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L’OIM croit fermement que les migrations organisées, s’effectuant dans des
conditions décentes, profitent à la fois aux migrants et à la société tout entière. En
tant qu’organisme intergouvernemental, l’OIM collabore avec ses partenaires au
sein de la communauté internationale afin de résoudre les problèmes pratiques de
la migration, de mieux faire comprendre les questions de migration, d’encourager
le développement économique et social grâce à la migration, et de promouvoir le
respect effectif de la dignité humaine et le bien-être des migrants.
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Tous droits réservés. Aucun élément du présent ouvrage ne peut être reproduit,
archivé ou transmis par quelque moyen que ce soit – électronique, mécanique,
photocopie, enregistrement ou autres – sans l’autorisation écrite et préalable de
l’éditeur.
75_09
Préparé par
Dabié Désiré Axel Nassa
Avant‐propos
Grâce au soutien financier de l’Union européenne, l’Office fédéral des migrations suisse (ODM) et la
Coopération belge au développement, l’OIM met en œuvre le projet « Migration en Afrique de l’Ouest
et centrale : profils nationaux pour le développement de politiques stratégiques » dans plusieurs pays
d’Afrique de l’Ouest et centrale (Côte d’Ivoire, Ghana, Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria, République
démocratique du Congo et Sénégal), afin de promouvoir une approche politique de la migration
cohérente et dynamique, en appui à la planification des politiques stratégiques au niveau national et
régional.
Les profils migratoires nationaux sont un résultat fondamental de cette recherche et de ce projet de
renforcement des capacités. Ils constitueront un outil politique utile pour suivre les tendances
migratoires et identifier les domaines nécessitant des développements politiques subséquents. Mais, en
étant principalement un outil de suivi, les profils nationaux fournissent des lignes directrices limitées au
type de politiques pouvant être développées dans un domaine particulier (i.e. méthodologies et
approches politiques).
La série de documents thématiques traite cet aspect particulier en aidant les responsables politiques et
les praticiens à définir les priorités d’action et les options politiques dans les domaines particulièrement
pertinents dans le contexte politique national. Sous la direction et avec l’appui des groupes de travail
techniques nationaux et interministériels (GTTN) ainsi que des sous‐groupes de travail thématiques,
établis dans chaque pays cible au cours du projet, trois documents thématiques ont été rédigés par des
experts locaux pour chacun des pays concernés. Le but de ces documents est d’accroître les capacités de
développement de politiques, par l’identification des bonnes pratiques et en évaluant les perspectives
de développement politiques sur des éléments présentant un intérêt particulier pour le gouvernement.
Abye Makonnen Frank Laczko
Représentant régional Chef de la division recherche et publications
Mission à fonctions régionales Siège de l’OIM
Dakar, Sénégal Genève, Suisse
Migration en Côte d’Ivoire : document thématique 2009 2
Table des matières
Introduction 4
Partie I. Réalités des frontières ivoiriennes face à la question des flux migratoires 5
1.1 Histoire du tracé de la frontière ivoiro‐ghanéenne 7
1.2 Les fondements de la mise en place de frontière ivoiro‐burkinabé 8
1.3 Etablissement des frontières ivoiro‐malienne et ivoiro‐guinéenne 9
1.4 Caractéristiques de ces frontières mises en place 10
1.5 Disparité des ressources et expansion des migrations internationales 12
1.6 La faible prégnance des frontières en tant qu’obstacles à la migration 12
Partie II Crises des années 1980 à 2002 et l’accroissement des obstacles à la migration 14
2.1 Conflits naissant de la pression démographique sur l’usage des espaces 15
2.2 Fonctionnalisation des frontières comme obstacles à la circulation des migrants 18
Partie III Propositions de stratégies pour le contrôle des frontières face aux flux migratoires 20
3.1 Améliorer la surveillance des frontières 20
3.2 Développer l'action de l’Office National de l’Identification (ONI) 21
3.3 Développer des actions communes ouest africaines de surveillance des frontières 21
Conclusion 22
Bibliographie 23
Migration en Côte d’Ivoire : document thématique 2009 3
Introduction
Les frontières, cicatrices de l’histoire, sont des plans de séparation/contact ou mieux de différenciation
des rapports de contigüité avec des systèmes politiques, qui ne sont pas forcément de même nature.
Elles sont représentées comme barrière, lieu où se termine un territoire connu et maitrisé, lieu de
passage vers un monde mal connu et incertain, mais toujours lieu de brusque passage à un monde
sensiblement différent. Au sens juridique du terme, les frontières sont les limites des territoires des
Etats. Elles prennent appui sur une construction juridique volontariste, qui traduit un instantané des
relations comme des positions relatives dans l’espace des deux pays concernés par le tracé. Elles sont
aussi le contenant spatial, la peau pour l’individu, des éléments physiques ou symboliques pour les
sociétés. Les frontières ont longtemps été floues car non matérialisées. Ce n’est qu’avec l’apparition
des Etats modernes qu’elles ont été fixées de manière précise et qu’elles ont été définies grâce à une
cartographie rigoureuse. C’est ainsi qu’elles ont été perçues comme le marquage extrême du territoire,
puisqu’elles en symbolisent en théorie les limites. Les frontières ont alors acquis un caractère intangible
et sacré : elles sont devenues des barrières, des filtres.
Ces lignes de séparation mais aussi d’union que sont les frontières jouent des rôles importants pour les
Etats et les populations. Elles sont des instruments géographiques et politiques à la disposition de l’Etat.
Ce dernier peut faire varier le nombre de points de passages aménagés, la nature et l’application au gré
de la politique qu’il entend suivre. Ainsi, elle devient un moyen de politique générale utilisé dans des
domaines très diversifiés, pour inciter, stimuler ou interdire l’accès à son territoire. Contrôler, surveiller,
restreindre, interdire ou exclure purement et simplement les uns des autres, tels sont les attributs des
frontières. Comment se présente le cas de la Côte d’Ivoire face à la question des mobilités aux
différentes frontières qu’elle partage avec cinq pays d’Afrique de l’Ouest et le reste du monde par
l’entremise de son principal aéroport (Abidjan) et de sa façade maritime à travers ses deux ports
(Abidjan et San‐Pedro) ?
Pays d’immigration depuis l’époque coloniale, la Côte d’Ivoire continue d’être le principal bassin de
réception des migrants en raison de son dynamisme économique dans le contexte ouest africain. Ainsi,
comptait‐elle déjà dès 1950 5 % de sa population d’origine étrangère. En 1958 cette population
d’origine étrangère représentait près du quart de la population totale du pays et 17 % en 1965. Cette
part est passée à 22 % en 1975, à 28 % en 1988 et à 26 % en 1998. Cette forte présence étrangère et
une croissance démographique des plus fortes (3,8 %) réduisent les possibilités d’avoir un emploi,
d’acquérir des terres cultivables et exercent des pressions considérables sur les principaux secteurs
d’activité sur l’ensemble du territoire. Les crises successives qu’a traversées la Côte d’Ivoire et qu’elle
continue de traverser peuvent être imputables à la mévente des produits d’exportation et une mauvaise
redistribution des deniers publics mais aussi à la non maîtrise des politiques migratoires. C’est un volet
du développement qui n’est pas pris en compte par les décideurs dans le guide du développement et de
la planification stratégique du pays. Cette situation offre un cadre intéressant d’analyse à l’heure où la
question de la migration hante les opinions face aux crises successives que connait le pays dans les
domaines économique, social et politico‐militaire depuis 1980 et surtout pour faire face aux défis du
développement.
Cette étude montre les réalités des frontières ivoiriennes en mettant en avant les particularités qui sont
les leurs mais aussi les caractéristiques qu’elles peuvent avoir face à la question des migrations. Il s’agit
aussi d’appréhender, de développer des stratégies et de faire des propositions nouvelles pour leur
contrôle et surtout pour leur maîtrise.
Migration en Côte d’Ivoire : document thématique 2009 4
Partie I. Réalités des frontières ivoiriennes face à la
question des flux migratoires
Le continent africain était pour les Européens une immense terre inconnue au début du 19ème siècle, un
continent « vierge ». Les explorateurs qui ont sillonné l’Afrique entreprirent à partir de repérages
approximatifs de mettre le continent en carte. La soif de découvrir entretenait une émulation. La
découverte d’un lieu ouvrait la voie à une appropriation territoriale. Les explorateurs exportèrent les
rivalités nationales de l’Europe en Afrique (Pourtier, 1996). Cette situation a pour corollaire la
convocation au congrès de Berlin en novembre 1884 des représentants des quinze puissances
européennes présentes en Afrique, pour régler la liberté du commerce dans le bassin du Congo et du
Niger, ainsi que les problèmes relatifs aux occupations nouvelles de territoires sur la côte occidentale.
C’est ainsi que plusieurs centaines de traités, signés entre la clôture de la conférence et la Première
Guerre mondiale, ont délimité les zones d’appropriation de chaque puissance avant toute occupation
effective. Ces opérations de découpage se sont opérées le plus souvent dans le secret des chancelleries
en se servant des méridiens et des parallèles dans les zones désertiques, des cours d’eau, de
l’orographie dans les zones de forêts. Ils se sont servis également de documents incertains portant sur
des espaces à peine reconnus ou décrits par les premiers explorateurs. Ces documents ont parfois été
pris et modifiés au gré de leurs convenances (Cabot, 1986). Ainsi, la nature par ses lignes et ses points
singuliers, servit de supports au découpage territorial. Le tracé des frontières s’est fait avec un assez
grand soin là où s’affrontaient les puissances européennes rivales. Par contre à l’intérieur des
fédérations comme l’Afrique Occidentale Française (AOF) et l’Afrique Equatoriale Française (AEF), les
frontières internes entre colonies relevant de la même autorité coloniale furent définies avec moins
d’attention et varièrent à l’occasion de transfert de territoires d’une colonie à l’autre. Décrets et arrêtés
manquaient parfois de cohérence et pouvaient ainsi être en contradiction les uns des autres. C’était à
l’intérieur de ce vaste territoire inconnu que les acteurs économiques et sociaux, qu’ils soient individuels
ou collectifs, se mouvaient en fonction des contraintes, des conflits et des opportunités que leur offrait
leur environnement géographique. A l’aube du 20ème siècle, l’Afrique occidentale se trouve fractionné
en entités discordantes, entités qui vont constituer les bases durables de différenciation politiques et
économiques des nouveaux territoires. A la faveur de la colonisation et de la décolonisation, on assiste à
une démultiplication des frontières avec la naissance des Etats. C’est cette situation qui permit assez
tardivement de constituer le territoire de la Côte d’Ivoire (voir carte 1).
Migration en Côte d’Ivoire : document thématique 2009 5
Migration en Côte d’Ivoire : document thématique 2009 6
I.1 Histoire du tracé de la frontière ivoiro-ghanéenne
Si l’on considère que les frontières en Afrique ont été imposées, certaines d’entre elles se sont
construites avec bien des difficultés. Tel est le cas de la frontière ivoiro‐ghanéenne. La frontière Ghana‐
Côte d’Ivoire longue de 670 kilomètres (km) est le résultat des traités passés par les rois de Bondoukou
au nord et le roi de Krinjabo au sud, avec l’officier français Treich Lapleine entre 1887 et 1889. La Côte
d’Ivoire devient colonie française en 1893 sans que les frontières de ce territoire avec le Ghana soient
clairement définies. Ce n’est qu’après la signature du traité par le roi de Bondoukou avec le capitaine
Lonsdale de Grande Bretagne en juin 1887 et en novembre 1888 avec Treich‐Lapleine de France, que la
frontière va se mettre progressivement en place. Ainsi le 25 juin 1891, la France passe un arrangement
avec le Royaume‐Uni sur la délimitation de leur territoire au nord et à l’est de la Sierra Leone et de la
Côte de l’Or (Gold Coast). Concernant la Côte d’Ivoire, la frontière se trouvait alors délimitée jusqu’à la
Volta noire, au 9ème degré de latitude Nord. La limite laissait les royaumes Sanwi et l’Indenié à la France
et ceux de Broussa, de l’Aowin et du Sahué au Royaume‐Uni. Après cet accord survenu dans les
chancelleries, le moment était venu de procéder au tracé de la frontière sur le terrain et sur les choses
ne furent pas aussi aisées entre les deux puissances. La commission britannique de délimitation des
frontières revendiqua la possession d’une partie du Sanwi, la totalité de l’Indénié et une partie de la
province Abron. Ils avançaient comme argument que ces royaumes étaient sous l’influence du royaume
Ashanti et donc sous influence anglaise. Cette commission s’est alors séparée sans passer à la
délimitation de la frontière en 1892. Un troisième arrangement survient en 1893 précisant les
arrangements de 1889 et de 1891, permettant de délimiter la frontière de la mer jusqu’au 9ème degré de
latitude Nord. De février à mai 1896 s’est tenue la réunion de la Commission mixte pour délimiter les
territoires français et britanniques au nord du 9ème degré de latitude Nord. La France contesta les
accords signés par George Fergusson (un métis travaillant au Service civil du Gold Coast) pour le compte
du Royaume‐Uni avec les royaumes de Mampoursi, de Liaba et de Wa. La Commission se sépara en mai
1896 sans être parvenue à délimiter leurs territoires respectifs. Le 14 juin 1898, une convention
délimitant les territoires français et britanniques dans la boucle du Niger a été signée à Paris.
Concernant les territoires de la Gold Coast, la frontière partirait du point délimité lors de l’arrangement
de 1893 et suivrait le thalweg de la Volta noire jusqu’au 11ème degré de latitude Nord, avant de bifurquer
vers l’est sur cette même latitude.
En 1901, une commission mixte (Delafosse pour la France et Watherson pour la Grande‐Bretagne) a été
mise en place, chargée de délimiter précisément et d’aborner la frontière des territoires de la Côte
d’Ivoire et de la Gold Coast. Ce n’est qu’en février et avril 1903 que l’abornement de la frontière par
pose de 78 bornes a été effectué. C’est définitivement en 1905, que se fixe la frontière ivoiro‐
ghanéenne qui divise désormais des ethnies. C’est le cas des peuples au sud, en région lagunaire les
Nzima et en région forestière les Agni. Tous ces peuples sont issus du groupe Akan et proviennent de
l’actuel Ghana. Dans la savane, cette frontière sépare les Lobi et Koulango issus des groupes ethniques
qui viennent de la Volta. Ce sont ces différents groupes que nous retrouvons de part et d’autre de la
frontière ivoiro‐ghanéenne et ivoiro‐burkinabé, qui vont continuer d’entretenir différents rapports, tant
familiaux que commerciaux.
Migration en Côte d’Ivoire : document thématique 2009 7
1.2 Les fondements de la mise en place de frontière ivoiro-burkinabé
Le tracé de la frontière ivoiro‐burkinabé, autrefois (Haute‐Volta) a connu plusieurs phases. Les pays
appelés Haute‐Volta et Côte d’Ivoire étaient à l’intérieur d’une vaste fédération dénommée Afrique
Occidentale Française (A.O.F.). En 1893, après que la colonie de la Côte d’Ivoire fut proclamée et que les
frontières avec les Etats voisins anglophones (Ghana 1905, Libéria 1907) furent institutionnalisées, celles
d’avec les autres Etats sous domination française connaissent des fortunes diverses. Ainsi, en 1932, la
carte administrative de la Côte d’Ivoire fut fortement modifiée par un décret datant du 5 septembre qui
supprimait la colonie de la Haute‐Volta, démembrait son territoire et le répartit entre les trois colonies
voisines que sont le Soudan (actuel Mali), le Niger et la Côte d’Ivoire. Cette mesure annule la création
tardive de la Haute‐Volta en 1919 (décret du 1er mars) à partir de territoires prélevés à l’ancienne
colonie du Haut Sénégal et Niger. Les motifs de cette décision paraissent d’ordre économique. En effet,
en 1936, après une réorganisation de la carte administrative de la Haute‐Volta, le gouverneur découvre
la grande misère des chefs de l’ex Haute‐Volta. Depuis dix ans, le montant de leur solde à la
participation de la construction de la colonie n’a pas varié : 233 400 francs contre 616 680 francs aux
chefs du centre et du sud de la côte d’Ivoire, pourtant moins nombreux. Cette prise de conscience est
largement tributaire de la pression des milieux d’affaires en Côte d’Ivoire, soucieux d’obtenir le concours
des chefs traditionnels pour l’accès à la main d’œuvre des cercles densément peuplés du nord.
Ainsi, tout se passe à partir de 1933 comme si la force de travail était devenue le produit d’exportation
prioritaire de l’ex Haute‐Volta. L’administration redouble d’efforts pour détourner de la Gold Coast
(actuel Ghana) les migrations de travail en direction du centre et du sud de la Côte d’Ivoire ou au
Soudan, vers le delta intérieur du Niger. En Côte d’Ivoire, la création de villages de colonisation voltaïque
s’inscrit dans le plan du détournement de la main d’œuvre de Gold Coast. Il s’agit de petit Ouaga et
Koudougou en plein centre de la Côte d’Ivoire. Ces noyaux de peuplement permanent ont pour objectif
d’attirer des migrants saisonniers. La Côte d’Ivoire est ainsi agrandie de la partie la plus importante de la
colonie supprimée qui regroupe la majorité de la population, l’essentiel des ressources et représente
approximativement les deux tiers de sa propre superficie. Sur le plan administratif, les territoires
rattachés constituent huit cercles (Batié, Gaoua, Bobodioulasso, Dedougou, Koudougou, Ouagadougou,
Kaya, Tarkodogo) et comptent deux communes mixtes (Ouagadougou et Bobo Dioulasso). Mais la loi du
4 septembre 1947 rétablit la colonie de Haute‐Volta ; la région de Haute Côte d’Ivoire disparaît et la
Côte d’Ivoire retrouve au nord‐est ses frontières de 1932 (voir carte 2).
Migration en Côte d’Ivoire : document thématique 2009 8
1.3 Etablissement des frontières ivoiro-malienne et ivoiro-guinéenne
Le territoire dénommé Soudan a connu une incessante manipulation de ses frontières. Mais ici nous
nous intéressons à la frontière sud avec la Côte d’Ivoire. La colonie du Soudan était créée et intégrée en
juin 1895, à la fédération « aoéfienne ». Cependant son identité administrative restait floue. Le décret
du 17 octobre 1899 partageait le Soudan entre le Sénégal, la Guinée, la Côte d’Ivoire et le Dahomey.
Une série de décrets, pris entre 1911 et 1919 devaient retoucher l’esquisse. L’on a détaché du territoire
du Soudan le cercle de Gao, puis ceux de Tombouctou et de Zinder que l’on a associé à un nouvel
ensemble : le territoire militaire du Niger. C’est finalement après 1944 que le territoire du Soudan
(actuel Mali) prit forme dans sa configuration actuelle. S’agissant de la frontière ivoiro‐malienne (ou
Migration en Côte d’Ivoire : document thématique 2009 9
ivoiro‐soudanaise), elle est le résultat d’une intense et incessante manipulation en passant d’une limite
administrative à une frontière internationale. En effet les deux Etats faisaient partie d’un même
ensemble politique colonial (AOF). Les limites entre les espaces n’étaient qu’administratives. C’est à
partir de 1945 que la délimitation linéaire entre la Côte d’Ivoire et le Soudan a été définitive.
Quant à la frontière ivoiro‐guinéenne, elle est la résultante de la défaite du royaume Samory Touré face
aux français. Ce royaume s’étendait du Soudan à la Guinée en passant par le nord de la Côte d’Ivoire.
Jusqu’en 1892, l’essentiel du territoire forestier de Guinée dépendait du Liberia. Cependant, la valeur
économique reconnue de cette zone (huile de palme, riz, noix de cola, caoutchouc) et la poursuite de
Samory incitèrent les français à y étendre leur contrôle. La résistance de Samory Touré face à
l’occupation coloniale française était très vive et dura jusqu’en 1911.
La domination précaire de la zone après la débâcle lente et progressive de l’armée de Samory justifia le
maintien de l’administration militaire ou même son rétablissement en 1911 à Beyla. Poste militaire au
départ, Beyla situé en Guinée allait devenir la marque de l’établissement de la frontière ivoiro‐
guinéenne sous administration civile depuis 1906.
En définitive la naissance de la frontière ivoiro‐guinéenne est la résultante de la défaite de Samory
Touré et d’un tracé approximatif matérialisé par la nature (orographie et hydrographie). Ainsi, le
territoire de la Guinée se trouve séparé de celui de la Côte d’Ivoire par le mont Nimba (1752 mètres) et
un cours d’eau, le Gbanhala qui divise un même sous‐groupe ethnique et culturel, celui des Malinké
entre les trois pays que sont la Côte d’Ivoire, la Guinée et le Mali que les sociologues et linguistes
rattachent à l’aire culturelle mandingue. Les frontières ainsi mises en place dans l’espace créent des
territoires nouveaux. Les populations ne sont pas restées inactives dans ces territoires. Elles ont
continué à entretenir des relations familiales et commerciales en se basant sur leurs liens socioculturels.
Les frontières présentées précédemment ont été imposées par le colonisateur sans tenir compte des
particularités socioculturelles et des disparités de ressources entre les territoires. La première
observation qui vient à l’esprit, mais qui n’est pas forcément la plus importante, c’est qu’elles ont eu
pour effet de diviser des ensembles socioculturels (ou groupes ethniques) qui présentaient une certaine
homogénéité. Concernant le cas ivoirien, ces frontières divisent le groupe voltaïque qui occupe presque
tout le Burkina Faso, le nord du Ghana, du Togo, ainsi que le vaste territoire du Mali. Ses principales
branches en Côte d’Ivoire sont les Sénoufo et les Lobi, que l’on retrouve en grand nombre au Mali et au
Burkina Faso, ainsi que les Koulango dont certains vivent au Ghana. La Côte d’Ivoire possède le coin sud‐
ouest du vaste domaine occupé par les langues voltaïques. Un autre groupe non moins important
demeure aussi, les mandé nord. La principale ethnie, les Malinké sont aussi présents au sud du Mali, au
nord de la Guinée et au nord‐ouest de la Côte d’Ivoire (Carte 3).
Migration en Côte d’Ivoire : document thématique 2009 10
Carte 3 : Aires d’occupation des groupes culturels débordant des frontières ivoiriennes
La seconde observation, qui n’est sans doute pas la plus évidente, mais qui a probablement plus
d’importance, c’est qu’elles ont eu pour effet de regrouper dans un même espace des populations, des
ethnies qui avaient de fortes différences entre elles au niveau de leurs modes d’organisation, de leurs
croyances et de leurs langues.
Ces divisions ont causé moins de problèmes, parce que les frontières qui séparent les groupes ethniques
n’ont pas beaucoup de sens pour eux et que les membres de ces groupes ont fait souvent preuve d’une
grande capacité pour les transgresser. Tel est le cas de déphasage avec les espaces d’échanges anciens
structurés autour de réseaux marchands (Dioula et Akan respectivement au nord et l’est de la Côte
d’Ivoire). Dans leur fonctionnement, la notion de contrôle des hommes qui appartiennent au réseau, à
partir du respect de règles partagées, est plus déterminante que celles liées au contrôle de l’espace. Ces
réseaux, qui existent depuis l’époque précoloniale, sont parvenus à adapter leurs trajectoires à
l’évolution sur une échelle transnationale des flux de marchandises.
L’instauration de frontières a créé de fortes inégalités entre les ressources matérielles et humaines de
certains territoires. Il y a de grandes disparités dans l’espace ouest africain entre les Etats sur le plan des
écosystèmes, des potentialités agricoles, des richesses minières et de la répartition de la population. Ces
inégalités sont flagrantes en Afrique de l’Ouest entre les Etats sahéliens enclavés avec des écosystèmes
fragiles et des Etats côtiers ouverts sur l’extérieur et qui disposent d’importantes potentialités sur le
plan agricole et énergétique. Les politiques menées depuis l’époque coloniale ont souvent aggravé ces
disparités. Ces disparités ont d’ailleurs été un facteur déterminant des migrations internationales.
Migration en Côte d’Ivoire : document thématique 2009 11
1.5 Disparité des ressources et expansion des migrations internationales
Les migrations ont été des réponses à l’inégalité des ressources entre les Etats et les régions sahéliennes
et côtiers, particulièrement dans le champ de notre étude entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire. Cette
situation a contribué à modifier la répartition de la population. C’est le cas de la Côte d’Ivoire où les
migrations ont modifié le peuplement pour asseoir une population cosmopolite au profit de ce pays.
L’ensemble de la zone ouest africaine se repartie en quatre zones écologiques aux potentialités
contrastées, qui restent déterminantes dans le désir de migrer. Il s’agit des zones sahariennes peu
peuplée, sahéliennes et des savanes soudanaises qui subissent une émigration nette. A ces zones
d’émigration très peu peuplées s’oppose une zone forestière qui rassemble les principaux pôles de
croissances urbaines et connaissant une forte croissance démographique et économique du fait des flux
migratoires en provenance des autres zones. C’est un espace qui matérialise le symbole du
développement extraverti. Avec plus de 80 % du PIB régional, les pays côtiers que sont la Côte d'Ivoire,
le Ghana, le Togo et le Bénin polarisent une part importante du marché régional et c'est là que se trouve
le plus grand potentiel d'échanges régional. La Côte d’Ivoire seule représente 40 % du PIB régional
(espace de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine, UEMOA). C’est le véritable cœur de
l'économie de l’espace UEMOA. Ce sous espace polarisé par les économies de la Côte d'Ivoire et du
Ghana comprend dans sa périphérie le Burkina Faso, et l’est du Mali. Il est au centre de la migration des
populations. C’est jusqu’à ce jour la zone de prospérité de l’Afrique de l’Ouest (en dehors du Nigeria) en
raison de ses ressources agricoles et minières ; elle est au centre de l’insertion de la région dans la
mondialisation de par ses activités commerciales et les flux financiers qui en résultent. A ces atouts
économiques de la zone forestière, s’oppose des pays enclavés (Mali, Burkina Faso, Niger) confrontés à
de nombreuses contraintes liées à l’enclavement, l’immensité de leurs territoires corrélée à une faible
densité de peuplement et aux fortes contraintes écologiques qui leur donne l’image de « pays de la
famine » laissée par les douloureuses sécheresses des années 1970 et 1980.
Les facteurs exposés plus haut apportent des éléments d’explication de la mobilité des populations en
direction de la Côte d’Ivoire.
Longtemps, la circulation des migrants vers les pays en expansion dotés de ressources importantes s’est
réalisée sans difficultés aux frontières. La migration a été organisée, sollicitée par certains Etats comme
la Côte d’Ivoire. L’installation des migrants a été encouragée, notamment sur les fronts pionniers
agricoles, par des normes flexibles facilitant l’accès à la terre. Cela a été le cas des régions du sud‐ouest
et du sud ivoiriens pour le développement de l’agro‐industrie et de l’économie de plantations. Le
développement de ces espaces requérait une main d’œuvre importante dans le contexte d’une
agriculture faiblement mécanisée. Un des moyens utilisés pour sécuriser l’installation de cette main
d’œuvre de migrants peu payés est de lui concéder un droit d’usage sur des lopins de terre pour qu’elle
puisse faire des cultures vivrières. L’apport du savoir‐faire et de la force de travail des migrants était
également recherché en ville où ils étaient relégués le plus souvent vers des emplois peu valorisés et
faiblement rémunérés. Sans qualification, les migrants jouent un rôle très actif dans la multiplication des
métiers de la rue, aux abords des marchés et des concessions :
- Petite restauration : vente de boissons glacées, thé, de produits maraîchers de contre‐saison et
de canne à sucre, d’attiéké au thon fris (garba)1 ;
1
Terme ivoirien pour différencier la semoule de manioc de qualité dérisoire vendue par les migrants
nigériens de celle vendue par les femmes ivoiriennes jugée de bonne qualité.
Migration en Côte d’Ivoire : document thématique 2009 12
- Commerce ambulant de friperie, de pacotilles, de cassettes audio ou vidéo, d’igname ;
- Porteurs de bagages près des marchés et gares routières, tireurs de pousse‐pousse, vendeurs
d’eau potable ;
- Vente de paille, de bois de chauffe, de charbon de bois, de bois de construction, blanchisseurs,
cireurs, cordonniers. Ils sont aussi utilisés comme domestique.
Ils constituent aussi une main d’œuvre temporaire dans le bâtiment et dans le secteur artisanal. De
nombreux mineurs partent également en exode avec l’aide d’un parent. Les femmes ou les jeunes filles
qui migrent sont souvent des « bonnes »2, vendeuses ambulantes dans les gares routières ou sur les
barrages routiers aux entrées et sorties des villes. Mais dans bien des contextes surtout ruraux où les
communications avec l’extérieur étaient peu développées, on accueillait facilement l’étranger, parce
que cela faisait partie des traditions locales d’hospitalité et aussi parce qu’on pouvait du fait de la
mobilité se retrouver à son tour en position d’étranger ailleurs. Dans beaucoup d’espaces, la
différenciation ethnique avait plus d’importance que la différenciation nationale, l’étranger était celui
qui n’avait pas les mêmes coutumes. Dans ce contexte favorable, les migrations saisonnières et
pluriannuelles se sont fréquemment transformées en migrations de longue durée, voire définitives.
2
Terme utilisé pour désigner les filles de maisons.
Migration en Côte d’Ivoire : document thématique 2009 13
Partie II Crises des années 1980 à 2002 et
l’accroissement des obstacles à la migration
Dans un contexte de crise économique et sociale et d’affirmation des identités, les représentations de
l’étranger se sont dégradées. La crise d’un modèle de développement fondé sur l’expansion des cultures
de rente et des produits miniers (baisse du prix des produits exportés et endettement des Etats,
instauration de plans d’ajustements structurels aux conséquences négatives sur l’emploi et le pouvoir
d’achat est facteur aggravant de la répulsion à l’égard du migrant). Dans ce contexte, « l’étranger », « le
migrant » ont été perçus de plus en plus comme des concurrents pour l’obtention d’emplois en ville,
ainsi que pour l’accès à la terre. Les processus de stigmatisation des étrangers se sont accrus. Aux dires
des Ivoiriens dans les villes, les migrants exercent beaucoup de petits métiers mais réinvestissent très
peu en Côte d’Ivoire. Ils transfèrent leurs ressources dans leurs pays d’origine. Ils vivent dans des
habitats précaires inachevés, entassés dans les quartiers insalubres sans eau courante, ni canalisation où
les branchements des fils électriques s’entrecroisent. En quelque sorte, les migrants dans leur grande
majorité vivent dans la précarité la plus totale pour pouvoir rapatrier leurs ressources. Tout cela a créé
une frontière de méfiance et de tension sociale entre les populations ivoiriennes et étrangères.
Les conséquences de cette situation se retrouvent dans la perturbation des rapports entre Ivoiriens et
étrangers, l’accroissement des tracasseries policières à l’égard du migrant, le ralentissement du
commerce intérieur et sous‐régional avec les pays limitrophes et la détérioration de l’image de la Côte
d’Ivoire.
La crise renforce aussi l’identité nationale souvent sur une base restrictive. En Côte d’Ivoire, la notion
d’ivoirité fondée sur la valorisation de l’autochtonie est devenue populaire dans un contexte de baisse
généralisée du niveau de vie de la population. Il y a eu aussi affirmation des identités territoriales et
locales. Mais les figures de l’étranger varient selon les contextes et les espaces. Un pays comme la Côte
d’Ivoire illustre parfaitement bien la situation de nombreux pays africains qui tentent de constituer une
identité nationale à partir d’un ensemble hétérogène de peuples. Ce pays, à l’instar de la plupart des
pays africains, résulte presque exclusivement de la volonté de l’autorité coloniale qui a mis en carte des
limites linéaires en donnant naissance à un Etat. Pays multilingue par excellence, elle compte à peu près
une soixantaine de langues réparties en quatre groupes de langues : le mandé, le gur, le kru et le kwa ou
Akan. Il est à noter que chacun de ces groupes linguistiques déborde largement des frontières de l’Etat
issues de la volonté coloniale. Les centres de diffusion des langues considérées se trouvent souvent hors
du territoire de cet Etat. Les langues mandé sont parlées, outre en Côte d’Ivoire, en Guinée, au Sénégal,
en Mauritanie, au Burkina Faso, en Gambie, mais aussi et surtout au Mali qui en est le centre de
rayonnement historique. Les langues gur sont également en usage dans ce dernier pays et au nord du
Ghana, du Togo et du Bénin, et surtout au Burkina Faso qui est l’espace origine de la plus importante
d’entre elles, le mooré. Outre la Côte d’Ivoire, les langues kru sont aussi pratiquées au Liberia. Enfin,
l’aire linguistique kwa connaît son extrémité ouest en Côte d’Ivoire et s’étend jusqu’au Nigeria,
englobant le Bénin, le Togo, mais surtout le Ghana qui en est le centre de diffusion.
La Côte d’Ivoire est donc au carrefour d’influences venues du nord (populations Mandé et de souche
voltaïque), de l’ouest (populations Kru et assimilés), et de l’est (populations Akan et lagunaires,
principalement Baoulé et Agni). Dans une telle configuration, il est évident que les frontières étatiques
sont à considérer comme des lignes critiques de démarcation chargées tout à la fois de définir l’Etat.
Migration en Côte d’Ivoire : document thématique 2009 14
Il paraît tout aussi évident que les identités d’origine (identités linguistiques et ethniques) transcendent
les tracés et se prolongent à l’extérieur des Etats. Dans le même temps à l’intérieur, elles rentrent en
compétition ou en conflit les unes avec les autres. Les frontières actuelles de la Côte d’Ivoire ne
respectent le territoire traditionnel d’aucune des grandes entités humaines qui peuplent le pays. Sur le
plan linguistique, il ressort que les Kru de Côte d’Ivoire se sentent plus proches de ceux des langues Kru
du Liberia que de ceux des langues Mandé ou Kwa de Côte d’Ivoire, les Mandé sont aussi conscients de
ce qui les rapproche de ceux du Mali ou de la Guinée. Il en est de même des Kwa qui connaissent le
rapport qu’ils entretiennent avec ceux des mêmes langues du Ghana. Les relations sont intenses entres
Mandé du nord‐ouest de la Côte d’Ivoire (région d’Odienné) et ceux de l’est de la Guinée ou du sud du
Mali. Il en est de même entre les Sénoufo de la Côte d’Ivoire et ceux du Mali, entre les Abron de Côte
d’Ivoire et ceux du Ghana. Les identités linguistiques et les communautés linguistiques coïncidentes
(Kouadio, 2004). Il s’agit là d’une caractéristique fondamentale des populations ivoiriennes. C’est sur la
base de cette appartenance à une même communauté linguistique que se greffent les mouvements des
personnes entre les territoires des Etats. Ce phénomène peut se traduire par « je pars où j’ai un frère,
une connaissance qui peux m’aider à m’insérer dans le pays d’accueil dans un premier temps », et cela
renvoie à une forme de réseau trans‐ethnique et transnational auquel l’on s’attache et qui modèle les
territoires en tentant de favoriser un processus de déconstruction des frontières héritées de la
colonisation. Tels est le cas des voltaïques dont la migration en direction de la Côte d’Ivoire a été le fait
d’un noyau de peuplement en plein du pays sur lequel se sont greffées les autres migrations qui ont
suivi comme relaté plus haut.
Cette situation pose le réel problème de la question des identités. La question de la consolidation d’une
identité nationale avec la création d’une citoyenneté aux populations clairement identifiées et celle
d’une identité créée par les groupes linguistiques débordant les frontières des nouveaux Etats est un
problème qui s’est aggravé en Côte d’Ivoire avec la prise d’un certain nombre de mesures par les
autorités, notamment avec la mise en place d’une politique nationale de migration et d’identification.
Ainsi comment pouvons‐nous faire la différence entre un Koné malinké de Côte d’Ivoire et un Koné
malinké de la Guinée ou du Mali ?
En rapport avec cette politique, des dérives sont constatées. Ainsi assistons‐nous à la multiplication des
mesures et des pratiques qui limitent l’emploi des étrangers bien qu’elles soient non officielles. C’est le
cas dans des contextes fonciers tendus : il est devenu de plus en plus difficile pour les migrants d’avoir
un droit d’usage de la terre pour une longue durée. Ceux qui sont les plus visés dans le cadre de ces
évolutions sont les non nationaux. Pourtant, la Côte d’Ivoire est un pays qui recevait de nombreux
migrants provenant des autres Etats de la sous‐région du fait de la souplesse des contrôles à ses
frontières.
2.1 Conflits naissant de la pression démographique sur l’usage des espaces
Le nord de la Côte d’Ivoire a les mêmes caractéristiques géographiques que le sud du Burkina Faso et du
Mali. C’est une zone de faible pluviométrie où l’élevage et le coton constituent les principales activités
agricoles. En saison sèche, les éleveurs des pays sahéliens migrent essentiellement vers le nord ivoirien.
Cette migration se fait à pied à la recherche de pâturages plus abondants et surtout de points d’eau à
gros débit, très recherchés par les éleveurs peuls, déjà habitués à abreuver sur les forages dans les zones
de Sikasso au Mali et de Kampti au Burkina Faso. Les troupeaux d’éleveurs maliens de la zone de
Sikasso, Bougouni et Yanfolila se dirigent vers Tingrela et Niéllé. Le bétail burkinabé va en direction de
Tougbo et Téhini en Côte d’Ivoire dans la zone du nord‐est. Pour les éleveurs peuls de ces zones,
l’efficacité pastorale repose sur une mobilité constante et saisonnière pour trouver de l’herbe fraîche et
de l’eau facilement accessible en creusant des puisards peu profonds. Ils ne se soucient pas des cultures
qui peuvent exister sur leur passage, lors de la transhumance, ce qui est source de conflits importants
Migration en Côte d’Ivoire : document thématique 2009 15
entre agriculteurs généralement sénoufo et éleveurs peuls. Les animaux provoquent des dégâts qu’il
faut rembourser. Si les dégâts sont trop importants, les éleveurs peuvent y laisser plusieurs bœufs et
rentrer chez eux. Il est également important de révéler que la transhumance est soumise, le plus
souvent, aux aléas de la stabilité de la région. De nombreuses attaques se produisent aux points de
passage des troupeaux, notamment à Tingréla et à Tougbo. Aux principales entrées des animaux en
territoire ivoirien, des attaques sont pratiquées par des voleurs de bétail, pendant lesquelles des
hommes trouvent la mort. Nos analyses élargies à l’ensemble du territoire national montrent une
multiplication des conflits liés à l’usage de l’espace en rapport avec les migrations.
En plus de la transhumance dans le nord, des conflits liés à la pêche concernent les régions du Bas
Sassandra, de la Marahoué et du Sud Comoé. Quant aux conflits fonciers, ils concernent les régions
forestières du pays et quelques zones de savanes favorables à l’exploitation agricole, comme les régions
du Fromager, des Montagnes, du Moyen Cavally, des Savanes et du Sud Bandama. Certaines régions,
comme les régions des Lacs, des Lagunes, de la vallée du Bandama (carte 4), sont touchées à la fois par
les conflits sur l’immobilier et sur la pêche.
Carte 4 : Régions ivoiriennes de tension pour l’usage de l’espace
Migration en Côte d’Ivoire : document thématique 2009 16
Les conflits qui naissent entre migrants et autochtones pour la question halieutique opposent les
pêcheurs maliens (Bozo) et les autochtones Baoulé dans le centre de la Côte d’Ivoire. Ils surviennent
pour le contrôle de la pêche sur les eaux du lac Kossou. En effet, compte tenu de la rareté de l’emploi
dans les villes et de la déscolarisation massive des jeunes, due en partie à la paupérisation des masses
paysannes du centre ivoirien, les jeunes pour la plupart sont retournés à la terre. La pratique de la pêche
qui était dévolue aux immigrés maliens car considérée comme secteur non porteur, a été l’un des
secteurs d’activité vers lequel ils se sont tournés. Ainsi, les pêcheurs Bozo se sont vus considérés comme
des occupants et des non ayants droits. Ce sentiment s’est aggravé avec l’avènement du concept
d’ivoirité, semblant favoriser, à l’origine, une culture ivoirienne. Les hommes politiques de tous bords
ont ainsi utilisé cet argument à des fins électoralistes. La question foncière trouve en partie son
explication dans ce qui précède. Mais cette question frappe les régions du pays où la loi coutumière
pouvant baliser ou réglementer le mode d’acquisition des terres est jugée trop légère, occasionnant la
surexploitation et la disparition progressive des terres arables et des forêts. Les régions forestières sont
les plus concernées par ce type de conflit car elles offrent plus de potentialités et de facilités en matière
d’acquisition des terres. Le tableau ci‐après nous donne une idée de la répartition des populations
étrangères par régions en Côte d’Ivoire.
Tableau 1 : Part de la population étrangère dans chaque région administrative de Côte d’Ivoire
Population Population % de la population
Régions étrangère totale étrangère
Lagunes 1 108 958 3 733 413 29,7
Haut‐Sassandra 373 222 1 071 977 34,8
Savanes 113 777 929673 12,5
Vallée du Bandama 149 994 1 080 509 13,9
Moyen Comoé 171 251 394 764 43,4
Montagnes 828 442 108 068 11,5
Lacs 72 489 476 235 15,2
Zanzan 75 829 701 005 0,8
Bas Sassandra 596 844 1 395 251 42,8
Denguélé 13 817 222 446 6,2
N'zi Comoé 97 823 633 927 15,4
Marahoué 124 021 554 807 22,4
Sud Comoé 206 805 459 487 45
Worodougou 63 828 517 714 12,3
Sud Bandama 248 257 682 021 36,4
Agneby 128 176 525 211 24,4
Fromager 160 707 542 992 29,6
Moyen Cavally 183 181 508 733 36
Total 4 000 047 15 366 672 26
Source : Recensement Général de la Population et de l’Habitat (RGPH), 1998
Au regard de ce tableau, nous constatons que les régions forestières et celles où il existe de grandes
agglomérations urbaines sont les plus peuplées d’immigrés. Tel est le cas du Sud Comoé (45 %), Moyen
Comoé (43 %) et Bas Sassandra (43 %). A ce dernier recensement de la population en 1998, il ressort
que les régions prospères détiennent le plus fort taux d’étrangers. Aujourd’hui ces régions tournées vers
l’économie de plantation sont ébranlées par la crise agricole et la pauvreté s’y est accentuée même si
Migration en Côte d’Ivoire : document thématique 2009 17
elle est en deçà de la moyenne nationale (48,9 %). Le taux de pauvreté par région est ainsi
respectivement de 63,2 % pour l’Ouest, 62,9 % pour le Centre‐Ouest, 57,9 % pour le Nord‐Ouest et 57 %
pour le Centre‐Nord. En 2008, huit pôles de développement sur dix ont un taux supérieur à 50 % contre
quatre en 2002.
En outre, la pauvreté est plus accentuée en milieu rural qu’en milieu urbain. Le taux de pauvreté est
passé de 49 % en 2002 à 62,4 5 % en 2008 en milieu rural contre 24, 5 % et 29,4 % sur la même période
en milieu urbain. Comme au niveau national, la pauvreté s’est fortement accrue au niveau des pôles de
développement et diffère d’un pôle à un autre.
Ce phénomène de migration puise sa source dans la colonisation. Commencée avec la mise en valeur du
territoire de la colonie de Côte d’Ivoire, cette migration a revêtu plusieurs formes : elle a débuté par un
recrutement forcé, pour déboucher sur une initiative personnelle en passant par le recrutement
volontaire. Les migrations ont survécu au temps grâce à la politique volontariste des autorités
ivoiriennes après l’indépendance de faire de l’agriculture le pilier du développement économique. Les
migrations ont connu plusieurs directions : dirigés vers les grands chantiers au début de la colonisation,
les flux migratoires se sont ensuite orientés vers l’est (région moyen et sud Comoé) et le centre‐est du
pays (N’Zi Comoé) à l’époque, pour la culture du café et du cacao. Depuis l’épuisement du massif
forestier et l’appauvrissement des sols de cette région, les migrants ont ouvert le front ouest par étape :
d’abord le centre‐ouest (Fromager, Marahoué, Haut Sassandra) entre 1950 et 196 ensuite le sud‐ouest
(Bas Sassandra) entre 1970 et 1980 enfin l’ouest (Montagnes, Moyen Cavally) à partir de 1980. Tout cela
a participé à la recomposition des espaces régionaux ainsi que de l’espace national dans son ensemble.
Depuis, de nombreuses mesures ont été prises pour freiner les flux migratoires en direction de la Côte
d’Ivoire.
La question des migrations en direction de la Côte d’Ivoire est devenue un enjeu important dans ce
pays. Des initiatives très souvent controversées ont été prises pour le contrôle de l’immigration aux
frontières ivoiriennes. Ces initiatives font souvent ombrages à celles prises par la Communauté
Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), organisation sous‐régionale dont la Côte
d’Ivoire est membre. Ces initiatives sous‐régionales renvoient à la lutte contre l’accroissement des
entraves à la circulation des migrants lors de leurs déplacements, lors du passage des frontières. Les
entraves renvoient à la multiplication des barrages routiers, des contrôles d’identité tout azimut aux
différents passages frontaliers, routiers et même au sein des villes d’accueil. Cela est contraire au
Protocole de la CEDEAO du 29 mai 1979 sur la libre circulation des personnes, le droit de résidence et
d’établissement. On note aussi l’instauration de la carte de séjour pour les étrangers malgré le nombre
d’années de résidence en Côte d’Ivoire. En application au décret n°90‐443 du 29 mai 1990 portant
application de la loi n°90‐437 du 29 mai 1990 relative à l’entrée et au séjour des étrangers en Côte
d’Ivoire. Tout ceci couronné par un ressentiment à l’égard de l’étranger à cause de la récession
économique qui prévaut en Côte d’Ivoire. Cette dernière situation est favorisée par la baisse du pouvoir
d’achat des fonctionnaires, des forces de l’ordre et de la crise agricole en milieu rural ont provoqué un
accroissement de pratiques de corruption et de racket, qui existaient déjà, et dont les immigrants sont
souvent victimes. Pour certains partis politiques, l’immigration est un sujet important du débat
électoral, car c’est un facteur de risque pour la stabilité et la sécurité de la société. C’est ainsi que la
question de l’ivoirité s’est développée dans les esprits de la population pour faire ombrage et
stigmatiser l’étranger.
Migration en Côte d’Ivoire : document thématique 2009 18
Des difficultés d’application persistent dans la mise en place progressive du régime de la libre circulation
des personnes et des biens en Afrique de l’Ouest et entravent l’effectivité de circulation des personnes,
principe clé de l’intégration régionale visée par la CEDEAO. C’est le cas de l’augmentation des contrôles
aux postes frontières. On trouve que les différentes langues officielles utilisées gênent la fluidité des
passages aux différents postes frontières. C’est une situation qui favorise les tracas administratifs et le
risque d’exhortions à l’endroit de voyageurs ayant souvent une piètre connaissance de leurs droits en
tant que citoyens communautaires.
On note l’augmentation du nombre de retours forcés de la Côte d’Ivoire depuis 1999. Ainsi, 600 000
Burkinabé dont 360 000 ont été rapatriés depuis 2002, principalement depuis la région du sud‐ouest. Un
certain nombre de migrants contraints de revenir dans l’urgence dans leur pays d’origine et sans y avoir
d’attache se retrouvent dans des situations qui s’apparentent à celles des réfugiés. Les migrants
contraints au retour sont confrontés à des problèmes d’intégration dans des milieux d’origine qu’ils ne
connaissent pas. Cette politique de fonctionnalisation et de rigidité des frontières n’a pas pour autant
freiné les migrations en direction de la Côte d’Ivoire.
Migration en Côte d’Ivoire : document thématique 2009 19
Partie III Propositions de stratégies pour le contrôle
des frontières face aux flux migratoires
En vue de se doter d’une meilleure politique de contrôle des frontières pour réguler les flux
migratoires, les aspects suivants doivent être pris en considération.
La gestion des frontières combine des mesures et des mécanismes de contrôle qui, au delà des actions
dans les postes frontières, zones ou espaces aménagés de contrôle, mobilisent des acteurs de la
sécurité, de la défense et éventuellement des affaires étrangères des Etats en relation. A cet effet nous
proposons d'instaurer un système d'enregistrement depuis les pays de départ prenant aussi en compte
les dates auxquelles les ressortissants de pays tiers admis pour un séjour de courte durée (jusqu'à trois
mois) entrent sur le territoire ivoirien. C’est un travail qui doit être fait entre le pays de départ et le
pays de réception. C’est dans ce cadre que des accords bilatéraux de coopération avec les principaux
pays d’origine pour maîtriser les flux sont nécessaires. Ces accords peuvent en outre régler les
opportunités de travail et les conditions d’accueil des ressortissants des pays signataires. La migration
en direction de la Côte d’Ivoire étant le fait principalement des pays de la sous‐région ouest africaine, le
développement d’une approche globale, cohérente et coordonnée de la gestion des mouvements dans
cet espace en accord avec les engagements communautaires au niveau de la CEDEAO et de l’UEMOA
est nécessaire.
Une autre approche est possible, celle des migrations sans frontières autrement dit de la libre
circulation des personnes. En effet, dans une économie de plus en plus mondialisée où les échanges
internationaux de biens et services sont en hausse continue, il devient de plus en plus paradoxal de ne
pas « libérer » la circulation des individus. Il faut alors améliorer le contrôle aux frontières en assurant
un espace de protection pour les migrants. Elaborer des stratégies d’informations afin de décourager
les mouvements irréguliers et de combattre la xénophobie. Il faut souligner que des politiques
migratoires restrictives sèment le doute sur la légitimité de la présence des migrants, qu’ils soient en
situation régulière ou non, nourrissant indirectement leur rejet et durcissant les clivages internes aux
sociétés d’accueil.
La formation du personnel ayant en charge les migrations aux frontières sur le droit des migrants est
primordiale tout comme l’amélioration de leurs conditions salariales qui puisse les mettre à l’abri de
tout besoin et de la corruption. Le migrant serait donc fiché à son arrivée à la frontière où un document
lui serait remis pour donner des informations le concernant. Sur ce document il pourrait y être
mentionné la date d’entrée dans le pays, le lieu de résidence dans le pays d’accueil et la durée
envisagée du séjour. Ceci permettrait d’avoir une base de données centralisée collectant toutes les
informations accumulées sur les migrants dans les différents points de passages frontaliers. Ainsi, s’il
est constaté que le migrant a dépassé la durée de séjour autorisée, des signalements seraient
directement transmis aux autorités compétentes, tant au moment du dépassement qu’à celui où la
personne quitte le pays.
Les populations transfrontalières doivent être sensibilisées à la question des migrations. Il s’agit de leur
montrer que même si les langues qu’elles parlent débordent des frontières de la Côte d’Ivoire, il existe
avec l’établissement des frontières des Etats distincts avec des lois et règlements propres.
Migration en Côte d’Ivoire : document thématique 2009 20
3.2 Développer l'action de l’Office National de l’Identification (ONI)
Opérationnel depuis 15 janvier 2001, l’ONI mène des opérations de réorganisation de l’état civil, de la
politique de l’immigration et l’émigration. Il devrait être associé également dans la délivrance des
passeports et visas en mettant à la disposition des structures actuelles en charges de la question des
fichiers fiables. Mais jusqu’aujourd’hui, les actions de cette structure restent très sommaires. Pour ce
faire, il serait nécessaire de renforcer les capacités institutionnelles de l’ONI en matière des migrations
et démultiplier les services de cette structure aux différentes frontières. Elle pourrait appuyer les
actions de la police des frontières qui doit garder un rôle très important aux frontières. Pour ce faire la
mise à disposition d’équipement de pointe à ces structures serait nécessaire.
Il serait pertinent de décentraliser progressivement l’ONI dans les villes et hameaux du pays pour
collecter les informations nécessaires pour l’élaboration d’une base de données fiables nationale sur la
question des migrations. Ceci pourrait permettre de développer une vraie politique d’immigration en
Côte d’Ivoire. Il serait aussi important de mettre en place un réseau ouest africain de surveillance de
frontières qui fonctionne sur la base d’une coopération entre les pays membres (Côte d’Ivoire, Mali,
Burkina Faso, Ghana, Liberia, Guinée) et les pays voisins. Pour l’avenir, nous proposons de développer
les opérations conjointes entre États membres de la CEDEAO, y compris les patrouilles frontalières.
Les migrations intra‐régionales sont très importantes (environ 7,5 millions de migrants ouest africains
en Afrique de l’Ouest). En Côte d’Ivoire cette proportion est de 3,9 millions soit 26 % de la population
totale. Cette tradition de mobilité répond à des raisons liées à l’histoire, à la sociologie, à la géographie,
à la culture et la recherche d’opportunités économiques. Les espaces d’émigration et d’immigration se
soudent dans un système relativement complexe. Ils portent sur des pays de niveau économique et de
potentialités géographiques différents. C’est le cas entre pays côtiers et pays soudano‐sahéliens. Au
sein de ces deux espaces, il existe des intérêts et des besoins propres à chaque pays, ou groupe de pays,
ceci en fonction de leur position géographique, des liens historiques entre acteurs du système
migratoire, des enjeux politiques, économiques et sociaux liés aux problèmes migratoires et à leur
traitement. Dans ce contexte, il est souhaitable de développer des actions communes prenant en
compte les intérêts et les besoins des uns et des autres. Au lieu de conduire des politiques solitaires en
matière d’immigration (comme c’est le cas de la Côte d’Ivoire), des actions concertées qui tiennent
compte des possibilités d’accueil du pays de réception avec les pays d’émission. C’est une situation qui
peut freiner la migration des enfants pour leur vulnérabilité et des grands criminels pour le danger
qu’ils représentent. Pour ce faire, la Commission de la CEDEAO pourrait fournir un cadre de discussion
commun de coopération et de communication régulière entre les autorités des États membres par
l’extension et l'interconnexion des mécanismes de surveillance nationaux. Une aide supplémentaire
pourrait être demandée à des organisations internationales déjà outillées en la matière. Il s’agit par
exemple de l’Union européenne dans le cadre du financement d’un programme de recherche qui
permettrait de perfectionner techniquement les outils de surveillance et les capteurs (satellites). Au
niveau de la CEDEAO, il est nécessaire que les Etats membres fassent preuve d’une réelle volonté
politique afin d’accentuer le dialogue et la coopération régionale.
Migration en Côte d’Ivoire : document thématique 2009 21
Conclusion
Les frontières sont les cicatrices de l’histoire. Elles sont présentées comme barrière, lieu où se termine
un territoire connu et maitrisé, lieu de passage vers un monde mal connu et incertain, mais toujours
lieu de brusque passage à un monde sensiblement différent. Elles jouent un rôle important pour les
Etats et les populations. En ce qui concerne l’Afrique de l’Ouest et précisément le cas ivoirien, ces
frontières ont été instaurées à la faveur de la colonisation et démultipliées lors de la décolonisation en
prenant appui sur des identités remarquables (hydrographie, crête de montagnes). Ces espaces de
contacts et de différenciation ont eu pour effet de diviser des ensembles socioculturels qui présentaient
une certaine homogénéité. L’instauration de ces frontières a créé de fortes inégalités entre les
ressources matérielles et humaines de certains territoires. Des disparités ont été un facteur
déterminant de la mobilité internationale. Les frontières ont donc eu une faible prégnance sur cette
mobilité en tant que filtre, barrière. La circulation des migrants vers les pays en expansion dotés de
ressources s’est réalisée sans difficultés aux frontières. C’est dans ce cadre que la migration a été
organisée sollicitée par certains Etats comme la Côte d’Ivoire pour la mise en valeur de ses ressources.
Ainsi l’installation des migrants a été encouragée, notamment sur les fronts pionniers agricoles.
L’apport du savoir‐faire, de la force de travail des migrants était également recherché en ville où ils ont
été relégués le plus souvent vers des emplois peu valorisés et faiblement rémunérés.
Mais les crises à répétions et le contexte d’affirmation des identités ont favorisé les stigmatisations de
l’étranger. Ce processus s’est accru car pour de nombreux Ivoiriens, les migrants sont perçus comme
des concurrents pour l’obtention d’emplois en ville ainsi que pour l’accès à la terre. C’est dans ce
contexte que de nombreux conflits ont été enregistrés sur l’ensemble du territoire national. Pour
juguler ces différents problèmes, la fonctionnalisation des frontières a été l’une des mesures prises par
les autorités pour freiner les flux migratoires de façon solitaire. Pourtant la question des migrations en
direction de la Côte doit être traitée de façon globale et sous‐régionale, à travers la CEDEAO.
Même si le contexte actuel répressif et sécuritaire semble peu propice à l’ouverture des frontières
entre la Côte d’Ivoire et ses voisins, c’est peut‐être dans ces périodes troublées que des nouvelles
manières de penser peuvent émerger. Les frontières ont toujours joué et continuent de jouer un rôle
symbolique important dans les fondements de l’identité collective et de l’autorité nationale et il est
utile de projeter une lumière critique sur des postulats rarement remis en question.
Beaucoup demeureront convaincus que la libre circulation est vouée à rester une utopie. Mais c’est
oublier que les utopies d’aujourd’hui sont peut‐être les réalités de demain. Après tout, qui aurait pensé,
il y a encore deux décennies, que circuler entre pays européens deviendrait aussi facile ?
Migration en Côte d’Ivoire : document thématique 2009 22
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Migration en Côte d’Ivoire : document thématique 2009 24
Cette publication a été co-financée
par l’Union européenne