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par l’Union européenne

Migration en Côte d’Ivoire :


Document thématique 2009
Les frontières en Côte d’Ivoire : historique,
défis et stratégie pour une meilleure
régulation des flux migratoires

17 route des Morillons, 1211 Genève 19 Suisse


Tél : + 41 22 717 91 11 • Télécopie : +41 22 798 61 50
Courrier électronique : hq@iom.int • Internet : http://www.iom.int
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ne reflètent pas les positions de l’Organisation internationale pour les migrations
(OIM). Les appellations utilisées et la présentation des données dans le rapport
n’impliquent pas l’expression d’opinion de la part de l’OIM concernant des faits
tels que statut légal, pays, territoire, ville ou zone particulière, ou à propos de leurs
autorités, ou de leurs frontières ou confins. Toute omission et erreur reste de la
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Ce rapport est un document de travail et, par conséquent, il ne se conforme pas


nécessairement aux directives de style adoptées par l’OIM.

L’OIM croit fermement que les migrations organisées, s’effectuant dans des
conditions décentes, profitent à la fois aux migrants et à la société tout entière. En
tant qu’organisme intergouvernemental, l’OIM collabore avec ses partenaires au
sein de la communauté internationale afin de résoudre les problèmes pratiques de
la migration, de mieux faire comprendre les questions de migration, d’encourager
le développement économique et social grâce à la migration, et de promouvoir le
respect effectif de la dignité humaine et le bien-être des migrants.

Ce document a été produit avec le soutien financier de l’Union européenne, l’Office


fédéral des migrations suisse (ODM) et la Coopération belge au développement.
Les opinions exprimées ci-après sont celles de l’auteur et ne reflètent pas
nécessairement celles de l’Union européenne, de l’Office fédéral des migrations
suisse (ODM) et de la Coopération belge au développement.

Editeur : Organisation internationale pour les migrations


17 route des Morillons
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© 2009 Organisation internationale pour les migrations (OIM)

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l’éditeur.

75_09
 

Les frontières en Côte


d’Ivoire : historique, défis et
stratégie pour une meilleure
régulation des flux migratoires

Préparé par 

Dabié Désiré Axel Nassa 

 
Avant‐propos 
 
Grâce  au  soutien  financier  de  l’Union  européenne,  l’Office  fédéral  des  migrations  suisse  (ODM)  et  la 
Coopération belge au développement, l’OIM met en œuvre le projet « Migration en Afrique de l’Ouest 
et centrale :  profils nationaux  pour  le  développement de  politiques  stratégiques »  dans plusieurs pays 
d’Afrique  de  l’Ouest  et  centrale  (Côte  d’Ivoire,  Ghana,  Mali,  Mauritanie,  Niger,  Nigeria,  République 
démocratique  du  Congo  et  Sénégal),  afin  de  promouvoir  une  approche  politique  de  la  migration 
cohérente  et  dynamique,  en  appui  à  la  planification  des  politiques  stratégiques  au  niveau  national  et 
régional. 
 
Les  profils  migratoires  nationaux  sont  un  résultat  fondamental  de  cette  recherche  et  de  ce  projet  de 
renforcement  des  capacités.  Ils  constitueront  un  outil  politique  utile  pour  suivre  les  tendances 
migratoires et identifier les domaines nécessitant des développements politiques subséquents. Mais, en 
étant principalement un outil de suivi, les profils nationaux fournissent des lignes directrices limitées au 
type  de  politiques  pouvant  être  développées  dans  un  domaine  particulier  (i.e.  méthodologies  et 
approches politiques). 
 
La série de documents thématiques traite cet aspect particulier en aidant les responsables politiques et 
les praticiens à définir les priorités d’action et les options politiques dans les domaines particulièrement 
pertinents dans  le contexte  politique national.  Sous la direction  et avec  l’appui  des  groupes de  travail 
techniques  nationaux  et  interministériels  (GTTN)  ainsi  que  des  sous‐groupes  de  travail  thématiques, 
établis dans chaque pays cible au cours du projet, trois documents thématiques ont été rédigés par des 
experts locaux pour chacun des pays concernés. Le but de ces documents est d’accroître les capacités de 
développement de politiques, par l’identification des bonnes pratiques et en évaluant les perspectives 
de développement politiques sur des éléments présentant un intérêt particulier pour le gouvernement. 
 
 
 
Abye Makonnen      Frank Laczko 
 
Représentant régional      Chef de la division recherche et publications  
Mission à fonctions régionales    Siège de l’OIM 
Dakar, Sénégal        Genève, Suisse 

                    Migration en Côte d’Ivoire : document thématique 2009                  2 

 
Table des matières
 

Introduction                      4 

Partie I. Réalités des frontières ivoiriennes face à la question des flux migratoires    5 

1.1 Histoire du tracé de la frontière ivoiro‐ghanéenne          7   

1.2 Les fondements de la mise en place de frontière ivoiro‐burkinabé      8 

1.3 Etablissement des frontières ivoiro‐malienne et ivoiro‐guinéenne      9 

1.4 Caractéristiques de ces frontières mises en place          10 

1.5 Disparité des ressources et expansion des migrations internationales    12 

1.6 La faible prégnance des frontières en tant qu’obstacles à la migration    12 

Partie II Crises des années 1980 à 2002 et l’accroissement des obstacles à la migration    14 
 
2.1  Conflits naissant de la pression démographique sur l’usage des espaces     15 

2.2 Fonctionnalisation des frontières comme obstacles à la circulation des migrants  18 

Partie III Propositions de stratégies pour le contrôle des frontières face aux flux migratoires  20 

3.1 Améliorer la surveillance des frontières            20 

3.2 Développer l'action de l’Office National de l’Identification (ONI)      21 

3.3 Développer des actions communes ouest africaines de surveillance des frontières  21 

Conclusion                      22 

Bibliographie                      23 

                    Migration en Côte d’Ivoire : document thématique 2009                  3 

 
Introduction
Les frontières, cicatrices de l’histoire, sont des plans de séparation/contact ou mieux de différenciation 
des rapports de contigüité avec des systèmes politiques, qui ne sont pas forcément de même nature. 
Elles  sont  représentées  comme  barrière,  lieu  où  se  termine  un  territoire  connu  et  maitrisé,  lieu  de 
passage  vers  un  monde  mal  connu  et  incertain,  mais  toujours  lieu  de  brusque  passage  à  un  monde 
sensiblement  différent.  Au  sens  juridique  du  terme,  les  frontières  sont  les  limites  des  territoires  des 
Etats.  Elles  prennent  appui  sur  une  construction  juridique  volontariste,  qui  traduit  un  instantané  des 
relations comme des positions relatives dans l’espace des deux pays concernés par le tracé. Elles sont 
aussi  le  contenant  spatial,  la  peau  pour  l’individu,  des  éléments  physiques  ou  symboliques  pour  les 
sociétés.  Les  frontières  ont  longtemps  été  floues  car  non  matérialisées.  Ce  n’est  qu’avec  l’apparition 
des Etats modernes qu’elles ont été fixées de manière précise et qu’elles ont été définies grâce à une 
cartographie rigoureuse. C’est ainsi qu’elles ont été  perçues comme le marquage extrême du territoire, 
puisqu’elles en symbolisent en théorie les limites. Les frontières ont alors acquis un caractère intangible 
et sacré : elles sont devenues des barrières, des filtres.  

Ces lignes de séparation mais aussi d’union que sont les frontières jouent des rôles importants pour les 
Etats et les populations. Elles sont des instruments géographiques et politiques à la disposition de l’Etat. 
Ce dernier peut faire varier le nombre de points de passages aménagés, la nature et l’application au gré 
de  la politique qu’il  entend  suivre.  Ainsi, elle devient un moyen de  politique  générale  utilisé  dans des 
domaines très diversifiés, pour inciter, stimuler ou interdire l’accès à son territoire. Contrôler, surveiller, 
restreindre, interdire ou exclure purement et simplement les uns des autres, tels sont les attributs des 
frontières.  Comment  se  présente  le  cas  de  la  Côte  d’Ivoire  face  à  la  question  des  mobilités  aux 
différentes  frontières  qu’elle  partage  avec  cinq  pays  d’Afrique  de  l’Ouest  et  le  reste  du  monde  par 
l’entremise  de  son  principal  aéroport  (Abidjan)  et  de  sa  façade  maritime  à  travers  ses  deux  ports 
(Abidjan et San‐Pedro) ?  

Pays  d’immigration  depuis  l’époque  coloniale,  la  Côte  d’Ivoire  continue  d’être  le  principal  bassin  de 
réception des migrants en raison de son dynamisme économique dans le contexte ouest africain. Ainsi, 
comptait‐elle  déjà  dès  1950  5  %  de  sa  population  d’origine  étrangère.  En  1958  cette  population 
d’origine étrangère représentait près du quart de la population totale du pays et 17 % en 1965. Cette 
part est passée à 22 % en 1975, à 28 % en 1988 et à 26 % en 1998. Cette forte présence étrangère et 
une  croissance  démographique  des  plus  fortes  (3,8  %)  réduisent  les  possibilités  d’avoir  un  emploi, 
d’acquérir  des  terres  cultivables  et  exercent  des  pressions  considérables  sur  les  principaux  secteurs 
d’activité  sur  l’ensemble  du territoire.  Les  crises  successives  qu’a traversées  la Côte d’Ivoire et  qu’elle 
continue de traverser peuvent être imputables à la mévente des produits d’exportation et une mauvaise 
redistribution des deniers publics mais aussi à la non maîtrise des politiques migratoires. C’est un volet 
du développement qui n’est pas pris en compte par les décideurs dans le guide du développement et de 
la planification stratégique du pays. Cette situation offre un cadre intéressant d’analyse à l’heure où la 
question  de  la  migration  hante  les  opinions  face  aux  crises  successives  que  connait  le  pays  dans  les 
domaines  économique,  social  et  politico‐militaire  depuis  1980  et  surtout  pour  faire  face  aux  défis  du 
développement.  

Cette étude montre les réalités des frontières ivoiriennes en mettant en avant les particularités qui sont 
les leurs mais aussi les caractéristiques qu’elles peuvent avoir face à la question des migrations. Il s’agit 
aussi  d’appréhender,  de  développer  des  stratégies  et  de  faire  des  propositions  nouvelles  pour  leur 
contrôle et surtout pour leur maîtrise.  

                    Migration en Côte d’Ivoire : document thématique 2009                  4 

 
Partie I. Réalités des frontières ivoiriennes face à la
question des flux migratoires
Le continent africain était pour les Européens une immense terre inconnue au début du 19ème siècle, un 
continent  « vierge ».  Les  explorateurs  qui  ont  sillonné  l’Afrique  entreprirent  à  partir  de  repérages 
approximatifs  de  mettre  le  continent  en  carte.  La  soif  de  découvrir  entretenait  une  émulation.  La 
découverte  d’un  lieu  ouvrait  la  voie  à  une  appropriation  territoriale.  Les  explorateurs  exportèrent  les 
rivalités  nationales  de  l’Europe  en  Afrique  (Pourtier,  1996).  Cette  situation  a  pour  corollaire  la 
convocation  au  congrès  de  Berlin  en  novembre  1884  des  représentants  des  quinze  puissances 
européennes présentes en Afrique, pour régler la liberté du commerce dans le bassin du Congo et du 
Niger, ainsi que les problèmes relatifs aux occupations nouvelles de territoires sur la côte occidentale. 
C’est  ainsi  que  plusieurs  centaines  de  traités,  signés  entre  la  clôture  de  la  conférence  et  la  Première 
Guerre  mondiale,  ont  délimité  les  zones  d’appropriation  de  chaque  puissance  avant  toute  occupation 
effective. Ces opérations de découpage se sont opérées le plus souvent dans le secret des chancelleries 
en  se  servant  des  méridiens  et  des  parallèles  dans  les  zones  désertiques,  des  cours  d’eau,  de 
l’orographie dans les zones de forêts. Ils se sont servis également de documents incertains portant sur 
des espaces à peine reconnus ou décrits par les premiers explorateurs. Ces documents ont parfois été 
pris et modifiés au gré de leurs convenances (Cabot, 1986). Ainsi, la nature par ses lignes et ses points 
singuliers,  servit  de  supports  au  découpage  territorial.  Le  tracé  des  frontières  s’est  fait  avec  un  assez 
grand  soin  là  où  s’affrontaient  les  puissances  européennes  rivales.  Par  contre  à  l’intérieur  des 
fédérations  comme  l’Afrique  Occidentale  Française  (AOF)  et  l’Afrique  Equatoriale  Française  (AEF),  les 
frontières  internes  entre  colonies  relevant  de  la  même  autorité  coloniale  furent  définies  avec  moins 
d’attention et varièrent à l’occasion de transfert de territoires d’une colonie à l’autre. Décrets et arrêtés 
manquaient parfois de cohérence et pouvaient ainsi être en contradiction les uns des autres. C’était à 
l’intérieur de ce vaste territoire inconnu que les acteurs économiques et sociaux, qu’ils soient individuels 
ou collectifs, se mouvaient en fonction des contraintes, des conflits et des opportunités que leur offrait 
leur environnement géographique. A l’aube du 20ème siècle, l’Afrique occidentale  se trouve fractionné 
en  entités  discordantes,  entités  qui  vont  constituer  les  bases  durables  de  différenciation  politiques  et 
économiques des nouveaux territoires. A la faveur de la colonisation et de la décolonisation, on assiste à 
une  démultiplication  des  frontières  avec  la  naissance  des  Etats.  C’est  cette  situation  qui  permit  assez 
tardivement de constituer le territoire de la Côte d’Ivoire (voir carte 1). 

                    Migration en Côte d’Ivoire : document thématique 2009                  5 

 
                    Migration en Côte d’Ivoire : document thématique 2009                  6 

 
I.1 Histoire du tracé de la frontière ivoiro-ghanéenne
 
Si  l’on  considère  que  les  frontières  en  Afrique  ont  été  imposées,  certaines  d’entre  elles  se  sont 
construites avec bien des difficultés. Tel est le cas de la frontière ivoiro‐ghanéenne. La frontière Ghana‐
Côte d’Ivoire longue de 670 kilomètres (km) est le résultat des traités passés par les rois de Bondoukou 
au nord et le roi de Krinjabo au sud, avec l’officier français Treich Lapleine entre 1887 et 1889. La Côte 
d’Ivoire devient colonie française en 1893 sans que les frontières de ce territoire avec le Ghana soient 
clairement définies. Ce n’est qu’après  la signature  du traité par le roi de Bondoukou avec le capitaine 
Lonsdale de Grande Bretagne en juin 1887 et en novembre 1888 avec Treich‐Lapleine de France, que la 
frontière va se mettre progressivement en place. Ainsi le 25 juin 1891, la France passe un arrangement 
avec le Royaume‐Uni sur la délimitation de leur territoire au nord et à l’est de la Sierra Leone et de la 
Côte de l’Or (Gold Coast). Concernant la Côte d’Ivoire, la frontière se trouvait alors délimitée jusqu’à la 
Volta noire, au 9ème degré de latitude Nord. La limite laissait les royaumes Sanwi et l’Indenié à la France 
et  ceux  de  Broussa,  de  l’Aowin  et  du  Sahué  au  Royaume‐Uni.  Après  cet  accord  survenu  dans  les 
chancelleries, le moment était venu de procéder au tracé de la frontière sur le terrain et sur les choses 
ne  furent  pas  aussi  aisées  entre  les  deux  puissances.  La  commission  britannique  de  délimitation  des 
frontières  revendiqua  la  possession  d’une  partie  du  Sanwi,  la  totalité  de  l’Indénié  et  une  partie  de  la 
province Abron. Ils avançaient comme argument que ces royaumes étaient sous l’influence du royaume 
Ashanti  et  donc  sous  influence  anglaise.  Cette  commission  s’est  alors  séparée  sans  passer  à  la 
délimitation  de  la  frontière  en  1892.  Un  troisième  arrangement  survient  en  1893  précisant  les 
arrangements de 1889 et de 1891, permettant de délimiter la frontière de la mer jusqu’au 9ème degré de 
latitude Nord. De février à mai 1896 s’est tenue la réunion de la Commission mixte pour délimiter les 
territoires  français  et  britanniques  au  nord  du  9ème  degré  de  latitude  Nord.  La  France  contesta  les 
accords signés par George Fergusson (un métis travaillant au Service civil du Gold Coast) pour le compte 
du Royaume‐Uni avec les royaumes de Mampoursi, de Liaba et de Wa. La Commission se sépara en mai 
1896  sans  être  parvenue  à  délimiter  leurs  territoires  respectifs.  Le  14  juin  1898,  une  convention 
délimitant  les  territoires  français  et  britanniques  dans  la  boucle  du  Niger  a  été  signée  à  Paris. 
Concernant les territoires de la Gold Coast, la frontière partirait du point délimité lors de l’arrangement 
de 1893 et suivrait le thalweg de la Volta noire jusqu’au 11ème degré de latitude Nord, avant de bifurquer 
vers l’est sur cette même latitude.  
 
En 1901, une commission mixte (Delafosse pour la France et Watherson pour la Grande‐Bretagne) a  été 
mise  en  place,  chargée  de  délimiter  précisément  et  d’aborner  la  frontière  des  territoires  de  la  Côte 
d’Ivoire  et  de  la  Gold  Coast.  Ce  n’est  qu’en  février  et  avril  1903  que  l’abornement  de  la  frontière  par 
pose  de  78  bornes  a  été  effectué.  C’est  définitivement  en  1905,  que  se  fixe  la  frontière  ivoiro‐
ghanéenne  qui  divise  désormais  des  ethnies.  C’est  le  cas  des  peuples  au  sud,  en  région  lagunaire  les 
Nzima et en région forestière les Agni. Tous ces peuples sont issus du groupe Akan et proviennent de 
l’actuel Ghana. Dans la savane, cette frontière sépare les Lobi et Koulango issus des groupes ethniques 
qui  viennent  de  la Volta.  Ce sont ces  différents  groupes  que nous retrouvons  de  part  et  d’autre de  la 
frontière ivoiro‐ghanéenne et ivoiro‐burkinabé, qui vont continuer d’entretenir différents rapports, tant 
familiaux que commerciaux. 
 
 
 
 

                    Migration en Côte d’Ivoire : document thématique 2009                  7 

 
1.2 Les fondements de la mise en place de frontière ivoiro-burkinabé
 
Le  tracé  de  la  frontière  ivoiro‐burkinabé,  autrefois  (Haute‐Volta)  a  connu  plusieurs  phases.  Les  pays 
appelés  Haute‐Volta  et  Côte  d’Ivoire  étaient  à  l’intérieur  d’une  vaste  fédération  dénommée  Afrique 
Occidentale Française (A.O.F.). En 1893, après que la colonie de la Côte d’Ivoire fut proclamée et que les 
frontières avec les Etats voisins anglophones (Ghana 1905, Libéria 1907) furent institutionnalisées, celles 
d’avec les autres Etats sous domination française connaissent des fortunes diverses. Ainsi, en 1932, la 
carte administrative de la Côte d’Ivoire fut fortement modifiée par un décret datant du 5 septembre qui 
supprimait la colonie de la Haute‐Volta, démembrait son territoire et le répartit entre les trois colonies 
voisines que sont le Soudan (actuel Mali), le Niger et la Côte d’Ivoire. Cette mesure annule la création 
tardive  de  la  Haute‐Volta  en  1919  (décret  du  1er  mars)  à  partir  de  territoires  prélevés  à  l’ancienne 
colonie du Haut Sénégal et Niger. Les motifs de cette décision paraissent d’ordre économique. En effet, 
en 1936, après une réorganisation de la carte administrative de la Haute‐Volta, le gouverneur découvre 
la  grande  misère  des  chefs  de  l’ex  Haute‐Volta.  Depuis  dix  ans,  le  montant  de  leur  solde  à  la 
participation de  la construction de  la  colonie n’a pas varié :  233  400  francs contre  616  680  francs  aux 
chefs du centre et du sud de la côte d’Ivoire, pourtant moins nombreux. Cette prise de conscience est 
largement tributaire de la pression des milieux d’affaires en Côte d’Ivoire, soucieux d’obtenir le concours 
des chefs traditionnels pour l’accès à la main d’œuvre des cercles densément peuplés du nord. 
 
Ainsi, tout se passe à partir de 1933 comme si la force de travail était devenue le produit d’exportation 
prioritaire  de  l’ex  Haute‐Volta.  L’administration  redouble  d’efforts  pour  détourner  de  la  Gold  Coast 
(actuel  Ghana)  les  migrations  de  travail  en  direction  du  centre  et  du  sud  de  la  Côte  d’Ivoire  ou  au 
Soudan, vers le delta intérieur du Niger. En Côte d’Ivoire, la création de villages de colonisation voltaïque 
s’inscrit dans le plan du détournement de la main d’œuvre de Gold Coast.  Il s’agit de petit Ouaga  et 
Koudougou en plein centre de la Côte d’Ivoire. Ces noyaux de peuplement permanent ont pour objectif 
d’attirer des migrants saisonniers. La Côte d’Ivoire est ainsi agrandie de la partie la plus importante de la 
colonie  supprimée  qui  regroupe  la  majorité  de  la  population,  l’essentiel  des  ressources  et  représente 
approximativement  les  deux  tiers  de  sa  propre  superficie.  Sur  le  plan  administratif,  les  territoires 
rattachés constituent huit cercles (Batié, Gaoua, Bobodioulasso, Dedougou, Koudougou, Ouagadougou, 
Kaya, Tarkodogo) et comptent deux communes mixtes (Ouagadougou et Bobo Dioulasso). Mais la loi du 
4  septembre  1947  rétablit  la  colonie  de  Haute‐Volta ;  la  région  de  Haute  Côte  d’Ivoire  disparaît  et  la 
Côte d’Ivoire retrouve au nord‐est ses frontières de 1932 (voir carte 2).  
 

                    Migration en Côte d’Ivoire : document thématique 2009                  8 

 
1.3 Etablissement des frontières ivoiro-malienne et ivoiro-guinéenne

Le  territoire  dénommé  Soudan  a  connu  une  incessante  manipulation  de  ses  frontières.  Mais  ici  nous 
nous intéressons à la frontière sud avec la Côte d’Ivoire. La colonie du Soudan était créée et intégrée en 
juin 1895, à la fédération « aoéfienne ». Cependant son identité administrative restait floue. Le décret 
du  17  octobre  1899  partageait  le  Soudan  entre  le  Sénégal,  la  Guinée,  la  Côte  d’Ivoire  et  le  Dahomey. 
Une série de décrets, pris entre 1911 et 1919 devaient retoucher l’esquisse. L’on a détaché du territoire 
du  Soudan  le  cercle  de  Gao,  puis  ceux  de  Tombouctou  et  de  Zinder  que  l’on  a  associé  à  un  nouvel 
ensemble :  le  territoire  militaire  du  Niger.  C’est  finalement  après  1944  que  le  territoire  du  Soudan 
(actuel  Mali)  prit  forme  dans  sa  configuration  actuelle.  S’agissant  de  la  frontière  ivoiro‐malienne  (ou 

                    Migration en Côte d’Ivoire : document thématique 2009                  9 

 
ivoiro‐soudanaise), elle est le résultat d’une intense et incessante manipulation en passant d’une limite 
administrative  à  une  frontière  internationale.  En  effet  les  deux  Etats  faisaient  partie  d’un  même 
ensemble  politique  colonial  (AOF).  Les  limites  entre  les  espaces  n’étaient  qu’administratives.  C’est  à 
partir de 1945 que la délimitation linéaire entre la Côte d’Ivoire et le Soudan a été définitive. 
 
Quant à la frontière ivoiro‐guinéenne, elle est la résultante de la défaite du royaume Samory Touré face 
aux français. Ce royaume s’étendait du Soudan à la Guinée en passant par le nord de la Côte d’Ivoire. 
Jusqu’en  1892,  l’essentiel  du  territoire  forestier  de  Guinée  dépendait  du  Liberia.  Cependant,  la  valeur 
économique reconnue de cette zone (huile de palme, riz, noix de cola, caoutchouc) et la poursuite de 
Samory  incitèrent  les  français  à  y  étendre  leur  contrôle.  La  résistance  de  Samory  Touré  face  à 
l’occupation coloniale française était très vive et dura jusqu’en 1911.  
 
La domination précaire de la zone après la débâcle lente et progressive de l’armée de Samory justifia le 
maintien de l’administration militaire ou même son rétablissement en 1911 à Beyla. Poste militaire au 
départ,  Beyla  situé  en  Guinée  allait  devenir  la  marque  de  l’établissement  de  la  frontière  ivoiro‐
guinéenne sous administration civile depuis 1906.  
 
En  définitive  la  naissance  de  la  frontière  ivoiro‐guinéenne  est  la  résultante  de  la  défaite  de  Samory 
Touré  et  d’un  tracé  approximatif  matérialisé  par  la  nature  (orographie  et  hydrographie).  Ainsi,  le 
territoire de la Guinée se trouve séparé de celui de la Côte d’Ivoire par le mont Nimba (1752 mètres) et 
un  cours  d’eau,  le  Gbanhala  qui  divise  un  même  sous‐groupe  ethnique  et  culturel,  celui  des  Malinké 
entre  les  trois  pays  que  sont  la  Côte  d’Ivoire,  la  Guinée  et  le  Mali  que  les  sociologues  et  linguistes 
rattachent  à  l’aire  culturelle  mandingue.  Les  frontières  ainsi  mises  en  place  dans  l’espace  créent  des 
territoires  nouveaux.  Les  populations  ne  sont  pas  restées  inactives  dans  ces  territoires.  Elles  ont 
continué à entretenir des relations familiales et commerciales en se basant sur leurs liens socioculturels.  

1.4 Caractéristiques de ces frontières mises en place

Les  frontières  présentées  précédemment  ont  été  imposées  par  le  colonisateur  sans  tenir  compte  des 
particularités  socioculturelles  et  des  disparités  de  ressources  entre  les  territoires.  La  première 
observation  qui  vient  à  l’esprit,  mais  qui  n’est  pas  forcément  la  plus  importante,  c’est  qu’elles  ont  eu 
pour effet de diviser des ensembles socioculturels (ou groupes ethniques) qui présentaient une certaine 
homogénéité. Concernant le cas ivoirien, ces frontières divisent le groupe voltaïque qui occupe presque 
tout  le  Burkina  Faso,  le  nord  du  Ghana,  du  Togo,  ainsi  que  le  vaste  territoire  du  Mali.  Ses  principales 
branches en Côte d’Ivoire sont les Sénoufo et les Lobi, que l’on retrouve en grand nombre au Mali et au 
Burkina Faso, ainsi que les Koulango dont certains vivent au Ghana. La Côte d’Ivoire possède le coin sud‐
ouest  du  vaste  domaine  occupé  par  les  langues  voltaïques.  Un  autre  groupe  non  moins  important 
demeure aussi, les mandé nord. La principale ethnie, les Malinké sont aussi présents au sud du Mali, au 
nord de la Guinée et au nord‐ouest de la Côte d’Ivoire (Carte 3).  

                    Migration en Côte d’Ivoire : document thématique 2009                  10 

 
 
Carte 3 : Aires d’occupation des groupes culturels débordant des frontières ivoiriennes 

La  seconde  observation,  qui  n’est  sans  doute  pas  la  plus  évidente,  mais  qui  a  probablement  plus 
d’importance, c’est qu’elles ont eu pour effet de regrouper dans un même espace des populations, des 
ethnies qui avaient de fortes différences entre elles au niveau de leurs modes d’organisation, de leurs 
croyances et de leurs langues.  

Ces divisions ont causé moins de problèmes, parce que les frontières qui séparent les groupes ethniques 
n’ont pas beaucoup de sens pour eux et que les membres de ces groupes ont fait souvent preuve d’une 
grande capacité pour les transgresser. Tel est le cas de déphasage avec les espaces d’échanges anciens 
structurés  autour  de  réseaux  marchands  (Dioula  et  Akan  respectivement  au  nord  et  l’est  de  la  Côte 
d’Ivoire). Dans leur fonctionnement, la notion de contrôle des hommes qui appartiennent au réseau, à 
partir du respect de règles partagées, est plus déterminante que celles liées au contrôle de l’espace. Ces 
réseaux,  qui  existent  depuis  l’époque  précoloniale,  sont  parvenus  à  adapter  leurs  trajectoires  à 
l’évolution sur une échelle transnationale des flux de marchandises.  

L’instauration de frontières a créé de fortes inégalités entre les ressources matérielles et humaines de 
certains territoires. Il y a de grandes disparités dans l’espace ouest africain entre les Etats sur le plan des 
écosystèmes, des potentialités agricoles, des richesses minières et de la répartition de la population. Ces 
inégalités sont flagrantes en Afrique de l’Ouest entre  les Etats sahéliens enclavés avec des écosystèmes 
fragiles  et  des  Etats  côtiers  ouverts  sur  l’extérieur  et  qui  disposent  d’importantes  potentialités  sur  le 
plan agricole et énergétique. Les politiques menées depuis l’époque coloniale ont souvent aggravé ces 
disparités. Ces disparités ont d’ailleurs été un facteur déterminant des migrations internationales. 

                    Migration en Côte d’Ivoire : document thématique 2009                  11 

 
1.5 Disparité des ressources et expansion des migrations internationales

Les migrations ont été des réponses à l’inégalité des ressources entre les Etats et les régions sahéliennes 
et côtiers, particulièrement dans le champ de notre étude entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire. Cette 
situation  a  contribué  à  modifier  la  répartition  de  la  population.  C’est  le  cas  de  la  Côte  d’Ivoire  où  les 
migrations  ont  modifié  le  peuplement  pour  asseoir  une  population  cosmopolite  au  profit  de  ce  pays. 
L’ensemble  de  la  zone  ouest  africaine  se  repartie  en  quatre  zones  écologiques  aux  potentialités 
contrastées,  qui  restent  déterminantes  dans  le  désir  de  migrer.  Il  s’agit  des  zones  sahariennes  peu 
peuplée,  sahéliennes  et  des  savanes  soudanaises  qui  subissent  une  émigration  nette.  A  ces  zones 
d’émigration  très  peu  peuplées  s’oppose  une  zone  forestière  qui  rassemble  les  principaux  pôles  de 
croissances urbaines et connaissant une forte croissance démographique et économique du fait des flux 
migratoires  en  provenance  des  autres  zones.  C’est  un  espace  qui  matérialise  le  symbole  du 
développement extraverti. Avec plus de 80 % du PIB régional, les pays côtiers que sont la Côte d'Ivoire, 
le Ghana, le Togo et le Bénin polarisent une part importante du marché régional et c'est là que se trouve 
le  plus  grand  potentiel  d'échanges  régional.  La  Côte  d’Ivoire  seule  représente  40  %  du  PIB  régional 
(espace  de  l’Union  Economique  et  Monétaire  Ouest  Africaine,  UEMOA).  C’est  le  véritable  cœur  de 
l'économie  de  l’espace  UEMOA.  Ce  sous  espace  polarisé  par  les  économies  de  la  Côte  d'Ivoire  et  du 
Ghana comprend dans sa périphérie le Burkina Faso, et l’est du Mali. Il est au centre de la migration des 
populations. C’est jusqu’à ce jour la zone de prospérité de l’Afrique de l’Ouest (en dehors du Nigeria) en 
raison  de  ses  ressources  agricoles  et  minières  ;  elle  est  au  centre  de  l’insertion  de  la  région  dans  la 
mondialisation  de  par  ses  activités  commerciales  et  les  flux  financiers  qui  en  résultent.  A  ces  atouts 
économiques de la zone forestière, s’oppose des pays enclavés (Mali, Burkina Faso, Niger) confrontés à 
de nombreuses contraintes liées à l’enclavement, l’immensité de leurs territoires corrélée à une faible 
densité  de  peuplement  et  aux  fortes  contraintes  écologiques  qui  leur  donne  l’image  de  «  pays  de  la 
famine » laissée par les douloureuses sécheresses des années 1970 et 1980.  

Les facteurs exposés plus haut apportent des éléments d’explication de la mobilité des populations en 
direction de la Côte d’Ivoire. 

1.6 La faible prégnance des frontières en tant qu’obstacles à la migration

Longtemps, la circulation des migrants vers les pays en expansion dotés de ressources importantes s’est 
réalisée sans difficultés aux frontières. La migration a été organisée, sollicitée par certains Etats comme 
la  Côte  d’Ivoire.  L’installation  des  migrants  a  été  encouragée,  notamment  sur  les  fronts  pionniers 
agricoles, par des normes flexibles facilitant l’accès à la terre. Cela a été le cas des régions du sud‐ouest 
et  du  sud  ivoiriens  pour  le  développement  de  l’agro‐industrie  et  de  l’économie  de  plantations.  Le 
développement  de  ces  espaces  requérait  une  main  d’œuvre  importante  dans  le  contexte  d’une 
agriculture  faiblement  mécanisée.  Un  des  moyens  utilisés  pour  sécuriser  l’installation  de  cette  main 
d’œuvre de migrants peu payés est de lui concéder un droit d’usage sur des lopins de terre pour qu’elle 
puisse  faire  des  cultures  vivrières.  L’apport  du  savoir‐faire  et  de  la  force  de  travail  des  migrants  était 
également  recherché  en  ville  où  ils  étaient  relégués  le  plus  souvent  vers  des  emplois  peu  valorisés  et 
faiblement rémunérés. Sans qualification, les migrants jouent un rôle très actif dans la multiplication des 
métiers de la rue, aux abords des marchés et des concessions :  

- Petite restauration : vente de boissons glacées, thé, de produits maraîchers de contre‐saison et 
de canne à sucre, d’attiéké au thon fris (garba)1 ; 
                                                            
1
  Terme  ivoirien  pour  différencier  la  semoule  de  manioc  de  qualité  dérisoire  vendue  par  les  migrants 
nigériens de celle vendue par les femmes ivoiriennes jugée de bonne qualité. 

                    Migration en Côte d’Ivoire : document thématique 2009                  12 

 
- Commerce ambulant de friperie, de pacotilles, de cassettes audio ou vidéo, d’igname ; 
- Porteurs  de  bagages  près  des  marchés  et  gares  routières,  tireurs  de  pousse‐pousse,  vendeurs 
d’eau potable ; 
- Vente de paille, de bois de chauffe, de charbon de bois, de bois de construction, blanchisseurs, 
cireurs, cordonniers. Ils sont aussi utilisés comme domestique.  

Ils  constituent  aussi  une  main  d’œuvre  temporaire  dans  le  bâtiment  et  dans  le  secteur  artisanal.  De 
nombreux mineurs partent également en exode avec l’aide d’un parent. Les femmes ou les jeunes filles 
qui  migrent  sont  souvent  des  « bonnes »2,  vendeuses  ambulantes  dans  les  gares  routières  ou  sur  les 
barrages routiers aux entrées et sorties des villes. Mais  dans bien des contextes surtout ruraux où les 
communications  avec  l’extérieur  étaient  peu  développées,  on  accueillait  facilement  l’étranger,  parce 
que  cela  faisait  partie  des  traditions  locales  d’hospitalité  et  aussi  parce  qu’on  pouvait  du  fait  de  la 
mobilité  se  retrouver  à  son  tour  en  position  d’étranger  ailleurs.  Dans  beaucoup  d’espaces,  la 
différenciation  ethnique  avait  plus  d’importance  que  la  différenciation  nationale,  l’étranger  était  celui 
qui  n’avait  pas  les  mêmes  coutumes.  Dans  ce  contexte  favorable,  les  migrations  saisonnières  et 
pluriannuelles se sont fréquemment transformées en migrations de longue durée, voire définitives.

                                                            
2
 Terme utilisé pour désigner les filles de maisons. 

                    Migration en Côte d’Ivoire : document thématique 2009                  13 

 
Partie II Crises des années 1980 à 2002 et
l’accroissement des obstacles à la migration
Dans un contexte de crise économique et sociale et d’affirmation des identités, les représentations de 
l’étranger se sont dégradées. La crise d’un modèle de développement fondé sur l’expansion des cultures 
de  rente  et  des  produits  miniers  (baisse  du  prix  des  produits  exportés  et  endettement  des  Etats, 
instauration  de  plans  d’ajustements  structurels  aux  conséquences  négatives  sur  l’emploi  et  le  pouvoir 
d’achat est facteur aggravant de la répulsion à l’égard du migrant). Dans ce contexte, « l’étranger », « le 
migrant »  ont  été  perçus  de  plus  en  plus  comme  des  concurrents  pour  l’obtention  d’emplois  en  ville, 
ainsi que pour l’accès à la terre. Les processus de stigmatisation des étrangers se sont accrus. Aux dires 
des Ivoiriens dans les villes, les  migrants exercent beaucoup de petits  métiers mais réinvestissent très 
peu  en  Côte  d’Ivoire.  Ils  transfèrent  leurs  ressources  dans  leurs  pays  d’origine.  Ils  vivent  dans  des 
habitats précaires inachevés, entassés dans les quartiers insalubres sans eau courante, ni canalisation où 
les  branchements  des  fils  électriques  s’entrecroisent.  En  quelque  sorte,  les  migrants  dans  leur  grande 
majorité vivent dans la précarité la plus totale pour pouvoir rapatrier leurs ressources. Tout cela a créé 
une frontière de méfiance et de tension sociale entre les populations ivoiriennes et étrangères. 
 
Les conséquences de cette situation se retrouvent dans la perturbation des rapports entre Ivoiriens et 
étrangers,  l’accroissement  des  tracasseries  policières  à  l’égard  du  migrant,  le  ralentissement  du 
commerce intérieur et sous‐régional avec les pays limitrophes et la détérioration de l’image de la Côte 
d’Ivoire.  
 
La crise renforce aussi l’identité nationale souvent sur une  base restrictive. En Côte d’Ivoire, la notion 
d’ivoirité fondée sur la valorisation de l’autochtonie est devenue populaire dans un contexte de baisse 
généralisée  du  niveau  de  vie  de  la  population.  Il  y  a  eu  aussi  affirmation  des  identités  territoriales  et 
locales. Mais les figures de l’étranger varient selon les contextes et les espaces. Un pays comme la Côte 
d’Ivoire illustre parfaitement bien la situation de nombreux pays africains qui tentent de constituer une 
identité  nationale  à  partir  d’un  ensemble  hétérogène  de  peuples.  Ce  pays,  à  l’instar  de  la  plupart  des 
pays africains, résulte presque exclusivement de la volonté de l’autorité coloniale qui a mis en carte des 
limites linéaires en donnant naissance à un Etat. Pays multilingue par excellence, elle compte à peu près 
une soixantaine de langues réparties en quatre groupes de langues : le mandé, le gur, le kru et le kwa ou 
Akan. Il est à noter que chacun de ces groupes linguistiques déborde largement des frontières de l’Etat 
issues de la volonté coloniale. Les centres de diffusion des langues considérées se trouvent souvent hors 
du territoire de cet Etat. Les langues mandé sont parlées, outre en Côte d’Ivoire, en Guinée, au Sénégal, 
en  Mauritanie,  au  Burkina  Faso,  en  Gambie,  mais  aussi  et  surtout  au  Mali  qui  en  est  le  centre  de 
rayonnement historique. Les langues gur sont également en usage dans ce dernier pays et au nord du 
Ghana, du Togo et du Bénin, et surtout au Burkina Faso qui est l’espace origine de la plus importante 
d’entre elles, le mooré.  Outre la Côte d’Ivoire, les langues kru sont aussi pratiquées au Liberia. Enfin, 
l’aire  linguistique  kwa  connaît  son  extrémité  ouest  en  Côte  d’Ivoire  et  s’étend  jusqu’au  Nigeria, 
englobant le Bénin, le Togo, mais surtout le Ghana qui en est le centre de diffusion. 
  
La  Côte  d’Ivoire  est  donc  au  carrefour  d’influences  venues  du  nord  (populations  Mandé  et  de  souche 
voltaïque),  de  l’ouest  (populations  Kru  et  assimilés),  et  de  l’est  (populations  Akan  et  lagunaires, 
principalement Baoulé et Agni). Dans une telle configuration, il est évident que les frontières étatiques 
sont à considérer comme des lignes critiques de démarcation chargées tout à la fois de définir l’Etat.  
 

                    Migration en Côte d’Ivoire : document thématique 2009                  14 

 
Il paraît tout aussi évident que les identités d’origine (identités linguistiques et ethniques) transcendent 
les tracés et se prolongent à l’extérieur des Etats. Dans le même temps à l’intérieur, elles rentrent en 
compétition  ou  en  conflit  les  unes  avec  les  autres.  Les  frontières  actuelles  de  la  Côte  d’Ivoire  ne 
respectent le territoire traditionnel d’aucune des grandes entités humaines qui peuplent le pays. Sur le 
plan linguistique, il ressort que les Kru de Côte d’Ivoire se sentent plus proches de ceux des langues Kru 
du Liberia que de ceux des langues Mandé ou Kwa de Côte d’Ivoire, les Mandé sont aussi conscients de 
ce qui les rapproche de ceux du Mali ou de la Guinée.  Il en est de même des Kwa qui connaissent le 
rapport qu’ils entretiennent avec ceux des mêmes langues du Ghana. Les relations sont intenses entres 
Mandé du nord‐ouest de la Côte d’Ivoire (région d’Odienné) et ceux de l’est de la Guinée ou du sud du 
Mali. Il en est de même entre les Sénoufo de la Côte d’Ivoire et ceux du Mali, entre les Abron de Côte 
d’Ivoire  et  ceux  du  Ghana.  Les  identités  linguistiques  et  les  communautés  linguistiques  coïncidentes 
(Kouadio, 2004). Il s’agit là d’une caractéristique fondamentale des populations ivoiriennes. C’est sur la 
base de cette appartenance à une même communauté linguistique que se greffent les mouvements des 
personnes entre les territoires des Etats. Ce phénomène peut se traduire par « je pars où j’ai un frère, 
une connaissance qui peux m’aider à m’insérer dans le pays d’accueil dans un premier temps », et cela  
renvoie à une forme de réseau trans‐ethnique et transnational auquel l’on s’attache et qui modèle les 
territoires  en  tentant  de  favoriser  un  processus  de  déconstruction  des  frontières  héritées  de  la 
colonisation. Tels est le cas des  voltaïques dont la migration en direction de la Côte d’Ivoire a été le fait 
d’un  noyau  de  peuplement  en  plein  du  pays  sur  lequel  se  sont  greffées  les  autres  migrations  qui  ont 
suivi comme relaté plus haut. 
 
Cette situation pose le réel problème de la question des identités. La question de la consolidation d’une 
identité  nationale  avec  la  création  d’une  citoyenneté  aux  populations  clairement  identifiées  et  celle 
d’une  identité  créée  par  les  groupes  linguistiques  débordant  les  frontières  des  nouveaux  Etats  est  un 
problème  qui  s’est  aggravé  en  Côte  d’Ivoire  avec  la  prise  d’un  certain  nombre  de  mesures  par  les 
autorités, notamment avec la mise en place d’une politique nationale de migration et d’identification. 
Ainsi  comment  pouvons‐nous  faire  la  différence  entre  un  Koné  malinké  de  Côte  d’Ivoire  et  un  Koné 
malinké de la Guinée ou du Mali ? 
 
En rapport avec cette politique, des dérives sont constatées. Ainsi assistons‐nous à la multiplication des 
mesures et des pratiques qui limitent l’emploi des étrangers bien qu’elles soient non officielles. C’est le 
cas dans des contextes fonciers tendus : il est devenu de plus en plus difficile pour les migrants d’avoir 
un  droit  d’usage  de  la  terre  pour  une  longue  durée.  Ceux  qui  sont  les  plus  visés  dans  le  cadre  de  ces 
évolutions  sont  les  non  nationaux.  Pourtant,  la  Côte  d’Ivoire  est  un  pays  qui  recevait  de  nombreux 
migrants  provenant  des  autres  Etats  de  la  sous‐région  du  fait  de  la  souplesse  des  contrôles  à  ses 
frontières.  
 
2.1 Conflits naissant de la pression démographique sur l’usage des espaces
 
Le nord de la Côte d’Ivoire a les mêmes caractéristiques géographiques que le sud du Burkina Faso et du 
Mali. C’est une zone de faible pluviométrie où l’élevage et le coton constituent les principales activités 
agricoles. En saison sèche, les éleveurs des pays sahéliens migrent essentiellement vers le nord ivoirien. 
Cette migration se fait à pied à la recherche de pâturages plus abondants et surtout de points d’eau à 
gros débit, très recherchés par les éleveurs peuls, déjà habitués à abreuver sur les forages dans les zones 
de  Sikasso  au  Mali  et  de  Kampti  au  Burkina  Faso.  Les  troupeaux  d’éleveurs  maliens  de  la  zone  de 
Sikasso, Bougouni et Yanfolila se dirigent vers Tingrela et Niéllé. Le bétail burkinabé va en direction de 
Tougbo  et  Téhini  en  Côte  d’Ivoire  dans  la  zone  du  nord‐est.  Pour  les  éleveurs  peuls  de  ces  zones, 
l’efficacité pastorale repose sur une mobilité constante et saisonnière pour trouver de l’herbe fraîche et 
de l’eau facilement accessible en creusant des puisards peu profonds. Ils ne se soucient pas des cultures 
qui peuvent exister sur leur passage, lors de la transhumance, ce qui est source de conflits importants 

                    Migration en Côte d’Ivoire : document thématique 2009                  15 

 
entre  agriculteurs  généralement  sénoufo  et  éleveurs  peuls.  Les  animaux  provoquent  des  dégâts  qu’il 
faut  rembourser.  Si  les  dégâts  sont  trop  importants,  les  éleveurs  peuvent  y  laisser  plusieurs  bœufs  et 
rentrer  chez  eux.  Il  est  également  important  de  révéler  que  la  transhumance  est  soumise,  le  plus 
souvent,  aux  aléas  de  la  stabilité  de  la  région.  De  nombreuses  attaques  se  produisent  aux  points  de 
passage  des  troupeaux,  notamment  à  Tingréla  et  à  Tougbo.  Aux  principales  entrées  des  animaux  en 
territoire  ivoirien,  des  attaques  sont  pratiquées  par  des  voleurs  de  bétail,  pendant  lesquelles  des 
hommes  trouvent  la  mort.  Nos  analyses  élargies  à  l’ensemble  du  territoire  national  montrent  une 
multiplication des conflits liés à l’usage de l’espace en rapport avec les migrations. 
 
En  plus  de  la  transhumance  dans  le  nord,  des  conflits  liés  à  la  pêche  concernent  les  régions  du  Bas 
Sassandra,  de  la  Marahoué  et  du  Sud  Comoé.  Quant  aux  conflits  fonciers,  ils  concernent  les  régions 
forestières du pays et quelques zones de savanes favorables à l’exploitation agricole, comme les régions 
du  Fromager,  des  Montagnes,  du  Moyen  Cavally,  des  Savanes  et  du  Sud  Bandama.  Certaines  régions, 
comme les régions des Lacs, des Lagunes, de la vallée du Bandama (carte 4), sont touchées à la fois par 
les conflits sur l’immobilier et sur la pêche. 
 
Carte 4 : Régions ivoiriennes de tension pour l’usage de l’espace 

                    Migration en Côte d’Ivoire : document thématique 2009                  16 

 
Les  conflits  qui  naissent  entre  migrants  et  autochtones  pour  la  question  halieutique  opposent  les 
pêcheurs  maliens  (Bozo)  et  les  autochtones  Baoulé  dans  le  centre  de  la  Côte  d’Ivoire.  Ils  surviennent 
pour le contrôle de la pêche sur les eaux du lac Kossou. En effet, compte tenu de la rareté de l’emploi 
dans les villes et de la déscolarisation massive des jeunes, due en partie à la paupérisation des masses 
paysannes du centre ivoirien, les jeunes pour la plupart sont retournés à la terre. La pratique de la pêche 
qui  était  dévolue  aux  immigrés  maliens  car  considérée  comme  secteur  non  porteur,  a  été  l’un  des 
secteurs d’activité vers lequel ils se sont tournés. Ainsi, les pêcheurs Bozo se sont vus considérés comme 
des  occupants  et  des  non  ayants  droits.  Ce  sentiment  s’est  aggravé  avec  l’avènement  du  concept 
d’ivoirité,  semblant  favoriser,  à  l’origine, une  culture  ivoirienne.  Les  hommes  politiques  de  tous bords 
ont  ainsi  utilisé  cet  argument  à  des  fins  électoralistes.  La  question  foncière  trouve  en  partie  son 
explication  dans  ce  qui  précède.  Mais  cette  question  frappe  les  régions  du  pays  où  la  loi  coutumière 
pouvant baliser ou réglementer le mode d’acquisition des terres est jugée trop légère, occasionnant la 
surexploitation et la disparition progressive des terres arables et des forêts. Les régions forestières sont 
les plus concernées par ce type de conflit car elles offrent plus de potentialités et de facilités en matière 
d’acquisition  des  terres.  Le  tableau  ci‐après  nous  donne  une  idée  de  la  répartition  des  populations 
étrangères par régions en Côte d’Ivoire. 
 
Tableau 1 : Part de la population étrangère dans chaque région administrative de Côte d’Ivoire 
 
Population  Population  % de la population 
Régions  étrangère  totale  étrangère 
Lagunes  1 108 958  3 733 413  29,7 
Haut‐Sassandra  373 222  1 071  977  34,8 
Savanes  113 777  929673  12,5 
Vallée du Bandama  149 994  1 080 509  13,9 
Moyen Comoé  171 251  394 764  43,4 
Montagnes  828 442  108 068  11,5 
Lacs  72 489  476 235  15,2 
Zanzan  75 829  701 005  0,8 
Bas Sassandra  596 844  1 395 251  42,8 
Denguélé  13 817  222 446  6,2 
N'zi Comoé  97 823  633 927  15,4 
Marahoué  124 021  554 807  22,4 
Sud Comoé  206 805  459 487  45 
Worodougou  63 828  517 714  12,3 
Sud Bandama  248 257  682 021  36,4 
Agneby  128 176  525 211  24,4 
Fromager  160 707  542 992  29,6 
Moyen Cavally  183 181  508 733  36 
Total  4 000 047  15 366 672  26 
      Source : Recensement Général de la Population et de l’Habitat (RGPH), 1998 
 
Au  regard  de  ce  tableau,  nous  constatons  que  les  régions  forestières  et  celles  où  il  existe  de  grandes 
agglomérations urbaines sont les plus peuplées d’immigrés. Tel est le cas du Sud Comoé (45 %), Moyen 
Comoé (43 %) et Bas Sassandra  (43 %). A ce dernier recensement de  la population en 1998, il ressort 
que les régions prospères détiennent le plus fort taux d’étrangers. Aujourd’hui ces régions tournées vers 
l’économie de plantation sont ébranlées par la crise agricole et la pauvreté s’y est accentuée même si 

                    Migration en Côte d’Ivoire : document thématique 2009                  17 

 
elle  est  en  deçà  de  la  moyenne  nationale  (48,9  %).  Le  taux  de  pauvreté  par  région  est  ainsi 
respectivement de 63,2 % pour l’Ouest, 62,9 % pour le Centre‐Ouest, 57,9 % pour le Nord‐Ouest et 57 % 
pour le Centre‐Nord. En 2008, huit pôles de développement sur dix ont un taux supérieur à 50 % contre 
quatre en 2002. 
 
En  outre,  la  pauvreté  est  plus  accentuée  en  milieu  rural  qu’en  milieu  urbain.  Le  taux  de  pauvreté  est 
passé de 49 % en 2002 à 62,4 5 % en 2008 en milieu rural contre 24, 5 % et 29,4 % sur la même période 
en milieu urbain. Comme au niveau national, la pauvreté s’est fortement accrue au niveau des pôles de 
développement et diffère d’un pôle à un autre.  
 
Ce phénomène de migration puise sa source dans la colonisation. Commencée avec la mise en valeur du 
territoire de la colonie de Côte d’Ivoire, cette migration a revêtu plusieurs formes : elle a débuté par un 
recrutement  forcé,  pour  déboucher  sur  une  initiative  personnelle  en  passant  par  le  recrutement 
volontaire.  Les  migrations  ont  survécu  au  temps  grâce  à  la  politique  volontariste  des  autorités 
ivoiriennes après  l’indépendance de  faire de l’agriculture  le pilier du développement économique. Les 
migrations ont connu plusieurs directions : dirigés vers les grands chantiers au début de la colonisation, 
les flux migratoires se sont ensuite orientés vers l’est (région moyen et sud Comoé) et le centre‐est du 
pays  (N’Zi  Comoé)  à  l’époque,  pour  la  culture  du  café  et  du  cacao.  Depuis  l’épuisement  du  massif 
forestier et l’appauvrissement des sols de cette région, les migrants ont ouvert le front ouest par étape : 
d’abord le centre‐ouest (Fromager, Marahoué, Haut Sassandra) entre 1950 et 196 ensuite le sud‐ouest 
(Bas Sassandra) entre 1970 et 1980 enfin l’ouest (Montagnes, Moyen Cavally) à partir de 1980. Tout cela 
a participé à la recomposition des espaces régionaux ainsi que de l’espace national dans son ensemble. 
Depuis, de nombreuses mesures ont été prises pour freiner les flux migratoires en direction de la Côte 
d’Ivoire. 

2.2 Fonctionnalisation des frontières comme obstacles à la circulation des


migrants

La  question  des  migrations  en  direction  de  la  Côte  d’Ivoire  est  devenue  un  enjeu  important  dans  ce 
pays.  Des  initiatives  très  souvent  controversées  ont  été  prises  pour  le  contrôle  de  l’immigration  aux 
frontières  ivoiriennes.  Ces  initiatives  font  souvent  ombrages  à  celles  prises  par  la  Communauté 
Economique  des  Etats  de  l’Afrique  de  l’Ouest  (CEDEAO),  organisation  sous‐régionale  dont  la  Côte 
d’Ivoire  est  membre.  Ces  initiatives  sous‐régionales  renvoient  à la  lutte  contre  l’accroissement  des 
entraves  à  la  circulation  des  migrants  lors  de  leurs  déplacements,  lors  du  passage  des  frontières.  Les 
entraves  renvoient  à  la  multiplication  des  barrages  routiers,  des  contrôles  d’identité  tout  azimut  aux 
différents  passages  frontaliers,  routiers  et  même  au  sein  des  villes  d’accueil.  Cela  est  contraire  au 
Protocole de la CEDEAO du 29 mai 1979 sur la libre circulation des personnes, le droit de résidence et 
d’établissement. On note aussi l’instauration de la carte de séjour pour les étrangers malgré le nombre 
d’années  de  résidence  en  Côte  d’Ivoire.  En  application  au  décret  n°90‐443  du  29  mai  1990  portant 
application  de  la  loi  n°90‐437  du  29  mai  1990  relative  à  l’entrée  et  au  séjour  des  étrangers  en  Côte 
d’Ivoire.  Tout  ceci  couronné  par  un  ressentiment  à  l’égard  de  l’étranger  à  cause  de  la  récession 
économique qui prévaut en Côte d’Ivoire. Cette dernière situation est favorisée par la baisse du pouvoir 
d’achat des fonctionnaires, des forces de l’ordre et de la crise agricole en milieu rural ont provoqué un 
accroissement de pratiques de corruption et de racket, qui existaient déjà, et dont les immigrants sont 
souvent  victimes.  Pour  certains  partis  politiques,  l’immigration  est  un  sujet  important  du  débat 
électoral, car c’est un facteur de risque pour la stabilité et la  sécurité de la société. C’est ainsi que la 
question  de  l’ivoirité  s’est  développée  dans  les  esprits  de  la  population  pour  faire  ombrage  et 
stigmatiser l’étranger.  

                    Migration en Côte d’Ivoire : document thématique 2009                  18 

 
Des difficultés d’application persistent dans la mise en place progressive du régime de la libre circulation 
des personnes et des biens en Afrique de l’Ouest et entravent l’effectivité de circulation des personnes, 
principe clé de l’intégration régionale visée par la CEDEAO. C’est le cas de l’augmentation des contrôles 
aux  postes  frontières.  On  trouve  que  les  différentes  langues  officielles  utilisées  gênent  la  fluidité  des 
passages aux différents postes frontières. C’est une situation qui favorise les tracas administratifs et le 
risque d’exhortions à l’endroit de voyageurs ayant souvent une piètre connaissance de leurs droits en 
tant que citoyens communautaires.  
 
On  note  l’augmentation  du  nombre  de  retours  forcés de  la  Côte  d’Ivoire  depuis  1999.  Ainsi,  600  000 
Burkinabé dont 360 000 ont été rapatriés depuis 2002, principalement depuis la région du sud‐ouest. Un 
certain nombre de migrants contraints de revenir dans l’urgence dans leur pays d’origine et sans y avoir 
d’attache  se  retrouvent  dans  des  situations  qui  s’apparentent  à  celles  des  réfugiés.  Les  migrants 
contraints au retour sont confrontés à des problèmes d’intégration dans des milieux d’origine qu’ils ne 
connaissent pas. Cette politique de fonctionnalisation et de rigidité des frontières n’a pas pour autant 
freiné les migrations en direction de la Côte d’Ivoire.  

                    Migration en Côte d’Ivoire : document thématique 2009                  19 

 
Partie III Propositions de stratégies pour le contrôle
des frontières face aux flux migratoires
En  vue  de  se  doter  d’une  meilleure  politique  de  contrôle  des  frontières  pour  réguler  les  flux 
migratoires, les aspects suivants doivent être pris en considération. 

3.1 Améliorer la surveillance des frontières

La gestion des frontières combine des mesures et des mécanismes de contrôle qui, au delà des actions 
dans  les  postes  frontières,  zones  ou  espaces  aménagés  de  contrôle,  mobilisent  des  acteurs  de  la 
sécurité, de la défense et éventuellement des affaires étrangères des Etats en relation. A cet effet nous 
proposons d'instaurer un système d'enregistrement depuis les pays de départ prenant aussi en compte 
les dates auxquelles les ressortissants de pays tiers admis pour un séjour de courte durée (jusqu'à trois 
mois)  entrent  sur  le  territoire  ivoirien.  C’est  un  travail  qui  doit  être  fait  entre  le  pays  de  départ  et  le 
pays de réception. C’est dans ce cadre que des accords bilatéraux de coopération avec les principaux 
pays  d’origine  pour  maîtriser  les  flux  sont  nécessaires.  Ces  accords  peuvent  en  outre  régler  les 
opportunités de travail et les conditions d’accueil des ressortissants des pays signataires. La migration 
en direction de la Côte d’Ivoire étant le fait principalement des pays de la sous‐région ouest africaine, le 
développement d’une approche globale, cohérente et coordonnée de la gestion des mouvements dans 
cet espace en accord avec les engagements communautaires au niveau de la CEDEAO et de l’UEMOA 
est nécessaire.  

Une  autre  approche  est  possible,  celle  des  migrations  sans  frontières  autrement  dit  de  la  libre 
circulation  des  personnes.  En  effet,  dans  une  économie  de  plus  en  plus  mondialisée  où  les  échanges 
internationaux de biens et services sont en hausse continue, il devient de plus en plus paradoxal de ne 
pas « libérer » la circulation des individus. Il faut alors améliorer le contrôle aux frontières en assurant 
un espace de protection pour les migrants. Elaborer des stratégies d’informations  afin de décourager 
les  mouvements  irréguliers  et  de  combattre  la  xénophobie.  Il  faut  souligner  que  des  politiques 
migratoires restrictives sèment le doute sur la légitimité de la présence des migrants, qu’ils soient en 
situation régulière ou non, nourrissant indirectement leur rejet et durcissant les clivages internes aux 
sociétés d’accueil. 

La formation du personnel ayant en charge les migrations aux frontières sur le droit des migrants est 
primordiale  tout  comme  l’amélioration  de  leurs  conditions  salariales  qui  puisse  les  mettre  à  l’abri  de 
tout besoin et de la corruption. Le migrant serait donc fiché à son arrivée à la frontière où un document 
lui  serait  remis  pour  donner  des  informations  le  concernant.  Sur  ce  document  il  pourrait  y  être 
mentionné  la  date  d’entrée  dans  le  pays,  le  lieu  de  résidence  dans  le  pays  d’accueil  et  la  durée 
envisagée  du  séjour.  Ceci  permettrait  d’avoir  une  base  de  données  centralisée  collectant  toutes  les 
informations  accumulées  sur  les  migrants  dans  les  différents  points  de  passages  frontaliers.  Ainsi,  s’il 
est  constaté  que  le  migrant  a  dépassé  la  durée  de  séjour  autorisée,  des  signalements  seraient 
directement  transmis  aux  autorités  compétentes,  tant  au  moment  du  dépassement  qu’à  celui  où  la 
personne quitte le pays. 

Les populations transfrontalières doivent être sensibilisées à la question des migrations. Il s’agit de leur 
montrer que même si les langues qu’elles parlent débordent des frontières de la Côte d’Ivoire, il existe 
avec l’établissement des frontières des Etats distincts avec des lois et règlements propres. 

                    Migration en Côte d’Ivoire : document thématique 2009                  20 

 
3.2 Développer l'action de l’Office National de l’Identification (ONI)

Opérationnel depuis 15 janvier 2001, l’ONI mène des opérations de réorganisation de l’état civil, de la 
politique  de  l’immigration  et  l’émigration.  Il  devrait  être  associé  également  dans  la  délivrance  des 
passeports et visas en mettant à la disposition des structures actuelles en charges de la question des 
fichiers fiables. Mais jusqu’aujourd’hui, les actions de cette structure restent très sommaires. Pour ce 
faire, il serait nécessaire de renforcer les capacités institutionnelles de l’ONI en matière des migrations 
et  démultiplier  les  services  de  cette  structure  aux  différentes  frontières.  Elle  pourrait  appuyer  les 
actions de la police des frontières qui doit garder un rôle très important aux frontières. Pour ce faire la 
mise à disposition d’équipement de pointe à ces structures serait nécessaire.  

Il  serait  pertinent  de  décentraliser  progressivement  l’ONI  dans  les  villes  et  hameaux  du  pays  pour 
collecter les informations nécessaires pour l’élaboration d’une base de données fiables nationale sur la 
question des migrations.  Ceci pourrait permettre  de  développer une  vraie  politique  d’immigration  en 
Côte d’Ivoire. Il  serait aussi important de mettre en  place  un réseau ouest africain de  surveillance de 
frontières  qui  fonctionne  sur  la  base  d’une  coopération  entre  les  pays  membres  (Côte  d’Ivoire,  Mali, 
Burkina Faso, Ghana, Liberia, Guinée) et les pays voisins. Pour l’avenir, nous proposons de développer 
les opérations conjointes entre États membres de la CEDEAO, y compris les patrouilles frontalières. 

3.3 Développer des actions communes ouest africaines de surveillance des


frontières

Les migrations intra‐régionales sont très importantes (environ 7,5 millions de migrants ouest africains 
en Afrique de l’Ouest). En Côte d’Ivoire cette proportion est de 3,9 millions soit 26 % de la population 
totale.  Cette tradition de mobilité répond à des raisons liées à l’histoire, à la sociologie, à la géographie, 
à la culture et la recherche d’opportunités économiques. Les espaces d’émigration et d’immigration se 
soudent dans un système relativement complexe. Ils portent sur des pays de niveau économique et de 
potentialités  géographiques  différents.  C’est  le  cas  entre  pays  côtiers  et  pays  soudano‐sahéliens.  Au 
sein de ces deux espaces, il existe des intérêts et des besoins propres à chaque pays, ou groupe de pays, 
ceci  en  fonction  de  leur  position  géographique,  des  liens  historiques  entre  acteurs  du  système 
migratoire,  des  enjeux  politiques,  économiques  et  sociaux  liés  aux  problèmes  migratoires  et  à  leur 
traitement.  Dans  ce  contexte,  il  est  souhaitable  de  développer  des  actions  communes  prenant  en 
compte les intérêts et les besoins des uns et des autres. Au lieu de conduire des politiques solitaires en 
matière  d’immigration  (comme  c’est  le  cas  de  la  Côte  d’Ivoire),  des  actions  concertées  qui  tiennent 
compte des possibilités d’accueil du pays de réception avec les pays d’émission. C’est une situation qui 
peut  freiner  la  migration  des  enfants  pour  leur  vulnérabilité  et  des  grands  criminels  pour  le  danger 
qu’ils représentent. Pour ce faire, la Commission de la CEDEAO pourrait fournir un cadre de discussion 
commun  de  coopération  et  de  communication  régulière  entre  les  autorités  des  États  membres  par 
l’extension  et  l'interconnexion  des  mécanismes  de  surveillance  nationaux.  Une  aide  supplémentaire 
pourrait  être  demandée  à  des  organisations  internationales  déjà  outillées  en  la  matière.  Il  s’agit  par 
exemple  de  l’Union  européenne  dans  le  cadre  du  financement  d’un  programme  de  recherche  qui 
permettrait  de  perfectionner  techniquement  les  outils  de  surveillance  et  les  capteurs  (satellites).  Au 
niveau  de  la  CEDEAO,  il  est  nécessaire  que  les  Etats  membres  fassent  preuve  d’une  réelle  volonté 
politique afin d’accentuer le dialogue et la coopération régionale. 

                    Migration en Côte d’Ivoire : document thématique 2009                  21 

 
Conclusion
Les frontières sont les cicatrices de l’histoire. Elles sont présentées comme barrière, lieu où se termine 
un territoire  connu  et maitrisé,  lieu  de  passage vers  un monde  mal  connu  et incertain,  mais  toujours 
lieu  de  brusque  passage  à  un  monde  sensiblement  différent.  Elles  jouent  un  rôle  important  pour  les 
Etats  et  les  populations.  En  ce  qui  concerne  l’Afrique  de  l’Ouest  et  précisément  le  cas  ivoirien,  ces 
frontières ont été instaurées à la faveur de la colonisation et démultipliées lors de la décolonisation en 
prenant  appui  sur  des  identités  remarquables  (hydrographie,  crête  de  montagnes).  Ces  espaces  de 
contacts et de différenciation ont eu pour effet de diviser des ensembles socioculturels qui présentaient 
une  certaine  homogénéité.  L’instauration  de  ces  frontières  a  créé  de  fortes  inégalités  entre  les 
ressources  matérielles  et  humaines  de  certains  territoires.  Des  disparités  ont  été  un  facteur 
déterminant  de  la  mobilité  internationale.  Les  frontières  ont  donc  eu  une  faible  prégnance  sur  cette 
mobilité  en  tant  que  filtre,  barrière.  La  circulation  des  migrants  vers  les  pays  en  expansion  dotés  de 
ressources  s’est  réalisée  sans  difficultés  aux  frontières.  C’est  dans  ce  cadre  que  la  migration  a  été 
organisée sollicitée par certains Etats comme la Côte d’Ivoire pour la mise en valeur de ses ressources. 
Ainsi  l’installation  des  migrants  a  été  encouragée,  notamment  sur  les  fronts  pionniers  agricoles. 
L’apport du savoir‐faire, de la force de travail des migrants était également recherché en ville où ils ont 
été relégués le plus souvent vers des emplois peu valorisés et faiblement rémunérés. 

Mais les crises à répétions et le contexte d’affirmation des identités ont favorisé les stigmatisations de 
l’étranger.  Ce  processus  s’est accru  car pour de  nombreux Ivoiriens,  les  migrants  sont  perçus  comme 
des  concurrents  pour  l’obtention  d’emplois  en  ville  ainsi  que  pour  l’accès  à  la  terre.  C’est  dans  ce 
contexte  que  de  nombreux  conflits  ont  été  enregistrés  sur  l’ensemble  du  territoire  national.  Pour 
juguler ces différents problèmes, la fonctionnalisation des frontières a été l’une des mesures prises par 
les autorités pour freiner les flux migratoires de façon solitaire. Pourtant la question des migrations en 
direction de la Côte doit être traitée de façon globale et sous‐régionale, à travers la CEDEAO. 

Même  si  le  contexte  actuel  répressif  et  sécuritaire  semble  peu  propice  à  l’ouverture  des  frontières 
entre  la  Côte  d’Ivoire  et  ses  voisins,  c’est  peut‐être  dans  ces  périodes  troublées  que  des  nouvelles 
manières de penser peuvent émerger. Les frontières ont toujours joué et continuent de jouer un rôle 
symbolique  important  dans  les  fondements  de  l’identité  collective  et  de  l’autorité  nationale  et  il  est 
utile de projeter une lumière critique sur des postulats rarement remis en question.  

Beaucoup  demeureront  convaincus  que  la  libre  circulation  est  vouée  à  rester  une  utopie.  Mais  c’est 
oublier que les utopies d’aujourd’hui sont peut‐être les réalités de demain. Après tout, qui aurait pensé, 
il y a encore deux décennies, que circuler entre pays européens deviendrait aussi facile ? 

                    Migration en Côte d’Ivoire : document thématique 2009                  22 

 
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Cette publication a été co-financée
par l’Union européenne

Migration en Côte d’Ivoire :


Document thématique 2009
Les frontières en Côte d’Ivoire : historique,
défis et stratégie pour une meilleure
régulation des flux migratoires

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