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CNRS. CENTRE REGIONAL DE PUBLICATIONS DE VALBONNE CENTRE DE RECHERCHES ARCHEOLOGIQUES 06565 VALBONNE CEDEX URA. 29 ECOLE NORMALE SUPERIEURE 45, rue d’'Ulm 75230 PARIS CEDEX 05 couverture; extrait de la sctne des funérailles du Bouddha (pl. XLVI) maquette : P.A.G.E. Marseille CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE CENTRE DE RECHERCHES ARCHEOLOGIQUES PUBLICATIONS DE L'U.R.A. 29 MEMOIRE N° i FRANTZ GRENET LES PRATIQUES FUNERAIRES DANS L’ASIE CENTRALE SEDENTAIRE DE LA CONQUETE GRECQUE A L'ISLAMISATION EDITIONS DU CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE 15 QUAL ANATOLE. FRANCE 75700, PARIS 198 ©Centre National de la Recherche Scientifique, Paris, 1984 ISBN 2-222 - 03061 -7 AVANT-PROPOS L’étude que nous proposons au lecteur a été présentée comme thése de doctorat de 3° cycle 4 l'Université de Paris I Panthéon- Sorbonne en Mai 1981 devant un jury composé de MM. E. Will, prési- dent, J. M. Dentzer, directeur de thése, P. Benard, Ph. Gignoux, G. Lazard. Notre reconnaissance s’adresse d’abord & la mémoire de Jean Deshayes, qui le premier nous avait encouragé a entreprendre cette recherche et avait accepté de la patroiér. Aprés son décés, M. Jean- Marie Dentzer s’est aussit6t offert pour le remplacer, nous donnant ainsi le plaisir de reprendre d’anciennes conversations libanaises. Cette thése a été élaborée a la Délégation Archéologique Franeaise en Afghanistan, en une durée d’un an répartie sur 1979 et 1980. C'est dire qu’elle doit son achévement & l'amical appui des diree- teurs successifs de la D.A.F.A., Paul Bernard et Jean-Claude Gardin, ainsi qu’A nos collaborateurs de Kabul, qui ont bien voulu nous décharger une partie de nos taches administratives & un moment qui n’était pas facile pour la mission. / A MM. Charles-Henri de Fouchécour, Philippe Gignoux, Gilbert Lazard, nous sommes redevable de notre outillage philologique, et A Paul Bernard de nous avoir montré Vexemple d’une saine hypercriti- que dans Vexploitation des documents archéologiques. Cette recherche n’aurait pu étre menée bien sans Taide apportée par de nombreux chercheurs du domaine central-asiatique qui nous ont procuré des ouvrages introuvables en France, des photocopies, voire des informations sur des fouilles non publiées. Nous tenons & mentionner tout particuliérement R. Ghirshman, aujourd’hui disparu, Mme F. Tissot, et en URSS V. Livfic (Léningrad), V. Jagodin, G. Ko8e- Ienko, B. Litvinskij (Moscon), Mme. G. Pugatenkova (Ta’kent), E. Denisov (DuSanbe). Presque tous les dessins d’aprés photographies qui illustrent cet ouvrage sont dus au talent d’Axelle Rougeulle. Jean-Claude Liger » bien voulu se charger de dessiner les cartes I-VI ainsi que la planche XVI. Nous avons tiré parti, en révisant notre travail pour l’édi- tion, de quelques publications venues entre temps notre connaissance, et aussi des remarques qui nous ont été faites a la soutenance par les membres du jury. Nous avons nommément signalé les interventions sur quelques points importants pour lesquels il nous a semblé que la discus- sion restait ouverte. A tous ceux qui ont ainsi aidé a la mise au point de cette recherche vont nos plus sincéres remerciements. TABLE DES MATIERES Avant-propos ... Table des matiéres . Introduction PREMIERE PARTIE : LE CADRE HISTORIQUE ET RELIGIEUX CHAPITRE I : Cadres pour une histoire religieuse de Asie centrale préislamique . CHAPITRE, II : Les prescriptions funéraites des Gcritures zoroastriennes : ..........-+ vee 1) La maniere de disposer du corps. 2) Prescriptions annexes . Notes DEUXIEME PARTIE : INVENTAIRE CRITIQUE DES SITES CHAPITRE Il : Remarques préalables a linventaire 1) Historique des recherches de terrain . 2) Prineipes d’analyse et de présentation CHAPITRE IV : Les sépultures de la période H (chellénistique », fin IV@ s./fin U8 s.av.n.e.) + 1) Chorasmie . 2) Sogdiane 3) Parthyéne-Margiane . 4) Bactriane Notes .. CHAPITRE V : Les séputtures de la période K («kouchano-parthe », fin Ile s.av.n.8./déb. Wie sd.na): ... 1) Chorasmie 2) Sogdiane 3) Parthyéne-Margiane CHAPITRE VI : Les sépultures de la période («kouchano-sasanide », déb. Il2/milieu Ve s.) 1) Chorasmie . 2) Sogdiane . Marches sogdiennes 3) Parthyéne-Margiane . . 4) Bactriane . Notes .... CHAPITRE VII : Les sépultures de la période M (chaut Moyen Age>, milieu Vé/milieu VIII8 sou au-dela) : 1) Chorasmie 2) Sogdiane . Marches sogdiennes . 3) Parthyéne-Margiane . TROISIEME PARTIE : ANALYSES THEMATIQUES DIRECTIONS DE RECHERCHES CHAPITRE. VIII : Les sépultures sans décharnement : lémination ou persistance 1) Lacrémation ... 2) Les eépultures @ corps entiers : le cas partho- margian ;le probléme des sépultures royales 3) Formes de transition entre la sépulture nomade et la sépulture a décharnement 4) La diversité bactrienne . Notes . CHAPITRE IX : Les sépultures 4 décharnement : le traitement du corps ; ses réceptacles successifs'. 1) Le dépot préalable du corps : les katas 2) Le décharnement :les dakhmas . . 3) Le traitement ultérieur des ossements ; leurs réceptacles Notes CHAPITRE X : Les sépultures a décharnement : problémes d’appartenance religieuse 1) Indices de conformité et références explicites au zoroastrisme . 2) Indices de non-conformit. adoration et de lamentation 3) Lattitude des minorités religieuses face Aces pratiques .... Bibliographie : . . Sources (ditions, traductions, recueils) . Bibliographie moderne, 1 : Rapports de fouilles et de prospections . Bibliographic moderne, 2 : Etudes .. Annexe : le contrat funéraire sogdien du Mont Mugh . INTRODUCTION Ce travail voudrait étre une contribution a Veffort, pour- suivi depuis une dizaine d’années par des chercheurs de plusieurs pays, qui vise & élargir Péiude du zoroastriame par la prise en compte croissan- te des realia. A c6té des textes canoniques ou eléricaux, toujours inlassa- blement scrutés mais dont on mesure bien l’étroitesse des milieux qui les ont produits, la recherche veut maintenant dégager l'apport rétrospectif des comportements religieux des zoroastriens d’aujourd’hui, ou pousser Vexégése des vestiges matériels laissés par ceux du passé. Parmi ces der- niers, ce sont pensons-nous les vestiges funcraires qui permettent aceés le plus direct la religion telle que la vivait et la pratiquait ensemble des classes sociales. Mais, pour les rencontrer en masse, il est nécessaire d’effectuer un nouveau retournement, géographique celui-ci et non plus méthodologique ; de quitter des yeux le plateau iranien, od 1a religion de Zoroastre connut sa plus grande fortune politique, produisit 'essen- tiel de ses textes et attira pour cela leffort principal de ses spécialistes ; et de reporter noire attention vers cette Asie centrale oi elle avait pris naissance et of elle continua a vivre de sa vie propre. Pour le type de matériau auquel nous avons choisi de nous intéresser, la documentation actuelle provient presque exclusivement de cette aire qui en Parthyéne, berceau de Pempire arsacide, s’accompagne des premicrs témoignages incontestables que nous ayions du zoroastrisme en Asie centrale : les ostraca de Nisa (ler s.av.n.é.)'sont datés selon le calendrier zoroastrien, révélent une onomastique dont une partie est clairement zoroastrienne. On ne peut cependant parler d’une complete hégémonie de cette religion puisque de nombreux noms attes- tent la popularité d'un dieu Susan totalement inconnu de l’Avesta (8), et que dés le début les Arsacides instituent un culte royal hérité en partie du culte royal hellénistique, en partie sans doute d’anciens usages noma- des, et qui méme s'il se manifeste notamment par des foridations de feux représente un développement hétérogéne dans son essence au zoroastris- me, ainsi que I'a bien montré G. Widengren (9) ; nous verrons plus loin les conséquences qu’on peut tirer de ces faits pour Minterprétation de certaines pratiques funéraires. En Bactriane kouchane, le réle du zoroas- trisme dans cette renaissance est encore moins net.’ Certes, les monnaies montrent le souverain tenant en main le barsom, instrument de la eéré- moni¢ du Yasna, et déposant une offrande sur un pyrée. Mais le calen- drier reste grec ; les divinités des monnaics ne sont pas qu’iraniennes, et ces derniéres sont pour 'essentiel tirées de l'Avesta récent. Ohrmazd n'est que rarement représenté, de méme que les entités propres a la réfor- me de Zoroastre : Sahrévar, sans doute Vahman (MANAOBAGO), peut- étre Ardvahi8t (ASAEIXSO). Ils font bien pale figure dans ce panthéon a c6té des dieux astraux (la paire Mithra-soleil/Mah-une), des divinités de la fécondité : ’Oxus encore, et surtout les déesses Nana et Ardox%o, cette demniére grande favorite de la religion populaire (@ en juger par les statuettes de terre cuite qui figurent son type), toutes deux déja fort éloignées de leurs composantes avestiques dans leur apparence ou leurs fonctions. Tout cela témoigne dune religion oft lenscignement des Gathas n’a que peu de part et, peut-étre, reste limité a des cercles béné- ficiant parmi d’autres de la protection officielle mais étrangers aux cultes réellement pratiqués par la population. De méme, dans le complexe dy- nastique de Surkh-kotal, c’est une position secondaire qu’occupe le tem- ple B, le seul en Bactriane qui a Vheure actuelle puisse avec assurance étre dit un temple du feu, par rapport au temple principal A, lequel peut aussi bien avoir abrité une statue de culte (10). Ce zoroastrisme plus ou moins submergé par des dieux iraniens antérieurs ou postérieurs a ta réforme du prophéte se voit lui-méme concurrencé par des cultes indiens: bouddhisme en Margiane et surtout en Bactriane (11), hindouisme Saivite dans cette derniére (12). Pendant ce temps la religion des pays septen- trionaux de l’Asie centrale, Chorasmie et Sogdiane, est encore pour nous enveloppée de brumes épaisses. L’héritage nomade reste sans doute 1a plus vivace qu’au Sud :|es sources chinoises décrivent ces régions comme une confédération de principautés saces ou Yue+chi, vaguement réunies sous le nom de « K’ang-kiu» (13). Les quelques noms de rois chorasmiens dont nous disposons pour la période antique sont ou neutres du point de wie religieux, ou formés sur des notions religieuses iraniennes - au sens Jarge - mais non nécessairement zoroastriennes (14). Cette pauvreté des termes de référence est d’autant plus fiicheuse que, nous le verrons, la Chorasmic a fourni pour cette époque un matériel funéraire abondant et original. Le sccond quart du Ilé s. marque une rupture dans Vhis- toire politique de Asie centrale : celle-ci se trouve alors unifiée, au moins nominalement, jusqu’a ses extrémes limites par la conquéte sasanide ; et dans cet espace s‘exerce bientot une politique religieuse officielle, celle dont rend compte dans ses inscriptions le grand-mage Kirdir, & savoir imposition d’un zoroastrisme épuré et 1a perséeution des cultes concurrents ou déviants. Son activité, affirme+tl, a atteint PeSéwar (2) (15) et a frappé, entre autres, «les brahmanes et les boud- dhistes (16)» (ce qui vise plus particuliérement la Baetriane), et de maniére générale les cidolitres». Les tentatives faites pour retrouver sur le terrain les traces de cette perséeution n'ont jusqu’a présent guére été convaincantes ; il apparait du moins qu’en Bactriane le grand com- plexe bouddhique de Karattepe prés de Termez a été désaffecté, a une époque sans doute un peu plus tardive (sous Sapir II?) ; un autel du feu y prend la place d'une statue de culte, et des graffitti en bactrien attestent les visites de zoroastriens locaux, dont un mage (MAGO) (17)- En Chorasmie, Pusage du calendrier zoroastrien est assuré a cette époque par les documents de Toprak-kala (maintenant datés de 240-250 env. (18) ). Nous devrons nous-méme étre attentifs a repérer sur les né- cropoles de cette période les indices éventuels d'une adaptation des pra- tiques funéraires, que les sources officielles devraient normalement nous conduire & postuler. La domination sasanide, qui s’était distendue au IVé s., s'effondre dans le courant du siécle suivant et, sauf poussées oceasionnel- les, ne se maintiendra plas qu’en Parthyéne-Margiane ; ailleurs elle laisse derriére elle une constellation de principautés ayant souvent & leur téte des dynasties d'origine nomade, hephtalites ‘ou turques, ces derniéres apparaissant au VIe s. et rattachées par un lien fort lache aux empires successifs qui ont leur centre au Sémiretchié, Dés lors, et surtout pour la période turque, les documents écrits deviennent plus abondants : sources chinoises (rapports d’ambassadeurs, récits de pélerins) ; sources arabo- persanes relatives I"époque de la conquéte ou aux premiers temps de Vislamisation ; sources primaires enfin, découvertes en fouilles. De ce fait nous sommes moins démunis que pour les périodes antérieures pour interpréter les documents archéologiques, eux-mémes plus fournis. Cu- rieusement, ce sont alors les régions septentrionales qui deviennent alors les micux éclairées, tandis que notre savoir reste encore bien lacunaire pour les régions méridionales. Commencons par examiner le cas de ces derniéres. La Par- thyéne-Margiane reste comme nous l’avons dit Favant-poste du domaine sasanide, et ’on peut done supposer que le zoroastrisme réformé y a con- servé une position solide, bien qu’on n’y ait pas encore retrouvé de tem- ple du feu (19)./De toute maniére les cultes étrangers se maintiennent ct prospérent :dés I’époque kouchano-sasanide une monnaie frap- pée a Merv figure le vice-roi en adoration devant Siva, ce qui améne a supposer, méme ici, un rapide abandon de la politique d’intolérance menée par Kirdir (20). Les faits archéologiques confirment ce point de vue : un grand stiipa a été découvert, qui, aprés une période de désertion, avait été reconstruit aux V8-VIé s. ; lui et un autre de la méme période ont fourni des manuscrits bouddhiques (21). A Merv également la com- munauté nestorienne, dont l’évéque est mentionné dés le IVé s., a depuis peu livré des traces tangibles de sa présence, avec une qui vraisemblablement servait & héberger les coreligionnaires de passage (22). Crest, on le sait, l’évéque des chrétiens qui donnera la sépulture & Yazd- gard IIL, le dernier roi sasanide tué & Merv. La situation religieuse en Bactriane, désormais appelée Toxdrestan, est encore trés mal connue surtout en ce qui concerne sa par- tie afghane. Le seul fait clairement établi est l’enracinement du boud- dhisme, lequel, des villes qui Pavaient d’abord accucilli, essaime dans le * monde rural (monastéres d’Advina-tepe, Zang-tepe, Fondukistan) ; les rois tures de Kunduz le favorisent, quand le besoin d’argent ne les pousse pas a piller ses monastares (23). Des cultes locaux, tout ce qu’on connait est un rituel de fécondité que les sources: aussi bien chinoises qu’arabes signalent prés de la rivigre du Vax$ : un étalon divin demeure dans un élang (ou une grotte), engendre une race de chevaux solaires... (24). On en vient a se demander ce qui subsiste encore du zoroastrisme, méme sous la forme pu éthérée qu’on lui connaissait ici a ’époque kouchane (25) ; mais le manichéisme a semble-t'il conquis des positions, au moins dans les classes dirigeantes (26). Notre documentation est beaucoup plus riche pour la Sogdiane et la Chorasmic. Nous devons cette chance en partic a al- Biruni qui, vers l’an mil, a recueilli ce qu'il a pu de leurs religions indi- genes alors en pleine décrépitude (27). Pour la Sogdiane on dispose en outre de sources. primaires nombreuses et varies (on sait que ce pays est le seul d’Asie centrale dont la littérature se soit conservée autrement qu’en bribes) : d'abord les Anciennes Lettres, paquet de correspondance privée retrouvé dans le Turkestan chinois, et qu’on date soit de 196 soit de 313 ; puis, a ’époque de la conquéte arabe (déb. VIMI2 s.), archives royales du Mont Mugh ; textes religieux de Tuen-Huang, enfin, Certes tes premiéres séries. sont des documents de la pratique dont Vobjet direct n’est pas la religion, et la derniére consiste essenticllement en des traduc- tions d’éerits des religions étrangéres (bouddhisme, manichéisme, chris- tianisme), mais il existe dans les deux cas de précieuses exceptions (28), et ces documents quelle qu’en soit lespéce fournissent un vocabulaire, des formules de datation, une onomastique, qui sont autant de matériaux pour Vhistorien des religions : W. B. Henning en a donné une synthase pénétrante (29), qui demande: cependant étre confrontée aux résultats de Varchéologie dont'on connait la richesse pour cette région et cette période. Le premier fait a noter est que le calendrier, pour ce qui concer- ne les noms des mois (seuls attestés dans les Anciennes Lettres), n’a rien de zoroastrien, A une date inconnue mais en tout cas antérieure au VIITe 5. apparaissent les noms zoroastriens des jours du mois (sous une forme proprement sogdienne) et de la semaine (ceux-ci directement em- pruntés au peblevi) (30) ; ceci suggére une influence progressive des usa- ges sasanides, mais peut-étre limitée a la superstructure institutionnelle de la vie retigieuse. Pour le panthéon nous nous trouvons dans une situa- tion qui rappelle celle de la Bactriane kouchane : les noms des divinités zoroastriennes s'y présentent sous une forme indigéne qui atteste leur ancienneté, la balance étant nettement en faveur de "Avesta récent bien que les entités gathiques ne soient pas ignorées ; subsistent en outre des divinités anciennes non récupérées par I’Avesta (31) ; d'autres enfin, et des plus populaires, paraissent étrangéres méme au vieux fonds indo- iranien : Taxsit, ca rapacious god» (Henning) ; X¥um, qui préside au dernier mois de l'année ; et surtout Nana qui poursuit ici la carriére qu’on lui avait vu commencer en Bactriane. Elle conserve son réle de maitresse des fauves sur certaines de ses représentations od elle reste juchée sur un lion, mais se trouve de plus en plus investie d’un symbo- lisme cosmique qui se marque aux attributs astraux qu’elle tient en mains. Au moins a Pendzikent elle fait figure de déesse supréme : les monnaies Vappellent «Nana, maitresse du (pays de) Pant» (32), et plusieurs arguments que nous développerons un jour prouvent que le grand temple de la ville (le temple II) lui était consacré. Autre indice du non-conformisme de la religion sogdienne : la condamnation ‘des dagvas, doctrine cardinale de la réforme zoroastrienne, n'y -est ‘pas partout admise comme le prouve Vexistence, unique dans le monde iranien, de. noms propres composts sur ce mot et notamment celui du dernier roi de PendZikent, Aéwastit (33): Les:cérémonies du culte, que nous connaissons par des fresques, rappellent 14 encore celles de la Bactriane kouchane : elles consistent en des libations faites sur des pyrées transportables placés devant des idoles sculptées ou peintes, que remplagaient pour la clientéle ordinaire de‘ petites en plaques de terre cuite (34) ; mais quelques renscignements suggérent qu'il a pu exister aussi de véritables temples du feu (35). Le clergé local, qui comprend deux catégories de prétres, les fa Ynpat (< baginapati, , marquant par la-méme que son pays les ignore (43). Tl nous faudra, par examen du matériel funéraire, tacher de vérifier sur Je terrain la réalité de ces frontidres, et plus généralement tester Jes medéles que nous venons de construire a l'aide de sources plus , divini- 46 presque ignorée de I’Avesta. L’identification de pskpul (KSM, 17 ; KNRm, 36) avec Pe¥awar est "hypo- thése retenue par la plupart des commentateurs. En tout eas Kirdir proclame nettement que son apostolat a atteint les limites de empire. Qu’il faut recomnaitre dans le terme de sriny < skt. framapa, «moine boud- dhique® : cf. notamment 2-Henning 1958, p. 102 ; 2Harmatta 1969, p. 121 Ph. Gignoux dans ses éditions de KSM et de KNRm traduit par « chamans». Les hypothéses enthousiasmontes de Harmatta (21969 ; résumé, 2-1974), pour lequel les inscriptions de Kirdte feraient directement allusion & ce monastére et lee graffitti contiendraient des toxtes officiels de déaéeration émansnt des vice- rois sasanides, ont été réfutées par Livfic (2-1975) dont nous suivons iei les conclusions. Sur le complexe de Kara-tepe on trouvera un état de la question, avec bibliographic, dans 2-Staviskij 1977, pp. 185-188 ; ef. ausst infra, chap. VI, S. 24. 2-Henning 1965 b, pp. 166-170 ; la date se déduit maintenant de celle de Vre chorasmienne : 2-Livfic 1970 b ; 2-Vajnberg 1977, pp. 77-80. Mais il nest pas interdit de supposer que le calendrier zoroastrien était 1a. en usage auparavant. La conquéte sasanide de la Chorasmie, pour laquelle deux campagnes, sont attestées (raid d’Ardatér ler : Tahari, Geschichte..., p- 17 scampagne de Siptir Ter en 239-240 : Chronique d’Arbeles, cf. 2-Henning 1965 b, p. 170), ne s'est maintenue, au plus tard, que jusqu’au début du 1Vé s, : ef. 2-Chaumont 1975, pp. 119-123 ; 2-Vajnberg, op. cit., pp. 77-80 (avec un point de yue différent sur 'interprétation de l’inseription de Paikuli). Le seul édifice en Parthyéne-Margiane pour lequel ait été proposée une telle identification est la salle centrale corridor sur trois cotés du «palais» parthe d'Brk-kala (Gitadelle de Merv) (2-KeSelenko 1966 b, pp. 85:87, avec réf.). Atacune trace de feurni Pautel n’y a été relevée. On sait maintenant que ce type de plan ‘est fréquent dans Varchitecture profane depuis Pépoque séleucide (2-Franefort 1977), 2Hersfeld 1930, pp. 30-31, fig. 22. Ces monnaies sont maintenant datées du Ie s. 2-Litvinsky 1968, pp. 29-31 et 65. Evéché de Mery : 2-Bartol’d 1893, p. 271. Hétellerie chrétienne de Gjaur-kala : LDresvjanskaja 1974. Hinain-t’sang, Records..., p- 45 (Beal), 108 (Watters). 2D jakonov 1951, p. 42 (daprés ibn-Khurdadhbih, texte p. 180, trad. pp. 140- 141) ;Chavannes, Documents... p. 155. (25) Le «Nowbahar» de Balx est donné dans certaines sources islamques (notam- ment dans Ferdows)) comme un temple du feu, mais il est maintenant bien établi qu’il s'agissait d'un sanctuaire bouddhique : documentation rassemblée dans 2-Mdlikian-Chirvani 1974, pp. 12-23. Il est fort improbables que les socles en pierre décrits A Balx par D. Bivar soient bien des pyrées, ef, 1-Maticg-Wiet 1959, p. 76,n. 2, avec réf. Au début du Ville s. le roi de Caqaniyan, qui porte le nom de Tis (< Titxya, divinité de V'étoile Sirius), a des sympathies manichéennes (Litvinsky, op. cits, pp- 38-39). Chronologie., pp. 220-228. Dans les documents du Mont Mugh : contrat de mariage (Mt. Mugh, 11, pp. 17- 63 ; Henning 1965 a) et «contrat de vente dune pico de terre » (en fait, d'un Gdifice funéraire), qui retiendre pacticuliérement notre attention, ef. Annexe. Dans le sens inverse : hymne & W5d, inséré dans un texte niagique de Tucn- Huang (cf. ci-dessous) jet les textes manichéens, de composition souvent ori- ginale et marqués par le milieu culturel de leurs auteurs (ef. notamment infra, p- 267). Op. cit., pp. 248-254. Le tableau qu’a de son c6té brossé Widengren (2-1968, pp. 355-368) ignore lessentiel des matériaux du Mont Mugh et comporte des Tacunes (Vouvrage, dont fa version originale est de. 1965, n'a pu utiliser la con- tribution de Henning) ; nous critiquerons dans un travail ultérieur les interpeé- tations qu’il propose des mythes funéraires sogdiens. Me. Mugh, 1, pp. 28-42 (repris d’un article de A. Frejman, 2936), et en pat lier pour ce qui concerne les Anciennes Lettres, pp. 28-29 ; 2Henniig 1936, n. 724, pp. 85-86 ; du méme, 2-1939 (c.t. de Frejman). Widengren, op. cit., pp. 356-357, indique que ta forme pehlevie des noms «prouve que le ealen- drier adopté par les Sogdiens était de la fin de la période sasanide et coincidait dans le moindre détail avec Je calendrier zoroastrien» : en fait coci n'est vrai que pour les noms des jours de Ja semaine, c’est-i-dire ceux des planétes. Paya, patronne des mariages < indir. Bhaga ; Wad, le vent (ef. ci-dessous n. 36). Pnty Nnéf'mpnk (Henning, op. cil, p. 252, n. 68). Liv8ic a récemment sug- géré de voir la plutot le nom d'une reine (2-1978, pp. 116-117), mais un texte manichéen comportant le méme titre prouve vans équivoque qu'il sagit bien de la déease (Henning, loc. cit. n. 67). Copendant le vocabulaire religicux on peychologique, moins conservateur que Fouomastique, connaissait déja le sens péjoratif du terme. Limpréssion de Henning est que ce type de noms propres ne se rencontre que dans les popula tione des hautes tec (haut Zarate Uateans). ches lesquelles se seraient ‘maintenues plus longtemps qu’ailleurs des croyanees remontant au stade indo- iranien (de méme que leurs actucls descendants, les «'Tadjiks des montagnes>, conservent des restes importants de religion préislamique). Ces analyses ne pourront étre testées qu’a Paide d’instruments dont nous ne disposons pas encore (cartes onomastiques, ete... 2.Belenitski/Marshake 1971, pp. 5-14. Sur Mhypothise de locaux réservés & un culte domestique des encétres, question qui touche de prés a notre sujet mais que nous n’aborderons pas dans le présent travail, ef les néserves de P. Bernard (2-1980, pp. 327-330). A Boxéra la mosquée de Max aurait pris I place d'un ancien temple du fou (@tesxeine) quit voisinait lui-méme avec le chazar aux idoles» : Narkaxi, 64., pp- 29-30, trad. pp. 20-21. Mais Ja source est dja tardive (Xé s). Publié par Benveniste, TSP, pp. 68.69 (inséré dans le texte p. 3, 203-2219) ; ef. Henning, op. cit, p. 253. ‘Au milieu du IX@ s. ibn-Khordadhbih y mentionne plus particuliérement les ot les czindtgs» (manichéens) (texte p. 31, 1-2 ; trad. p. 22). En Mongolic méme, la premiére chancellerie turque fut créée par des lettrés sog- diens auxquels on doit linseription funéraire royale de Bugut, dintention ovddhiste mais tout émaillée de térmes zoroastriens qui trahissent Vapparte- nance religieuse de son auteur (2Kljastornyj/Liviic 1971, et en francais 2-Bazin 1975). (38) 2Litvinsky 1968, pp. 45-46. (39) 2-Auarpay 1969, et en particulier pl. 2, 3c, 4h, Se. (40) 2-Henning 1942, pp. 249-243. (AR) Cf. infra, chap. VII,M. 1. (42) Life... pp. 45-47. inscriptic Ps jab : 1-Al’baum 1975, (48) Grande inscription sur une fresque du palais d°Afrasiab pp. 55-56 (traduction de V. LivSic). Le royaume de Caafiniyan est alors encore houddhiste (plutt que manichéen) et doit done avoir comme écriture sacrée Ja brahnit. CHAPITRE I LES PRESCRIPTIONS FUNERAIRES DES ECRITURES ZOROASTRIENNES Au terme de ce rapide survol de Vhistoire religieuse de l’Asie centrale il apparait que, des cultes institués dont les corps de doctrine nous sont connus, c’est le zoroastrisme dont on devrait le plus souvent retrouver la présence, ou qui du moins devrait founir le meilleur terme de comparaison a la religion vécue telle que nous 'observerons. Pour le type de pratique qui nous occupera ici, Ja coffrontation 2 d’autant plus de chances de porter ses fruits que la doctrine zoroastrienne est extréme- ment précise pour tout ce qui touche aux usages funéraires - ce qui n’est pas le cas des autres grandes religions attestées en Asie centrale (en ce qui concerne le manichéisme la question est, nous le vérrons, fort obscure (infra, p. 267) ; chez les bouddhistes on devrait a priori s’attendre a rencontrer l'usage indien dela erémation, et chez les chrétiens |'in- humation). Il faut toutefois bien prendre garde a ce que, pour aucun des textes,normatifs dont rious allons a présent résumer les prescriptions, nous n’avons la preuve qu’il a effectivement cireulé a l’époque et dans les régions dont ils vont nous servir 4 évaluer la documenitation archéologi- que. Les seules écritures qui appartiennent sans conteste:a Vhistoire du zoroastrisme central-asiatique, les textes githiques, sont muettes quant aux régles funéraires. Pour le Vendidad, section juridico-rituelle de TAvesta, qui seta notre source principale, a question est aprement débattue entre ceux qui veulent y voir Voeuvre des mages de Médie (Nyberg, Widengren) ct les tenants d'une origine purement orientale (@uchesne-Guillemin, Miss Boyce) ; il ne semble pas en tout cas que la mise par écrit du canon avestique et done Ia fixation définitive de la tradition vivante soient 4 dater d’avant P’époque sasanide. La littérature religiouse pehlevie, a laquelle nous ferons appel pour expliciter certaine points du Vendidad ou constater l'évolution de Ia doctrine, a peut-tre connu quelque diffusion en Asie centrale peu avant Ia conquéte islami- que (1), mais les rédactions qui nous en sont parvenues sont, on le sait, tardives (IXé-Xé s.) et trés occidentales. Reste que ces textes, 6 combien arides, constituent le seul terme de référence que nous ayions & notre disposition. Le nombre et la précision des rapprochements qu’on va leur trouver dans la littérature archéologique nous montreront ailleurs, aprés coup, qu’un tel parcours était pas si mauvais. I- LA MANIERE DE DISPOSER DU CORPS. A) Les principes Les prescriptions funéraires occupent dans le Vendidad une place trés importante, on peut méme dire centrale puisque le traité leur consaere la totalité de ses chap. V a VIII ct y revient en de nombreux autres endroits. Au départ se trouve un sentiment d’horreur, une crainte véritablement obsessionnelle devant l’impureté de la matiére morte, qui sitét la vie partie est supposée devenir la proie d'un démon, la Drug Nasav, concrétement décrite sous la forme de la mouche des cadavres qui ou , selon les deux interprétations qui ont été proposées, cf. 2-Boyce 1975, p. 109), et aussi de récits transmis par la littérature persane ancienne qui désignent par ce terme des mauso- ges de grande taille renfermant généralement des corps embaumés (7). On peut donc se demander si, a travers le changement de rituel, les dakh- mas monumentaux du zoroastrisme n’ont pas hérité de leurs prédéces- seurs certains traits architecturaux ; plusieurs faits archéologiques d’Asie centrale vont, nous le verrons, dans ce sens (ef. infra, pp. 230). Suivant 1a aussi usage recommandé par Inostrantsev ct repris par tous les archéologues soviétiques, nous désignerons sous ce terme de dakhma les édifices ou emplacements naturels destinés & assu- rer Ie décharnement du corps avant rassemblement des ossements, et ce quel qu’ait été le procédé de décharnement. Nous verrons cn effet que, sur ce dernier point, la pratique a été plus diverse que ce que laisserait supposer la lettre du texte. La troisiéme et derniére phase concerne le traitement réser- vé-aux ossements une fois ceux-ci décharnés. La question est traitée dans Va. VI, 49-51 : «Od porteronsnous les os des morts, 6 Ahura Mazdah ? Ot les déposerons-nous ? (réponse) On fera pour cela un usdina, hors de V'atteinte du chien, du renard et du Loup, que ne pourront mouiller d’en haut les caux de pluie. Sites adora- teurs'de Mazdah en ont les moyens, (on le fera) en pierre, ou en plitre, ov en tetre (1). S'ile n’en ont pas les moyens, on déposera (es os) sur la terre, étant Jour propre couche et leur propre coussin, exposés & Ia Inmigre, vus par le soleil > (8). On a done affaire & deux pratiques différentes, toutes deux admissibles < a) ou bien les. ossements sont laissés & l’air libre, sur 'emplacement du décharnement. Cette procédure est parfaitement suffisante du point de vue des prineipes que nous avons exposés, puisque une fois débarrassés des chairs les os ne présentent plus de danger (cf. Vd. VII, 33-34) ; }) ou bien ils sont recueillis et placés dans un uzdana fermé. Si le maté- riau de celui-ci est strietement spécifié (9), avec un ordre des préférences, rien ne nous est dit quant a l’aspect extérieur. Le sens étymologique du terme préte a discussion. Bartholomae (Altiranisches Warterbuch) part er d'un préfixe uz-/us., «hinauf, hinaus», et comprend «Aufbau», «édifice (en élévation) >. Henning (2-1945, p. 183) rapproche du sogdien mani- chéen Yaz6an, , et pose un originel *ast-dana, «réceptacle a os», d’ou également pehl. astodan, méme sens. Effectivement la tra- duction pehlevie du Vendidad rend partout uzdana par astodan (10). Cette analyse est done plus satisfaisante du point de vue linguistique, mais pour le sens elle n’aboutit malheureusement qu’a une tautologie ; nous ne savons toujours pas s'il s‘agit d'un édifice ou d'un réceptacle mobile. Peuttre n’a-t’on pas éprouvé le besoin de préciser, Vessentiel restant l’idée de. protection ? De fait en Asie centrale nous rencontre- rons tantét l'un, tantét l'autre, tant6t les deux combinés. Au lieu donc d’adopter ce terme équivoque d’uzdane, nous reprendrons 14 encore les dénominations établies dans la littérature archéologique : - pour les batiments ayant fonction de conserver les ossements préalablement décharnés nous emploicrons le terme de naus, mot arabe qui les désigne dans les récits relatifs 4 la conquéte islamique (11), et nous réserverons le terme de «mausolée» aux batiments destinés a rece- voir des corps entiers, - pour les réceptacles mobiles nous parlerons d’«ostothéques> lors- qu’il s‘agira de récipents d'une forme spécifique a cet usage, et de « vases- ostothéques» dans les autres cas (12). Avant de clore cette analyse du traitement prescrit pour le corps, il convient de signaler que presque toutes les dispositions prises pour le cadavre de I"homme s’appliquent également a cehui du chien, animal sacré par excellence des zoroastriens. Le danger de pollution est le méme que pour un cadavre d’homme ; il entraine les mémes peines et les mémes obligations de purification de la souillure (Vd. VII, 23-24 (consommation de la chair) ; III, 8, 12, 36-39 (inhumation) ; VI, 10-25 (nasuspaya) ; V. 39-44 ; VI, 42-48 ; VIE, 28-35 ; VIII, 35 (purifications prescrites) ). On doit disposer de son corps comme de celui de homme : dépot préalable dans un hata (VILL, 4-10 : mais il ne s'agit que de la fosse, non de la chambre) ; exposition a Vair libre (VI, 1-2) ou dans le dakhma construit (VEIL, 1.2). Cependant il n’est pas fait état de la conservation de ses os dans un uzdana. IL - PRESCRIPTIONS ANNEXES Telles sont les principales manipulations que doit subir le corps. Dessus viennent s’ajouter un certain nombre de prohibitions, dis- positions et rites annexes, qu'il convient également d’examiner car ils constituent autant de signes dont les éventuelles traces archéologiques aideront A évaluer Ia conformité de telle ou telle sépulture a Vobser- vance zoroastrienne. : Certains relévent encore d'une préoccupation prophylac- tique. Le sagdid («regard du chien») consiste a amener a plusieurs reprises un chien doté de certaines particularités physiques, qui est censé neutraliser par sa présence la Drug Nasav séjournant dans le cadavre, puis désinfecter le chemin par lequel celui-ci a été porté au dakhma (Vd. VII, 14-18) (13). Cette disposition s'applique aussi dans le cas des funérailles d'un chien. Un méme souci préside aux fumigations qu’on doit effectuer dans la maison du mort (VII, 3) ; plus tard seulement sera exprimée Vidée selon laquelle clles assurent aussi le bien-étre du défunt, ainsi dans le Bundahin iranien (XXX, 4-5) pour lequel le rdle du feu placé prés de la téte, puis laissé au méme endroit aprés le transport au dakhma, est d’éloigner. de V'ame les tourments du démon Vizar¥ pendant les trois jours od elle séjourne encore sur terre. Le dépét d’offrandes avec le'corps est strictement prohibé au. moment des funérailles : c’est que le défunt ne peut espérer, pour en- trainer la décision de ses juges, que dans le ccompte» qui a été tenu de sa vie morale, ct que d’autre part sa subsistance dans Pau-del lui sera assurée par le «trésor » que ses bonnes actions lui ont d’avance constitué (cf. notamment 2-Pavry 1929, pp. 74-77). En conséquence, «si un ado- rateur de Mazdah laisse tomber sur un mort autant que ce qu'une femme en filant jette a cété, vivant, il n'est pas digne de ’état de juste, et, mort, il n’aura pas part a la meilleure existence (i. e. le paradis) » (Vd. V, 61). Le mort doit étre nu, au moins au moment oi on le dépose au dakhma, et des peines sont édictées contre ceux qui l’habillent (VII, 23-25). La doctrine eanonique n’élimine cependant pas compléte- ment les dons. destinés aux défunts ; mais elle les limite uniquement & des offrandes périssables qui, au lieu d’accompagner le corps, sont sacri- figes a Ja frava¥i - cette composante de l’ame humaine qui lui préexiste, garantit son immortalité, et assure protection et fécondité A sa descen- dance (14). Ele fait l'objet d’une part d’un culte individuel, sous la for- me d’un sacrifice chaque jour du premier mois qui suit le décés, puis chaque mois de la premiére année, puis chaque année au jour anniversaire et ce pendant trente ans ; d’autre part d'un culte collectif, lorsque les ‘fravaSis reviennent en groupe aux jours, dits pour cela Fravardigan, qui a Vissue de V’hiver encadrent le Nouvel An, et réclament des occupants de leurs demeures («te @u T pad xvar’éd nigiriin be bid @médvartar»). C’est & Vaurore du quatriéme jour, dans la lumiére de Mithra, qu’a lieu le jugement individuel de l'ime (Vd. XIX, 28) ; et le jour du Jugement Dernier la moitié de la lumiére du soleil sera donnée aux hommes, afin qu’ils puissent se reconnaitre les uns les autres (Bd. ir, XXXIV, 8-9). Reste que nulle part le lien n’est formulé entre ces conceptions et l’aspect matériel de Puzdina. Plus géné- ralement, les textes eschatologiques ne renferment aucune allusion & la conservation des ossements, qui dans le Bundahi¥n n’apparait nullement comme une condition indispensable a Ja résurrection, ainsi qu’en témoi- gnent ces paroles mises dans la bouche d’Ohrmazd : fait ce qui w'était pas, pourquoi ne pourraisje refaire ce qui a été ? Car & ce momenta (la résurrection) je réclamerai a Vesprit de la terre (meng T zamig) les os, & eau le sang, aux plantes les chevenx, au vent le principe vital (gyan)...» (326). KGW, Somme toute, notre impression est que la tradition cléricale n’a enregistré qu’avec une certaine réticence les pratiques de conservation des os, qui lui paraissaient nier la toute-puissance du eréateur, ce pour quoi elle ne les a intégrées dans le canon que comme une option faculta- tive et ne s'est pas étendue sur les conceptions qui les motivaient et les accompagnaient. C’est A d'autres sources qu’il faut demander de nous éclairer sur elles ; ct sur ce point nous verrons que le témoignage de l’épi- graphie funéraire d’Asie centrale vient heureusement compléter ce que nous avait appris ce beau document de religion vécue que sont les ins- criptions de Kirdir. Tl est une derniére pratique lie aux funérailles qui, elle, n’a fait Vobjet d’aucun acommodement de la part de la tradition canonique : nous voulons parler des lamentations pour les morts (pehl. Sevan). Le Vendidad (XII) ne prescrit qu’un deuil (upaman) dont la durée est stric- tement fixée en fontion du degré de parenté avec le défunt, et qui doit se comprendre comme une simple suspension des occupations ordinai- res, ce qu’indique le sens étymologique du terme («attente») ; mais les démonstrations bruyantes sont condamnées sans appel : «les larmes et les gémissoments> sont Ie fléau envoyé par Abriman au pays de Herat (Va. I, 8) (17). Les livres perdus de I’Avesta, tels que nous les connais- sons par le résumé qu’en donne le Denkart, explicitaient cette interdic- tion, ainsi Dk. IX, 17.4 : «la punition du pont» (i. e. la damnation) «pour celui qui se lamente et se frappe hui-méme dans les trois nuits qui suivent un décés» (cf. aussi Dk. IX, 12, 20-21 ; id., 66, 1 ; égale- ment Dadestan T Meng T Xrad, VI, 13) (18). L’Arda Virdz Namag décrit en termes saisissants le sort réservé a celles qui se sont livrées & ce genre de lamentations : le sage les voit dans l’enfer, téte coupée mais continuant a pousser des cris ininterrompus (19). Dans ce méme traité apparait l'idée selon laquelle les lamentations poussées par les vivants empéchent les morts d’obtenir leur salut, contraints qu’ils sont de traver- ser une rividre grossie des larmes qui ont été versées pour eux (chap. XVI, 2-7 (20) sef. aussi Sad Dar, XCVI, 1-3). Tant d’acharnement mis a condamner ces pratiques laisse supposer qu’elles avaient la vie dute ; et de fait notre moindre surprise ne sera pas de constater la petmanence de leur représentation dans Picono- graphie funéraire de l’Asie centrale, sous l'aspect ritualisé que suggéraient les passages que nous venons d’examiner. @ 2) Crest co qui resort d’emprunts faits par le vocabulaire religieux sogdien (ef. chap. précédent, pp. 20 et 22), et aussi de quelques documents diconographie funéraire que nous w'ntiliserons pas ii. Sur les principes directours de ces prescriptions on consultera encore avec pro- fit Pexposé donné par Darmesteter (Avesta, II, pp. x-xy), trés clair mais quel- que peu biaisé par les rationalisations hygiénistes des Parsis de inde anglaise. La erainte des épidémies en tant que telle nest d’aitleurs pas absente du texte originel (ef. Vd. VIT, 57-59). Va. phi, Ill, 8 : li ois sont inhumés des corps «esprit de la terre (mendgT zanig) devient tout entier comme un homme complétement troublé par quel- (que terreur>, Pour le traité persan Sad Dor (XXXII), c'est & I’Amabraspand Spandarmad, divinité de la Terre, qu’est infligée cette souffrance. ‘A. propos de ce passage Miss Boyce (2-1975, p. 327 n, 6) doute quill sagisse Tien Pantheopophagie, le terme de nasu-paka, «cuiseur de charogne», ne s’appliquant pas nécessairement a la euiscon de chair humaine. Mais le passage jparalléle Vd, VI, 23-24 est sans aucune équivoque. Benveniste, op. cit., p. 43, suppose que cette pratique est condamnée princi- palement parce que les os ne sont pas recueillis ; cependant un tel souei nnulle part exprimé dans les passages du Vd. qui la concernent ot ois il n’est question que du danger de pollution. Tolstoy (2-1948, p. 149) rapproche la croyance, attestée par Vethnographie ches. divers pouples, selon laquelle un tel stratagéme est destiné & empécher les ‘esprits des morts de retrouver le chemin de leur demeure et revenir y importu- ner les vivants. Cependant la Rivizyat pehlevie (XIX) donne de cette préeaution une explication différente : la crainte que Ia fortune de la maison (xvarrah 7 -xdnag) ne sorte par la porte ordinaire si Ie eadavre du maitre ou de la maitresse ‘yenait & emprunter ce chemin (of. 2-Bailey 1971, p. 12, qui donne le texte). ‘A Jasfin du roman Vie 6 Ramin, adapté an X18 s. d'un original d’époque parthe, * un dakhma est élevé. pour le couple royal sur un temple du feu, et les corps y reposent entiers. Dans la partie légendaire du Séh-ndme, dont la matiere est pré-~ zoroastrienne, c"est aussi efi ce sens qu’il est question de dakhmas : Rostam lave son fils Sohrab «un dakiima dela forme d'un eabot de cheval» qui ren- ferme le corps placé dans un cereueil (1. TL, Sohraé 1049-1052) ; le corps du héxos Forud est déposé embaumé, & Vintérieur @’un dakhma construit au som- met d'une montagne, dans un apparcil somblable i celui que le poate décrira pour les tombes royales sasanides (t.1V, Keyxosrow 924-929). ‘Trad. Wolff, rectifige d’aprés celle de Misa Boyce (op. cit., pp- 326-327) lors- quelle découle directement de l’interprétation de wzdana comme «Aufbau. I va de soi que tous ces textes devraient étre repris directement avec l'aide d'un spécialiste de Vavestique. La traduction de tutuz¥ea par cen terre», généralement adoptée par les traduc- teurs, est conjecturale, fondée sur un indice indirect (cf. Avesta (Darmesteter), TL, p. 93, n. 34). L+hypothése de Henning est confirmée par Pemploi qui est fait de usdana en Vd. VIII, 73 (passage non relevé par Vauteur), of ec mot sert & désigner le chaudron oii euit la charogne :la métaphore ne se comprend que'si usdiina veut bien dire «réceptacte & os» (ef. Boyce, op. cit., p. 327, n. 6). Pour les références aux passages en question, qui donnent peu de détails, of. 1 Staviskij/Bol Sakov/Mondadskaja 1953, p. 86. Sur le vocable, qui remonte en dernier ressort ai grec ¥44¢ , cf. Inosteantsev, op. cit., pp. 12-14 ; 2Borisov 1940b (non vidi). Termes correspondants en russe : ossuarij ou kostexranilite pout le premier, sosud-ossuarij pour le second. Nous évitons le terme d?« ossuaire » qu'on trouve souvent employé’en francais pour costothéque», ce qui est exact éymologi- ‘quement (lat. oseuarium) mais ne correspond pas a I'usage qui en est fait habi- tuellemnent dans notre langue (osevaire de Douaument, ete...). I serait en théorie plus juste de reprendre les termes par lesquels les peu- ples d’Asie centrale eux-mémes désignaient ces réalités : pour le naus, frawar- {ik (attesté en’ chorasmien et sous une forme un peu différente en sogdien) ; pour Vostothéque, tapankok (chor.) ; pour le dakhma, sans doute eskase (sogd,) (sur tout cela, ef. infra, p. 252, et Annexe), Mais ces mots sont connus depuis trés peu de temps, et il est préférable de ne pas revenir sur une termino- logie archéologique qui a pour elle davoir été appliquée rigoureusement dans Jes publications soviétiques depuis plus d’un demi-siécle. Notons au passage qu’en Iran la terminologie parait avoir été plus flottante, peutétre parce que la réalité Pétait aussi. On trouve le mot dak ma inserit sur des fosses d'exposition - co qui est normal -, peut-étre sur un sarcophage - ce qui est & la rigueur admissible -, mais aussi sur des niches rupestres du Fars qui vu leurs dimensions n’ont pu servir a autre chose qu’a reeevoir des ossements déja décharnés (2-Henning 1958, p. 47 ; 2-Boucharlat 1978, p. 470). Dans le Vendidaid pehlevi astodam traduit bien uzdiia, mais son doublet hazan (lui aussi < *ast-dtha) teaduit toujours dakhma, lequel n’est jamais transerit tel quel ! (cf. 2 Henning 1945, p. 183) as ay Le commentaire pehlevi, repris par Darmesteter (II, p. 102, n. 32), comprend comme se référant au sagdid d'autres paseages que la trad. Wolff rapporte a Vexposition du cadavre aux bétes, Le concept latin de genivis est sans doute ce qui nous permet le mieux de cernér la tichesse sémantique de cette notion. Pour tout ce qui concerne les fravatis ct les pratiques qu’elles suscitent, on se reportera maintenant aux belles analyses de Miss Boyce, op. eit., pp. 117-129. Voici le passage dans la transcription et la traduction inédites de Ph. Gignoux : <(3) ka muredin T hirb-xoaran Gn 7 pid 7 ka we xwuThed piidag vinahTdag stafstar mand bavéd, an 7 pid T xvard bavbd Ug an Tast dada be @ astodan Ke az biim Gaon abar datt ud azabar Edin alkOb estéd ta pad 8 vtnag wardin G nast né ward wu Gb ul avik ne ested u¥ nam ul avif né dahtd w-¥ sag ud robah avid Xudan né SayEnd w¥ ro¥ath T mikr ry sity pad-is kard ested barend. (5) aber dastoarthia guft ested de astodan ast kardag az Th sang: (v) ud az-is nikum- Bidag az'ék sa(n)y-8(v)T surtgomand takidan passaixtan ui pBramiGn pad sang ud gat hambarenidan ». (traduction) «Si la chair n’est pas mangée par les oiseaux charognards (litt. mangeurs de corps), elle pourrit, se corrompt, devient pourvue de vermine. (Si) la chair est mangée, alors on porte, selon la loi, les os a Vast@dan, qui est main- ‘tenu au-descus du sol, et au-dessus duquel se trouve un toit pour qu’en aucune fagon la pluie ne tombe sur le cadavre, et que l'eau ne se trouve an-dessus de lui, ctne lui confére de Mhumidité, et que le chien et le renard ne puissent venir a lui, et dans lequel un trou est fait & cause de la lumiére du soleil. (Et ceci) est trés bien dit par les dastours (= docteurs de la loi religiense) :astadan est fa- briqué & pattir d'une seule pierre, et couvert par elle (?), (il faut) le tailler et le fagonsier a partir d'une seule pierre pourvue d'un trou, et autour d'elle faire un tas de piertes et de platre ». Les parogtaphes 3 et 4 paraphrasent le texte précité de Vd. VI, 49.51, en ajoutant quelques détails. Le paragraphe 5, plus précis, pourrait selon M. Gi- gmoux s’appliquer soit & une ostothéque en pierre, soit aux niches rupestres & osseétients qu'on a dans le Fars et qui sont en gros contemporaines de la rédac- tioh du texte ; ef. dans le méme sens I-Huf 1975, pp. 205-206. Crest ainsi que Ventend dailleurs un autre passage du DD (XVI, 11) oii il est dit que le soleil n’a d’autre réle que de sécher les oxsements. Pout l¢ commentaire peblevi il ne fait pas de doute qu’il «agit bien des lamen- tations pour les morts (Va. phil, méme réf. ; ef. aussi infra, p. 297). ‘Toutes les autres réfétences fournies par 1-Staviskij etal. 1953, p. 91 en notes, concernent en fait sbit les lamentations des damnés, soit celles que causent au peuple d’fran les malheurs qui Vaffligent. (19) Transer. et trad. Ph. Gignous : (chap. LVI) : «(1) wm did ruvan i zantin kB-¥an sar brid ud as tan Judag bid ud zuviin vang hame dat (2) wm purstd KU Gn avi¥in T he ruvinan (3) 008d SrO¥ ablav ud Adur yazd ki @n ruin Tave¥an zandin ke-San pad gory Yon ud mdyag vas kard ud abar sar ud roy znd ». (traduction) : «Et je vis Pame de femmes dont la téte était coupée et sépa- rée du corps, et dont la langue continuait & crier. Et je demandai : «Celles-ci, & quelles ames sont-elles ?» Sro¥ le saint et le dieu Adur dirent : «c'est Pame de ces fernmes qui, dans le gétig (= ici-bas), ont poussé beaucoup de lamentations et de gémissements et (se) sont frappées la téte et le visage >. (20) (id., chap. XVI) : «(1) pas Sr3¥ ahlav ud Adur yazd an Z man dast feds grft ud ‘az Gndh fidedar raft hem (2) gyag-2(v) frts mad heim u-m did rodB(v) Touzurg T seadén [T] dufox tir ke vos rusdin ud fravahran andar Gn rod bid Kend ud ast TMin vidardan nB twain ud ost T pad garan ranj hamis vidard ud ast T xviteh vidard hénd (3) wm pursid kit a kadam rod ud Gn. mardom kB hond ke Edom ranjag estnd (4) goved Sro¥ ahlav ud Adur yasd ki @n rod an vas ors ast 7 mar- domin az pas T vidardagiin az aim be hilénd ud Yvan [ud] moyag ud griyistan Aunidnd (5) Gn ars adadita be sind ud @ &n rod abzayed (6) aveXan ko-¥an be vidardan né twin avé¥an hind ke-San az pas vidardag ¥evan ud mioyag ud griyis- tan vas kard ud Gn sotirdar Gn K-Xan kam kard (7) ud @ gatigan be gov hii asnia ‘ka pad getig Yvan [ud] moog ud griyistan adadihis ma kunéd Ye tn and anagih ud saxtth ruin Tvidardagan Ta¥mi rased ». (traduction) ; «Pais Sri le saint et le dieu Adur me pricent la main, et de Ia Je men allai plus avant. Je m’avancai en un lieu et je vis un grand fleuve puis- tant, sombre (comme) Venfer, dans lequel (fleuve) se trouvaient beaucoup dames et de fravatis, et il y en a qui ne pouvaient pas (le) traverser, il y en a qui (le) traversaient & grand’peine et il y en a qui Pavaient traversé aisément. Et Je demandai : «Quel fleave est-ce, et qui sont ces gens qui se trouvent si embar- Tassés T» Srov‘le saint et le dieu Adur dirent : «Ce fleuve, c'est les larmes abon- dantes que les gens luissent (couler) de (leurs) yeux sur les trépassés et qu'ils Produisent en sc lamentant, en gémissant et en pleurant. Ils vereent cos larmes illégitimement et elles s’ajoutent & ce fleuve. Ceux qui ne peuvent pas traverser, sont ceux qui ont fait beaucoup de lamentations, de gémissements et de pleurs sur un trépassé, mais ceux (qui traversent) le plus aisément (sont) coux qui (en) ‘ont fait le moins, Et dis aax (étres) matériels : « Vous, quand (vous étes) dans le 820%, ne faites pas illégitimement des lamentations, des gémissements et dea pleurs, car ces maux ct difficultés si nombreuses atteindront I'ime de vos trépassés. E a ze: 1 a a 6 Bg A § . & CHAPITRE IIT REMARQUES PREALABLES A L'INVENTAIRE CRITIQUE DES SITES J - HISTORIQUE DES RECHERCHES DE TERRAIN A Vintérieur des limites d’espace et de temps que nous avons données a notre corpus, les pratiques funéraires ne sont pas unifor- mément éclairées. par la documentation archéologique, les inférences que Yon peut tirer de celle-ci ne sont pas également fiables. Tl convient done, avant de passer a Vinventaire de cette documentation, d’exposer brieve- ment la maniére dont elle a été aequise, ot de présenter les principaux sites & niveaux multiples auxquels nous serons amenés & consaerer plu- sieurs notices. En Chorasmie, |’étude scientifique des vestiges funéraires n’a cessé de s’enrichir depuis quarante ans, Dés les. premieres expéditions d'exploration du pays, S. P. Tolstoy et ses collaborateurs rencontraient des depots d’ostothéques et réfléchissaient sur leur signification. A partir des années 50} la fouille stratigraphique de nécropoles est devenue un élé- ment essentiel des programmes d'études régionaux, avec notamment les fouilles de Koj-Kryigan-kala, Kalaly-gyr 1, etc... Le site-clef est maintenant celui de Mizdaxkan (Gjaur-kala dans les premiéres publications), fouillé de 1962 a 1965, et auquel nous consacrerons une place importante sous chacune des tranches chronologi- ques que recouvre sa durée d’existence. Mizdaxkan est une ville moyenne de Chorasmie'septentrionale, attestée & l’époque islamique comme place commerciale et probablement déja telle V’époque antérieure. La nécro- pole occupe sur une double colline située au N-E une surface supérieure 4 celle de la ville elle-méme ; la fouille, en plusicurs sondages, n’en a dé- gagé qu'une part trés faible (900 m? sur 60 ha) (1), suffisante néanmoins pour fournir un matériel diversifié et surtout la séquence chronologique Ja plus étendue et la plus fine dont on dispose a ce jour en Asic centrale (du Ifé au VIMle s.d.n.é., sans compter les niveaux islamiques ultérieurs). Cette avance de la recherche en Chorasmie s'exprime dans deux ouvrages récents, dont il n’existe encore d’équivalent pour aucune autre région : la synthése déja mentionnée de Ju. Rapoport (2-1971), et Ja publication de la fouille de Mizdaxkan par V. Jagodin (1-1970), modé- Ie de ce que devrait étre tout rapport de fouille de nécropole. _ En Sogdiane, deux étapes se distinguent nettement dans Vhistoire de la recherche. A I’époque pré-révolutionnaire les découvertes fortuites dostothéques, qui se multipliaient notamment sur le site de - Samargand, suscitérent dés 1885 une riche littérature qui aboutit a ras- sembler les quelques sources narratives utilisables sur le sujet et A poser les grandes questions + rapports de ces pratiques avec le zoroastrisme, signification des formes et décors des ostothéques... (2). Mais ces polémi- ques ne pouvaient s’appuyer presque sur aucune observation archéologi que et mariquaiont en particulier de cadres chronologiques + ’est ainsi que Bartol’d, qui pourtant appliqua ces questions le plus d’intelligence historique, en vint & avancer l'idée, aujourd'hui indéfendable, selon la- quelle les zoroastriens du Turkestan n’auraient adopté I'usage des osto- théques qu’aprés la conquéte islamique (3). Puis avant la derniére guerre vizrent les premiéres fouilles méthodiques, d’aillears non publiées ; mais 4 ce jour la seule nécropole de Sogdiane propre a avoir fait objet de dé- gegements extensifs ost celle de Pendtikent, dont la publication (1-Sta- viskij/Bol’Sakov/Montadskaja 1953) comporte en outre une reconstrue- tion de Ia religion sogdienne des morts, proposée par B. Staviskij, qui reste continuellement utilisée comme référence (4). La recherche archéo- logique proprement dite a plutét touché les marches de la Sogdiane :le > G48 (région de Tatkent) o un programme d’exploration des nécropoles fut inauguré en 1928 par M. Masson et se poursuit aujourd’hui ; les colo- nies sogdiennes du Sémireichié od le travail considérable amorcé vers 1940 par A. Barn$iacs awe dos outils de datation eéramologiques et nu- mismatiques encore grossiers est actuellement en train d’étre repris (5) 5 enfin I'Ustru’ana et le Farghdna, régions du cours supérieur du Syr-darya, 60 notamment lquipe de N. Negmatoy explore a Kurkat, sur un ancien site du limes achéménide, un ensemble de grottes funéraires d’époque plus tardive. En Parthyéne-Margiane, les recherches n’ont pas encore atteint une ampleur comparable ct seuls les deux grands centres politi- ques sont éclairés par la documentation (6). Dans Vancienne capitale parthe de Nisa a été particllement fouillée une nécropole probablement royale, malheureusement en fort mauvais état. Dans l’oasis de Merv, Yexploration de I'immense néeropole de la ville donne un peu jusqu’a maintenant Vimpression d'une grande occasion manquée. Elle s’étendait 4 LOuest de Venceinte préislamique (Gjaur-kala) et se trouve en partie recouverte par la ville médiévale (Sultan-kala) ;14 of elle la déborde fut réservée pour Ia fouille une zone de plusieurs tépés qui se révélérent recouvrir une occupation funéraire s*échelonnant seton les endroits entre In période parthe et les débute de I'Islam. Une premidre difficulté vint de ce que la fouille fut menée par deux équipes concurrentes qui ont mu- tuellement critiqué ou ignoré leurs résultats ; faute de disposer d'un eri- tére de choix décisif, nous avons taché d’utiliser au mieux les rapports de Vune et de lautre (7). Second point délicat, quatre des six tépés,(n°® 3 & 6), fouillés par G. Ko¥elenko en 1963-65, n'ont encore fait ’objet que de notices denses mais trés bréves, qui ne permettent guére de tester la vali- dité des datations ct interprétations proposées par l'auteur (2-Ko¥elenko 1966b ; 1-Ko¥elenko/Desjattikov 1966). Sa publication détaillée, quand elle paraitra, enrichira considérablement notre connaissance de histoire complexe des pratiques funéraires de Margiane et conduira certainement 4 modifier sur plusicurs points le tableau provisoire que nous allons dres- ser ici, A propos de la Bactriane, il convient de rappeler le jugement - de portée plus générale - que formulait il y a seize ans D). Schlumberger : «ll suffit de s'interroger sur les monuments funéraires de A ghanis- tan préislamique pour s‘apercevoir que l'on en connait quasiment aucun. Cela tiont sans nul doute & ce que Afghanistan est, comme I'Inde, un pays d'inci- nérants, et d’incinérants qui dispersent les cendres (8) L’%tat de la question a depuis lors bien évolué, au moins pour ce qui concerne la Bactriane. A vrai dire, au moment méme ot ces lignes étaient écrites, des fouilles pratiquées au Tadjikistan avaient déja mis en évidence la pratique de Vinhumation dans le milieu sédentaire bactrien, le, principal de ces chantiers étant celui de Tup-xona fouillé en 1946.48 par M. D'jakonov : cette nécropole de la : fin IVé s/fin Id s.av.n.2. 2) période K, : fin Iie s.av.n.2./déb. He s.d.n.2. 3) période S, , si on applique au sens politique, ne concetne en propre dans ces limites de temps que la Bactriane. On I’en- tendra ici au sens d'une influence de civilisation, qui s'est effectivement fait sentir partout, y compris en Chorasmie, tant qu’a duré le royaume gréco-bactrien. 2) empire parthe n’a pas en Asie centrale débordé la Parthyéne- Margiane, et on considére maintenant que état kouchan ne s’est pas étendu sur la Sogdiane ni sur la Chorasmie (13). Cependant on peut dire que V'arrivée, puis Vassagisement, de conquérants nomades venus d'Burasie a affecté a cette époque ensemble de I’Asie centrale et confé- re done une unité a la période. 3) la date du milicu du Ve s. pour situer la fin de la prééminence sasanide et arrive de nouveaux maitres sortis de la steppe est une ap- proximation. La chronologie du retrait iranién est en fait complexe et mal connue, entre Ia fin du IV@ s. (rébellion des Chionites ?) et le désas- tre militaire de 484. On notera aussi que cette coupure politique n'affec- te ni la Parthyéne-Margiane oii les Sasanides se maintiennent, ni la Cho- rasmi¢ ot l'emprise ctouranienne> s'est faite sentir selon des rythmes différents (14). Reste que le Vé s. est partout retenu par les chercheurs soviétiques comme une période charni@re de histoire de la civilisation en Asie centrale, et nous les suivrons en eela. 54 4) sur la limite basse que nous donnons a cette période et sa varia- tion selon les régions, nous renvoyons a notre Introduction, p. 8. Ieiit été souhaitable de pouvoir scinder ce gros chapitre, qui groupe lui seul prés de la moitié de nos notices, entre par exemple une période jusqu’a In conquéte kouchane (?) de la fin du Jer s.d.n.é. Mme Pugatenkova vient de rappeler (1-1979, p. 91) que les indices retenus (quelques types céramiques, pointes de fléches, un miroir) n’autorisent guére une datation aussi précise et que ’époque de In construction pour- rait étre abaissée jusqu’au Ile s.av.n.6. En méme temps se pose la question d’une possible influence méridionale, ct plus précisément bactrienne, sur certains traits architectu- raux, HP. Franefort propose de voir en Koj-Krylgan-kala un monument hybride, «fusion du mausolée eylindrique venu du Nord sans décor mili taire, et de l’enceinte fortifiée circulaire, venue du Sud» (op. cit., pp. 217-218 et 337-339). Allant plus loin, Mme Pugatenkova (loc. cit.) déta- che complétement le monument de la série des mausolées du Syr-darya et le tient pour le pur produit d’une tradition bactrienne d’architecture religieuse représentée par une série continue d’édifices s’échelonnant de Age du Bronze a l’époque greeque («temple rond> de Daily 3, Kutlug- tepe, Ziga-tepe) et dont les traits communs sont 'existence d’enceintes concentriques, la disposition radiale des locaux secondaires, et la présen- ce d'un décor militaire au moins symbolique. Ces traits se retrouvent effectivement & Koj-Krylgan-kala mais selon nous ils n’autorisent pas | rattacher exclujiyement le monument a la lignée bactrienne : ce serait | faire bon marché du plan de la partie proprement funéraire, dont les | analégies septentrionales sont évidentes et qu’on ne retrouve pas dans les monuments bactriens précédemment énumérés ; quant au parti. défensif, il n'est ges absent de certains mausolées du Syr-darya : le mausolée rond de Cirikrabat (IVé-IIe s. 2) est une tour robuste sembla- ble par ses dimensions a celle de Koj-Krylgan-kala, couronnée semble-t-l_ dun chemin de ronde, et en tout cas intégrée au systéme des remparts du site (2-Tolstov 1962, pp. 144-146), Si Von ajoute que le caractére reli- gieux.des monuments bactriens est rien moins qu’établi (10), it apparait que la comparaison tourne un peu court: : A Vintérieur des limites spatiales et chronologiques que f jnous avons fixées & notre étude Koj-Krylgan-kala reste un monument que, et nous ne reviendrons plus sur Ja question de ses origines. Mais 11) la tradition des édifices funéraires & décor militaire ~ 2) la dualité des complexes sépulcraux (moitié masculine et moitié fémi- .e. 7), & laquelle nous verrons que certains auteurs yeulent retrouver des hos ultérieurs en Chorasmie, (infra, chap. Xn. 61). : B) Trouvailles isolées de vases funéraires anthropomorphes Des vases funéraires en céramique appartenant aux: deux variétés attestées a Koj-Krylgan-kala (vases-statues et masques), mais plus complets, ont été retrouvés sur plusieurs sites de cette période. Nous énu- mérons d’abord ceux dont le contexte d’origine est net, puis les autres, H, 2 : «Point 13-70» prés de Koj-Ki ‘kala (p XXVUE, a-b) PR gan ad (Rapoport in 1-Tolstov/Vajnberg 1967, pp. 231-233 ; 2-Rapoport 1971, pp. 38-42 (plus complet) ). Dans les ruines d'une ferme située A 2 km. au Sud du grand mausolée. Le matériel, qui reposait dans un niveau de cendres (11), com- prenait de Ia cécamique commune et a engobe, une figurine de cheval, * aoe eeasties qui ont pu étre reconstitués presque enti¢rement ; iu fait qu’ils vont constituer la téte d i : duisons et déctivons en détails : ne long sre, nous es repre + statue de femme debout (pl. XXVIII, a) :h. 70 em. ;eorps fait au tour, les bordures du vétement étant indiquées par des incisions (galon du caftan, plis de la robe dépassant en bas); bras modelés en léger relief (retrouvés a part) ; téte modelée, couronnée d’un diadéme. La paroi du vase est pereée a Vendroit du trou des oreilles; le corps s’ouvre en deux par une césure ménagée avant cuisson. - statue dthomme ascs (pl. XXVIIL, 6) =. 85 em. ; seul le sidge est fait au tour, les jambes disproportionnées du personnage étant modelées de Vintérieur ; pieds du siége appliqués sur les cétés. L’homme est vétu d'un caftan court dont les bordures de fourrure sont indiquées par des bandes appliquées et incisées. Bras modelés & part, plaqués le long du corps. ‘Téte démesurément grande, coiffée d'une calotte serrée par un diadéme figurant deux orelles d’animal (le visage a été restauré d partir de frag: ments), La césure du corps est ménagée en-dessous de la taille. La destination funéraire de ces vases est assurée par la pré- sence d’osements humains au milieu de leurs fragments. Ces ossements, en petits moreeaux, étaient calcinés ainsi que les poteries retrouvées avee, mais I'un des vases au moins ne V'était pas ;on peut done conclure quill s'agit d’umes cinéraires laissées en place avec les restes du bicher (12). Datation ; IVé-Illé s.av.n.é., d’aprés les critéres suivants - datation au C. 14 ; début IIlé s. (+ 100 ans) - analogie de la vaisselle avec celle de Koj-Krylgan-kala, premiére période, (2) H. 3: «Bacher» pros de KopKrylgan-kala (pl. XXIX, b) ' (2Rapoport 1971, p- 45, fig. 7-8) Emplacement bralé, sur Ja berge d’un ancien canal & 200 m. au Sud du mausolée. Parmi des fragments de vaisselle commune a été re- 5 trouvé un visage masculin en oframique haut de 25 em., surmonté d'un bonnet conique ; certains détails (pupille, barbe) devaient étre indiqués 2 | la peinture par dessus une couche de plétre, La forme aplatie de Vobjet et | Pabsonce d'autres fragments de corps humain indiquent qu’il s'agissait | d'un masque, probablement fixé sur un vase ordinaire & moins que le” corps nait éé fagonné dans un matériau périssable. Liinterprétation | retenue est 14 aussi qu’il s’agit d'une urne cinéraire laissée sur le baicher, ‘mais du fait qu’on n’a pas semble-til retrouvé d’ossements (du moins ne | sont.ils pas signalés dans la notice), le caractére funéraire de cette trou” vaille ne peut étre tenu pour certain. : Datation : Ja céramique d’secompagnement ost dite et la - i : «nouvelle», n’a tne < our cette période aucune sépulture ;.cependant I’hypothése d’une ion originellement funéraire a été proposée pour deux monuments. (2) H. 6 : Vieille Nisa, «Temple rond » (2-Pugatenkova 1958, pp. 100-103 (publication) ; 2- Kofclenko 1977, pp. 57-64 ; 2-Bernard 1979, pp. 123- 124 (discussions) ). Cet éditice se présente cous la forme d'une rotonde (diam. 17 m:) englobée @ sa base dans un massif carré ; l"intérieur est, dans sa partie haute, décoré de demi-colonnes qui alternent avec des niches abri- tant des statues dargile crue ; ’'aménagement au sol est inconnu. Alors que Vhypothese généralement retenue & la suite des fouilleurs était celle d'un temple palatial, G. Ko¥elenko a proposé de reconnaitre la le mauso- Iée de Mithridate Ter (171-138), fondateur éponyme de Nisa-Mihrdatkart; en effet, selon cet auteur, le monument de Nisa manifesterait dans son plan la rencontre de deux traditions architecturales toutes deux funérai- res, 'une originaire du Syr-darya (mansolées ancions de Tagisken) et apportée de la par les ancétres nomades des Arsacides, autre greeque. P. Bernard a récemment réfuté cette. interprétation en s’appuyant sur plusieurs arguments, d’ordre interne (V'existence de trois entrées, assurée dans le ‘premier état de l’édifice, est tout a fait invraisemblable dans un mausolée) et dordre externe (les monuments grees invoqués comme pa- ralléles soit ne sont pas des mausolées, soit ne présentent avec V’édifice de Nisa’ que des analogies superficielles) ; nous renvoyons & son texte pour e détail de la démonstration. On peut ajouter que dans Parchitecture funéraire dw Syr-darya la combinaison du plan carré et du plan rond nest plus en faveur aprés l'Age du Bronze, et qu’a l’époque qui nous occupe (Ile s: av. n. @) elle obéit & des schémas différents, dont on ne pergoit pas I’écho a Nisa (cf. ei-dessus, p. 60). (2) H. 7 : Nouvelle Nisa, «Temple @ péristyle» (pl. 1) (Rapports de campagnes : 1-Vjazmitina 1949 et 1953. Synthéses : 1-Pugatenkova 1953 ;de la méme, 2- 1958, pp. 60-69 (reprend presque intégralement le texte précédent) ; 1-KraXeninikova 1978.) Nouvelle Nisa représente Vancienne ville de Parthaunisa, dont Vieille Nisa était la cité royale dissociée. Le monument qui nous occupe est posé sur la banquette intérieure du rempart de la ville et accollé A celui-ci. Il s’agit d'un bitiment en brique crue, long de 18,5 m. (parallélement au rempart) et large de 5,3 m., perché sur une erépis & cing dlegrés qu’entourait a la base une rangée de colonnes en bois ; es murs du atiment portent a leur tour un décor plaqué de demi-colonnes couron- es de plaques de terre cuite ornées chacune du dessin moulé d'un cha- iteau ionique. Les divers éléments structurels étaient peints de couleurs ives (cf. Ia restitution de Mme Pugatenkova, 1958, pl. en face p. 66). [espace intérieur disposait de 13,3 x 2,7 m. (ou probablement davanta- “ge, jusqu’a 4 m., en supposant qu'il était partiellement creusé dans le rémpart) ; en raison des limites de Ia fouille son agencement intérieur est ~jeonnu, de méme que l'emplacement de la porte qu’on restitue arbitrai- rement au milieu du long cété (le décor de merlons qu’on place en haut des murs est lui aussi de pure fantaisie), L*identification comme un temple est généralement admise, Mme Pugatenkova suggére d’y reconnaitre «une sorte de temple commé- moratif avoisinant les naus de Varistocratie parthe>, lesquels dans la chronologic qu'elle propose auraient coexisté avec lui avant de le recou- vrir. Ce dernier point de vue est maintenant rejeté par Mme Kragenini- Kova (cf. chap. suiv,, K. 12), qui de son c6té voit dans cet édifice un pre- mier mausolée, beaucoup plus monumental que ceux qui vinrent. plus tard prendre sa place. Une telle hypothése mérite qu’on la considére ; elle: trouve quelque support dans l’existence & Ai-khanoum d'un chéréon au caveau de pierre» (ci-dessous, H. 9) qui présente avec le monument de Nisa certaines analogies : forme allongée, décor péristyle 4 ordre ionique et colonnes de bois ou briques cuites, socle a degrés (restitué). On pour- rait encore serrer la comparaison en restituant entrée de l’édifice de Nisa sur le petit e6té Sud, ce que les données de la fouille n’excluent pas (13). eee Datation : fin Hlé ou Me s., d’aprés des critéres stratigraphi- ques (KraSeninikova) et stylistiques (Pugatéenkova). * IV - BACTRIANE A) Ai-khanoum H. 8 : A-khenoum, téménos de Kinéas (pl. V, a} (1-Bernard/Le Berre/Stucki 1973 : publication détail- Kee). Mausolée familial situé au coeur de Ia ville basse, prés des petits propylées d’accés au palais. Il est construit en brique crue. La fouil- Te a reconnu trois états architecturaux suecessifs (sans compter une réoc- cupation post greeque en local d'habitation) : - état 1 : le monument est construit au niveau de la plaine ;1e long de ses murs extérieurs court une exépis a trois degrés dont le sommet cor- respond au niveau du sol intérieur. Le plan consiste en une cella préeédée d'un pronaos plus large qu'elle, distyle in antis, ouvrant au S-S-E. Lon- gueur totale env. 15 m. ; largeur de la cella 7,5 m., du pronaos 10,2 m. - état 2 : V'édifice se retrouve juché sur une longue terrasse haute de 1,3 m. ; In crépis ost supprimée ; le décrochement disparail entre le pro- naos et la cella, ce qui a pour effet d’agrandir celle-ci. - Pétat 3 (notre pl.) reprend le méme plan avec pour seule modifi- cation notable Vapparition de refends sur deux des facades (cf. ci-des- sous). La toiture était probablement en terrasse avec des antéfixes en bordure. Les limites du téménos ne sont pas précisément connues. ‘A chacun des états correspondant une ou deux sépultures enterrées sous le sol de la cella. Les tombes sont de deux types : sarco- phages en pierre (cuve parallélépipédique coiffée d’un couvercle a double pente), ou cercueils en bois placés eux-mémes dans des cuves magonnées en brique cuite couvertes en encorbellement, probablement par imitation des sarcophages. Les tombes étaient en outre enrobées dans des gaines de brique. Toutes avaient été pillées & exception d'une seule qui ne com- portait aucun mobilier funéraire (14). Celui-ci n’a certainement jamais été abondant dans les autres ; en tout cas seuls ont été retrouvés dans les débris du pillage des alabastres ayant servi & contenir des aromates. Le destinataire de la plus ancienne des tombes, la seule de état 1, est connu par une inscription greeque trouvée réemployée : il s’agit d'un certain Kinéas, en qui il faut trés certainement voir le fonda- tour de la cité (15) ; les occupants ultérieurs du mausolée doivent étre les membres de sa famille, selon l'usage grec. A la différence des autres, la tombe de Kinéas était munie d’un conduit @ libations et était donc pré- fondateur situé au coeur de la cité, mu _yue pour bénéficier du culte funéraire célébré dans la cella. On ne sait si 68 dispositif fut maintenu travers les réfections successives du mauso- Igo ;4 Vétat 3, des refends destinés a recevoir des offrandes sont ménagés © gans les murs extérieurs Nord et Ouest de la cella, ceux qui s’offraient & © Ja vue des visiteurs du palais. Datation : l'état 1 est daté du tout début du Ile s. par la paléographic de inscription dont il a été question (16) ; état 2 est du mier quart de ce siécle ; I’état 3 n’est pas précisément situé entre cette | date et Ia fin de la cité greeque (vers 147 av.n.a. (17) ). Commentaire : ce mausolée ne doit rien a I’Asie centrale, “sinon son matériau de construction. Les fouilleurs ont bien marqué qu'il rattachait & la tradition grecque par son principe méme : tombeau du i d’une salle de culte a libations ‘surmontant les sépultures ; grecs, aussi, sont le type des sarcophages, la menuiserie des cercueils, les alabastres. Le plan du premier état, en T renversé, est d'origine macédonienne ; on suit sa postérité jusqu’a ’épo- ‘que romaine dans V’architecture religieuse de la Syrie hellénisée (cf. réfé- + Tences op. cit., pp. 97-99), mais on ne lui en connait aucune autre en Asie centrale. H. 9 : Ai-khanoum, hérdon au caveau de pierre (pl. V, b) (rapports préliminaires : 1-Bernard 1975, pp. 180- 189 ; 1-Franefort/Liger 1976 (plus détaillé) ). Mausok’e familial situé A 140 m. au Nord du précédent et ‘occupant langle N-O d'un téménos de 110 x 80 m. env. sles deux témé- noi sont séparés par la chaussée E-O qui conduit du palais aux grands propylées sur rue. L’existence dun premier état architectural n’est connue que Par quelques éléments de colonnes en briques cuites trouvés réemployées. Le second a été retrouvé presque entiérement détruit au-dessus du sol intérieur par les pilleurs de matériaux, mais la restitution en est assurée dans Vensemble, L’édifice, dont le gros opuvre est en brique crue, est surélevé sur une terrasse haute de 1,5 m., qu’on restitue comme une exépis & trois degrés (18) portant une colonnade périptére ionique (en bois ou briques cuites ?). Le mausolée proprement dit mesure 21,5 m. en longueur, 12-m. en largeur, env. 6 m. en hauteur (restituée) ; ’aspect de la toiture n’est pas connu. L’espace intérieur est divisé entre un vesti- bule distyle in antis 4 colonnes de pierre ouvrant au S-E, et deux pigces en enfilade dont la seconde est peu profonde. Sous la pidce médiane se trouve un escalier auquel on accédait par un puits qu’on murait dans Vintervalle des inhumations ; il menait 4 un caveau rectangulaire (4,5 x 2,3 m.), vouté, entidrement appareillé de blocs de pierre. Dans celui-ci a été retrouvé un sarcophage de pierre scellé au dallage par du platre, et un moreeau d'un deuxiéme ; en sc basant. sur la place disponible et le nombre des squelettes on est amené & en restituer trois autres, réeupérés par les pillards. A la différence de ceux du mausolée de Kinéas les exem- plaires conservés ont un couvercle plat et non a double pente. Le mobilier funéraire subsistant ne comprend presque que des vases en céramique. L’état des squelettes appelle certaines observa- tions ; les membres ont été retrouvés épars mais encore en connexion anatomique, ce qui, dans un caveau ainsi bouleversé par les pillards, ne peut s’expliquer que dans I’hypothése ot les corps étaient embaumés. Par ailleurs quelques restes d’un sixiéme personnage se présentaient sous la forme de «petits éclats d’os de couleur verdatre, de cassure ancienne, retrouvés pour certains. dans de petites boulettes de matiére poreuse de Faspect et de la grosscur d'une figue» (Francfort/Liger, p. 34) (19). Du fait de l'encombrement du caveau, une derniére sépulture avait été ménagée dans le sous-sol de la piécé médiane sous forme d'une cuve magonnée en brique cuite ; elle contenait les restes d’une fillette qu’ac- compagnaient une poupée en os et un bijou en pierre. Enfin, deux inhu- mations avec un peu de matériel furent pratiquées dans les décombres aprés le pillage. L’état du monument ne permet pas de déterminer s°il exis- tait un dispositif a libations ouvrant dans la piéce du fond, mais la chose est probable, et le culte funéraire est en tout cas bien attesté par un autel placé au pied de l’escalier extérieur. Comme avant lui Kinéas, le premier destinataire du mausolée avait donc recu les honneurs de ’héroisation, sa famille gardant ensuite le privilége de partager avec lui la sépulture intra- muros. Datation : les deux états du mausolée sont datés par la céra- mique de la premiére moitié du IIe s, Commentaire : le monument lui-méme appelle-les mémes arques que Ie précédent, a cela pris qu’il est plus luxueux et que les jogies de plan sont a chercher & Pergame plutét qu’en Macédoine p. cit, p- 38, n. 4). La pratique de 'embaumement, si elle est attestée les Perses (20), n’était pas non plus inconnue des Grecs (id., p. 35, 1) ; mais la conservation de reliques enrobées n’a quant a elle aucun ralléle en Gréce, pas plus d’ailleurs qu’en Asie centrale & aucune riode. H. 10 : At-khanoum, mausolée de la nécropole hors- les-murs (pl. VI. a-b) (rapport préliminaire : 1-Bernard 1973, pp. 608-625). La nécropole proprement dite de la cité s'étendait au N-E, | non loin du pied de l'acropole ; observation de surface et la photo aé. rigane petmettent de repérer plusieurs emplacements de mausolées. Un } seul a été fouillé. Antérieurement @ sa construction s’étendaient a son. ‘emplacement un mur («état 1>), puis une construction rectangulaire («état 2»), qui ne faisaient probablement que délimiter des concessions | funéraires & ciel ouvert. Le mausolée qui les remplace subsiste jusqu’a la fin de la période grecque en ne subissant que-des réfections partielles, {«états IH, IVa, IVb»). II se présentait comme un batiment en brique crue, de for- me rectangulaire (9 x 6 m.), dont le sol intérieur était enterré d’env, 08 m. ; la partic visible, haute d’env. 2m., était couverte d'un toit plat ; Ventrée se faisait au milieu du long c6t6 Sud, par une porte encastrée. soulignée d'une bordure d’encadrement. Le seul élément connu du décor. extéricur était un parapet de merlons a degrés courant autour du toit Ql), détail qu’on ne rencontre sur aucun autre monument d’Aikha- noum. A T'intérieur, un couloir N-S large de 1,4 m. donnait accés de chaque cété a deux caveaux de 2,7 x 1,1 m., obstrués par des écrans de brique aprés chaque dépét de sépullure ; toutes ces parties étaient Yotttées de briques rayormantes, les caveaux jusqu’a une hauteur de 16 m.,le couloir jusqu’a 2,6 m. env. Ce mausolée abritait deux types de sépultures : 1) les caveaux $-O, S-E et N-E étaient remplis chacun d’une cuve en bri- ques cuites (parois en appareil régulier, couverture en briques triangulai- res de chant ou en briques normales formant toit a double pente) ; une quatriéme avait été aménagée dans le couloir. Elle était pillée ainsi que celle du caveau N-E ; les autres étaient intactes sous des hourrages de briques crues qui empliseaient les votites. Les squelettes étaient allongés sur le dos et accompagnés de quelques vases (dans un cas, d’unc boite fards en schiste, déja ébréchée au moment du dépét). 2) Ie caveau N-O contenait, prises dans un bourrage de briques crues, quatre jarres remplies d’ossements, dont trois inscrites 4 ’encre au nom du défunt. Une autre était englobée dans le mur extérieur. Le fouilleur émet Vopinion que ces jarres auraient servi & réinhumer les ossements des tombes détruites lors de la construction du mausolée. Toutefois deux faits, mentionnés dans le rapport, empéchent selon nous de considérer cette explication comme exclusive = 1) les jarres du caveau N-O étaient disposées en deux niveaux séparés par du bouchage (op. cit., p. 620). 2) la méme dualité des modes d’inhumation se retrouve dans les sépul- tures (immédiatement post-grecques, ou peut- d’Ai-khanoum - lesquels étaient vraisemblablement des habitants venus de la campagne environnante - avait conservé & cette oque un mode original de sépulture a décharnement qui remontait en ‘Bactriane & la période pré-grecque. Datation : 147-vers 120 av.n.é., dates maintenant assignées & i‘ensemble de I’) ot ° qui n'entrent pas directement dans le eadre de notre recherche, l'étude la plus fouillée a été donnée par S.P. Tolstov, 2-1962, pp. 136-204 (ef. en particulier le tableau typologique des plans p. 202). (4) Le soleil est selon Hérodote (1, 216) le seul dieu des Massagétes. Le motif de la croix inserite dans ui eercle doi partent des rayons est bien attestée dans la eéramique chorasmienne de cette époque, et notamment dans celle du niveau inférieur de Koj-Krylgan-kala (2-Rapoport 1971, fig. 13). (5) Voir pour les détails d’observation Tolstov/Vajnberg, op. cit., pp. 32, 35-37, 272.273. (6) On note quia la différence de l'autre il est doté d'un puits. Rapoport y voit la d'une conséeration A Amahita, ct par conséquent d'une destination de cette moitié du mausolée, ce qui nous parait hardi. (7) Une partie du matériel qui y avait brilé a été retrouvée sous des habitations construites & la premiére période entre la tour et I’enceinte extérieure. (8) Ainsi Tarchitecte M. $. Lapirov-Skoblo (in Tolstov/ Vajnberg, op. cit., pp. 306-09). Dans ea deuxiéme publication (1971, Joe. cit.) Rapoport, tout en argumentant son hypothise de la crémation, ne la considare plus comme la seu- Je possible. étage supérieur de la tour aura également pu serve & effoctuer des obsei- vations astronoiniques, selon une théorie qui nous paratt manquer d’indices directs mais qu’on trouvera amplement développée dans Ia publication (Tol- stov/ Vajnberg, pp. 251-264). "étai graphic i Ala pre- (9) Ils n’étaient pas en place stratigraphiquement, mais leur appartenance & ° mire période eat Gablie par critéres internes (pate, similitudes avec les autres spécimens de cette période, ef. ci-dessous H. 2, 3, 4). D0) Voir, a propos du ctemple rond» de Dally 3, les régerves de HP. Francfort, | in 2Bomard/Francfort 1979, p. 145. Le site de Zigatepe, d’époque gréco. bactrienne, alive un fragment d'inseription greeque & contenu religious (Page. Senkova, op. cit, p. 75) et méme plus précisément funéraire (renseignement communiqué par P, Bernard), mais elle provient du ramasaage de surfaco et ne suffit pas par conséquent a établir la destination primitive du monument, dont le centre n’a pas été fouillé. Relevé et coupe dans 2-Rapoport 1971, fig. 1. Rapoport (loc. cit.) w'exelut pas une hypothése alternative selon laquelle Iin- cendie de la maison serait survenu aprés le dépdt des vases contenant les osse- menti non brilés. L’état des os tel qu’il eat décrit rend trés invraisemblable une telle possibilité, La fouille s'est ieilimitée & reconnattre Vangle Sud du batiment (1-Vjazmitina 1953, figs. 5, 6, 7). Ke¥elenko quant & Ini (2-1977, pp. 69-70) rapproche.ce monument du temple de Bél 4 Palmyre, en prenant pour argument essenticl la position de Ventrée au milieu du long cdté, sans préciser qu’a Nisa ce tr n'est qu'une hypothése de Mme Paga¥enkova. La plus tardive, qui en fait pourrait étre immédiatemont post-grecque (op. cit., pp- 94-95). A la haute époque hellénistique te privilége de la sépulture intra-muros était réservé a Voikiste. La découverte d'un second mausolée dans la ville basse (cf. notice suiv.) ne remet pas en cause cette identification car il est d’ume époque plus tardive, Op. cit. p. 102, renvoyant a Ja publication de Vinsctiption par L. Robert (CRA.L 1968, pp. 416-457 ; repris dans Fouilles d’At-kkanoum, [, Paris 1973, pp. 207-237), Sur cette date maintenant assurée & un ou deux ans prés, cf. P. Bernard/Cl. Rapin in L-Bernard et al. 1980, pp. 24-27. Rien n’a été retrouvé des emmarchements, mais cotte restitution est plausible sion considére que tous les monuments religicux de Ia ville (mis & part le mausolée horsles-murs, pattiellement enterré) en étaient pourvus, au moins dans leur promier état. Nous les avons examinées & Kabul. Elles cemblent faites de poussiére d’os mé- ee de plitre (ce qui expliquerait que quelques-unes aient été vides 7) ; certaines contenaient une dent. (20) Hérodote I, 140 : «Les Peraés enduisent de cite Ia dépouille mortelle pour enfouir dons la terre» (a la différence des Mages qui pratiquent le décharne- ment). Miss Boyce (2-1975, p. L11, n. 16) suppose avee vraisemblance que ce jement s'applique en fait seulement aux sépultures aristocratiques. Non signalé dans le rapport, mais le morlon retrouvé & terre est porté sur le relevé (pl. V1, a). Pourquoi alors avoir logé une cuve supplémentaire dans le couloir ? L'objection est contournable si Yon suppose qu’a ce moment les caveaux contenaient des inhumationis trop fraiches pour qu’on piit les déplacer. Dont un nom théophore, Isidbra, qui offre le plus ancion témoignage de Ia dif- fusion de la religion isiaque en Asie centrale (Bernard, op. cit., p. 619). Nous en avons fait une présentation plus développée au 2¢ Congrés Interna: tional des Etudes Kouchanes (Kabul; Novembre 1978), & paraitre dans les ‘Actes. La publication détaillée des données de la fouille sera donnée avec celle du théatre. Nous insistons surtout ici sur les problémes d’interprétation, Machoires de mouton et de boeuf ; dents de cheval ; vertébres de chameau. Mascagétes (Hérodote, I, 216 ot Strabon, XT, 8, 6) ; Caspiens (Strabon, XT, 11, 8) ; Hyrcaniens (Cicéeon, Tusculanes, I, 45, 108, d'aprés Chrysippe qui éerivait au TiT8 s.av.n.) ; Seythes (Pline, Hist. nat., IV, 26 et Pomponius Mela, Cho- rogrs Ul, 5 : suicide des vieillards). Amien Marcellin signale chez les Alains la honte attachée a la mort par vieillesse (XXXI, 2; 22) ; chez les Ossdtes, descen- dants de ces deniers, G. Dumézil reléve des traces folkloriques qui «prolongent probablement des traditions liées 4 une pratique scythique et sarmate de la «liquidation des vieillards. »(2-1978, pp. 262 sq.). II faut enfin donner en dé- tails lo témiignage, rarement versé dans co débat, du chroniqueur byzantin ‘Agathias sur les armées sasanides du VI8 s. (II, 23, 4-5 :p. 78 de Véd. Cameron, cf. réf. en bibliographic) : «En ce qui concerne la masse des gens du commun, si étant & Parmée ils sont frappés d'une maladie grave, on les emméne 4 I'éeart alors qu’ils vivent et respirent encore. Lorsqu’un homme est exposé ainsi, il est pourva d’an quignon de pain, d'eau, et d'un biton. Tant qu’il est capable de goiiter a la nourriture et qu'il lui reste un peu de force, il tient & I’éeart avec son biton les animaux qui Pattaquent et effarouche les carnassiers. Mais si, avant que survienne la fin, le ‘mal le submerge au point qu’il ne puisse plus mouvoir les mains, ils dévorent le malheureux alors qu'il n’était qu’a moitié mort et commencait seulement & rendre I'ame, lui 6tant ainsi ses espoirs de survie. Car beaucoup, ayant entre temps recouveé leurs forces, retournent chez eux (...). Siun homme revient ain- si, chacun se détourne de Iai et le fuit, comme sil était maudit et encore au pouvoir des puissances infernales. Il n'est pas autorisé & reprendre sa vie d'autre- fois tant que la souillure de sa mort prévue n’a pas été purifiée par les Mages...» Ce texte, remarquablement paralléle A celui de Strabon sur Bactres («les hommes qui du fait de la vieillesse ot de Ia maladie n’avaient plus le courage de vivre, étaient jetés a des chiens...»), n’en est certainement pas un démarquage car la chronique d’Agathias ne révéle par ailleurs aucune trace de dépendance par rapport & cet auteur (ef. commentaire de Cameron, p. 75) ; bien au contrai- re, plusicurs détails du passage cité prouvent une information trés directe (céré- monic du ¢grand barasnom> & laquelle fait clairement allusion la dorniére phrase ; erainte obsessionnelle de la Drug Nasav désignée comme «les puissan- ces infernales»). Nous considérons done comme trés probable que ces pratiques .gérontocides survivaient encore au VI8 s, ches certains peuples iraniens enrOlés dans l'armée sasanide, doit elles sont yonnes & la connaissance des Byzantins. pratiques aiont pu y-étre tolérées par Padministration achéménide : cet argu- ment « perdu beaucoup de son poids maintenant qu'on connatt micux le earac- tare superficiel, presque uniquement stratégique et fiscal, qu’a revétu dans les satrapies orientales la domination perse. 1 Hansman/Stronach 1970a, pp. 41-49, fig. 8 en particulier. Ces sépultures col- lectives sont a ce jour celles qui offrent le plus d’analogies avec les ndtres. Cer- tains tas d’ossements étaient semble-til déposés dans des compartiments, d'au- tres sur le sol des pices, en vrac avec des ossements de mamtiféres de diverses espéces. Mais elles étaient accompagnées de monnaies, ce qui n'était pas le cas & Ai-khanoum (émissions parthes datées de 80-57 av.n.é.). CHAPITRE V LES SEPULTURES DE LA PERIODE K («kouchano-parthe>, fin Ilé s, av. n, @/déb, III8 s. d. n.@.) - CHORASMIE femarques préliminaires : critéres de la chronologie. A L'exception de deux cas d’ailleurs douteux, cette époque ‘a laissé en Chorasmie aucun batiment sépulcral. Le matériel funéraire -qu’on lui assigne n’a presque jamais été retrouvé in-situ avec les osce- ments. Il consiste en plusieurs types d’ostothéques (1) que nous allons britvement définir avant de passer a V'examen des exemplaires particu- fiers, avec leurs licux et conditions de trouvaille. 1) ostothéques anthropomorphes : le type en masque attesté Ala période précédente disparait. Le type en statue assise, masculine ou féminine, continue sa carriére. Un nouveau type masculin apparait, celui du cavalier. 2) ostothéques architecturales : un type en forme de tour «est attesté par quelques exemplaires. Ces types sont globalement situés dans les limites de cette Période sur la base de deux critéres : d'une part le terminus ante quem donné par la nécropole de Kalaly-gyr 1 (IMlé-déb. IV@ s. d.n. 6., ef. chap. suiv., S. 4) od plus aucun ne se retrouve, d’autre part la céramique d’ac- compagnement. Quant aux dates plus fines proposées occasionnellement Par Ju. A, Rapoport (qui sera ici notre principale source), elles ne le sont qu’ titre hypothétique étant donné l’imprécision de la chronologie de la éramique chorasmienne de cette époque. Nous allons maintenant examiner les trouvailles en classant les sites d’aprés leur nature. Tous sont situés dans la région proche de Koj-Krylgan kala sauf Mizdaxkan, Kubatau (?) et Ajbugir-kala, A) Nécropoles, K. 1: Burly-kala 3 (photo 3) (2 - Rapoport 1971, pp. 68-70, figs. 30 et 31) Nécropole rupestre située au Nord de la région de Koj-Kryl- gan-kala, sur la pente de la montagne du Sultan-Uiz-dag, Les sépultures étaient déposées dans des niches et cistes creusées dans le roc et aujour- d'hui trés érodées, de sorte que les réceptacles & os se présemtent cous forme de fragments jonchant la pente. Parmi ceux-ci deux ostothéques- statues, d’exécution soignée, relévent de notre période : + base d'un exemplaire féminin : ne subsiste qu'une partie du siege, arrondi (diam. 30 em.), avec un pied mouluré figuré par une applique ;le pied de la femme dépasse sous la bordure & volant de sa robe. - un exemplaire masculin fragmentaire, d'une taille un peu supérieure & Ia grandeur nature. L’homme est figuré assis en tailleur sur une base en forme de cousin ouvrant a V'arriére par un couvercle amovible et qui cénstitue l’ostothéque proprement dite. Le corps est vétu d’un drapé ;le visage. est assez bien conservé : nez busqué, coiffure en longues méches ondulées que on retrouve dans l'art parthe occidental (2). Datation : l’exemplaire féminin est considéré comme assez ancien (environ de notre ére ou avant 2), du fait qu’il rappelle 'exem- plaire masculin de la période préeédente (site IT. 2) par la forme cylindri- que de la base et les pieds de sidge en appliques ; ces traits disparaitront ensuite, En ce qui concerne l'exemplaire masculin les analogies stylisti- ques sont trop larges pour permettre de préciser sa datation. Cette nécropole n'a pas cessé d’étre utilisée jusqu’a Ia con- quéte islamique et nous la retrouverons aux chapitres suivants (8.7, M.2). (Voir aussi Compléments). K. 2: Kop Krylgan-kala, deuxiéme et troisiéme pério- des («horizons moyen et supérieur» — (pl. XXIX, e-d) (Rapport in 1-Tolstoy/Vajnberg 1967, pp. 240-243 ; repris dans 2-Rapoport 1971, pp. 64-66) ‘Aprés une période d’abandon consécutive a son pillage (au [Id «. av. n. @. 2), le monument est réoceupé en village, Des ostothéques alors déposées sur I’étage supérieur de la tour centrale, prés de l’es- jer Est ; on n’a retrouvé 1a en place que des exemplaires vides et frag- mentaires qu’on a pu partiéllement reconstituer avec les morceaux dis- ersés ailleurs sur le site. On a au total une dizaine de spécimens, de tail- les différentes mais figurant tous le méme type de femme assise (notre pl.) (3) : hauteur totale 70 cm. ; le siége est une simple cassette parallélé- “ pipédique (35 x 22 x 20 em.) ; le personnage se caractérise par ses han- ‘ches démesurément grosses ; le visage est rendu assez, schématiquement, ns diadéme, avec les cheveux ramenés derriére Voreille et coupés droit “au milieu de la nuque, sauf une large tresce plate qui tombe au milieu du dos. Les bras modelés en creux (ce qui n’était pas le cas a 'époque préci dente) étaient cassés ; Rapoport en restitue un ramené sur la poitrine, autre plié au coude et qui devait tenir quelque attribut (d’aprés un frag- ment trouvé sur un site voisin) ; la robe & volant s’étale sur le sige et est peut-étre recouverte d'un chéle ; certains détails devaient étre indiqués 4 la peinture, Le vase s’ouvre par une césure qui va des hanches aux genoux. Datation : La réoccupation du site s’%tend des environs de notre ére aux I-IV s. Théoriquement la nécropole pourrait aussi bien ire attribuée a la phase d’abandon qui préeéde, mais Rapoport -exclut cette hypothése'car le caractére évidemment stéréotypé des ostothéques traduit un fort loignement par rapport aux prototypes de l’époque an- cienne ; il propose de les dater des deux premiers siécles de notre ére (pas plus tard on raison du ferminus ante quem assuré pour tous ces types, voir ci-dessus). K. 3 : Bazar-kala (2 - Rapoport 1971, pp. 66-67, fig. 26) Ville contemporaine de Koj-Krylgan-kala, située a8 km. au NE de ce site, et dont a partir du Ier s, d. n. &, seule la citadelle reste oceupée, Les ostothéques, retrouvées en fragments, étaient a Vorigine placées sur Je rempart de celle-ci. Au moins 7 exemplaires ont été identi- fiés, mais aucun n’est reconstitué ; tous relévent du type en statue et sont figurés @ l’échelle des deux tiers. Le sexe est difficile a préciser ; trois visages incomplets ont été retrouvés, traités en finesse avec le menton saillant caractéristique du type physique chorasmien ; Rapoport les con- sidére comme féminins. Les bases parallélépipédiques ouvrent sur le coté par un couvercle amovible, Datation : non précisée. K.4 :Mizdaxkan (1 - Jagodin 1970, fig. 44, pp. 97 et 127). Voir supra, pp. 49-50, pour la présentation de ce site dont il sera surtout question par la suite. Hors stratigraphie ont été découverts des fragments d’ostothéques anthropomorphes peu caractérieés, l'un appartenant au type du cavalier (morceau du corps du cheval avec harna- chement) (4). Le niveau dont ils provenaient, et qu’on date de cette pé- riode, a été entiérement détruit par les sépultures postérieures. K.5 :Kuba-taw (1 - Guljamov 1961, pp. 95-96 ; 2 - Nil’sen 1966, p- 97 52 - Rapoport 1971, pp. 98-100 (le moins sommaire).) _ Nécropole dont 1a localisation exacte n’est pas précisée («Uzbékistan, oblast’ du Xorezm»). Elle occupe le sommet d'une colli- ne aux pentes escarpées qui se dresse au milieu d'une vallée aujourd hui déserte mais oi l’on repére des villages anciens. D’aprés les trouvailles de surface la nécropole ancienne, en partie recouverte par un cimetiére mu- sulman, formait deux complexes, lun 4 lextrémité Nord et l'autre a Vextrémité Sud de Ia colline. Seul le complexe Sud a fait objet d'un sondage. Il est enclos par deux murs paralléles en brique crue qu’on suit sur 35-m. de long et qui ne sont distants que de quelques m. ; cet espace porte un épais dallage de brique crue recouvert de torchis, dans lequel le long du mur Quest est ménagée une rigole ouverte (largeur 30 cm.) d’ot part vers 'Est une canalisation englobée dans les briques (5). La rigole et l’espace entre les murs contenaient un lit d’ossements humains «rongés»> (Guljamov, loc. cit.), par-dessus lequel se trouvaient des osse- ments semblables mais mélés a des fragments d’ostothéques ; certaines appartiennent au type en statue (Rapoport, loc. cit. ; non décrites), autres & des types plus tardifs (cf. infra, chap. VI, S. 8 et chap. VII, M. 3). ‘ Datation et probléme d’interprétation : 1a magonnerie décri- Sest-attribuée a cette période sur la base du format «antiques des bri ies (40 x 40 x 10). Sa fonction pose probléme. Du fait que la canalisa- yn. portait des traces de combustion, Rapoport propose d’y reconnaitre ¢ conduite d’air chaud (en restituant dessus une couverture), qui aurait vi des fumigations destinées 4 accélérer le décharnement des cada- fros. Plus que sur les données de la fouillc, cette hypothése s"appuie en sur un raire indique 4 lévidence qu’il était riche ; au hasard des rapports on trouve en effet mentionnés des clous, des armes (une épée, un poignard, des pointes de fléches), des terminaisons de courroies (provenant sans doute de ceintures), un miroir, une perle de collier, et surtout des orne- ments en or, présents dans trois des chambres : fils entortillés (en II-1), Me ties effilées ot rubans en spirale (en 1V-1), bractées (en IV-3 : lunules, jiles, acanthes, clochettes), pinces (non localisées). Datation : le seul indice direct est la présence dans la cham- TV-3 d'une monnaie en bronze du roi parthe Orode II (56-37 av. n. (18). Mme Pugatenkova considére le complexe des «chambres rouges» P laquelle appartient celle-ci comme le plus ancien, et date le complexe Nord des Tlé-déb. Ie s. d. n. é., sans donner a cela aucune justifica- yn (19). Nous avons vu plus haut (n. 16) que Mme Krateninikova dé- ontrait au contraire l’antériorité de ce complexe en s’appuyant sur des ments stratigraphiques, ce qui améne a resserrer la chronologie de ‘tout 'ensemble entre la fin du Ilé s. av. n. &. (date envisagée pour l’aban- lon du «temple») et la fin du Ier s. av. n. é. (date indiquée par la mon- aie pour la derniére phase attestée du complexe Sud). Une chambre aperque en coupe au-dessus de ce niveau indique peut-étre l'existence dune phase ultérioure (Kraeninikova, p. 122). Pour le reste, les structu- ‘res que nous avons dé sont directement surmontées par les niveaux islamiques qui ont pu en détruire de plus récentes ; on n’oubliera pas non plus que le secteur fouillé, moins de 300 m?, ne représente certainement qu'une faible partie de la nécropole. Probléme d’interprétation : pour Mme Pugatenkova: ces chambres étaient prévues «évidemment pour des sépultures selon le rite zoroastrien : non pas le cadavre, mais les os du défunt » (1958, p. 68). On ne voit pas sur quelles observations repose une telle affirmation, et de fait les autres fouilleurs se sont montrés beaucoup plus circonspects. Les chambres, par leurs dimensions, se préteraient A recevoir un ou méme plusieurs corps. La richesse du mobilier funéraire, évidente méme d’aprés les miettes qui en ont été retrouvées, contredit absolument les prescrip. tions zoroastriennes que nous avons examinées au chap. II et n’a d’équi- valent dans aucun des véritables naus d’Asie centrale. Les clous mention- nés pourraient attester Vexistence de cercueils. Que les défunts aient reposé habillés nous parait indiqué de maniére suffisante par la présence d’ééments de ceintures et de bractées: Ces derniéres fournissent un indi- ce grice auquel nous allons técher plus loin de préciser le champ des analogies (p. 215) ;contentons-nous pour Ie moment de la certitude quill ne s'agit pas de sépultures 4 décharnement et que Ie terme de naus est impropre a qualifier ces mausolées, Un probléme lié au précédent est celui des destinataires de cette nécropole. Us étaient évidemment riches ; Mme Pugatenkova parle de I’caristocratie parthe», Ne peut-on ticher'd’étre plus précis ? D1 se trouve que, cas unique en Asie centrale, nous possédons une source con- temporaine qui mentionne une nécropole a Nouvelle Nisa : les Stations Parthes d’Isidore de Charax, 12, signalent a propos de cette ville ses «tombes royales» (Bae Acxat T4p4%), Les fouilleurs connaissent bien entendu ce texte, mais 4 notre connaissance la question n'est nulle part clairement pose de savoir s'il s’applique ou non a la nécropole ~| quiils ont découverte. Nous serions quant & nous tentés de répondre par V'affirmative car ces mausolées occupaient de toute évidence dans la ville une place de choix, juchés comme ils l’étaient sur la banquette intérieure du rempart et attirant immédiatement lattention du visiteur qui fran- chissait a porte orientale par leur masse imposante et la couleur vive de leur revétement (20). B) Margiane (21) K. 13 : Munon-depe (pl. XLII, a) (1 - Ko¥elenko/Orazov 1965 (publication) ;2- Rap- | port 1971, fig. 21, p. 64 (donne une coupe de losto- théque architecturale qu’on ne trouve pas ailleurs). Site de oasis de Merv, a env. 35-km. a 1'0-N-O de la ville. A 600 m. au N-O du tépé (non fouillé %) a été dégagée une petite nécropole de caractére vraisemblablement familial, comprenant 1] sépultures en- fouies en pleine terre 40,8 m. sous la surface actuelle : + 3 jarres contenant des ossements (décharnés) - 7 coupes renversées chacune sur un petit tas d’os d’enfants. ~ 1 ostothéque architecturale en céramique, retrouvée en morceaux et in- complete. Elle est faite au tour (diam, 47 em.) et comportait & sa partie supérieure une espéce-de coupole dont on n’a que le départ, entourée a sa base d'un parapet A créneaux sommairement indiqués par des indenta- tions ; sous le parapet court une bande en relief soulignée par des inci- sions obliques qui probablement veulent figurer des corbeaux ; plus bas encore un registre d’archéres sagittales perce la paroi du vase. On ne sait comment se faisait ouverture, Le parapet porte un décor partie modelé, partie estampé, partie incisé, dans lequel les fouilleurs ont proposé avec de bons arguments de reconnaitre la figuration d'une danse funébre ffotre pl.) ; nous reviendrons sur ce point lorsque nous traiterons des Eeones de lamentation » (infra, p. 259). Et Le matériel qui accompagnait les.ossements était modeste ; fi couteau, un anneau, trois monnaies parthes en bronze. : Datation : les environs de notre ére, d’aprés les monnaies et Hs céramique. q K. 14 : Merv, nécropole, tépé n° 6 (1 - KoSelenko/Degjattikov 1966, p. 181) Nous avons donné plus haut (p. 51) les indications gé- mnérales sur l’implantation de cette nécropole urbaine et les conditions de on exploration. > Dans le cas présent on a affaire A un naus carré, monocellu- aire, de dimensions intérieures 2,5 x 2,5, muni d’une banquette le long lc son mur Est. Ni le mode de couverture ni Yemplacement de la porte j ne sont précisés. Le sol ct la banquette étaient jonchés de . Le matériel comprenait quelques perles de verroterie et des clochettes de bronze. Datation : «époque parthe», sans précision, K. 15 : Meru, nécropole, tépé n° 2, premiére phase (rapports de fouille : 1 - Obel’Zenko 1969 ; 1 - Susen- kova 1969. Interprétation générale ; 1 Masson 1969). Antéricurement a la construction des «nans> (cf. chap. suiv., S. 18) sont attestés sur ce site des sépultures ’ossements déchar- nés dans deux jarres de type semblable placées en pleine terre. L'une Welles (Susenkova, fig, 2) contenait les ossements d'un enfant, Pautre (Obel’¥enko, fig. 2) deux cranes et deux paires d’ossements de jambes adultes ; elle était bouchée par un morceau de brique. A cété se trou- vait une couche d’ossements disjoints qui passait sous la fondation de Tun des «naus» ; s'agit il du contenu de jarres détruites ? de nombreux fragments de telles jarres, vides dossements, ont été retrouvés a ce ni- veau. Datation : avec ces ossements.a été trouvée une monnaie < parthe {ardive>, Pour Obel'Yenko la forme des jarres renvoie a la méme époque, Pat comparaison avec les séries du quartier des artisans de Gjaur-kala , Pour Susenkova elle serait un peu plus tardive. K. 16 : Merv, nécropole, tépé n° 3, premiéres phases (pl. IX, a-b) (2 - Ko¥elenko 1966 b, pp. 88-90 (le moins sommai- re) ;du méme, 2 - 1977, pp. 74-75). Mausolée monocellulaire, presque carré (dim. ext. 9,5 x 9 m), juehé sur une plateforme en pisé haute de 1,5 m. ; il ouvre au Nord par un portail large de 1 m., voité et encadré par une bordure en relief que Vauteur restitue de forme earrée, Les murs ne sont conservés que sur 1 m. ; d’aprés les débris qu’on a retrouvés de la couverture celle- ci était voiitée et peut étre restituée soit en berceau, soit en coupole (c’est le parti qu’a finalement adopte l’auteur, pl. IX, b). Lrespace intérieur est carré (5 x 5 m.) et chacun des cdtés autres que celui de entrée comporte en son milieu une niche surélevée & arc (largeur env. 18 m., profondeur env. 0,9 m., d’aprés le plan, pl. IX,a). : Diaprés Vauteur le mausolée était initialement prévu pour abriter des ostothéques, mais c'est une pure conjecture ; en tout cas il a 6té retrouvé rempli de tombes A inhumations qui étaient magonnées en brique crue ou contenues dans de simples fosses creusées dans le sol ou sous les murs ; des corps étaient également déposés dans les niches. Par la suite d’autres fosses furent creusées a l'extérieur du mausolée, dans la plateforme. Ces inhumations ne respectent pas d’orientation particuliére ; il n'est pas fait mention de matériel d’accompagnement. Datation : la construction du mausolée est datée du IIe s. d. n, é, par des monnaies prises dans la magonnerie, C’est également a cette période que auteur attribue conjecturalement les phases d'utilisation que nous avons décrites (pour les suivantes, ef. chap. suiv., 8. 19). Problémes d'interprétation : aucun morceau d’ostothéque mest signalé & ce niveau, ce qui serait surprenant si l’édifice en avait abri- 46 dés sa premiére phase. Il nous parait trés probable que ce mausolée a 6té congu dés le départ pour abriter des corps entiers, sans doute ceux une famille, d’od les trois niches qui ont exactement la dimension du corps humain. Dans cette hypothése les phases ultérieures ne manifeste- raient pas un changement dans Je rituel funéraire mais «’expliqueraient plement par l'encombrement progreseif du mausolée, qui a obli jabord & utiliser la place disponible entre les niches puis & crewr he mbes au-dehors, * - BACTRIANE marques préliminaires. : A la cpériode des invasions», qui s’étend jusqu’a la cons- truction de l'état kouchan au Jer s. d. n. &., appartiennent en Bactriane gun certain nombre de grandes nécropoles dont le matériel, et notamment a céramique, manifeste des rapports étroits avec le milieu sédentaire, mais qui relévent encore entigrement de la tradition nomade par la struc- ture des tombes et Je mode d’inhumation (c'est ainsi que les hommes sont souvent accompagnés de leurs armes) (23). La plupart sont concen- ‘trées dans la vallée de Bitkent (affluent de droite du Kafirnigan), d'autres trouvent sur la rive Nord de l'Amu-darya (24). Tout récemment ont été découvertes, deux nécropoles plus petites, liées a des sites urbains ais appartenant elles aussi cette tradition nomade : 1) sur V'acropole d’Ai-khanoum, restée probablement peuplée a cette ‘€poque, des tombes contenant des inhumations avec armes, tout & fait semblables a celles du, Tadjikistan, avaient été construites en brique crue par les magons du lieu,’sur le modéle des cuves en brique cuite de la nécropole hors4es-murs (cf. chap. précédent, H. 10) (25). La technique ntomade de la fosse profonde a élargissement se retrouve par contre dans quelques modestes tombes creusées dans les décombres du gymnase de la ville basse (inédites). | 2) les tombes extraordinairement riches de Tilla-tépé, en Bactriane afgha- ne, sont celles d’une famille princiére probablement fixée depuis quel- ques générations dans Voasis d'Emii-tépé/Siberdjan ; Part de leurs bijoux ‘émoigne lui-méme d'une symbiose avancée’ entre les traditions de la steppe et celles de la Bactriane hellénisée, mais le rituel funéraire reste * fidéle aux origines nomades : les défunts sont inhumés avec toutes leurs bane dans des cercueils de bois oi is sont accompagnés d’offrandes Cos remarques étaient destinées montrer que, plus encore qu’en dautres régions et on d’autres périodes, la présence de populations nomades nouvellement arrivées avec leurs usages propres est en Bactriane kouchane un facteur qu’il ne faut pas perdre de vue. Leur intrusion ou our influence se Iaisse plus d'une fois soupgonner dans les nécropoles de tradition sédentaire que nous allons & présent examiner. A) Mansolées collectif’s K.17 :Dal’versintepe, «naus» (pl. VIL, a) (publication détaillée : 1-Pugaenkova/Rtveladze 1978, pp. 97-114.(rapport de fouille de E. Rtveladze) id., pp: 180, 190, 208-209 (remarques de Mme Puga- %enkova). C. r. critique :2-Bernard 1980, pp. 24-27). P. Bernard a donné de la publication de ce mausolée un résumé trés détaillé, et propos¢ une réinterprétation laquelle nous nous associons entiérement. Nous nous contenterons done ici d'un exposé assez bref et renvoyons son texte pour plus ample informé. Le mausolée se dresse sur le plateau & 300 m. au Nord du rempurt de cette ville greeque et kouchane ; les fouilleurs soupgonnent qu'il fait partie d'une nécropole. Il se présente comme un bitiment ‘maconné en brique crue et pakhsa alternés, presque carré (15 x 12,5 m.), juché sur une petite plateforme de paklsa ; sa hauteur n'est pas connue (sans doute supérieure & 2,5 m.) ; il était couvert d'un toit plat dont on n’a pas retrouvé d’élément de décor ; l'entrée se faisait au milieu du cété SSO mais elle est détruite, de sorte qu’on ne connait pas aspect du portail. L’agencement obéit au méme parti qu’au mausolée hors-les-murs d’Ai-khanoum : un couloir axial sur lequel donnent en vis-a-vis des cham- bres prévues pour la taille d'un individu (ici : 2,7 x 1,25 m., h. 1,7 m.), mais leur nombre est dédoublé : quatre au lieu de deux, et le couloir cen- tral est plus large (2,3 m.). Une autre différence réside dans la technique de construetion des voutes, ici en tranches inclinées (seules les entrées des chambres sur le couloir comportent des ares rayonnants). Les chambres 1 et 3 étaient partiellement détruites, mais les autres conservaient intact leur contenu derridre des 6erans de brique crue et de pakhsa. Les sépultures, comprenant au total une cinquantaine d’in- wvidus, s¢ présentaient sous deux formes différentes : corps entiers, ct ouches d’ossements démembrés appartenant A plusicurs squelettes in- foot nplets : elles formaient une superposition de niveaux, systématisée fpar Ie fouilleur en trois phases qui ne sont pas toutes représentées dans acune des chambres (Puga¥enkova/Rtveladze, figs. 71-72) i phase I (ch. 2, 4 et 5) : inhumations dans des fosses creusées dans le sol jdes chambres. Dans deux cas il s’agit de corps entiers (ch. 2 : la partie Fupéricure du corps est passée dans une jarre, les jambes dans une cuve ommaire en briques cuites ; ch. 4 ; le corps était dans un cercueil de bois (27)), dans un eas, ch. 3, ce sont les ossements démenbrés de deux orps qui oecupent la fosse tapissée de briques cuites. phase II (toutes les chambres sauf la 5) : ossements démembrés (jusqu’a 8 individus dans les ch, 2 et 4 ; deux couches dans les ch. 7 et 8). Dans la ‘ch. 6, oi1 cette phase est la seule attestée, les ossements sont protégés par une couche de fragments de jarres et de briques crues. Parfois se remar- quent quelques éléments de squclette en continuité anatomique. ~phase III (ch. 2, 4, 5, et 7) : & nouveau des corps entiers, déposés par- ; dessus le niveau précédent sans que soit creusée de nouvelle fosse. Dans certains cas (ch. 2 et 7) il s’agit de deux ou trois corps placés 'un sur Vautre, les sépultures les plus récontes endommageant les précédentes. A tous les niveaux existait un matériel abondant, en propor- tion avec le nombre des individus (28) : poteries domestiques (plusieurs par sépulture), lampes (avec traces d'utilisation), miroirs en bronze, et de nombreux objets de parure : colliers en pierres, en coquillages eten ver- roterie, épingles & cheyeux en os, bagues et bracelets en bronze ou fer. Les objets de métal précicux sont trés rares; ainsi que les monnaies. On ne note aucune arme. Dans le couloir, prés des entrées des chambres, ‘se remar- quent dans le sol de petits foyers remplis de charbons, voisinant avec des poteries. Les auteurs y voient, avec raison pensons-nous, les traces d'un culte funéraire (29). Datation : - la phase I est datée, par l’assemblage eéramique de la ch. 5, des Hé-Ter . av. n. é. ; 1a construction du mausolée remonte done soit a la fin de la période gréco-bactrienne, soit 4 la période des invasions. - la phase Il est datée, par la céramique également, des Ier s. av.n. &/ier } sd. n. & ;le nombre important des sépultures (une quarantaine) permet _| de supposer qu’elle a duré longtemps. - la phase III est attribuée aux Tlé-déb. Te s. d. n. &., sur la base d'une monnaie de Vasudeva ler trouvée dans la ch. 4. En tout état de cause & la période suivante le mausolée est désaffecté, ainsi qu’en témoigne dans le couloir un niveau de réoceupation domestique daté des TH&-IVe s. par ‘une monnaie dite «imitation de Vasudeva If». Problémes d’interprétation ; le point essentiel est de trouver une explication a laspect des sépultures de la phase IT. Pour les fouilleurs i s’agit d’ossements préalablement décharnés selon le rite zoroastrien (30), qui regnerait done dans le mausolée entre la phase I, od il n’est attesté que dans un caveau sur trois, et la phase III oi son abandon s'ex- pliquerait par Varrivée de nouvelles populations (31). P. Bernard, loc, cit., a démontré que les données de la fouille, minuticusement décrites et relevées dans le rapport, imposent en fait de voir dans ces ossements dé- membrés le simple produit de la décomposition sur place des cadavres, périodiquement remués et déplacés avec leur matériel lorsque Yon en ramenait q’autres, Parfois (ch. 4, phase Ill) les ossements des vieilles sé- pultures étaient regroupés dans certains caveaux pour faire place nette dans d'autres : c’est au fond le méme mode de fonctionnement que celui qu’on est amené & reconnaitre au mausolée hors-les-murs d’Ai-khanoum (chap. précédent, H. 10), a cette différence prés que dans ce dernier les | ossements déplacés étaient conservés dans des jarres individuelles et non pas jetés en vrac, Les observations sur l'état des ossements que Rtveladze _| invoque a l’appui de sa thése (caractére incomplet des squelettes, présen- ce d’éraflures sur certains) s’expliquent tout aussi bien dans ’hypothése de transferts peu soigneux ; celle-ci rend compte aussi de la rareté des objets précieux, probablement récupérés par les fossoyeurs lors de ces opérations. K. 18 : Tepai-Sax, les «naus» (pl. VU, b ; VII) (1 - Litvinskij 1976, pp. 76-84 (rapport préliminaire, sans illustrations) ; du méme, 1 - 1977 (version légére- ment abrégée du précédent, avec relevés et restitu- tions) (32). Groupe de mausolées situé en-dehors de cette petite ville datée d'entre Pépoque des invasions et la fin des Grands Kouchans, plus ément a 350 m. & ’Quest de son centre. Quatre tépés situés & quel- 5 dizaines de métres les uns des autres ont révélé a la fouille des cons- Actions funéraires F difice n° 4 : juché sur une plateforme ; élévation complétement détrui- fii..la destination funéraire se déduit de la présence d’ossements en sur- seule subsiste la porte (tournée vers le Sud) et un cété ; ace intérieur (4,1 x 3,6 m.) est oceupé au centre par une plateforme fli 20 cm.) ; ont été retrouvés quelques ossements épars avec du matériel. peut qu’on n’ait 14 qu'une partie d’une construction plus complexe. ifice n° 1 (pl. VEL) : mausolée mono-cellulaire, rectangulaire (7,6 x m.), juché sur une plateforme de pakksa (h. 0,45 m.) ; au milieu du fbng c6té Nord s’ouvre le portail, encadré d'une saillie légére, muni vers fintérieur d’un seuil de pierre a une marche descendante (33) oi se lit la firace d'une porte & deux battants. Aucun indice ne permet de déduire 'aspect de la couverture (34). L’espace intérieur (4,8 x 3,2 m.) est entou- de tous c6tés par une banquette (largeur 1 m., h. 0,4 m,), ajoutée japrés une premiére période d'utilisation de Uédifice. L’entrée était con- ‘damnéc par un mur de brique (on ne précise pas s'il a été retrouvé dé- bouché). A l'intérieur gisaient, complétement dispersés sur la banquette et le sol, les ossements de quelques individus (moins d'une dizaine ?) et env. 90 objets : clous, poteries, un miroir chinois d’époque Han, perles de verroteric et de faience, bracelets, boucles, épingles, 6 monnaies de bronze, et une statuette cultuelle de jeune homme nu. - édifice n° 2 (pl. VHT, 6) : mausolée rectangulaire un peu plus grand que lc préoédent (10 x 7,8 m.), dont les murs sont Iégérement en retrait par rapport 'é la plateforme de pakhsa sur laquelle il est juché (h..0,4 m.). La porte ouvre au milieu du long cété N-N.O ; elle est préoédée dune espéce de couloir extérieur large de prés de 3 m., dont la longueur totale, non conservée, était supérieure 4 2 m. ; des éléments de maconnerie retrouvés a terre laissent supposer qu’il était voiité (35). Le mode de couverture du mausolée proprement dit n’est pas connu, Contrairement a l’édifice n° 1, mais conformément au parti rencontré a Ai-khanoum et & Dal'verzin- tepe, l’espace intérieur se distribue en quatre chambres symétriquement disposées de part et d’autre d'un couloir (largeur 1,7 m.) ; la différence réside dans le fait que ces chambres, par leurs dimensions (2,2 x 2,1 m.), paraissent avoir été dés lorigine prévues pour contenir plus d'une sépul- ture chacune. Elles ne comportent aucun aménagement. Au moins l'une entre elles était murée. Elles ont été trouvées remplies ainsi que le cou-

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