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comparé
Dainow Joseph. Le droit civil de la Louisiane. In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 6 N°1, Janvier-mars 1954. pp. 19-
38;
doi : 10.3406/ridc.1954.9402
http://www.persee.fr/doc/ridc_0035-3337_1954_num_6_1_9402
Introduction
(*) Le texte de cet article est extrait pour sa plus grande partie de l'Intro-
ductory Commentary to the Louisiana Civil Code, paru dans le Civil Code
Annotated, vol. 1 (West Publishing C°, éd., 1952) et de l'article intitulé The Louisiana
Civil Law, dans Civil Code of Louisiana (West Publishing C° éd., 1947).
Traduit par Guy Sibony, Attaché au Centre français de droit comparé.
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vestige des anciennes lois. Afin d'éviter les doutes qui pouvaient
s'élever à ce sujet, il était assez simple de comprendre les lois
françaises dans la clause d'abrogation, ce qui confirmait la volonté de
marquer un départ réellement nouveau dans la meilleure manière de
la codification".
Aussi dut-on éprouver une surprise et une déception lorsque la
Cour Suprême de Louisiane, en 1827 (à la session d'avril), affirma
que les dispositions de droit espagnol qui n'étaient pas contraires
au Code civil de 1825 n'avaient pas été abrogées par les nouvelles
dispositions. Deux mois plus tard (lors de la session de juin), la Cour
affirma encore que les dispositions du Code de 1808 qui avaient été
omises par le Code de 1825 n'étaient pas par là-même abrogées.
L'obstination avec laquelle la Cour persistait dans sa position
était injustifiée, et les arguments techniques d'interprétation qu'elle
invoquait n'étaient pas convaincants en regard du but clair et com-
préhensif de la codification de 1825. En vertu de la clause
d'abrogation de 1808, une telle interprétation était à la fois possible et
exacte ; en vertu de celle de 1825, elle était de l'obstination pure et
simple et devenait erronée. Quoi qu'il en soit, ceci montre combien
la tradition de l'ancien droit civil était profondément ancrée.
A la suite de ces décisions, la législature vota deux lois en 1828,
dont l'une abolit expressément les articles du Code civil de 1808
(sauf une partie d'entre eux) et dont l'autre abrogea toutes les lois
civiles en vigueur antérieurement au Code de 1825. Cela confirme
l'intention première de la clause d'abrogation de 1825, et on pourrait
croire que cela ait mis un terme à la discussion ; mais il y a des
choses qui refusent purement et simplement de se laisser exterminer.
Au cours des années suivantes, les tribunaux essayèrent encore de
ménager une échappatoire pour les anciens principes généraux du
droit, distingués des règles positives. Par bonheur, ce mouvement
ne s'est pas poursuivi.
Une autre question qui s'est posée à propos du Code civil de 1825
est celle des différences entre les versions française et anglaise du
texte officiel. Bien que les deux versions fussent officielles, les Codes
de 1808 et de 1825 avaient été d'abord rédigés en français, et la
version anglaise était une traduction. La qualité de la traduction
a été souvent contestée, à juste raison. Lors de la promulgation du
Code de 1808, il fut décidé qu'en cas d'obscurité ou d'ambiguïté, on
devrait consulter les deux textes afin d'interpréter l'un au moyen
de l'autre. En 1825, on prescrivit simplement la publication dans
les deux langues, les textes se faisant face. Il n'y avait pas de
disposition relative à la solution des différences ou ambiguïtés, mais
du fait que l'original avait été établi en français et que la qualité
médiocre de la traduction anglaise était unanimement reconnue, on
admit que la version française était la plus exacte.
Depuis la révision de 1870 et la promulgation du Code civil
seulement en anglais, deux opinions sont possibles quant à la question
de l'effet de l'ancienne version française. Une première opinion
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Le Gode et la jurisprudence.
Parmi les références citées dans un code civil annoté, il y a
surtout les articles de codes étrangers et les décisions de jurisprudence.
.En gros, les articles de codes sont de beaucoup les moins importants ;
dans une situation de fait donnée, les décisions se rapprochent le plus
souvent davantage du problème particulier qui se pose. Les hommes
de loi, en Louisiane, ont pris l'habitude de consulter et de citer les
décisions des tribunaux de manière beaucoup plus abondante que les
textes eux-mêmes. Que ce procédé soit approuvé ou condamné, sa
pratique doit être reconnue comme un fait. Cependant, il faut avant tout
se souvenir de la portée relative des textes de codes et des décisions
de jurisprudence. Mais si on se réfère uniquement aux
décisions des tribunaux et aux dicta, sans l'examen indispensable et
l'utilisation des textes du code, on court le danger d'interpréter
faussement la loi et de dévier l'évolution du droit de la Louisiane.
L'utilisation comme point de départ des termes d'une décision qui
est déjà une extension d'un dictum émis antérieurement peut
conduire à des résultats fort éloignés du principe et du but originels du
texte du Code, qui ont pu être oubliés en chemin. Il est peut-être
exact que dans certains cas les dispositions du Code sont désormais
inadéquates et ne peuvent s'adapter aux développements rapides des
LE DROIT CIVIL DE LA LOUISIANE 35
Le droit écrit.
Dans les pays de droit civil, la législature élabore des textes sur
des matières non envisagées par le code, mais elle édicté aussi des
lois complémentaires sur des matières déjà régies par lui. Ainsi,
hormis quelques modifications expresses relativement peu
nombreuses, la législature de la Louisiane a accumulé une quantité
considérable de textes relatifs à des matières déjà réglées par le Code,
sans avoir abrogé ou modifié les articles du Code eux-mêmes. La
disposition générale d'abrogation, qui vise « toutes les lois ou
dispositions contraires au présent code », a soulevé de nombreux problèmes
d'abrogation implicite que les tribunaux ont dû résoudre. Il n'a pas
été facile d'expliquer comment le système de droit civil de la
Louisiane s'est accommodé de tout cela. La voie législative la plus rapide
qui a été adoptée pour la réalisation des buts visés a abouti à
l'exclusion presque complète des considérations de forme, auxquelles on
devrait pourtant attacher de l'importance dans un système de droit
civil.
Un palliatif fut apporté en 1942 lorsque le Louisiana State Law
institute publia les Louisiana Statutes Related to the Civil Code, qui
groupe les textes législatifs sous les titres des rubriques principales
du Code. Lors de l'adoption des Revised Statutes en 1950, cette
compilation de textes législatifs fut incorporée dans le titre 9, intitulé
« Civil Code — Ancillaries ». On esipère qu'une grande partie de ces
textes sera incorporée dans la révision actuellement projetée du Code
civil, mais il est inévitable qu'une quantité importante reste hors
du Code.
L'évolution du droit s'est faite dans certains domaines de façon
particulière à la Louisiane ; ce sont par exemple le droit des délits et
quasi-délits et le droit des mines. En matière délictuelle, les
tribunaux ne disposaient que d'un petit nombre d'articles généraux et
ils se sont mis à développer le droit en adoptant les règles de la
common law sur la responsabilité. Les opinions diffèrent quant à la
nécessité ou à l'opportunité de cette méthode, mais le fait de son
utilisation subsiste. En matière de mines, le Code civil ne contenait
aucune disposition relative aux ressources pétrolières de l'Etat, et
les tribunaux ont créé un ensemble de règles nouvelles en procédant
par analogie tant avec le bail et les servitudes du droit civil qu'avec
les règles générales des obligations. Dans les deux cas, l'action
législative a complété ce développement, mais elle n'a jamais réglé
une question de façon complète.
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Conclusion
Toute tentative en vue de prédire le résultat final du conflit qui
se déroule aujourd'hui en Louisiane entre droit civil et common law
serait présomptueuse. D'autant que, à l'échelle de l'Etat comme à
l'échelle nationale ou internationale, la pensée moderne traverse une
période importante d'adaptation a. des théories et à des forces
nouvelles issues des bouleversements économiques et sociaux. Le droit
civil et les façons de penser qui lui sont propres ont généralement
en Louisiane des racines profondes et bénéficient d'un attachement
sentimental dans de nombreux esprits. Durant les toutes dernières
années, l'influence du droit civil a joui d'un regain de vigueur, qui
a suivi les empiétements de la common law. Il ne faut pas oublier
que la Constitution de la Louisiane a toujours contenu et contient
encore la disposition qui consacre le système de droit civil en
interdisant d'adapter dans l'Etat le système de la common law dans son
ensemble.
Les dernières années ont vu la consécration définitive de
plusieurs victoires du droit civil, parmi lesquelles il faut citer :
1° la réédition, en 1938, des projets de Code civil de 1823 et de
Code de procédure de 1825, qui constituent les deux premiers tomes
des Archives juridiques de la Louisiane (Louisiana Legal Archives,
Volumes 2° la1 création
et 2) ; du Louisiana State Law Institute qui a effectué
différents travaux, en particulier : la Compiled Edition of the Civil
Codes of Louisiana, publiée, en 1940 et 1942, comme tome 3 des
Louisiana Legal Archives; la compilation des Louisiana Statutes Related
to the Civil Code, publiée en 1942 ; le Code pénal de 1942 ; les Revised
Statutes de 1950, qui sont une révision complète de tous les textes
de loi de la Louisiane ; les projets de révision du Code de procédure
et du Code civil, actuellement en cours; le projet de traduction
anglaise du traité de Planiol, également en cours ;
3° la renaissance récente du droit civil dans les facultés et dans
les revues de droit ;
4° l'établissement d'un système de références sous les articles
du Louisiana Civil Code Annotated (West Pub. C° 1952-1953)
permettant de se reporter aux parties correspondantes du traité de
Planiol, et aidant ainsi à redonner de l'importance à l'étude du droit
civil.
Si on les envisage dans le cadre d'un mouvement de longue durée,
ces événements importants apparaissent comme un renforcement de
ceux des fondements du système juridique de la Louisiane qui sont
issus du droit civil, et comme la préparation d'une renaissance
progressive du droit civil et d'une prochaine révision du Code.
Le droit civil de la Louisiane a subi des changements
considérables depuis 1803. Un siècle et demi du progrès le plus étourdissant
que le monde ait jamais connu dans tous les domaines de l'activité
humaine a nécessité des adaptations correspondantes dans tous les
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