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Revue Philosophique de Louvain

Gilles d'Orléans était-il averroïste?


Zdzislaw Kuksewicz

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Kuksewicz Zdzislaw. Gilles d'Orléans était-il averroïste?. In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, tome 88, n°77,
1990. pp. 5-24;

http://www.persee.fr/doc/phlou_0035-3841_1990_num_88_77_6611

Document généré le 25/05/2016


Résumé
Gilles d'Orléans est considéré généralement comme un averroïste. Or l'examen de ses Quaestiones
super De generatione infirme cette opinion: l'A. analyse les solutions proposées par Gilles aux
problèmes de l'éternité du monde dans le passé (et de la création), de l'intellect et du déterminisme;
dans aucun de ces cas Gilles ne défend des thèses averroïstes. En conclusion, on ne trouve dans ces
Quaestiones aucun des trois traits caractéristiques d'un texte averroïste: Averroès n'y apparaît pas
comme une source principale; les thèses typiques de l'averroïsme sont rejetées; les solutions sont
toujours respectueuses de l'orthodoxie chrétienne. Bref, Gilles n'est pas averroïste dans cet écrit.

Abstract
Giles of Orleans is generally considered to be an Averroist. However, an examination of his
Quaestiones super De generatione undermines this view: the A. analyses the solutions proposed by
Giles to the problems of the eternity of the world in the past (and of creation), and the problems of the
intellect and of determinism. Giles does not defend Averroist theses in any of these matters. In
conclusion none of the three characteristics of an Averroist text is to be found in these Quaestiones:
Averroes does not appear as a major source; the typical Averroist theses are rejected; the solutions
proposed always respect Christian orthodoxy. In other words, Giles is not an Averroist in this text.
(Transl. by J. Dudley).
Gilles d'Orléans était-il averroïste?

Gilles d'Orléans, maître parisien vers la fin du xme siècle, a été


introduit dans l'histoire de l'averroïsme latin par Martin Grabmann en
1928 et son appartenance à ce courant a été confirmée par le
P.Gauthier dans l'étude importante qu'il a consacrée, en 1948, à trois
commentaires averroïstes de Y Éthique. Doivent également être
mentionnés les travaux d'Anneliese Maier, comportant une brève analyse de la
conception que Gilles d'Orléans avait des éléments et du corps mixte,
ceux de J. Duin, qui a étudié le ms. Paris, Mazarine 3493 contenant
quelques œuvres de Gilles d'Orléans et ceux de M. Senko, qui a donné
un résumé de sa théorie de l'intellect, en se fondant sur les informations
fournies par Hervé de Nédelec. Le catalogue des œuvres de Gilles
d'Orléans comporte le Commentaire sur l'Éthique, les Quaestiones super
Meteora et les Quaestiones super De generatione 1 .
D'après les recherches des érudits que nous venons de mentionner,
quatre témoignages prouvent l'appartenance de Gilles d'Orléans au
courant averroïste: le De generatione, qui, selon Grabmann, comporte
des solutions averroïstes; le commentaire sur Y Éthique avec sa théorie

1 Cf. M. Grabmann, Die Aristoteleskommentatoren Adam von Bockfeld und Adam


von Bouchermefort (Vortrag am 10.XI.1934 an der Sitzung der philosophisch-historischen
Abteilung der Bayerischen Akademie der Wissenschaften); idem, Kaiser Friedrich II. und
sein Verhàltnis zur aristotelisch-arabischen Philosophie, dans International Historischer
Kongress, Oslo, 1928; idem, Der Einfluss Alberts des Grossen auf das mittelalterliche
Geistesleben, dans Zeitschrift fur Katholische Théologie, (52) 1928, pp. 153-182, 313-356;
idem, Studien ùber den Averroisten Taddeo da Parma (ca 1320), dans Mélanges Mandonnet,
Paris, 1930, II, 331-352; toutes ces études ont été développées et réimprimées dans
Mittelalterliches Geistesleben, II, Mûnchen, 1936. Pour des informations sur Gilles
d'Orléans, voir Mittelalterliches Geistesleben, II, pp. 114, 140, 146, 152, 181, 245, 246, 348.
Cf. A. Maier, An der Grenze von Scholastik und Naturwissenschaft, Roma, 1952, p. 98-100;
R. A. Gauthier, Trois commentaires 'averroïstes' sur l'Éthique à Nicomaque, dans Archives
d'histoire doctrinale et littéraire du moyen âge, 1948, pp. 222-334; J. Duin, La doctrine de la
Providence dans les écrits de Siger de Brabant, Louvain, 1954, pp. 157-167; W. Senko, A la
recherche d'un commentaire de Gilles d'Orléans sur le De anima, dans La filosofia délia
natura nel medioevo, Atti del terzo congresso internazionale di filosofia medioevale, Milano,
1966, p. 680-689. Pour le résumé de la conception averroïste de l'intellect, exposée par
Hervé de Nédelec dans ses Sentences, voir l'Appendice.
6 Zdzislaw Kuksewicz

du bonheur et de la magnanimité; deux écrits d'Hervé de Nédelec, les


Sentences (livre I) et le Quodlibet I, où est amplement critiquée une
théorie averroïste de l'intellect, attribuée à Gilles d'Orléans dans une
note marginale d'un manuscrit de Cracovie; enfin deux écrits — le
Quodlibet et les Sentences — de Durand de Saint-Pourçain, où la même
théorie est également attribuée à ce philosophe dans des notes de deux
manuscrits du Vatican. La conception du bonheur qu'avançait Gilles
d'Orléans est une conception aristotélicienne, admise également par
Averroès; on ne peut donc pas la considérer comme propre à l'aver-
roïsme latin. La théorie de l'intellect mentionnée par Durand de Saint-
Pourçain et contre laquelle argumente Hervé de Nédelec, représente un
monopsychisme rigoureux et appartient à l'orientation radicale de
l'averroïsme latin; mais on ne savait rien jusqu'ici sur les conceptions
averroïstes contenues dans le De generatione, puisque Grabmann n'a
donné aucune information précise sur les thèses défendues par
l'auteur2.
Un examen rapide du manuscrit qui contient le De generatione de
Gilles d'Orléans et a servi à Grabmann, éveille cependant des doutes
très sérieux quant à l'attribution de cet écrit au courant averroïste. Il
nous a donc paru important d'analyser ce commentaire, non seulement
pour contrôler le jugement du grand médiéviste, mais aussi pour nous
rendre compte des vues de Gilles d'Orléans sur la philosophie de la
nature. La philosophie de la nature embrasse, entre autres, les
problèmes de la création, de l'éternité du monde et du déterminisme, dont
l'analyse conduit les averroïstes à des solutions particulières. Nous
allons voir comment ces trois problèmes sont traités dans les Quaestio-
nes super De generatione de Gilles d'Orléans. Cette enquête permettra
d'élargir la connaissance de la philosophie de ce penseur parisien de la
fin du xme siècle et de vérifier s'il était bien un adhérent de l'averroïsme
latin.

* * *

2 Cf. Gauthier, Trois commentaires ..., pp. 222-224, 270-334; Senko, A la


recherche ..., p. 694-698. La remarque de Grabmann au sujet de l'averroïsme de Gilles
d'Orléans et de ses opinions dans le De generatione est la suivante: «Ich hatte in seinem
Kommentar zu De generatione et corruptione deutliche Spuren der averroistichen Rich-
tung feststellen kônnen» (Mittelalterliches Geistesleben, II, p. 246). Pour une brève
caractéristique de la théorie de l'intellect de Gilles d'Orléans voir aussi Z. Kuksewicz, De
Siger de Brabant à Jacques de Plaisance. La théorie de l'intellect chez les averroïstes latins
des XIII' et XIV siècles, Wroclaw, 1968, p. 100-101.
Gilles d'Orléans était-il averroïste? 7

Les Quaestiones super De gêner atione, dans leur version du ms. de


Paris, Bibl. Nat. lat. 15805 (ff. 32ra-36vb)3, comportent trente-deux
quaestiones, dont la plupart sont assez brèves. La lecture, même rapide,
de cet écrit permet de se rendre compte d'un fait assez rare chez les
averroïstes latins: sur les trente-deux quaestiones, il n'y en a que deux
dont le corpus commence par une citation d'Averroès, la grande
majorité des autres débutant par une citation d'Aristote; quelques-unes ne
citent, au début, aucune autorité, et leur corpus commence par des
arguments avancés par l'auteur lui-même. En outre, les Quaestiones
comportent peu de citations d'Averroès: le nom du Commentateur
n'apparaît que rarement dans le texte de Gilles. L'averroïsme de ce
philosophe n'était donc peut-être pas aussi rigoureux que ne le pensait
Grabmann et que le laisseraient supposer les informations fournies par
Hervé de Nédelec. C'est pour trancher cette question que nous allons
examiner la solution des problèmes mentionnés ci-dessus.

L'éternité du monde
Trois quaestiones ont trait au problème de l'éternité du monde. La
première (q.26) analyse la thèse d'après laquelle une cause immuable
produit toujours le même effet. La deuxième (q. 29) traite du
mouvement éternel des corps célestes. La troisième (q. 30) étudie la génération.
D'après la tradition averroïste, les quaestiones qui proposaient des
thèses contraires à la foi étaient déterminées conformément aux vues
d'Aristote et d'Averroès, mais presque toujours les auteurs ajoutaient
une brève remarque assurant que la vérité est de côté de la foi. Compte
tenu de cette tradition, examinons la structure et le mode d'analyse
propres aux trois quaestiones mentionnées.
La q. 26, Utrum hoc est xerum quod idem manens idem semper et
simpliciter se habens natum est facere idem (ff. 35vb-36ra), est déterminée

3 On connaît cinq exemplaires manuscrits des Quaestiones super De generatione:


deux à Paris (Mazarine 3493, Bibl. Nat. lat. 15805) et trois à la Bibliothèque Vaticane
(Pal. lat. 1059, Vat.lat. 315, Vat. lat. 3061; le premier découvert par M. Grabmann, les
deux autres par A. Maier: cf. A. Maier, An der Grenze..., p. 98). Les manuscrits du
Vatican ne nous étant pas accessibles, nous n'avons pas pu les étudier. Les deux copies
parisiennes que nous avons comparées présentent deux rédactions des Quaestiones: non
seulement le texte de la Bibliothèque Mazarine comporte 55 quaestiones, tandis que le
texte de la Bibliothèque Nationale n'en a que 32, mais il n'y a que 15 quaestiones
communes aux deux manuscrits et elles ne sont même pas identiques. Les différentes
versions du De generatione de «Gilles d'Orléans font l'objet de nos études et nous espérons
en présenter sous peu les résultats.
8 Zdzislaw Kuksewicz

d'abord suivant Aristote : Oppositum vult Philosophus in litter a, ideo etc.


(f. 35vb). On y trouve des preuves en faveur de l'opinion d'Aristote, une
polémique d'Averroès contre Avicenne au sujet de l'origine des
Intelligences et des corps célestes, ainsi qu'une opinion aliquorum fondée sur
la solution d'Averroès. Mais cette determinatio dans l'esprit averroïste
n'occupe que la première partie du corpus. Ayant terminé cet exposé
averroïste, Gilles poursuit: Sed quia is ta opinio est erronea et contra
fidem et veritatem, ideo dicamus quod prima causa est agens producens et
causa effectiva omnium (f. 36ra). Il ne s'agit nullement d'une déclaration
brève et de pure forme, comme c'était le cas dans bien des écrits
averroïstes au xme ou au xive siècles. Gilles ne se contente pas de
déclarer que la vérité est du côté de la foi, mais il le prouve. De plus,
ayant terminé l'argumentation en faveur de la solution conforme à la
foi, il critique les deux preuves «selon Aristote» qui figurent dans
la première partie du corpus. On constate aussi que cette quaestio
ne comporte pas de réponses aux rationes principales. C'est normal,
puisque les rationes principales étaient dirigées contre la solution d'Aristote
et concordaient donc avec la solution finale admise par l'auteur.
La q. 29, Utrum latio vel revolutio coelestis vel coeli velprimi mobilis
sit aeterna vel perpétua (f. 36rb), est déterminée d'abord selon Aristote.
Elle commence par les mots suivants: In oppositum est Philosophus in
littera, qui vult quod alatio supracoelestis sit perpétua (f. 36rb). Mais déjà
la phrase suivante dit: Respondeo dicendo quod veritas stat in hoc, quia
alatio supracoelestis non est perpétua, immo motus coeli incepit esse, et
etiam mundus (ibidem). Ce n'est cependant qu'une brève déclaration,
une «remarque marginale», après laquelle Gilles continue de démontrer
la solution d'Aristote. Il termine toutefois le corpus en disant: Tamen
ista principia secundum fidem sunt falsa et dissolventur istae rationes
(f. 36rb). Les réponses aux rationes principales appuient la solution
d'Aristote (admise et prouvée dans le corpus), ce que l'auteur souligne
expressément: Sed Aristoteles sic solveret ad rationes in oppositum
(ibidem). Enfin, nouveau retournement, les responsiones ad rationes
principales étant terminées, Gilles apporte une série d'arguments dirigés
contre les preuves qui figurent dans le corpus et appuient la «solution
d'Aristote». Cette série d'arguments commence comme suit: Tamen
secundum fidem et secundum veritatem tenendum est quod alatio coelestis
non sit aeterna, immo incepit esse. Et tune per hoc solvuntur rationes
Aristotelis (ibidem).
La q. 30, Utrum generatio sit aeterna (ff. 36rb-36va), est nettement
Gilles d'Orléans était-il averroïste? 9

déterminée selon la foi: In oppositum est veritas, ideo etc. Dicendum


quod secundum fidem et veritatem generatio et corruptio incepit et etiam
cessât (f. 36va). Puis viennent deux preuves de la thèse de la foi et les
réponses aux rationes principales terminent la quaestio.
Cette analyse de la structure des trois quaestiones donne déjà une
idée de l'attitude critique de Gilles d'Orléans envers les solutions
averroïstes classiques, mais elle ne permet pas encore de nous rendre
compte de tous les problèmes discutés et des solutions proposées par
l'auteur. Ces problèmes se répartissent en quatre groupes: l'éternité du
ciel, l'éternité de la génération dans le monde sublunaire, le mode de la
«production» du monde par Dieu, la création ex nihilo.
Selon Aristote, dont l'opinion et l'argumentation sont, dans la
première partie de la quaestio 26, «à demi approuvées» par Gilles
d'Orléans, les Intelligences ne peuvent pas être engendrées. Le rôle de
l'agent qui les engendrerait consisterait à faire passer à l'acte ce qui
était en puissance. Or les Intelligences, en tant qu'actes purs, ne
comportent pas de potentialité et sont, par conséquent, éternelles.
D'ailleurs, la seule cause qui puisse les engendrer est la Cause première.
Mais, d'après Averroès, la Cause première est uniquement le principe
de leur mouvement, et non pas de leur existence. Cette argumentation,
qui figure dans la première partie du corpus, n'est cependant pas admise
par l'auteur. Dans la seconde partie, il rejette l'argument basé sur le
manque de potentialité dans les substances séparées. Il est vrai que ces
substances n'ont pas de potentialité passive fondée dans une matière
préexistante, mais il existe un agent qui a pu les produire. Par
conséquent, elles étaient dans la puissance causale de cet agent et elles ont
donc la potentia agentis. Dès lors les substances séparées peuvent être
causées ex nihilo et ne sont pas éternelles.
L'argument de Gilles lui a probablement été suggéré par le
raisonnement de S.Thomas dans le De aeternitate mundi concernant la
création des anges, mais la pensée de ce dernier est beaucoup plus
claire, car il n'attribue pas aux anges la potentia agentis. Il affirme
uniquement qu'une puissance passive (une matière précédant la
création) n'est pas nécessaire pour la création des anges. Voici d'abord
l'exposé de Gilles4.
Sed Commentator (...) videtur velle quod in substantiis separatis non
sit proventus nec consecutio neque actio, ita quod proprie in eis non est

4 Nous citons d'après Paris, Nat. lat. 15805.


10 Zdzislaw Kuksewicz

causa et causatum. (...) Et hoc probat sic: Quia si agens non facit aliud
nisi extrahit illud quod est in potentia ad actum, modo, quia in
substantiis separatis non est aliqua potentia passiva, quia sunt puri
actus, ideo etc. (f. 36ra).
Commentator vult quod prima causa sit solum causa efficiens motum,
et non est causa efficiens vel effectiva alicuius substantiae separatae,
quia ex quo substantiae separatae non possunt non esse, ideo ad hoc ut
sint, non indigent aliqua causa efficiente cum sint aetemae (Ibidem,
f. 36ra).
Gilles répond:
Cum enim dicit quod in substantiis separatis non est agens, quia agens
trahit illud quod est in potentia ad actum et in ipsis non est potentia,
dicendum quod in ipsis est aliqua potentia. Verum enim est quod in
ipsis non est aliqua potentia passiva quae fundetur in aliqua materia
praeiacente ex qua intelligentiae producuntur, et de tali potentia arguit
Commentator. Tamen in ipsis est potentia agentis, quia intelligentiae
antequam essent actu productae, erant in potentia productiva agentis,
et ita ibi est agens producens ipsas ex nihilo, ut iam ostensum est
(Ibidem).
La position défendue ici par Gilles est parfaitement orthodoxe : les
substances séparées sont créées par Dieu ex nihilo (c'est-à-dire sans
matière préexistante) ; elles préexistent donc dans la puissance du
Créateur. Mais pour mieux répondre à l'objection d'Averroès, Gilles emploie
une formule inexacte, comme si la puissance divine était «dans les
Intelligences»: in ipsis est potentia agentis. Il est clair que la puissance
divine n'est pas dans ses effets. De plus, c'est une puissance purement
active, alors qu'Averroès parle de puissance passive ou réceptive.
L'argument de S. Thomas se rapporte à une thèse un peu différente
de celle de Gilles d'Orléans: «Restât igitur videre utrum possibile sit
aliquid fieri quod semper fuerit». Thomas répond: «Primo modo posset
dici antequam angélus sit factus 'Non potest angélus fieri', quia non
preexistit ad eius esse aliqua potentia passiva, cum non sit factus ex
materia preiacente; tamen Deus poterat facere angelum, poterat etiam
facere ut angélus fieret, quia fecit et factus est» (De aeternitate mundi,
dans: Opera, Ed. Leonina, t. 43, p. 85, 30-35).
La q. 29, la seule déterminée d'abord d'après Aristote, offre un
exposé supplémentaire du problème de l'éternité des Intelligences. Selon
Aristote, non seulement les Intelligences, mais également les
mouvements des corps célestes sont éternels. La preuve de cette thèse s'appuie
sur l'impossibilité d'un changement dans la Cause première: si le
Gilles d'Orléans était-il averroïste? 11

premier mouvement n'était pas éternel, il serait engendré, et pour qu'il


soit engendré à un moment donné, la Cause première devrait changer
pour le mettre en branle; or la Cause première est éternelle et
immuable. La Cause première meut toujours, sans quoi elle devrait être
d'abord en puissance envers le mouvement et ensuite en acte. Par
conséquent, étant Cause première, elle devrait se faire passer elle-même
de puissance à acte. Or la réduction par soi-même de puissance à acte
est impossible. Cet exposé figure dans le corpus et doit donc être
considéré comme approuvé au moins provisoirement par l'auteur.
Cependant Gilles le rejette dans la seconde partie de sa quaestio, suite
aux réponses aux rationes principales5 , comme nous l'avons indiqué
plus haut.
Le problème discuté par Gilles dans la q. 30, déterminée «d'après
la foi», concerne le monde sublunaire, celui de la génération. Cette fois,
il n'inclut ni la thèse d'Aristote ni ses preuves dans le corpus quaestionis
(par quoi il semblerait les approuver); la solution aristotélicienne
n'apparaît que dans les rationes principales et dans une digression.
Selon Aristote, la génération prise dans sa totalité, c'est-à-dire dans la
totalité des générations particulières, est éternelle. Mais, cette opinion
est fausse, puisque secundum fidem et veritatem la génération et la
corruption ont commencé et finiront. La raison en est que les deux
principes de la génération, le principe efficient et le principe matériel,
sont causés. La preuve principale offerte par Gilles s'appuie sur la thèse
établie dans la quaestio 26: «les Intelligences et les corps célestes sont
causés». Si donc les corps célestes sont causés, leurs effets le sont
également. Or, d'après la théorie aristotélicienne, la génération et la
corruption dans le monde sublunaire sont causées par les mouvements
des corps célestes. Non seulement l'agent de la génération est causé; la
cause matérielle, à savoir la matière première, l'est également.
Voici l'opinion d'Aristote:
Verum est quod una generatio secundum Philosophum non est aeterna,
sed generatio est simpliciter aeterna {Ibidem, f. 36va).
La solution de Gilles d'Orléans:
Quia si mobile non fuit semper, neque motus; modo coelum, quod est
mobile, non fuit semper, immo incepit esse; ergo neque motus coeli fuit
semper, immo incepit esse, quia nihil fuit neque potest esse semper,
idest sine principio et fine, nisi Primum Principium {Ibidem).

5 Cf. Paris, Bibl. Nat. lat. 15080, f. 36rb.


12 Zdzislaw Kuksewicz

Item, si principium a quo incepit generatio erit novum, et generatio


débet esse nova. Modo illud principium materiale generationis est
novum, sicut materia prima {Ibidem).
D'après l'interprétation averroïste de la théorie d'Aristote, Dieu
ne connaît que lui-même, il n'intervient nullement dans le monde
sublunaire et ne peut causer une pluralité d'effets. Étant unique et
immuable, il ne cause que le mouvement du Premier Mobile et il le fait
en tant que désiré par ce Mobile et non pas en tant que cause efficiente.
La théologie présentait une autre doctrine: Dieu connaît tout, il peut
intervenir dans le monde, il peut causer une multitude d'effets sans se
servir des causes médiates, et il peut le faire de novo sans aucun
changement dans sa nature. Cette controverse fondamentale touchant
le mode «d'action» de la Cause première se reflète dans la quaestio 26:
Utrum hoc sit verum {quod idem manens idem semper et simpliciter se
habens natum est facer e idem).
L'argumentation d'Aristote rapportée dans la première partie du
corpus prouve que la Cause première, étant immuable, ne peut pas
produire une pluralité d'effets:
Oppositum vult Philosophus hic in littera, ideo etc. (...) Vult enim
probare quod prima alatio supracoelestis quae est uniformis non potest
esse causa generationis et corruptionis, quia generatio et corruptio sunt
plura et diversa, sed alatio supracoelestis est una et semper eodem
modo se habens (...) et sic hec propositio in agentibus naturalibus
habet veritatem. Cuius declaratio est, quia agens naturale agit sicut est,
sicut ignis agit igniendo {Ibidem, f. 35vb).
Bien que cette preuve ne concerne pas précisément Dieu, car agens
naturale désigne un agent dans le monde sublunaire, elle donne à Gilles
d'Orléans l'occasion de se prononcer sur le mode d'action de Dieu. Il
remarque que la thèse d'Aristote ne concerne que les agents naturels et
ne peut donc pas être appliquée à Dieu. Dieu agit par connaissance et
volonté — per intellectum et voluntatem — et il connaît une pluralité
sans aucun changement en lui-même; par conséquent il peut causer une
pluralité d'effets. De plus, il les cause d'une manière immédiate, sans
qu'il ait besoin de recourir à des causes intermédiaires. S'il est vrai que
les causes médiates peuvent produire des effets, la Cause première peut
d'autant plus les produire, puisque les causes médiates n'agissent qu'en
vertu de la Cause première.
La preuve de la première thèse figure dans la seconde partie du
corpus. La même, mais plus développée, se retrouve dans les rationes
principales. Voici cette seconde formulation:
Gilles d'Orléans était-il averroïste ? 13

Illud agens quod agit intelligendo et volendo, si potest intelligere plura


sine sui variatione et transmutatione, potest etiam producere plura
absque sui variatione et transmutatione; modo aliquod est taie agens
(...), sicut est prima causa; ergo ipsa absque sui variatione potest etiam
producere plura. (...) Minor etiam patet, scilicet quod primum agens
possit intelligere plura absque sui variatione, quia quidquid ipsum
intelligit, hoc intelligit per suam essentiam quae est invariabilis (Ibidem,
f. 35vb).
La preuve de la seconde thèse se trouve également parmi les
rationes principales et elle confirme l'opinion de Gilles présentée dans la
seconde partie du corpus:
Prima causa potest multa facere mediantibus causis secundis, ergo
multo fortius poterit multa facere per se et sine causis secundis et mediis
(...) Probatio consequentis quia omnis causa secunda virtutem per
quam agit accipit a causa prima, et prima causa potest esse sine causis
secundis (Ibidem, f. 35vb).
Dans les textes que nous avons analysés, Gilles se sert, en parlant
de «l'action» de Dieu sur le monde, des termes productio et effectus, en
s'inspirant de la tradition aristotélicienne. Mais l'idée fondamentale qui
sépare cette tradition de la foi chrétienne est celle de la création du
monde par Dieu. On peut donc espérer que, dès qu'il s'est décidé à
défendre la doctrine chrétienne contre Aristote, Gilles n'évitera pas de
prendre parti pour cette doctrine dans la solution de ce problème
fondamental. De fait, le terme creatio apparaît plusieurs fois dans les
deux quaestiones mentionnées ci-dessus, et — chose plus importante —
Gilles expose une preuve en faveur de la creatio ex nihilo, preuve fondée
sur la puissance infinie de Dieu. Si l'on considère deux termes éloignés
l'un de l'autre, la force qui cause l'acquisition du second terme à partir
du premier dépend de la distance qui les sépare : elle est proportionnelle
à cette distance. Si, par exemple, une grande chaleur est indispensable
pour chauffer un corps très froid, la chaleur nécessaire au
réchauffement d'un corps infiniment froid devrait être également infinie. Or la
distance entre ce qui existe et ce qui n'existe pas est infinie. Donc, pour
créer quelque chose ex nihilo, l'agent doit avoir une force infinie. Or la
puissance de Dieu est une virtus infinita. Par conséquent c'est lui qui
crée ex nihilo:
Quanto aliquid est minus calidum, tanto requiritur fortior virtus caloris
ad deducendum illud ad hoc quod sit actu calidum, et ideo si <in>
infinitum distet a calore, requireretur virtus infinita ad hoc ut fiat actu
calidum. (...); modo inter aliquid et nihil est distantia infinita; ergo
14 Zdzislaw Kuksewicz

nullum agens potest ex nihilo aliquid producere nisi sit virtutis infinitae.
Sed nulla intelligentia est virtutis infinitae. Ergo nulla potest ex nihilo
aliquid producere, sed hoc solum competit primae causae proprie
{Ibidem, f. 36ra).
Ce raisonnement, notons-le, ne prouve pas que le monde est
effectivement créé ex nihilo par Dieu. Il démontre plutôt que, «si le
monde est créé, il ne peut l'être que par Dieu»; de plus, cet argument se
sert d'une prémisse non prouvée en attribuant à Dieu une virtus infinita.
En admettant que le monde soit créé par Dieu, une question
difficile se pose: le monde a-t-il été créé ab aeterno ou dans le temps?
Thomas d'Aquin, comme on le sait, admettait la création «dans le
temps», mais considérait que cette thèse ne peut pas être prouvée d'une
manière rationnelle. Gilles d'Orléans, plus optimiste, est d'un autre avis.
Dans la quaestio 30, il pose le problème de la creatio de novo et le résout
sur le plan philosophique en discutant l'opinion opposée à la sienne.
D'après certains philosophes, dit-il, le monde est créé par Dieu, mais il
est créé «dans l'éternité», et ils donnent deux preuves: l'une démontre
la création du monde, l'autre la création ab aeterno. La première est
acceptée par notre auteur. Cette preuve est fondée sur l'impossibilité
d'une infinité de causes: il est donc nécessaire d'admettre la création
ex nihilo, et non pas une production à partir de quelque matière
préexistante. Remarquons toutefois que Gilles ne cite pas d'argument
de ces philosophes prouvant une création éternelle:
Unde etiam philosophi bene ponunt aliquid de novo creari a deo, idest
quod aliquid fiat non ex aliquo subiecto praesupposito, quia aliter esset
procedere in infinitum in materiis, quod est contra Philosophum, qui
vult in 2 Metaphysicae quod in nullo genere causarum sit procedere in
infinitum. (...) Et in hoc ipsi non diversificantur a lege nee a fide
nostra. Sed ipsi diversificantur a nobis in hoc, quia ipsi ponebant quod
illud taie, quod sic de novo est factum, esset aeternum et non de novo
factum {Ibidem, f. 36va).
La preuve principale de la création éternelle avancée par ces
philosophes est cependant citée par la suite et Gilles la réfute au moyen
d'une argumentation prouvant la création dans le temps. Cette preuve
rejetée par notre auteur dit ceci: la Cause première est la cause
suffisante de la création du monde, elle est éternelle et elle «n'attend»
aucun changement futur qui lui permette d'agir; par conséquent, son
effet existe ab aeterno, exactement comme existe la cause elle-même.
Selon Gilles, cependant, cette argumentation vaut uniquement pour les
Gilles d'Orléans était-il averroïste? 15

agents naturels de ce monde, mais pas pour Dieu. Déjà employé par
Siger de Brabant et Boèce de Dacie, l'argument principal de Gilles se
fonde sur le concept de «la forme de la volonté divine». Dieu agit, dit-il,
par sa volonté et par la «forme» de cette volonté. Or la forme de sa
volonté est que Dieu a voulu «de toute éternité» que le monde soit créé
à un moment donné. Par conséquent, le monde a été créé à un moment
donné sans aucun changement dans la volonté du Créateur, puisque
cette «décision» était depuis toujours la forme de sa volonté.
Sed quomodo solvetur ista ratio quia, existente causa sufficiente et ab
aeterno habente in se totum illud propter quod débet esse causa, ab
aeterno nihil expectante illius in futuro, videtur quod necessario débet
esse effectus istius causae ab aeterno. Modo deus est ab aeterno et est
causa sufficiens productionis mundi. Nefas enim esset dicere quod deus
est causa sufficiens creationis mundi, et tamen <non> haberet in se
totum illud ratione cuius débet esse talis causa, et nihil expectaret illius
in futuro. Ergo ab aeterno motum creavit, et mundum, et generatio-
nem. Et ista fuit ratio supra qua fundaverunt se philosophi.
Certe oportet negare istam propositionem, scilicet «existente causa»
etc., et hoc secundum fidem; et dicere quod haberet veritatem in
agentibus per naturam, sed in agentibus per voluntatem non habet
veritatem, quia agentia per voluntatem agunt secundum formam suae
voluntatis. Modo quia in ipso non est novum velle nec intelligere, voluit
ab aeterno quod mundus inciperet de novo esse ab ipso, et ideo de novo
creavit mundum absque aliqua voluntatis suae permutatione (Ibidem,
f.36va)6.

L'intellect
Le problème de l'intellect, problème classique pour l'averroïsme
latin, n'est pas étudié dans le De generatione. Cependant on y trouve, à
6 Boèce de Dacie donne, dans son De aeternitate mundi, l'argument suivant pour
l'éternité du monde: «Item, omnis effectus novus ante se requirit aliquam transmutationem
vel in agente suo, vel in subiecto ex quo fit, vel saltern illam quae est adventus horae in
qua agens, semper uno modo se habens, vult agere; ante mundum nulla potuit esse
transmutatio; ergo mundus non potest esse effectus novus» (Boetius de Dacia, De
aeternitate mundi, éd. G. Sajo, Berlin, 1964, p. 40, 226-230. Il cite ensuite un philosophe
sans le nommer, dont l'idée est la même que celle de Gilles d'Orléans: «Respondebit
aliquis quod immo mundus est factum novum, quia haec fuit forma voluntatis divinae ab
aeterno, ut mundum produceret in hora in qua factus est: ab antiqua enim voluntate
potest procedere effectus novus, et propter hoc non oportet quod contingat aliqua
transmutatio vel in voluntate vel in volente» {Ibidem, 40, 231-239). Ce philosophe est sans
doute son collègue Siger de Brabant, qui avait défendu cette position dans ses Quaestiones
in tertium de anima: cf. B. Bazân, Siger de Brabant. Quaestiones in tertium de anima. De
anima intellectiva. De aeternitate mundi (Philosophes médiévaux, XIII), Louvain, 1972,
pp. 6-7, 65-75. Dans la suite du traité, Boèce rejette, lui aussi, l'éternité du monde.
16 Zdzislaw Kuksewicz

ce sujet, une remarque intéressante, liée à la discussion sur l'éternité de


la génération. Gilles cite la doctrine d'un intellect unique pour l'espèce
humaine, et il l'attribue — dans un sens hypothétique toutefois — à
Aristote, sans mentionner Averroès. L'idée de l'intellect unique
considérée comme provenant d'Aristote ou découlant de ses principes, n'était
pas étrangère à la tradition de l'averroïsme latin, mais celui-ci la
rattachait toujours à Averroès. Cette remarque est intéressante encore
pour une autre raison: Gilles, qui n'hésitait jamais à rejeter les opinions
contraires à la foi, cite celle-ci sans la rejeter ni l'approuver. Comme
nous l'avons dit, la doctrine de l'intellect unique est liée, dans ce texte, à
celle de l'éternité du monde: si le monde était éternel, il y aurait une
infinité d'âmes humaines en acte. La réponse d'Aristote serait, dit
Gilles, la suivante: aucun homme n'a d'intellect en propre, puisque
l'intellect est unique et commun pour tous :
Verum est quod una generatio secundum Philosophum non est aeterna,
sed generatio est simpliciter aeterna, ergo tune oportuit infinitos
homines fore. Sed quilibet homo habuit intellectum suum et intellectus
hominis non corrumpitur post eius separationem a corpore. Ergo iam
essent infiniti intellectus, quod est inconveniens, quia inconveniens est
multitudinem infinitam esse actu. (...) Sed forte Philosophus diceret,
contra istam rationem, quod non quilibet homo habeat intellectum
proprium, immo unus intellectus numéro est in omnibus hominibus
(Paris, Bibl. Nat. lat. 15805, f.36va).

Nécessité — contingence — volonté

Dans son commentaire sur le De generatione Gilles d'Orléans


examine le problème de la nécessité sur le plan physique et il le lie au
rôle qu' Aristote attribue aux corps célestes. Tous les changements et
événements dans le monde sublunaire sont autant d'effets des
mouvements des corps célestes. Par conséquent on devrait admettre, pour ce
monde, la théorie de la nécessité universelle. Mais l'expérience
quotidienne nous révèle l'existence d'événements contingents. De plus, la foi
nous enseigne que l'homme jouit du libre arbitre de la volonté et que,
par conséquent, il ne peut être totalement soumis aux influences des
cieux. Ces problèmes font l'objet de la quaestio 31: Utrum redeuntibus
corporibus ad eundem situm supracoelestibus in quo sunt nunc, oporteat
istum mundum redire similem quantum ad omnes suas dispositiones.
L'analyse de la structure de cette quaestio montre qu'elle est déterminée,
non pas selon Aristote, mais selon la foi. Toutefois, une grande partie
Gilles d'Orléans était-il averroïste? 17

du corpus est consacrée à la conception d'Aristote, amplement


rapportée. Vient ensuite la solution qui, concordant avec l'enseignement de
la foi, est non seulement formulée, mais aussi prouvée. La structure de
cette quaestio est, au moins apparemment, semblable à celle de la
quaestio 26, où la première partie du corpus exposait aussi la solution
d'Aristote, tandis que la seconde la rejetait et prouvait la doctrine de la
foi. La différence entre ces deux quaestiones consiste toutefois
précisément en leurs structures: celle de la quaestio 26 donnait l'apparence
d'être déterminée d'après Aristote, puisque les rationes principales
s'opposent à sa solution, et le nom d'Aristote figure aussitôt après les mots
In oppositum, tandis que, dans la quaestio 31, les rationes principales
exposent la solution d'Aristote et son nom ne suit pas les mots In
oppositum est.
Gilles commence le corpus en faisant état de la doctrine
aristotélicienne relative à la nécessité dans le monde terrestre. Si l'on admet la
nécessité des événements dans le monde sublunaire comme conséquence
des mouvements des corps célestes, dit le Philosophe, on doit également
admettre que des situations identiques des corps célestes produiront des
événements identiques dans le monde sublunaire. Cependant Aristote
lui-même ne nie pas les événements contingents, ce qui met en doute la
thèse sur la nécessité universelle. Mais les partisans de la nécessité
expliquent les événements contingents en voyant en eux aussi un
résultat nécessaire, dû également aux corps célestes. Les événements
contingents, selon eux, sont l'effet ou d'une indisposition de la matière,
ou du concours accidentel des mouvements des corps célestes; or ce
sont les corps célestes qui disposent la matière de telle ou telle manière;
une indispositio mater iae est donc également l'effet des corps célestes.
Un concours inattendu des corps célestes ne produit pas d'événements
contingents, puisque, si un tel concours accidentel ou inattendu se
répète, les mêmes événements dans le monde sublunaire auront lieu: ils
seront, par conséquent, également nécessaires. Signalons ici que Siger
de Brabant avait déjà avancé cet argument, mais il rejetait l'opinion
admettant la nécessité des événements produits par accident et niait que
l'activité de l'âme intellective fût soumise aux corps célestes.
Voici l'exposé de Gilles:
Illa causa, qua posita vel qua redeunte et iterum posita, oportet ponere
eundem effectum, talis causa est necessaria respectu illius effectus. (...)
Ergo si, redeuntibus corporibus supracoelestibus ad eundem statum in
quo sunt nunc, oportet etiam ista inferiora redire similia quantum ad
18 Zdzislaw Kuksewicz

omnes eorum dispositiones, tune corpora supracoelestia essent causa


necessaria respectu illarum inferiorum, et per consequens ista inferiora
quantum ad omnes suas dispositiones producerentur necessario ab
ipsis. Quod est falsum, immo etiam secundum Philosophum aliqua
procedunt a corporibus supracoelestibus a casu. Quare etc. (Ibidem,
f. 36va).
Quare est hoc, quod, aliqua Stella redeunte, non redeunt eidem eius
effectus tales quales prius fuerint, certe hoc non est nisi propter duo:
quia aut hoc erit propter concursum alicuius stellae impedientis causam
in effectu suo, vel hoc est propter indispositionem materiae (Ibidem,
f. 36va).
Si fiat vel fit perfecta circulatio in corporibus supracoelestibus, et
redeant ad eundem statum vel situm in quo sunt nunc, tune aliqua
Stella non poterit impediri in effectu suo propter concursum eius cum
aliqua alia Stella, quia non esset aliqua alia Stella concurrens cum ista,
quae prius non erat concurrens cum eadem, quia praesupponimus
corpora supracoelestia omnino redire in eodem situ in quo sunt nunc.
Nee etiam potest impediri talis effectus propter indispositionem
materiae, quia omnis dispositio vel indispositio materiae est effectus alicuius
stellae (Ibidem, f. 36va"vb)7.
Cependant les événements contingents existent, affirme Gilles, qui
s'oppose à la doctrine de la nécessité. Sa solution secundum veritatem et
fidem catholicam est, par conséquent, différente de celle d'Aristote.
Premièrement, il y a des événements contingents causés par des agents
particuliers (agentia particularid), dont l'action régulière peut être empêchée
soit par un autre agent particulier, soit par l'indisposition de la matière.
Deuxièmement, il y a des êtres qui agissent par l'intellect et la volonté et
les corps célestes n'ont pas d'influence sur ces facultés immatérielles:
Ideo dicendum est secundum veritatem et fidem catholicam quod non
solum est attendendum ad diversitatem effectus quantum ad causas
inferiores, sed etiam ad agentia particularia. Modo dico quod, si
corpora supracoelestia redeant ad eundem situm in quo sunt nunc,
potest tamen esse diversitas in suis effectibus propter indispositionem
vel diversitatem agentium particularium, quia ista agentia particularia
poterunt impediri, et agentia naturalia agunt mediantibus agentibus
particularibus. (...) Et quia causa particularis potest impediri vel
propter agens contrarium, vel propter indispositionem materiae, ideo non

7 Dans la q. 21 du livre II de sa Physique, Siger de Brabant développe l'argument


suivant: «Ex his quattuor ad propositionem tune dico quod, redeuntibus omnibus
corporibus caeli ad situm et constellationem quam modo habent, redit etiam totus
mundus inferior ad omnia illa de necessitate quae nunc sunt in mundo inferiori sufficienter
ex eis». Cf. J.J. Duin, La doctrine de la Providence dans les écrits de Siger de Brabant,
Louvain, 1954, p. 54. Pour les autres arguments et la solution de Siger voir ibidem, pp. 54-57.
Gilles d'Orléans était-il averroïste? 19

oportet quod, corporibus supracoelestibus redeuntibus ad eundem situm


in quo sunt nunc, quod omnia ista inferiora redeant similia. Quia etiam
aliqua agunt ex libero arbitrio et ex voluntate et ex intellectu, non
oportet propter hoc quod tale agens per voluntatem et intellectum agat
eodem modo {Ibidem, f. 36vb).
Les défenseurs de la nécessité des événements causés par le
concours inattendu des corps célestes se servent du concept de
«concours accidentel». Il faut, dit Gilles, discerner le concours de
causes différentes unies par une cause supérieure, du concours
accidentel où une telle cause supérieure n'existe pas. C'est dans ce dernier cas
que les événements sont contingents. L'exemple (repris du texte d'Aristote)
dont se sert Gilles concerne cependant, non pas des événements
naturels, mais les activités de l'homme: Si un débiteur rencontre son
créancier au marché, ce «concours» est contingent puisqu'il peut être
l'effet de différentes causes de l'arrivée des deux hommes au marché:
p.ex. faire des achats, fuir un ennemi etc. :
Sed potest dici ad hoc quod talis concursus dicitur accidentalis quia
non habet unam causam per se unientem istum concursum, sed bene
potest ex diversis causis uniri. Sicut etiam concursus débitons cum
creditore in foro est accidentalis, quia ipse potest accidere ex multis
causis: quia potest esse quod unus obviabit alteri, vel quia ibat causa
vendendi vel emendi aliquid ad forum, vel quia fugiebat inimicum, vel
propter multas alias causas. Et si repetet idem pecuniam, hoc est per
accidens vel a casu, et non per se {Ibidem, f. 36vb).
Discutant le problème de la nécessité, Gilles ne donne pas du tout
l'impression d'accepter la thèse d'Aristote. Il l'expose amplement, mais
montre son inconsistance et dit ouvertement qu'il est très difficile de
comprendre la solution d'Aristote ayant trait aux actions de l'homme
agissant par volonté. On peut toutefois s'étonner de ce qu'il considère
la pensée d'Aristote à ce sujet comme obscure, puisqu'il dit lui-même
que, d'après Aristote, toute pensée et tout acte de la volonté des
hommes dépendent également des corps célestes:
Et valde difficile est videre quid sit de intentione Philosophi supra hoc
puncto vel de hac quaestione, quia omne novum et omne velle et
intelligere in istis inferioribus dependent a corporibus coelestibus secun-
dum Philosophum in pluribus locis {Ibidem, f. 36vb).

Conclusion
En revenant à la question posée dans le titre de la présente étude,
«Gilles d'Orléans était-il averroïste?», il importe de rappeler d'abord les
20 Zdzislaw Kuksewicz

traits caractéristiques d'un texte averroïste. Primo, l'averroïste considère


Averroès comme l'interprète fidèle d'Aristote; il tend à prouver et à
expliquer les solutions du Philosophe en se servant régulièrement du
texte d'Averroès. Secundo, l'averroïste admet quelques théories propres
à la philosophie d'Aristote et d'Averroès (ou d'Averroès seul), qui
contredisent l'enseignement de la foi et les démontre en se servant des
principes de ces deux maîtres. Les thèses les plus importantes sont les
suivantes: l'unicité de l'âme intellective humaine, l'éternité du monde, la
négation de la création ex nihilo et, chez certains philosophes, la
nécessité universelle. Tertio, tout en exposant des thèses contraires à la
foi, l'averroïste déclare que la vérité est du côté de la foi, mais il s'en
tient à cette déclaration verbale. Il ne prouve pas la «thèse de la vérité»,
il dit même assez souvent que la philosophie (ou la raison naturelle)
conduit d'une manière inéluctable à ces thèses contraires à la foi. C'est
pourquoi les averroïstes ont été traités d'adhérents à «la théorie de la
double vérité». Cette double attitude, envers la foi, d'une part, et envers
l'enseignement d'Aristote et d'Averroès, d'autre part, est à l'origine
de la structure particulière de leurs quaestiones, mentionnée au début
de notre étude: Toute quaestio exposant un problème résolu contre
l'enseignement de la foi était «déterminée» selon Aristote et Averroès,
et c'est le plus souvent à la fin du corpus (mais parfois dans un autre
endroit du texte) qu'était ajoutée une phrase déclarant la fidélité à la
foi. Aucun argument ne l'appuyait et les réponses aux rationes
principales, placées habituellement à la fin de la quaestio, confirmaient la
solution contraire à la foi.
Si l'on cherche dans les Quaestiones super De generatione ces trois
principaux traits d'un texte averroïste, on n'en trouve aucun. Le nom
d'Averroès n'apparaît que rarement chez Gilles d'Orléans et le
philosophe arabe n'est assurément pas l'une des autorités principales dans
ses exposés. Chose encore plus significative, Gilles rejette ouvertement
certaines thèses d'Averroès et critique ses arguments. Or une telle
pratique n'a jamais été constatée dans un écrit averroïste.
En ce qui concerne les thèses particulières aux averroïstes, Gilles
les rejette toutes (sauf l'unicité de l'intellect, mais cette thèse est
uniquement citée comme une réponse hypothétique d'Aristote et le
problème lui-même n'est pas étudié dans les Quaestiones): il rejette
l'éternité du monde et affirme sa création de novo; il prouve la création
ex nihilo par Dieu; il rejette la nécessité universelle et admet la libre
volonté en Dieu et en l'homme.
Gilles d'Orléans était-il averroïste ? 21

L'attitude caractéristique des averroïstes envers la foi est également


étrangère à Gilles d'Orléans: ses solutions concordent avec
l'enseignement de la foi et sont appuyées par des arguments; il les considère donc
comme démontrables sur le plan de la philosophie. En ce qui concerne
la structure de la quaestio, on y trouve quelque ressemblance avec
certains textes averroïstes, mais elle est très superficielle. Toutes les
quaestiones donnant lieu à un examen de solutions contraires à la foi,
sauf une seule, sont d'un bout à l'autre déterminées en accord avec
l'enseignement de la foi et l'on n'y trouve aucune des formules qui
faisaient accuser les averroïstes de professer la doctrine de la «double
vérité». Une seule quaestio fait exception: elle est déterminée d'après
Averroès et son corpus se termine par une «déclaration de foi»
purement formelle, tellement caractéristique des textes averroïstes.
Toutefois, comme nous l'avons vu, après les réponses aux rationes principales,
vient une série d'arguments qui prouvent la thèse conforme à la foi et
qui réfutent tous les arguments contraires figurant dans le corpus. Une
légère ressemblance avec le mode d'expression propre aux averroïstes se
trouve dans quelques quaestiones: p.ex. dans la quaestio 30, Gilles
commence le corpus en disant qu'il déterminera d'après la foi. Cette
manière de procéder rappelle celle des averroïstes. Les penseurs
orthodoxes ne s'exprimaient pas de cette manière, puisqu'ils avançaient et
démontraient des thèses philosophiques qu'ils jugeaient conformes à
l'enseignement de la foi.
Ces comparaisons entre les Quaestiones de Gilles d'Orléans et les
traits caractéristiques des textes averroïstes donnent lieu à la conclusion
suivante : les Quaestiones super De generatione de Gilles d'Orléans (dans
la rédaction connue par le manuscrit 15805 de la Bibliothèque
Nationale à Paris) ne sont pas une œuvre averroïste. Une légère influence des
textes averroïstes perce dans la construction d'une quaestio et dans le
mode d'expression de quelques autres. Dès lors, à l'époque où Gilles a
rédigé cet écrit, il n'était pas averroïste, bien qu'il ait un peu cédé à la
«rhétorique» averroïste.
Cependant les témoignages d'Hervé de Nédelec et de Durand de
Saint-Pourçain mentionnés au début de notre étude suggèrent que
Gilles était un averroïste8. Comment comprendre ces témoignages?
Hervé de Nédelec ou Durand de Saint-Pourçain ne mentionnent pas le
nom de Gilles d'Orléans; l'attribution à ce dernier d'opinions averroïstes

8 Cf. W.Senko, A la recherche..., pp. 694-696.


22 Zdzislaw Kuksewicz

est due aux lecteurs ou aux possesseurs des codices renfermant les
œuvres des deux théologiens9: on pourrait donc supposer une erreur de
la part de ces lecteurs ou possesseurs. Il faut toutefois admettre que le
témoignage de quatre notes marginales dans quatre codices différents
paraît plutôt digne de confiance.
Une autre possibilité serait que Gilles a rédigé ses Quaestiones super
De anima de telle manière qu'elles permettaient d'hésiter sur ses véritables
opinions. Si, par exemple, plusieurs quaestiones y étaient déterminées
d'après Averroès et si les réponses aux rationes principales de chacune
d'elles étaient suivies d'une section rejetant les preuves avancées
initialement, on a pu considérer Gilles comme un «crypto-averroïste». Une
telle rédaction des quaestiones dans son De anima perdu n'est pas à
exclure puisque, comme nous l'avons vu, le De generatione comporte
une quaestio rédigée exactement de cette manière. Cette manière de
procéder est d'ailleurs connue par quelques textes averroïstes datables
de la fin du xme siècle, donc de peu postérieurs à la condamnation
de 1277. Un commentaire anonyme au De anima (Paris, Bibl. Nat.,
lat. 16609) expose quelques problèmes «difficiles» à l'aide de
quaestiones parallèles portant le même titre, mais proposant des solutions
contradictoires : une quaestio donne la solution averroïste du problème,
l'autre la solution concordant avec la foi. Le commentaire sur Y Éthique
étudié par le P. Gauthier, dont l'incipit est Sicut dicit Tullius, offre
également des thèses averroïstes sur l'intellect ainsi que leur critique10.
La troisième hypothèse serait celle d'une évolution des idées chez
Gilles d'Orléans: il aurait été averroïste à une période de sa vie, et
aurait alors rédigé le De anima perdu que cite Hervé de Nédelec, tandis
qu'à une autre période — celle du De generatione — il ne l'aurait pas
été.
Il n'y a donc pas de réponse univoque à la question posée au début
de la présente étude. Il est certain qu'en rédigeant ses Quaestiones super
De generatione Gilles n'était pas averroïste; mais, pour juger toute
l'œuvre de ce philosophe, des recherches concernant ses autres écrits
sont indispensables. L'édition de son commentaire sur YÉthique sera
9 Cf. Z. Kuksewicz, Un commentaire «averroïste» anonyme sur le Traité de l'âme
d'Aristote, dans Revue philosophique de Louvain, 1964, p. 421-465; idem, De Siger de
Brabant à Jacques de Plaisance, pp. 99-100, 102-105, 109-110.
10 Une édition de YÉthique de Gilles d'Orléans paraîtra dans quelques années par
les soins de J. M. Korolec. Nous voulons aussi faire part aux érudits de nos recherches
concernant un commentaire sur la Physique (ms. Padoue, Antoniana 380), probablement
rédigé par Gilles d'Orléans.
Gilles d'Orléans était-il averroïste? 23

prête sous peu et on pourra voir si l'on y trouve des traces d'aver-
roïsme. Nos recherches sur les différentes rédactions du De generatione
pourront également contribuer à résoudre le problème d'une éventuelle
évolution de Gilles d'Orléans. Mais la contribution la plus importante à
la connaissance de sa pensée serait la découverte de ses Quaestiones
super De anima.

Appendice
Hervé de Nédelec donne, dans le livre II des Sentences (dist. 17,
q. 1), l'information suivante sur une opinion averroïste au sujet de
l'intellect. D'après W. Senko {A la recherche ..., p. 695), cette opinion
est également mentionnée dans le Quodlibet I d'Hervé de Nédelec. Dans
une note marginale du ms. Cracovie, Bibl. Jagell. 743 (f. 24vb), cette
opinion est attribuée à Gilles d'Orléans.
Quantum ad primum sciendum est quod Commentator posuit
animam intellectivam non esse formam corporis et tamen posuit cum
hoc quod homini conveniebat intelligere, et posuit unum intellectum
numéro omnium hominum, et tamen cum hoc secundum eum stabat
quod non oportet quod illud quod intelligit unus, etiam intelligat alius.
Hanc ergo opinionem volunt quidam moderni colorare. Primo
quantum ad hoc quod ipsi volunt ostendere quomodo potuit habere
colorem verbum Commentatoris, scilicet quod intellectus non esset
forma hominum, et tamen homo intelligeret.
Ad cuius evidentiam sciendum quod secundum eos substantia
spiritualis coniungitur per applicationem corpori, non secundum
contactum quantitatis et ab extra sicut corpus coniungitur corpori, sed
interiora corporis pénétrât, ita quod substantia spiritualis simul est cum
corpore cui applicatur.
Secundo sciendum est quod secundum eos formae intentionales,
sicut possunt esse plures numéro in eodem subiecto, ita potest esse una
numéro in pluribus subiectis, dummodo sint simul, quia in pluribus
subiectis distinctis situ non posset esse una forma intentionalis.
Ex istis duobus concludunt tertium, scilicet quod eadem forma
intentionalis potest esse in phantasmate et in intellectu, licet intellectus
non uniatur corpori ut forma, quia potest esse simul cum corpore, ita
quod species quae causatur a sensu, facta in actu, est sicut in subiecto
in phantasmate et in intellectu.
Et ulterius ponunt quod ilia species, prout est in intellectu, elicit
actum intelligendi. Ideo dicunt quod, quia a forma phantasmatis, quae
est etiam forma hominis, elicitur actus intelligendi in intellectu possibili,
ideo vere et proprie attribuitur homini quod intelligat. Et sic colorant
dictum Commentatoris quod scilicet ista possint stare, scilicet quod
intellectus non sit forma hominis, et tamen homo intelligat.
24 Zdzislaw Kuksewicz

Quantum autem ad hoc, scilicet quomodo possit esse unus intellec-


tus omnium hominum et tamen unus non intelligit quod intelligit alius,
colorant sic dictum Commentatoris. Dicunt enim quod substantia
spiritualis potest esse in pluribus simul et in quolibet tota, et in ordine
ad unum in quo ilia plura uniuntur. Et quia omnes homines uniuntur in
natura humana, quia participatione speciei omnes homines sunt unus
homo, ideo ille intellectus quern ponit Commentator potest esse in
omnibus hominibus et in quocumque totus.
Ulterius, secundum quod ille intellectus est in diversis hominibus,
species diversorum phantasmatum informant ipsum, ita quod ilia ex
parte intellectus quantum est de se habent unitatem, sed plurificantur
secundum diversitatem phantasmatum ; et ideo aliud intelligit secundum
quod unitur uni phantasmati, et aliud secundum quod unitur alii, ita
quod non communicatur homini nisi illud intelligere quod ei contingit
secundum quod unitur phantasmati illius hominis, et ideo non oportet
quod illud quod intelligit unus homo, intelligat alius. (Herv^us Nata-
lis, I Sent., d.42, q. 1, ed. Venetiis 1505, f. 22rb-23rb).

Miedzynarodowa 60-60 Zdzislaw Kuksewicz.


03-922 Warszawa
Pologne.

Résumé. — Gilles d'Orléans est considéré généralement comme un


averroïste. Or l'examen de ses Quaestiones super De generatione infirme
cette opinion: l'A. analyse les solutions proposées par Gilles aux
problèmes de l'éternité du monde dans le passé (et de la création), de
l'intellect et du déterminisme; dans aucun de ces cas Gilles ne défend
des thèses averroïstes. En conclusion, on ne trouve dans ces Quaestiones
aucun des trois traits caractéristiques d'un texte averroïste: Averroès
n'y apparaît pas comme une source principale; les thèses typiques de
l'averroïsme sont rejetées; les solutions sont toujours respectueuses de
l'orthodoxie chrétienne. Bref, Gilles n'est pas averroïste dans cet écrit.
Abstract. — Giles of Orleans is generally considered to be an
Averroist. However, an examination of his Quaestiones super De
generatione undermines this view: the A. analyses the solutions proposed by
Giles to the problems of the eternity of the world in the past (and of
creation), and the problems of the intellect and of determinism. Giles
does not defend Averroist theses in any of these matters. In conclusion
none of the three characteristics of an Averroist text is to be found in
these Quaestiones: Averroes does not appear as a major source; the
typical Averroist theses are rejected; the solutions proposed always
respect Christian orthodoxy. In other words, Giles is not an Averroist
in this text. (Transi, by J. Dudley).

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