
condition des chrétiens en est bien éloignée.

D. A.DAH avoit-il d'autres inclina


tions que les chrétiens? avoit-il un
autre esprit que celui de Notre-Sei-
gueur? le Saint-Esprit opéroit-il en
lui d'autres sentimens qu'en Jésus-
Christ?
R. Oui ; Adam étoit créé pour être
semblable à Dieu en ses richesses , en
son honneur et en sa béatitude ; de là
vient qu'il est né dans le Paradis ter
restre , roi de tout le monde.
D. Les chrétiens ne sont-ils pas
appelés à cela ?
l4 CATÉCHI8K CHRÉTIEN
R. Non.
D. Quoi! ne sont-ils pas créés à
l'image de Dieu ?
R. Oui, ils sont créés semblables
à Dieu , dans sa justice et dans sa
vraie sainteté (i).
D. Qu'appelez-vous être créé dans
la justice et la vraie sainteté ?
R. C'estêtre crééen Jésus-Christ(2);
c'est être renouvelé et régénéré par
le baptême, dans la séparation et l'é-
loignement de toute créature.
D. La condition des chrétiens est
donc bien éloignée de celle d'Adam?
R. Oui ; car Adam chsrchoit Dieu,
le servoit, et l'adoroit dans ses créa-
( i ) Secundum Deum creatus est in justitia, et
sanetitate veritatis. Epk. iv. a4.
(3) Creftti in Christo Jesu. Eph. ii. i0.
POUR LA VIE INTÉRIEURE. l5
tures ; et , au contraire , les chrétiens
sont obligés de chercher Dieu par la
foi, de le servir et de l'adorer, retiré
en lui-même et en sa sainteté , séparé
de toute créature , et élevé par-dessus
toutes choses.
D. Les chrétiens doivent donc être
séparés de tout; ils doivent donc être
saints?
R. Oui ; ils doivent être séparés de
tout en affection , ils doivent s'appli
quer à Dieu en lui-même ; c'est pour
quoi ils sont appelés saints par l'apôtre
saint Paul (i).
(i) Yocatis smctù. Rom. i. 7,
l6 CATÉCHISME CHRÉTIEN
:s

LEÇON V. *
Dr l'obligatioa qu'ont les chrétiens de mortifier en
eux tes inclinations d'Adam et de la chair, et de
crucifier le vieil homme.

D. Que doivent faire les chrétiens


qui sentent en eux les inclinations de
se lier et de s'unir aux créatures ?
R. Il faut qu'ils mortifient ces in
clinations ; il faut qu'ils y renoncent ,
puisqu'elles viennent de la chair, et
qu'ils ne sont plus redevables à leur
chair, pour vivre selon ses inclina
tions (i).
D. Depuis le baptême, qui est
(i) Dehitores sumus non carni , ut sernndiim
carnem vivamiis. Rom. vtii. ia.
.V •
» .' ÏOUR 1A VIS INTÉRISURE. 17
une seconde génération, les chré-
•tïens sont- ils obligés de se confor
mer à Adam leur père , et de vivre
selon sa vie?
R. Non ; car, Dieu s'étant fait notre
- père dans le baptême, nous sommes
obligés de vivre selon Dieu , et se
lon ses inclinations, que son Esprit
répand en nous.
D. Si nous vivons selon la chair,
serons-nous sauvés ?
R. Non; car saint Paul dit que
nous mourrons, si nous ne .mortifions
notre chair et tous ses appétits déré
glés que nous ressentons en nous(i).
D. Ainsi les chrétiens sont obligés
de se mortifier?
(i) Si secundîim l'arnem vixeritU, moriemmi,
ïlom. vm. i 3.
l8 CATÉCHISME CH1MSTIEK
R. Oui; car, selon l'Apôtre, ceux
qui sont à Jésus-Christ ont crucifié
leur chair avec ses vices et ses con
voitises (i) ; ils ont crucifié et dé
pouillé le vieil homme avec toutes
ses œuvres (a).
D. Qu'est-ce à dire, le vieil
homme ?
R. C'est la même chose que la
chair ; c'est nous-mêmes , avec, les in
clinations que nous avons reçues d'A
dam, en naissant de luipar nos pareils.
D. Quelles sont ces inclinations?
R. Ce sont toutes les inclinations
que nous avons au mal, et dont
nous sommes tout remplis.
(i) Qui snnt Christi, carnem suam rrucinxe-
ruot cum vitiis et cooeupiscentiis. Gai. v. a4.
(a) Expoliautes vos vetercm homioem cuin IC-
tihus suis. Col. iu. g.
POUR LA VIE WTÉRIECRE. ]g
D. A quels chefe peuvent se rap
porter ces inclinations ?
R. A trois , qui sont l'inclination
aux plaisirs , l'inclination aux ri
chesses, et l'inclination auxhonneurs.
D. Eh quoi ! faut - il réprimer
tout cela ?
R. Oui.
D. Il faut donc crucifier en soi le
vieil homme ?
R. Oui, il faut le crucifier, comme
les méchans crucifient en eux Jé
sus-Christ.
D. Mais encore , que veut dire pro
prement crucifier le vieil homme ?
R. C'est lier, garotter, étouffer
intérieurement tous les désirs im
purs et déréglés que nous sentons en
notre chair.
30 CATÉCHISME CH&ÉTIEN
D. Que veut dire notre chair?
R. C'est-à-dire toute la vieille
créature en nous ; tout l'homme
en tant qu'il n'est point régénéré,
et qu'il est opposé au Saint-Esprit
que nous recevons dans le baptême.
D. Eh quoi ! notre ame en nous,
et notre esprit sont-ils chair avant
que nous soyons baptisés ?
R. Oui.
D. Mais pourquoi appelez- vous
notre ame , chair ?
R. C'est parce qu'étant répandue
et noyée dans la chair , elle est ren
due participante de toutes ses incli
nations malignes ; en sorte que , si la
grâce ne l'en sépare, elle devient
une même chose avec elle; et ainsi
elle est appelée chair.
POUR LA VIE INTÉRIEURE. 21
D. Est-ce pour cela que Notre-
Seigneur dit qu'il faut haïr notre
ame (i)?
R. Oui; car, en tant que notre
ame est une même chose avec la
chair , et qu'elle anime et vivifie son
impureté et sa corruption, elle est
ennemie de Dieu , et digne de toute
haine.
D. La chair toute seule pour-
roit-elle pécher ?
R. Non, puisque même elle ne
peut vivre sans l'ame. L'ame , en
même temps qu'elle anime la chair,
cherche avec elle le maf, et se rend
participante de toute sa corrup
tion.
(i) Qui non odit..,. adliuc... et animain suam ,
etc. Luc. xiv. 26.
1% CATÉCHISKE CHRÉTIEN
D. Notre esprit est-il aussi nommé
chair?
R. Oui, quand il a des pensées
conformes aux sentimens et aux mou-
vemens de la chair; d'où vient que
saint Paul dit que la prudence de la
chair est une mort (i).
D. Qu'est-ce à dire , la prudence
de la chair?
R. Ce sont les pensées et les des
seins que nous formons dans notre
esprit pour parvenir aux fins de la
chair, qui sont les voluptés, les hon
neurs et les richesses.
D. La volonté est- elle appelée
chair?
R. Oui, quand elle adhère aux
mouvemens de la chair,
(i) Pnidentia cuaia mors est. Rom. viu. 6.
*0tR LA VIE INTERIEUai. ïj
D. Comment appelle- 1- on les
mouvemens de la chair?
R. Saint Paul les appelle les dé
sirs et les volontés de la chair (i).
D. Cette chair est donc bien pré
judiciable à l'homme?
R. Oui : c'est pourquoi il faut la
haïr, la crucifier et la faire mourir.
D. Est-ce pour cela que Notre-
Seigneur a été crucifié et mis à
mort, et qu'il a même été enseveli ?
R. Oui, c'a été pour nous appren
dre qu'il faut nous crucifier nous-
mêmes en notre chair; et que, s'il
n'a pas voulu épargner sa chair in
nocente, et qui avoit seulement la
ressemblance du péché, nous de-
(i) la dciideriis cirais rosir* facientes voluo-
tatMD carois. Eph ti. 3.
44 CATiCHUK CHRÉTIEN
vons bien plus crucifier la nôtre ,
qui est véritablement pécheresse et
toute remplie de malignité.

LEÇON VI.
De la source de ta graude matignité de la chair , à
laquelle nous sommes obliges de renoncer.

D. D'or vient la malignité de


notre chair?
R. Elle vient du démon , qui a
insinué son venin dans l'ame de nos
premiers parens : ils le reçurent avec
plaisir, et par là ils infectèrent tel
lement leur nature, que toute leur
postérité s'en est ressentie.
D. Expliquez - moi cela par un
exemple ?
IOUR LA VIE ITITÉMEURE. 2,r>
R. Il en est des enfans , d'Adam
comme des enfans d'un lépreux ,
dont la corruption est si grande , que
toute la masse de sa chair et toute
sa substance sont corrompues ; en
sorte que tout ce qui naît de lui
est corrompu ; tous ses enfans sont
lépreux comme lui.
D. En avez-vous encore un autre?
R. Oui ; il en est comme d'une
source d'eau croupie et corrompue ;
les ruisseaux qui en sortent sont
également corrompus, et retiennent
son infection.
D. Nos premiers païens ont donc
été infectés de la malignité du dé
mon?
R. Oui ; et notre chair, qui vient
de celle d'Adam comme de sa source,
26 CATÉCHISME CHRÉIISN
a été remplie de cette même mali
gnité.
D. Et ainsi la corruption et la
malice de notre chair sont de la na
ture de celle du démon ?
R. Oui.
D. Dieu a donc une grande haine
contre notre chair ?
R. Oui, puisqu'elle est remplie de
la malignité du démon.
D. Mais quoi ! la malice du dé
mon est consommée dans l'enfer ; et
notre chair se sent-elle de cette ma
lice consommée?
R. Oui.
D. Quoi ! notre chair est capable
de faire autant de maux que le dé
mon?
R. Notre chair se porteroit à tous
POUR LA VIB INTÉRIBURI. 27
les maux que le démon peut faire,
si elle étoit délaissée de Dieu et de
son Saint-Esprit.
D. Cela étant, nous devons avoir
une grande haine et une grande
horreur pour notre chair ?
R. Oui , nous devons la haïr au
tant que le démon; nous devons la
fuir autant que le démon.
D. C'est peut-être pour cette rai
son que les Saints traitaient si cruel
lement leur chair; et que, par la
haine qu'ils en avoient, ils se dé-
chiroient en pièces, ils se discipli-
noient et s'écorchoient jusques au
sang?
R. Oui , ils déchargeoient leur co
lère sur leur chair, comme sur l'en
nemie jurée de Dieu.
28 CATKCHISBE CHRÉTIEK
D. O que nous devons doue fuir la
chair , et renoncer à tout ce qu'elle
demande et désire de nous !
R. Oui.
D. Est-ce pour cela que Notre-
Seigneur dit à ses disciples, que
celui qui veut le suivre doit renon
cer à soi-même (i) ?
R. Oui.
D. Que veut dire , renoncer à soi-
même?
R. C'est-à-dire , renoncer à toutes
les inclinations malheureuses de la
chair, renoncer à tous les désirs des
honneurs, des plaisirs et des richesses;
au désir d'être aimé, au désir de la
vengeance; en un mot, à tous les
(i) Si vult post me venire , kbneget srmet-
ipsum. Mutth. xyi. a4-
POUB. LA VII INTÉRIEURE. ag
désirs de péché qui sont en nous,
et qui sont opposés à la croix de
Jésus- Christ.

LEÇON VII.
De l'amour de la croix ; c'est-à-dire, de l'abjection,
des souffrances et de la pauvreté , que te Saint-
Esprit nous donne dans le baptême.

D. Quoi! devons-nous porter la


croix de Jésus-Christ, et faire pro
fession de ses maximes?
R. Oui : la seconde condition que
Jésus-Christ propose à ses disciples
et à tout chrétien , c'est de porter la
croix (i), et de prendre plaisir aux
(i)Tollat cnicem suam. Matth. xvi. a4
30 • CATECHISME CHRÉTIEN
souffrances, aux mépris, aux calom
nies, à la pauvreté, etc.
D. Comment se peut-il faire que
nous aimions le mépris, les souf
frances , la pauvreté , en un mot , la
sainte croix de Jésus-Christ ?
R. Nous ne le pouvons point par
nous-mêmes, mais par la vertu de
Jésus-Christ et de son saint-Esprit
qu'il nous donne au baptême.
D. Comment cela?
R. C'est que le Saint-Esprit, par
le baptême , vient reposer en nous ,
et dans le fond de notre cœur, pour
y imprimer ses inclinations.
D. Voilà qui est bien étrange;
voilà des choses bien opposées ?
R. Cela est vrai; aussi avons-nous
de grands combats à soutenir.
POUR LA TIE INTÉRIEURE. 3l
D. Quels combats?
R. Ceux dont parle saint Paul,
lorsqu'il dit que la chair combat
contre l'esprit, et l'esprit contre la
chair (i).
D. Comment cela?
R. C'est que d'un côté le Saint-
Esprit, qui est en nous, nous porte
au mépris, à la pauvreté, aux souf
frances; et, de l'autre, notre chair
désire l'honneur, le plaisir, les ri
chesses. Notre ame peut se jeter du
côté qu'il lui plaît ; ou bien adhérer
à l'Esprit saint, par la grâce qu'il
met en nous; ou bien s'y opposer,

(i) Caro concnpiscit adverses spiritum ; spiritui


aatem adversîis canicm :1ixc enim sibi invicem ad-
versantur. Gai. v. i 7.
3i CATÉCHISME CHRÉTIEN
en adhérant à la chair par sa propre
malice.
D. Mais vous dites que l'Esprit de
Dieu donne l'amour des souffrances ,
du mépris et de la pauvreté : je n'ai
point encore senti ce plaisir des souf
frances , ces délices du mépris , cette
joie de la pauvreté.
R. Vous dites vrai ; vous ne sentez
pas ce plaisir dans votre chair ; vous
n'y ressentez pas cette joie , ces dé
lices : aussi le Saint-Esprit n'est-il pas
en vous pour produire ces effets dans
votre chair ; il ne vient pas pour opé
rer ce changement dans votre corps ,
mais bien dans le fond de votre ame.
D. Quoi! jamais la chair ne pren-
dra-t-eHe son plaisir dans l'allliction,
dans la peine et dans la croix. ?
POUR LA VIE INTÉRIEURE. 33
R. Non , si ce n'est que , parfois ,
le Saint - Esprit épanche dans la
chair les inclinations qu'il a repan
dues dans l'ame, et fasse éprouver
à notre corps les mêmes sentimens
dont il remplit notre cœur; mais
c'est rarement , et seulement en pas
sant.
D. Le baptême ne fait donc point
son impression dans le corps comme
dans l'ame ; il ne régénère donc point
la chair, mais l'esprit?
R. Il est vrai; c'est notre ame qui
reçoit les inspirations de l'Esprit
saint; c'est elle qui reçoit ses nou
velles impressions; c'est elle qui est
abreuvée de ses sentimens; enfin,
c'est elle seule qui est régénérée par
le baptême.
3
34 CATÉCHISME CHRÉTIEN

LEÇON VIII.
De notre première ge'ne'raiion , on le de'mou est le
pcre de nos inclinations perverses ; et de la ré
generation du baptême, où Jésus-Christ étant
notre père , nous communique sa vie divine.
D. Qu'est-ce à dire que notre ame
est régénérée par le baptême ?
R. C'est-à-dire qu'elle reçoit des
inclinations et des impressions toutes
nouvelles , et différentes de celles de
sa première génération.
D. Comment cela ?
R. C'est que, par la première gé
nération, l'ame avoit des inclina
tions perverses qui la portoient toute
au péché, toute à la terre et aux
créatures. Au contraire, par la régé-
POUR LA VIE INTÉRIEURE. 35
nération du baptême , elle reçoit de
nouvelles impressions et des incli
nations toutes différentes, qui la por
tent à l'amour de Dieu et à sa reli
gion , à la séparation des créatures et
à la recherche des choses du ciel.
D. Depuis le baptême , l'homme
n'est donc plus notre père , ni la
chair notre mère?
R. INon , et nous ne devons plus
suivre leurs mauvaises inclinations.
D. Par le baptême, Dieu est -il
notre père ?
R. Oui , nous appelons Dieu notre
Père , et il l'est en vérité ; parce que,
dans le baptême, il nous commu
nique par son Saint-Esprit sa nature
et sa vie divine (i).
(i) Ut ef6ciamini divinx consortes naturx.
36 CATÉCHISME CHRÉTIEN
D. Le démon n'est-il pas le père
de l'homme?
R. Dans la première génération,
le démon est proprement le père de
l'homme pécheur en Adam ; parce
qu'il lui a communiqué sa vie et ses
mauvaises inclinations, qui depuis
nous ont été transmises dans notre
naissance (i).
D. Et dans la seconde génération ?
R. Il en est tout autrement, parce
qu'en cette génération, le Père éter
nel est notre père; il nous commu
nique ses inclinations, ses sentimens,
sa sainteté , par la vertu de son Esprit

II. Petr. i. 4. Ut fil» Dei nomincmur , et simus.


I. Joan ui. i.
( i ) Vos ex paire diabolo utis,et deaideria na-
I ris vcstri vultis facere. Joan. vm. 44'
ÏOUR LA VIE INTÉRIEURE. 3?
qu'il nous donne pour être en nous
le principe de sa vie sainte et di
vine ; et l'éclat de cette vie rejaillit
de nos bonnes œuvres , qui , étant
alors semblables à celles de Dieu , le
font glorifier sur la terre (i).
D. Mais puisque , dans notre pre
mière génération, le démon est notre
père, et qu'Adam nous a transmis
toutes les inclinations perverses du
démon, nous sommes donc bien mi
sérables en nous-mêmes?
R. Oui , je ne puis l'exprimer ; il
n'y a que Dieu qui puisse le com
prendre.
D. Pourquoi ?
(i) Luceat lux vestra coram hominibus , ut vi-
rlcant opera vcsira bona , et glorificeut patrem vcs-
t rum qui in cœlis est. Matlh. v. i6.
38 CATÉCHISME CHRÉTIEN
R. Comme il n'y a que Dieu qui
conçoive la malice du démon , et la
misère où la justice divine l'a réduit ;
il n'y a que Dieu aussi qui conçoive
la misère , la malignité , et le dénue
ment de notre chair, réduite à un
état si pitoyable, qu'outre qu'elle
est faite participante de la malédic
tion du démon, elle y joint encore
des foiblesses, des souillures et des
misères, dont n'est pas capable le
démon par sa propre nature.
D. Cela étant, l'homme par jus
tice doit bien chérir l'abjection ; il
doit bien aimer le mépris.
R. Oui, car ils lui sont bien dus.
POUR LA VIE INTÉRIEURE. 3g

LEÇON IX.
De l'obligation que nous avons de porter la croix ,
et d'en conserver l'amour, à cause de l'Esprit

D. xja chair peut-elle mériter autre


chose que le mépris, l'abjection et
la contradiction?
R. Non.
D. C'est donc par un trait de la
justice de Dieu, que, dans le bap
tême, l'amour du mépris, l'amour
des souffrances, et l'amour de la
pauvreté , sont imprimés dans le
cœur de l'homme?
R. Oui; car l'homme n'étant par
lui-même que néant et péché, il ne
4(J CATECHISME CHRÉTIEN
doit avoir d'autre désir pour lui-
même que celui d'être traité comme
il le mérite ; c'est-à-dire , de souffrir
le mépris, la persécution, la pau
vreté , etc.
D. Que la conduite et que la sa
gesse de Dieu sur les chrétiens sont
admirables ! Non, ce n'est pas sans rai
son que l'Ecriture appelle le mystère
de la croix un mystère caché (i).
En effet, peu de personnes croi-
roient que la croix fut une chose
juste et raisonnable pour notre état,
et que nous fussions obligés d'en
conserver l'amour dans le cœur.
R. C'est le malheur et l'abus du
siècle; on s'imagine que c'est un
surcroît de piété, une dévotion ré-
(i) Absconditiun ab cis. Luc. xvm, 34.
POUR LA VIE INTÉaiEURE. 41
servée aux cloîtres , et que ce n'est
lias une obligation pour tous les
chrétiens.
D. Mais, par le baptême, n'a-t-on
pas reçu le Saint-Esprit, qui nous
oblige de vivre dans cet amour de
la croix?
R. Oui; car, selon saint Paul (i),
comme je l'ai déjà dit, nous ne
sommes plus redevables à la chair
pour vivre selon la chair ; mais nous
sommes obligés de vivre selon l'Es
prit; et, si nous vivons par l'Esprit,
marchons selon l'Esprit (2), qui nous
imprime dans le cœur l'inclination
pour la croix , et la force de la porter.
{i) Rom. vm. t 2.
(2) Si Spiritu vivimus, Spiritu et ambulemus.
Galat. v. 25.
4a CATÉCHISME CHRÉTIEN
D. Cela n'est- il point exprimé
dans les cérémonies du baptême ?
R. Oui , car on fait deux croix
avec l'huile sainte; l'une sur le cœur,
et l'autre sur les épaules, pour nous
marquer l'effet du Saint-Esprit.
D. Que représente l'huile?
R. Le Saint-Esprit.
D. Que signifie la croix qu'on fait
sur le cœur?
R. L'amour de la croix ; parce que
le cœur est le siège de l'amour.
D. Et celle qu'on fait sur les
épaules?
R. Elle signifie la force de porter
la croix; parce que les épaules sont
le siège de la force de l'homme.
POUR LA VIE INTÉRIEURE.

LEÇON X.
D'une autre obligation d'aimer ta croix, et en
particulier le mepris , l'abjection et l'oubli , qui
font la première branche de la croix ; provenant
de ce que l'iiomme, dans son fond et par lui-
même , n'est que néant.

D. Outre l'Esprit que nous avons


reçu dans le baptême, ce que nous
sommes par nous-mêmes nous obli-
ge-t-il à l'amour de la croix?
R. Oui.
D. Et qu'est-ce que l'homme par
lui-même, et dans son fond?
R. Hélas ! rien.
D. Qu'étoit l'homme avant que
Dieu eût répandu en lui son être ?
R. Il n'étoit rien du tout.
44 CATECHISME CHRÉTIEN
D. Qu'est-ce que le rien mérite?
R. Rien du tout; le rien mérite
le rien , le mépris , l'abjection , le dé
laissement et l'oubli de toute créa
ture : le rien ne peut être regardé ;
car il n'a rien sur quoi on doive et
on puisse arrêter les yeux.
D. Il ne faut donc pas désirer d'être
regardé, d'être vu, d'être estimé ?
R. Non, il faut désirer d'être traité
selon ce que l'on est : et parce que
l'on ne regarde point le rien , qu'on
le méprise, et qu'il ne mérite pas
même d'être méprisé, puisqu'il ne
mérite pas seulement qu'on pense à
lui pour en porter un jugement ; de
là vient que l'homme , qui n'est rien
dans son fond et par lui-même, ne
mérite rien , pas même le mépris.
TOUR LA VIE INTÉRIEURE. 45
D. Hélas ! nous sommes donc peu
de chose , puisque nous ne méritons
pas même qu'on s'applique à nous
pour nous mépriser?
Mais pourquoi dites -vous que
l'homme n'est rien, puisqu'il a un
corps et une ame ?
R. Je dis que l'homme n'est rien
dans son fond : il a bien quelque
chose d'autrui , mais il n'en est pas
moins le néant par lui-même , et
par conséquent il ne doit pas être
honoré ; mais l'honneur doit retour
ner à cet autre à qui appartient le
bien que l'homme a reçu.
D. D'où tirez-vous cette vérité?
R. De saint Paul, quand il dit,
premièrement , que celui qui s'estime
être quelque chose , n'étant rien en
CATÉCHISME CHRETIEN
vérité , se trompe grossièrement ;
secondement, qu'on ne doit pas se
glorifier, puisque l'on a reçu d'au-
trui le bien qu'on a (i).
D. Qui est celui de qui l'homme
a reçu tout ce qu'il possède ?
R. C'est Dieu seul.
D. Dieu seul donc doit être ho
noré pour tous les biens qui sont
en l'homme ?
R. Oui; de même que le peintre
doit être loué pour la peinture qu'il
a faite, et non pas la vieille toile
sur laqu'cllc il a couché les cou
leurs.
(i) Si quis existimat se atiquid esse , ciim nihil
sit , ipse se sedocit. Gai. vi. 3. Quid habes quod
non acrepi'ti? Si autem accepisti , quid gloriaris ,
quasi non accepcris?!. Cor. iv. 7,
POTIR LA VIE INTÉRIEURE. fa
D. Les hommes ne doivent donc
point recevoir pour eux les louanges
qu'on leur donne ?
R. Non.
D. Que doivent-ils faire, quand
on les loue ?
R. Ils doivent rendre à Dieu tou
tes les louanges qu'on leur donne ,
et lui dire : Mon Dieu , je vous rap
porte toutes ces louanges , parce que
vous seul les méritez pour tous les
biens que vous mettez en moi.
D. Mais quand l'homme apercoit
en soi des dons et des grâces de
Dieu , que doit-il faire ?
R. Trois choses :
i . S'humilier devant Dieu , recon-
noissant qu'il est l'auteur de tout
bien en nous ;
48 CATÉCHISME CHRÉTIEN
a. Le remercier de ce qu'il lui a
plu le répandre en nous qui ne le
méritons pas ;
3. Le prier qu'il se glorifie par
ses dons , et qu'il s'en serve en nous
pour sa gloire, puisque de nous-
mêmes nous ne saurions en bien
user pour lui.
D. Les démons ont-ils eu ces
dispositions, quand ils ont reçu les
dons de Dieu ?
R. Non : s'ils en eussent usé de la
sorte , ils ne seraient pas damnés.
D. Qu'ont-ils donc fait pour se
perdre si misérablement en recevant
les dons de Dieu ?
R. C'est que, charmés des dou
ceurs de l'honneur, ils ont voulu
être honorés eux-mêmes pour les
POliR LA VIE INTÉRIEURE. ^9
dons de Dieu; et, attirant sur eux
les louanges qui étoient dues à lui
seul, dérober à sa majesté la gloire
qui lui appartenoit.
D. Il ne faut donc soulfrir aucun
honneur pour soi ?
R. Non.

LEÇON XI.
De l'orgueil , et du desir de l'honneur auquel it
faut resister.
D. Ne faut-il jamais désirer l'hon
neur ?
R. Non : c'est désirer le bien d'au-
trui , c'est désirer le bien de Dieu ,
c'est être larron ; selon saint Paul ,
c'est exercer une rapine (i) ; c'est
(i) Philip, it. fi.
5o CATÉCHISME CHRÉTIEN
dérober à Dieu ce qu'il a de plus
cher, qui est sa gloire, qu'il assure ne
vouloir jamais donner à autrui (i).
D. C'est donc un larcin sacrilège ,
puisque c'est dérober à Dieu?
R. Oui, c'est dérober sur l'autel
de Dieu , et lui arracher de la main
ce qu'il proteste ne vouloir lâcher ni
céder à personne.
D. L'orgueil est donc un grand
péché ?
R. Oui, et c'est pour cela qu'il est
puni si rigoureusement dans les dé-r
mons , et qu'il est dit que Dieu ré
siste aux superbes (a); comme s'ils

(i) Gloriam meam alteri non dabo. Is. xui. 8.


et xlviu. is.
(a) Deus superbis resistit Jacob, iv. 6. et I.
Prtr. v. 5.
POUR LA VIE INTÉRIEURE. Si
vouloient lui arracher malgré lui le
bien le plus cher qu'il ait entre les
mains.
D. La punition de l'orgueil n'est
donc pas seulement un effet de la
colère de Dieu, mais encore de sa
fureur?
R. Oui; c'est une suite de la ré
sistance de Dieu irrité contre le su
perbe qui veut lui ravir son hon
neur, et sur qui enfin il décharge
sa colère allumée, et changée en
fureur.
D. Mais les hommes sont donc
bien trompés, quand ils courent
après l'honneur, puisqu'il n'est pas
permis de le désirer ?
R. Cela est vrai; car on ne peut le
souffrir en soi , sans le rapporter à
Si CATÉCHISME CHRÉTIEN
Dieu , à moins que de se mettre en
(langer de l'offenser grièvement, et de
le faire entrer en fureur contre nous.
D. Que devez-vous faire, quand
vous reconnoissez en vous le désir
d'être honoré, quand vous sentez
de la joie des louanges qu'on vous
donne, et de l'estime qu'on vous
témoigne?
R. Quand on remarque en soi ce
désir d'être estimé et d'être regardé,
il faut y renoncer, et se confondre
de ce que l'on a en sa chair des sen-
timens diaboliques, des sentimens
qui sont nés de l'enfer, et qui sont
semblables à ceux qui ont damné
les démons.
D. Et comment cela ?
R. C'est que le démon , comme je
POUR LA VIE INTERIEURE. 53
l'ai déjà dit , désiroit d'être estime et
honoré par ses frères; et même il les
attiroit à lui rendre des honneurs et
des louanges, qu'il recevoit d'eux
avec joie. Je prie Dieu que nous
n'ayons jamais ces sentimens , puis
qu'ils ont fait damner les anges.
D. Ce n'est pas ainsi qu'il faut dire ;
car les sentimens de l'honneur et de
l'estime seront en nous jusqu'à la
mort ; et ces sentimens-là ne sont pas
péché , pourvu qu'on y résiste ?
R. Cela est vrai ; car les bons et les
mauvais anges furent tous attaqués
de la tentation ; mais les uns y cédè
rent, et les autres n'y cédèrent pas :
les uns en tirèrent profit , et reçurent
la couronne; les autres y consentirent,
et furent condamnés.
54 CATÉCHISME CHRÉTIEN
D. Comment donc faut-il dire?
R. Que je n'adhère jamais à ces sen-
timens, et que je n'y prenne jamais
de complaisance.

LEÇON XII.
Que l'honneur est du à Dieu seul ; comment on
doit se comporter quand on est méprisé.

D. Qui est-ce qui doit être ho


noré?
R. Dieu seul. A Dieu seul, dit saint
Paul, tout honneur et toute gloire (1) ;
et à nous confusion, dit le prophète
Daniel (2).
(i) Soli Deo bonor et gloria. I. Tira. i. i7.
(a) Nobis autem confusio faeiei. Dan. is. 8.
POUR LA VIE INTÉRIEURE. 55
D. En pourriez-vous apporter quel
que raison?
R. Oui ; c'est que Dieu seul est par
fait en soi-même, comme le dit Notre-
Seigneur : Personne n'est ion que Dieu
seul(i). Tout le reste n'est rien par
soi-même , et ne possède de bien que
celui de Dieu ; d'où vient que Jésus-
Christ disoit encore : Ma doctrine n'est
pas à moi, ni de moi (2).
D. Mais les saints qui sont au ciel
ne doivent-ils pas être honorés ? Dieu
veut qu'on les honore.
R. L'honneurqu'on rend aux saints
est un honneur qu'on rend à Dieu qui
habite en eux. Et si l'on honore les
justes sur la terre, c'est le Saint-Esprit
( i ) Netno bonus, ni si solusDeus. Luc. XTIIi. ' ;j
(3) Mea doctrina non <*st mca. Joan. vu. t fi.
56 CATECHISME CHRÉTIEN
qu'on honore en eux , en qui il ha
bite, qu'il justifie, et à qui il donne la
grâce et la vertu d'être fidèles à Dieu.
D. Est-ce pour cela qu'il est dit
dans l'Écriture , que Dieu est merveil
leux et admirable dans ses saints (i) ?
R. Oui ; à cause que par sa puis
sance il élève leur foiblcsse àdes choses
sublimes, qu'il élève leur ignorance
à de grandes lumières, et qu'il fait
éclater sa grandeur dans leur bassesse.
D. Ainsi Dieu veut être honoré
dans ses saints?
R. Oui; Notre-Seigneur même a
voulu que son Père fût honoré en
lui; il ne vouloit point recevoir de
louanges pour soi, mais il les ren-
(i) Mirabilis Dem in sanctis suis. Psal. lxvii.
36.
POUR LA VIE INTÉRIEURE. 5^
voyoit toutes à son Père. Il disoit à
ceux qui le nommoient bon : Cela
n'est pas ainsi ; ne dites pas cela; per
sonne n'est bon que mon Père. Voyez-
tous cette bonté qui reluit en moi ?
elle descend de mon Père , elle est ori
ginaire de lui ; et s'il ne la répandoit
sur moi , je ne l'aurois pas. Avant que
mon Père me l'eût communiquée , je
n'élois rien , et n'avois rien ; je n'étois
que néantcomme le reste des hommes;
mon humanité a été tirée du néant ,
aussi bien que le reste des créatures.
Dieu s'est écoulé sur moi , et y a ré
pandu toute la plénitude de ses tré
sors ; de sorte qu'ils sont tous à lui, et
que tout ce qu'il y a de bon , de beau
et de parfait en moi, est de lui : ce
bien est à Dieu , et non à moi ; il est
58 CATÉCHISME CHRÉTIEN
l'auteur de ces perfections et de ces
beautés ; il doit être honoré pour ses
ouvrages, et surtout pour ce chef-
d'œuvre.
D. C'était donc en tant qu'il n'était
rien par soi-même , qu'il se nommoit
l'opprobre des hommes et l'abjection
du peuple (i) ?
R. Oui, et c'était aussi en tant qu'il
était chargé des péchés de tout le
monde.
D. Vous nous avez dit là sur
Notre - Seigneur Jésus -Christ, de
grandes choses, que je vous prierai de
m'expliquer à loisir. Mais , avant que
de sortir de ce sujet, dites-nous encore

(i) Opprobriinn liomiimm , et abjectio ptebis.


PS. XXI. 7.

L
POUR LA VIE INTÉRIEURE. 5<g
plus particulièrement comment nous
devons nous comporter , lorsque l'on
nous méprise , qu'on ne tient aucun
compte de nous, et qu'on ne nous
regarde point?
R. Quand on ne nous regarde point,
réjouissons-nous, et disons dans notre
cœur : Mon Dieu , je suis content de
n'être ni vu ni regardé des hommes.
Que je suis aise de ce que personne
ne pense à moi ! car , ô mon Dieu ! je
n'occupe point votre place dans leur
pensée ni dans leur esprit. Je suis ravi
d'être soustrait à leur vue, afin que je
n'occupe point leurs cœurs. C'étoit là
une des pensées de saint Ignace mar
tyr , quand il prévoyoit qu'il devoit
être enseveli dans le corps des bêtes
qui alloient le dévorer : « Au moins,
6o CtTÏCHISHE CHRETIEN
» disoit-il, je ne serai vu de personne,
» je n'amuserai l'esprit de personne, et
» ne remplirai personne de moi (i). »

LEÇ05T XIII.
Que le malheureux dYsir de l'honneur est un drsir
rommun et universel ; manière de le combattre
et d'y renoncer.

D. Est-ce un désir universel, et


commun aux hommes, que celui de
vouloir qu'on pense à nous, qu'on
nous aime et qu'on nous estime ?
(i) Blanditiis demulccte feras, ut mihi sepul-
i-bruin fiant, et nihil de corpore men relinr|uant;
ne, i'ùm obdormiero , molestus cuiauam sim. Tuuc
rro vert Christi discipulus , cïim mundus nec cor-
pus meum videbit. S. Ign. Mart. Epht. ml Hom.
POUR LA VIE INTÉRIEURE. 6l
R. C'est un désir si commun , qu'il
n'y a presque personne, s'il n'y prend
bien garde, qui n'agisse et qui ne
parle dans cet esprit. Nous avons en
nous ce désir malheureux et idolâtri-
que, de vouloir remplir de nous tout le
monde, de vouloir porter notre estime
dans tous les cœurs, et d'être ainsi
une idole qu'on regarde , et à qui on
s'attache continuellement.
D. Hélas, quel malheur, et com
ment sommes-nous faits !
R. Nous sommes tous remplis dans
notre chair des désirs du démon, qu'il
nous a inspirés par le péché d'Adam ;
de sorte que notre chair nous porte à
vouloir, comme lui, tenir la place de
Dieu dans le monde : et au lieu qu'au
trefois l'homme devoit être honoré
ftj CATÉCHISME CHRÉTIEN
comme l'image de Dieu, et recevoir
des créatures tous leurs hommages et
tous leurs devoirs pour les porter à
Dieu ; depuis le péché , il a voulu les
recevoir pour se les appliquer à lui-
même , et pour être idolâtré et adoré
à la place de Dieu.
D. Comment pensez-vous qu'on
parle dans le monde , et qu'on agisse
dans les choses même les plus sain
tes?
R. C'est avec le désir d'être estimé,
et d'imprimer l'amour de sa personne
dans le cœur des auditeurs.
D. Le moyen de ne pas tomber
dans ce désordre ?
R. C'est de renoncer à soi-même,
quand on commence à parler ou à
agir. Cela se fait de cette sorte : Mon
POUR LA VIE INTÉRIEURE. 63
Dieu , je renonce à tous les desseins
de paroître en ceci ; je renonce à tous
les desseins d'être estimé ; je renonce
à tous les malheureux désirs de ma
chair, qui veut se chercher en tout ;
je renonce à tout l'amour propre et à
tout l'orgueil dont je suis pétri.
D. Est-ce assez de renoncer à soi-
même , et aux désirs de sa propre re
cherche ?
R. Il iaut, outre cela, se fortifier,
en se donnant à l'Esprit de Notre-
Seigneur, qui depuis le baptême est
en nous pour opérer nos œuvres avec
nous , afin que nous fassions des œu
vres de Jésus-Christ, et non pas du
vieil homme ; afin que nous fassions
les œuvres de l'Esprit, et non celles de
la chair; et afin qu'en toutes choses
64 CATÉCHISME CHRÉTIEN
Dieu soit glorifié en nous par son Fils
Jésus-Christ.
D. Voilà une belle doctrine ; mais
est-elle dans l'Ecriture ?
R. Oui ; je pourrois rapporter plu
sieurs passages qui établissent cette
vérité; mais je vous citerai seulement
ce qu'en dit saint Pierre , notre maître
en Jésus-Christ : Si quelqu'un parle ,
qu'il parle le langage de Dieu, qu'il
parle dans l'Esprit de Dieu, si quel
qu'un rend quelque service selon son
ministère, qu'il serve en la vertu de
Dieu; afin qu'en tout, la sainteté et
la majesté de Dieu soient honorées
pur Jésus-Christ (i).
(i) Si quis loquitnr, quasi sermoncs Dei ; si
quis ministrat, tanquam ex virtnte quam adminis
trat Dcus; nt in omnibus honorificetur Deus per
Jesmn Christum. I. Pet. iv, i i.
POUR LA VIE INTÉRIEURE. 65
D. C'est donc dans l'Esprit de Jé
sus-Christ notre Seigneur, opérant
en tous , qu'on doit opérer toutes
choses ?
R. Oui ; il faut sortir de soi-même ,
et entrer dans la vertu de Jésus-
Christ , pour honorer Dieu son Père ;
car autrement nous sommes tout rem
plis d'impureté , et de mauvaises in
tentions qui infectent toutes nos
œuvres.
D. Nous sommes bien malheureux
et bien misérables, puisque, tant que
nous demeurons en nous-mêmes ,
nous ne pouvons rien faire qui puisse
plaire à Dieu?
R. Cela provient de la corruption
de nôtre chair : partout où elle se
mêle, elle perd tout.
5
GC CATECHISME CHRÉTIEN
D. Je ne m'étonne pas, si nous mé
ritons tant d'être méprisés ?
R. Nous ne méritons pas seule
ment d'être oubliés et d'être méprisés
comme néant; mais nous méritons
encore d'être persécutés et foulés aux
pieds; enfin, de nous-mêmes, nous
ne méritons que l'enfer.
D. Que dites-vous là ? Vous ra
battez bien de la confiance que j'a-
vois en moi ?
R. Je ne vous dis rien que je ne
vous montre dans l'Ecriture.,
POUa LA VIE INTÉP.1EIJP.E. (in

LEÇON XIV.

De l'obligation i|ue nom avons d'aimer la douleur,


la souffrance, la persécution, fondée sur ce que,
par nons-mcines , nous sommes pêche'.

D. Poek l'amour de Dieu , expliquez-


moi cette vérité que voua venez de
me proposer, et imprimez-la telle
ment dans mon esprit, que jamais
elle n'en sorte , afin que je puisse ai
mer la souffrance, la douleur, la per
sécution, la calomnie; en un mot, la
pénitence que je dois faire sur la
terre qui en est le séjour ?
R. Voici donc la seconde branche
de la croix ; car nous avons déjà vu
58 CATÉCHISHE CHRÉTIEN
l'obligation que nous avons d'aimer
l'abjection et le mépris , qui en font
la première branche ; et de les souf
frir par justice , aussi bien que par
religion. Il faut maintenant voir com
ment nous sommes obligés d'aimer
aussi la douleur et la souffrance, et
de porter en paix la persécution et la
calomnie ; non-seulement parce que ,
dans le baptême , le Saint-Esprit que
nous y avons reçu nous a donné ces
inclinations; mais encore par justice,
à cause de notre démérite.
D. Expliquez-moi cela, s'il vous
plaît.
R. Pour le bien connoître, il n'y
a qu'à savoir que nous sommes péché
par nous mêmes.
D. J'ai bien ouï dire que nous
POUR LA VIE INTÉRIEURE. 6g
étions pécheurs, mais non pas que
nous étions péché.
R. Nous ne sommes pas seulement
pécheurs, mais encore nous sommes
péché.
D. Si cela est, il n'y a aucune sorte
d'opprobre, de calomnie, de vexation
et de persécution que nous ne méri
tions. Mais je vous prie de m'ap-
prendre comment nous sommes pé
ché.
R. L'homme chrétien , selon toute
la doctrine de saint Paul, est com
posé de deux choses ; l'une se nomme
chair, et l'autre s'appelle esprit. C'est
ainsi que se partage l'homme, dans
l'Écriture.
D. J'entends bien que l'homme est
composé de corps et d'amc ; je ne sais
70 CATÉCHISME CHRÉTIEN
pas si c'est la même chose que ce que
vous me dites, quand vous m'appre
nez que le chrétien est composé de
chair et d'esprit?
R. Non; par l'esprit, j'entends le
Saint-Esprit, et tous les dons qui sont
nés de cet Esprit, tels que la foi, l'es
pérance, la charité, l'humilité, la pa
tience, et autres dons, grâces et vertus
semblables, comme nous l'a enseigné
saint Paul après Notre-Seigueur Jé
sus-Christ, qui dit en saint Jean : Ce
qui est né de la chair est chair; ce
qui est né de l'Esprit est esprit (1).
D. Et par la chair, qu'entende?.-
vous?
R. Vous le voyez bien, par la pa-
(i) Qnnd natum est ex carne caro est, quc•d
natum est ex Spiritu apiritm cM. Joan. m. G.
POUR LA VIE INTÉRIEURE. 71
rôle de Notre-Seigneur ; c'est ce qui
n'est point le Saint-Esprit, ou qui
n'est point né du Saint-Esprit, mais
qui est né de la chair.
D. Le corps et l'ame sont donc
appelés chair dans la sainte Ecri
ture ?
R. Oui , l'ame surtout, quand elle
suit la chair et ses inclinations; et
notre esprit même, quand il agit pour
parvenir aux fins de la chair, sont
appelés chair ; enfin, toutes leurs pen
sées sont appelées chair, parce qu'elles
naissent de la chair ; et l'Ecriture les
condamne, comme choses de mort :
Laprudence de la chair est une mort,
dit saint faul (i), et nous avons eu

( i) Pnidcntid carnis mors psr Ram. viu.6.


CATÉCHISME CHRÉTIEN
des pensées de chair, dit encore le
même apôtre (i).
D. Ce qui est né du Saint-Esprit
et ce que l'on nomme esprit, ne nous
appartient donc point; il n'est point
né de nous; il n'est pas nous-mêmes?
R. Non ; car c'est Dieu même , et
les effets de sa présence, qui sont sa
lumière , sa sagesse , son ardeur , son
amour, etc.
D. Il ne faut donc point s'en glo
rifier, ni le mettre au nombre des
choses qui sont de nous ?
R. Vous avez raison; ce sont eu
nous des dons de la pure libéralité et
de la grande miséricorde de Dieu, tou
ché de notre misère et de la charité de
son Fils mort pour nous sur la croix.
(\)F.phcs. ii. 3.
POUR T.A VIE INTÉRIEURE. ?3

LEÇON XV.
Explication <le la doctrine precédente.

D. Qu'est-ce donc qui est de nous-


mêmes en nous ?
R. Le néant et le péché ; voilà ce
que nous sommes.
D. Nous sommes donc bien peu de
chose, et dignes de toute souffrance
et persécution?
R. Pour le néant, je vous ai déjà
montré comment, de nous-mêmes,
nous n'étions rien : c'est ce que nous
étions de toute éternité; l'être dont
Dieu nous a revêtus n'est point de
nous, il est de Dieu; et, quoiqu'il
nous soit donné , il ne cesse pourtant
y4 CATÉCHISME CHRÉTIEN
pas d'être encore son être, pour le
quel il veut être honoré.
D. Mais pour le péché ?
R. Je vais vous le dire, avec la
grâce de Dieu. Le premier homme,
Adam, avoit été créé dans l'inno
cence; il pécha, et en lui tous les
hommes ont péché.
D. Comment entendez-vous cela?
R. Si un père avoit fait un marché
pour lui et pour toute sa famille ,
n'est-il pas vrai que tous ses enfans
et successeurs seraient obligés aux
conditions sous lesquelles il auroit
contracté ?
D. Cela est vrai.
R. Notre premier père a fait le
premier traité au nom de tous ses en-
fans et de toute sa famille : par son
POUR LA VIE INTÉRIEURE. ^5
péché, il a violé ce pacte et ce traité :
ses successeurs ont donc tous trempé
avec lui dans son crime, et en ont
justement porté toute la punition.
D. Je vois bien, et je crois , que
nous avons commis le péché en notre
premier père, et que nous sommes
punis pour ce péché-là même ; ce qui
est juste : mais je ne vois pas encore
comment nous sommes péché.
R. Pour entendre ce que je vais
vous dire , il falloit avoir présupposé
ce que j'ai déjà établi. Le péché du
premier homme a fait un tel dégât
en nous, et y a mis une telle corrup
tion, que depuis ce temps-là nous ne
sommes que chair et que péché. De
là vient que Dieu dit , Mon Esprit ne
demeurera point en l'homme , parce
y6 CATÉCHISME CHRÉTIEN
qu'il est chair (i) ; parce que tout son
être, et spirituel et corporel, est in
fecté du péché. Son esprit est devenu
chair, il est grossier comme la chair,
il est aveugle comme la chair, il ne
recherche que les appétits de la chair,
il est animal et terrestre comme la
chair ; il est tout dépravé de sa droi
ture ; il est détourné de ses premières
voies; il n'a plus que des désirs im
purs, grossiers et corrompus; en un
mot, il n'a plus rien des traits ni de
la ressemblance de Dieu.
D. Je voudrais bien encore quel
que éclaircissement sur cette matière.
R. L'homme est si dépravé dans
son fond, qu'il n'a d'inclination qu'au
(i) Non permanebit Spirîtus mens in Iiomine in
sternum, qau earo est. Gen. vi. 3.
POUR LA VIS INTÉRIEURE. 77
mal et au péché ; et cette inclination
est si forte en lui , par la misère et par
le venin du péché originel , qu'il n'est
qu'abîme et gouffre du péché, portant
en soi le principe non-seulement d'un
ou de deux péchés , mais aussi de tous
les péchés ensemble.
D. Hélas! qu'est-ce que cela? et
pourquoi nous glorifions - nous de
notre chair? Si le Sage défend l'or
gueil à l'homme , parce qu'il est cen
dre et poussière (i), combien plus
doit-on le reprocher à la chair, qui
est toute pétrie de péché!
R. C'est là ce que nous sommes.
(i) Quid superbit terra et cinis? EccU. x. *j.
78 CATÉCHISME CHRETIEX

LEÇON XVI.
Suite de la même vérite'; que notre cluir n'est
que pèché.

D. Pou ariez- vous encore ajouter


quelque chose pour me faire conce
voir comment la chair n'est que pé
ché?
R. Elle est tellement péché, qu'elle
est toute inclination et tout mouve
ment au péché, et même à tout péché ;
en sorte que, si le Saint-Esprit ne
retenoit notre ame , et ne l'assistoit
des secours de sa grâce , elle serait
emportée par les inclinations de la
chair, qui tendent toutes au péché ,
et qui sont toutes semées dans l'ame,
POUa LA VIE INTÉRIEUSE. 79
à cause de l'étroite liaison et de l'in
time union que celle-ci a avec la
chair.
D. Mon Dieu ! qu'est-ce donc que
la chair?
R. C'est l'effet du péché, c'est le
principe du péché; en un mot, on
peut dire d'elle, comme les Juifs di
soient de l'aveugle - né , qu'elle est
toute née dans le péché (i).
D. Si cela est, pourquoi ne tom
bons-nous pas à toute heure dans le
péché?
R. C'est la miséricorde de Dieu qui
nous en empêche, et son divin Esprit
qui nous assiste, et qui est en nous
pour nous soutenir.

( t ) In neccatis natus ffs totus. Joim. ix. 34.


8tt CATÉCHISME CHRÉTIEN
D. Je suis donc obligé à Dieu , de .
ce que je ne commets pas tous les
péchés du monde ?
R. Oui : saint Augustin le disoit
ainsi de lui-même , et c'est le senti
ment ordinaire des saints ; parce que
la chair est entraînée par un tel poids
vers le péché , que rien que Dieu ne
peut l'empêcher d'y tomber (i).
D. Eh quoi ! la sagesse et la philo
sophie ne le pourroient-elles pas ?
R. Non; car autrefois les plus grands
philosophes et les hommes les plus
sages qui aient jamais été , quoiqu'ils

(i) Gratis tua dcputo, et quxcamque non feci


mala. Quid enim non faeere potui , qui etiam gra-
t iii i mu facinus amavi ? Et omnia milii dimissa esse
fateor, et qu* ni :â sponte feci inala , et qux te
duce non feci. S. Aug. Canf.t, n.€ 7.
POUR LA VIE INTÉRIEURE. 8l
connussent la vertu, et qu'ils eussent
une très -grande horreur du vice,
n'ont pas laissé de faire de grandes
chutes, et sont même tombés dans les
vices les plus horribles et les plus
honteux de la nature (i).
D. Nous avons donc grande obli
gation à notre Seigneur Jésus-Christ
de nous avoir donné son Esprit, pour
relever notre ame, et pour la retirer
du bourbier du péché, et des incli
nations de la chair où elle est toute
plongée?
R. Notre obligation envers lui est
trop grande pour pouvoir l'exprimer.
D. Mais encore, voudriez-vous bien
m'en dire quelque chose ?

(i) Rom. i. u , rte.


tta . CATÉCHISME CHRÉTIEN
R. Ce que je puis vous en dire , est
qu'il n'y a aucune sorte de péché qui
puisse se concevoir; il n'y a ni im
perfection ni désordre , il n'y a point
d'erreur ni de dérèglement dont la
chair ne soit remplie : tellement qu'il
n'y a sorte de légèreté, ni de folie, ni
de sottise, que la chair ne soit capable
de commettre à toute heure.
D. Eh quoi ! je serois fou , et ferais
le fou par les rues et par les compa
gnies , sans le secours de Dieu ?
R. C'est peu que cela , qui ne re
garde que l'honnêteté civile ; mais il
faut que vous sachiez que , sans la
grâce de Dieu , sans la vertu de son
Esprit , il n'y a aucune espèce d'im
pureté , de vilenie , d'infamie , d'ivro
gnerie , de blasphème ; en un mot , il
POUR LA VIE INTÉRIEURE. 83
n'y a sorte de péché auquel l'homme
ne s'abandonnât.
D. La chair est donc bien corrom
pue?
R. Vous le voyez.

LEÇON XVII.
One nuire cliair est toute opposee et rebelle à Dieu
et ù son divin Esprit.

D. Je vois bien comment la chair est


tout péché : je n'en saurois plus dou
ter ; mais je vous prie néanmoins de
me le faire voir plus amplement , afin
de m'en inspirer toujours plus d'hor-
reur.
R. La chair est péché, en tant
qu'elle est toute opposée à Dieu, en
81 CATECHISME CHRÉTIEN
tant qu'elle combat contre l'esprit;
et l'esprit aussi combat contre elle ( i).
D. Que dites-vous? la chair est
opposée à Dieu et à son divin Es
prit ?
R. Oui, c'est saint Paul qui le dit.
D. Elle fait donc comme le démon ,
qui combat contre Dieu ; et par con
séquent elle est de la nature du dé
mon ?
R. Oui:
D. Je ne m'étonne plus, si vous
dites qu'il faut haïr sa chair ; que l'on
doit avoir horreur de soi-même; et
que l'homme, dans son état actuel,
doit être maudit, calomnié, persé
cuté : non, je n'en suis plus surpris.
( i) Caro eoncupiscit ailvrrsîis spiritmn ; spiritus
WMcm a'iversïis carnr.m. Cal. v. i7.
POUR LA VIE INTÉRIEURE. 85
En vérité, il n'y a aucune sorte de
maux et de malheurs qui ne doivent
tomber sur lui à cause de sa chair.
R. Vous avez raison : toute la haine,
la malédiction, la persécution qui
tombe sur le démon, doit tomber sur
la chair et sur tous ses mouvemens.
D. Mais le démon est maudit, parce
qu'il ne veutpoint se convertir àDieu ,
et ne peut jamais lui être assujéti ?
R. Il en est ainsi de la chair, pen
dant tout le temps de cette vie ; elle
est tellement corrompue, gâtée, souil
lée etpervertie, quejamaisellene peut
se convertir à Dieu; elle ne sauroit
lui être assujétie, dit saint Paul (i).

( i ) Legi enim Dei non est iubjecta ; nec ec-iin


potect. Rom. vm. 7.
86 CATÉCHISME CHRÉTIEN
D. Mais, cela étant, comment est-
il possible que les saints, qui ont
une chair semblable à la nôtre , ser
vent Dieu dans le monde ?
R. C'est qu'en eux, l'Esprit de
Dieu, à qui l'ame adhère, et par qui
elle est éclairée , émue , fortifiée , en
traîne la chair, et l'assujétit à Dieu
malgré elle.
D. Est-ce malgré elle ?
R. Oui ; car en cette vie elle de
meure toujours ce qu'elle estj et
quoique, parfois, la grâce• et l'épan-
chement de l'Esprit-saint qui se fait
sur elle, la fasse réjouir en Dieu,
comme dit l'Ecriture sainte (i) ; elle

( i ) Cor meum el caro mea exu'tavernnt in Deum


vivam. Pi. lxxxiii. 3.
POUR LA VIE INTÉRIEU1E. 87
est pourtant prête à y résister , et se
(ait presque toujours tirer par force.
D. Mais les démons ue chantent
jamais les louanges de Dieu , et ne
sauroient se réjouir ?
R. Non , en l'état où ils sont ; mais
Dieu pourtant, s'il le vouloit, le leur
feroit faire par sa puissance, au milieu
de leur dépravation.
D. Mais pourquoi notre cliair loue-
1 -elle Dieu quelquefois, et que les
démons ne le louent jamais?
R. Parce que les démons ne sont
plus en état d'espérer ni de mériter
la gloire; mais la chair est donnée
pour compague à l'ame, qui mérite
la gloire et l'espère tous les jours : de
sorte qu'en l'homme, l'ame sert Dieu,
et lui adhère en l'esprit, et la chair
88 CATÉCHISME CHRÉTIEN
demeure maigre soi assujétie à l'es
prit, quoiqu'elle n'y soit pas soumise.
D. Que veut dire cela, la chair est
assujétie , et non soumise ? I
R. La chair est comme le démon ,
qui, malgré sa contradiction et sa
rage, est assujéti à la puissance de
l'Esprit divin ; mais néanmoins il
n'est pas soumis à ses lois.
D. La chair est-elle ainsi dispo
sée , pendant que l'ame sert Dieu
en elle ?
R. Oui , dans le temps que je prie
Dieu, et que je me soumets à lui;
pendant que je m'élève à Dieu par
la vertu de l'Esprit-saint; en même
temps la chair se sépare de Dieu ,
elle se distrait à la créature ,- elle
s'abaisse et s'appesantit vers la terre,
POUR LA VU INTÉRIEURE. 8l)
et ainsi elle détourne souvent l'ame
de Dieu (i). En même temps que
l'ame se tient dans la pureté, la chair
se porte à l'impureté et à la déshon-
nêteté; en même temps que l'ame
entre dans la sainteté de Dieu , la
chair se mêle, se souille et se gâte
avec la créature ; enfin , la chair ne
change jamais ; elle ne cesse d'être ce
qu'elle est, non plus que le démon.
( i ) Deprimit sensum multa cogitautem. Sap. tx.
i 5.

LEÇON XVIII.
Que la malignitê de notre chair merite toutes sortes
d'humiliations de lapart de Dieu et des créatures.
D. Quand sera-ce que l'homme et
la chair ne seront plus péché?
OO CATÉCHISME CHRETIEN
R. Dans le paradis, au jour de la
résurrection, quand Dieu réformera
ce corps vil, abject et humilié (i).
D. Est-ce bien dit, ce corps hu
milié?
R. Oui, c'est bien dit; aussi est-ce
après saint Paul que nous le disons :
car, en effet, l'homme mérite toute
humiliation , il n'y a point de confu
sion qu'il ne doive souffrir; par exem
ple, si on dit de moi, de vous, ou de
qui que ce soit : Cet homme ou cette
femme est avare; il faut l'endurer,
ayant en nous un principe d'avarice
insatiable, quoique la grâce en ait
peut-être étouffé le sentiment dans
nos ames. Si on dit : Cet homme,

( i ) Reformabit corpus humilitati* nostr*. Phi
lip, m. si.
POUR LA VIE INTÉRIEURE. J)I •
cette femme est déshorraête; il faut
l'endurer, parce que la semence de
tout vice et de toute impureté se
trouve dans la chair , et qu'elle por
terait au péché, si l'Esprit ne l'en
détournoit. Dit-on qu'il y a bien de
l'orgueil en vous et en moi ; cela est
toujours vrai , quelques effets que la
grâce de Jésus-Christ et de son Saint-
Esprit ait opérés en nous - et on ne
nous fait point de tort ni d'injure,
de nous appeler superbes , parce que
notre chair demeure toujours la
même, c'est-à-dire, toujours pétrie
d'orgueil , et toujours prête à passer
aux effets; tellement que nous ne
cessons jamais d'être superbes, quoi
que nous ne le sentions pas, et que
nous nous exercions quelquefois à
ijï CATÉCHISME CHRÉTIEN
des actes d'humilité. Ainsi en est-il
de toutes les autres imperfections qui
peuvent se concevoir en l'homme ;
parce que la chair est la source , le
cloaque , et la sentine de toute im
pureté , de tout désordre , et de tout
péché.
D. Il n'y a donc aucune sorte
d'injures qu'on ne doive supporter,
et qu'on ne doive croire nous être
bien dues?
R. Non.
D. Les mépris , les injures , les
calomnies ne doivent donc point
nous troubler?
E. Non; il faut faire comme ce
saint, qui autrefois fut conduit au
supplice, pour un crime qu'il n'avoit
point commis, et dont il ne voulut
POUR LA VIE INTÉRIEURE. g3
pas se justifier, disant en soi-même ,
qu'il l'auroit commis, et de bien
plus grands encore, si Dieu ne l'en
eût empêché.
D. Ainsi, nous devons souffrir
toutes sortes de persécutions ?
R. Si nous étions bien instruits de
la malice de notre chair, nous ne
douterions pas de cela ; au contraire ,
nous devrions souhaiter ces chàti-
mens , pour réprimer par là sa rebel
lion continuelle contre Dieu.
D. Le hommes, les anges, et Dieu
même, devraient donc nous persé
cuter sans cesse ?
R. Oui , cela devrait être ainsi ,
comme il sera au jour du jugement,
à l'égard des pécheurs que Dieu pu
nira, et sur qui il exercera sa ven
i)\ CATECHISME CHRETIEN
geance par toutes les créatures où il
habite , comme par autant d'instru-
mens de l'exécution de sa justice (i).
Ainsi en toute maladie , persécution ,
mépris, et autre affliction, il faut
prendre le parti de Dieu contre nous-
mêmes, et dire que nous méritonsjus
tement tout cela, et davantage; que
Dieu a droit de se servir de toute créa
ture pour nous punir; et que nous
adorons la grande miséricorde qu'il
exerce maintenant sur nous , sachant
bien qu'au temps de sa justice il nous
traitera plus rigoureusement.
D. Qu'appelez-vous le temps de sa
justice ?

(i) Pugonbit enm illo nrLis Icrranw rontra


insensatos. Sap y. ai.
POIR IK VIE INTÉEIEURE. Ç)5
R. Le temps de l'autre vie, où Dieu
ne fera plus miséricorde aux hommes,
où sa justice ne sera plus mêlée de
compassion pour nos misères , et où il
nous traitera selon toute la sévérité
de son saint jugement.
D. Cela sera donc bien terrible ?
R. C'est une chose horrible, dit l'É
criture (i), de tomber dans les mains
du Dieu vivant ; alors il n'y aura au
cune sorte de peine et d'aflliction,
dont l'ame et le corps ne soient acca
blés.
D. Il est donc bien plus doux de
porter maintenant la croix que lajus
tice de Dieu nous impose, dans ce

( i ) Horrendum est incidere in mnnus Oei ii-


vcntis. Ilclr. x. 3i.
96 CATÉCHISME CHRÉTIEN
temps de miséricorde , où l'on est sou
tenu par la grâce et par la vertu que
la bonté de Dieu nous donne, que
d'attendre au temps où l'on sera dé
laissé de tout secours et de toute con
solation, et accablé de toutes sortes
de tourmens?
R. Vous avez bien raison : dans
l'enfer on n'a point de vertu qui sou
tienne , point de grâce qui fortifie ,
point d'onction qui console, et qui
adoucisse le joug de la rigueur de
Dieu ; ce qui néanmoins est ici le
plus grand tempérament de nos croix
et de nos tourmens.
POUR LA VIE INTERIEIÏRF.. (m

LEÇON XIX.
De l'obligation que nous avons, par suite de noire
pêché , de supporter la pauvreté , qui est la troi
sième branche de la croix des chréticus.

D. » obs m'avez bien montré com


ment on est obligé , depuis le péché ,
de porter les deux premières parties
de la croix , savoir , les mépris et les
persécutions, ou peines violentes, que
l'on nomme souffrances; mais vous ne
m'avez pas encore parlé de la troi
sième partie, non moins facheuse à
porter que les autres; je veux dire la
pauvreté, qui est la troisième branche
de la croix des chrétiens ?
R. 11 est bien aisé de le faire , et de
• 9** CATECHISME CHRÉTIEN
vous montrer comment on est obligé,
ensuite du péché, de supporter la
pauvreté la plus grande qu'on puisse
concevoir. La justice des rois du
monde , qui ne fait rien de juste que
par la participation de la justice de
Dieu même , nous l'apprend dans les
lois qu'elle fait contre les criminels.
Aussitôt qu'elle a convaincu un
homme du crime de lèse-majesté, elle
le prive de tous ses biens, elle rase
ses maisons; elle dépouille de tous
droits dans son royaume , non-seule
ment le criminel, mais même toute sa
famille et tous ses descendans.
D. Est-ce ainsi que Dieu a traité les
pécheurs ?
R. Oui , et en la personne du pre
mier homme, et après lui en celle de
POUR LA VIE INTÉRIEURE. gg _
tous ses enfans ; car premièrement il a
chassé Adam de sa demeure et de sa
belle maison, le Paradis terrestre, qui
est comme rasé et démoli pour lui et
pour tous ses enfans. Secondement, il
l'a dépossédé de l'empire du monde ,
l'a dépouillé de tout droit, et l'a ré
duit à l'état d'un très-malheureux
esclavage.
D. Mais pourquoi Dieu Ôte-t-il les
biens au pécheur?
R. Parce qu'il n'est pas juste qu'un
serviteur rebelle, qu'un valet révolté,
qu'un traître et un infidèle, jouisse
des biens de son maître. 11 est juste
que le maître les lui ôte d'entre les
mains, qu'il le chasse de sa maison, et
qu'il ne le souffre plus manger son
pain en sa compagnie. Il estjuste que
IOO CATÉCHISME CHllÉTIEN
Dieu ôte son bien à ses ennemis, puis
qu'ils n'en usent ordinairement que
pour l'offenser.
D. D'où vient donc que les pécheurs
usent tous les jours des biens de Dieu?
pourquoi vivent-ils si à leur aise?
pourquoi abondent-ils en biens ?
H. C'est que Dieu n'exerce pas sa
justice sur eux en ce monde ; il se ré
serve à les punir en l'autre. Alors le
plus riche des hommes n'aura pas une
goutte d'eau pour raffraîchir sa lan
gue, comme le dit Notre-Seigneur ( i).
Alors ils seront si gueux et si miséra
bles, qu'ils seront dépouillés de tout,
et même privés de l'usage de leurs
(i) Mitte Lazarum , ut intingat cxtremutn digiti
sui in jquam , nt refrigcret linguain mcam, quia
crurtor in liac tl.minui. hue. xvi. «4.
POUR LA VIE INTERIEURE. loi
puissances naturelles, par l'excès des
tourmens , et par la soustraction du
secours de Dieu , qui ne leur laissera
l'exercice de leurs facultés , que pour
leur faire ressentir plus vivement la
rigueur des supplices.
D. Les démons et les reprouvés
sont donc bien misérables ?
R. Ils sont si misérables , qu'il n'y
a que Dieu seul qui connoisse leur
misère; eux-mêmes ne la compren
nent pas , tant parce que leur peine
est si grande , qu'elle excède toute
connoissance , que parce qu'elle ne
leur donne aucun relâche pour y pen
ser mûrement. Ils crient sans cesse ,
dans l'excès de la rage et du déses
poir, et ne font autre chose. Les
pécheurs, dans l'ordre de la justice
102 CATÉCHISME CHRETIEN
de Dieu , devraient être en pareil
état.
D. Quoi ! les pécheurs devraient
donc être pauvres et dépouillés de
tout , comme les démons ?
R. Oui ; et même les pécheurs
devraient encore être interdits de
toutes leurs facultés corporelles et
spirituelles , et dépouillés de tous les
dons de Dien.
D. D'où vient qu'ils n'en sont pas
privés ?
R. C'est parce que Jésus -Christ
leur a acquis le droit qu'ils avoient
perdu : c'est à cause de lui que les
hommes en ont la jouissance ; ils ne
tiennent rien de tous les biens cor
porels ou spirituels , que par la pure
miséricorde de Dieu et de Jésus
POUR LA VIE INTÉRIEURE. Io3
Christ Notre -Seigneur, qui, ému
de compassion sur la misère des
hommes , est venu lui-même la por
ter , et par sa pauvreté compenser
celle que tous les hommes doivent
souffrir.
D. Expliquez-moi cela plus par
ticulièrement, par rapport aux biens
de l'esprit?
R. Nous n'avons aucun usage de
nos puissances , nous n'avons aucune
lumière de l'esprit, aucun mouve
ment de la volonté, que Jésus-Christ
ne nous les ait acquis; parce qu'ayant
péché en Adam, nous devions tout
perdre : mais nous avons recouvré
en Jésus-Christ ce que nous avions
perdu , et recouvré encore beaucoup
plus de grâces et de biens, que le
104 CATÉCHISME CHRETIEN
péché ne nous en avoit ôté. Ainsi ,
là où le péché avoit abondé, la grâce
a surabondé (i) par Jésus-Christ; et,
comme chante l'Église : Heureuse
faute , qui nous a procuré un tel Ré
dempteur (2) !
(i) Ubi abuodavit delictum, superabundavit
gratia. Rom v. ao
(a) O felix culpa! quœ talem ac taatam meruit
habere Hedemptorcm. Prtcc. Pasc/i.

LEÇON XX.
De la grâce qu'opèrent dans l'amc les mystères de
Notre-Scigneur auxquels il faut participer ; et ,
premièrement , du mystère de l'Incarnation.

D. Pour être parfait chrétien , suf


fit-il d'avoir les dispositions que vous
m'avez marquées jusqu'ici?
POUR LA YIE INTÉRIEURE. lo5
R. Non; il faut, de plus, que les
chrétiens participent à tous les mys
tères de Jésus- Christ; cet aimable
Rédempteur les ayant opérés exprès
en sa personne , pour qu'ils fussent
des sources de grâces très-abondantes
et très-particulières, dans son Église.
D. Chaque mystère a-t-il acquis
à l'Eglise quelque grâce spéciale ?
R. Oui , chaque mystère a acquis
à l'Église la grâce sanctifiante, et
une diversité d'états et de grâces
particulières que Dieu répand dans
les aines épurées , quand il lui plaît,
et plus ordinairement dans le temps
de la solennité des mystères.
D. Combien y a-t-il de mystères
principaux auxquels l'unie peut par
ticiper?
106 CATÉCHISME CHRÉHEM
R. Elle doit participer générale
ment à tous, mais principalement
à six , qui sont : l'Incarnation , le
Crucifiement , la Mort, la Sépulture,
la Résurrection , et l'Ascension.
D. Quelle grâce opère en nous le
mystère de l'Incarnation ?
R. La grâce d'anéantissement à
tout propre intérêt et à tout amour-
propre.
D. Qu'est-ce à dire, anéantisse
ment à tout intérêt et amour-propre?
R. C'est-à-dire que, comme par
le sacré mystère de l'Incarnation ,
l'humanité sainte de Notre-Seigneur
a été anéantie en sa propre personne ;
de sorte qu'elle ne se cherchoit plus,
elle n'avoit plus d'intérêt particulier,
elle n'agissoit plus pour soi; ayant
POUR LA VIE INTÉRIM RE. 107
en soi uue autre personne substi
tuée , savoir, celle du Fils de Dieu ,
qui recherchoit seulement l'intérêt
de son Père , qu'il regardoit toujours
et eu toutes choses : de même nous
devons être anéantis à tous propres
desseins et à tous propres intérêts ,
et n'avoir plus que ceux de Jésus-
Christ, qui est en nous afin d'y vivre
pour son Père (1). De même que
mon Père , lorsqu'il m'a envoyé , m'a
coupé toute racine de recherche de
moi-même, en ne me donnant pas la
personne humaine , mais en m'unis-
sant à une personne divine, afin de
me faire vivre pour lui : ainsi , quand
( i ) Sicnt misit me viveos Pater , et ego vivo
propter Patrem : et qui mandncat me , et ipic vivct
propter me. Joan, vi. 58.
108 CATECHISEE CHRÉTIEN
vous me mangerez, vous vivrez tout
pour moi, et non pour vous. Car je
serai vivant en vous; je remplirai votre
ame de mes désirs , et de ma vie qui
consumera et anéantira en vous tout
ce qui vous est propre : tellement
que ce sera moi qui vivrai et dési
rerai tout en vous, au lieu de vous ;
et ainsi, anéantis en vous-mêmes,
vous serez tout revêtus de moi.
D. Ce revêtement de Notre - Sei
gneur est -il une seconde grâce du
mystère de l'Incarnation?
R. Oui ; car, outre que le mystère
de l'Incarnation , à proprement par
ler, opère en nous un entier dépouil
lement, et un renoncement à tout
nous - mêmes ; il opère de plus un
revêtement de Notre -Seigneur, par
POUR LA. VIE INTÉRIBURg. hii)
une consécration totale à Dieu : de
même qu'au jour de l'Incarnation,
Notre - Seigneur se consacra entiè
rement à son Père, lui et tous ses
membres , sanctifiant déjà toutes les
occasions particulières que lui et ses
membres auraientjamais de servir et
de glorifier Dieu.
D. Au très-saint jour de l'Incar
nation , Notre-Seigneur Jésus-Christ
a-t-il offert à Dieu son Père sa vie
et celle de tous ses membres?
R. Oui , il les a offertes , et il con
tinue encore cette même offrande ; il
est toujours vivant dans les mêmes
dispositions qu'il a eues pendant toute
sa vie ; il ne les interrompt jamais ,
et il s'offre toujours à Dieu en soi
et en tous ses membres , dans toutes
110 CATECHISME CHRÉTIEN
les occasions qu'ils ont de le servir,
de l'honorer et de le glorifier. Notre-
Seigneur , en sa personne divine , est
un autel sur lequel tous les hommes
sont offerts à Dieu , avec toutes leurs
actions et leurs souffrances ; c'est cet
autel d'or (i), sur lequel se consomme
tout sacrifice parfait : la nature hu
maine de Jésus -Christ et celle de
tous les fidèles en forment l'hostie,
son Esprit en est le feu , et Dieu le
Père est celui à qui on l'offre , et qui
y est adoré en esprit et en vérité.
( i ) Apoc. vin. 3.
POUH LA VIE INTERIEURE. m

LEÇON XXI.
Du mystère du Crucifiement et de su grace.

D. Je suis satisfait de ce que vous


m'avez dit du grand et saint mystère
de l'Incarnation ; mais pour le mys
tère du Crucifiement, quelle grâce
opère-t-il en nous?
R. Il nous donne la grâce et la
force de crucifier tous nos membres ,
par la vertu de l'Esprit de Dieu , qui
est comme notre meurtrier et l'exé
cuteur de la sentence prononcée
contre la chair. Les clous dont il se
sert sont les vertus qui attachent à
la croix notre amour-propre et nos
désirs charnels. Cet état de cruci
112 Cilii. HISSE dUKTrEK
fiement suppose que l'a me est rivante
à soi, qu'elle combat encore, et
que l'Esprit div in use de violence et
de véhémence sur le corps, pour le
meurtrir et le crucifier. Mortifiez vos
membres qui sont sur la terre, dit
saint Paul (i). Ainsi cet état dit ré
sistance à l'Esprit de la part de la
chair ; et souvent même , dans ces
agonies, on est travaillé de peines
excessives.
D. Que huit -il faire quand on sent
en soi quelques désirs qui se sou
lèvent et qui donnent de la peine?
R. Il faut s'adresser à l'Esprit
saint, le prier qu'il use de sa puis
sance contre la chair, et lui dire
(i) Morfitrate n ;o nembra mira ç«v niai
i.aper ttrram. CU. tis. 5.
VOUR LA VIE INTÉRIEURE. 1]3
qu'il agisse en maître ; que , de notre
côté , nous renonçons à tous nos dé
sirs, et que nous nous unissons à lui
pour agir en sa vertu contre nous-
mêmes; nous anéantissant, nous con
fondant, et détruisant tous ces sou-
lèvemens en nous , autant que nous
le pouvons , comme une victime que
Dieu prend plaisir à voir immoler à
sa justice.

LEÇON XXII.
Du mystère de la Mort de Noire-Seigneur , et <le
l'état de mort qu'il ujière.

D. Comment pouvons-nous parti


ciper au mystère de la Mort de No-
trc-Seigneur ?
H
. »l4 CATÉCHISME CHRETIEN
R. Par la communion à la grâce
et à l'état de mort, que notre Sei
gneur nous a acquise par ce mystère.
D. Qu'est-ce que l'état de mort ?
R. C'est un état où le cœur ne peut
être ému en son fond ; et quoique le
monde lui montre ses beautés, ses
honneurs , ses richesses , c'est tout de
même que s'il les offroit à un mort ,
qui demeure sans mouvement et sans
désirs, insensible à tout ce qui se
présente.
Le chrétien , dans l'état de mort
intérieure, quoi que ses sens lui mon
trent , quoi que les malignités du
monde lui suscitent , est intérieure
ment inébranlable à tout; il peut
être agité au dehors pendant qu'il
est en vie, mais toujours il est en
VODR LA VIE INTÉRIEURE. Il5
paix au dedans; il demeure insen
sible à tout , et n'en fait non plus de
cas que si tout n'étoit rien, parce
qu'il est mort en Notre-Seigneur (i).
Le mort peut bien être agité par
dehors, et recevoir quelque mouve
ment dans son corps : mais cette agi
tation est extérieure ; elle ne procède
pas du dedans, qui est sans vie, sans
vigueur et sans force. Ainsi une amc
qui est morte intérieurement, peut
bien recevoir des attaques des choses
extérieures, et être ébranlée au de
hors : mais au dedans de soi, elle
demeure morte et sans mouvement
pour tout ce qui se présente ; parce
qu'il n'y a plus, en son fond, au
cune vie pour le monde , et que,tout
(i) Mortui enim cstis. Col, m. 3. *
I l6 CATKCHISXE CHRETIEN
y est insensible , et mort aux choses
vaines du siècle , à cause de la vie
divine qui absorbe ce qu'il y a de
mortel en elle (i).
(i) Ut absorbeatur quod mortale est, à vita.
II. Cor. v. 4.

LEÇON XXIII.
Du mystère de la Sepulture, et en quoi sa grâce
diffère de celte de la mort.

D. Et pour la Sépulture de Netre-


Seigneur, quelle est la grâce qu'elle
nous acquiert, et en quoi cette grâce
est - elle différente de celle de la
mort ?
R._ C'est que le mort a encore la
ligure du monde et de la chair :
POUR LA VIE IISTÉRIEimE. 117
l'homme mort paroît encore être une
partie d'Adam ; encore parfois le re-
mue-t-on ; il donne encore quelque
agrément au monde : mais de l'ense
veli , on n'en dit plus mot , il n'est
plus dans le rang des hommes , il est
puant , il est en horreur ; il n'a plus
rien qui agrée ; il est foulé aux pieds
dans un cimetière , sans que l'on s'en
étonne : tant le monde est convaincu
qu'il n'est rien , et qu'il n'est plus du
nombre des hommes.
La sépulture dont parle saint Paul,
lorsqu'il dit que nous sommes ense
velis avec Notre-Seigneur par le bap
tême (1), est la même chose que la
(i) Cotnepahi eaim sumus cum illo f*r l**p-
tismum in mortem. Rom. vi. 4- CoMeputt* « *«
baptismc- Col. ii. ia.
Il8 CATÉCHISME CHRÉTIEN
pourriture dont parle Notre-Seigneur
en saint Jean , lorsqu'il dit : Si le
grain de froment qui tombe en terre
ne meurt et ne pourrit, il demeure
tout seul et sans fruit (i).
Cette sépulture et cette pourriture
sont différentes de la mort, en ce que
l'état de mort dit seulement un état
de consistance , de fermeté et d'in
sensibilité; mais l'état de sépulture
et de pourriture dit la destruction
totale de l'être, et la production du
germe d'une nouvelle vie. Le grain
pourri est le tombeau d'où ressuscite
la nouvelle créature ; et le corps d'un
(i) Nisi grannm fnimenti cadens in terrain ,
inortuum fuerit, ipsum aolum manet ; si autem
mortuuin fuerit, multnm fruetum affrrt. Joan.
xii. a4.
POUR lA VIE INTERIEURE. ng
chrétien, déjà condamné à la pour
riture dans Adam, voit renaître de
sa pourriture le germe d'une vie di
vine , que le Saint-Esprit y produit,
avec tous les effets et tous les mou-
vemens de sainteté qui l'accompa
gnent. Ce mystère est fondé sur celui
de la sépulture de Notre-Seigneur,
puisque ce divin Sauveur a vu re
naître sa vie du milieu du tombeau,
où la mort avoit mis cet admirable
grain du froment des élus.
110 CU'ÉCHISME CHRÉTIEN

LEÇON XXIV.
Du mystère de ta Resurrection , et de la grâce i|n'il
opère en nous.
D. Qu'est-ce que nous donne le
saint mystère de la Résurrection de
Notre-Seigneur? quelle grâce opère-
t-il en nous ?
R. C'est une grâce d'éloignement
de tout le siècle , de détachement de
la vie présente, qui fait que l'on sou
pire pour la vie future , et qu'on as
pire continuellement au ciel , à l'ex
emple de Notre-Seigneur, qui, après
sa résurrection, ne pouvoit même
vivre avec ses disciples, ni souffrir
leur incrédulité et la dureté de leur
cœur; tant il vivoit dans l'impatience
POUR LA VIE iNTÉRIEDRE. 121
et dans le désir d'être avec son Père ,
comme il le témoignoit déjà durant
sa vie, par ces paroles : Glorifiez-mai,
mon Père, etc. (i).
D. Mais il ne faudrait point vivre
sur la terre pour être en cet état?
R. Non ; car Notre-Seigneur, après
sa résurrection, paraît encore avec
ses disciples; il converse avec eux ,
mais plus rarement ; il mange même
avec eux, mais c'est avec éloigne-
ment et dégoût.
D. Cet état permet-il encore quel
que attache aux créatures?
R. Non; on le voit en ce qui se
passe entre Notre-Seigneur et sainte
Magdeleine : il ne lui permet plus
(i) Pater, venit hora, clarifies F it i mn tuum.
Joan. su. i.
122 CATÉCHISME CHRÉTIEN
l'approche de sa personne , il ne
souffre plus ses saintes familiarités ;
il l'éloigne , parce que l'état de sain
teté , dans lequel entre l'ame ressus-
citée, porte avec soi l'éloignement de
toute créature visible. Soyez sainte,
ô Magdeleine , carje suis saint; ces
sez d'être attachée aux choses pro
fanes du monde; car, étant saint
comme je suis, je ne saurais m'en
approcher , ni par conséquent de
vous , si vous y avez encore quelque
attache.
Quoique l'état de résurrection porte
avec soi la retraite des créatures ,
l'union et l'application à Dieu ; il
n'est pas toutefois si parfait que celui
de l'Ascension.
POUR LA VIE INTÉRIEURE. 12j

LEÇON XXV.
Du mystère de l'Ascension , de sa grâce , et de son
eut , qui est celui des parfaits.
D. Qu'est-ce donc que l'état et la
grâce du saint mystère de l'Ascension?
R. C'est un état parfait de consom
mation en Dieu, un état de triom
phe et de gloire achevée , un état où
il ne paroit plus rien d'infirme.
D. Paroissoit - il encore quelque
infirmité en Notre-Seigneur Jésus-
Christ , après sa Résurrection ?
R. Il en avoit encore quelques
marques , et sembloit se dépouiller
quelquefois de la gloire parfaite de
sa consommation en Dieu , et de sa
ir»4 ctTÈr.msME chrétien
totale ressemblance à son Père. 11
mutait encore son humanité palpable
et visible aux yeux de ses apôtres;
il mangeoit avec eux (i). Mais, au
jour de son Ascension , sa gloire ne
souffre plus d'interruption ni de
suspension ; l'éclat n'en est plus sup
portable aux yeux des hommes: étant
entré dans la splendeur de Dieu son
Père, il demeure caché dans son sein,
il ne tombe plus sous nos sens ; et ,
quoiqu'il y conserve les qualités de
la nature humaine, il ne les assujétit
plus à- notre infirmité. Il y est es
prit vivifiant, étant parfaitement en
tré en participation de la nature de
(i) Palpate et videte, quia spirittu carueiu «
oiia oon hahet , sirut me vîdetis haberc. Luc. xxiv.
3'j
roua LA VIE INTÉRIEURE. I2J
son Père , glorieux , spirituel , tout-
puissant ; ce qui fait même qu'il en
voie avec lui son Saint-Esprit , et
qu'il participe de la fécondité du
Père, pour communiquer cet Esprit
au -dehors. Car, comme le Verbe
éternel, et infiniment un avec son
Père , par un principe intérieur et
identique, produit le Saint-Esprit
avec lui et en lui ; de même Jésus-
Christ Notre-Seigneur, qui est exté
rieur à Dieu par sa nature humaine ,
en se réunissant à lui , et entrant
dans l'unité parfaite avec lui , pro
duit le Saint-Esprit, et avec lui
l'envoie à ses apôtres : et c'est en
quoi consiste la merveille admirable
du mystère de l'Ascension.
De là vient qu'une ame qui entre
1^6 CATÉCHISME CIIRÉTlim
dans cet état de la divine Ascension
de Notre - Seigneur Jésus - Christ ,
reçoit la participation de sa divinité ,
comme le chante l'Église (i) , après
le saint apôtre, qui avoit dit que
nous sommes faits participans de la
nature divine (2).
État admirable de l'ame , intérieu
rement rendue conforme et entière
ment semblable à Dieu ; et , comme
disent les saints, parfaitement déi-
forme , c'est-à-dire, toute ardente
d'amour, et lumineuse de la clarté
de Dieu.
L'ame en cet état ne déchoit plus
de l'union ou de l'unité en Dieu ,
(i) Est clcvatus ia ccelum, ut nos divinitatis
su* tribueret esse participes. Prtejat. Ascensionis.
(?) Divin» consortcs nahirae. II. Peti: I. 4.
POUR LA VIE INTÉSIEIHE. 127
pour descendre à la bassesse de l'in
firmité humaine. Vous ne la voyez
plus épanchée en passion et en amour-
propre; elle n'admet plus au dedans
d'elle-même la transformation en la
créature ; elle ne laisse plus prendre
racine en elle à l'amour des choses
périssables, qui fait qu'on se trans
forme en la créature, qu'on se voit
en elle , et qu'on la voit en nous ; et
qu'ainsi on déchoit de cette parfaite
ressemblance à Dieu et à Jésus-Christ
monté au ciel, où étant transformé
et consommé en son Père, il nous
attire avec lui à la transformation et
consommation en Dieu. C'est pour
quoi il disoit à Magdeleine (i) : Ne
(i)Noli me tangerc; nondum enim ascendi ad
Patrem menm. Joan. xx. i 7.
ia8 CATECHISME CHRÉTIEN
me touchez point, carJe ne suis pasi
monté à monPère: attendez que je sois
dans l'état où j'attirerai les âmes à
mon Père , et à la transformation et
consommation en lui. C'est ce qu'il
fait au très-saint Sacrement, où, étant
entré dans sa puissance, il consomme
et transforme en lui les aines : Non me
mutabis in te, sed ta mutaberis in
me. L'ame, dans l'état de la résur
rection, doit craindre l'attache et
même l'approche des créatures ; de
peur de déchoir, de se laisser trans
former en elles, et de devenir par
ticipante de leur être profane.
D. L'état de la sainte Ascension
est donc l'état des parfaits ?
R. Oui ; c'est l'état des ames par
faites et consommées intérieurement
. POUR LA VIE INTÉRIEURE. I2Ç)
en Dieu, dans l'être et dans la vie
duquel elles sont passées par la vertu
d'une union parfaite et très-intime.
D. O l'union admirable !
R. Oui ; c'est pour cela que cette
sainte Ascension de Notre-Seigneur
est appelée admirable (i), et qu'elle
fait entrer les ames dans un état de
sainteté ineffable.
D. Dites -m'en encore quelque
chose , pour me donner le désir d'y
parvenir?
R. L'arae, en cet état, est impé
nétrable aux traits du monde ; elle
n'est plus susceptible de l'imperfec
tion des créatures ; elle est parfaite
ment séparée de l'être profane ; elle

(i)Per admirabilem Asccnsionem tuam. Litan.


9
l3o CATÉCHISME CHRÉTIEN
possède une paix et un repos divin ;
elle est inébranlable dans son inté
rieur : et c'est à une ame de cet état
que l'on peut adresser hardiment ces
paroles : II ne vous arrivera point de
mal, et aucun fléau n'approchera de
votre tabernac/e (i). Vous diriez
qu'elle est déjà, par une heureuse
anticipation, dans là région de l'éter
nité.
Cet état est un état de pureté ad
mirable, où l'ame n'a plus de mé
lange avec l'être profane, ni plus
d'épanchement sur lui. Elle peut voir
autour de soi son vieil homme et sa
chair se changer et s'altérer : mais ,
toujours intime, et toujours inté-
( i ) Non acredet ad te maliim , et flagellum non
ap(iropinr|uabit tabernaeulo tno. Ps. xc. i0.
roua l.A VIE INTÉRIEURE. l3l
rieure à elle-même , elle ne déchoit
point de son état; elle demeure fer
me , elle fait même toujours de nou
veaux progrès, et ce n'est qu'en sa
chair que se trouve l'altération (i).
(i) Licet is , qui foris est , nostrr liomo corruin-
patur; tumen is, qui intus est, renovatur de die
in dipm. II. Cor. Iv. t6.

FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE.


CATÉCHISME
CHRÉTIEN
POUR
LA VIE INTÉRIEURE.

Seconbe partie.
DES MOYENS D'ACQUÉRIR ET DE CONSERVER
L'ESPRIT CIIRÉTIEN.

. LEÇON I.
Que la prière est le moyen principal , et qu'il
faut prier avec Unmilité et confiance.
Demande. Apres m'avoir enseigné en
quoi consiste l'esprit chrétien, don
nez-moi quelque moyen pour l'ac
quérir et pour le conserver ?
POUR LA VIE INTÉRIEURE. ]33
Réponse. Un des principaux et des
plus efficaces est la prière ; car Notre-
Seigneur assure, dans l'Evangile, que
Dieu notre Père donnera l'esprit bon,
c'est-à-dire , l'esprit chrétien , à ceux
qui le lui demanderont (i).
O. Enseignez-moi la méthode que
je dois garder dans la prière ?
R. Il faut premièrement y appor
ter des dispositions semblables à celles
que Notre-Seigneur avoit lui-même,
et qu'il a enseignées à ses disciples ;
il faut nous adresser en toute humi
lité et confiance au Père éternel ,
comme il s'y adressa lui-même dans
ses belles prières que nous lisons dans
l'Evangile de saint Jean , et comme il
(i) Pater vesrcr iic cœto (lahit spiritwm honum
pctentibui sc Luc xi. i3.
l34 CATÉCHISME CHRÉTIEN.
nous l'apprend encore dans le Pa
ter.
D. Qu'entendez-vous par le mot
d'humilité ?
R. J'entends premièrement un sen
timent de confusion pour notre indi
gnité causée par nos péchés que Dieu
ne peut souffrir : Vous n'êtes point
un Dieu qui aimiez l'iniquité (i), lui
dit le Psalmiste; et souvenons-nous
de cette autre parole : Dieu n'exauce
point les pécheurs (2). Secondement,
j'entends par l'humilité ce même sen
timent de honte et de confusion, qui
vient de notre incapacité à prier :
car la prière est un acte surnaturel ,
que l'on ne peut faire sans grâce ; et
(i) Non Deus voleas iuiquitatem tu es. Ps. v. 5.
(a) Pcccatores Deui noo audit. Joan. ix. 3i.
POUR LA VIE INTERIEURE. l35
l'homme, par soi-même, étant un pur
néant de grâce , il est tout à fait in
capable de prier.
D. Comment donc peut-on prier
avec confiance ?
R. Dieu y a pourvu ; et je vais
vous apprendre le secret de la con
fiance, qui est si glorieux à Dieu et
si utile à l'Eglise. Après que l'on s'est
tenu quelque temps dans ce senti
ment d'humilité dont je vous ai parlé,
il faut se recueillir en l'Esprit de
Jésus-Christ, qui est dans le cœur
de tous les enfans de l'Eglise pour les
élever à la prière , comme le dit saint
Paul (i); c'est-à-dire, qu'en cet Es
prit nous prions avec confiance. C'est
(<) Accepistt Spiritum adoptioaîs fUioram, in
quo clamamus, Abbu, Pater. Rom. vui. i5.
l36 CATÉCHISME CHRETIEN
ce qui est marqué par le nom de
Père, que nous donnons à Dieu , et
par le cri que notre cœur pousse vers
lui en priant, selon l'expression du
même apôtre. Cela exprime la grande
confiance et la force du zèle avec
lesquels nous demandons à Dieu tous
nos besoins. J'ajouterai encore ici
ce que saint Paul dit en un autre
endroit, que l'Esprit demande pour
nous avec des gémissemens inénarra
bles (i).
D. Que veut dire cela ? car je n'a-
vois jamais ouï dire que le Saint-Es
prit gémît.
R. C'est par mystère qu'il est dit
que le Saint-Esprit gémit ; car toutes
(i) Spiritui postulat pro nohis gemitibus ine-
narrabilihus Hom. vm. uG.
POUR lk VIE INTÉRIEURE. ,
les paroles de l'Ecriture sont mysté
rieuses; c'est-à-dire que, quand on
prie en union avec l'Esprit saint , on
obtient plus que par tous les gérais-
semens et toutes les larmes imagi
nables. Je remarquerai encore , que
Notre-Seigneur, qui habite en nous ,
et qui fait les fonctions du Saint-Es
prit (i), est appelé par David, en
esprit de prophétie, Hostie de voci
fération (2).
D. Que veut dire ce mot, Hostie
de vocifération ?
R. Le prophète fait allusion aux
clameurs que poussoient dans le tem
ple les animaux destinés aux sacri-
(i) Factus est in S[iiritum viviflcantem. I. Cor.
xv. 45.
(a) Hostiam vocifcrationis. Ps. xsvi. 6.
l38 CATÉCHISME CHRÉTIEN
tices, qui étaient la figure de Jésus-
Christ sur la croix et dans nos cœurs.
Or, il est dit de Notre-Seigneur ,
qu'il pria pour nous avec profusion de
larmes, et avec des cris puissans (i).
D. Que signifie cela en Notre-Sei
gneur ?
R. Cela montroit la tendresse de
son amour envers nous, et la force de
de son zèle dans sa prière.
D. Notre-Seigneur Jésus -Christ
fait—il de même dans nos coeurs?
R. Oui , il le fait partout où il est ,
et dans nos cœurs , et dans le saint
Sacrement, et dans le sein de Dieu
son Père ; et en voici la raison : Ce
que le Saint-Esprit a commencé une
(i) Preccs supplirationesquF cum clamore ratico
et laciymù offerens. llebr, v. 7.
POUR LA VIE 1NIERIEURE. l3y
l'ois dans le cœur de Jésus , il l'a con
tinué pendant toute sa vie , et le con
tinuera durant toute l'éternité. Les
opérations de sainteté , dans le cœur
deJésus, sont éternelles comme celles
de tous les saints dans le ciel. Le
grand secret du christianisme, et
tout le sujet de la confiance des en-
fans de Dieu, consiste en ce que
Jésus-Christ nous est toutes choses,
comme le dit saint Paul (i) : il est
notre prière, notre humilité, notre
patience , notre charité , etc.
Voici donc les dispositions qu'il
faut avoir pour la prière, et l'ordre
que nous y devons tenir. Il faut se
présenter à Dieu notre père, qui
( ' ) Omnia et iu omnibus Chmtus. Col. m, i i ,
Omnia in ipso constant, lbid. i.i7-
l4o CATÉCHISME CHRÉTIEN
est toujours plein de charité, et qui
nous dit par un de ses prophètes :
Je vous ai aimés d'un amour conti
nuel (i). Et quoique nos péchés nous
rendent indignes de paroître devant
lui, toutefois, si nous nous unissons
à Jésus-Christ, notre indignité est
couverte devant son Père, lorsqu'il
sent le parfum qui s'exhale des vête-
mens de son Fils :>iné, Jésus- Christ
Notre-Seigneur , dont nous sommes
couverts, comme Jacob l'étoit des
habits d'Esaii. Il faut donc, après
s'être tenu quelque temps dans des
sentimens d'humilité, entrer en Jésus-
Christ comme notre prière, et s'u
nir à lui comme à notre avocat (2) j
(i)Inchamateperpetnadilexite Jcrem.xxxi. 3.
(a) Semper viveos ad interpellandum pro Dobis.
POUR LA VIE INTÉRIEURE. i^i
et ensuite, animés de cet Esprit,
rendre à Dieu tous nos devoirs, et
lui demander tous nos besoins. Et
pour le dire en un mot, ce qu'il y a
de principal dans la prière, après
l'humilité et la douleur de ses péchés,
c'est d'y venir armés de confiance et
de foi parfaite , fondée sur ces paroles
de Notre-Seigneur : Ce que vous de
manderez à mon Père en mon nom et
en ma vertu , il vous l'accordera (i).
En effet , nous voyons dans l'Apoca
lypse (2) , que Notre-Seigneur paroît
devant son Père , comme un agneau
Hebr. vu , ï5. Advocatnm liabemns apud Patrem
Jcsum Cbristum justum. I Joan. u. i.
(i) Si *ruid petieritis Patrein in nomino meo ,
dabit vobis. Joan. XVI. a3.
(3) Et ecce io medio throni Açnuin stantem
taaquam occiiam. Âpoc. v. G.
ife CATECHISME CHRÉTIEN
debout, et qui semble être mort ; ce
qui signifie qu'il est toujours devant
le trône de son Père, revêtu des armes
de sa passion, lui demandant pour
nous, par ses divins mystères, tout
ce dont nous avons besoin, et lui
disant dans sa prière , comme Da
vid (i) : Mon Dieu, souvenez-vous
de toute la douceur et de la patience
que j'ai eues en ma mort : je vous
conjure , par toute ma vie pénitente ,
d'avoir pitié de mes enfans.
(i) Mcnwnto, Domiue, David, et omnis mansur-
tudinis ejus Pi. cxxxi i.
POUR LA VIE INTÉRIEURE. l/(3

LEÇON II.
De l'intercession des Saints , qui prient ponr nous
en Jetus-Curist et par Je'sus-Ciirist.
D. Apprenez - moi encore quelque
chose sur ce sujet, pour augmenter
ma confiance en Jésus-Christ.
R. Tout ce que demande Jésus-
Christ à son Père , tous les saints le
demandent avec lui , ainsi qu'il est
marqué dans l'Apocalypse, par ces
paroles : J'ai ouï une voix du ciel,
comme le bruit des eaux de plusieurs
iorrens ; et la voix quej'ai ouïe ètoit
comme l'harmonie d'un nombreux con
cert de harpes (i).
( 0 Andivi vorem de ccelo tanquam vc-cem aqua-
ruin mnltaram.... ; et vorem quam andivi sient ci-
l\\ CAThCIIISJIK CHRÉTIEN
D. Enseignez-moi , s'il vous plaît,
ce que cela veut dire.
R. Il faut savoir que dans l'Écri
ture les peuples sont signifiés par les
eaux (i), et que les saints, dans leurs
harmonies célestes , sont comparés
aux joueurs de harpe. Or, les saints
et les justes sont comme des échos ,
qui font entendre à Dieu la voix de
Jésus-Christ qui les remplit ; telle
ment que tout ce que demande Jé
sus - Christ dans la prière , toute
l'Église du ciel et de la terre le de
mande avec lui. Voyez si ce n'est
iharcedc-nim citliarizantium in eitharis suis. Apoc.
xiv. a.
(2) Ciim aquae in Apocalypsi beati Joannis
(Apoc. xvu ij.)populi dicantur, ipsius populi
fidelis cum capite Cliristo unio reprxsenutur. Conc.
Trid. se», xxii ; de Sacrij. Missce , cap, vu.
t
TOUR I.A VIS INTÉRIEURE. 1^5
pas là un grand sujet de confiance ,
et avec quelle foi vous devez venir à
la prière.
D. Mais, puisque les saints ne sont
que des échos de la prière de Notre -
Seigneur, il semble que nous n'a
vons pas besoin de nous adresser à
eux, et qu'il suffit de nous adresser
à Notre-Seigneur?
R. L'intention de l'Église est que
l'on aille chercher Jésus-Christ dans
ses saints; et nous sommes bien plus
assurés de le trouver dans ses saints ;
par exemple, dans la sainte Vierge,
dans saint Joseph , saint Jean , saint
Pierre , que lorsque nous le cher
chons immédiatement et par nous-
mêmes.
Quand nous allons chercher No
10
l46 CATÉCHISME CHRÉTIEN
tre - Seigneur dans la très -sainte
Vierge , que l'Église appelle notre
Avocate auprès de Jésus-Christ, nous
sommes assurés , selon saint Ber
nard (i), qu'aussitôt elle se met en
prières pour nous auprès de son Fils;
et ce divin Fils se souvient de la
puissance qu'il lui a donnée sur lui-
même, en qualité de mère, pour ne
la lui ôter jamais; parce que la grâce
et la gloire perfectionnent la nature,

(i) Ad Patrem verebaris accedere , Jesum tibi


dedit mediate-rem Sed forsitan et in ipso majes-
tatem vereare divinam .... Advocatum Iiabere vis et
ad ipsum ? Ad Mariam recurre Tïec dnbins
dixerim, exaudietur et ipsa pro reverentia sua. Exan-
diet utiqnc matrem Filius, et exaudict Fiiium
Pater Filioli , bsec peccatorum scala , bxc mea
maxima fidueia est , Iutc tota ratio spei nica?. Scrm
in Natùit. B. Mar. ». 7.
POUR LA VIE INTÉRIEURE. llfl
et ne lui font jamais perdre ses droits.
Aussitôt la sainte Vierge obtient que
Jésus-Christ se mette en prières pour
nous, et elle obtient ce que nous
ne sommes pas assurés d'obtenir par
nous-mêmes : car nous sommes très-
indignes d'approcher de Jésus, et il
a droit de nous rebuter par sa jus
tice ; puisqu'étant entré dans tous les
sentimens de son Père , depuis sa
sainte résurrection (i), il se trouve
dans les mêmes dispositions que le
Père contre les pécheurs, pour les
rebuter; tellement que la difficulté
consiste à lui faire changer sa qua
lité de juge en celle d'avocat, et

(t) Nunc per oinuia Dcus. S. Ambr. de Jiite


Resurrcct. n. 90.
1 48 CATÉCHISME CHRÉTIEN
de jugeant, à le rendre suppliant :
or , c'est ce que font les saints ,
et particulièrement la très -sainte
Vierge.
N'avez- vous pas souvent ouï ces
paroles de saint Paul : Celai qui man
ge et boit indignement le corps et le
sang de Notre - Seigneur , mange et
boit son jugement (i)? Jésus -Christ
est , dans le saint Sacrement , res
suscité et plein de gloire; et, bien
qu'il soit dans un sacrement de
bonté et de miséricorde, il y exerce
toutefois ses jugemens par des con
damnations fort ordinaires (i). Il faut

(i) Qui maoducat et bibit indigné , )udiciuin


sibi mandneat et bibit. I Cor. xi. 29.
(5) Mors est raalis, vita bonis. Prose de la Messe
du saint Sacrement,
POUR LA VIE INTÉRIEURE. ifo
donc aller à un sacrement qui soit
purement de miséricorde, et où Jésus-
Christ n'exerce aucun jugement. Ce
sacrement est la très-sainte Vierge.
C'est par elle que nous avons accès
auprès de Jésus-Christ en toute con
fiance. Si nos hérétiques avoient com
pris de la sorte la prière des saints ,
jamais ils n'auroient osé la condam
ner. Allons donc à Jésus-Christ par
tout où il est, et dans la sainte Vier
ge, et dans les saints; allons avec
foi à eux , que nous savons être par
faitement agréables à Jésus-Christ;
prions -les qu'ils nous donnent accès
auprès de lui, et qu'ils le conjurent
d'intercéder pour nous auprès de son
Père. Ainsi , chaque saint fera même
prier toute l'Eglise et tous les saints
lf>0 CATÉCHISME CHRÉTIEN
par Jésus-Christ , qui , étant touché
de leurs sollicitations, remplira tout*
l'église de son esprit et de sa prière.

LEÇON m.
Que le sacrifice de l'autel est le même que le sa
crifice de la croix ; et que Notre-Scigneur y
porte tes mêmes dispositions qu'il a eues a la
croix.

D. Donnez- moi , s'il vous plaît, l'é


claircissement de ce que vous m'avez
dit , savoir, que le Saint-Esprit con-
tinuoit d'opérer toujours, dans l'ame
de Jésus -Christ , les sentimens qu'il
y avoit une fois commencés ; et que
Notre -Seigneur portait partout ces
mêmes opérations , soit dans le cœur
POUR LA VIE INTÉRIEURE.
des fidèles , soit dans le très-saint
Sacrement, soit dans le sein de Dieu
son Père ?
R. Voilà une demande bien im
portante , et dont l'éclaircissement
est merveilleusement utile pour ré
soudre trois difficultés considérables ,
dont l'une touebe le saint sacrifice
de l'autel ; l'autre regarde la sainte
communion des fidèles ; et la troi
sième , la prière , soit mentale , soit
vocale. Pour commencer à expli
quer ceci , îl faut savoir cette vérité
fondamentale, que Notre -Seigneur
est le chef-d'œuvre de Dieu son
Père , appelé dans l'Écriture Yœuvre
par excellence (i). Les patriarches et
(i) Domiar , opus tuum , in medio anuorum vi-
vinra iliud. Habac tu. s.
l5î CATÉCHISME CHRÉTIEN
les prophètes, qui soupiroient conti
nuellement après Notre - Seigneur ,
l'appcloient de la sorte ; et , entre
autres, le prophète David, qui dit de
lui (i) : La grande œuvre de Dieu ,
c'est Jésus - Christ , dont l'intérieur
est tout rempli de la louange et de la
reconnoissance des grandeurs de son
Père , qu'il loue lui seul plus pleine
ment que toute l'Eglise du ciel et de
la terre , plus que tous les saints et
les anges : Confessio et magnificen-
tia opus ejus. Notre-Seigneur n'est
pas seulement la louange de son Pè
re -, mais il est encore l'immense ré
servoir de la bonté et de toute la
magnificence de Dieu sur l'Eglise ;

V
TOUR IX VIE INTÉRIEURE. l53
et , selon le langage de saint Paul ,
c'est en lui et par lui , que Dieu le
Père a versé sur nous ses saintes bé
nédictions (i). Ce feu, que le Saint-
Esprit a une fois allumé en Notre-
Scigneur, ne s'éteint jamais ; et la
même ferveur intérieure , qui étoit
en lui sur la croix, pour se sacrifier
à la gloire de Dieu son Père , et
pour opérer ftotre salut , continue
encore en lui dans le saint sacrifice
de l'autel , et continuera jusques à
la fin du monde. Par là vous com
mencez à comprendre quelque chose
de Notre -Seigneur, et à reconnoî-
tre comment il est le chef-d'œuvre
de Dieu , et le sanctuaire parfait du
(i) Bcnediiiit noi in omni brnedictione spiri-
tuah, in rcelrstibns , in Christo. Eph i. 3.
l54 CATÉCHISME CHRÉTIEN
Saint-Esprit, rempli de tous les sen-
timens de religion , par lesquels il
rend un honneur infini à la majesté
divine.
Vît là encore on explique nette
ment la difficulté des hérétiques , qui
disent que le sacrifice de l'autel n'est
qu'une mémoire de celui de la croix ,
à cause de ces paroles , faussement et
malicieusement entendues : Faites
ceci en mémoire de moi (i). Car nous
savons que c'est la même hostie qui
est offerte, que c'est le même inté
rieur, que ce sont les mêmes disposi
tions de cœur , que c'est le même
Jésus-Christ qui est présent au saint
sacrifice de l'autel , comme sur la
(i) Hoc facite in meam commemorai ionem. Luc.
xxII. ig.
ÏOUR LA VIE INTÉRIEURK. l55
croix ; et ainsi ce n'est que le même
sacrifice continué, et qui continuera
jusqu'à la fin des siècles, quoique sous
un appareil fort différent. Sur la
croix, Notre-Seigneur paroît versant
son sang, répandant des larmes, priant
à haute voix ; et sur l'autel, il paroît
en silence, il est sans marque sensible
de sa nature humaine ; de sorte que
ce qu'il disoit à ses apôtres : Faites
ceci en mémoire de moi, etoit seule
ment pour les avertir qu'offrant, dans
ce sacrifice véritable de l'autel , sa
personne cachée sous les voiles du
pain, ils se souvinssent de la charité
qu'il a montrée visiblement sur le
Calvaire et sur la croix, et de la reli
gion envers son Père, qu'il y a fait
paroître aux yeux de tout le monde.
l56 CATÉCHISME CHRÉTIEN
Or , apprenez qu'en Notre-Seigneur ,
aussi bien que dans le reste des chré
tiens ses membres, le principal n'est
pas l'extérieur des œuvres qui pa
roissent ; mais que ce qui doit êlre le
plus considéré , est l'opération secrète
et intérieure du Saint-Esprit, au
teur et principe de toutes les bonnes
œuvres; et que c'est aussi en quoi
Dieu se complaît davantage. Comme
cet auguste intérieur de Jésus-Christ
est le même sur la croix et sur le
saint autel , sous les voiles du pain et
sous les voiles de la chair ; c'est en
core là ce que nous devons le plus
estimer et honorer dans le sacrifice
de Notre-Seigneur , qui a commencé
sur la croix, et qui se continue sur les
saints autels.
POUR LA VIE INTÉR1EURE. 137
D. Je tâcherai, avec l'aide de Notre-
Seigneur, d'étudier bien devant Dieu
l'explication de cette difficulté sur
le saint sacrifice, pour en profiter,
surtout quand j'entendrai la sainte
Messe; me ressouvenant de la mort
et de la passion de Notre -Seigneur,
et des témoignages visibles qu'il nous
y a donnés de son amour , en même
temps que ce même Seigneur est là
présent , rempli de charité pour nous.
Par là je m'exciterai puissamment à
servir ce grand maitre, et à tout souf
frir pour son amour. Mais est-ce là
tout le fruit que vous prétendez que
je retire de cette leçon ?
R. C'est assez pour cette heure ; je
suis bien aise que Dieu vous ouvre
l'esprit pour vous faire comprendre
l58 CATÉCHISME CHRÉTIEN
les vérités chrétiennes, et le profit
qu'il faut en retirer.

LEÇON IV.
Que l'on peut recevoir la suinte communion pour le
bien et t'utilite' des antres.

D. Comme, par l'avis de mon confes


seur, j'approche souvent de la sainte
table, voudriez -vous m'éclaircir la
seconde difficulté dont vous m'avez
parlé, qui regarde la sainte commu
nion?
R. Cette difficulté, à présent fort
répandue, n'inquiète que trop les fi
dèles qui ont la dévotion de commu
nier souvent. Car plusieurs bonnes
ames, que Notre -Seigneur admet à
POUR LA VIE INTÉRIEURE. 15g
la sainte communion de son corps et
de son sang, sont souvent attirées à
communier pour la délivrance des
ames du Purgatoire, ou pour le soula
gement des infirmités de leurs frères,
et aussi pour demander à Dieu plus
efficacement quelque grâce impor
tante à leurs ames, au bien du pro
chain, et à la sanctification del'Eglise.
Il se trouve néanmoins des person
nes qui condamnent ces intentions,
en disant : L'adoration et la foi d'une
ame qui communie, est-ce une si
grande œuvre ? sa communion peut-
elle soulager les ames du Purgatoire?
peut-elle attirer quelque bénédiction
sur toute l'Eglise?
Cette difficulté vient de ce qu'on
ne connoît point assez la valeur et le
1ÔO CATÉCHISME CHRÉTIEN
mérite de la sainte communion des
fidèles. Retenez-bien ces belles pa
roles de Notre-Seigneur, qui portent
avec elles une grande instruction :
Celui gui mange ma chair et boit mon
sang, demeure en moi, et moi en lui (i).
Voilà des paroles d'une grande con
solation pour toute l'Eglise, et pour
chaque particulier qui communie.
Elles expliquent bien les intentions
principales de Notre-Seigneur dans
son banquet nuptial, où il fait goûter
ses délices à l'ame, et la traite comme
son épouse, témoignant qu'il entre,
par la sainte communion, dans toutes
les intentions de son épouse ; elle
aussi, de son côté, entre dans toutes
{ i ) Qui manducat mcain caroem , ct bibit meum
sauguinem, ininemanet, et ego in illo Joan. vi. 57.
POUE Ll VIE INTÉRIEURE. iGl
celles de Jésus - Christ son époux.
C'est là le point parfait de l'union de
Notre-Seigneur avec l'ame, où il de
vient parfaitement un avec elle , et
où il la fait être une même chose avec
lui ; de même qu'il est un avec son
Père.
Cela supposé, lorsqu'une ame com
munie au corps et au sang de Jésus-
Christ, elle entre dès ce moment dans
tous les desseins et les intentions de
Notre-Seigneur, et elle use de Jésus-
Christ comme d'une chose sienne ;
tellement que, communiant avec l'in
tention de soulager une ame du Pur
gatoire, ou avec le dessein d'attirer
la bénédiction sur toute l'Eglise, elle
a droit, en vertu de cette sainte union,
d'employer toutes les prières de Jésus
11
lfi2 CATÉCHISBE CHRÉTIEN
Christ, et son zèle, et sa ferveur, et
ses mérites, et ses souffrances, pour
l'accomplissement de son dessein. Elle
a le droit et le pouvoir de faire tour
ner les prières de Jésus -Christ du
côté qu'il lui plaît, et de lui faire de
mander tout ce qu'elle veut pour le
bien de l'Eglise :• de sorte que ce
qu'elle seroit honteuse de demander
par elle - même , n'étant pas digne
d'obtenir la moindre chose ; quand
elle vient à le demander par Jésus-
Christ, elle voit que c'est trop peu de
chose pour ne pas l'obtenir.
Celui qui a été exaucé de son Père
pour le respect dù à sa personne (i),
pendant qu'il vivoit sur la terre, est
(i) Qui in diebm earnii-suae,... exauditus est
pro ma rerereniia. Hebr. v. 7.
POUR LA VIE INTÉRIECRE. l63
le même qui prie dans l'ame ; et ce
qu'il demande sur la terre, aussi bien
que dans le sein de son Père, il l'ob
tient en considération des grandeurs
de sa personne et de sa nature divine,
et par les mérites infinis de ses prières,
de ses souffrances et de ses larmes,
qu'il offre sans cesse à Dieu , selon
ce que dit saint Paul : // se tientpré
sent pour nous aux yeux de Dieu le
Père (i) ; et comme le même apôtre
le dit encore ailleurs , il est toujours
vivant afin de prier pour nous (2).
Jésus-Christ a voulu survivre à lui-
même, comme Isaac, et vivre après
sa mort dans son saint sacriQce , afin
(i) Apparet vultni Dci pro nobis. Hebr. ix. a4.
(a) Semper vivens ad interpellandum pri> nobis.
Hebr. vu. a5.
l64 CATÉCHISÏE CHRÉTIEN
d'intercéder toujours pour nous et
pour tous nos besoins.
Le cœur d'une ame qui communie
est un temple, c'est un autel, c'est
une image du sein de Dieu le Père -,
dans ce cœur , Jésus - Christ notre
Seigneur s'offre à Dieu , comme sur
le Calvaire, et continue ses mêmes
sentimens, avec les mêmes prières
qu'il faisoit en mourant.

LEÇON V.
Que Notre-Seignenr Jésus-Curist habite en nous; et
que nous pouvons en tout temps communier spi
rituellement.
D. Je ne saurois exprimer les senti
mens d'estime et de respect que Dieu
me donne pour le très-saint Sacre
I
POUR LA VIE INTÉRIEURE. l65
ment de l'autel, après ce que vous
m'avez enseigné, que c'est un grand
trésor de porter en soi Notre-Seigneur
Jésus-Christ, rempli de la divinité
de son Père , et de tous les trésors de
sa sagesse et de sa science divine ?
R. Cela est bien vrai ; c'est pour
quoi saint Paul dit que nous portons
ce trésor dans des vases d'argile (i).
C'est là cette charité excessive, par
laquelle, comme dit le même apô
tre (2) , Dieu a voulu nous montrer
l'abondance des richesses de sa grâce,
( i ) Habemus thesanrum istom in vasis nctilibus.
II Cor. iv. 7.
(a) Propter nimiam eharitatem ntam , quâ dilexit
nos, et ciim essemus mortnipeecatis, convivificavit nos
in Cbriato Ut ostenderet in sxcnUs supervenien-
tibus abnndantes divitias £ratix snx , in bonitate
super nos, in Christo Jcsu. Eph. u. 4 , 5 , 7.
l66 CATÉCHISME CHRÉTIEN
en nous donnant son Fils , qui est le
caractère de sa substance, la splen
deur de sa gloire (i) et de sa beauté,
pour être cette hostie admirable de
louange , la source de la vie divine et
de tout le mérite de l'Eglise. Ce qui
doit encore augmenter votre amour
envers Dieu , c'est qu'il nous a donné
son Fils pour habiter en nous , non-
seulement dans le temps que nous
communions à son corps et à son
sang, mais encore dans tous les mo-
mens de notre vie.
D. Que dites-vous là? Notre-Sei-
gneur habite-t-il en nous autrement
que par la très-sainte communion ?
R. Oui, et c'est ici la troisième dif-
(i) Sjilendor glnriae, et figura substantix ejus.
Hebr. i. 3.
POUR LA ME INTÉRIEURE. 167
ficulté dont je vous ai parlé; elle re
garde la prière , et l'explication que
je rais vous en donner servira de
fondement pour appuyer ce que j'ai
à vous dire de l'oraison. Que Notre-
Seigneur habite en nous autrement
que par la sainte communion, ce
n'est pas moi qui vous le dis, c'est
saint Paul, par ces paroles (i) : Jésus-
Christ habite en nos ames , et il y
opère la vie divine, qui est toute
comprise sous le nom de foi. Il n'ha
bite pas seulement en nous comme
Verbe, par son immensité, pour y
faire les actions naturelles, et pour
nous donner la vie humaine ; mais il
habite aussi en nous comme Christ ,
( i ) Christum habitarc per fidem in cordibus ves-
Iris Eph. m. i7.
l68 CATÉCHISBE CHRÉTIEN
par sa grâce , pour nous rendre par
ticipai de son onction et de sa vie
divine.
D. Mais puisque nous portons tou
jours Jésus-Christ en nous, et que
nous pouvons si souvent communier
à sa grâce , il ne seroit donc pas be
soin de nous approcher du saint Sa
crement de l'autel?
R. Non; quoique Notre-Seigneur
soit en nos cœurs , pour y répandre à
tous momens les grâces de sa vie di
vine , cela ne doit pas nous empêcher
d'approcher du saint Sacrement : car
ce symbole divin nous donne des
grâces spéciales et plus abondantes,
que celles que nous recevons hors de
là, par la seule communion spiri
tuelle. Les grâces qui se donnent par
POUR 1A VIE INTÉRIEURE. 169
le sacrement, se donnent selon la
mesure de la grande charité de Dieu ,
dont les trésors sont infinis ; mais ce
crue nous attirons en nous par l'orai
son et par les soupirs de notre cœur,
nous est donné à proportion de la
mortification du vieil homme, et de
la fidélité que nous avons à renoncer
à nous-mêmes et à toutes les recher
ches secrètes de la nature. Cela dé
pend encore des sentimens de foi, de
charité, d'humilité, et d'autres dis
positions particulières. D'ailleurs ,
comme l'infidélité de la créature y
est souvent mêlée, les communica
tions de Jésus-Christ, et les commu
nions à sa vie intérieure , sont aussi
fort rares et fort foibles ; la créa
ture gâte tout, et empêche les plus
J^O CATÉCHISME CHRETIEN •
grands desseins de Dieu sur nous.
Que je souhaiterois que les chré
tiens connussent leur bonheur , puis
qu'ils ont en eux le trésor précieux
de Jésus, dans lequel et avec lequel
ils peuvent opérer tant de choses à la
gloire de Dieu ! Faisons donc une
continuelle attention à cette grande
vérité, que Jésus-Christ est en nous
pour nous sanctifier , et en nous-
mêmes , et en nos œuvres , et pour
remplir de lui toutes nos facultés. Il
veut être la lumière de nos esprits,
la ferveur de nos cœurs, la force et la
vertu de toutes nos puissances ; afin
qu'en lui nous puissions connoître,
aimer et accomplir les volontés de
Dieu son Père, agir pour son honneur,
et endurertoutes choses pour sa gloire.
POU» LK VIE INTÉRIEURE. lji

LEÇON VI.
De la manière de faire la communion spirituetle, et
de nous unir à l'Esprit de Notre-Seigneur dans
tontes nos Œuvres.
D. Afin de jouir du bonheur et de
l'avantage dont vous m'avez parlé ,
apprenez-moi à communier souvent
en esprit pendant le jour, et à bien
user d'une si sainte pratique ?
R. Je le ferai en peu de mots ,
après vous avoir fait remarquer que
Notre-Seigneur Jésus-Christ, parlant
à ses disciples, leur disoit que sa nour
riture spirituelle étoit de faire la
volonté de Dieu son Père (i), et qu'il
(0 Meus cibns est ut fuciam volnntatcm ejus
oui misit me , ut perficiam opus ejus. Joan. iv. 34.
1^2 CATECIIISHE CHRÉTIEN
opéroit toutes choses avec lui (i).
Apprenons de là que , comme Jésus-
Christ faisoit toutes ses œuvres en son
Père et avec son Père, il faut aussi que
nousfassions toutesles nôtres en union
avec ce divin Sauveur ; parce qu'il est
venu habiter eu nous pour nous vi
vifier par sa vertu; pour nous rem
plir d'une grâce capable de sanctifier
toutes nos œuvres, et de les rendre
agréables à Dieu son Père.
D. Mais comment est-ce que cela
se feit ? Je ne l'entends pas.
R. Ne vous en étonnez point :
Notre-Seigneur a prévenu vos plain
tes et vos désirs , quand il a dit à ses

(i) Pater meus usqnc modo operatur, el ego


operor. Joan. v. i7.
POUR LA VIE INTÉaiEBUE. Ij3
disciples (1) :Vous connottrez au jour
du jugement, que, de même que
Dieu mon Père est en moi et que
je suis en lui , je suis en vous et vous
en moi : et, comme mon Père de
meurant en moi fait mes œuvres (2) ;
ainsi, demeurant en vous, je ferai vos
œuvres , et vous ferez les miennes
comme je fais celles de mon Père.
D. Si cette connoissance est dif
férée jusqu'au jour du jugement, de
quoi peut-elle me servir maintenant
pour me faire agir en Jésus-Christ ?
R. Quoique vous ne connoissiez
pas distinctement cette doctrine , et
( t ) Io illo die vos engnoscetis , qnia r°o mm in
Fatre men , et vos in me , et ego in vohis. Joan.
xiv. ao.
(a) Pater in me manens , ipse ïacit opera, Joim.
xiv. io.
CATÉCHISBE CHRÉTIEN
que vous ne la compreniez pas , il est
néanmoins bien aisé à la foi de vous
la faire pratiquer. C'est assez de
croire; il ne faut pas voir ni con-
noître clairement. N'est -il pas vrai
que vous croyez , sans les voir, tous les
mystères que la foi vous enseigne?
Contentez-vous aussi de savoir que
la foi vous ordonne d'agir en Jésus-
Christ et avec Jésus-Christ. L'Eglise
le dit tous les jours à la sainte Messe :
Tout honneur et toute gloire soient
rendus à Dieu le Père, par Jèsus-
Christ, avec Jésus-Christ, ei en Jé
sus-Christ^); c'est assez delecroire;
cessez de vouloir le comprendre.
(i) Per ipsum^t eumipso,etiQ ipso, est tibiDn
Patri omnipoteoti , in unitate Spiritils sancti , om
ais honor et gloria. Canon Missx.
VOUR LA VIE INTÉRIEURE. 1^5
D. Enseignez-moi donc comment
il faut faire ses actions en union
avec Notre-Seigneur , puisque c'est
un moyen que la foi me donne pour
agir chrétiennement ?
R. Attachez-vous à cette instruc
tion ; elle est très-importante : et si
vous pratiquez la leçon que je vais
vous donner en peu de mots , j'y
ajouterai un petit exercice chrétien
pour toutes les actions de la journée,
où vous verrez les diverses inten
tions de l'esprit et les dispositions
du cœur, dans lesquelles vous pour
rez faire toutes vos actions afin d'agir
chrétiennement. Toute la perfection
consiste en ce point, savoir, de faire
toutes ses œuvres pour la gloire de
Dieu, en union avec Notre-Seigneur;
I76 CATECHISME CHRÉTIEN
et c'est'ce que saint Paul appelle vi
vre pour Dieu, en Jésus-Christ notre
Seigneur (i).
Nous avons déjà dit, que, selon,
saint Paul, Jésus-Christ habite en
nous par la foi , afin que nous fas
sions tout en lui et avec lui ; parce
que tout ce qui n'est pas fait de la
sorte ne porte point à Dieu. Nos
intentions et nos pensées tendent au
péché par la corruption de notre na
ture; et, si nous venons à agir par
nous seuls, et à suivre la pente de
nos sentimens, nous ne tendons qu'au
péché. Vous voyez par-là combien
chacun doit être soigneux, au com
mencement de ses œuvres, dé re-
(i) Vivcntes antcm Deo, in Christo Jesn Do
mino nostro. Rom, Vf. is.'
POUR LA VIE INTERIEURE. fyj
noncer à tous ses sentimens, à tous
ses désirs, à ses propres pensées, à
toutes ses volontés, pour entrer, selon
saint Paul , dans les sentimens et les
intentions de Jésus- Christ (i); pour
vivre en toute piété et religion en
vers Dieu, en toute justice envers
le prochain , en toute sainteté envers
nous - mêmes , en toute sobriété à
l'égard des créatures (2). C'est ce que
le Fils de Dieu avoit dit en deux
mots à ses disciples (3) : Si quelqu'un
veut me suivre pour vivre chrétien-
( i ) Hoc sentite in vobis quod et in Christo Jesu.
Philip. ic. 5.
(a) Abnegantes impietatem et sxcularia deside-
ria , ut aobrie , juste , et piè vnamtu ia hoc sxculo.
TU. u. ia.
(3) Si quis vult pc-st me venirc , abneget se-
metipsum,. , et sequatur nie. Matth. xvi. a4-
I78 CATÉCHISME CHRÉTIEN
nement, qu'il renonce à soi-même
en toutes ses actions, et qu'il adhère
à mon Esprit, pour agir par sa vertu
à la gloire de Dieu mon Père.

LEÇON VII,
Application de la doctriue précédente à l'exercice
de l'oraison.
D. Pour me faciliter la pratique
que vous m'avez donnée dans la leçon
précédente , appliquez - la à quelque
action de la journée.
R. Je l'appliquerai au sujet même
de la prière, pour achever de vous
éclaircir la troisième difficulté que
nous avons commencé à résoudre :
car on ne sauroit assez parler de
l'oraison, puisque c'est l'action la
roua LA VIE INTÉRIEURE. 179
plus importante de la vie des chré
tiens.
Quand donc vous voudrez com
mencer votre oraison, la première
chose à faire, c'est de renoncer à
vous-mêmes et à vos propres in
tentions.
D. Pourquoi renoncer à mes pro
pres intentions, quand je vais prier?
La prière n'est- elle pas une bonne
œuvre ?
R. Oui ; mais tout ce que la créa
ture fait par elle-même, est rempli
d'amour-propre et d'orgueil secret.
Par exemple, combien y a-t-il de
personnes qui vont à la prière, afin
de demander à Dieu la santé, le gain
d'un procès , des richesses , des hon
neurs? et le tout est souvent pour
l8o CATÉCHISME CHRÉTIEN
goûter les voluptés du monde , pour
satisfaire leur ambition, et pour se
venger de leurs ennemis. En tout
cela, il n'y a rien pour Dieu, ni
pour le bien de l'ame ; toutes ces
intentions tendent au péché et à la
satisfaction de l'amour-propre. Vous
voyez donc combien il est nécessaire
de renoncer à soi-même , et aux in
tentions désordonnées qui se ren
contrent dans les bonnes œuvres.
. D. Comment donc faudra -t- il
faire ?
K. En vous mettant à genoux, tout
couvert de confusion à cause de votre
malice intérieure, vous direz d'abord,
selon le conseil de Notre-Seigneur
Jésus - Christ : Mon Dieu et mon
tout, je renonce à moi-même, et aux
POUR LA VIE INTÉRIEURE. l8l
inclinations du péché dont je suis
rempli. Je vois bien que je ne puis
vous prier en moi-même, ni par moi-
même. Je déteste de tout mon cœur
tout ce qui peut vous déplaire en
moi ; et , pour couvrir mon iniquité
et ma malice , et avoir quelque accès
auprès de votre divine majesté, je me
donne à Jésus-Christ votre Fils qui
habite en moi, et qui est la prière et
la louange de toute votre Église.
Le prophète David avoit ces mêmes
sentimens , quand il disoit à Dieu :
Votre louange s'étend par toute la
terre, autant que la grandeur de votre
nom (i). Cette louange n'est autre
chose que Jésus-Christ , parfaitement
( i ) Secuniiiim nomen tuum , Dens , sic et laiu
I nu in fines terrx. Ps. xlvii. ii.
182 CATÉCHISME CHRÉTIEN
semblable à son Père, et qui lui rend
une gloire égale à lui-même; Se-
cundùm n&men tuum, sic et tous tua.
O que le chrétien est heureux, d'a
voir ainsi dans les mains de quoi
rendre à Dieu une gloire qui lui est
égale, etquirenferme toutes seslouan
ges ! Ce prophète , parlant ailleurs ,
dans son langage plein de figures , de
la prière de l'Eglise , représente cette
mêmeEglisecomme uncharqui porte
des milliers de chrétiens louant Dieu ,
.etse réjouissant en sa présence :il ajoute
que l'Esprit deNotre-Seigneur Jésus-
Christ est au milieu d'eux , pour être
leur cantique (i). Ce même Jésus ,
( i ) Currus De! decem millibus multiplex , mi\Ua
Ixtantium : Dominus in. cis in Sina , in sancto. Ps,
lxvu, i8.
POUR LA VIE INTÉRIEURE. l83
qui rend par eux cette louange, est
aussi dans le sein de Dieu et dans
le Sacrement de l'autel , où il rend
à la divine majesté tous les devoirs
de respect et d'honneur, et demande
les besoins et les nécessités de cha
que membre de l'Église.

LEÇON VIII.
Methode que l'on peut suivre dans l'oraison.

D. Après avoir renoncé à moi-même


et purifié mon coeur au commence
ment de l'oraison, et après m'être
uni en esprit à Notre-Seigneur, que
faut -il que je fasse?
R. Deux choses, comme nous l'en
184 enTÉcmsjre chhétiïn
seigne l'Oraison Dominicale : la pre
mière est d'adorer, de louer, et de
glorifier Dieu ; la seconde est de lui
demander nos besoins.
D. Sont-ce là les deux parties de
l'oraison ?
R. Oui : la première s'appelle ado-*
ration ; la seconde, communion.
D. Pourquoi commencez-vous par
l'adoration ?
R. i° Parce que, des deux fins de
l'oraison , la principale est d'honorer
et de glorifier Dieu ; 2° parce que la
sainte Église le pratique ainsi au com
mencement de ses prières publiques,
en disant (i) : Venez, adorons Dieu ,
et prosternons-nous devant lui.
(i) Venite, adoremus, et procidamas antc
Dean. Ps. xciv. fi.
r

POU» LA VIE INTERIEURE. l85


D. Pourquoi appelez -vous cette
première partie adoration?
R. Parce que le mot adoration,
dans l'Ecriture sainte , se prend sou
vent pour celui de religion, vertu
qui porte Pâme à l'anéantissement ,
à l'admiration , aux louanges , aux
remercîmens, à l'amour; en un mot,
à toute sorte de devoirs et d'hom
mages que nous devons rendre à
Dieu dans cette première partie de
l'oraison.
D. Pourquoi appelez-vous la se
conde partie , communion ?
R. Parce que dans cette partie on
se donne à Dieu pour entrer en par
ticipation de ses dons et de ses per
fections. Or, cette participation est
appelée communion , surtout par les
l86 CATÉCHISME CURÉTIEU
Pères Grecs; parce que Dieu nous
rend par là ses richesses communes.
La participation au corps de Jésus-
Christ s'appelle communion sacra
mentelle, parce que ce sacrement
nous rend communs les biens de Jé
sus-Christ, et nous communique ses
plus grands dons : et la participation
qui se fait dans l'oraison, s'appelle
communion spirituelle , à cause des
dons que Dieu y communique par la
seule opération intime de sou Esprit.
L'ame qui éprouve quelque opération
secrète, doit se tenir en repos et en
silence , pour recevoir toute l'étendue
des dons et des communications de
Dieu, sans agir par elle-même, ni faire
des efforts qui troubleroient les opéra
tions pures et saintes de l'Esprit divin.
rOUR LA VIE INTÉRIEURE. 187
D. N'y a-t-il que ces deux par
ties dans l'oraison?
R. On y ajoute une troisième par-
tic, que les uns appellent les résolu
tions, et qu'on peut nommer plus
proprement la coopération; elle est
le fruit de l'oraison, et s'étend à
toute la journée.
D. Expliquez-moi ce que c'est que
la coopération.
R. Après s'être excité , dans la se
conde partie de l'oraison , à imiter
Notre-Seigneur dans le mystère ou la
vertu que l'on a adoré en lui au com
mencement ; etaprès s'être tenu long
temps en sa présence, comme un pau
vre mendiant qui ne se lasse jamais
de foire connoître ses besoins, ni de
tendre la main vers ceux qui peuvent
l88 catéchisme curétien
le secourir; la troisième partie con
siste à correspondre et à coopérer fidè
lement à la grâce qu'on aura reçue.
On forme alors de bons propos , on
prévoit les occasions que l'on aura
de les exécuter dans la journée , et
on s'abandonne parfaitement à l'Es
prit de Notre-Seigneur Jésus-Christ,
pour lui obéir non-seulement dans
le jour présent , mais encore dans la
suite de notre vie.
D. Quelle différence mettez-vous
entre la coopération et les résolu
tions ?
R. C'est au fond la même chose;
mais le mot de coopération marque
plu* expressément la vertu du Saint-
Esprit, duquel nous dépendons bien
plus, dans les bonnes œuvres, que de

1
POUE LA VIE INTÉRIEURE. 189
notre volonté , qui ne pourroit rien ,
si elle n'étoit mue et fortifiée par la
vertu du Saint-Esprit. Au contraire,
le mot de résolution marque plus
expressément la détermination de
notre volonté, et semble moins don
ner à la vertu et au pouvoir efficace
de l'Esprit saint, à qui pourtant il
faut demeurer tout abandonné , afin
qu'ensuite il agisse en nous dans les
occasions, qu'il nous fasse souvenir
de ses desseins , et qu'il nous donne
la grâce et la force de les accomplir.
C'est pourquoi on doit conclure l'o
raison par un délaissement et un
abandon total 3c soi-même au Saint-
Esprit, qui sera notre lumière, notre
amour et notre vertu.
CATÉCHISME CHRÉTIES

LEÇON IX.
Que nous pouvons prier Dieu, quoique nom ne le
connoissions point parfaitement, et que noua igno
rions même nos propres besoins.
D. Vous m'avez enseigné, dans Ja
leçon précédente, que les deux choses
à faire dans la prière sont d'adorer
et de glorifier Dieu , et ensuite de lui
demander nos besoins : mais com
ment pourrois-je glorifier Dieu , moi
qui ne le connois pas , et qui ignore
même les choses que je dois lui de
mander pour le bien de mon ame?
R. Cette difficulté auroit quelque
fondement, si Notre-Seigneur n'avoit
voulu, comme souverain prêtre, se
faire la prière de son Église, et de
POUR LA VIE INTÉRIEURE. igl
chacun de ses membres. Il dit lui-
même , que personne ne connaît le
Père, sinon le Fils (i) : ce qui fait
voir le peu de connoissance que nous
avons de Dieu. D'un autre côté, saint
Paul dit que nous ne saurions con-
noître ce qui nous est bon, ni ce
que nous devons demander , et que
de plus nous manquons de force pour
demander. Or, le même apôtre nous
apprend que l'Esprit de Jésus-Christ
doit être le supplément de notre igno
rance et de notre infirmité. L'Esprit
de Dieu, dit-il, soulage notre foi-
hlesse; car nous ne savons pas ce que
nous devons demander, ni la manière
de le demander : mais c'est l'Esprit
(0 Nerjue Putiftnquisnovit nisi Filins. Matth.
xt. a6.
1Ç;* CATÉCHISSE CHRÉTIEN
même qui demande pour nous, avec
des gémissemens ineffables. Dieu, gui
sonde les cœurs, connaît ce que le
Saint-Esprit désire, et sait qu'il ne
demande rien que de conforme à sa
volonté (1). Ainsi, vous n'avez qu'à
vous unir à cet Esprit divin; et Notre-
Seigneur, qui vit en vous, suppléera
à tout ce qui vous manque.
D. Le moyen de s'unir au Saint-
Esprit?
R. Le Saint-Esprit est en vous,
comme l'époux de votre ame, qui

(i) Spiritus adjuvat inlirmitatein nostram; qutn


quid oremus , aient oportet , ■escimus , sed ipse
Spiritus postulat pro nobis gemitibus inenarrabi-
tibus : qui autein serntatur corda, scit quid desidcret
Spiritus ; quia sceundùin Deuin postulat pro sanr-
tis. Rom. vm. aC, 27.
POUR LA VIE INTERIEURE, lffî
n'attend que vos désirs et votre vo
lonté : donnez-vous donc à lui, pour
prier par lui et en lui ; il sera votre
prière. Notre-Seigneur , en qualité
de médiateur de religion, est la prière
publique pour toute l'Eglise; mais
l'Eglise ne prie pas en Jésus-Christ ,
si elle ne s'unit à lui : il faut que par
la grâce de Jésus-Christ, elle se donne
au Saint-Esprit, comme l'Esprit
saint se donne à elle (1). Dans le
mariage on exige un don mutuel des
cœurs. Dans l'union spirituelle, il
faut un don et un consentement" mu
tuel des esprits. Jésus dans l'ame,
l'ame en Jésus, tous deux font la
prière, qui est le fruit principal de
(i) Cliaritas Dci diffusa est in cordibu nostris
per Spiritumsanctuin quidams est nobis. Rom. v. 5.
i3
ig^ CATÉCHISME CHRÉTIEN
l'alliance du Saint-Esprit avec nos
ames ; de sorte yue nos prières sont
comme les enfans de ce mariage spi
rituel. Si vous demandez à qui est la
prière, c'est à l'ame dans Jésus, et à
Jésus dans l'ame. Vouloir en savoir
davantage, c'estvouloirviolerle secret
de Jésus-Christ en nous, et vouloir
pénétrer dans un mystère qu'il lui
plaît de tenir caché, aussi bien que ce
lui des opérations du Père dans le Fils,
et du Fils dans le Père. A qui appar
tiennent les œuvres de Jésus , est-ce
au Père, ou au Fils? Elles sont et
du Père et du Fils , et Dieu ne veut
pas que la créature y cherche de dis
tinction ; c'est assez de savoir que
Jésus les fait en son Père , et le Père
en Jésus et avec Jésus.
POUR LA VIE INTERIEURE. Ig5
D. Je n'avois jamais ouï dire que
Notre-Seigneur fût médiateur de re
ligion?
R. Il est vrai, comme on le dit
ordinairement, que Notre-Seigneur
est le médiateur de notre rédemption,
parce qu'il a offert son sang à Dieu le
Père par le Saint-Esprit , pour notre
salut , et qu'il a donné sa vie pour la
nôtre. Ainsi il a été le supplément de
notre principale dette , en satisfaisant
à Dieu pour nos péchés, par sa mort,
qui seule pouvoit satisfaire à la justice
de Dieu. Mais ce n'étoit point assez ;
nous étions reliquat-lires envers Dieu
d'un million de devoirs religieux que
nous étions incapables de lui rendre
par nous-mêmes ; comme de l'adorer,
de l'aimer , de le louer et de le prier
I()6 CATÉCHISME CHRÉTIEN
ainsi qu'il le mérite , et que nous y
sommes obligés. Nous avions besoin
que le grand Maître , par sa charité ,
servît encore de supplément à nos
devoirs, et qu'il fût le médiateur de
notre religion. C'est pour cela qu'il
a voulu revivre après sa mort, et être
toujours vivant, afin d'intercéder pour
nous, selon que l'enseigne l'Apô
tre (i); c'est-à-dire, pour louer et
prier son Père en notre place. Jésus-
Christ a fait cela dans la loi, il le fait
dans l'Eglise, et il le fera encore
dans le ciel. Jésus -Christ, dit le
même Apôtre , étoit hier (a) , il est
encore aujourd'hui, et il sera dans
(t) Hehr.vu. a5.
(2) Jccus Christus licri , et hodie , ipse et in 13e-
cuta Hebr. xiu. 8.
TOUR LA VIE INTÉRIEURE. IÇfl
tous les siècles. Par ce mot hier, il
entend la loi ; aujourd'hui, c'est le
temps de l'Eglise présente; et dans
tous les siècles , c'est l'éternité , dans
laquelle Jésus-Christ sera le supplé
ment des créatures et le médiateur de
notre religion.

LEÇON X.
Comment Noire-Seigneur est mediateur de religion ;
ce qui détruit une difficulté des heretiques sur la
prière publique de l'Eglise en langue latine.

D. L'instruction que vous venez de


me donner m'invite à m'unir à Notre-
Seigneur, sachant bien qu'il le dé
sire , qu'il est en nous pour ce sujet ,
1t)8 CATÉCHISME CHRÉTIEN
et qu'il n'attend que notre consen
tement. Nous serions bien coupa
bles, si, ressentant dans le fond de
nos cœurs sa charité qui nous attire
à lui, nous n'obéissions à ses mou-
vemens. C'est pour cela sans doute
qu'il y a eu des saints qui ont moins
appréhendé les jugemens de Dieu
pour leurs péchés, que pour leurs in
fidélités aux attraits de la grâce , en
voyant qu'ils avoient par là contristé
le Saint-Esprit, et privé Dieu de
l'honneur qu'ils devoient lui rendre
en union à ce divin Esprit. C'est pour
cela encore que sainte Catherine de
Sienne s'accusoit des péchés de tout
le monde , et disoit que , par ses infi
délités à la grâce , elle avoit privé les
ames de beaucoup de secours. Elle
POU» I V VIE IN rUUEUtU.. lyy
gémissoit de n'avoir pas obéi au Saint-
Esprit, qui l'appeloit souvent à la
louange et à la prière, et qui eût opéré
eu elle beaucoup de saints mouve-
mens capables d'apaiser Dieu, et
d'attirer sur les pécheurs sa miséri
corde, et ensuite l'effusion de ses
grâces victorieuses. Je suis tout con
fus en vous disant ceci ; car j'ai bien
sujet de demander un million de par
dons pour mes infidélités ; et je vous
prie de vous joindre à moi, pour
m'obtenir miséricorde.
R. Je loue Dieu de ce qu'il vous
donne des sentimens si chrétiens, et
si conformes à ceux qu'il a donnés
à ses saints. Four vous confirmer da
vantage en cette vérité , que Notre-
Seigneur n'est pas seulement mé
200 CATÉCHISME CHRÉTIEN
diateur de rédemption , mais aussi de
religion,j'ajouterai que nous en avons
une figure dans le grand-prêtre de
l'ancienne loi, qui entroit dans le
Saint des Saints (i) en portant le
sang des victimes immolées, et un en
censoir fumant (2). Cet encensoir re
présentait les enians de l'Eglise, figu
rés parles grains d'encens qui étaient
consumés par le feu, comme nos cœurs
dans la prière le sont par l'amour et
par la charité de Jésus-Christ.
Par là on détruit entièrement cette
difficulté des hérétiques, qui se mo
quent du simple peuple et des vierges
consacrées à Dieu, parce qu'ils chan
tent en latin; comme si, en psal-
(i) Levit. xvi.
{i)Hctr ix
POUR LA VIE INTÉRIEURE. 201
modiant dans une langue qu'ils n'en
tendent pas, ils prioient sans fruit.
Cette difficulté est vaine ; car l'ame ,
allant à la prière , n'a autre chose à
faire que de s'unir à Jésus-Christ , la
prière et la louange de toute l'Eglise ;
de sorte que, l'ame étant unie à Notre-
Seigneur, et consentant de cœur à
toute la louange qu'il rend à son
Père, et à toutes les demandes qu'il
lui fait , la prière n'est pas sans fruit :
au contraire , l'ame fait bien davan
tage que si elle prioit en son esprit
propre, et qu'elle voulût s'aviser d'a
dorer, d'aimer, de louer et de prier
Dieu par elle-même et par ses propres
actes. Par cette union, elle devient
plus étendue que la mer ; elle s'étend
comme l'Esprit de Jésus-Christ qui
202 CATÉCHISME CHaÉTIKX
prie dans toute l'Eglise. C'est le
genre de prière qui se pratique au
ciel, ainsi qu'on le voit dans l'Apo
calypse (1), où les saints ne font que
dire Amen, aux prières de l'Agneau.
Us expriment ainsi l'union de leurs
cœurs à Jésus-Christ leur prière; et
confessant leur incapacité pour louer
Dieu en eux-mêmes, ils se perdent
en Jésus-Christ , pour rendre à Dieu
toute la louange que lui rend ce divin
médiateur, et l'Eglise en lui. C'est à
quoi aussi nous invite le prophète
David , quand il dit : Venez , glori
fions le Seigneur , et exaltons son nom
tous ensemble (2). Il faut donc, comme
(i) Apoc. vu. ta.
(2) Magnificate Dominum mccum, ct exaltemm
uomen ejui in idipsmn. Ps xxxui. 4-
l'OUR LA VIE INTÉRIEURE. ao3
les enfans de la fournaise, glorifier
Dieu par un même esprit, une même
volonté et un même cœur (i) , et avec
les dispositions et intentions de l'Es
prit de Jésus-Christ.

LEÇON XI.
Qu'en s'unissant à Je'sns-Christ dans l'oraison, on
communie à sa prière et à tons ses antres biens.

D. Jï suis bien convaincu qu'il est


nécessaire de recourir à Notre-Sei-
gneur Jésus-Christ, pour faire quel
que prière qui soit agréable à Dieu ,
et que cette prière est mille fois plus
avantageuse et plus efficace que si je la
(i) Très quasi ex uno ore laudabant, et glorifi-
cabant, et benedicebant Dcnm. Dan. m. 5 t .
204 CATECHISME CHRÉTIEN
faisois moi seul ; mais il me reste deux
doutes à vous proposer : i° Suis-je as
suré qu'en me donnant à Notre-Sei-
gneur Jésus-Christ, je communie à
la grâce de sa prière? 2° Comment
pourrai-je savoir si je suis uni à lui ?
R. Quant à votre première ques
tion , l'Ecriture sainte nous dit qu'il
n'y a qu'à chercher Dieu en simpli
cité de cœur (i). Puisque Notre-Sei-
gneur nous attend , les bras ouverts ,
cherchons-le en toute simplicité, et
donnons-nous à lui , pour faire toutes
nos œuvres et nos prières en union
avec lui. Car il demeure en nous pour
être une hostie de louange ; il nous
considère comme ses temples, pour
(i)Seatitede Domino in bonitate, et in simpli-
rtinte cordis quxrite illum. Sap. t. i.
FOUR LA VIE INTÉRIEURE. a05
glorifier Dieu sans cesse par nous , en
nous et avec nous. Il nous dit à tous,
par la bouche de David : Glorifiez le
Seigneur avec moi, et exaltons son
nom tous ensemble. Nous n'avons donc
qu'à lui dire tout simplement : « Mon
Seigneur Jésus-Christ, qui êtes ma
louange, je me complais, et je me
réjouis en toutes les louanges que
vous donnez à Dieu votre Père ; je
m'unis et je me donne à vous pour
l'adorer et pour le prier par vous et
avec vous; je ne veux être qu'une
hostie de louange avec vous, pour
glorifier Dieu durant toute l'éter
nité. » Cela suffit, pourvu que nous
ayons dans le cœur l'affection et le
désir que nous lui témoignons par
nos paroles ; et il est certain qu'alors
20Ô CATÉCHISME CHRÉTIEN
nous communions à lui et à ses
prières.
D. Mais cette doctrine est-elle bien
vraie?
R. Oui, elle est vraie; et tenez
pour certain que, si vous agissez ainsi
dans la pure charité , vous tirerez de
cette pratique un fruit merveilleux.
D'ailleurs cette vérité est assez mar
quée dans le Symbole des Apôtres.
D. Je ne me souviens point de l'y
avoir jamais lue.
R. Elle y est néanmoins ; mais vous
ne l'entendez point, et ne l'apercevez
pas , en le récitant. Elle est dans la
troisième partie du Symbole , qui re
garde la personne du Saint-Esprit et
ses opérations dans l'Eglise : Je crois
au Saint-Esprit, la sainte Eglise Ca
POUR LA VIE INTÉRIEURE. 207
tholigue, la communion des saints ;
c'est là le mot.
D. Je vous prie de me le faire en
tendre; carje ne le conçois pas encore.
Je sais bien que le Saint-Esprit a
formé l'Eglise Catholique, que c'est
ce divin Esprit qui remplit les saints
du ciel et les justes de la terre; et
que quand nous avons la charité, nous
avons la même vie que les saints.
R. Le mot de communion des saints
s'entend bien en partie comme vous
le dites; mais il a encore un autre
sens ; c'est-à-dire qu'il y a , pour les
fidèles, une communion ou partici
pation à toutes les choses saintes qui
sont dans l'Eglise. De même que l'on
communie au sacré corps de Jésus-
Christ et à son sang , ainsi l'on peut
2o8 CATÉCHISME CHRÉTIEN
communier à son Esprit : et non-seu
lement on communie à son Esprit,
mais aussi à toutes les choses saintes
que produit cet Esprit; comme , lors
qu'on communie au très-saint Sacre
ment de l'autel , on ne communie
pas seulement au corps et au sang de
Notre - Seigneur Jésus -Christ, mais
encore aux saintes opérations répan
dues dans l'intérieur de Jésus-Christ ;
ce qui est pour nous un trésor inesti
mable. Ainsi en est-il à l'égard de
l'intérieur admirable de la très-sainte
Vierge , de saint Joseph , de saint
Jean, et des autres saints du ciel.
Car, en considérant, par exemple,
l'intérieur tout divin de la très-sainte
Vierge , et les fruits de sainteté que
l'Esprit de Dieu y prodnisoil , on se
POUR LA VIE INTÉRIEURE. OOO
trouve souvent attiré à vouloir com
munier spirituellement au Saint-Es
prit et aux grâces intérieures qu'il
opéroit dans cette très-sainte ame.
Vous voyez donc , par tout ce que je
viens de vous dire , comment on com
munie à la prière de Jésus - Christ et
aux autres opérations de son Esprit ,
en s'unissant à lui par un simple acte
de foi et de charité.

LEÇON XII.
Conunent on peut savoir que dans l'oraison on est
uni ù Nôtre-Seigneur Jesus-Christ.
D. Il vous reste à satisfaire à l'au
tre difficulté que je vous ai proposée ;
savoir, comment l'on peut connoî-
tre si l'on est un à Jésus-Christ ?
'1
2IO CATÉCHISME CHRÉTIEN
R. Cette difficulté est l'occasion de
bien des fautes, pour certains dévots,
qui, afin d'être assurés des opérations
du Saint-Esprit en eux, veulent or
dinairement les sentir. C'est là une
erreur trop commune dans la dévo
tion, et qui nuit au progrès des ames.
Pour dissiper cette erreur, je vous
donnerai un principe certain, que
je tire des paroles de mon Maître , le
docteur de la vraie dévotion. Il dit,
dans son Evangile , qu'il aura des
adorateurs en esprit et en vérité, c'est-
à-dire , qui adoreront son Père par la
foi et par la charité (i). Saint Paul

(i) Veri adoratorcs adorabunt Patrcm in sv-i-


ritu et veritate. Spiritus est Deus, et eus qui ado
rant enm, in spiritu et veritate oportet adorarr.
Joim. xxiii, s4-
POVR li. VIE ISTÉRIEURE. 211
Je dit aussi en d'autres termes , en
parlant de la manière d'adorer des
chrétiens, qui ne vont à Dieu que
par la foi et la charité (i). Il s'en
suit que , si vous voulez vous unir à
Notre-Seigneur , vous n'avez pas be
soin d'images, ni de lumières sen
sibles dans votre esprit; vous devez
vous contenter de la simple foi et de
la seule charité , sans vouloir ressen
tir aucune opération sensible dans
votre cœur. La pure charité avec la foi
sont comme les deux animaux mysté
rieux qui tirent ce magnifique char
de l'Eglise, dont nous avons parlé (2).
Ce qui achève de vous montrer

(i)Fictesqax per charitatemoperatur. Gai. v. G.


(?) foytz ci-dessus, pag. i8a,
212 CATÉCHISME CHRÉTIEN
qu'il n'est pas besoin de dispositions
sensibles pour vous unir intérieu
rement à Jésus-Christ, c'est qu'on
ne vous en demande point dans la
communion de son corps et de son
sang , pour participer à l'Esprit et à
la vie qu'il vous y donne.
D. Il me semble, à vous entendre,
que ce soit principalement pour re
cevoir en soi l'Esprit, la vie et les
vertus de Notre - Seigneur , que l'on
communie à son corps et à son sang ?
R. Cela est vrai : le corps et le sang
précieux de Notre - Seigneur sont
comme le véhicule qui nous porte
son Esprit, pour nous rendre partici-
pans de sa vie et de ses opérations di
vines, pour être notre nourriture,
faire croître en nous toutes ses ver
POl'R LA VIE INTÉRIEURE. 21 3
tus (i); enfin, pour nous donner la
plénitude de sa vie intérieure , et
nous faire même parvenir à la pléni
tude des dons de Dieu (2).
D. Mais les chrétiens sentent-ils
cela en eux, lorsqu'ils reçoivent Jésus-
Christ? sentent- ils les opérations de
son Esprit ? entendent-ils la louange
que Jésus-Christ rend à Dieu dans
leur cœur? éprouvent-ils sensible
ment toutes les vertus qui s'écoulent
de lui dans leurs ames ?
R. Non; car, Notre-Seigneur étant
devenu tout esprit après sa résurrec
tion, ses opérations aussi sont pure
ment spirituelles , et par conséquent
(i) Crescamus in illo per omoia. Kph. IT. i5,
(a) Ut implcamini in omnrm plenitudincm Dci.
Kph. m. i9.
3l4 CATÉCHISWE CHRÉT1EN
ne sont pas possibles. Et de même que
la nourriture corporelle conserve la
vie à toutes les parties du corps hu
main, sans leur faire sentir néanmoins
l'écoulement de la vertu vivifiante
qui se répand secrètement dans cha
cune d'elles ; ainsi Jésus-Christ, notre
aliment spirituel, vivifie nos ames
d'une manière non sensible. Comme
il est esprit en nous (i), il suffit, pour
communier à ses divines opérations,
de nous unir à lui par la foi toute
nue et par la seule charité.

(») Factns in spiritum virilicaotem. I. Cor. sv.


43.
POUR LA VIE INTÉRIEURE. 2l5

LEÇOX XIII.
Ou'cn s'unissant à Jc'sus-Oliriit , non-sculi-mcat on
communie au Saint-Esprit openiai eu lui, mais
encore à ce même Esprit operant dans chacun
des saints de fEçlisc.

D. Ou trouvez-vous que nous com


munions non-seulement à l'Esprit de
Jésus-CUrist , et à ses opérations en
lui-même , mais aussi au Saint-Esprit
répandu dans tous les saints, par
exemple , dans la très-sainte Vierge ?
R. Il est aisé de vous montrer la
vérité de cette doctrine. N'est-il pas
vrai qu'en communiant au plus, on
communie au moins, et qu'en com
muniant à la cause, on communie
3lG CUTÉCHISMl CHRÉTIEN.
aux effets? Puis donc que nous com
munions au Saint-Esprit, nous com
munions aussi aux effets de ce divin
Esprit, c'est-à-dire à toutes ses opé
rations, soit dans Jésus-Christ, soit
dans chacun des saints. Cette richesse
et cette variété de dons répandus dans
les saintes ames, et auxquels nous
avons droit de communier, est un
mystique festin , où l'ame peut choi
sir, selon l'instinct de l'esprit inté
rieur, telle nourriture spirituelle qui
lui plaît davantage.
On peut éclaircir cette doctrine si
importante, par une figure admiratte
de l'Ecriture : je veux parler de la
manne que Dieu donna à son peuple.
Cette nourriture, quoique la même
en tous, avoit le goût des viandes par
POUR LA VIE INTÉRIEURE. 21 7
ticulières que les enfons d'Israël dé
siroient de goûter. Il en est de même
des dons qu'on peut recevoir par la
communion des saints. Quand nous
désirons de communier aux diffé
rentes grâces des bienheureux , nous
n'avons qu'à nous unir à l'Esprit de
Jésus-Christ, qui est la source d'où
découlent toutes ces grâces. Nous
avons même cette pratique , si ordi
naire dans l'Eglise, de communier en
l'honneur des saints , pour participer
à leur esprit et à leurs grâces; et
nous y participons en effet, si nous
nous unissons à Jésus- Christ dans
le saint Sacrement de l'autel, avec
l'intention de communier aux dons
qu'il répand de son Esprit dans les
saints.
il8 CATÉCHISK CHRETIEl»
Je tous découvrirai un autre mys
tère non moins consolant; c'est que,
par cette même communion, nous
pouvons avoir part aux grâces des
justes qui sont sur la terre. Ainsi, par
exemple, quand vous voyez une per
sonne douée d'un grand don d'hu
milité, de charité ou de patience,
au lieu de lui porter envie, (ce qui
peut arriver par la suggestion de Va-
mour-propre) il faut vous unir à
l'Esprit de Notre -Seigneur dans le
saint Sacrement de l'autel, honorer
dans ce divin Esprit la source de ces
vertus , demander la grâce d'y com
munier; et bientôt vous verrez com
bien cette pratique est utile et avan
tageuse.
Pour vous expliquer de plus en
POUR LA VIE INTÉRIEURE. î!I<)
plus cette doctrine , je vous exposerai
une autre belle figure, que nous
voyons dans les livres saints. Isaïe,
dans une vision mystérieuse, vit le
Fils de Dieu, qui lui fut montré
rempli de gloi»e et de majesté , assis
sur un trône élevé et magnifique ; et
l'Ecriture remarque que la partie de
son riche vêtement, gui était au-des
sous de lui, remplissait tout le tem
ple (i). Or, par ce qui étoit au-des
sous de lui , nous pouvons entendre
les opérations divines de l'Esprit de
Jésus, qui remplissent l'Eglise, et
sont répandues dans les saints. Car le
Saint-Esprit a habité premièrement
en Jésus-Christ notre chef, et a pre—

(i) liai, vi. i.


220 CATÉCHISME CHRÉTIEN
duit en lui toutes les dispositions et
les effets de grâce , qui , de ce chef,
devoient se répandre un jour dans
chaque membre du corps; de sorte
que toutes les grâces qui sont dans
les saints du ciel et dans les justes de
la terre, découlent de Jésus-Christ
comme d'une source unique. Elles
leur sont communiquées par le Saint-
Esprit , qui , étant envoyé par Jésus-
Christ à ses membres, leur porte
ainsi ses dons , et les fait participans
de sa vie divine.
Je vous conseille donc de vous unir
sans cesse au Saint-Esprit, afin de
faire vos actions avec les propres sen-
timens de Jésus-Christ , pour fortifier
votre foiblesse et enflammer votre
charité. Contentez-vous de vous unir
POUR LA VIE INTÉRIEURE. 22 I
à lui par la foi et par l'amour : il est
ce fleuve de feu, dont parle l'Ecri
ture (i) , et qui sortait de la face de
Dieu. Le fleuve signifie deux choses,
la voie et la vie ; car un fleuve est un
chemin animé et vivant : il figure
l'impétuosité de l'amour avec lequel
nous devons nous porter à Dieu, et
en même temps la force de l'Esprit de
grâce, qui, sortant de Jésus-Christ,
entre en nous , afin d'être notre voie ,
notre vérité et notre vie.
D. Puisque la chose est ainsi, il
est bien consolant d'être chrétien :
O qu'il est doux de s'abandonner à
l'amour, et d'être conduit si sûre
ment et si promptement à Dieu !
(i) Fluvius ignens, rai^Jusquc, cîredicbawr à
facieejas. Dan. vu. io,
222 CATÉCHISME CHRÉTIEN
R. Vous voyez combien il est im
portant de s'abandonner à l'Esprit-
saint, quand on veut agir ou prier.
Il faut s'unir souvent à lui, pour ne
plus agir que par ce seul principe, au
lieu de se conduire , comme l'on fait
communément, par le principe de
l'amour -propre et de la vieille créa
ture, qui nous entraîne vers le péché.

LEÇON XIV.
Quand est-ce qu'on doit s'unir à l'esprit de Jesus-
Christ dans la prière.

D. Il me reste à vous demander com


bien de fois pendant la prière , il faut
s'unir à Jésus-Christ et à son Saint-
Esprit ?
POUR LA VIE INTÉRIEURE. 22.3
R. Ou vous voulez parler de la
prière particulière, ou de la prière pu
blique. Si vous parlez de la première,
je réponds qu'après vous être uni au
Saint-Esprit en commençant, il est
bon de renouveler votre union, sinon
à tous les actes, au moins à chaque
partie de l'oraison , et encore lorsque
l'ame se trouve dans la sécheresse et
l'obscurité. S'il s'agissoit de la prière
publique, il faudrait renouveler votre
union autant de fois que l'Eglise l'or
donne.
D. Quoi? l'Eglise I'ordonne-t-elle?
Je croyois que ce fût une méthode
toute nouvelle , et particulière ?
R. Non , à Dieu ne plaise que j'a
vance jamais rien de nouveau dans
les choses de la religion ! la pratique
224 CATÉCHISME CHRÉTIEN
dontje parle a toujours été en usage
dans l'Eglise , soit Grecque , soit La
tine , comme je vais vous le montrer.
Si vous avez assisté quelquefois à
Matines, vous aurez pu remarquer
que, par les premières paroles, le prê
tre s'adressant à Jésus-Christ, lui dit
à haute voix : Seigneur , ouvrez ma
bouche à vos louanges; à quoi le chœur
répond : Et elle publiera vos gran
deurs (i), comme si on disoit : Sei
gneur , venez ouvrir nos lèvres , alin
que nous puissions annoncer votre
louange , ne le pouvant faire de nous-
mêmes. Et aussitôt le prêtre, pour
témoigner qu'il ne veut point louer
Dieu en son propre esprit, mais en
(i) Domine, l.iiu.i m i.i aperics; et os mruro
anmatiibit Indein tuam Ps. i. t7.
POUR LA VIE INTÉRIEURE. 22.5
Jésus - Christ , l'unique hostie de
louange , il ajoute , en s'adressant à
Dieu le Père : Mon Dieu, regardes
Jésus-Christ, mon aide et mon se
cours; ne me regardez pas moi-
même , mais en nous votre Fils , qui
veut être notre hostie de louange.
Et, à son tour, rempli du sentiment
de son incapacité, l'Eglise dit, en
s'adressant à Jésus-Christ lui-même :
Bâtez-vous de me secourir (i) ; elle
appelle l'Esprit de son époux, pour
venir l'aider, et semble lui adresser
ces amoureuses paroles de l'Apoca
lypse (2) : L'Esprit et l'Epouse di-
(i) Dens, in adjutorinm menm intende; Do
mine , ad adjuvandum me , festina. Ps. Lxts. s.
(a) Spiritos et iponsa dicunt : Veni ; et qui
andit, dicat : Veni .... Vcni , Domine Jeiu. Apoe.
Mil. i7.
i5
1lG CATÉCHISME CHRÉTIEN
sent : Venez; que celui qui entend,
dise : Venez... Oui, venez, Seigneur
Jésus.
Ensuite, tous ensemble, en disant
ces paroles : Gloire au Père, au Fils
et au Saint-Esprit, s'inclinent pro
fondément. Cette inclination, que
font les prêtres dans l'Eglise Latine ,
revient aux trois inclinations que
pratique l'Eglise Grecque, \orscyae
l'officiant va faire trois inclination•
profondes devant l'image de Jésus-
Christ, et trois autres devant l'image
de la très-sainte Vierge. Par là, ils
veulent signifier qu'ils s'avouent in
capables de glorifier la majesté de
Dieu, et qu'ils remettent à Notre-
Seigneur le soin de le glorifier , »
contentant de s'unir à lui pour loaei
rOUR LA VIE INTÉRIEURE. 1?-
]Jieu en union avec l'Esprit deson Fils.
Pour entrer dans cette sainte pra
tique, tâchez au moins, toutes les
fois que vous entendrez chanter le
Gloria Patri, et que vous verrez les
prêtres s'incliner vers le saint Sacre
ment, de faire dans votre cœur ce
que les prêtres font extérieurement. Il
faut qu'alors , vous unissant à Notre-
Seigneur et vous humiliant profon
dément devant lui , vous protestiez
que vous vous reconnoissez indigne
de louer Dieu ; et que comme il est
lui seul la louange vivante et véri
table de la très-sainte Trinité, lui
seul aussi est digne de la glorifier.
D. Est-ce pour la même raison que
l'on dit Pater et Ave avant que de
commencer l'Office ?
228 CATECHISEE CHRETIEN
R. Oui, c'est pour s'unir à l'inté
rieur de Notre-Seigneur Jésus-Christ,
comme médiateur de la louange de
l'Eglise , et à celui de sa très-sainte
Mère. La raison de ceci est fondée sur
ce principe, que la religion consiste
en ces deux points : l'un à honorer le
Père, l'autre à glorifier le Fils. Or,
comme nous avons deux objets de
notre religion, nous avons aussi be
soin de deux médiateurs. Pour louer
Dieu en lui-même et dans ses œuvres,
nous avons recours à Jésus-Christ,
qui est le médiateur de notre louauge;
et lorsque nous voulons honorer Jé
sus-Christ en sa personne et en ses
mystères, nous avons besoin de la
très-sainte Vierge, notre médiatrice
envers Jésus-Christ; et nous nous
POUR LA VIE IVtMtIÏtRh.
adressons ù elle , qui seule est digne
de le louer comme il faut.
Admirez l'économie de Dieu , dans
le mystère de l'incarnation. L'huma
nité de Jésus-Christ, remplie de tous
les dons de l'Esprit saint, étoit comme
un temple auguste, dans lequel la
divinité voulut être parfaitement ho
norée ; partout où se portoit l'huma
nité sainte sur la terre , Dieu trouvoit
son ciel, son paradis, sa gloire. Mais
l'humanité de Jésus-Christ méritant
à son tour des honneurs et des louan
ges, Dieu lui a bâti un temple infini
ment plus magnifique que celui de
Salomon , pour lui faire rendre dans
ce sanctuaire les honneurs qui lui
sont dus. Ce temple est la très-sainte
Vierge. Elle a suivi Jésus-Christ par-
a3o CATÉCHISME CHRETIEN
tout dans ses saints mystères , pour
le louer et le glorifier au- dedans
d'elle-même; comme autrefois les
prêtres accompagnoient en tout lien
l'arche d'alliance. La très-sainte
Vierge ayant en elle toutes les grâces
et toutes les vertus nécessaires pour
honorer parfaitement la sainte huma
nité du Sauveur , elle est destinée de
Dieu à être notre médiatrice dans les
honneurs que nous sommes obligés
de rendre à cette humanité sainte. Si
donc, après avoir dit le Pater avant
de commencer l'Office, l'Eglise ajoute
l'Ave Maria, c'est pour nous engager
à communier aux vertus intérieures
île Marie.
D. Jésus-Christ et ses apôtres ont-
ils recommandé aux premiers chré
POUR LA VIE INTÉRIEURE. '.>.!! |
tiens de communier aux vertus de la
très-sainte Vierge?
R. Non, pas expressément. Notre-
Scigneur ne travailloit qu'à faire con-
noître son Père , et les Apôtres à faire
cormoître Jésus-Christ, pour établir
la religion chrétienne, dont Jésus-
Christ est le fondement. Mais après
eux, les saints Pères l'on recom
mandé hautement. Voici, entre au
tres, d'excellentes paroles de saint An-
broise , un des plus illustres docteurs
de l'Église Latine : « Que l'ame de
» Marie , dit ce saint , soit en chacun
» de nous, pour glorifier le Seigneur;
» que l'esprit de Marie soit en cha-
» cun de nous , pour se réjouir en
» Dieu (i). » Je ne vous cite que ce
(i) Sit in singulis Mariai anima , ut magnincet
'i32 CATÉCHISBE CHBITIEX
passage de saint Ambroise, mais en
lui je tous cite toute l'Eglise , qui a
eu toujours un respect très-profond
pour ce saint docteur.
D. On dit encore le Credo, après
le Pater et l'Ave Maria; pourquoi
cela?
R. C'est pour retracer en abrégé,
dans l'esprit des fidèles, les œuvres
principales du Père et du Fils, et
mettre devant nos yeux l'objet de nos
louanges. Mais je vous dirai , en pas
sant , qu'un excellent moyen pour ré
citer saintement les Psaumes, c'est de
se tenir uni à l'esprit, aux intentions
et à l'intérieur du saint Prophète qui
les a composés.
Dominam ; sit in singulis spiritus Marix , ut exul
tet in Deo In Luc. lib. It, r. aG.
ri>tjR LA VIE IMÈRIEURE. a33

LEÇON XV.
Que le bonheur des chrétiens, dans l'oraison et
dans la sainte communion , approche de celui
des saiots du Paradis.

D. Si je comprends bien tout ce que


vous m'avez dit jusqu'ici , il me sem
ble que notre bonheur approche de
celui des bienheureux dans le ciel ?
R. C'est une vérité ; et voilà pour
quoi Notre-Seigneur disoit à ses dis
ciples : Le royaume de Dieu est au-
dedans de vous (i); car, possédant
Jésus-Christ en nous, par l'oraison
ou par la sainte communion , nous
possédons tout le ciel.
(i) Regnum Dei intra vos est. Luc. xvti. ai.
î34 CATÉCHISME CHRETIEN
Le royaume du ciel consiste à con
templer Dieu en trois personnes, et
l'humanité sainte de Jésus -Christ
remplie des torrens de la divinité. 11
consiste aussi à voir la sainte Vierge,
remplie de Jésus-Christ, de même
que Jésus-Christ est rempli de son
Père ; à voir encore toute la société
des saints, le corps magnifique de
l'Eglise, animé par Jésus - Christ ,
rempli par lui d'amour , de louange ,
d'adoration, et glorifiant par lui Dieu
le Père. Or, qui possède Jésus-Christ
au saint Sacrement de l'autel , le pos
sède tel qu'il est dans le ciel : Jésus-
Christ porte partout ce qu'il est; il
est donc en nous le sanctuaire de Dieu
son Père, et l'hostie de louange qui
loue Dieu dans tous les saints. l'É-
POUR LA VIE INTERIEURE. ï.\~>
glise de la terre possède donc les mê
mes biens que celle du ciel ; mais
avec cette différence, que nous n'y
communions pas si parfaitement que
dans le ciel , quoique ces biens soient
les mêmes. Car Jésus-Christ ne fait
pas écouler en nous tous ses torrens
divins, parce qu'il ne trouve point
dans nos ames une capacité assez vaste
pour les recevoir.
TABLE.

' Pages
Approbations. VII
CATÉCHISME
DE LA VIE INTÉRIEURE.

PREMIERE PARTIE.
DE L'ESPRIT CHRÉTIEN.
Leçon I. De l'esprit et des deux vies
de N. S. Jésus-Christ. x
Leçon II. De la perte de la grâce
après le baptême, et du travail
de la pénitence pour la recouvrer. t\
Leçon III. De la dignité du chrétien
en qui Jésus-Christ habite pour
lui inspirer ses mœurs et ses sen
timent); en un mot, pour l'ani
mer de sa vie inénie. g
238 TABLE.
Pagrs
Leçon IV. De l'esprit et des inclina
tions d'Adam; que la condition
des chrétiens en est bien éloignée. 1 3
Leçon V. De l'obligation qu'ont les
chrétiens de mortifier en eux les
inclinations d'Adam et de la
chair, et de crucifier le vieil
homme. 16
Leçon VI. De la source de la grande
malignité de la chair > a laquelle
nous sommes obligés de renoncer. 2^
Leçon VII. De l'amour de la croix ;
c'est-à-dire, de l'abjection, des
souffrances et de la pauvreté, que
le Saint-Esprit nous donne dans
le baptême. 20
Leçon VIII. De notre première gé
uération , où le démon est le père
de nos inclinations perverses ; et
de la régénération du baptême ,
où Jésus-Christ étant notre père ,
TABLE. 23g
Pages
nous communique sa vie divine. 34
Leçon IX. De l'obligation que nous
avons de porter la croix, et d'en
conserver l'amour , à cause de
l'Esprit du baptême qui nous a ,
imprimé cet amour. 3c>
Leçon X. D'une autre obligation
d'aimer la croix , et en particulier
le mépris , l'abjection et l'oubli ,
qui font la première branche de
la croix; provenant de ce que
l'homme, dans son fond et par
lui-même, n'est que néant. A3
Leçon XI. De l'orgueil , et du désir
de l'honneur auquel il faut ré
sister.
Leçon XII. Que l'honneur est du a
Dieu seul; comment on doit se
comporter quand on est méprisé. .r> ;
Leçon XIII. Que le malheureux
désir de l'honneur est un désir
2^0 -TABLE.
Pages
commun et universel; manière * ,"ï
de le combattre et d'y renoncer. Go
LEÇON XIV. De l'obligation que
nous avons d'aimer la douleur,
la souffrance, la persécution;
fondée sur ce que, par nous-
mêmes, nous sommes péché. 67
Leçon XV. Explication de la doc
trine précédente. 73
Leçon XVI. Suite de la même vé
rité ; que notre chair n'est que
péché. . 78
Leçon XVII. Que notre chair est
toute opposée et rebelle à Dieu et
à son divin Esprit. 83
Leçon XVIII. Que la malignité de
notre chair mérite toutes sortes
d'humiliations de la part de Dieu
et des créatures. 89
Leçon XIX. De l'obligation que
nous avons, par suite de noire
TABLE. 24l
pttché , de supporter la pauvreté ,
qui est la troisième branche de
la croix des chrétiens. 97
Leçon XX. De la grâce qu'opèrent
dans l'ame les mystères de Notre-
Seigneur auxquels il faut parti
ciper; et premièrement du mys
tère de l'Incarnation. 10/|
Leçon XXI. Du mystère du Cruci
fiement, et de sa grâce. 111
Leçon XXII. Du mystère de la
Mort de Notre-Seigneur , et de
l'état de mort qu'il opère. ll3
Leçon XXIII. Du mystère de la Sé
pulture , et en quoi sa grâce dif
fère de celle de la mort. 116
Leçon XXIV. Du mystère de la Ré
surrection, et de la grâce qu'il
opère en nous. iao
Leçon XXV» Du mystère de l'Ascen
sion, de sa grâce, et de son
afa TABLE.
Page*
état, qui est celui des parfaits. j32
SECONDE PARTIE.
DÈS MOYENS D*ACQUERIR ET DR CONSERVER
L'ESPRIT CHRETIEN.
Leçon I. Que la prière est le moyen
principal , et qu'il faut prier avec
humilité et confiance. l3s
Leçon II. De l'intercession des
Saints, qui prient pour nous en
Jésus-Christ et par Jésus-Christ. \:\ .
Leçon III. Que le sacrifice de l'autel
est le même que le sacrifice de la
croix ; et que Notre-Seigneur y
porte les mêmes dispositions qu'il
a eues à la croix. i5o
Leçon IV. Que l'on peut recevoir la
sainte communion pour le bien ut
l'utilité des autres. l58
Leçon V. Que notre Seigneur Jésus-
Christ habite en nousj et que nous
TABLE.
Pages.
pouvons en tout temps commu
nier spirituellement. l54
Leçon VI. De la manière de faire la
communion spirituelle, et de nous
unir à l'Esprit de Notre-Seigneur
dans toutes nos œuvres. 171
Leçon VII. Application de la doc
trine précédente à l'exercice de
l'oraison. 17°
Lkçon VIII. Méthode que Von peut
suivre dans l'oraison. i83
Leçon IX. Que nous pouvons prier
Dieu, quoique nous ne le connois-
sions point parfaitement , et que
nous ignorions même nos propres
besoins. 190
Leçon X. Comment Notre-Seigneur
est médiateur de religion ; ce qui
détruit une difficulté des héréti
ques sur la prière publique de
l'Eglise en langue latine. 197
244 TABLE.
Rage».
Leçon XI. Qu'en s'unissant à Jésus-
Christ dans l'oraison, on com
munie à sa prière et à tous ses '
autres biens. 2o3
Leçon XII. Comment on peut savoir
que dans l'oraison on est uni à
notre Seigneur Jésus-Christ. 20g
Leçon XIII. Qu'en s'unissant à Jé
sus-Christ, non-seulement on
communie au Saint-Esprit opé
rant en lui, mais encore à ce
même Esprit opérant dans chacun
des saints de l'Eglise. 2l5
Leçon XIV. Quand est-ce qu'on
doit s'unir à l'Esprit de Jésus-
Christ pendant la prière. 222
Leçon XV. Que le bonheur des
Chrétiens, dans l'oraison et dans
la sainte communion, approche
de celui des Saints du Paradis. 233
fin de la table.

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