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La méthode préconisée par Eusèbe donne donc d'excellents résultats, les dates
obtenues étant cohérentes entre elles, car elles proviennent de synchronismes datés par les
olympiades. De plus, le fait de partir du plus récent pour remonter au plus ancien est une
démarche scientifique. Par contre, le système des olympiades, le seul système fiable
disponible à cette époque, n'atteint pas la précision de l'astronomie et, de plus, il ne permet
pas de remonter de façon rigoureuse au delà de -776. La méthode utilisée pour déterminer
la chronologie israélite sera donc la suivante:
Partir du plus récent pour remonter au plus ancien et ancrer chaque date sur des
synchronismes.
Choisir des synchronismes qui peuvent être datés dans plusieurs chronologies (au
moins deux) et qui peuvent être validés par l'astronomie. La date de la mort de Jésus,
par exemple, lors de l'éclipse de lune du vendredi 3 avril 33 (un vendredi 14 Nisan
d'une année jubilaire), servira de point de départ de la chronologie israélite.
similitudes entre quelques hymnes datant du pharaon Akhenaton-Aménophis IV, qui tenta de substituer à
la religion de l'Egypte un culte solaire et certains psaumes. A l'en croire, une telle analogie s'explique6.
Krauss7, un autre égyptologue faisant autorité, écrit: Deux articles parurent en 1937, l'un sous le
titre de “Moïse, un Égyptien”, l'autre sous celui de “Si Moïse était un Égyptien”. En 1939, quelques
mois avant sa mort à l'âge de 83 ans, Freud réunit, dans un livre intitulé L'Homme Moïse et la
religion monothéiste, les deux essais de 1937, augmentés d'un troisième, “Moïse, son peuple et la
religion monothéiste”, dans lequel il exposait une théorie psycho-religieuse touchant à la genèse du
monothéisme (…) De mon côté je ne puis, en tant que chercheur, qu'acquiescer à la conclusion de Freud.
Mais du point de vue historique, a-t-il touché juste en faisant de Moïse un Égyptien. Il répond ensuite à
sa propre question quand il identifie, grâce à la similitude des noms, Moïse au pharaon
Amon-masesa ainsi qu'à Masesaya le vice-roi de Nubie. Le fait que des égyptologues
réputés utilisent la psychanalyse freudienne pour appuyer leurs conclusions est très
étonnant quand on connaît les propos du célèbre psychanalyste Lacan8. Le second critère
de datation utilisé par les égyptologues provient de l'onomastique et des étymologies, mais
il n'est pas plus fiable.
L'Exode est généralement placé durant le règne du prestigieux Ramsès II. Ce choix
repose uniquement sur l'homonymie de ce pharaon avec la ville du même nom. Cette
assertion ne tient pas car l'homonymie n'est pas bonne. En effet, la ville s'appelle Ra‘amsés
(Exode 1:11) et non Pi-Ra‘msés et ensuite rien ne prouve qu'il y ait eu un lien entre cette
ville, qualifiée de ville-entrepôt selon le texte biblique et non de capitale, et le pharaon très
connu Ramsès II. Redford écrit: La Raamsès de la Bible et la capitale Pr R‘mśśw [Per-Ramsès],
excepté le nom propre, semblent ne rien avoir en commun. En l'absence complète d'indications corroborantes,
il est absolument essentiel d'être circonspect quant à assimiler les deux9. En fait, le nom de Ra‘amsés
ne désigne pas un pharaon mais une ville entrepôt: C'est ainsi qu'il bâtit pour Pharaon les villes
entrepôts de Pithom et de Ra‘amsés. Si le pharaon avait été Ramsès la lecture la plus logique
aurait été: C'est ainsi qu'il bâtit pour Ramsès les villes entrepôts de Pithom et celle de son nom. De plus,
la mention du nom d'un pharaon aurait constitué l'unique exception dans tout le
Pentateuque, car le premier pharaon nommé dans le texte biblique n'apparaît qu'à partir du
roi Salomon [Chéchanq Ier]. Le seul renseignement historique sur la localisation de la ville
6 N. WEILL in: journal Le Monde du 27/09/2001
7 R. KRAUSS – Moïse le pharaon
Monaco 2005 Éd. Rocher pp.14-19,113-158.
8 Lors d'une conférence prononcée à Bruxelles, le 26 février 1977, Lacan a précisé: Notre pratique est une escroquerie, bluffer, faire ciller les gens,
les éblouir avec des mots, c'est quand même ce qu'on appelle d'habitude du chiqué (…) Il s'agit de savoir si Freud est oui ou non un événement historique. Je crois
qu'il a raté son coup. C'est comme moi, dans très peu de temps, tout le monde s'en foutra de la psychanalyse.
C. MEYER, M. BORCH-JACOBSEN, J. COTTRAUX, D. PLEUX – Le livre noir de la psychanalyse
Saint-Amand-Montrond 2005 Éd. Les arènes p. 89.
9 D. REDFORD - Vestus Testamentum
de Ramsès10 est donné par Flavius Josèphe11, qui fait commencer l'Exode par la ville de
Létopolis (proche de Memphis) qui est sans lien notable avec Ramsès II. De même, le nom
qui apparaît dans l'expression “pays de Ramsès” désignait une région particulière à l'époque
de Joseph, le fils de Jacob (soit deux siècles avant Moïse), aussi appelée “pays de Goshèn”
(Genèse 45:10; 47:11), et non un pharaon précis. En fait, les termes égyptiens Ra "soleil" et
mes "engendré de" sont tous les deux très anciens, puisque le nom de naissance des
pharaons était toujours précédé de l'expression sa Ra‘ "fils du Soleil" dans leur titulature.
Lorsque ce titre était utilisé en nom propre, le nom du dieu était placé en antéposition
honorifique: Ra‘-mes "Ramsès" au lieu de mes-Ra‘ "Mésoré" désignant le dernier mois de
l'année égyptienne. L'expression "pays de Ramsès" pouvait être comprise comme "pays de
fils du Soleil [pharaon]". Vraisemblablement ce pays de Goshèn devait correspondre au 14e
nome de Basse Égypte, appelé "nome de l'Orient", car la ville de Tanis (et aussi celle
d'Avaris) en faisait partie selon le texte biblique12.
Vandersleyen objecte à juste titre qu'il n'y a aucune trace archéologique de l'Exode
sous Ramsès II13, ce qui entraîne une conclusion logique: l'Exode biblique serait une
histoire pieuse, écrite après coup, enjolivée pour la postérité14! En fait, cette conclusion était
prévisible en fonction des hypothèses présupposées. Krauss15 écrit, par exemple: Si l'on veut
retrouver le Moïse biblique dans l'histoire de l'Égypte ancienne, il convient dans tous les cas de chercher un
Égyptien ayant porté le même nom ou du moins un nom très proche et précise concernant la
chronologie: On sait que les écrits bibliques ne fournissent aucune réponse directe à la question de la
position chronologique de Moïse (sic). Il est certes dit, dans le premier livre des Rois, que Salomon a édifié le
Temple de Jérusalem 480 ans après la sortie d'Égypte, soit en l'an 4 de son règne (…) D'après les Rois, le
règne de Salomon a commencé vers ≈ 970; la sortie d'Égypte du peuple d'Israël ayant eu lieu 480 ans, la
4e année de son règne, Moïse aurait vécu vers ≈ 1450. Toutefois, d'après les listes généalogiques des prêtres,
incluses dans la Bible, cette date approximative devrait être avancée d'environ 200 ans, ce qui nous amène
aux alentours de ≈ 1250. Il va de soi que ces généalogies sacerdotales n'ont aucune authenticité historique,
mais ce point est sans conséquence dans le cadre de notre enquête. Il nous importe peu que ces documents
soient des inventions pieuses; l'essentiel est que Moïse y ait été situé à une époque déterminée. Le premier
livre des Chroniques, qui a probablement été rédigé vers ≈ 200 et ne donne nulle part l'impression de
toucher à la vérité historique, contient les généalogies. Pour résumer l'argumentation de Krauss
"d'après les écrits bibliques, Moïse aurait vécu vers ≈ 1450, mais selon des généalogies, sans
authenticité historique, la date qu'il conviendrait de retenir est située vers ≈ 1250, période
pendant laquelle il faut rechercher un nom égyptien proche de Moïse". Ce raisonnement,
bien qu'illogique, est adopté par beaucoup d'égyptologues et les avis de la célèbre
égyptologue Desroches Noblecourt16 sont représentatifs de l'ignorance de cette profession
en ce qui concerne la chronologie israélite. Elle écrit: Le nom biblique de la ville Ramsès peut
naturellement être rapproché de celui de Pi-Ramsès, pour la construction de laquelle on sait que furent
enrôlés les Apirous, avec les soldats du roi, à tirer les pierres vers le pylône du palais de Ramsès
II, et bien d'autres monuments. Le nom de Moïse, issu de Mosé (mès = enfant, mésy = mettre au
monde, etc.), constitue également la déviation du nom très égyptien dont la première partie est constituée d'un
nom divin Thotmès, Ramès, etc. Beaucoup d'Égyptiens, à la XIXe dynastie, portaient le nom de Mès (…)
Une impression se dégage maintenant d'elle même : il apparaît, après cette brève analyse, que le récit en
question est le résultat d'un brassage de faits indépendants les uns des autres, remontant à diverses époques
recueillis très tardivement et recouvrant probablement un événement très mineur, en tout cas aux yeux des
Égyptiens (…) Quant à D. Redford, il en est même arrivé à penser que les «historiographes bibliques» ne
connaissaient pas très bien l'histoire en général, et particulièrement la façon dont les Égyptiens gouvernaient
la Palestine. Il estime que la légende de l'Exode ne reflète pas la situation de l'Égypte des XVIIIe et XIXe
dynasties, mais plutôt la période de la XXVIe dynastie (…) Dans l'état actuel de nos connaissances, où
l'on ne peut mettre en regard la chronologie, pratiquement fiable, établie pour le règne de Ramsès, et celle du
récit biblique à ce jour inexistante, il paraît donc bien hasardeux de fixer l'Exode à une date précise. Les
quelques indices relevés permettraient de placer l'événement au début du règne de Ramsès II. Pour
résumer l'argumentation de Desroches Noblecourt: "la chronologie biblique est inexistante
(sic), mais le nom de Moïse qui est d'origine égyptienne sous la forme Mès apparaît surtout
durant la XIXe dynastie, ce qui permet de situer l'Exode probablement au début du règne
de Ramsès II". Cependant, comme le remarque Vandersleyen17: Tous ces calculs nous amènent
bien avant Ramsès II, et précisément au XVIe siècle. Sans doute la fiabilité de ces chronologies n'est pas
prouvée, mais elles sont écartées –alors qu'elles existent- parce qu'elles contredisent la datation basse de
l'Exode qui ne repose sur aucun document (…) Ne faudrait-il pas plutôt remonter l'Exode au XVIe
siècle? (…) On a noté que toutes les solutions proposées aux problèmes de l'Exode sont spéculatives et font
abstraction des rares données chiffrées conservées dans la Bible et dans Manéthon. Or la date donnée par
Manéthon –que l'Exode aurait eu lieu sous Amosis- est la seule qui soit vraiment précise (…) En somme,
quelles que soient les objections des exégètes d'aujourd'hui, il ne faut pas refuser a priori d'étudier le
problème de l'Exode en liaison avec l'expulsion des hyksos. Ces critiques sur la chronologie israélite
sont d'autant moins recevables quand on connaît les incertitudes de la chronologie
égyptienne. Certains égyptologues datent des batailles au jour près, comme celle de Qadesh
sous Ramsès II ou celle de Megiddo sous Thoutmosis III, donnant ainsi l'illusion d'une très
grande exactitude alors que chaque égyptologue possède en fait sa propre chronologie:
18 Exode 2:2-10.
19 Moïse devait vraisemblablement s'appeler "très beau, magnifique" à sa naissance, selon Exode 2:2, soit Apopi en hébreu (ce terme
apparaît, par exemple, en Jérémie 46:20). Selon le prêtre égyptien Manéthon, le dirigeant juif changea son nom égyptien, qui était
Osarseph (Aaousseré-Apopi) en Égypte, en celui de Moïse lorsqu'il arriva en Palestine (Contre Apion I:250).
20 A. STRUS - Nomen Omen
in: Analecta Biblica 80. Rome 1978 Éd. Biblical Institute Press pp. 82-89
21 Isaïe 63:11,12.
8 APPROCHE SCIENTIFIQUE D'UNE CHRONOLOGIE ABSOLUE
dans le nom Ra-mes-ès. Le texte biblique préservé la vocalisation égyptienne du mot mes
"né de [Ra]" dans le nom de Ra-mes-ès22, qui est donc différent du nom Mošèh. Si le nom
Moïse provenait de l'égyptien, le texte biblique l'aurait préservé sous sa forme exacte Mes,
ou l'aurait vraisemblablement hébraisé en Meš23.
En fait, l'hypothèse égyptienne du nom de Moïse est très ancienne puisque Flavius
écrivait déjà au 1er siècle: C'est d'après cet incident qu'il reçut ce nom, rappelant son immersion dans le
fleuve: les Égyptiens appellent l'eau môu et ceux qui sont sauvés ysès. Ils lui donnèrent donc ce nom,
composé de deux mots24. L'explication de Flavius Josèphe est cependant inexacte car, en
égyptien, ces mots auraient dû être mw-ḥsy "eau – favorisé (?)". Il est possible que
l'explication de Flavius Josèphe provienne du copte: môu-ouṣai "eau – sauver", mais cette
explication reste problématique car l'étymologie biblique relie ce nom au mot "tirer hors
de" et non à "sauver". Philon25 d'Alexandrie reliait aussi l'étymologie du nom de Moïse au
mot égyptien môu signifiant "eau", sans expliquer le sens de la partie finale du nom. De
toute façon, ces auteurs anciens sont d'accord pour vocaliser le début du nom de Moïse en
môu-se et non mes, et ils n'évoquent jamais un lien avec le mot égyptien mes "né de" alors que
Philon vivait en Égypte. La fille de pharaon a sans doute appelé le bébé Mousa (mw-s3) "fils
d'Eau26", nom qui fut ensuite (après le départ d'Égypte) hébraïsé en moshèh "tirant de", d'un
verbe hébreu très peu usité ("l'eau" est omise). Le seul critère scientifique pour authentifier
un fait historique reste l'établissement d'une chronologie ancrée sur des synchronismes
précis datés par des phénomènes astronomiques déterminés, car la datation par
l'onomastique et l'étymologie n'est possible que si elle est appuyée par ces synchronismes.
Les Israélites ayant été sous la domination successive des Égyptiens, des Assyriens,
des Babyloniens et des Perses, la chronologie israélite doit être évaluée par rapport aux
chronologies synchronisées de ces différents empires. N'étant pas fondées sur l'astronomie,
les chronologies non synchronisées ne peuvent être utilisées. Seule la chronologie
synchronisée permet une évaluation fiable. Les dates fixées par l'astronomie sont en
caractère gras et celles en italiques sont des estimations calculées à partir des
22 Genèse 47:11.
23 L'échange entre le s et le š est très fréquent (sans être élucidé). Par exemple, le nom égyptien Amen-mes est rendu par Aman-maša en
akkadien (lettre EA 113), et le célèbre Ra‘-messu (Ramsès) est rendu par Ria-mašeša (traité d'Hattušili avec Ramsès II).
24 Les Antiquités juives II:228.
25 De vita Mosis I:17.
26 Les noms liés au pharaon sont régis par l'antéposition honorifique. Par exemple, l'expression "comme Râ" est écrite Râ-mi "Râ
comme", le mot "roi" prononcé n(y)-sout s'écrit sout-n(y), l'expression sa-mou "fils d'eau" doit s'écrire mou-sa.
CHRONOLOGIE ISRAELITE SYNCHRONISEE 9
Ninurta-kudurri-uṣur I 989-986
Širiki-šuqamuna 986-985
Mâr-bîti-apla-uṣur 985-980 -972
Nabû-mukîn-apli 980-944 Aššur-rêš-iši II 972-967
Ninurta-kudurri-uṣurII 944-943 Tiglath-phalazar II 967-935
Mâr-bîti-ahhê-iddin 943- ? Aššur-dân II 935-912
Šamaš-mudammiq ? -900 Adad-nêrârî II 912-891
Nabû-šum-ukîn Ier 900-888 Tukultî-Ninurta II 891-884
Nabû-apla-iddina 888-855 Aššurnaṣirpal II 884-859
Marduk-zâkir-šumi Ier 855-819 Salmanazar III 859-824
Marduk-balâssu-iqbi 819-813 Šamšî-Adad V 824-811
Vice Roi assyrien Bâba-ah-iddina 813- ? Adad-nêrârî III 811-783
Tiglath-phalazar III 782 - 5 rois inconnus Salmanazar IV 783 -
Bar Ga’ah / Pul Ninurta-apla-[…]
Marduk-apla-uṣur ? -770 -773
Erîba-Marduk 770-761 Aššur-dân III 773-755
-746 Nabû-šum-iškun 761-748 Aššur-nêrârî V 755-745
Salmanazar V 740 - Nabû-naṣir 748-734 Tiglath-phalazar III 745 -
Nabû-nâdin-zêri 734-732
Nabû-šum-ukîn II 732-731
Nabû-mukîn-zêri 731-729
-727 Pûlu Tiglath-phalazar III 729-727 -727
Ulûlaiu Salmanazar V 727-722 Salmanazar V 727-722
Sennachérib 715 - Mérodachbaladan II 722-710 Sargon II 722 -
-705 Sargon II 710-705 -705
Sennachérib 705-703 Sennachérib 705 -
Marduk-zakir-šumi II 703
Bêl-ibni 703-700
Ardu-Mulissu 699 - Aššur-nâdin-šumi 700-694
Nergal-ušezib 694-693
-683 Mušezib-Marduk 693-689
Esarhaddon 683-680 Sennachérib 689-681 -681
Esarhaddon 681-669 Esarhaddon 680-669
Roi perse Šamaš-šum-ukîn 668-648 Aššurbanipal 669-627
Teispès 635 - Kandalânu 648-627 Aššur-etel-ilâni 630 -
Sin-šar-iškun 627 -626
Sin-šum-lišir 627 Sin-šum-lišir 626
-610 Nabopolassar 627 - Sin-šar-iškun 626-612
Cyrus Ier 610 - -605 Aššur-uballiṭ II 612-609
-585 Nabuchodonosor II 605 - fin de l'empire assyrien
Cambyse Ier 585 - -562
-559 Amêl-Marduk 562-560
Cyrus II 559 - Nériglissar 560-556
Lâbâši-Marduk 556
-539 Nabonide 556-539 Bel-šar-uṣur 553-539
Cyrus II 539-530 fin de l'empire babylonien
Cambyse II 530-522
1 ? 1580? -
14 Taa Séqenenrê 11 ans 1544?-05/1533
15 Kamosis Ouadjkhéperré 2 ans 11 mois 05/1533-03/1530
XVIIIe dynastie
1 Ahmosis 25 ans 4 mois 04/1530-07/1505
2 Amenhotep Ier 20 ans 7 mois 08/1505-02/1484
3 Thoutmosis Ier 12 ans 9 mois 02/1484-11/1472
4 Thoutmosis II 3 ans 08/1472-07/1469
[-Hatshepsout] [21 ans 9 mois] [08/1472-04/1450]
5 Thoutmosis III 53 ans 11 mois [08/1472-07/1469]
/[Amenhotep II] [2 ans 4 mois] [11/1420-03/1418]
6 Amenhotep II 25 ans 10 mois 04/1418-02/1392
7 Thoutmosis IV 9 ans 8 mois 02/1392-10/1383
8 Amenhotep III 37 ans 10 mois 10/1383-07/1345
/[Amenhotep IV] [11 ans 5 mois] [03/1356-07/1345]
Akhenaton 5 ans 2 mois 08/1345-10/1340
9 Semenkhkaré 1 an 4 mois 10/1340-02/1338
10 -Ankhkhépérouré 2 ans 1 mois 02/1338-03/1336
11 Toutankhamon 9 ans 8 mois 03/1336-10/1327
12 Aÿ 4 ans 1 mois 10/1327-11/1323
13 Horemheb I [ancien régent] 15 ans 11/1323-11/1308
Horemheb II [pharaon] 12 ans 2 mois 12/1308-01/1295
XIXe dynastie
1 Ramsès I er 1 an 4 mois 01/1295-05/1294
2 Séthy I er 11 ans 06/1294-06/1283
3 Ramsès II 67 ans 2 mois 06/1283-07/1216
4 Merenptah 9 ans 3 mois 08/1216-10/1207
5 Séthy II 5 ans 11/1207-10/1202
6 [Amenmès] [4 ans] [04/1206-03/1202]
7 Siptah 6 ans 11/1202-10/1196
Siptah-Taousert / [Setnakht] 1 an 4 mois 11/1196-02/1194
XXe dynastie
1 Sethnakht 3 ans 5 mois 11/1196-03/1192
2 Ramsès III 31 ans 1 mois 04/1192-04/1161
3 Ramsès IV 6 ans 8 mois 05/1161-12/1155
4 Ramsès V 3 ans 2 mois 01/1154-02/1151
5 Ramsès VI 7 ans 03/1151-02/1144
6 Ramsès VII 7 ans 1 mois 03/1144-03/1137
7 Ramsès VIII 3 mois ? 04/1137-06/1137
8 Ramsès IX 18 ans 4 mois 07/1137-10/1119
9 Ramsès X 2 ans 5 mois 11/1119-03/1116
10 Ramsès XI 26 ans 1 mois ? 04/1116-04/1090
XXIe dynastie
1 Smendès 26 ans 1090-1064
2 Amenemnésout 4 ans [1064-1060]
3 Psousennes Ier 46 ans 1064-1018
4 Aménémopé 9 ans 1018-1009
5 Osorkon l'Ancien 6 ans 1009-1003
6 Siamon 19 ans 1003 - 984
7 Psousennes II/III 14 ans 994-980
XXIIe dynastie
14 APPROCHE SCIENTIFIQUE D'UNE CHRONOLOGIE ABSOLUE
Chaque peuple du passé a utilisé son propre calendrier pour compter les années, les
mois et les jours. Les Israélites n'ont pas fait exception et ils ont même été particulièrement
soucieux de situer les événements précisément dans le temps comme le prouvent leurs
longues listes généalogiques et les mentions fréquentes des années de règne de leurs
dirigeants. Ils ont même considéré que la Torah fixait l'histoire et qu'il était par conséquent
inutile d'en écrire une autre, la seule exception étant le Seder Olam (écrit vers 160). Ce
dernier livre est un essai de reconstitution générale de la chronologie israélite. Mais celle-ci
est erronée, car elle déplace les règnes des rois perses d'environ 170 ans29, le début du règne
de Cyrus étant fixé en -369 et sa mort en -367. De même, la Septante (Bible des premiers
chrétiens) n'est vraiment utilisable qu'avec précautions, à cause de plusieurs incohérences
chronologiques, Mathusalem, par exemple, aurait survécu au Déluge de 14 ans (à la nage?).
27 J. ELAYI – An Updated Chronology of the Reigns of Phoenician Kings during the Persian Period (539-333 BCE)
in: Transeuphratène 32 (2006) pp. 11-43.
28 F. JOANNES - Dictionnaire de la civilisation mésopotamienne
Une chronologie scientifique doit répondre à deux critères élémentaires: 1) elle doit
être non contradictoire et 2) être en accord avec toutes les dates pivots fondées sur des
synchronismes historiques datés par l'astronomie. En utilisant ces critères, à l'exception de
l'astronomie, Thiele30 a reconstitué une chronologie israélite, il a montré les points suivants:
Les données bibliques permettent d'établir une chronologie complète jusqu'au règne de
Salomon (en fait, il est même possible de remonter jusqu'à Abraham).
Les règnes en Judée débutaient en Nisan avec une accession, mais les règnes en Israël
débutaient en Tishri sans accession, puis avec une accession à partir de Joram le fils
d'Achab. Flavius Josèphe31 le confirme, les Juifs utilisaient le comput à partir de Nisan
pour les activités religieuses et solennelles (royales) mais gardaient l'ancien comput à
partir de Tishri pour les activités commerciales.
Plusieurs synchronismes avec la chronologie assyrienne permettent de valider la
chronologie israélite.
Les chiffres massorétiques sont très fiables, les écarts avec le texte de la Septante ne
proviennent pas d'erreurs de copistes, mais de mauvais rétrocalculs effectués dans le
but de "corriger" la chronologie du texte hébreu, ainsi: Achab devint roi dans la "2e année de
Josaphat" [au lieu de la] 38e année d'Asa (...) Josaphat fils d'Asa devint roi sur Juda en la "11e
année d'Omri" [au lieu de la] 4e année d'Achab32, etc.
Bien que de nombreux synchronismes avec la chronologie assyrienne soient
satifaisants, Thiele les a malheureusement utilisés pour ancrer la chronologie israélite, sans
tenir compte de certaines corégences, ce qui a faussé ses calculs d'environ 45 ans. En fait, la
chronologie israélite imposait des corégences (Darius/Xerxès, Sargon/Sennachérib)33. De
plus, le texte biblique possède une triple chronologie (uniquement à partir d'Abraham)34: la
première est obtenue en additionnant les années de règne (ou de vie), la seconde est
obtenue en reliant certaines "périodes d'ancrage" qui récapitulent une durée globale entre
deux événements marquants35 et la troisième est obtenue en utilisant les quelques dates
jubilaires séparées par un intervalle multiple de 50 ans. La cohérence de dates obtenues par
ces trois systèmes indépendants en garantit indirectement la fiabilité.
30 E.R. THIELE – The Mysterious Numbers of the Hebrew Kings
Grand Rapids 1983 Ed. The Zondervan Corporation pp. 10,44-46,70,71,90,91.
31 Antiquités juives I:81.
32 1Rois 16:29; 22:41.
33 F. NOLEN JONES – The Chronology of the Old Testament
avant lui est différent selon le texte massorétique (M.T.), le Pentateuque samaritain, le texte de Flavius Josèphe et la Septante. Par
exemple, Arpakshad, Shélah, Héber, Péleg, Réu et Sérug (Genèse 11:10-26) ont tous vécu 100 ans de plus que dans le M.T. Le Qaïnân en
Luc 3:36, qui aurait vécu 130 ans selon la Septante manque dans le M.T., ce qui décale la chronologie de 130 ans!
35 Par exemple, peu avant la destruction de Jérusalem, soit en -593 (Ézéchiel 1:2), est indiquée une durée de 390 ans débouchant sur le
siège de Jérusalem (Ézéchiel 4:2-17) qui marquerait la fin d'une période schismatique (1Rois 12:19) ayant débuté à la mort de Salomon.
CHRONOLOGIE ISRAELITE SYNCHRONISEE 19
Les anciens calendriers mésopotamiens semblent initialement avoir été calés sur
l'équinoxe d'automne, ce premier mois marquant le renouvellement étant appelé Tishri
"commencement". Le texte biblique indique qu'à partir de l'Exode les années ne devaient
plus être comptées à partir de Tishri, mais à partir Nisan36 à l'équinoxe de printemps. Par
commodité, la chronologie israélite a été découpée en cinq périodes: 1) période patriarcale
(2038-1493), 2) période des juges (1493-1097), 3) période des rois (1097-609), 4) période du
second temple (609+133) et 5) période postdiluvienne (3170-2038). La reconstitution de la
chronologie israélite s'effectuera sur le modèle de la reconstitution des autres chronologies
synchronisées en s'appuyant sur des synchronismes datés par l'astronomie et en remontant
vers le passé, la mise en parallèle des règnes permettant de vérifier 1) le mode de comptage
de l'accession et 2) la validité des synchronismes entre les différents souverains:
Ce tableau se lit ainsi: mort de Salomon en septembre -977; son fils Roboam lui
succède sur le trône de Judée avec une accession (année 0), par contre, Jéroboam devient
roi d'Israël sans accession (année 1); début de la période de 390 ans en octobre -977 (qui se
termine en octobre -587). Selon les autres chronologies synchronisées, Salomon serait mort
dans la 4e année de Chéchanq Ier, un roi égyptien, dans la 3e année de Nabû-mukîn-apli, un
roi babylonien, et dans 36e année d'Aššur-reš-iši II, un roi assyrien.
La mise en parallèle des règnes de Juda et d'Israël permet aussi de détecter la
présence de corégences et de constater l'importance de la "légitimité" dans le décompte des
années de règne. La brève disparition des deux royaumes, en septembre -885, illustre la
36 Exode 12:2.
20 APPROCHE SCIENTIFIQUE D'UNE CHRONOLOGIE ABSOLUE
confusion. Le roi Ozias, par exemple, ayant été démis de ses charges à cause de l'usurpation
d'une fonction sacerdotale, le grand-prêtre Azariah40 le remplaça comme roi à partir de la
27e année de Jéroboam II41 (soit en -796, dans la 14e année du règne d'Ozias qui devenait
ainsi la 14e année d'Azariah)42. Le décompte des années de règne dépend aussi du point de
départ, par exemple, au début de l'an 6 de Jéhu, le jeune roi Joas avait été caché pendant 6
ans ce qui correspondait à la 7e année effective de Jéhu:
609 598 588 587 539 538 518 517 468 455 -18 29 33 133
a b c d e f g h i j k
31 11 10 1 70 49 13 483 4 100
70 46
18x50 50 50 9x50 50 2x50
40 2Chroniques 26:19-23.
41 2Rois 15:1,2.
42 Amasiah est roi en -839 et règne 29 ans, Ozias est donc roi en -810 et Jéroboam est roi en l'an 15 d'Amasiah, en -824 (2Rois 14:2,23).
22 APPROCHE SCIENTIFIQUE D'UNE CHRONOLOGIE ABSOLUE
a) La mort du roi Josias43 (4 ans avant la bataille de Karkemiš44 en -605) marque la fin du
royaume judéen autonome et légitime. Joachaz est ensuite intronisé par le peuple et ne
règne que 3 mois45. Le pharaon Nékao II intronise Joiaqim qui règne 11 ans46 et
Nabuchodonosor II intronise Sédécias qui règne 11 ans47 (jusqu'à la destruction du
Temple). La mort de Josias marque le début d'une période de 70 ans de domination
babylonienne48 sur toutes les nations qui commence avec le règne de Joiaqim49 (après la
bataille d'Harrân en -609) et qui se termine avec la destruction de Babylone en -539.
b) Lors de la 10e année de Sédécias50 un jubilé "pour proclamer la liberté" est délibérément
violé51 ce qui entraîne la destruction du Temple et une déportation à Babylone. La
libération associée à ce jubilé est reportée au jubilé suivant52 (50 ans après).
c) Destruction du Temple le 10e jour 5e mois de la 18e année de Nabuchodonosor53
(comput babylonien), soit en -587. Cette "dévastation du temple" devait durer 70 ans54.
d) Destruction de Babylone (en -539) et libération des exilés babyloniens la 1ère année de
Cyrus55 (en -538).
e) Fin des 70 ans de désolation (en -517) et fin de l'exil, début d'un nouveau cycle de
jubilés de 50 ans, à partir de la 4e année de Darius56 (en -518).
f) Premier jubilé célébré et daté de la 7e année d'Artaxerxès, car le texte d'Esdras
mentionne une exemption d'impôt et une libération de captifs57 pour cette année. Les
autorités juives reconnaissent d'ailleurs que le décompte des jubilés doit recommencer à
partir de cette date.
g) Début des 483 ans avant l'apparition du Messie, car selon Daniel58: Depuis la sortie de la
parole pour rétablir et pour rebâtir Jérusalem jusqu'à Messie principal il y aura 7 semaines [d'années]
puis 62 semaines [d'années ], soit un total de 483 ans [= 7x(62+7)]. Néhémie59 précise que
cet ordre de rétablir et rebâtir Jérusalem lui fut donné par Artaxerxès Ier dans la 20e
année de son règne. Selon ce calendrier, le Messie devait apparaître 483 ans après la 20e
année d'Artaxerxès, soit la 13e année (= 20 - 7) après le premier jubilé d'Esdras, daté de
43 2Rois 23:29.
44 Jérémie 46:2.
45 2Rois 23:31.
46 2Rois 23:34,36.
47 2Rois 24:17,18.
48 Jérémie 25:11,12. Le texte de Matthieu 1:11,17 situe le début de la captivité "de" Babylone (et non "à") après le règne de Josias.
49 Jérémie 27:1-7.
50 Jérémie 32:1.
51 Jérémie 34:8-11.
52 Jérémie 34:13-22.
53 Jérémie 52:12,13.
54 Daniel 9:2.
55 Esdras 1:1-4.
56 Zacharie 7:1-5.
57 Esdras 7:1,8,24; 8:35.
58 Daniel 9:25.
59 Néhémie 2:1,5,8.
CHRONOLOGIE ISRAELITE SYNCHRONISEE 23
la 7e année d'Artaxerxès. L'apparition du messie annoncé par Daniel se situe donc 4 ans
avant la fin du 11e jubilé. Eusèbe avait noté ce point dans sa Chronique et indiquait que
Jésus avait commencé à prêcher à partir de l'olympiade 202:1 (en 29), année
correspondant au 81e jubilé selon la tradition des Hébreux. Eusèbe datait le 71e jubilé
en 472/471 et notait qu'une durée de 500 ans, soit 10 jubilés, séparait ces deux dates60.
h) Un texte de Jean61 relate: Or la Pâque des Juifs étant proche, Jésus monta à Jérusalem (...) Les
Juifs dirent donc: "ce temple a été bâti en 46 ans, or Josèphe précise: Quand Hérode acheva la 17e
année de son règne, César vint en Syrie (...) Ce fut à cette époque, dans la 18e année de son règne, après
les événements mentionnés précédemment, qu'Hérode entreprit un travail extraordinaire: la
reconstruction du temple de Dieu à ses propres frais (...), mais le temple lui-même fut construit par les
prêtres en 1 an et 6 mois62. Dion Cassius63 situe le voyage d'Auguste en Syrie dans le
printemps de l'année, quand Marcus Apuleius et Publius Silius étaient consuls (en -20).
Josèphe compte les années de règne d'Hérode à partir de la prise de Jérusalem en -37,
et la 18e année (soit en -19) courait donc de Nisan -19 à Nisan -18. Selon ce comput, le
temple fut terminé au début de l'an -17, ce qui permet de placer le début du ministère
de Jésus 46 ans après, soit vers la fin de l'an 29 (pas d'année 0), et la première Pâque
vers le début de l'an 30.
i) Selon le texte de Luc64, Jésus apparaît comme Messie vers la fin de la 15e année de
Tibère (qui va du 19 août 28 au 18 août 29).
j) Selon Flavius Josèphe65, l'exécution de Jean le Baptiste est située l'année avant la mort
d'Hérode Philippe, la 20e année de Tibère (33/34). Retranchement du Messie "avec rien
pour lui" lors de la moitié de la dernière semaine66 [d'années], soit 3,5 ans (= 7/2) après
son apparition en 29. Selon le texte de Jean, il y eut 4 célébrations de la Pâque (de 30 à
33). La fête mentionnée en Jean 5:1 (ayant lieu vers le printemps selon sa place dans la
reconstitution chronologique67) peut désigner la fête de Nikanor68 qui avait lieu autour
de mars, un peu avant la Pâque (toujours nommée dans les Évangiles).
k) Des pièces69 émises lors de la révolte de Bar Korkhba marquent un jubilé en 133.
Selon les historiens70, la révolte de Bar Kokhba s'est déroulée sur une période, de
décembre 131 à septembre 135, durant laquelle les Juifs émirent deux pièces datées71, une
de l'an 1 pour la rédemption d'Israël (en 132) et une de l'an 2 pour la liberté d'Israël (en 133).
Selon Dion Cassius72, les Juifs se révoltèrent peu après le passage d'Hadrien, quand
celui-ci décida de transformer la ville de Jérusalem en colonia Aelia Capitolina, lors de sa
seconde visite (en août 131). Eusèbe, dans sa Chronique, date la répression de cette révolte
dans la 16e année d'Hadrien (année qui débute au 8 août), ce qui paraît correct puisque les
archives de la maison Babatha s'arrêtent au 19 août 132 (dernier document daté 14 jours
avant les calendes de Septembre, des consuls Gaius Serrius Augurinus et Publius Trebius
Sergianus)73. Selon Eusèbe74, la guerre atteignit son apogée la 18e année d'Hadrien (en 134).
Le dernier document daté de la révolte75, l'est du 21 Tishri de la 4e année de la libération
d'Israël, soit d'octobre 135. La 1ère année de la rédemption ( ) débute donc vers avril
132 et la 2e année de la liberté ( ) vers avril 133.
La guerre de Bar Kokhba fut conduite principalement pour réaliser une libération
religieuse plutôt qu'une révolte politique, pour au moins trois raisons: 1) les pièces émises
durant la révolte n'ont pas été datées de son règne, il n'y a pas de pièces de l'an 3 et 4 de
Simon76, 2) le Talmud de Jérusalem77 rapporte que le célèbre rabbin Aqiba appliquait à Bar
Kokhba la prophétie messianique de l'astre de Jacob (Nombres 24:17), le nom de Bar Kosiba
a d'ailleurs été changé en Bar Kokhba "fils de l'étoile" pour correspondre à la prophétie, et
3) la 1ère pièce émise commémore la "rédemption d'Israël", caractérisant le rachat de l'année
sabbatique. Un reçu évoque d'ailleurs cette année religieuse78: Le 20e de Shevat de l'an 2 de la
rédemption d'Israël par Shiméon ben Kosiba, le prince d'Israël (...) Cette terre je te l'ai loué à partir
d'aujourd'hui jusqu'à la fin de la veille de remise, qui sont des années pleines, années fiscales, 5, d'échéance,
que je te délivrerai à Hérodium. Le 20e de Shebat de l'an 2 (février 134) correspond à la fin de
l'année jubilaire. Le cycle sabbatique normal de 7 années comporte 6 années fiscales, mais
le 7e cycle sabbatique (du jubilé), par contre, ne comporte que 5 années fiscales.
72 Histoire romaine LXIX:11-15.
73 Y. YADIN – Guide to Biblical Coins
Jerusalem 1989 Ed. The Hebrew University of Jerusalem pp. 28-29,116-117.
74 Taanit 68d.
75 E. SCHÜRER – The History of the Jewish people in the age of Jesus Christ (175 B.C.-A.D. 135)
Tel Aviv 1982 Ed. Kol Printing Service Ltd pp. 200-227.
77 Histoire romaine LXIX:11-15.
78 J. FINEGAN - Handbook of Biblical Chronology
in: The Dead Sea Scrolls after Fifty years Vol. II. 1999 Leiden pp. 213-237.
86 De specialibus legibus II:110-117.
87 Antiquités juives III:281-283.
CHRONOLOGIE ISRAELITE SYNCHRONISEE 27
Après la révolte de Bar Kokhba les années sabbatiques restent comptées mais non les
années de libération (jubilaires), comme on peut le déduire des dates sur les pierres
88 Deutéronome 15:1,12; Lévitique 25:10.
89 Exode 23:16.
90 Exode 12:2.
91 J. FINEGAN - Handbook of Biblical Chronology
97 Y. WILFAND – Aramaic Tomstones from Zoar and Jewish Conceptions of the Afterlife
in: Journal for the Study of Judaism 40 (2009) pp. 510-539.
B.Z. WATCHOLDER - The Calendar of Sabbatical Cycles During the Second Temple and the Early Rabbinic Period
in: Hebrew Union College Annual 44 (1973) pp. 169-171, 182-183.
98 Taanith 29a.
99 Guerre des Juifs VI:4:5.
100 Sotah 7:8.
101 Luc 4:18.
102 Jean 6:1-10.
103 Marc 11:3.
104 Lévitique 25:13-16.
CHRONOLOGIE ISRAELITE SYNCHRONISEE 29
40/39 Selon Josèphe105, Hérode fut nommé roi par Rome (vers l'hiver 40/39)106 et
commença à assiéger Jérusalem au printemps d'une année sabbatique. Hérode conquit
cette ville en juillet -37, mais le printemps de l'année renvoie au début de cette
conquête, soit l'année 40/39, et non à sa victoire en -37.
133/132 Selon le livre des Maccabées, Simon descendit à Jéricho l'année 177, au 11e
mois qui est le mois de Shebat (février -134), puis fut tué avec ses deux fils par
Ptolémée107. Josèphe place cet événement au début du siège de Jéruslem par Antiochus
qui se déroula lors d'une année sabbatique108, événement qu'il date de la 162e olympiade
(à partir de juillet -132). Il semble que le siège de la ville s'étala de 133 à 132, l'année
sabbatique serait donc celle de 133/132.
161/160 Selon le livre des Maccabées109, le siège de Bethsour en l'an 150 de l'ère
séleucide, soit entre avril -162 et avril -161, tomba sur une année sabbatique. L'année
séleucide débutant en avril -311, l'année sabbatique est celle de 161/160, si on compte
de Tishri à Tishri.
333/332 Flavius Josèphe110 précise que lorsque Alexandre a assiégé Tyr il invita le grand
prêtre Yaddous à lui verser le tribut payé auparavant à Darius III. Yaddous lui
expliquant que c'était la 7e année (année sabbatique) les Juifs en furent exemptés. Le
siège de Tyr s'étant terminé autour de juin/ juillet -332111, commencé sept mois plus tôt
selon Josèphe, soit novembre/décembre -333, la 7e année devait commencer vers
mars/avril -333.
454/453 Le texte de Néhémie 10:31 mentionne une 7e année sabbatique qui semble
avoir eu lieu après la 20e année d'Artaxerxès (Néhémie 2:1) lorsque la reconstruction
des murailles de Jérusalem fut achevée et que la fête des Huttes du 7e mois fut observée
(Néhémie 8:14). Cette année sabbatique serait datée de la 21e année d'Artaxerxès.
468/467 Le texte d'Esdras112 mentionne une exemption d'impôt, datée de la 7e année
d'Artaxerxès, année associée à la libération des captifs. Les autorités juives 113
reconnaissent que le décompte des jubilés doit recommencer à partir de cette date.
Maimonide écrit dans son traité sur cette question: Avec Esdras la remise (shemitah)
105 Antiquités juives XIV:16:2-4.
106 C. SAULNIER - Histoire d'Israël
Paris 1985 Éd. Cerf p. 195.
107 1Maccabées 16:14-16.
108 Antiquités juives XIII:8:1,2.
109 1Maccabées 6:20,49.
110 Antiquités juives XI:8:4-5
111 M. SARTRE - D'Alexandrie à Zénobie. Histoire du Levant antique
in: Texte und Untersuchungen zur Geschichte der altchristlichen Literatur 121 (1977) pp. 92-95.
30 APPROCHE SCIENTIFIQUE D'UNE CHRONOLOGIE ABSOLUE
commença à être comptée et après 7 d'entre elles la 50e année était sanctifiée, même si le jubilé n'était
pas observé [dans l'économie mais pas dans la liturgie], ces années étaient néanmoins comptées afin de
pouvoir sanctifier la remise114.
518/517 Le cycle jubilaire étant lié à la joyeuse libération des captifs, il paraît logique de
faire coïncider le début de ce calendrier particulier avec cette libération, annoncée
comme imminente dans le texte de Zacharie, et accomplie sous la direction du grand
prêtre Yéshoua dans la 4e année de Darius115, soit en 518/517, après 70 ans de cessation
du culte116. Yéshoua semble réaliser la promesse d'Isaïe de "proclamer la liberté117".
Cette libération instituait un nouveau cycle de jubilés.
588/587 Jubilé non célébré, daté de la 10e année de Sédécias118. Il s'agit d'un jubilé selon
la prescription de "proclamer la liberté" (qui avait été violée) et il avait été précédé par
une année sabbatique "la 7e année119" lors de la 9e année de Sédécias120.
Bien que les autres jubilés n'aient pas été observés, ils sont attestés de deux façons:
soit par la phrase spécifique "proclamer la liberté" qui n'existait pas dans l'année sabbatique,
soit par la présence de deux années sabbatiques consécutives (pièces de Bar Kochba).
L'année sabbatique de 133 et celle de 161 sont séparées par 28 ans, soit 4 années
sabbatiques de 7 ans. L'année sabbatique de 333 et celle de 133 sont séparées par 200 ans
soit 4 années jubilaires de 50 ans. Un cycle jubilaire de 49 ans (même avec une erreur
maximale de 2 ans) ne peut s'appliquer, puisque l'écart de 200 ans = 28x7 + 4 ans. De
même l'année sabbatique de 40 et celle de 133 sont séparées par 172 ans (= 4x50 - 4x7), par
contre: 172 ans = 24x7 + 4 ans. L'écart de 4 ans est supérieur aux 2 ans d'erreurs possibles.
Les dates des jubilés se répartissent ainsi:
X = (N° Jubilé) 0 1 11 13 19
Y = (date) -517* (-467*) 33 133 433
Eusèbe avait déjà noté cette coïncidence dans sa Chronique. Selon cet ouvrage, Jésus
commença son ministère à partir de l'olympiade 202:1 (en 29), année qui correspondait au
81e jubilé selon la tradition des Hébreux. De plus, Eusèbe datait le 71e jubilé en 472/471, et
notait qu'une durée de 500 ans, soit 10 jubilés, séparait ces deux dates121. Même si les
attestations historiques des jubilés sont peu nombreuses, elles confirment que ce cycle
jubilaire était bien de 50 ans. Les attestations bibliques des jubilés sont elles aussi peu
nombreuses (car seulement comptés)122, mais donnent quelques repères chronologiques
importants. Le terme "la 7e année" caractérise l'année sabbatique et l'expression "année
pour proclamer la liberté" caractérise l'année jubilaire. Les changements de calendriers ont
encore compliqué ce comput jubilaire. En effet, entre 135 et 358 les Juifs adopteront
progressivement un calendrier lunaire fondé sur le calcul et non plus sur l'observation (et
les Chrétiens adopteront le calendrier julien qui est un calendrier solaire fondé sur le calcul).
L'année 133 sert donc à ancrer les années jubilaires. Ainsi, la mort de Jésus en 33
coïncide avec un jubilé. Selon le texte de Luc, Jésus a annoncé une libération des captifs123, or
cette libération (marquant l'année jubilaire) devait être plus grande que celle d'un jubilé
habituel124 et cette année de libération (la mission de Zorobabel préfigurait celle de Jésus)
est associée à la mort de Jésus125. En fait, la chronologie israélite repose sur ce calendrier
jubilaire de type "messianique126" supposant une succession régulière des années
sabbatiques et jubilaires. Ce calendrier, bien que très ancien, selon le texte biblique127, ne fut
que rarement appliqué. Ainsi, les 70 ans de déportation sont liés à l'inobservance de ces
années sabbatiques128. De même, la libération qui eut lieu après la destruction de Babylone
en -539, après les 70 ans de domination babylonienne (609-539), est associée à la prophétie
messianique des 70 semaines (ou années sabbatiques) du livre de Daniel.
Le cycle jubilaire est un système calendérique qui permet de dater la période
biblique allant de -538 à 133 sans recourir à une chronologie extérieure.
un Messie vers 33, selon Luc 3:1-15, puis de nouveau vers 133 avec Bar Kokhba, le "fils de l'Étoile". Il est aussi possible qu'Hérode le
Grand ait fait rebâtir le Temple, de -18 à -17, pour faire coïncider la restauration du Temple avec un jubilé.
123 Luc 4:18.
124 Jean 8:36
125 Romains 8:2
126 J.-F. LEFEBVRE - Le jubilé biblique
changera en ténèbres et la lune en sang, mais comme ces ténèbres durèrent 3 heures129 il ne s'agit
pas d'une éclipse de soleil, car celle-ci ne peut excéder une durée maximale de 7 minutes 30.
Plusieurs auteurs rapportent cet événement surprenant. Thallus, historien samaritain du 1er
siècle, déclare dans le troisième livre de ses Histoires (rapporté par Jules l'Africain130 vers 220
de notre ère): Dans le monde entier, une obscurité effrayante, par l'obscurcissement d'une éclipse de soleil,
se répandit et, par l'effet d'un tremblement de terre, des rochers se fendirent et de nombreux bouleversements
se produisirent en Judée et dans le reste de la terre. Phlégon de Tralles, un historien grec du 2e
siècle, donne une précision, rapportée par Eusèbe131: En la quatrième année de la CCIIe
olympiade, il y eut une éclipse de soleil, la plus grande que l'on eut jamais vue, et la nuit se fit à la sixième
heure du jour [midi], au point que les étoiles furent visibles dans le ciel. Et un grand tremblement de terre,
ressenti en Bithynie, causa de nombreux bouleversements à Nicée. La 4e année de la 202e olympiade
va de juillet 32 à juillet 33. Par contre, "le sang dans la lune" évoque une éclipse de lune qui
apparaît effectivement rouge-sang, ce qui est l'explication la plus naturelle du texte des
Actes132. L'historien romain Quinte-Curce133 commentant une éclipse de lune (vers 50 de
notre ère) écrit, par exemple: Vers la première veille, la lune, s'éclipsant, commença par dérober l'éclat
de son disque; puis, une sorte de voile de sang vint souiller sa lumière. Or il y eut effectivement une
éclipse partielle de lune le vendredi 3 avril 33 qui commença à 15h40, et fut visible à
Jérusalem de 17h50 à 18h30. La datation de Phlégon était considérée comme fiable à
l'époque, car Origène134 (en 248) l'a citée pour réfuter Celse, un philosophe grec très
critique à l'égard du christianisme et bien au fait de l'histoire. Eusèbe135 précise aussi dans sa
citation de Phlégon que Jésus avait commencé son ministère en l'an 15 de Tibère et qu'il
était mort en l'an 18 (soit au début de la 4e année de l'olympiade) après une période de: Pas
tout à fait 4 ans136. Jérôme, qui a édité la chronique d'Eusèbe, la considérait comme fiable.
Selon Irénée de Lyon137 ce sont les hérétiques qui propageaient (en 177) une durée de
seulement 1 an pour le ministère de Jésus. La mort de Jean le Baptiste tombant au début de
l'an 32 est confirmée par Flavius Josèphe138, qui précise que le meurtre de Jean le Baptiste
par Hérode Antipas avait entraîné une "vengeance divine": destruction de son armée par
Arétas, roi de Pétra, et mort de son frère Hérode Philippe qu'il date dans la 20e année de
Tibère (33/34). Deux éléments indirects fournis par les Évangiles permettent de confirmer
cette datation par l'astronomie. Le jour de la Pâque pouvait tomber sur n'importe quel jour
de la semaine, qui devenait un sabbat139. Si le sabbat du 15 Nisan coïncidait avec le sabbat
habituel du samedi, on parlait alors d'un "grand sabbat". Selon le texte de Jean140, Jésus fut
ressuscité le 1er jour de la semaine du système juif (dimanche). Jésus est donc mort le
vendredi 14 Nisan. Il est possible de calculer quel était le jour de la semaine correspondant
au 14 Nisan de notre calendrier. Or la seule année pour laquelle ce jour tombe un
vendredi141, sur la période allant de 29 à 35, est l'an 33 (le calendrier julien compte les jours
de minuit à minuit, alors que les Juifs les comptent à partir de la tombée de la nuit. La
Pâque du vendredi 14 Nisan débute donc après le coucher du soleil, vers 18 heures, la
période allant de 18 à 24 heures appartient au jeudi 2 avril):
in: Achaemenid History III Method and Theory (Leiden 1988) pp.33-54.
146 Isaïe 44:28-45:13.
36 APPROCHE SCIENTIFIQUE D'UNE CHRONOLOGIE ABSOLUE
Et dans la 1ère année de Cyrus [en -538], roi de Perse, pour que soit accomplie la parole de Jéhovah
par la bouche de Jérémie, Jéhovah éveilla l'esprit de Cyrus, roi de Perse, de sorte qu'il fit passer une
proclamation dans tout son royaume — et aussi par écrit — pour dire: “Voici ce qu'a dit Cyrus, roi
de Perse: ‘Jéhovah, le Dieu des cieux, m'a donné tous les royaumes de la terre et il m'a chargé lui-même
de lui bâtir une maison à Jérusalem qui est en Juda. Quiconque, parmi vous, est de tout son peuple,
que son Dieu soit avec lui! Qu'il monte donc à Jérusalem qui est en Juda, et qu'il rebâtisse la maison
de Jéhovah, le Dieu d'Israël147. Un texte des Chroniques explique que, si les 70 ans de
servitude babylonienne avaient cessé avec Cyrus, la cause principale de la période de
désolation (qui durait encore à l'époque de Cyrus) venait de l'inobservance des sabbats:
Il fit donc monter contre eux le roi des Chaldéens, qui (...) entreprit de brûler la maison du vrai Dieu
et d'abattre la muraille de Jérusalem (...) en outre, il emmena captifs à Babylone ceux qui étaient restés
de l'épée (...) jusqu'à ce que le pouvoir royal de Perse ait commencé à régner [en -539] pour accomplir
la parole de Jéhovah par la bouche de Jérémie, jusqu'à ce que le pays se soit acquitté de ses sabbats.
Tous les jours qu'il resta désolé, il fit sabbat, pour accomplir 70 ans. Et dans la 1ère année de Cyrus le
roi de Perse, pour que s'accomplisse la parole de Jéhovah par la bouche de Jérémie (...) Voici ce qu'a dit
Cyrus le roi de Perse : “Tous les royaumes de la terre, Jéhovah le Dieu des cieux me les a donnés, et
lui-même m'a chargé de lui bâtir une maison à Jérusalem148. La cause de la désolation apparaît:
Je livrerai vos villes à l'épée, et je mettrai vos sanctuaires en désolation (...) Et moi je mettrai le pays en
désolation (...) Et je vous disperserai parmi les nations (...) alors la terre acquittera ses sabbats,
[pendant] tous les jours qu'elle restera désolée, alors que vous serez dans le pays de vos ennemis, alors la
terre fera sabbat, car elle devra s'acquitter de ses sabbats. [Durant] tous les jours qu'elle restera désolée,
elle fera sabbat, parce qu'elle n'avait pas fait sabbat pendant vos sabbats, quand vous habitiez sur elle
(...) j'ai alors marché en opposition avec eux et j'ai dû les amener dans le pays de leurs ennemis. “Peut-
être qu'alors leur cœur incirconcis sera humilié et qu'alors ils s'acquitteront de leur faute. Et je me
souviendrai assurément de mon alliance (...) et je me souviendrai du pays, le pays restera abandonné
par eux et acquittera ses sabbats, tandis qu'il demeurait désolé, sans eux, et qu'eux-mêmes payaient
pour leur faute (...) Et malgré tout cela, alors qu'ils seront au pays de leurs ennemis, je ne les rejetterai
certes pas149. Selon ce texte, la période de désolation débute avec la destruction de la ville
et du sanctuaire. La terre sans son temple doit rester désolée [70 ans]. Cette période de
désolation comporte une période d'humiliation ou de déportation en pays ennemis. Cet
exil est inclus dans les 70 ans, toutefois sa durée n'est pas précisée. Cet exil est lié à la
désolation, mais ne lui est pas identique. Le début de l'exil babylonien est daté de la 1ère
année de Joiakîn150, soit 11 ans avant la destruction de Jérusalem et le dernier exil est
daté de la 23e année de Nabuchodonosor, soit 4 ans après la destruction du Jérusalem.
Cet exil passe cependant par un maximum en -587, lors de la destruction du Temple151.
D'après la chronologie adoptée, la période d'exil babylonien se termine la 50e année
d'un jubilé [de -588 à -538]. Ce chiffre est donné par Flavius Josèphe152: [Bérose] arrive à
Nabopalassar, roi de Babylone et de Chaldée. Dans le récit détaillé de ses actions, il décrit de quelle
façon ce roi envoya contre l'Égypte et notre pays son fils Nabocodrosor avec une immense armée, quand
il apprit la révolte de ces peuples, les vainquit tous, brûla le temple de Jérusalem, emmena toute notre
nation et la transporta à Babylone. Il arriva que la ville resta dépeuplée durant 70 ans jusqu'au temps
de Cyrus, premier roi de Perse (...) Ce récit [de Bérose] s'accorde avec nos livres et contient la vérité. En
effet, il y est écrit que Nabuchodonosor, dans la 18e année de son règne dévasta notre temple et le fit
disparaître 50 ans. Josèphe distingue deux périodes: une [période de servitude] de 70 ans
qui commence à la fin du règne de Nabopolassar et qui s'achève au début du règne de
Cyrus et une autre période de 50 ans qui commence par la destruction du temple et qui
s'achève par la libération de Cyrus et par son ordre153 de reconstruction du Temple.
Eusèbe154 distingue, lui aussi, deux périodes de 70 ans ainsi qu'une période de 50 ans:
les "70 ans pour Babylone" de -609 à -539 et les "70 ans de désolation" marquant
l'absence de culte au Temple de Jérusalem de -587 à -517, dont "50 ans de
désertification du Temple" de -587 à -537. Bien que Mardochée155 soit encore présenté
comme un fils de l'exil sous le règne de Xerxès156 (vers -470), le gros des exilés était
rentré à Jérusalem durant la période de 20 ans allant de -537 à -517.
Le 24 Shebat dans la 2e année de Darius (...) l'ange de Jéhovah répondit et dit: “Ô Jéhovah des
armées, jusqu'à quand ne feras-tu pas miséricorde à Jérusalem et aux villes de Juda, contre lesquelles tu
as invectivé ces 70 ans (...) Oui, je reviendrai à Jérusalem avec des miséricordes. En elle sera bâtie ma
propre maison, c'est là ce que déclare Jéhovah, et le cordeau sera tendu sur Jérusalem157. Ce message
(daté en janvier/ février -520) annonce la fin toute proche des 70 ans de désolation et
l'achèvement prochaine du Temple, ainsi que la reconstruction de Jérusalem.
Il arriva dans la 4e année de Darius le roi, que la parole de Jéhovah vint à Zacharie le 4 Kislew (...)
“Dois-je pleurer au 5e mois en pratiquant l'abstinence, comme je l'ai fait depuis tant d'années ? (...)
Dis à tout le peuple du pays et aux prêtres: “Quand vous avez jeûné et qu'il y a eu une lamentation au
150 Ezéchiel 40:1.
151 Jérémie 52:28-30.
152 Contre Apion I:131,132,154.
153 Esdras 1:1,2.
154 Préparation évangélique IX:40:11; X:9:3-5; X:10:3-6.
155 Mardochée apparaît dans un contrat en tant que débiteur d'Uštanu (A. UNGNAD Archiv für Orientforschung XIX (1959-1960) pp. 80,81).
156 Esther 2:6.
157 Zacharie 1:7,12,16.
38 APPROCHE SCIENTIFIQUE D'UNE CHRONOLOGIE ABSOLUE
5e mois et au 7e mois, et ces 70 ans, est-ce vraiment pour moi, oui pour moi que vous avez jeûné?158.
L'expression "ces 70 ans" en Zacharie 7:5 est la même qu'en Zacharie 1:12, la phrase
peut être comprise de deux façons: "et [pour] ces 70 ans", ou "et [pendant] ces 70 ans".
La première expression s'accorde mieux avec le contexte, de plus, la déclaration est
datée de la 4e année de Darius [-518], soit à la fin des 70 ans de désolation. Or, le jeûne
du 5e mois qui marquait la destruction du temple en -587 (début de la désolation) était
toujours en vigueur en -518, car on lit: Dois-je pleurer au 5e mois et non Devais-je pleurer au
5e mois. Cette période de 70 ans devait se terminer par la libération des captifs (fin du
jubilé) et par la reconstruction du temple. Le Temple fut ainsi inauguré peu après à fin
de la 6e année de Darius159 (en -515). Cette période de 70 ans était dédoublée:
Dans la 1ère année de Darius le Mède (...) moi, Daniel, je discernai par les livres le nombre des années
au sujet desquelles la parole de Jéhovah était venue à Jérémie le prophète, à accomplir pour les
dévastations de Jérusalem, 70 ans (...) écoute, ô notre Dieu, la prière de ton serviteur et ses
supplications, et fais briller ta face sur ton sanctuaire qui est désolé (...) Ouvre tes yeux et vois nos
désolations et la ville qui a été appelée de ton nom160. Donc 1 an après la destruction de
Babylone (Darius le Mède apparaît sous le nom de Ugbaru161, il régna sur Babylone et
nomma des gouverneurs162 durant les cinq derniers mois de son accession et mourut à
la fin de sa 1ère année de règne, le 11 Arahsamnu, soir en novembre -538), Daniel
explique que la période de 70 ans serait aussi la durée de la désolation (le Temple ayant
été détruit en -587, cette désolation devait donc se terminer en -517).
L'expression "terre désolée et dévastée" est controversée, car elle peut être
comprise soit comme une "terre déserte et sans habitants", soit comme une "terre sans
pratiquants". Le texte biblique privilégie le deuxième sens. En effet, le début (comme la fin)
de l'exil est impossible à dater précisément, puisqu'il débute entre la 7e et la 23e année de
Nabuchodonosor163 et qu'il n'est pas terminé à l'époque d'Esther164 (vers -470). Par contre,
la période où la terre est sans adorateurs, car sans prêtrise, est plus facile à fixer puisqu'elle
va de la destruction du Temple à la "libération des captifs" durant la 50e année d'un jubilé.
L'expression "ce qui cause la désolation" apparaissant en Daniel 9:27 était comprise par les
Juifs comme la disparition des sacrifices au Temple (et donc de la prêtrise) et non comme
la disparition des habitants. De même lorsqu'on lit: A cause de ma maison qui est déserte, alors
158 Zacharie 7:1-5.
159 Esdras 6:15,16.
160 Daniel 9:1,2,17-24.
161 J.B. PRITCHARD - Ancient Near Eastern Texts
que vous êtes à courir chacun pour sa propre maison165, puisque ce texte est écrit durant la 2e année
de Darius (en -520), on peut comprendre que le Temple devait être désert en adorateurs,
mais non en habitants. Cette explication se retrouve dans d'autres textes166 selon lesquels
l'Égypte devait être désolée et sans habitants pendant 40 ans, ce qui ne pouvait être littéral (la
déportation de l'Égypte entière en terre étrangère aurait laissé des traces!). Par contre, le
sens "sans adorateur167" convient au texte de Jérémie qui indique comme signe du départ
(début des 40 ans) la mort du pharaon Apriès168. De la même façon, la mort de Sédécias
avait marqué la fin du culte au Temple. Le pharaon Apriès, dieu vivant pour les Égyptiens,
fut remplacé en -570 par Amasis, un simple général, qui régna de -569 à -526. Le pharaon
Apriès (Hophra) mourut peu après la 3e année d'Amasis169, probablement en -566. Les
dieux d'Égypte auraient donc été négligés de -566 à -526. Hérodote170 précise: Amasis, dit-on,
simple particulier, aimait déjà boire et plaisanter et n'avait aucun goût pour la vie sérieuse (…) Devenu roi,
voici ce qu'il fit: de tous les dieux qui l'avaient dit innocent, il négligea les sanctuaires, ne donna rien pour
les entretenir et n'alla jamais y offrir des sacrifices. C'étaient, disait-il, des dieux sans importance et dont les
oracles mentaient. Diodore171 ajoute: Amasis devint roi et gouverna les masses assez durement: il punit
beaucoup de gens en bafouant la justice, en priva beaucoup de leurs biens et se conduisait envers tous avec
mépris et orgueil. Un papyrus en hiératique172 (rédigé vers -8) décrit une situation
catastrophique assez similaire.
Le rôle du jubilé marquant la fin d'une captivité est un thème biblique récurrent.
Lorsque Zorobabel est nommé, le texte d'Esdras173 précise: Et dans la 1ère année de Cyrus [soit
en -538] (...) Quiconque, parmi vous, est de tout son peuple, que son Dieu soit avec lui! Qu'il monte donc à
Jérusalem qui est en Juda, et qu'il rebâtisse la maison de Jéhovah, le Dieu d'Israël. La mission de
Zorobabel est double: rassembler les Juifs et rebâtir le Temple174: Et il adviendra sans faute, en
ce jour-là, qu'il y aura la racine de Jessé [Zorobabel], qui se dressera comme un signal pour les peuples.
Vers lui se tourneront interrogativement les nations, et son lieu devra devenir glorieux [le Temple sera
rebâti] (...) pour acquérir le reste de son peuple qui restera encore, de l'Assyrie et de l'Égypte, et de Pathros,
et de Koush, et d'Elam, et de Schinéar, et de Hamath, et des îles et de la mer. Et assurément il dressera un
signal pour les nations et rassemblera les dispersés d'Israël; et il réunira les disséminés de Juda des quatre
in: Recueil de travaux relatifs à la philologie et à l'archéologie Paris 1900 pp. 1-9.
170 Enquête II:174.
171 Bibliothèque historique I:60.
172 W.K. SIMPSON – The Prophecy of the Lamb (P. Vienna D. 10,000)
in: The Literature of Ancient Egypt (2005) Ed. The American University in Cairo Press pp. 445-449.
173 Esdras 1:1-3; Néhémie 1:8,9; 7:5; Esdras 3:1,2.
174 Isaïe 11:10-12.
40 APPROCHE SCIENTIFIQUE D'UNE CHRONOLOGIE ABSOLUE
extrémités de la terre. Ce rassemblement des dispersés s'achèverait sur un jubilé (en -518):
L'esprit du Souverain Seigneur Jéhovah est sur moi [Zorobabel]175, parce que Jéhovah m'a oint pour
annoncer aux humbles une bonne nouvelle. Il m'a envoyé pour panser ceux qui ont le cœur brisé, pour
proclamer la liberté à ceux qui ont été emmenés captifs, et aux prisonniers l'ouverture toute grande [des
yeux] (...) Et ils devront rebâtir les antiques lieux dévastés; ils relèveront les lieux dévastés d'autrefois176.
508 14 10
507 15 11
506 16 12
505 17 13
504 18 14
503 19 15
502 20 16
501 21 17
500 22 18
499 23 19
498 24 20
497 25 21
496 26 0 Xerxès Ier 22
495 27 1 23
494 28 2 24
493 29 3 25
492 30 4 26
491 31 5 27
490 32 6 28
489 33 7 29 mariage de Xerxès Esther 2:16-17
488 34 8 30
487 35 9 31
486 36 10 32
485 révolte babylonienne 11 33 tentative de génocide Esdras 4:6
484 Esther 2:21-3:7 12 34 Esther 3:7-10
483 13 35
482 14 36
481 15 37
480 16 38
479 17 39
478 18 40
477 19 41
476 20 42
475 21 Artaxerxès Ier 43
474 1 44
473 2 45
472 3 46
471 4 47
470 5 48
469 6 49
468 7 50 1er jubilé célébré Esdras 7:1-8,24
467 8 1
466 6 2
465 10 3
464 11 4
463 12 5
462 13 6
461 14 7
460 15 8
459 16 9
458 17 10
457 18 11
456 19 12
455 20 13 1 Début des 483 ans Daniel 9:24-27
454 21 14 2 (483 = 69x7)
CHRONOLOGIE ISRAELITE SYNCHRONISEE 43
1057 977 960 957 916 893 885 879 839 810 758 742 726 697 642 640 627 609 598 588 587 539 538
a b c d e
40 40 17 3 41 23 8 6 40 29 52 16 16 29 55 2 13 18 11 10 1
40
390 70
70
18x50 50
(Un tableau des synchronismes, mois par mois, est aussi consultable)192.
191 Malgré la corégence de 2 ans entre Joachaz et Joas de Samarie, la durée complète du règne de Joas de Samarie est toutefois comptée
après le règne précédent, car il débute en l'an 37 du règne de Joas de Judée, mais la durée complète de 16 ans a été comptée après les 17
ans de Joachaz, et non à partir de l'an 15 de Joachaz, selon 2Rois 14:17,23.
192 http://chronosynchro.net/synchronismes.html
CHRONOLOGIE ISRAELITE SYNCHRONISEE 45
Au commencement du règne de Joiaqim le fils de Josias, le roi de Juda (..) Et maintenant, moi j'ai
donné tous ces pays en la main de Nabuchodonosor le roi de Babylone (...) et toutes ces nations devront
le servir, lui, son fils et son petit-fils, jusqu'à ce que vienne le temps de son pays (...) Quant à vous,
n'écoutez pas vos prophètes (...) eux qui vous disent: “Vous ne servirez pas le roi de Babylone”199. Le
commencement du règne de Joiaqim peut être daté en Tishri -609, donc la période de
servitude de 70 ans est la même pour la Judée que pour les autres nations.
Et il arrivera sans faute en ce jour-là que Tyr sera bel et bien oubliée pendant 70 ans, comme les jours
d'un roi. A la fin des 70 ans, il sera pour Tyr comme la chanson d'une prostituée (...) Oui, il arrivera
à la fin des 70 ans que Jéhovah s'occupera de Tyr, et elle devra retourner à son salaire et se livrer à la
prostitution avec tous les royaumes de la terre200. Les 70 ans de domination babylonienne (609-
539) éclipsèrent la position de Tyr. Or, cette ville s'étant réjouie de la chute de
Jérusalem, des textes prédisaient sa destruction dans la mer201 et l'attaque de
Nabuchodonosor202. Selon Josèphe203, ce roi assiégea la ville pendant 13 ans (587-574),
mais n'ayant reçut aucun "salaire", il recevrait en compensation la fortune de l'Egypte
pendant 40 ans, selon un texte204 daté de la 27e année d'exil (en -571). Cet héritage de
l'Egypte semble débuter avec le règne du pharaon Amasis (en -569) et durer jusqu'à la
fin du règne de Cyrus205 en -530. Après la chute de Babylone, la ville de Tyr
recommença son commerce immoral206, mais fut finalement détruite par Alexandre le
Grand en -332. La traduction d'un mot du texte de Jérémie est cependant controversée:
Conformément à l'accomplissement des 70 ans de Babylone, je m'occuperai de vous, et vraiment je
réaliserai à votre égard ma bonne parole, en vous ramenant en ce lieu207. Certaines traductions
utilisent "70 ans à Babylone" au lieu de "70 ans de Babylone", ce qui induirait un séjour
de 70 ans à [dans] Babylone. Le mot "de" dans "70 ans de Babylone" traduit la particule
hébraïque le "pour, de (appartenance), à, vers (direction)". La traduction "70 ans à
Babylone" est ambiguë (en français), car elle peut être comprise comme "70 ans pour
Babylone", conformément à l'hébreu, mais aussi comme "70 ans dans Babylone", ce qui
est un contresens. En effet, la particule le possède le sens habituel de direction "à
[vers]" et non celui de localisation "à [dans]", dans ce dernier cas, l'hébreu utilise la
particule be, comme on peut le vérifier dans l'ensemble du livre de Jérémie:
Daniel prédit la chute de Babylone peu de temps avant sa réalisation: MENÉ: Dieu a
compté [les jours de] ton royaume et l'a mené à sa fin (...) PÉRÈS: ton royaume a été divisé et donné
aux Mèdes et aux Perses220. Si les "70 ans de Babylone" se terminent le 16 Tishri, soit le 12
octobre -539, leur début remonte donc en octobre -609221.
Traduire "70 ans à Babylone" au lieu de "70 ans de Babylone" à des conséquences
chronologiques importantes et certains traducteurs l'ont bien compris. Sébastien Castellion,
par exemple, qui maîtrisait l'hébreu, le grec et le latin avec aisance, s'est aussi intéressé à la
chronologie biblique puisqu'il lui a consacré un chapitre entier: Le vrai nombre des ans depuis
Adam jusques à Christ, à la fin de sa traduction en français de la Bible222. Il se contente de
donner les références bibliques nécessaires aux calculs, sans se livrer à aucune spéculation
eschatologique, mais il précise cependant, concernant la captivité de 70 ans: Et commence
droitement ladite captivité à la servitude de Babylone et non à la destruction de Jérusalem et du Temple (...)
Cela pourrez connaître par le premier chapitre de Matthieu, et par le 24 et 25 chapitres de Jérémie (...)
Car la captivité dura 70 ans. Jeremie 25. Cette remarque capitale découle de sa traduction du
premier chapitre de Matthieu (et des chapitres de Jérémie), les versets 11, 12 et 17: Ioachim
engendra Ieconie et ses frères en la captivité de Babylone. Et après la captivité de Babylone Ieconie engendra
Salathiel (...) depuis David jusqu'à la captivité de Babylone, quatorze générations. Et depuis la captivité de
Babylone jusqu'à Christ quatorze générations. Castellion a correctement traduit le génitif utilisé
par Matthieu, Βαβυλῶνος, par "de Babylone", car il est bien établi que le génitif ne peut pas
désigner une direction. De plus, le terme pour déportation223, µετοικεσία, ne désigne une
direction que lorsqu’il est suivi de είς + accusatif (comme en 2Rois 24:16, LXX)224, et cela
sans exception dans les corpus biblique, épigraphique, ecclésiastique et séculier. En
revanche, une expression au génitif annexée à µετοικεσία n’a que pour rôle de compléter le
nom (c’est le rôle du "de" en français: il introduit généralement le "complément du nom"),
c’est-à-dire préciser ce qui a été concerné, d’une manière ou d’une autre, par le nom225.
Ce point de traduction ne peut être considéré comme un "détail", car Matthieu
commence son livre par cette chronologie, découpée en trois parties de 14 générations,
dont la deuxième partie ne se termine non par une personne mais par cette "captivité de
Babylone226", terme qu'il utilise, de plus, à 4 reprises. Si Matthieu avait voulu écrire "à
Babylone" (locatif) il aurait utilisé une formule classique, telle "έν + datif" (έν Βαβυλῶνι)
comme en 1Pierre 5:13 (soit beVavèl en hébreu)227. Les traductions hébraïques du Nouveau
Testament (F. Delitzsch, UBS) porte Bavèl en Matthieu 1:11 ("Babylone" à un état
indéterminé, absolu ou construit). Le nom Bavèl est l’équivalent du génitif ( גָּלוּת בָּבֶלgalout
Bavèl "la captivité de Babylone")228. Certaines versions du NT en hébreu ont interprété
abusivement l’expression dans le sens d’une direction et ont mis גָּלוּת בָּבֶלָה229. De fait, le
texte biblique est précis en toutes circonstances et invite à considérer Βαβυλῶνος comme
un génitif relatif, à traduire par "captivité de Babylone" ou "captivité babylonienne"230.
On peut noter que le dernier personnage mentionné en Matthieu 1:11, avant "la
captivité de Babylone" au verset suivant, est le roi Josias. Esdras231 confirme le rôle
particulier de ce roi: On l'enterra dans les sépultures de ses pères. Tout Juda et Jérusalem firent un deuil
pour Josias; Jérémie composa une lamentation sur Josias; on en a fait une règle en Israël, et on trouve ces
chants consignés dans les Lamentations232. Ainsi, le seul roi qui fut pleuré par Jérémie jusqu'à
223 Le sens "déportation" est conforme à l'étymologie, mais il implique une direction (en français). Pour éviter ce paradoxe linguistique, le
terme "captivité", autre sens du mot grec, est donc préférable.
224 Il faut alors remarquer que le texte hébreu emploie très majoritairement des expressions comme, ָה ( בָּבֶלbaVélah, « vers Babylone »,
avec hé directionnel ; comme ici ou en 2R 20:17, 24 :15, 16, 25:13, 2Ch 33:11, 36 :6, 10, Jr 27:18, 20, 22, 28 :4 ; etc.) ou ( אֶ ־לבָּבֶלèl-Bavèl,
« vers Babylone », 2Ch 36:20) .
225 Souvent par synecdoque, comme en Juges 18:30 et Abdias 1:20b.
226 Partie I: 1-Abraham; 2-Isaac; 3-Jacob; 4-Juda; 5-Pharès; 6-Esron; 7-Aram; 8-Aminadab; 9-Naasson; 10-Salmon; 11-Booz; 12-Obed;
13-Jessé; 14-David;
Partie II: 1-Salomon; 2-Roboam; 3-Abias; 4-Asa; 5-Josaphat; 6-Joram; 7-Ozias; 8-Joatham; 9-Achaz; 10-Ézéchias; 11-Manassé; 12-Amon;
13-Josias; 14-Captivité de Babylone;
Partie III: 1-Jéchonias; 2-Salathiel; 3-Zorobabel; 4-Abiud; 5-Éliacim; 6-Azor; 7-Sadoc; 8-Achim; 9-Éliud; 10-Éléazar; 11-Mathan; 12-
Jacob; 13-Joseph; 14-Jésus.
227 Sur les nuances des prépositions, voir par exemple Jérémie, qui distingue baVèlah "vers Babylone" (29:20), de beVavèl "à Babylone"
Press, 2000, 642 ; Horst Robert Balz and Gerhard Schneider, Exegetical Dictionary of the New Testament, Grand Rapids, Mich.: Eerdmans,
1990-c1993, II : 420 ; Zerwick et Grosvenor, A Grammatical Analysis of the Greek New Testament, Editrice Pontificio Istituto Biblico, Rome,
1996 :1 (pour le type de génitif).
231 2Chroniques 35:24,25.
232 Lamentations 4:20.
CHRONOLOGIE ISRAELITE SYNCHRONISEE 49
l'époque d'Esdras, fut Josias233 et non Sédécias, le roi vassal en fonction au moment de la
chute de Jérusalem. La "captivité de Babylone" mentionnée par Matthieu, se produisant
après Josias, renvoie donc bien aux 70 ans de domination de Babylone apparaissant dans le
texte de Jérémie 25:11,12: ces nations seront asservies roi de Babylone soixante-dix ans. Lorsque ces
soixante-dix ans seront accomplis, je ferai rendre compte de leur péché au roi de Babylone et à cette nation,
dit Jéhovah, et au pays des Chaldéens, et j'en ferai des solitudes éternelles (Bible Crampon).
Une chronique babylonienne date la bataille d'Harrân dans la 17e année de
Nabopolassar au mois de Duzu234 (juillet -609), durant laquelle le dernier roi assyrien
Ashur-uballit II fut tué (et aussi Josias). Or comme Joachaz régna 3 mois, cela implique de
placer le début du règne de Joiaqim en Tishri (octobre -609). Comme la chute de Babylone
eut lieu en octobre -539, Babylone domina le monde de l'époque exactement 70 ans. On
note qu'après la mort du roi Josias, le pharaon Nékao II assujettit le royaume judéen et
changea le nom de son roi en Joiaqim235. La période de 70 ans est délimitée par deux
événements présentés comme providentiels: la mort de Josias236 et l'avènement de Cyrus237.
L'assujettissement à l'Egypte dura 8 ans puis fut remplacé par celui de Nabuchodonosor,
après la bataille de Karkemiš (en -605). La domination babylonienne commença à partir de
-609 et s'exerça sur la Judée par l'intermédiaire de l'Égypte, puis directement à partir de la 8e
année de Joiaqim (en -601), 3 ans avant la fin de son règne238. Selon le texte biblique, la
durant la période qui court de -609 à -561 les rois judéens ne sont plus légitimes239.
Selon le texte biblique, la royauté judéenne était légitime ou légale240 jusqu'au
moment de sa destitution: Ote le turban [symbole de la prêtrise], et enlève la couronne [symbole de la
royauté]. Cela ne sera pas la même chose. Mets en haut ce qui est bas, et abaisse ce qui est élevé. J'en ferai
une ruine, une ruine, une ruine. Quant à cela aussi, assurément ce ne sera [à personne] jusqu'à ce que
vienne celui qui a le droit légal, et je devrai [le] lui donner241. La Septante traduit d'ailleurs le nom
messianique Shilo242 “c'est à lui” par “pour qui cela est réservé”. Cet aspect juridique permet de
distinguer la fin légale de la royauté en -609 de sa fin effective en -561. Ainsi, le texte: Cela
ne sera pas la même chose. Mets en haut ce qui est bas [les royaumes païens], et abaisse ce qui est élevé [le
royaume légal judéen]. J'en ferai une ruine, une ruine, une ruine [destruction du Temple par
233 Favius Josèphe connaissait cette identification, car il écrit: Mais tout le peuple pleura beaucoup sur lui [Josias] (Antiquités juives X:74). De
même, dans son Commentaire sur Zacharie [XII:11], Jérôme écrit: [Josias] sur qui Jérémie écrivit ses lamentations.
234 J.B. PRITCHARD - Ancient Near Eastern Texts
Un roi judéen était considéré comme légitime lorsqu'il était oint d'huile par un
représentant légitime: prophète244 ou grand-prêtre245. Sans ces conditions, ils étaient
illégitimes et n'étaient pas enterrés dans la cité de David (les annales babyloniennes
précisent aussi le lieu de sépulture de leurs rois pour semble-t-il en indiquer la légitimité)246.
Tous les rois judéens, de David à Josias compris, furent enterrés dans la cité davidique, sauf
Athalie qui fut remplacée par Yehoyada247 le grand prêtre de l'époque, car cette reine s'étant
octroyée (illégalement) la royauté pendant 6 ans fut exécutée248 et non enterrée. Les rois
venant après Josias sont illégitimes. En effet, Joachaz est oint par le peuple, Joiaqim est oint
par le pharaon Nékao II et Joiakîn est oint par le roi babylonien Nabuchodonosor249. Ces
rois moururent en exil à l'exception de Joiaqim qui eut cependant un enterrement d'âne250.
Le texte biblique précise qu'à partir de Joiaqim compris: Il n'y aura personne qui siège
[légalement] sur le trône de David251. Donc après la mort de Josias, en -609, le royaume judéen
passa légalement sous la coupe des Babyloniens et c'est pour cette raison que cette mort fut
mémorable pour les Israélites car, à leurs yeux, Josias représentait le dernier roi oint par
Dieu252. La période de servitude de 70 ans cesse donc quand la puissance babylonienne
tombe en -539. Cyrus, lors de sa 1ère année253 [en -538], désigne Zorobabel (Sheshbatsar)
comme gouverneur et non comme roi. Bien que la royauté judéenne ne soit pas rétablie en
243 Après la chute de Babylone en -539, plusieurs rois achéménides, y compris Cyrus, se sont attribués le titre de "roi de Babylone" alors
que ce royaume était devenu une satrapie de l'empire perse. Après -539, le titre de "roi de Babylone" était donc factice.
244 1Samuel 16:13; 1Rois 19:15-16; 2Rois 9:1-6.
245 1Rois 1:39; 2Rois 11:9-12.
246 K. GRAYSON – Assyrian and Babylonian Chronicles
contre, Aššur-uballiṭ II fut considéré comme roi d'Assyrie par les Babyloniens en dépit de l'étendue réelle limitée de son territoire.
52 APPROCHE SCIENTIFIQUE D'UNE CHRONOLOGIE ABSOLUE
serviteurs le descendirent donc du char, le firent monter sur le deuxième char qui était à lui, puis l'amenèrent
à Jérusalem. Ainsi il mourut et fut enterré dans le cimetière de ses ancêtres. Flavius Josèphe précise
que Nékao s'alliait à l'Assyrie pour s'opposer à l'expansion des Babyloniens et des Mèdes
(Antiquités juives X:74). Ainsi, Josias mourut dans sa 31e année au mois IV quand Nékao
monta vers Harrân en passant par Megiddo selon Hérodote (Enquête II:159). Les Israélites
le remplacèrent par Joachaz, un de ses fils, qui ne régna que 3 mois car celui-ci fut destitué
par Nékao lorsqu'il revint de sa bataille contre les Babyloniens (au mois VII).
Le texte biblique laisse entendre que Nékao ait voulu empêcher (en pure perte) la
chute de l'Assyrie et que Josias n'ait pas compris que, selon les "plans divins", les Israélites
allaient passer sous le contrôle (légal) des Babyloniens. La suite des événements a confirmé
ce schéma puisque les Babyloniens ont effectivement vaincu les Assyriens et leurs alliés
égyptiens. En passant sous la coupe de Nékao, les Israélites étaient de facto sous l'autorité
du vainqueur babylonien. On obtient la reconstitution chronologique suivante:
7 IV
8 V
9 VI
10 VII 3
11 VIII
12 IX
-606 1 X
2 XI 4
3 XII
4 I [3] 20 3 (34)
5 II
6 III
7 IV
8 V
9 VI
10 VII 4
11 VIII
12 IX
-605 1 X
2 XI 5
3 XII
4 I [4] 21 4 (35)
5 II
6 III
7 IV
8 V bataille de Karkemiš
9 VI [1] 0 [3] Nabuchodonosor II
10 VII 5
11 VIII
12 IX
-604 1 X
2 XI 6
3 XII
4 I [2] 1 5
5 II
6 III
Le texte de Jérémie262 donne plusieurs synchronismes pour dater cette bataille qui
tombe dans la 4e de Joiaqim et correspondant à la "1ère" de Nabuchodonosor II et à la "35e
année (= 12 + 23)" de Josias. Étant sous autorité égyptienne, les Israélites ont dû compter
l'accession de Nabuchodonosor comme 1ère année, selon le comput égyptien. En effet, le
début de l'exil, avec Joiaqim, est daté à la fois de la 7e année de Nabuchodonosor263 au
"tournant de l'année" soit Adar/Nisan, conformément à la chronique babylonienne qui le
date du 2 Adar de la 7e année, mais aussi de la 8e année264, selon le comput égyptien.
Les synchronismes de la chronologie israélite avec les textes historiques, les
chroniques babyloniennes (BM 21901, BM 21946) et les tablettes astronomiques (an 37 de
Nabuchodonosor daté en -568 par la tablette VAT 4956) sont nombreux sur la période 1000-
500. De plus, la reconstitution chronologique obtenue grâce aux informations des autres
rédacteurs bibliques combinées avec les indications des tablettes babyloniennes permet de
fixer toutes ces dates (l'exil judéen est étalé de la 7e à la 23e année de Nabuchodonosor).
Octobre -609 constitue une date charnière importante puisqu'elle marque la fin de
l'empire assyrien, la fin du royaume judéen indépendant né d'une scission à la mort de
262 Jérémie 25:1-4, 46:2.
263 Jérémie 52:28; 2Chroniques 36:10.
264 2Rois 24:12 (il ne s'agit pas du début de la 8e année, car Sédécias commença son règne immédiatement selon 2Rois 24:18).
CHRONOLOGIE ISRAELITE SYNCHRONISEE 55
Salomon, en octobre -977, et qui se terminera définitivement 390 ans265 plus tard à la
destruction de Jérusalem (d'août à octobre -587), et le début des 70 ans de domination
babylonienne266 qui s'achèveront en octobre -539, à la prise de Babylone par Cyrus.
628 20 12 36
627 21 13 37
626 Sinšariškun 1 14 38
625 Nabopolassar 1 15 39
624 2 16 40
623 3 17 41
622 4 18 42
621 5 19 43
620 6 20 44
619 7 21 45
618 8 22 46
617 9 23 47
616 10 24 48
615 11 25 49
614 12 26 50
613 13 27 51
612 14 28 52
611 15 29 53
610 16 30 54 Nékao II
609 BM 21901 17 [0] Joiaqim 31 0 1 Bataille d'Harrân 2Rois 22:1;23:36
608 fin de l'empire assyrien 18 [1] 1 1 2
607 19 [2] 2 2 3
606 20 [3] 3 3 4
605 Nabuchodonosor 21 1 4 4 5 Bataille de Karkemish Jérémie 25:1;46:2
724 3 3 2 14 5 21
723 4 4 3# 15 6 22 #(alliance) 2Rois 17:2-5
722 5 Sargon II 5 Merodachbaladan II 4 16 7 23 2Rois 18:9
721 1 Campagne [1] 1 5 17 8 24
720 2 Chute de Samarie 2 6 18 9 25 2Rois 18:10
719 3 3 7 19 26
718 4 4 8 20 27
717 5 5 9 21 28
716 6 6 10 22 29
715 7# 7 11 23 30 #(alliance)
714 8 -[1]/Sennachérib 8 12 24 31
713 9 -[2] 9 13 25 32
712 10-[3] Prise d'Ashdod 10 (alliance manquée) 14 26 33
711 11-[4] et de Lakish 11 15 27 1
710 12-[5] 12 Sargon II 16 28 2
709 13-[6] 1 17 29 3
708 14-[7] 2 18 30 4
707 15-[8] 3 19 31 5
706 16-[9] 4 20 32 6
705 17 Sennachérib 5 Sennachérib 21 33 7
704 1 1 22 34 8
703 2 Campagne [1] 2 Bêl-ibni 23 35 9
702 3 Campagne [2] 1 24 36 10
701 4 Campagne [3] 2 25 37 11
700 5 Campagne [4] 3 Aššur-nâdin-šumi II 26 38 12
699 6 Campagne [5] 1 27 39 13
698 7 Campagne [6] 2 28 40 14
697 8 Campagne [7] 3 29 Manassé 15
696 9 4 1 42 2Rois 21:1
695 10 5 2 43
694 11 6 3 44
693 12 1 Nergal-ušezib 4 45
692 13 1 Mušezib-Marduk 5 46
691 14 2 6 47
690 15 3 7 48
689 16 4 8 49
688 17 1 Sennachérib 9 50
687 18 2 10 51
686 19 3 11 52
685 20 4 12 53
684 21 5 13 54
683 22 6 14 55
682 23 7 15 56
681 24 8 16 57
680 1 Esarhaddon 1 Esarhaddon 17 58
679 2 2 18 59
678 3 3 19 60
677 4 4 20 61
676 5 5 21 62
675 6 6 22 63
674 7 7 23 64
673 8 (Manassé est déporté) 8 24 65 Isaïe 7:8,9
672 9 9 25
La prise d'Ashdod, durant la 14e année d'Ézéchias (en -712), est attribuée à Sargon,
datée de la 10e année dans ses annales, et le siège de Lakish est attribué à Sennachérib278
non mentionné dans ses annales est cependant représenté dans son palais. La prise de
Lakish coïncide avec la prise manquée de Jérusalem. Lorsque Sennachérib arrive devant
Jérusalem, le texte biblique279 mentionne: les rois d'Assyrie ont exterminé les nations, sous-
entendant Sargon et Sennachérib. De plus, les campagnes militaires de Sennachérib et de
Sargon sont mentionnées en parallèle280. En effet, après qu'Ézéchias ait payé un tribut de
300 talents d'argent et 30 talents d'or, Sennachérib lui envoya son commandant (tartânu),
fonctionnaire en chef (rab-sha-rêsh) et grand échanson (rab-shaqû), pour qu'il accepte sa
reddition. Pendant le même temps Sargon envoya son commandant (tartânu) vers Ashdod
avant de s'en emparer. Les annales281 de Sargon donnent les précisions suivantes: Je conquis
et saccageai les villes de Shinuhtu, Samarie et tout Israël (bît Humria) (…) dans la 2e année de mon règne
(…) [dans la 10e année] Je conquis et assiégeai les villes de d'Ashdod (Asdudu), Gath (…) les chefs de
Palestine, Juda (Iaûdi), Edom, Moab et ceux qui vivent dans les îles m'apportent le tribut (…) propriété
de Sargon (…) conquérant du pays de Juda (Iaûdu), et les annales de Sennachérib: En ma 3e
campagne j'allai en Hatti (…) quant à Ménahem de Samarie (Minhimu Samsimuruna) (…) quant à
Ézéchias de Juda (Hazaqiya’u Ya’udu) qui ne s'était pas soumis à mon joug, j'assiégeai et conquis 46 de
ces villes à remparts lui appartenant (…) je l'enfermai dans Jérusalem (Ursalimmu) sa ville royale comme
un oiseau en cage; j'érigeai contre lui des fortification et je lui interdis de sortir par la grande porte de sa ville
(…) mon éclat terrible de souverain le renversa et il envoya derrière moi à Ninive (Nina), ma ville
seigneuriale, les irréguliers et les soldats d'élite (…) avec 30 talents d'or, 800 talents d'argent.
Deux autres éléments appuient la date de la prise de Lakish en -712. En effet, la
tentative d'alliance entre Merodachbaladan282 et Ézéchias n'est plausible qu'en -712. En
effet, en 703 et en 700, le roi babylonien était en position de faiblesse (le seul soutien,
mentionné dans les chroniques néo-babyloniennes est celui du roi d'Elam), si toutefois il
régnait, et Ézéchias n'aurait eu aucun intérêt à s'allier avec lui alors qu'en -712
Merodachbaladan était en position de force et le but de son alliance avec Ézéchias, qui avait
apparemment repoussé Sennachérib, était de faire contrepoids à l'emprise assyrienne. Un
pieds, et j'y fis des prisonniers. Les gouverneurs, les nobles et les gens d'Éqrôn (Amqarruna) qui avaient
mis aux fers leur roi Padî qui était lié à l'Assyrie par agrément et par serment et l'avaient livré par inimitié
à Ézéchias (Hazaqiya’u) du pays de Juda (Ya’udu), leur cœur prit peur à cause de la vilenie qu'ils avaient
commise; ils firent appel aux rois du pays d'Égypte (Muçur) et aux archers, aux chars et aux chevaux du
roi d'Éthiopie (Meluhha), forces sans nombre, et ceux-ci vinrent à leur secours. Ayant établi leur ordre de
bataille devant moi dans le plat pays d'Éltéqué (Altaqû), ils fourbirent leurs armes. En me confiant en
Assur mon Seigneur je combattis contre eux et je leur infligeai une défaite286. Cette mention "des rois
d'Égypte et du roi d'Éthiopie", en accord avec Hérodote, n'a de sens qu'avant -712, car
après cette date il n'y a plus qu'un seul roi d'Égypte, celui de la XXVe dynastie.
En -723 Salmanazar V fit payer un tribut à Osée qui chercha à nouer une alliance
illusoire287 avec Osorkon IV pour se dégager de l'emprise assyrienne. En effet, ce pharaon
disparut peu après en -712 (fin de la XXIIe dynastie égyptienne). Après l'échec assyrien
devant Jérusalem, le roi babylonien Merodachbaladan II chercha (en -712) l'appui du roi
judéen, Ézéchias, vraisemblablement pour se libérer de l'emprise assyrienne, mais sans
succès. Le pharaon appelé Sô (écrit Sègôr dans la Septante) semble devoir être identifié à
Osorkon IV (W3-s3-r-q-n). Grimal remarque: Il y a peu de chance que le pharaon auquel Osée
demande son appui soit Tefnakht : rien n'indique qu'il puisse représenter l'Égypte pour la Cour d'Israël,
pour qui l'interlocuteur traditionnel, mentionné couramment dans les autres Livres, est Tanis, que sa
position géographique met d'ailleurs naturellement en relation avec la Syro-Palestine. De plus, cette
interprétation repose sur une correction inutile du texte, «Sô» pouvant être comprise comme une abréviation
d'Osorkon288. Les annales assyriennes ne donnent que le nom du commandant (turtan)289 de
l'armée égyptienne (Reye?)290, mais pas celui du pharaon (Osorkon IV). Les chronologies
judéenne et égyptienne appuient cette identification car, selon le texte d'Isaïe291, l'alliance
d'Ézéchias avec ce pharaon devait se révéler vaine puisque après la prise d'Ashdod, Sargon
a emporté les captifs d'Égypte et les exilés d'Éthiopie.
judéen Ezéchias (lors de la prise manquée de Jérusalem) et de la 1ère année du roi égyptien
Chabataka (après la mort de Chabaka). Or, la 3e année de Sennachérib est généralement
datée en -702, la 1ère année de Chabataka qui est ancrée sur cette date, sans tenir compte de
la datation biblique qui fixe la 14e année du roi Ezéchias en -712 (lors de la prise d'Ashdod
par Sargon), entraîne plusieurs contradictions292 (le texte biblique ne mentionne qu'une
campagne, alors que les annales assyriennes en décrivent apparemment deux, ce qui
engendre des anomalies difficiles à expliquer). En effet, selon deux stèles de Kawa293, on
apprend qu'après la mort de Chabaka, son successeur Chabataka convoqua immédiatement
une armée qu'il plaça sous les ordres de son frère Taharqa, un jeune fils de Pi(ankh)y alors
âgé de 20 ans, pour repousser l'attaque assyrienne qui menaçait. De plus, Taharqa précise
expressément sur ces stèles qu'il fut désigné comme prince héritier par Chabataka en dépit
de ses autres frères et de tous les enfants. La 1ère année de Chabataka coïncide donc bien
avec la 3e campagne de Sennachérib, et la publication de l'inscription de Sargon II, trouvée
à Tang-i Var, a permis de dater la campagne contre Chabataka en -712:
16) J'ai dispersé l'armée de l'Élamite Ḫumbanigaš (Ḫumba-nikaš). J'ai détruit le pays de K[aral]la (en -
713), le pays de Šurda, la cité de Ki[šes]im, la cité de Ḫarḫar, le [pays mè]des, le pays d'Elli[pi (...)].
17) J'ai dévasté le pays d'Urarṭu, j'ai pillé la cité de [Muṣaṣi]r et le pays Manéen, écrasé les pay[s ...].
18) J'ai conquis les chefs du pays d'Amattu (Hamath), la cité de Karke[mish la cité de Kummu]ḫi, le pays
de Kammanu; sur tous les pays [...] j'ai placé des officiels.
19) J'ai pillé la cité d'Ashdod (en -712). Iamani son roi, a craint [mes armes] et ... s'est enfui vers la
région du pays de Meluḫḫa (Nubie) et a vécu comme un voleur.
20) Šapataku’ (Chabataka), roi du pays de Meluḫḫa , a entendu la puiss[ance] des dieux d'Aššur,
Nabû et Marduk qui se sont montrés à tous les pays, ...
21) Il lui (Iamani) mit les chaînes et les menottes ... Il l'amena captif en ma présence.
22) [J'ai dépeuplé] tous les pays de Tabâlu, Kasku, (et) Ḫilakku; J'ai enlevé les campements appartenant à
Metâ (Midas), roi du pays de [Mu]sku, et réduit (la taille de) son pays.
23) À la cité de Rapiḫu j'ai défait l'avant-garde de l'armée d'Égypte et compté comme butin le roi de la cité
d'Hâzutu (Gaza) qui ne s'était pas soumis à mon joug.
24) J'ai réduit au silence 7 rois du pays de Iâ’, une région du [pays de] Iadnâna (Chypre) — qui est située
à une distance de ... [au mi]lieu de la mer de l'Ouest.
25) De plus, (en -710) j'ai personnellement vaincu Marduk-apla-iddina (Merodachbaladan II), roi du
pays de Chaldée, qui demeurait sur les rivages de la mer (et) qui ex[er]çait la royauté sur Babylone
contre la vol[onté des dieux].
26) De plus, tous les pays de Bît-Iakîn ...
27) Aḫundari, roi de Dilmun, dont la tanière [est situé] à une distance de ... [au milieu] de la mer comme
un poisson, a entendu ma puis[sance royale] et m'a apporté (en -709) [son] cade[au de bienvenu].
Cette inscription294, rédigée par ordre chronologique, situe la bataille contre l'Égypte
lors de la prise d'Ashdod en -712, ce qui confirme la coïncidence entre la 3e campagne de
Sennachérib (durant sa corégence à partir de -714) et la 10e campagne de Sargon. Comme
on l'a vu, les deux rois assyriens ont mené une campagne commune, Sargon relatant les
prises de villes lors de sa 10e campagne et Sennachérib rapportant les siennes à sa 3e
campagne, exploits qu'il ne fera graver qu'après la mort de son père (et non durant sa
corégence). Les auteurs ont d'ailleurs noté une anomalie à la ligne 44 de l'inscription qui
précise: Ils les ont compté comme butin, alors qu'on s'attendait plus logiquement de la part de
Sargon à lire la phrase: Je les ai compté comme butin (avec la corégence l'anomalie disparaît).
La corégence entre Sargon et Sennachérib n'étant pas prise en compte, certains
égyptologues295 proposent l'explication suivante: l'inscription se terminant par l'installation
des dieux dans la nouvelle cité, datée en -707 grâce à l'éponyme de la Chronique de Sargon,
l'attaque contre l'Égypte aurait eu lieu juste à la fin des événements mentionnés dans cette
inscription, soit en 707/706, et aurait été déplacée de manière anachronique par le scribe.
Cette hypothèse permet de remonter le règne de Chabataka de -701 en -706, en supposant
aussi une corégence (non attestée) avec Chabaka, son prédécesseur. On le voit, tout ça n'est
guère vraisemblable, car l'ordre chronologique de l'inscription est évident, de plus, cette
datation est en parfait accord avec les 10 ans de corégence de Sennachérib. Il y a donc un
quadruple synchronisme en -712: 10e année de Sargon II; 3e campagne de Sennachérib; 14e
année du règne d'Ezéchias et 1ère année de règne de Chabataka.
(Sennachérib). Il cite aussi l'Histoire de la Chaldée de Bérose, mais la citation est perdue (Antiquités juives X:17-20).
CHRONOLOGIE ISRAELITE SYNCHRONISEE 65
677 4 20 13
676 5 21 14
675 6 22 15
674 7 23 16
673 8 24 (déportation) 17
672 9 1 Aššurbanipal 25 18
671 10 2 " 26 19
670 11 3 " 27 20
669 12 4 " 28 21
668 1 Aššurbanipal 29 22
667 2* 30 23
666 3 31 24
665 5 32 25
664 6 (saccage de Thèbes) 33 26
663 7 34 1 Psammétique 1er
662 8 35 2
L'importance du rôle de Taharqa lors de la bataille d'Elteqé montre qu'il n'était pas
seulement un général prince héritier, rôle mentionné dans les stèles de Kawa, mais qu'il
était en fait assimilé à un véritable corégent, comme le confirment le récit provenant
d'Hérodote297 et celui du texte biblique298. Succession et nom des pharaons:
Griffith299 a remarqué que le roi prêtre Séthon qui succéda à Chabaka et qui s'est
opposé à Sennachérib ne pouvait être que Taharqa. Séthon ne désignant pas un nom
propre mais le titre du grand prêtre d'Amon à Memphis, ce titre ayant évolué avec le temps
de sm (prêtre sem), en stm(t), puis stne. La succession nubienne s'effectuant par le lien
fraternel, et non par le lien filial (comme en Egypte), Taharqa en tant que frère de
Chabataka était naturellement désigné à sa succession et avait en pratique un rôle de
corégent. En toute rigueur il n'avait pas le titre de roi, mais le texte biblique l'assimile de fait
à un roi effectif, comme il le fait d'ailleurs pour les autres corégents: Sargon/Sennachérib
ou Nabonide/Bêlsharuçur.
La complexité de cette situation explique aussi pourquoi les récits (partiels) de cette
campagne qui nous sont parvenus semblent contradictoires en apparence. La présence
d'une corégence entre Taharqa et Chabataka pourrait expliquer les chiffres erronés de
l'Africanus, car dans cette situation le scribe donne généralement la durée corrigée du règne
(sans la corégence) et non la durée totale (Apriès, par exemple, a régné 22 ans mais
seulement 19 ans sans la corégence avec Amasis, chiffre donné par l'Africanus). De plus, si
le règne de Taharqa a été daté (en tant que corégent de Chabataka), cela pourrait expliquer
la quasi absence d'année de règne pour Chabataka (à l'exception de l'an 3).
d'Ézéchias (en -722), soit dans la 5e année du règne de Salmanazar V, et se termina 3 ans
plus tard dans la 6e année d'Ézéchias (en -720). Selon la chronologie israélite, les ans 4 et 6
d'Ézéchias sont mis en parallèle avec les ans 7 et 9 d'Osée. Chronologie des règnes
assyriens, israélites et israélites mis en parallèle (les synchronismes sont surlignés):
Les conquêtes de Pi(ankh)y pour unifier l'Égypte, en l'an 21 de son règne (en -742),
semble avoir été la conséquence de l'avancée assyrienne, car le roi Tiglath-Phalazar III
(745-727) relate dans ses annales, quelques temps avant d'avoir remplacé Péqah par Osée303
(en -738), que Hanno le roi de Gaza s'était réfugié en Egypte pour ne pas l'affronter (ce qui
constituait une menace pour l'Egypte). La corégence entre Tiglath-phalazar III et son fils,
Salmanazar V, déduite du texte biblique304: le roi Ahaz envoie demander de l'aide aux rois
d'Ashour (Bible de Chouraqui), est appuyée par un relief sculpté305. Le règne d'Osée, mis sur
le trône par Tiglath –phalazar III, n'a pas été enregistré dans les annales israélites.
En fait l'accord n'est qu'apparent car, selon le texte biblique311, Ménahem a payé un
tribut à Pul (en -765)312, un roi assyrien et non à Pulu (728-727), un roi babylonien. Ce roi
306 2Rois 16:7,8.
307 2Chroniques 26:19-23.
308 2Rois 15:1,2.
309 2Chroniques 31:9-13.
310 F. BRIQUEL-CHATONNET – Les relations entre les cités de la côte phénicienne et les royaumes d'Israël et de Juda
Pul a précédé Tiglath-phalazar III, assyrien comme lui313. Selon les annales de ce roi, le
tribut de Ménahem aurait été payé avant la 9e campagne (en -737), soit 10 ans avant qu'il ne
soit roi de Babylone sous le nom de Pulu. Or, pulu n'est pas un nom propre, mais un titre
(comme turtânu "général en chef" en Isaïe 20:1), vraisemblablement un hypocoristique314 de
aplu "fils héritier" apparaissant dans le nom des rois assyriens (Tiglath-phalazar vient de
Tukultî-apil-Ešarra "L'héritier de l'Ešarra [=Ninurta] est mon secours"). Chronologie:
La mise en parallèle des règnes israélites et assyriens désigne Aššur-dan III, et non
Tiglath-phalazar III, comme étant le roi assyrien à l'époque de Ménahem, ce qui implique
deux questions: 1) pourquoi le texte biblique ne donne-t-il pas le nom du souverain
assyrien, mais seulement son titre de pulu "fils héritier [au trône]", alors qu'il nomme
Tiglath-phalazar et 2) quel était le statut exact de ce régent assyrien à l'époque de Ménahem.
Les règnes assyriens sont très mal documentés sur cette période (850-745), car leurs
annales n'ont pas été retrouvées. Ils connurent des crises et de nombreuses révoltes ce qui
entraîna un affaiblissement du pouvoir royal315. De plus, Adad-nêrârî III (811-783) était
monté très jeune sur le trône et sa mère Sammuramat (Sémiramis) exerça une sorte de
régence pendant 4 ans, avec le soutien des hauts dignitaires. Devenu adulte, il sut se
montrer énergique, mais ses trois fils (vraisemblablement quatre avec Tiglath-phalazar III),
Salmanazar IV, Aššur-dan III et Aššur-nêrari V, semblent avoir été dominés par la
personnalité du turtânu Šamši-ilu (800-750). Après la mort d'Adad-nêrârî III, il y avait donc
quatre fils héritiers (pulu). Salmanazar IV fut intronisé et Tiglath-phalazar III commença sa
carrière comme gouverneur de Kalhu316, la nouvelle capitale de l'Assyrie. Bien que n'étant
pas roi, ce gouverneur semble s'être arrogé assez vite des prérogatives royales. On dispose
en effet de quatre traités, par lesquels le roi d'Arpad, Mati‘el, se reconnaissait vassal de
l'Assyrie. Les trois premiers, en araméen, étaient gravés sur des stèles qui furent retrouvées
à Séfiré. Le quatrième, défini comme "traité d'Aššur-nêrari V", était inscrit en assyrien sur
une tablette retrouvée à Ninive. Le premier traité a été conclu lorsque Mati‘el est monté sur
le trône d'Arpad et les deux suivants lors des avènements de Salmanazar IV (en -782) et
315 F. JOANNES - Dictionnaire de la civilisation mésopotamienne
Paris 2001 Éd. Robert Laffont p. 564-566,818,864-865.
316 F. JOANNES - La Mésopotamie au 1er millénaire avant J.C.
d'Aššur-dan III (en -772), mais la personne à laquelle Mati‘el jure fidélité dans ces versions
araméennes est un certain Bar Ga’ah "fils de majesté", roi de KTK (Kittika: ancien nom de
Til-Barsip la capitale du Bît-Adini). On ne peut pas identifier ce "fils de majesté" au turtânu
Šamši-ilu317, car seul le roi d'Assyrie pouvait exiger la fidélité d'un roi vassal et lui faire payer
tribut318. De plus, le texte biblique319 fait la distinction entre le roi d'Assyrie et le tartân
d'Assyrie, or, à cette époque, certains princes assyriens, auteurs de pillages contre Israël,
s'étaient vu discerner le titre de roi320. Le roi d'Assyrie anonyme qui se cache derrière le "fils
de majesté" ne peut être que pulu, le "fils héritier [au trône]" Tiglath-phalazar III (qui régna
36 ans selon Flavius Josèphe321). Aspirant à être le seul roi d'Assyrie, il semble qu'il ait
profité de révoltes pour renverser son frère Aššur-nêrari V322. La régence de Tiglath-
phalazar III dans la région du Bît Adini pourrait aussi expliquer pourquoi Zacharie, un roi
d'Israël, n'ait pas pu régner durant la période du premier traité avec Mati‘el.
Tiglath-phalazar III a mené plusieurs campagnes qui sont difficiles à reconstituer
chronologiquement à cause de nombreuses lacunes, et même erreurs323. De plus, les listes
de tributaires pour les 1ère, 2e, 3e, [8e] et 9e campagnes sont presque similaires:
Kustashpi de Commagène, Urik de Qu’é, Sibitti-be’l de Byblos, Enil de Hamath, Panammu de Sam’al,
Tarhulara de Gumgum, Sulumal de Militène, ..., Uassurme de Tabal, Ushhitti de Tuna, Urbala de
Tuhana, Tuhamme d'Ishtunda, ... [Ma]tan-be’l d'Arvad, Sanipu de Bit-Ammon, Salamnu de Moab, ...,
Mitinti d'Askélon, Jehoachaz de Juda, Kaushmalaku d'Édom, Muzr[i...], Hanno de Gaza.
Kustashpi de Commagène, Rezon de Damas, Ménahem de Samarie, Hiram de Tyr, Sibitti-be’l de
Byblos, Urik de Qu’é, Pisiris de Karkémish, I’nil de Hamath, Panammu de Sam’al, Tarhulara de Gumgum,
Sulumal de Militène, Dadilu de Kaska, Uassurme de Tabal, Ushhitti de Tuna, Urbala de Tuhana,
Tuhamme d'Ishtunda, Urimme d'Hubishna et Zabibe, la reine d'Arabie.
La deuxième liste de tributaires324 est une copie de la première avec quelques
variantes (en caractères gras), car les noms sont identiques et parmi ceux qui apparaissent
en plus, certains semblent provenir d'anciennes listes. Ces approximations se retrouvent
dans les tributs payés aux rois assyriens précédents. Le tribut de Ménahem daté de l'an 8 de
Aššur-dan III (en -765) a été attribué à l'an 8 de Tiglath-phalazar III (en -737).
317 A. LEMAIRE, J-.M. DURAND – Les inscriptions araméennes de Sfiré et l'Assyrie de Shamshi-ilu
in: Hautes études orientales 20 (Paris 1984) Éd. Librairie Droz pp. 37-51.
318 Si Šamši-ilu avait été le roi derrière le "fils de majesté", Mati’-ilu aurait dû continuer à traiter avec lui à l'accession d'Aššur-nêrari V, et
non avec ce dernier. En fait, vu l'expansionnisme de Tiglath-phalazar III, Mati’el a préféré changer de protecteur (mais à tort).
319 2Rois 18:17; Isaïe 20:1.
320 Isaïe 10:5-8.
321 Antiquités juives IX:283-287: Elulaios (?) reçut le nom de Pulas (Pulu?) et régna 36 ans (soit de -782 à -746), dans ces circonstances, Selampsas
(Salmanazar IV?), le roi d'Assyrie envahit la Phénicie (...) selon les Annales tyriennes du temps de Salmanasses (Salmanazar V/ Elûlaiu).
322 Sur la stèle de Bêl-harrân-bêl-usur, le majordome de Tiglath-phalazar III a écrit le nom du roi assyrien par-dessus le nom du roi
précédent Salmanazar IV, ce personnage a donc servi un (même?) souverain à deux époques différentes (D.D. LUCKENBILL – Ancient
Records of Assyria and Babylonia. 1926 Illinois Ed. Th University of Chicago p. 295)..
323 H. TADMOR – The Inscriptions of Tiglath-Pileser III King of Assyria
Jerusalem 1994 Ed. The Israel Academy of Sciences and Humanities pp. 232-237, 273-282.
324 J.B. PRITCHARD - Ancient Near Eastern Texts
Selon les annales de Salmanazar III (859-824), durant la campagne datée de l'an 18
de son règne, il vainquit le roi Hazaël de Damas et le roi Jéhu fils d'Omri lui paya un
tribut325. Selon la chronologie israélite, Jéhu régna de -885 à -856, soit un désaccord
apparent d'au moins 15 ans. En fait le nom et la date posent problème, car Jéhu n'était pas
le fils d'Omri mais de Yehoshaphat326 et l'an 18 de Salmanazar III (en -841) tombe dans le
règne de Joachaz (856-839). La reconstitution historique à partir de la chronologie israélite
permet d'expliquer ce désaccord apparent. Chronologie des rois de Syrie (ou de Damas):
Le règne d'Hazaël peut être délimité dans le temps grâce aux synchronismes. Il était
vraisemblablement le chef de l'armée de Ben-Hadad II lorsqu'il accéda au pouvoir après
avoir étouffé son roi. Il continua d'opprimer Israël dès le début de son règne effectif, soit à
la fin du règne de Jéhu et durant tout le règne de Joachaz. Il régna en co-régence avec son
fils, Ben-Hadad III327 et mourut peu de temps après la mort de Joachaz328 (Ben-Hadad Ier
de l'époque de Baasha semble être le père de Ben-Hadad II vivant du temps d'Achab)329. Le
règne effectif d'Hazaël débute à la fin du règne de Jéhu, plusieurs années après sa
désignation légale330, car lorsqu'il combat Joram le fils d'Achab dans la 12e année de son
règne (en -886), il est déjà qualifié de roi de Syrie331. Il est possible que, comme pour les rois
assyriens, les rois de Syrie aient exercé une corégence avec leur fils et successeur.
0
21 27 Salmanazar III 1
858
855 24 4
25 5
854
3
26 6 Hazaël /
853
Ben-Hadad III
4
14
37 17
842
15
2Rois 13:10 0
38 Joas/ Joachaz 18 Hazaël /
841
Ben-Hadad III
2Rois 12:18-13:1 2Rois 13:7 1 16
840 39 19
2 17
839 40 20
0 2Rois 14:1,2 2Rois 13:22,25
Amasias Joas 1
838 1 21
Ben-Hadad III
2
Une inscription332 (non datée) de Salmanazar III précise: J'ai vaincu Hadadézer de
Damas avec 12 princes assemblés, ses alliés (...) Je les ai poussé dans la rivière Oronte [Arantu] et ils se
sont dispersés pour sauver leurs vies, mais Hadadézer périt. Hazaël, un fils de personne [sans ascendance
332Cette inscription de Salmanazar III pourrait coïncider avec sa 1ère compagne datée de l'an 1 (en -858), mais la description des villes
vaincues correspond mieux à la grande expédition d'Aššurnaṣirpal II dans cette région en -876. Salmanazar III aurait donc été corégent
avec son père (selon une pratique assyrienne courante) et le règne d'Hazaël couvrirait approximativement une période de -876 à -838.
CHRONOLOGIE ISRAELITE SYNCHRONISEE 75
royale], se saisit du trône, mobilisa une armée nombreuse et monta contre moi333. La précision sur
l'ascendance d'Hazaël recoupe celle du texte biblique, par contre, si le nom d'Hazaël (Ha-
za-’-il) est correctement transcrit, celui de Ben-Hadad a été remplacé par Hadadézer (Adad-
id-ri) le fondateur de la dynastie. Ces approximations se retrouvent dans la description de
sa 6e campagne (avec la bataille de Qarqar): Dans l'année de Dayan Assur [en -853], au mois
d'Ayar, le 14e jour, je partis de Ninive (...) Je partis d'Alep [Hal-man] et j'arrivai aux deux villes
d'Irhuleni [du pays] d'Hamat [Amat] (...) Je partis d'Arganâ et j'arrivai à Qarqar; je détruisis, je
démolis et je livrai aux flammes Qarqar sa ville royale. 1200 chars, 1200 cavaliers et 20000 soldats
d'Hadad-idri de Damas [Imerishu], 700 chars, 700 cavaliers et 10000 soldats d'Irhuleni [du pays]
mat
d'Hamat, 2000 chars et 10000 soldats d'Achab du pays de Sirilaya [A-ha-ab-bu Sir-’i-la-a-a], 500
soldats de Cilicie [Qu’é], 1000 soldats de Muçri [?], 10 chars et 10000 soldats [du pays] d'Irqanata,
200 soldats de Matinu-ba’lu [du pays] d'Arwad [Armada], 200 soldats [du pays] d'Usanata, 30 chars
et 10000 soldats d'Adunu-ba’lu [du pays] de Shian, 1000 chameaux de Gindibu’ d'Arabie [Arba],
[x]000 soldats de Ba’sa, fils de Ruhubi, du pays d'Amana [Ammon?]: il reçut l'aide de ces 12 (sic) rois.
Hadadézer a fourni le plus gros contingent conformément à son statut de puissance
régionale. Le pays de Sirilaya est souvent confondu avec Israël, ce qui est improbable car les
rois assyriens désignaient Israël par l'expression "maison d'Omri [Bît Humri]", y compris
Salmanazar III qui parle de "Jéhu fils d'Omri" (par contre, la Judée était désignée sous le
nom de "Juda". Le roi Achaz de Judée, par exemple, est appelé Ia-u-ha-zi Ia-u-da-a-a
"Joachaz le judéen" dans les annales de Tiglath-phalazar III). De plus, Israël était en dehors
de ce conflit334 et, selon le texte biblique, Ben-Hadad II puis Hazaël ayant constamment
opprimé Israël, il est illogique de supposer une alliance pour lutter contre Salmanazar III. Il
est difficile d'identifier Sirilaya, citée après Hamat et avant Qu’é, mais la ville d'Asriël de
Samarie335 (mentionnée en Nombres 26:31), contrôlée par Hazaël, est une possibilité336.
Enfin, selon la chronologie israélite, en -853, le roi d'Israël était Joachaz (et non Achab).
Les villes et les pays mentionnés, qui peuvent être identifiés, se situent autour de
Qarqar dans un rayon d'environ 300 km, et sont énumérés selon trois grandes régions: le
nord de la Syrie, le sud du Hatti et le nord de l'Arabie:
la "méchanceté de Ninive" vise la conquête de la côte méditerranéenne par Salmanazar III. Selon le texte de 2Rois 14:23-25, le prophète
Jonas a prêché peu avant l'accession de Jéroboam II, en -824, lors de la mort de Salmanazar III. Il est vraisemblable que la prédication de
Jonas coïncidant avec la mort du roi assyrien a impressionné, ce qui a provoqué un "repentir" de Šamši-Adad V, son successeur, et des
Ninivites. Ce roi abandonnera les grandes expéditions méditerranéennes des règnes précédents et la menace assyrienne contre Israël ne
réapparaîtra qu'avec Tigtlat-phalazar III [la taille étonnante de Ninive "3 jours de marche" en Jonas 3:3 est confimée par Diodore avec
une circonférence de 85 km (Bibliothèque historique II:3) et le "deuil des animaux" (Jonas 3:8) est confirmé par Hérodote (Enquête IX:24)].
335 Les rois néo-hittites, en 1Rois 10:29 et 2Rois 7:6, résident à Karkemish (de -1185 à -717) après la chute de l'empire hittite.
336 A. LEMAIRE – Asriel, ŠR’L, Israël et l'origine de la confédération israélite
1068 23 29
1067 24 30
1066 25 31
1065 26 32 du 16/07/1065
1064 Psousennes Ier 1 1 33 double lever héliaque
1063 /Am enemn ésout 2 2 34
1020 47 37
1019 46 38
1018 Aménémopé 47 1 39
1017 48 2 40 2Samuel 5:4
1016 49 3 Salomon 1
1015 4 2
1014 5 3
1013 6 4 1 1Rois 6:37-7:1
1012 7 5 2
1011 8 6 3
1010 9 7 4
1009 Osorkon l'Ancien 1 8 5 1er croissant lunaire ?
1008 date lunaire 20/IX/2 2 9 6 du 16/01/1007
1007 3 10 7
1006 4 11 8
1005 5 12 9
1004 6 13 10
1003 Siamon 1 14 11
1002 2 15 12
1001 3 16 13
1000 4 17 14
999 5 18 15
998 6 19 16
997 7 20 17
996 8 21 18
995 9 22 19
994 Psousennes II 1 10 23 20
993 (Pso usenn es III) 2 11 Gézer brulée 24 1Rois 9:10,16,17
CHRONOLOGIE ISRAELITE SYNCHRONISEE 79
988 7 16 29
987 8 17 30
981 14 36
980 Chéchanq Ier 1 37 début XXIIe dynastie
979 2 38
978 fuite de Jéroboam 3 39 1Rois 11:40-42
977 4 40
976 1 5 Roboam 1 Jéroboam 1 1Rois 14:20,21
975 2 6 2 2
974 3 7 3 3
973 4 8 4 4
972 Jérusalem attaquée 5 9 5 5 2Chroniques 12:2-13
971 6 10 6 6
960 17 21 17 17
959 Osorkon Ier 18 1 Abiya 1 18 1Rois 15:1,2
958 19 2 2 19
957 20 3 3 20 1Rois 15:9,10
956 21 4 Asa 1 21
955 22 5 2 Nadab 22 1Rois 15:25
954 23 6 3 Baasha 1 1Rois 15:28,33
953 24 7 4 2
952 25 8 5 3
951 26 9 6 4
950 27 10 7 5
949 28 11 8 6
948 29 12 9 7
947 (Zérah) 30 13 10 8 2Chroniques 14:1-13
946 31 14 11 9
945 32 15 12 10
944 33 16 13 11
943 34 17 15 12
942 35 18 15 13 2Chroniques 15:10
941 36 19 (Ben-Hadad I) 16 14 2Chroniques 16:1-3
940 20 17 15
939 21 18 16
938 22 19 17
937 23 20 18
936 24 21 19
935 25 22 20
934 26 23 21
933 27 24 22
932 28 25 23
931 29 26 Élah 24 1Rois 16:8
930 30 27 Omri/ Tibni 1 1Rois 16:10-23
929 31 28 2
80 APPROCHE SCIENTIFIQUE D'UNE CHRONOLOGIE ABSOLUE
928 32 29 3
927 33 30 4
926 34 31 5
925 35 32 Omri 6
924 Chéchanq II 1 33 7
923 2 34 8
dynastie cassite, qui a aussi duré 5 siècles (1650-1150), n'a laissé aucun texte, elle fut pourtant largement plus puissante que la juridiction
israélite. De même, les rois d'Élam "disparaissent" complètement de l'histoire pendant plus de 3 siècles (de -1100 à -770) et bien que la
civilisation étrusque soit plus récente et ait prospéré de -750 à -300, nous ne possédons aucun de ses écrits.
348 Le texte de 2Chroniques 14:8-14 mentionne une campagne égyptienne de Zérah, un général éthiopien au service d'Osorkon Ier, mais
seule la ville de Gérar (près de Gaza) fut pillée. Cette campagne est datée en l'an 10 d'Asa (2Chroniques 14:1), soit en -947.
349 F. JOANNES - Dictionnaire de la civilisation mésopotamienne
Cette solution est toutefois peu vraisemblable, car les écarts de durée entre les
strates VI-V et V-IV passeraient sans raison de 45 et 50 ans (rapport de 1) à 12 et 43 ans
(rapport de 3,5). Une telle dissymétrie de durée entre les strates n'est pas réaliste353.
La ville de Dor était aux mains des Philistins (vers -1085), selon le Récit d'Ounamon,
puis a été dirigée par un gendre de Salomon (1Rois 4:11), ce qui implique sa conquête par
David. Des scarabées au nom de Siamon ont été trouvés dans cette ville354 (et aussi dans
Megiddo), ce qui pourrait les relier à la campagne de ce pharaon lorsqu'il a brûlé Gézer355,
mais cela est démenti par le texte biblique. Siamon ayant pris Gézer au sud pour l'offrir à
Salomon, David ayant déjà conquis Dor. Il semble donc que la destruction par le feu de la
ville de Dor, datée en -975 +/- 5 ans356 par le 14C, ne puisse être attribuée qu'à Chéchanq
Ier, même si cette ville n'apparaît pas dans sa liste, car de nombreux noms ont disparu.
Toutefois les villes Shunem, Megiddo, Hapharayim, Taanak et Soko, citées dans sa liste,
supposent un trajet incluant Dor. Les villes de Dor et de Megiddo ont aussi été conquises
par Tiglath-phalazar III357. La ville de Megiddo a subi plusieurs destructions, mais celle par
le feu, située dans la strate VIA, est datée en 965 +/- 40 ans358 par le 14C.
351 H.J. BRUINS, J. VAN DER PLICHT, A. MAZAR – 14C Dates from Tel Rehov: Iron-Age Chronology, Pharaohs, and Hebrew Kings
in: Science Vol 300 (11 April 2003) pp. 315-318.
352 I. FINKELSTEIN, E. PIASETZKY – Wrong and Right; High and Low 14C Dates from Tel Rehov: Iron-Age Chronology
in: Tel Aviv 30:2 (2003) Ed. Tel Aviv University pp. 283-294.
353 H.J. BRUINS, J. VAN DER PLICHT – Reponse to Comment on “ 14C Dates from Tel Rehov: Iron-Age Chronology, Pharaohs, and
Hebrew Kings” in: Science Vol 302 (24 October 2003) p. 568c.
354 S. MÜNGER – Egyptian Stamp-Seal Amulets and their Implications for the Chronology of the Early Iron Age
in: Tel Aviv 30:1 (2003) Ed. Tel Aviv University pp. 66-77.
355 E. LIPINSKI – On the Skirts of Canaan in the Iron Age
in: Orientalia Lovaniensia Alalecta 153 (2006) Leuven Ed. Peeters pp. 95-99.
356 A. GILBOA , I. SHARON, J. ZORN – Dor and Iron Age Chronology: Scarabs, Ceramic Sequence and 14C
in: Tel Aviv 31:1 (2004) Ed. Tel Aviv University pp. 32-56.
357 N. NA‘AMAN – Ancient Israel and Its Neighbours: Interaction and Counteraction
Flavius Josèphe359 est l'unique source pour l'établissement d'une chronologie des
rois de Tyr. Il donne l'âge et la durée du règne pour tous les rois, d'Hiram à Pygmalion, en
précisant qu'une durée de 143 ans séparait la fondation du Temple, depuis la 12e année
d'Hiram, jusqu'à la fondation de Carthage, dans la 7e année de Pygmalion. Bien que la
fondation de Carthage soit légendaire la date de -814 est retenue et en s'appuyant sur la
chronologie biblique calculée par Thiele, la chronologie suivante est obtenue360:
Roi de Tyr âge règne dates du règne Synchronisme (avec la chronologie de Thiele)
Abibaal - - 989?-969 David (1010-970)
Hiram Ier 53 34 969-935 Salomon (970-930); 969 – 12 = 957 = 814 + 143
Baal-Ezer Ier 43 17 935-918 957 (fondation du Temple) # 970 – 4 = 966
Abdrastratos 39 9 918-909
Methusastartos 54 12 909-897
Astharymos 58 9 897-888
Phelles 50 8 m. 888
Ithobaal Ier 48 32 888-856 Achab (874-853)
Baal-Ezer II 45 6 856-850 Salmanazar III (859-824) [Baal-manzer?]
Mattan Ier 32 29 850-821
Pygmalion 58 47 821-774 821 – 7 = 814 (fondation de Carthage)
Les synchronismes entre les deux chronologies, israélite et tyrienne, sont excellents.
Le règne d'Hiram chevauche effectivement celui de David de 8 ans (et couvre aussi les 20
ans de construction du Temple jusqu'en -993), le roi Ithobaal avait environ 20 ans à la
naissance de Jézabel et la 4e année de Salomon, marquant le début du Temple, précède bien
de 143 ans la fondation de Carthage. Par contre, les deux autres synchronismes, le tribut
payé par Baalmanzer et la fondation de Carthage, posent problème.
Le but de Flavius Josèphe était de donner une chronologie liant deux événements
importants et connus de ses lecteurs. Sa liste, provenant de Ménandre d'Éphèse (vers -200),
est vraisemblablement authentique, car le nom des rois de Tyr et la durée de leurs règnes
peut difficilement avoir été inventés. Josèphe situait la première fondation du Temple entre
1100 et 1060, selon ses calculs approximatifs368. De même, la plupart des historiens de son
époque situaient la fondation de Carthage au 9e siècle avant notre ère (mais quelques-uns
autour de -1200)369. Par exemple: -814 pour Denys d'Halicarnasse370, -818 pour Velleius
Paterculus371, -825 pour Trogue Pompée cité par Justin372, -828/-737 pour Cicéron373, -846
pour Tite-Live374, etc. La date est donc incertaine et n'est fondée que sur une estimation
(non justifiée). Par contre, ceux qui utilisent un synchronisme pointent autour de -880.
Velleius Paterculus précise ainsi que la fondation de Carthage a coïncidé avec Lycurgue, le
célèbre roi de Sparte. Or ce personnage fut, selon Plutarque375 et Strabon376, un
contemporain d'Iphitos, roi d'Élis, qui instaura les jeux olympiques en -884. De même,
Thucydide377 mentionne Carthage lors de l'arrivée des Grecs en Sicile, trois siècles après la
guerre de Troie, soit vers -884 (= -1184 + 300). La date est donc incertaine (de 884 à 814).
L'archéologie, après d'âpres controverses, a fini par confirmer une fondation de
Carthage au 9e siècle avant notre ère. La date de -814 est toutefois privilégiée car les rares
14
objets datés par le C remontent seulement au début du 8e siècle avant notre ère378.
L'épigraphie est un autre moyen de datation, or celui-ci appuie plutôt une date entre -900 et
-850. En effet, bien que le rôle du roi Pygmalion ait été déformé par la légende qui affirme,
selon Justin379, qu'Élissa (appelée Didon en grec), la sœur de Pygmalion se serait enfuie de
Tyr après le meurtre de son mari par son frère et aurait fondé Carthage, l'existence du roi
Pygmalion n'est pas contestée. La stèle de Nora accrédite cet épisode, puisqu'on lit:
Translittération Traduction380
1. btršš Dans Tarsis,
2. wgrš h’ et il fut conduit
3. bšrdn š en Sardaigne.
4. lm h’ šl Il est sauf. Sauf
5. m ṣb’ m est l'équipage [troupe] de
6. lkt nbn la Reine. Structure
7. š bn ngr que le héraut a construit
8. lpmy pour Pumay
Fig. 3 : Stèle de Nora
La traduction de ce texte est controversée, mais Tarsis et la Sardaigne sont bien des
régions atteintes par les Phéniciens. De plus, le nom Pumay semble être un hypocoristique
du théonyme Pumay-yaton381 "Pumay a donné", plus connu sous sa forme grecque:
Pygmalion382. Cette variante du nom est étonnante, mais un roi de Chypre (vers -300) aussi
nommé Pumay-yaton est transcrit Pygmalion en grec (cf. Histoire XIX:79:4 de Diodore).
L'étude épigraphique383 permet une datation de cette stèle.
375 Vie de Lycurgue I:1.
376 Géographie VIII:3:30-31.
377 La guerre du Péloponnèse VI:2.
378 M.G. AMADASI GUZZO - Carthage
in: Que sais-je ? 340 (2007) Éd. Presses Universitaires de France pp. 11-20.
379 Histoire XVIII:4-6. Strabon (Géographie XVII:3:15) et Virgile (Enéide I) avaient déjà mentionné cet événement.
380 E. LIPINSKI – Itineraria Phoenicia
in: Orientalia Lovaniensia Analecta 127 (2004) Éd. Peeters pp. 234-260.
381 De la même façon, le nom Baal de certains rois de Tyr (dans les annales assyriennes) semble être un hypocoristique de Baal-yaton.
382 E. LIPINSKI – Dieux et déesses de l'univers phénicien et punique
Tel Aviv 2005 Ed. Emery and Claire Yass Publications in Archaeology pp. 22-40.
CHRONOLOGIE ISRAELITE SYNCHRONISEE 85
Ces inscriptions ont été classées par Sass en fonction de leur évolution dans le
temps et en utilisant les repères habituellement admis de -850 pour la stèle de Mésha, de -
1000 pour l'inscription d'Ahiram et de -1150 pour les inscriptions les plus anciennes. Ce
système de datation rudimentaire peut être amélioré par les synchronismes suivants:
Selon la stèle de Mésha, Moab aurait été opprimé par Israël pendant 40 ans depuis le
règne d'Omri, Kemoshyat aurait régné 30 ans, puis Mésha (son fils) aurait libéré le pays.
Cette chronologie est plausible384 puisqu'elle situe les 40 ans à partir du règne d'Omri en
-930 jusqu'à la mort de Josaphat en -890. Le texte de 2Rois 3:4-7 situe la révolte de
Mésha peu après la mort d'Achab (en -898). Si Mésha a régné 30 ans comme son père,
sa stèle a dû être érigée après -898 et avant -870385 (fin de son règne).
Hazaël a été un contemporain de Jéhu (885-856) et de Joachaz (856-839).
La stèle de Dan386 mentionne la mort de Joram fils d'Achab et d'Ochozias fils de Joram,
en accord avec le texte biblique387. Hazaël est vraisemblablement l'auteur de cette stèle.
384 J.M. SPRINKLE – 2 Kings 3: History or Historical Fiction?
in: Bulletin for Biblical Research 9 (1999) pp. 247-270.
385 La lettre W (waw) dans la stèle de Mésha a encore la forme archaïque comme celle du sarcophage d'Ahiram.
386 A. BIRAN, J. NAVEH – An Aramaic Stele Fragment from Tel Dan
in: Orientalia Lovaniensia Analecta 100 (2000) Éd. Peeters pp. 128-130, 239-242.
390 S. MOSCATI – The World of Phoenicians
in: Archaeological Studies Leiden University 2 Ed. Leiden University 1998 p. 72.
393 Le départ d'Elissa de Tyr pourrait dater de la 7e année de Pygmalion et la fondation de Carthage de la 47e et dernière année.
CHRONOLOGIE ISRAELITE SYNCHRONISEE 87
Roi d'Assyrie dates du règne Tribut payé par (selon les annales assyriennes):
Tiglath-phalazar Ier 1115-1076 Sidon
Aššurna ṣirpal II 884-859 Tyr, Sidon
Salmanazar III 859-824 Tyr, Sidon, Omri [en fait Israël]
Adad-nêrârî III 811-783 Tyr, Sidon
Tiglath-phalazar III 745-727 Hiram II [Ḫirumu] de Tyr
Sennachérib 705-681 Luli de Sidon, puis Ithobaal II [Tuba’lu] de Sidon
Esarhaddon 681-669 Abdimilkutte de Sidon / Baal [Ba’lu] de Tyr
1533 1493 1488 1452 1366 1299 1211 1193 1162 1097 1013
a b c d e f g h i j k l
40 5 25 x 8 40 18 20 20 40 7 40 3 23 22 18 6 7 10 8 40 20 y 40 40 4
[41] 80 [180]
300
480
450 18x50
a) Sortie d'Égypte (en -1533) après la mort du pharaon dans la mer Rouge et début des 40
ans d'errance dans le désert du Sinaï avant d'entrer en Canaan397.
b) Sortie du Sinaï (en -1493) et entrée en Canaan, début d'une période de 300 ans qui se
termine (en -1193) avec le vœu de Jephté398. Caleb entre en Canaan à l'âge de 80 ans et
le pays est pacifié quand il a 85 ans399, soit 5 ans (= 85 – 80) après son arrivée.
c) Josué meurt à l'âge de 110 ans400. La période qui suit n'est pas précisée [x], mais peut
être estimée. En effet, la génération qui est entrée en Canaan avec Josué devait prendre
possession du pays401. Or comme la génération précédente avait duré 40 ans402, cela
permet de supposer que: [40] = 5 + 25 (= 110 – 85) + x, soit x = 10. En fait le calcul
exact donne x = 11 ans, car 300 = 5 + 25 + x + 8 + 40 +18 + 80 + 7 + 40 +3 + 23 +
22 + 18. Cette date (de -1488) inaugure le début du cycle jubilaire selon le texte de
Lévitique403 qui précise: Lorsque vous entrerez au pays que je vous donne, la terre chômera un
sabbat pour Yahvé. Pendant 6 ans tu ensemenceras ton champ. Or, le pays est donné aux
Israélites par Josué après 5 ans de conquête404. Les biblistes ont remarqué que le jubilé
biblique traduit le processus "Dieu fait sortir pour donner405", par exemple, Dieu fait
sortir les Israélites pour leur donner un pays ou Dieu fait sortir Abraham d'Ur pour lui
donner un héritage (Isaac) qui devrait prendre possession de la porte de ses ennemis406.
Le premier jubilé mentionné après celui de -1488, est celui de -588.
d) Kushân-Rishataïm407, un roi expansionniste du Mitanni, opprime le pays d'Israël 8 ans,
puis Othniel est juge 40 ans, ensuite Églon, un roi moabite, opprime le pays d'Israël 18
ans, puis Éhoud est juge408.
e) Éhoud inaugure une période de paix de 80 ans au Sud (en Judée), qui se termine par 40
ans de paix totale précédée des 20 ans d'oppression au Nord (en Samarie) par Yabîn409
(1366-1346), roi cananéen d'Haṣor. Éhoud puis Shamgar jugent Israël les 20 premières
années de paix totale et Barak les 40 dernières410.
f) Le pays de Madian opprime Israël 7 ans, puis Gédéon juge Israël 40 ans, puis Abimélek
règne 3 ans, puis Tola juge Israël 23 ans et enfin Yaïr juge Israël 22 ans411.
g) Après la mort de Yaïr, sa fonction de juge d'Israël n'est pas renouvelée et le pays est
livré à l'oppression des Philistins, des Ammonites, des Égyptiens, etc. Cette période de
graves troubles débute après sa mort et cause une grande détresse en Israël. Cette
période d'anarchie grave dure 18 ans412.
h) Jephté juge d'Israël pendant 6 ans, Ibtsân pendant 7 ans, Élôn pendant 10 ans, Abdôn
pendant 8 ans, puis période d'oppression des Philistins pendant 40 ans413.
i) Fin de l'oppression grâce à Samson, juge pendant 20 ans414. L'arche d'alliance est
capturée par les Philistins, puis rendue au bout de 7 mois aux Israélites qui la déplacent
à Qiriath Yéarim où elle séjourne 20 ans415.
j) Période indéterminée [y] débutant avec la fin momentanée de l'usage des idoles, une
déroute des Philistins grâce à Samuel, et qui précède le règne de Saül416. Cette période
peut être calculée: y = 180 – (6 + 7 +10 + 8 + 40 + 20 + 40 + 40 + 3*) = 6 ans,
sachant que: 180 = 480 – 300 et 3* au lieu de 4, car la 4e année ne contient que 1 mois.
k) Saül règne 40 ans417, puis David règne 40 ans418.
l) Salomon règne 40 ans. Au début de sa 4e année de règne (soit à la fin de sa 3e année) se
termine une période de 480 ans débutant à la sortie d'Égypte419.
Trois durées de cette période sont controversées: celle de 5 ans après la sortie
d'Égypte, celle de 480 ans et celle qui est indéterminée (y). La période de 5 ans peut être
déterminée à partir de l'âge de Caleb. En effet, selon le texte de Josué, Caleb avait 85 ans
lorsque les Israélites reçurent le pays de Canaan en héritage. Or, ce dernier renvoyait à la
promesse faite à Moïse 45 ans plus tôt, promesse dans laquelle on apprend que Caleb avait
40 ans lorsqu'il avait exploré le pays à partir de Qadèsh Barnéa420, mais comme il était né en
Égypte il comptait ses années selon l'ancien calendrier débutant en Tishri (septembre/
octobre). Cette exploration est datée du 1er mois de la 2e année après la sortie d'Égypte421.
Or, après la sortie d'Égypte les années seront comptées à partir de Nisan422 (mars/ avril) et
non à partir de Tishri, soit un décalage de 6 mois avec l'ancien système.
1533 1493 1488
39 40 41 78 79 80 81 82 83 84 85
1 2 39 40 41 42 43 44 45
1 2 3 4 5 1 2 49 50
Le système des jubilés de 50 ans ne débute pas à la 1ère année en Canaan (en -1493),
mais seulement à partir de la 85e année de Caleb (en -1488), car ce pays n'est donné aux
Israélites qu'après la période de pacification423. Il était en effet impossible de cultiver le pays
durant la guerre de conquête en Canaan et donc de pratiquer les ordonnances jubilaires.
Cette conquête fut brève (5 ans). La 1ère année de la période jubilaire de 50 ans débute en
Nisan (en -1488) mais n'est effective que le 10 Tishri424.
La période de 480 ans est controversée. On lit, en effet: Ce fut en l'an 480 après que les
enfants d'Israël furent sortis d'Egypte, la 4e année du règne de Salomon sur tout Israël, au mois de Ziv, qui
est le 2e mois425. Cela pourrait impliquer un début après la sortie du pays de Goshen en
Égypte. Or cette lecture possible contredit les autres données bibliques. En effet, en se
plaçant avant les 40 ans dans le désert (et non après), on obtient: 40 + 300 + 6 + 7 + 10 +
8 + 40 + 20 + x + 40 + 40 + 3 = 514 + y, or si 514 + y = 480 on aurait y = -34 ans! En
fait, le désert du Sinaï appartenait à l'Égypte, puisqu'il était situé avant le ouadi d'Égypte qui
marquait sa frontière426. Les Israélites sont donc définitivement sortis d'Égypte quand ils
ont passé ce ouadi (et donc après les 40 ans dans le désert). Selon ce schéma, on obtient:
474 + y = 480, ce qui donne y = 6 ans. Les traducteurs de la Septante qui connaissaient
cette période de 480 ans, débutant à la sortie d'Égypte après les 40 ans dans le désert, les
ont soustraits (ou lieu de les additionner)427 pour obtenir 440 ans (= 480 - 40)!
L'existence d'une période différente séparant deux événements apparemment
identiques se retrouve avec le départ de l'arche de Qiriat Yéarim qui arrive dans cette ville
où elle reste 20 ans. Après les 40 ans de règne de Saül, David décide de la ramener de Qiriat
Yéarim à Jérusalem428, ce qui semble paradoxal, car on aurait, soit 40 ans, soit 0 an. Il est
possible qu'entre temps, l'arche ait été déplacée soit à Baalé de Juda, une localité proche de
421 Nombres 9:1, 13:25.
422 Exode 12:2, 23:15.
423 Josué 1:15.
424 Lévitique 25:9,10.
425 1Rois 6:1 (puisque la période est datée du 2e mois de la 4e année, cela correspond à la fin complète de sa 3e année).
426 2Rois 24:7.
427 De la sortie d'Égypte, marquant le début de l'Exode, jusqu'à la 4e année il y a 520 ans (= 480 + 40).
428 1Chroniques 13:5.
CHRONOLOGIE ISRAELITE SYNCHRONISEE 91
Qiriat Yéarim, soit à Gibéa429 comme le traduit la Vulgate. En effet, la précision "dans la
colline" est étrange, car ba-gibéah est généralement traduit par "dans Gibéa" (la ville de
Gibéa était proche géographiquement de Qiriat Yéarim). De plus, Saül demanda à faire
venir l'arche à lui lorsque qu'il s'est trouvé à Gibéa430.
Il y a six synchronismes dans la période des Juges (1493-1097): 1) l'arrivée des
Philistins en Palestine (vers -1162), 2) la prise d'Ashqelôn et l'anéantissement Israël, selon la
stèle de Merenptah (en -1211), 3) la guerre de Séthy Ier dans l'Amurru (en -1294), 4) la
guerre des Apirou mentionnée dans les lettres d'El Amarna (en -1347), 5) l'expansionnisme
du Mitanni (vers -1452) et la prise de Jéricho par les Hyksos (en -1493).
Les Philistins (pelišti) sont mentionnés pour la première fois, parmi les Peuples de la
mer, dans la Grande inscription de l'an 8 de Ramsès III (en -1185). L'Onomasticon
d'Amenemope (daté vers -1100) localise les Philistins (p-w-l-ÿ-s3-ti) à Ahsdod, Ashqelôn,
Gaza, et [Eqrôn?]. Cette arrivée massive de Philistins dans la plaine côtière méridionale du
Levant431 est datée 23 ans avant qu'ils annexent le pays d'Israël (de -1162 à -1122). Sur les
murs de Medinet Habu les combattants apparaissent avec des casques à
plumes alors qu'un chef philistin (p-w-l-s3-ti) est coiffé d'un bonnet432 (ci-
contre). Ces Philistins, associés aux Peuples de la mer, se sont donc
installés dans leurs antiques colonies avant de régner sur les Israélites.
L'apparition des Philistins en Palestine "pays des Philistins" est donc
concomitante dans les chronologies égyptienne et israélite.
Ce synchronisme pose problème car, selon le texte biblique, les Philistins, venus de
l'île de Crète433 (Kaphtor), étaient déjà installés dans cette région à l'époque d'Abraham434
(vers -1900). Si les spécialistes des recherches bibliques reconnaissent que les Philistins sont
originaires de la Crète, le Kaptaru akkadien ou le Keftiu égyptien, ils estiment toutefois que
leur mention dans les textes bibliques, avant Ramsès III, constitue un anachronisme435. En
fait, la traduction du mot égyptien Keftiu436 "Crétois" ou lieu de "Crète", résout non
seulement les nombreux paradoxes des données égyptiennes, mais confirme aussi la haute
429 2Samuel 6:2, 1Samuel 7:1.
430 Josué 24:33, 1Samuel 22:6, 1Samuel 14:16-18.
431 Selon Justin (Histoires Philippiques XVIII:3:5), les Sidoniens avaient repoussé les navires philistins 1 an avant la guerre de Troie (-1184).
432 A.E. KILLEBREW – Biblical Peoples and Etnicity
antiquité des Philistins, que les Égyptiens appelaient, conformément à leur origine: Crétois
des îles au milieu de la mer [méditerranée]. Vercoutter437, malgré le grand nombre de documents
analysés, concluait que l'identification Keftiu à la Crète ne reposait finalement que sur une
forte présomption à cause des éléments suivants:
Les textes égyptiens qui décrivent géographiquement Keftiu l'associent souvent à la
ville de Byblos et situent régulièrement cette contrée vers la Syrie.
Une gravure égyptienne438 du vizir Rekhmiré (vers -1450) représente un prince de
Keftiu, vassal de l'Égypte de type syrien (1er personnage avec la petite barbe) alors que
ses offrandes sont de type égéen (comme le 4e personnage aux cheveux ondulés):
Dans le Décret de Canope (en -238), le mot égyptien Keftiu est rendu en grec par
"Phénicie" (normalement ce mot est écrit Ḫaru en égyptien).
Dans l'inscription citant tous les "Peuples de la mer", les Tjekker (installés à Dor selon
le récit d'Ounamon) et les Philistins ne sont pas décrits comme venant de la mer.
in: The Theban Tombs Series V (London 1933) The Egypt Exploration Society Plate IV.
439 C. VANDERSLEYEN – Le dossier égyptien des Philistins
in: The Land of Israel: Cross-roads of Civilizations Ed Peeters 1985 pp. 41-53.
CHRONOLOGIE ISRAELITE SYNCHRONISEE 93
(gauche): 1) Amnisos 2) Phaistos 3) Kydônia 4) Mycènes 5) Dikté (Béotie) 6) Messénie 7) Nauplie 8) Cythère 9) Ilios (Troie) 10) Cnossos
11) Amnisos 12) Lyktos (droite): 1) Keftiu 2) Tanayu (?)
Cette disposition des toponymes illustre un fait: pour les Égyptiens l'ensemble de
ces villes ou contrées formait une entité géographique dont Keftiu "Crétois" et Tanayu (?)
"Danéens?" étaient des extensions.
L'archéologie crétoise441 a éclairé le rôle et les échanges entre les grands empires
égéen, égyptien et babylonien du 2e millénaire avant notre ère442. Les premiers cachets
babyloniens, au nom de Sargon443 (2243-2187), apparaissent en Crète autour de -2200 et
une stèle rédigée sous le pharaon Sésostris Ier (1946-1901) contient l'expression Horus Kefti
qui peut être traduite par Horus Crétois par analogie avec Horus Tehenou (Horus Libyen). De
même, le Trésor de Tôd (découvert en Haute-Égypte) enfermé dans quatre coffres portant le
cartouche du pharaon Amenemhat II (1901-1863) renferme 153 coupes en argent de
fabrication minoenne. Ces découvertes prouvent que les échanges commerciaux avec la
Crète avaient commencé avant -2000 et concernaient surtout l'échange de métaux (et aussi
de matières précieuses). La Mésopotamie importait principalement l'étain crétois et le
cuivre chypriote pour fabriquer le bronze alors que l'Égypte privilégiait les vases d'argent
crétois notamment des rhytons. Quelques tablettes d'inventaire, archivées dans les temples,
permettent de reconstituer le trajet de ces matériaux444. Celle trouvée dans le palais de Mari,
et datée de la 9e année de Zimrî-Lîm (1679-1665), indique que 500 kg d'étain venaient de
Paris 2008 Éd. Presses Universitaires de France pp. 138-140, 153-154, 161, 419, 456.
443 E.F. WEIDNER – Notes on the Sargon inscription
Kaptaru (kap-ta-ri-tum) et avaient transité par plusieurs villes: Alep, Haṣor et Ugarit et que le
cuivre venait d'Alashiya (Chypre, lettre EA 40) et de Dilmun (Bahreïn) via Magan (Oman).
Une lettre (EA 114) envoyée par le maire de Byblos à son suzerain, le pharaon Amenhotep
III (1383-1345), confirme le rôle crucial du port de cette ville, ainsi que ceux de Tyr,
Beyrouth et Sidon, pour acheminer les navires venant d'Alashiya vers l'Égypte445. A cause
du cabotage, les bateaux crétois faisaient escale à Chypre pour embarquer le cuivre, puis ils
déchargeaient une partie de leur cargaison à Byblos (étain et cuivre), qui était ensuite
acheminer par voie terrestre, avant de terminer leur voyage vers l'Égypte (déchargement
des vases en argent). Cette route commerciale fut parfois interrompue comme le déplorait
un scribe égyptien de l'époque du pharaon Ahmosis (1530-1505): Vraiment aujourd'hui,
personne ne peut plus voguer au nord, vers Byblos; Comment nous procurerons-nous du bois de cèdre pour
nos sarcophages qui abritent nos momies, les produits avec lesquels doivent être inhumés les prêtres purs,
l'huile, qui vient d'aussi loin que les Crétois (Keftiu), avec laquelle doivent être embaumés les nobles ? Ces
merveilles ne reviendront plus (Admonitions d'Ipouer 3:6-8)446. En fait, les Égyptiens de cette
époque considéraient que les Crétois (Keftiu) qu'ils côtoyaient en "Philistie" venaient de ces
"îles au milieu de la mer" avec lesquelles ils commerçaient et dont Cnossos devait être le
pôle exportateur447 (au moins jusqu'en -1370, date de la destruction du palais de Cnossos).
Les historiens grecs donnent des renseignements qui éclairent l'origine ethnique des
Philistins. Selon Homère: Au milieu de la vaste mer est la belle et féconde île de Crète des milliers
d'hommes l'habitent, et quatre-vingt-dix villes sont renfermés dans ce pays, où l'on parle divers langages. Là
sont les Achéens [Mycéniens], les magnanimes Crétois autochtones, les Kydoniens, les Doriens, divisés en
trois tribus, et les divins Pélasges. Au milieu de cette contrée s'élève la grande ville de Cnossos où Minos
régna pendant neuf ans448. Une scholie sur ce passage dit que l'épithète de Zeus Pelasgikos était
lue aussi Pelastikos. Les Pélasges se seraient appelés primitivement les Pélastes449 d'où
dérive le nom Philistins450. Selon Thucydide (La guerre du Péloponnèse I:3-4), c'est Minos, à
l'époque des Pélasges, qui établit les premières colonies organisées. Diodore écrit: les
Pélasges, réduits à une vie errante par leurs expéditions et émigrations continuelles, abordèrent en Crète et
vinrent occuper une partie de cette île (Bibliothèque historique IV:60:2, V:78:2, V:80:2). Hérodote
(Enquête I:171) précise les sujets de Minos étaient les inventeurs du casque à crinière, or des
casques à crête sont représentés sur le disque de Phaistos (daté vers -1700). L'archéologie,
grâce à la similitude des céramiques minoennes et philistines451, a confirmé les affirmations
de ces historiens452. Les textes d'exécration égyptiens (1900-1800) visaient des hommes
comme Haluyakim, Hikisanu et Muri, des princes d'Ashqelôn et Yarpilu, un prince
d'Eqrôn453. Il est ainsi possible d'établir la reconstitution chronologique suivante:
Vers -2000, départ massif de Pélastes (Philistins), une ethnie migratrice de la Crète, vers
la Palestine (qui lui doit son nom)454. Fondation d'Ashqelôn et d'Eqrôn. La "Philistie"
est perçue par les Égyptiens comme une province du royaume minoen.
Vers -1900, Abraham rencontre Abimélek, un roi cananéen en territoire philistin, ainsi
que Pikol (nom indo-européen), son chef d'armée. Abimélek remet à Sara 11 kilos
d'argent (Genèse 20:16), un métal rare en Palestine, mais abondant en Crète.
Vers -1530, expulsion des Hyksos. La "Philistie" est alors perçue comme une
principauté crétoise devenue vassale de l'Égypte. Les Philistins sont des experts dans
l'art de la forge (Juges 1:18-19; 1Samuel 13:19).
Vers -1370, destruction du palais de Cnossos, le terme Keftiu disparaît des documents
égyptiens. La "Philistie" (l'ancienne Keftiu) devient une province égyptienne. Widya
(nom indo-européen), le maire d'Ashqelôn et Ya[h]tiru (?), le maire de Gaza, sont aux
ordres des commissaires égyptiens (lettres d'El-Amarna EA 296 et EA 320 à 327).
Vers -1190, les Philistins s'associent aux Peuples de la mer et se révoltent, sans succès,
contre l'Égypte. La Philistie, appelée par les Égyptiens du nom de son ethnie d'origine
au lieu de sa provenance géographique, devient une province subordonnée à Israël.
Vers -800, Adad-nêrârî III attaque la Philistie (Palaštu) qui devient, malgré plusieurs
révoltes durement réprimées, vassale de l'empire assyrien455.
En -604, Nabuchodonosor II détruit Ashqelôn (rattachée ensuite à Tyr). La Philistie est
intégrée à l'empire babylonien et perd toute autonomie. Hérodote456, vers -450, nomme
Syrie-Palestine la région qui recouvrait l'ancienne Philistie, la Judée et la Samarie.
égyptienne (datée vers -1500) répertorie quelques noms crétois (keftiu) comme (voir Vercoutter p.45): Akashu (’Ik3š3w), proche de Akish,
le roi de Gath (1Samuel 17:1), mais aussi comme Ben-Neṣabal (Bn-nd3b3r) un nom sémitique (!). Le nom Goliath a été rapproché du
lydien Alyatte et du nom écrit ’LWT sur une inscription trouvée à Tel es-Safi (Gath?) et datée vers -900.
455 P. GARELLI, A. LEMAIRE - Le Proche-Orient Asiatique Tome 2
La "prise" d'Ashqelôn
est représentée sur un mur de
Karnak461. Il s'agit en fait d'une
opération de police (et non
d'une bataille) pour effectuer
une expulsion, car les hommes
(et quelques femmes) sont non
armés et implorent les soldats
Égyptiens. Vu le contexte, les
habitants de cette ville auraient
dû être des Philistins, mais
leurs vêtements, de type
cananéen, supposent plutôt
des Israélites. En effet, selon le
texte biblique (Juges 1:1-19),
les Israélites avaient envahi les
villes de Gaza, d'Ashqelôn et d'Éqrôn (en -1463), sans toutefois pouvoir les conquérir à
cause des chars de fer philistins, ces villes restaient donc sous commandement philistin. Les
457 J.B. PRITCHARD - Ancient Near Eastern Texts
Princeton 1969 Ed. Princeton University Press pp. 376-378.
458 J. BRIEND, M.-J. SEUX – Textes du Proche-Orient ancien et histoire d'Israël
Concise Dictionary of Middle Egyptian, Oxford 2002, Ed. Griffith Institute p. 91). De plus, seul ce dernier sens convient au contexte.
461 A. MAZAR – Archaeology of the Land of the Bible
lettres d'El-Amarna montrent que leurs maires étaient des vassaux de l'Égypte. Widya (nom
indo-aryen), par exemple, le maire d'Ashqelôn, rappelle constamment dans ses courriers462
son allégeance au roi Amenhotep IV. Merenptah, pour soutenir son vassal, a donc expulsé
les résidents israélites d'Ashqelôn, qui est ainsi redevenue une ville entièrement philistine463.
Selon le texte biblique (Juges 10:3-13), de graves désordres apparurent en Israël
après la mort du juge Yaïr, qui fut sans successeur pendant 18 ans. Yaïr étant mort après 22
ans de règne, sa 23e année aurait dû commencer au 1er Nisan, soit le 21 avril -1211464. La
correspondance est excellente entre la stèle d'Israël (ayant la même date), dans laquelle le
pharaon Merenptah se réjouit que le peuple Israël soit anéanti (par les Philistins) et le
témoignage biblique qui déplore la grande détresse d'Israël provoquée par l'oppression des
Philistins et des Ammonites, et qui a coïncidé avec la mort du juge Yaïr.
Dans beaucoup d'autres villes, et malgré l'interdiction, les Israélites habitaient en compagnie de Cananéens (Juges 1:27-33).
464 L'équinoxe de printemps est daté du 1er avril en -1211, le 21 avril correspond à l'apparition du 1er croissant de lune après cette date.
465 A. DEGREVE – La campagne asiatique de l'an 1 de Séthy Ier
Palestine, telles les opérations militaires contre Qadesh et l'Amurru. Lors de son retour, les
troubles entre chefs locaux que le roi réprime sont dans la région de Beth-Shéan.
Cette reconstitution est conforme au récit biblique. Selon la chronologie israélite,
cette période se situe au début de la judicature de Gédéon, soit en -1299. La situation en
Palestine est présentée comme anarchique, les troubles venant des Madianites, des
Amalequites (Libyens) près de Gaza et des Orientaux près de Beth-Shéan466 (dans la plaine
de Yizréel). Les Orientaux pour les Israélites étaient surtout des Syriens467. Ceux de cette
époque sont qualifiés de Sidoniens468 (l'Amurru des Égyptiens). Selon le texte biblique,
Gédéon aurait abattu 120000 orientaux469 près de Beth-Shéan. Cette défaite pourrait
expliquer les changements d'alliance de l'Amurru et aussi que Séthy Ier se soit attribué la
pacification de cette région. Il est intéressant de noter qu'un des protagoniste, Duppi-
Teshub (1312-1290), traite les Apirou de brigands (SA-GAZ) dans un traité d'alliance. Par
cette victoire, Gédéon dut acquérir une réputation mémorable, puisque Eusèbe470 rapporte
les écrits de Porphyre, un opposant qui contestait le texte biblique à cette époque: Les
indications les plus exactes sur les Juifs, puisqu'elles concordent tout à fait avec les noms de lieux et de
personnes, sont dues à Sanchuniaton de Beyrouth, qui avait reçu en main les livres de Yerubbaal, prêtre du
dieu Iéuô (…) L'époque de ces personnages tombe avant même la guerre de Troie. Cette Histoire
phénicienne a été traduite du phénicien en grec par un certain Philon de Byblos. Selon le texte
de Juges 7:1, Gédéon, un juge de Yehowah, est appelé Yerubbaal. La stèle de Merenptah
mentionne un peuple (Israël) dans cette région, et non un royaume, or, le royaume d'Israël
n'apparut qu'à la fin de la période des Juges, avec Saül (1097-1057), le premier roi
israélite471. Les habitant de la Palestine sont appelés Shasou472, ou Apirou, à cette époque.
Les descriptions de Shasou sous Ramsès II reflètent la conception égyptienne sur ce groupe
etnique: Il prend ce qui reste et rejoint les [rangs des] misérables. Il se mêle aux tribus des Shasou et se
déguise en Asiatique (...) L'étroit défilé est infesté de Shasou qui se cachent dans la broussaille; certains
d'entre eux ont 4 coudées ou 5 coudées de la tête au pied, féroces du visage, leur cœur n'est pas doux et ils ne
prêtent pas l'oreille aux cajoleries473. Ces Shasou géants (plus de 2,50 m!) ressemblent aux
Anaqim qui résidaient dans le sud-ouest de la Palestine que le texte biblique décrit lui aussi
à plusieurs reprises474.
466 Juges 6:1-6,33; Josué 17:16.
467 Genèse 25:6,20.
468 Juges 10:12.
469 Juges 8:10.
470 Préparation évangélique I:10:12-14.
471 1Samuel 8:5-9:16.
472 T.E. LEVY, R.B. ADAMS & A. MUNIZ - Archaeology and the Shasu Nomads
Les relations des Égyptiens avec les Shasou étaient en effet perçues comme
conflictuelles. Sur des stèles, attribuées à Ramsès II, on lit par exemple: Celui qui a dépouillé
les rois asiatiques dans leur pays: il a ruiné l'héritage du pays des Shasou» (stèle des Shardanes); Qui a
réduit à néant les nations rebelles (..) qui a fait [apporter leur tribut au] pays des Shasou (Stèle V); [Qui
a repoussé] les Asiatiques, qui a capturé [les gens du] pays des Shasou (Stèle IX). Toutefois, comme
les Shasou de ces stèles sont les associés des Hittites, autres ennemis de l'Égypte, ils
devaient être des Syriens et non des Hébreux, d'autant plus qu'un linteau de Tell er-Ratabi
représente Ramsès II en train d'abattre un Syrien (facilement identifiable grâce à sa coiffure
et à son costume).
Les lettres d'El-Amarna475 éclairent la situation des Apirou dans le sud du Retenou
durant une période allant de la fin du règne d'Amenhotep III au début du règne d'Aÿ.
Canaan apparaît comme une sorte de protectorat ou de colonie féodale sous le pouvoir des
pharaons. Chaque roi, ou roitelet, ou maire de ville, doit faire allégeance au pharaon et tenir
compte des exigences de ce dernier qui assure son pouvoir en envoyant un certain nombre
de représentants sur place. Ces lettres révèlent un contexte international généralement
pacifique avec, par exemple, des relations diplomatiques entre le roi de Babylone
Kadashman-Enlil et Amenhotep III, à l'exception des Apirou, qui ayant conquis une partie
du pays, représentent une menace. Les rois cananéens du nord de la Palestine se plaignent
fréquemment d'être attaqués par ces Apirou en demandant l'intervention des autorités
égyptiennes, qui la plupart du temps ne font rien. Rib-Adda, le roi de Byblos, écrit: La guerre
des Apirou contre moi est rude (…) Les Apirou ont tué Aduna, le roi d'Irqata (…) Pendant des années
les archers se sont avancés pour inspecter le pays, et pourtant maintenant que le pays du roi et Sumur, votre
ville de garnison, se sont joint aux Apirou, tu n'as rien fait (…) Si cette année des archers ne s'avancent
pas, alors tous les pays se joindront aux Apirou (…) Il a dit aux hommes de Gubla [Byblos]: Tuez votre
seigneur et joignez-vous aux Apirou comme Ammiya (…) Pourquoi es-tu négligent de sorte qu'on prend
ton pays? Qu'on ne dise pas, au temps des Commissaires: Les Apirou ont pris le pays tout entier (…) si le
roi, monseigneur, ne prête pas attention aux paroles de son serviteur, alors Gubla [Byblos] se joindra à lui
et tous les pays du roi, jusqu'à l'Égypte, seront joints aux Apirou. Il semble toutefois que ces
messages du roi cananéen témoignent plus une gesticulation qu'une guerre réelle, puisqu'il
écrit aussi: Puisque c'est moi qui ai arrêté les Apirou, il y a des hostilités contre moi (…) que dois-je
faire, moi qui vis parmi les Apirou476. Certains rois cananéens477 reprochent même à des
commissaires égyptiens de sembler préférer les Apirou aux maires de villes cananéennes, et
Abi-Milkou, le maire de Tyr, reproche à Abdi-Tirši, le représentant de Haṣor, d'avoir
abandonné sa maison et de s'être livré aux Apirou, ce qui n'empêche pas ce dernier de
protester de sa fidélité au pharaon. Labayou, le maire de Sichem, est souvent dénoncé par
les autres rois cananéens comme étant un allié des Apirou, mais celui-ci proteste de son
innocence478: Je suis un serviteur loyal du roi! Je ne suis pas un rebelle et je ne manque pas à mon devoir;
je n'ai pas refusé de payer mon tribut, je n'ai rien refusé de ce que mon Commissaire avait demandé (…) Je
ne savais pas que mon fils était le compagnon des Apirou. Dès maintenant je le livre à Addaya [le
commissaire] (cette déclaration de Labayou prouve aussi qu'il ne peut pas être identifié à un
chef israélite).
En fait, les Apirou ne contrôlaient que la Cisjordanie et le sud de la Palestine, mais
les rois cananéens craignaient qu'ils étendent leur conquête. Les missives d'Abdiheba479, le
maire de Jérusalem, précisent indirectement la région conquise par les Apirou, il écrit: Vois,
je ne suis pas un maire; je suis un soldat du roi, mon seigneur. Vois, je suis un ami du roi, qui apporte son
tribut au roi (…) Que le roi s'occupe de son pays; le pays du roi est perdu. Tout m'en a été pris (…) Je
suis traité comme un Apirou [terme injurieux signifiant "un chien qui s'enfuit480"], et je ne rends pas visite
au roi, mon seigneur, puisque je suis en guerre. Je me trouve comme un navire au milieu de la mer (…) Les
Apirou ont pris les villes mêmes du roi. Pas un seul maire ne reste au roi, mon seigneur, tous sont perdus
(…) Milkilu [le maire de Gézer] et Tagi ont amené des troupes dans Qiltu contre moi (…) Que le roi
sache que tous les pays sont en paix les uns avec les autres, mais je suis en guerre. Que le roi pourvoie au
besoin de son pays. Vois le pays de Gazru, Ashqaluna et Lakisti. Ils leur ont donné de la nourriture (…)
C'est l'action de Milkilu et l'action des fils de Labayu, qui ont donné le pays aux Apirou (…) Que le roi,
mon seigneur, sache que je ne puis envoyer une caravane au roi, mon seigneur. Pour ton information!
Puisque le roi a placé son nom dans Jérusalem pour toujours, il ne peut l'abandonner. Selon le texte
biblique481 Jérusalem resta sous contrôle des Yebousites. Ce qui complique l'identification
précise des groupes par les Égyptiens est la multiplicité des ethnies en un même lieu. Selon
le texte biblique: Les fils d'Israël habitèrent au milieu des Cananéens, des Hittites, des Amorites, des
Perrizites, des Hivites et des Yebousites482. De plus, la ville de Jérusalem resta aux mains des
Yebousites483 ("piétineurs"). Les campagnes des pharaons ont toujours évité l'aire des
476 EA 75; EA76; EA 77; EA 81; EA 83; EA 88; EA 94; EA 130.
477 EA 286; EA 148; EA 228.
478 EA 254.
479 EA 287, EA 288.
480 EA 67.
481 Josué 15:63.
482 Juges 3:5.
483 Josué 15:63.
CHRONOLOGIE ISRAELITE SYNCHRONISEE 101
Shasou qui s'étendait dans les plaines occidentales de Jéricho, ce qui correspondait à la zone
indiquée par le texte de Josué484. L'aire des Apirou est plus petite que l'ensemble du
Retenou, cependant la domination égyptienne dans le Nord de la Palestine était épisodique
et peut-être plus théorique que réelle485. Les lettres d'El-Amarna relatent les raids, durant le
règne d'Akhenaton (1356-1340), de Labayou, le maire de Sakmu (Sichem) et de ‘Abdi-
Aširta, un puissant général amorrite et allié opportuniste et peu fiable des Égyptiens. Elles
permettent la reconstitution suivante des principales aires d'influence:
Josué 4:13.
484
Durant cette période, la situation politique de Byblos est alors dominée par
l'émergence d'une puissance majeure en Amurru dirigée par ‘Abdi-Aširta et par l'agression
de Šuppiluliuma Ier (1353-1322), roi du Hatti. Une fois Ṣumur prise et Byblos virtuellement
assiégée, Amenhotep IV se voit obligé de convoquer le roi de l'Amurru, Aziru (le fils
d'‘Abdi-Aširta), à la cour où il est détenu pendant plusieurs mois. Mais, cela ne l'empêche
pas d'intensifier ensuite la pression sur Byblos et de prêter allégeance au roi du Hatti. En
Palestine, la politique est dominée par des jeux de pouvoir locaux dans lesquels l'Égypte
cherche à interférer le moins possible. Les raids menés par Labayou et ses fils aux alentours
de Megiddo, d'abord perçus comme une suite de désordres mineurs, en viennent
rapidement à menacer les échanges commerciaux. Évitant toute ingérence directe,
Amenhotep IV demande à un groupe de cités palestiniennes de mettre de côté leurs
différents pour coopérer activement à l'élimination effective de Labayou. Les années qui
suivent la période amarnienne voient l'éclipse totale du Mitanni sous les coups de boutoirs
du Hatti et de l'Assyrie. La situation de Qadesh, grand centre commercial de la vallée de
l'Oronte, intéresse plus directement l'Égypte. Ses princes se rapprochent insensiblement du
Hatti. En dépit de traités de paix bilatéraux, les armées hittites et égyptiennes s'y sont déjà
affrontées, sous Toutankhamon (1336-1327).
La lettre EA 75486 permet de dater la guerre des ‘Apirou: Que le roi, mon seigneur, sache
que Gubla [Byblos], la servante du roi depuis les temps anciens, est indemne. Toutefois, la guerre des
‘Apirou contre moi est rude (...) Les ‘Apirou ont tué Aduna le roi d'Irqata, mais il n'y a eu personne qui
ait dit quoi que ce soit à ‘Abdi-Aširta. Aussi continuent-ils leurs prises (...) Que le roi, mon seigneur,
apprenne que le roi de Ḫatti s'est emparé de tous les pays qui étaient [vassaux] du roi de Mitanni. Vois, il
est roi, de Naḫrima [et] du pays des grands rois, [et] ‘Abdi-Aširta, [le serviteur] et chien, est en train de
pren[dre le pays du roi]. Cette guerre en Canaan487 correspond à la guerre de 1 an conduite en
Syrie par Šuppiluliuma Ier, 7 ans avant la mort d'Akhenaton, et qui est datée en -1347488.
Cette guerre coïncide avec l'accession de Barak, un juge israélite, qui avait déclaré la guerre
à Yabîn (II), le roi de Haṣor489, qui fut tué au début de ce conflit. Bien que Yabîn (II) soit
présenté comme roi de Canaan c'est Siséra, son puissant général, qui contrôlait en fait la
région du nord de la Palestine de 1366 à 1346. Le titre "roi de Canaan", attribué à Yabîn,
était honorifique et non réel, car il y avait plusieurs rois en Cannan à cette époque. Ce titre
était déjà honorifique à l'époque de la conquête de Josué (en -1493) puisqu'il est précisé
concernant Yabîn (I): En ce temps-là, Josué revint et s'empara de Haçor dont il tua le roi par l'épée.
Haçor était jadis la capitale de tous ces royaumes490. Cette affirmation a été confirmée par
l'archéologie, car avant -1800, Haṣor et Laish sont les deux seules cités de Canaan citées
dans les archives de Mari, qui accordent une grande importance à Haṣor. Dans les lettres de
Šamsi-Adad Ier (1711-1679), roi d'Assyrie, à son fils Yasmah-Adad, roi de Mari, il
mentionne le roi de Haṣor, Yabîn-Hadad (écrit Ibni-Addu), avec 4 rois d'Amurru491. Lors
de leur conquête de Canaan, les Israélites ne brûlèrent que trois villes: Jéricho, Aï et
Haṣor492, ce qui est en excellent accord avec l'archéologie qui date ces trois destructions par
le feu493 autour de -1500494. L'utilisation du titre de "roi" de manière honorifique est une
pratique orientale. Aššur-uballit II, par exemple, est encore qualifié de roi d'Assyrie dans les
annales babyloniennes, alors qu'il ne contrôlait en pratique qu'un minuscule bout d'empire.
La disparition précoce de Yabîn (II) au début des conflits (en -1347) pourrait expliquer son
absence des lettres d'El-Amarna. La seule lettre à mentionner un roi de Haṣor est celle
d'Abi-Milku, le maire de Tyr, qui écrit: Celui qui fait des razzias dans le pays du roi, c'est le roi de
Sidon. Le roi de Ḫaṣura a abandonné sa maison et s'est aligné avec les ‘Apiru (...) Ce sont de traîtres
individus. Il a reprit le pays du roi pour les ‘Apiru. Que le roi demande à son Commissaire qui connaît
bien Canaan495. Les lettres suivantes mentionnent seulement "l'homme de Haṣor" et non
plus le roi: Message de ‘Abdi-Tirši, l'homme de Ḫaṣura, ton serviteur (...) certes je garde Ḫaṣura, ainsi
que ses villages, pour le roi, mon seigneur. Que le roi, mon seigneur, se souvienne: iakurmi de tout ce qui a
été fait contre Ḫaṣura ta ville, et contre ton serviteur496. L'ancienne zone du roi d'Haṣor était donc
passée sous le contrôle des ‘Apirou. Malgré le rôle important des ‘Apirou dans la région, les
lettres d'El-Amarna ne mentionnent jamais leur roi. Cette anomalie apparente pourrait
s'expliquer par le fait que Barak n'était qu'un juge, ou un conseiller, et non un roi.
La zone contrôlée par les ‘Apirou, selon les lettres des rois cananéens, est donc
sensiblement la même que celle du pays des Shasou décrite par les Égyptiens. Cette région
de la Palestine paraît échapper à la domination égyptienne, puisque le commissaire de
Ṣumur n'était responsable que de la province d'Amurru qui allait de Byblos (Gubla)
jusqu'au sud d'Ugarit et vers l'intérieur jusqu'à l'Oronte. Le commissaire de Kumidu
490 Josué 11:1,10.
491 B.G. WOOD - Let the Evidence Speak
in: Biblical Archaeology Review March/ April 2007 pp. 26,78.
492 Josué 6:1,24, 8:19, 11:11-13.
493 La datation par le Carbone 14 donne une date de -1580 +/- 60 ans à partir d'un échantillon de 6 graines (Radiocarbon 37 [1995] p. 217)
ou de -1597 +/- 91 ans à partie de 2 échantillons d'une structure de base (Quaderni di Gerico 2 [2000] pp. 206-207,330,332).
494 Y. YADIN – Hazor, the Rediscovery of a Great Citadel of the Bible
administrait la province de Apu, territoire qui allait de Qadesh, dans le sud de la Syrie, à
Haṣor dans le nord de la Palestine, et de la région de Damas jusqu'à la Transjordanie
septentrionale. Enfin, le commissaire de Gaza qui contrôlait la Palestine, à l'exception du
pays des Shasou, et une partie de la côte phénicienne, sans doute jusqu'à Beyrouth497.
La mise en parallèle des synchronismes permet de dater la guerre des ‘Apirou
durant la guerre en Syrie conduite par Šuppiluliuma Ier, soit de mai -1347 à mai -1346:
Les raids de Labayou, le maire de Sechem, ne sont pas mentionnés dans le texte
biblique, peut-être parce qu'ils n'eurent qu'un rôle secondaire par rapport à la domination
de Yabîn, un roi puissant qui possédait 900 chars de fer498. En fait, seule la victoire sur
Siséra et Yabîn a été conservée dans la mémoire israélite499.
497 W.L. MORAN - Les lettres d'El Amarna
in: LIPO n°13 Paris 1987 Éd. Cerf pp. 34,35.
498 Juges 4:3.
499 Psaumes 83:9.
CHRONOLOGIE ISRAELITE SYNCHRONISEE 105
On sait500 que le pharaon Thoutmosis Ier (1484-1472) a lancé au début de son règne
un raid en profondeur qui l'a mené jusqu'à l'Euphrate. Cette action visait à contenir la
puissance mitanienne (le pays du Mitanni est écrit ḫ3st Mtn dans les textes égyptiens) en
direction de la Syrie et du pays de Canaan où, au témoignage de la documentation
postérieure, de nombreux princes aryas, certains peut-être apparentés à la dynastie hourrite
de même origine, s'étaient installés dans plusieurs cités de la région. Selon la chronologie
synchronisée, les rois de cette époque, ayant des visées expansionnistes, sont Barattarna Ier
(1480-1455) et Šauštatar Ier (1455-1435). La mise en parallèle des synchronismes égyptiens
et israélites donne le tableau suivant:
dynastie (1550-1292). Malheureusement, et en l'absence de documentation écrite, les raisons d'un tel
phénomène, sa nature exacte, son extension géographique et jusqu'à sa date précise, restent matière à débat.
Certains archéologues datent ces destructions de la période suivant immédiatement l'expulsion des Hyksôs,
mais le silence des textes et l'indifférence relative de l'Égypte à l'égard de l'Asie à cette période ne militent
pas en faveur de cette théorie. En se fondant uniquement sur la chronologie, l'accord avec les
documents bibliques est pourtant remarquable: la deuxième période intermédiaire avec les
Hyksos recoupe exactement l'ère des patriarches bibliques en Égypte et l'épisode des
Shasou correspond à la période ultérieure des Juges. Cette identification est confirmée par
le prêtre égyptien Manéthon lui-même. L'étymologie qu'il donne du mot Hyksos confirme
le lien avec les Shasou. Il explique le mot Hyksos comme venant de hyk-sos "roi-berger", ce
qui est relativement exact, car le mot égyptien ḥeq signifie "prince/ souverain" et le mot šos
signifie effectivement "berger". La traduction sahidique (égyptien tardif) du texte de
Genèse: Et si tu sais qu'il existe parmi eux des hommes de valeur, mets-les pour chefs des cheptels qui
sont à moi502 emploie par exemple le mot šos pour désigner ces "chefs des cheptels".
Le mot Hyksos vient en fait de l'égyptien ḥeqaw ḫa’sw.t "princes des pays étrangers",
mais Manéthon l'a relié aux Shasou apparus ultérieurement et l'a ainsi traduit par "chefs des
bergers" ḥeqaw šosw. Des études récentes503 sur les Shasou tendent à réhabiliter cette
étymologie dite populaire. En effet, les Égyptiens comprenaient le mot shasou comme un
nom commun désignant les bergers semi-sédentaires qui séjournaient majoritairement dans
le sud de la Palestine. Ils utilisaient l'expression "pays des Shasou", cela montre qu'ils
comprenaient primitivement cette expression comme une désignation géographique. Le fait
qu'ils écrivaient parfois le mot shas (š3s) "errant" au lieu de l'habituel shasou (š3sw) montre
aussi qu'ils comprenaient primitivement ce mot comme un synonyme de "transhumant".
Les Égyptiens avaient très peu de sympathie pour ces bergers israélites. Le texte biblique
relate d'ailleurs concernant les frères de Joseph: Ces hommes sont des bergers, parce qu'ils sont
devenus éleveurs (...) afin que vous habitiez au pays de Goshèn, car tout gardien de moutons est chose
détestable pour l'Égypte504. Cette antipathie s'étant visiblement muée en véritable haine après le
départ d'Égypte, puisque les textes égyptiens utilisent fréquemment l'expression "ces
vaincus de Shasou" pour désigner les bergers qui résidaient en Palestine. Les shasou d'Edom
ou de Séir, par contre, n'étaient pas perçus comme hostiles par les Égyptiens puisqu'un
papyrus du temps de Merenptah505 évoque des relations pacifiques et prospères entre les
Ces guerriers shasou sont représentés sur les fresques égyptiennes avec cette arme,
déjà utilisée par les Hyksos (puis par les Égyptiens qui leur avaient sans doute empruntée)
et avant par les Sumériens507 (roi Eannatum). Cette hache de type cananéen, appelée garzèn,
était très fréquente en Orient et fut aussi utilisée par les Israélites (Deutéronome 20:19).
Ces Shasou apparaissent avec des barbes, des coiffures et des habits sensiblement
identiques à ceux portés par les Hyksos représentés sur un mur à Beni-Hassan. Cette
coiffure avec un bandeau encerclant la tête était un attribut caractéristique, de plus, cette
forme semble avoir été typique aux époques reculées. L'art égyptien a représenté
minutieusement les variantes dans les coiffures des Shasou, ce qu'il n'a pas fait pour les
représentants d'autres peuples. Certaines caractéristiques sont identiques aux descriptions
bibliques. En plus de leur coiffure caractéristique, un détail mérite particulièrement d'être
noté: ces prisonniers et ces soldats shasou sont très souvent revêtus de vêtements à franges
ornés de glands. Or selon le texte biblique, Moïse ordonna aux Israélites, après qu'ils soient
arrivés en Palestine, de faire des bordures frangées aux pans de leurs vêtements ainsi que
des glands aux quatre extrémités de ces vêtements508. Cette coïncidence supplémentaire
renforce l'identification des Shasou (les anciens Hyksos) avec les Israélites de la Bible509.
506 R. GIVEON - Les bédouins Shosou des documents égyptiens
Leiden 1971 Ed. E.J. Brill pp. 248-254.
507 J. B. PRITCHARD - The Ancient Near East in Pictures
Le texte biblique situe la conquête de Canaan par les Hébreux vers -1493. Or
l'archéologie confirme qu'il y eut de nombreuses destructions de villes, durant le 16e/ 15e
siècle avant notre ère, en Palestine510. La présence des Hapirou est mentionnée par le roi
Idrimi qui avait séjourné sept ans chez eux (vers -1480) au pays de Canaan511. Les Égyptiens
effectuèrent, peu après -1500, plusieurs campagnes en Syrie-Palestine, en fait de simples
opérations de police contre des cités cananéennes pour rappeler à toute cette région son
état de vassalité (principalement dans le Mitanni et non dans le Retenou inférieur, la Judée
des Hébreux)512. Si les fresques égyptiennes, au 15e siècle avant notre ère, représentent les
Syriens sous les traits d'un peuple vassal513, elles se contentent de dénigrer les "vils" Shasou
sans expliciter leur statut exact dans la région. Les lettres d'El-Amarna montrent qu'au 14e
siècle il y avait de nombreux troubles en Palestine. Cette situation confuse explique aussi
pourquoi les raids égyptiens en Palestine ne sont pas mentionnés dans le texte biblique, qui
relate cependant que de nombreuses villes étaient redevenues cananéennes ou amorrites
après la mort de Josué514. Par contre, la description des Apirou par les rois cananéens, dans
les lettres d'El-Amarna515, est similaire à celle des Shasou par les rois égyptiens.
510 A. MAZAR - Archaeology of the Land of the Bible, 10000-586 BCE
New York 1990 Ed. Doubleday pp. 224-242.
511 J. BRIEND M.J SEUX - Textes du Proche-Orient ancien et histoire d'Israël
Selon le texte biblique, la zone occupée par les Israélites en Palestine ne concernait
presque pas la côte méditerranéenne, car le sud était occupé par les Philistins et le nord par
les Phéniciens.
Les pharaons ont mené peu de campagnes en Asie, les principales concernaient
surtout le Mitanni ou le nord de Canaan, mais jamais le sud de la Palestine. De plus,
lorsqu'ils ont pénétré (au nord de la Palestine) dans la zone des Israélites, ce fut uniquement
dans les périodes où ce territoire était sous domination étrangère. Le général égyptien
Ahmosis-Pennekhbet, par exemple, relate dans sa biographie qu'à l'époque de Thoutmosis
Ier (vers -1480) il fit des prisonniers en Nubie et en Naharin [Mitanni] et qu'au cours d'une
expédition punitive dans le Nord, les Shasou se trouvaient sur son passage et qu'il fut
nécessaire de les écraser. Le pharaon Thoutmosis III indique de même dans ses annales que
durant sa 14e campagne, en l'an 39 de son règne, il séjourna dans le Retenou après avoir
défait des Shasou516. Cette campagne est survenue cependant assez tard dans son règne,
longtemps après la conquête des villes portuaires syriennes qui lui permirent d'emprunter la
voie maritime pour s'approcher de ses ennemis du Nord517. Cette campagne contre les
Shasou518 était de caractère secondaire, et son but principal était d'apaiser une rébellion et,
par la même occasion, d'ouvrir les routes à l'armée égyptienne. Concernant cette campagne,
dans les grandes listes géographiques de Thoutmosis III, aucun endroit n'est cité au Sud de
la Palestine, habituellement associé au nom des Shasou, à l'exception du Néguev. Il
semblerait que ce pharaon ait repris à son compte la rhétorique guerrière d'Hatshepsout qui
fut sa régente durant les 22 premières années de son règne. Cette dernière se vantait d'avoir
restauré tout le pays après que les Asiatiques, dirigés par les Hyksos, aient quitté leur
capitale Avaris pour le Retenou (Palestine). Thoutmosis présenta implicitement cet épisode
comme une victoire égyptienne. Sur la stèle de Bouto, par exemple, datée de l'année de son
couronnement en l'an 23 de son règne, apparaît cette inscription519: Toutes terres et tous pays
étrangers, maîtrisés, sont sous ses sandales; on s'est rendu à lui tête basse, et s'inclinant devant sa foudre.
Les souverains étrangers [Hyksos] sur toute l'étendu de la Terre reconnaissent: "Il [Thoutmosis III] est
notre maître". C'est lui qui les a fait revenir vers lui par la crainte qu'il inspire. Il n'est pas de pays qu'il
n'ait foulé pour élargir les frontières de l'Égypte par des victoires, grâce à sa puissance. Ni millions ni
centaines de milliers d'hommes ne rebutent son courage. C'est un Roi vaillant qui, dans la mêlée, fait de
grands massacres parmi les Asiatiques coalisés. Il est celui qui fait que les chefs du pays de Retenou, dans
leur totalité, soient tenus de fournir leur tribut et soient assujettis à l'impôt annuel comme les gens qui
dépendent de son palais. Il est plus efficace, à lui seul, qu'une armée de nombreux milliers d'hommes. C'est
un combattant si vaillant que nul ne peut l'égaler dans le pays entier, ni dans son armée, ni parmi les
souverains étrangers [Hyksos], ni au Sud ni au Nord. C'est un Roi qui mérite que l'on exalte sa puissance
autant que sa vaillance. L'Égypte s'est renforcée depuis son avènement: elle ne craint aucun autre pays; elle
n'a pas à se préoccuper du Sud, ni à s'inquiéter du Nord (...) Les pays de Min et de Koush sont ses sujets,
lui offrent leurs productions d'or, en abondance, d'ivoire et d'ébène, sans limite. Il n'y eut pas de Roi qui ait
fait ce qu'il a fait parmi tous les Rois qui ont existé jusqu'ici. Les récits fanfarons de ce pharaon
associent toutefois dans l'inimitié les souverains des pays étrangers (Hyksos), les chefs du
pays de Retenou, les Asiatiques et les vaincus de Shasou. La principale victoire de
Thoutmosis III fut celle Megiddo. Elle est datée précisément du I Shemou 21 de l'an 23 (7
mai -1450), car ce jour coïncidait avec une pleine lune, ce qui était considéré par les
Égyptiens comme de très bonne augure520 (ils ont d'ailleurs remporté la victoire).
La stèle d'Aménophis II, datée autour de -1400, donne plusieurs informations
déterminantes. Elle contient la liste suivante de prisonniers: Grands de Retenou 127; Frères
des Grands 179; Apirou 3600; Shasou vivants 15200; Kharous (Cananéens) 36300;
Nouhasseh vivants (Syriens) 15070; leurs familles 30652. Le nombre énorme des Shasou
faits prisonniers (dont certains serviront ultérieurement dans l'armée égyptienne), soit la
moitié des Kharou (les Cananéens), montre que les Shasou constituaient une population de
première grandeur à cette époque. Il ne s'agissait pas, comme l'affirment certains, d'un tout
petit ensemble de familles ayant émigré en Palestine, mais bien, comme le prétend le texte
biblique, d'un groupe très important de personnes. Le texte égyptien distingue les Shasou
des Apirou et certains s'en servent pour affirmer qu'il n'y avait aucun lien entre ces deux
groupes. Cette affirmation est trompeuse. Il faut se rappeler que pour les Égyptiens les
mots Shasou et Apirou n'étaient pas des noms propres mais des noms communs. Les
Égyptiens qualifiaient les colons conquérant la Palestine par le terme péjoratif de Hapirou/
‘Apirou521 "réfugiés/ émigrés522" dans les lettres d'El-Amarna avec le sens de "rebelles/
hors-la-loi523". Le mot Habirou signifie "migrants" dans les langues sémitiques524 d'où sa
signification ultérieure de "vagabonds". La liste d'Aménophis II était donc comprise: Hors-
la-loi (Apirou) 3600; Transhumants (Shasou) vivants 15200.
Si pour les Égyptiens les Shasou, notamment ceux de Palestine, étaient aussi perçus
comme des "vagabonds", voire des "hors-la-loi", cependant tous les hors-la-loi ou
vagabonds n'étaient pas des transhumants (Shasou). Le texte biblique lui-même fait une
CHRONOLOGIE ISRAELITE SYNCHRONISEE 113
différence parmi les Israélites entre deux groupes: Les Israélites partirent de Ramsès en direction
de Soukkot au nombre de près de six cent mille hommes de pieds — rien que les hommes, sans compter
leur famille. Une foule mêlée nombreuse monta avec eux, ainsi que du petit et du gros bétail, formant
d'immenses troupeaux525. Selon les chiffres de la liste d'Aménophis, les Shasou (les bergers de
Palestine) étaient quatre fois plus nombreux que les Apirou (les hors-la-loi).
Selon la chronologie synchronisée, le roi du Mitanni, Šaušatatar (1455-1435), nom
déformé en Kušan Rišathayim "Kushien de la double méchanceté", exploita le pays d'Israël
pendant 8 ans, de -1452 à -1444, avant d'être repoussé par le juge Othniel: Alors les fils
d'Israël crièrent vers Yahweh et Yahweh leur suscita un libérateur pour les délivrer: Othoniel, fils de
Qenaz, parent de Caleb, plus jeune que lui. L'esprit de Yahweh fut sur lui et il fut juge d'Israël; il marcha
au combat (...) et sa force l'emporta sur Kušan Rišathaïm526.
La destruction de Jéricho est très documentée dans le récit biblique, car il s'agit de
la première ville cananéenne conquise par Josué après l'entrée dans le pays: Le lendemain de la
Pâque, ils mangèrent du produit du pays: pains sans levain et épis grillés, en ce même jour [15 Nisan]. Il
n'y eut plus de manne le lendemain, où ils mangeaient du produit du pays. Les Israélites n'ayant plus de
manne se nourrirent dès cette année [-1493] des produits de la terre de Canaan (...) Or Jéricho s'était
enfermée et barricadée (contre les Israélites): personne n'en sortait et personne n'y entrait. Yahvé dit alors à
Josué: « Vois! Je livre entre tes mains Jéricho et son roi, gens d'élite (...) Quand il entendit le son de la
trompe, le peuple poussa un grand cri de guerre, et le rempart s'écroula sur place. Aussitôt le peuple monta
vers la ville, chacun devant soi, ils s'emparèrent de la ville. Ils dévouèrent à l'anathème tout ce qui se
trouvait dans la ville, hommes et femmes, jeunes et vieux, jusqu'aux taureaux, aux moutons, et aux ânes,
les passant au fil de l'épée (...) On brûla la ville et tout ce qu'elle contenait, sauf l'argent, l'or et les objets de
bronze et de fer qu'on livra au trésor de la maison de Yahvé527. Le récit biblique précise que Jéricho,
aussi appelée "ville des palmiers", fut réoccupée 18 ans par Églôn528 (1404-1386), un roi de
Moab. Cette ville, devenue un petit village, mentionné au temps de David529, ne fut
reconstruite qu'à l'époque d'Achab530 (919-898), 500 ans après la conquête de Josué.
La ville de Jéricho, située face au mont Nebo du pays de Moab531, a été identifiée au
Tell es-Sultan. Plusieurs points du récit biblique ont été confirmés par l'archéologie: 1) la
525 Exode 12:37,38.
526 Juges 3:9-10.
527 Josué 5:11-6:24.
528 Juges 3:12-14.
529 2Samuel 10:5.
530 1Rois 16:33-34.
531 Deutéronome 32:49.
114 APPROCHE SCIENTIFIQUE D'UNE CHRONOLOGIE ABSOLUE
ville se trouvait sur une butte (le peuple monta vers la ville), 2) elle était fortifiée, 3) cette
ville a été brûlée et 4) n'a plus été habitée pendant plusieurs siècles. Le principal désaccord
provient de la datation: selon John Garstang, la destruction de Jéricho aurait eu lieu autour
de -1400, mais selon Kathleen Kenyon, la ville aurait été détruite vers -1550 et fut ensuite
abandonnée. Cet écart de 150 ans illustre les grandes difficultés à dater un événement
uniquement à partir des strates et des poteries, toutefois, ces deux dates532 excluent un
Exode au 13e siècle avant notre ère.
La datation de la destruction de
Jéricho est incertaine pour deux raisons:
1) il ne reste presque rien de la ville (ci-
contre) et 2) celle-ci a été reconstruite au
moins 7 fois. Toutefois, la découverte de
sceaux scarabées533 au nom de
Thoutmosis III, d'Hatshepsout et
d'Amenhotep III, prouve que cette ville
était encore habitée bien après -1550. De
plus, des poteries de type "bichrome
chypriote", n'apparaissant que durant la
période hyksos534 (1600-1450), ont aussi
été exhumées dans cette ville.
Fig. 11 : Sceaux scarabées au nom de Thoutmosis III et d'Amehotep III Poteries bichromes chypriotes (période hyksos)
in: American Journal of Semitic Languages and Literature 58 (1941), pp. 126,368-372.
534 Y. YADIN – Hazor: The Head of All Those Kingdoms
2038 1963 1938 1933 1878 1788 1748 1678 1573 1533 1493 1488
a b c d e f g h i j
5 400
75 25 (3x50) 40 215 40 5
100 60 90 110 105 40
430
(2x50) 450 (9x50)
a) Arrivée d'Abraham en Canaan à l'âge de 75 ans536 et début des 430 ans de résidence en
terre étrangère537 (la naissance d'Abraham remonte en -2038).
b) Abraham à 100 ans538, naissance d'Isaac l'ancêtre du peuple d'Israël et début d'une
période de 450 ans539 (le fils d'Agar est âgé de 14 ans)540.
c) Isaac sevré à 5 ans541, période de 400 ans d'afflictions542 débutant avec les persécutions
sur Isaac543 par le fils d'Agar et se terminant à la sortie d'Égypte, la fin de la servitude544.
d) Naissance de Jacob quand Isaac à 60 ans545.
e) Naissance de Joseph dans la 91e année de Jacob puisque ce dernier a 130 ans quand
Joseph a 39 ans (= 30 ans + 7 ans d'abondance + 2 ans de famine)546.
535 K.M. KENYON – Palestine in the Middle Bronze Age
in: Cambridge Ancient History Vol. 2 Part 1 (1973), pp. 92-93.
536 Genèse 12:4,5.
537 Exode 12:40,41.
538 Genèse 21:5.
539 Actes 13:17-20.
540 Genèse 16:16.
541 Selon 2Maccabées 7:27, l'allaitement durait habituellement au moins 3 ans (voir 2Chroniques 31:16).
542 Genèse 15:13. La période de 400 ans débute avec l'oppression d'Isaac et non à sa naissance (voir notes suivantes).
543 Genèse 21:8,9. Le sens du verbe hébreu est "se moquer " et non "jouer". Le Talmud (Sota 6:6) évoque même des sévices.
544 Galates 4:25-29. Selon Maimonide (Epître au Yémen III) et Rashi, les 400 ans vont de la naissance d'Isaac à la sortie d'Égypte.
545 Genèse 25:26.
546 Genèse 41:46,47,53,54; 45:11; 47:9.
116 APPROCHE SCIENTIFIQUE D'UNE CHRONOLOGIE ABSOLUE
f) Arrivée des Israélites (Jacob et sa famille) en Égypte dans la 40e année de Joseph547,
début du séjour de 215 ans (période de la présence des Hyksos, de -1748 à -1533).
g) Mort de Joseph à l'age de 110 ans. Des chefs israélites sont établis par Joseph, puis par
les pharaons, et administrent alors le pays de Goshèn548 pendant 105 ans (règne des
princes Hyksos). Les 40 dernières années de cette période sont attribuées à Moïse.
h) Moïse fut le dernier Grand personnage en Egypte, car bien que "fils de pharaon" 40 ans
durant, il fut ensuite banni pendant 40 ans avant de revenir en Égypte549.
i) Sortie d'Égypte juste après la mort du pharaon (Séqenenrê Taa) et début des 40 ans
d'errance dans le désert du Sinaï avant d'entrer en Canaan550.
j) Sortie du Sinaï, entrée en Canaan et mort de Moïse à 120 ans, période de pacification de
5 ans551 qui se termine en -1488 et qui fixe le début des jubilés (tous les 50 ans).
La période de 430 ans est controversée, car on lit: Et la résidence des fils d'Israël, qui
avaient habité en Egypte, fut de quatre cent trente ans552, ce qui pourrait impliquer un séjour de 430
ans en Egypte. Or cette lecture possible est contredite par le contexte. Les traducteurs juifs
de la Septante, conscients de cette ambiguïté, ont préféré ajouter une incise pour prévenir
tout quiproquo: Le séjour que les fils d'Israël firent en séjournant dans le pays d'Egypte [et dans le pays
de Canaan] fut de quatre cent trente ans. Cette incise, que l'on trouve aussi dans le Pentateuque
samaritain, est conforme au contexte indiquant que cette période de 430 ans représente la
durée totale du séjour des fils d'Israël en dehors de l'alliance mosaïque553. Cette période
comporte deux parties: la première qui commence en Canaan par l'alliance abrahamique
suivie rapidement par les brimades d'Esaü sur Isaac554 et qui s'achève par la sortie de Jacob
en Egypte, et une deuxième période débutant par cette servitude en Egypte et se terminant
par l'Exode sous la direction de Moïse. Le verset incriminé devrait donc se lire: Et la
résidence des fils d'Israël, qui avaient habité en Egypte [215 ans], fut de 430 ans. Une confirmation
indirecte de cette période de 215 ans (en Égypte)555 provient de la généalogie de Josué556. Ce
dernier ayant 40 ans à la sortie d'Égypte557 (en -1533), sa naissance devait donc remonter
vers -1573. En supposant un écart moyen de 20 ans entre chaque génération, on obtient la
succession suivante des dates de naissance:
sous Amenemhat Ier (1975-1946) et analogue à celle des 400 ans de Genèse 15:13, ait voulu la réaliser dès 1575 (= 1975 - 400), soit 40 ans trop tôt.
550 Exode 16:35.
551 Deutéronome 34:1-7; Josué 14:7,10.
552 Exode 12:40.
553 Galates 3:17.
554 Genèse 21:9.
555 Eusèbe de Césarée connaissait cette période de 215 ans en Égypte, identique à celle en Canaan (La préparation évangélique IX:21:16).
556 1Chroniques 7:23-28.
557 Josué 14:7.
CHRONOLOGIE ISRAELITE SYNCHRONISEE 117
Joseph étant arrivé en Égypte à l'âge de 17 ans558, la période qui court de son
arrivée, soit vers -1756 (= -1773 + 17), jusqu'à l'Exode (en -1533) couvre 223 ans, en bon
accord avec les 215 ans calculés. Cette considération chronologique était connue, puisque
Flavius Josèphe559 la mentionne dans ses ouvrages. La chronologie israélite fixe donc
précisément la date de la sortie d'Égypte en -1533 (cette date est celle qui était initialement
prévue, car la sortie définitive eut lieu en -1493 après les 40 ans d'errance dans le Sinaï).
Les synchronismes dans la période patriarcale sont les suivants: 1) mort en -1533 du
pharaon luttant contre les Hyksos, 2) début en -1748 de la dynastie hyksos d'une durée de
105 ans (108 ans selon le canon de Turin), et 3) guerre avec Kutir-lagamar, un roi d'Élam,
datée en -1955. Tableau des synchronismes, selon les chronologies synchronisées:
1524 6 7 10 7
1523 7 8 11 8
1522 8 9 12 9
1521 9 10 13 10
1520 10 11 14 11
1519 11 12 15 12
1518 12 13 16 13
1517 13 14 17 14
1516 14 15 18 15
1515 15 16 19 Aššur-nêrârî Ier 1
1514 16 17 20 2
1513 17 18 21 3
1512 18 19 22 4
1511 19 20 23 5
1510 20 21 24 6
1509 21 22 25 7
1508 22 23 26 8
1507 23 24 27 9
1506 24 25 28 10
1505 25 Amenhotep Ier 1 29 11
1504 26 2 30 12
1503 27 3 31 13
1502 28 4 32 14
1501 29 5 33 15
1500 chute d'Ḫalab 30 6 34 16
1499 chute de Babylone 31 7 35 17
1498 8 36 18
1497 9 37 19
1496 rétablissement de 1 10 38 20
1495 Babylone 2 11 39 21
1494 3 12 40 22
1493 4 13 Josué 1 23
1492 5 14 (entrée en Canaan) 2 24
1491 6 15 3 25
1490 7 16 4 Puzur-Aššur III 1
1489 8 17 5 2
1488 9 18 Début des jubilés 6 3
1487 10 19 7 4
1486 11 20 8 5
1485 12 21 9 6
1484 13 Thoutmosis Ier 1 10 7
1483 14 2 11 8
1482 15 3 12 9
1481 16 4 13 10
1480 17 5 14 11
1479 18 6 15 12
1478 19 7 16 13
1477 20 8 17 14
1476 21 9 18 15
1475 22 10 19 16
1474 23 11 20 17
1473 24 12 21 18
1472 25 Thoutmosis II 1 22 19
1471 26 2 23 20
1470 27 Hatshepsout 3 24 21
1469 28 [Thoutmosis III] [4] 25 22
1468 29 [5] 26 23
1467 30 [6] 27 24
1466 31 [7] 28 Enlil-nâ ṣir Ier 1
CHRONOLOGIE ISRAELITE SYNCHRONISEE 119
1465 32 [8] 29 2
1464 33 [9] 30 3
1463 34 [10] Période sans juge 1 4
1462 35 [11] 2 5
1461 36 [12] 3 6
1460 37 [13] 4 7
1459 38 [14] 5 8
1458 39 [15] 6 9
1457 40 [16] 7 10
1456 41 [17] 8 11
1455 Ulam-Buriaš 1 [18] 9 12
1454 2 [19] 10 Nûr-ili 1
1453 3 [20] 11 2
1452 4 [21] Kušanrišatayim 1 3
1451 5 [22] (Mitanni) 2 4
1450 6 Thoutmosis III 23 3 5
1449 7 24 4 6
Flavius Josèphe568 donne des précisions astronomiques sur cet événement: Dieu, ayant
indiqué à Moïse que par une seule nouvelle plaie il obligerait les Égyptiens à relâcher les Hébreux, lui
prescrivit d'annoncer au peuple de tenir prêt un sacrifice, en faisant des préparatifs le dix du mois de
Xanthique pour le quatorze (ce mois est appelé Pharmuthi par les Égyptiens, Nisan par les Hébreux, et ce
sont les Macédoniens qui le nomment Xanthique) (...) quand toute l'armée des Égyptiens fut engagée, la
mer reflua sur eux; elle assaillit de tous côtés les Égyptiens de flots violents, attisés par les vents; des pluies
tombèrent du ciel à torrents; le tonnerre éclata en coups secs, accompagnant de gros éclairs, la foudre
s'abattit. En bref, aucune des forces destructrices par lesquelles la colère de Dieu frappe les hommes ne
manqua de se déchaîner alors; en outre une nuit épaisse les saisit. Tous périrent ainsi. L'équivalence: 1er
Pharmouthi = 1er Nisan, n'est possible qu'autour de -1530 (vers le 8 avril) et l'éclipse totale
de soleil semble avoir été masquée par le violent orage qui s'est produit au même moment
près de la mer Rouge569. Selon l'astronomie, la seule éclipse totale de soleil dans cette région
et durant cette période570 est celle du 10 mai -1533571. Cette éclipse fut de magnitude 1.08,
couvrit une bande de 250 km et fut visible au Nord de l'Égypte dans les villes d'Héliopolis
(ville dédiée au culte solaire), de Memphis et d'Héracléopolis, vers 16h40 et dura plus de 6
minutes (le lieu nommé Pi-Hahiroth devait être situé près de l'actuelle ville d'As Suways).
Une éclipse totale de soleil dans une région précise est un événement très rare.
Entre -1500 et -100, par exemple, il y eut seulement 11 éclipses totales sur le territoire
d'Israël durant cette période572, soit en moyenne une tous les 120 ans. La date du 1/II est
en parfait accord avec la date de l'éclipse, puisque l'équinoxe de printemps tombait le 3 avril
en -1533 et le 1er croissant de lune573 après cette date est daté du 11 avril, le 1er croissant du
mois suivant étant daté du 10 mai. La chronologie égyptienne date aussi en -1533 la mort
de Séqenenrê Taa, le pharaon qui périt violemment suite à son affrontement avec Apopi.
Selon Manéthon l'expulsion des Hyksos se situait au temps du pharaon Ahmosis574.
Diodore de Sicile575 précise que sous le règne de Ptolémée Ier beaucoup de Grecs, dont
Hécatée d'Abdère, avaient séjourné à Thèbes pour composer des histoires relatives à
l'Égypte à partir des registres des prêtres égyptiens. Or, Hécatée d'Abdère fait coïncider le
départ de Moïse (de l'Égypte pour la Palestine) avec celui de Cadmos (qui signifie
"Oriental" en hébreu). Le Marbre de Paros576 (de -264) fixe l'arrivée de Cadmos à Thèbes
en -1519 et le départ de Danaos pour la Grèce en -1511. L'historien Paul Orose577 (en 417)
datait cet épisode en 775 avant la fondation de Rome, soit en -1528.
En utilisant la durée du règne d'Ahmosis provenant de Manéthon, l'accession de ce
pharaon remonterait vers avril -1530, ce qui fixe la fin du règne de Kamosis. Le règne de
Kamosis, vraisemblablement un frère de Séqenenrê Taa, est mal connu, mais il est
généralement estimé autour de 3 ans578. On ne possède de ce pharaon qu'un récit très
prolixe sur ses guerres apparaissant sur une stèle datée de l'an 3, puis plus rien. Comme
l'historiographie égyptienne fait commencer le Nouvel Empire avec Ahmosis579 et non avec
Kamosis, on peut supposer que ce dernier dut avoir un règne assez bref. De plus, le
comptage des années de règne a changé à partir d'Ahmosis. En effet, jusqu'à Kamosis, la
première année de règne allait de l'accession jusqu'au 1er Thot, les années suivantes étant
comptées à partir cette date, alors que le système postérieur utilisera la date d'accession.
Selon ce système de comptage, la première année de Kamosis a duré entre 1 et 364 jours.
Par contre, sa 3e année a duré au moins 10 mois puisque le 1er Thot tombait vers le 10
septembre à cette époque et que la stèle de Kamosis mentionne la venue de l'inondation à
Thèbes (arrivant vers la mi-juillet).
L'accession de Kamosis coïncide donc avec la mort de Séqenenrê Taa. Or, selon les
synchronismes historiques, ce dernier correspond au pharaon anonyme de l'Exode, dont la
mort est fixée au 10 mai -1533 par la chronologie israélite.
[1] [2]
-1534 1 X V 10 79 [1] Taa Séqenenrê
2 XI VI
3 XII VII
4 I VIII 80 [2] Moïse âgé de 80 ans
5 II IX
6 III X
7 IV XI
8 V XII
9 VI I 11
10 VII II 0 Moïse (Apopi) revient en Égypte
11 VIII III
12 IX IV
-1533 1 X V
2 XI VI Début des 10 plaies
3 XII VII
4 I VIII 1
5 II IX 1 [1] Kamosis
6 III X [2] Moïse conduit l'Exode
7 IV XI
8 V XII
9 VI I 2
10 VII II
11 VIII III
12 IX IV
-1532 1 X V
2 XI VI
3 XII VII
4 I VIII 2
5 II IX
6 III X
7 IV XI
8 V XII
9 VI I 3
10 VII II
11 VIII III
12 IX IV
Manéthon581, un prêtre égyptien, écrit (vers -280), par exemple: Les hommes enfermés dans les
carrières souffraient depuis assez longtemps, lorsque le roi, supplié par eux de leur accorder un séjour et un
abri, consentit à leur céder l'ancienne ville des Pasteurs [Hyksos], Avaris, alors abandonnée. Cette ville,
d'après la tradition théologique, est consacrée depuis l'origine à Typhon [Seth]. Ils y allèrent et, faisant de ce
lieu la base d'opération d'une révolte, ils prirent pour chef un des prêtres d'Héliopolis nommé Osarseph et
lui jurèrent d'obéir à tous ses ordres. Il leur prescrivit pour première loi de ne point adorer de dieux, de ne
s'abstenir de la chair d'aucun des animaux que la loi divine rend le plus sacrés en Égypte, de les immoler
tous, de les consommer et de ne s'unir qu'à des hommes liés par le même serment. Après avoir édicté ces lois
et un très grand nombre d'autres, en contradiction absolue avec les coutumes égyptiennes, il fit réparer par
une multitude d'ouvriers les murailles de la ville et ordonna de se préparer à la guerre contre le roi
Aménophis [?]. Lui-même s'associa quelques-uns des autres prêtres contaminés comme lui, envoya une
ambassade vers les Pasteurs chassés par Tethmôsis [Ahmosis], dans la ville nommée Jérusalem, et, leur
exposant sa situation et celle de ses compagnons outragés comme lui, il les invita à se joindre à eux pour
marcher tous ensemble sur l'Égypte. Il leur promit de les conduire d'abord à Avaris, patrie de leurs
ancêtres, et de fournir sans compter le nécessaire à leur multitude, puis de combattre pour eux, le moment
venu, et de leur soumettre facilement le pays. Les Pasteurs, au comble de la joie, s'empressèrent de se mettre
en marche tous ensemble au nombre de 200 000 hommes environ et peu après arrivèrent à Avaris. Le roi
d'Égypte Aménophis, à la nouvelle de leur invasion, ne fut pas médiocrement troublé, car il se rappelait la
prédiction d'Aménophis, fils de Paapis. Il réunit d'abord une multitude d'Égyptiens, et après avoir délibéré
avec leurs chefs, il se fit amener les animaux sacrés les plus vénérés dans les temples et recommanda aux
prêtres de chaque district de cacher le plus sûrement possible les statues des dieux. Quant à son fils Séthôs,
nommé aussi Ramessès du nom de son grand-père Rampsès, et âgé de cinq ans, il le fit emmener chez son
ami. Lui-même passa (le Nil) avec les autres Égyptiens, au nombre de 300 000 guerriers bien exercés, et
rencontra l'ennemi sans livrer pourtant bataille; mais pensant qu'il ne fallait pas combattre les dieux, il
rebroussa chemin vers Memphis, où il prit l'Apis et les autres animaux sacrés qu'il y avait fait venir, puis
aussitôt, avec toute son armée et le peuple d'Égypte, il monta en Éthiopie; car le roi d'Éthiopie lui était
soumis par la reconnaissance. Celui-ci l'accueillit et entretint toute cette multitude à l'aide des produits du
pays convenables à la nourriture des hommes, leur assigna des villes et des villages suffisants pour les treize
ans d'exil imposés par le destin à Aménophis loin de son royaume, et n'en fit pas moins camper une armée
éthiopienne aux frontières de l'Égypte pour protéger le roi Aménophis et les siens. Les choses se passaient
ainsi en Éthiopie. Cependant les Solymites [ceux de Salem] firent une descente avec les Égyptiens impurs et
traitèrent les habitants d'une façon si sacrilège et si cruelle que la domination des Pasteurs paraissait un âge
d'or à ceux qui assistèrent alors à leurs impiétés. Car non seulement ils incendièrent villes et villages, et ne
581 Cité par Flavius Josèphe (Contre Apion I: 237-266).
124 APPROCHE SCIENTIFIQUE D'UNE CHRONOLOGIE ABSOLUE
se contentèrent pas de piller les temples et de mutiler les statues des dieux, mais encore ils ne cessaient d'user
des sanctuaires comme de cuisines pour rôtir les animaux sacrés qu'on adorait, et ils obligeaient les prêtres et
les prophètes à les immoler et à les égorger, puis les dépouillaient et les jetaient dehors. On dit que le prêtre
d'origine héliopolitainne qui leur donna une constitution et des lois, appelé Osarseph, du nom du dieu Osiris
adoré à Héliopolis, en passant chez ce peuple changea de nom et prit celui de Moïse. Flavius Josèphe582,
après avoir montré que ce récit égyptien comportait quelques invraisemblances grossières,
le rapporte toutefois comme étant relativement exact: Est-il probable ou qu'il [Moïse] ait établi
sans bon sens, ou que des hommes rassemblés à la suite de semblables calamités aient accepté des lois faites
contre eux-mêmes à leur honte et à leurs dépens? Mais, de plus, Manéthôs a transformé son nom de la
manière la plus invraisemblable. On l'appelait, dit-il, Osarseph. Ce mot n'a point de rapport avec celui
qu'il remplace. Le vrai nom signifie: « celui qui fut sauvé de l'eau », car l'eau chez les Égyptiens se dit «
Môü ». La preuve est assez claire, je pense: tant que Manéthôs suivait les antiques annales, il ne s'écartait
guère de la vérité; mais lorsqu'il s'est tourné vers les légendes sans autorité, il les a combinées sans
vraisemblance ou il a cru des propos dictés par la haine. Contrairement à ce que Flavius Josèphe
croyait, la remarque de Manéthon sur le nom de Moïse est correcte, car sa signification
n'est pas: celui qui fut sauvé de l'eau en hébreu, mais: tirant [de]. De plus, Moïse n'a pas reçu ce
nom à sa naissance, mais par la fille de pharaon au moment de son baptême dans le Nil.
Le chef hyksos, parti d'Égypte pour retourner en Palestine, s'appelait initialement
Osarseph (en Égypte) avant de s'appeler Moïse en Palestine (ou Tisithen, selon Lysimaque,
un historien alexandrin qui a écrit autour de -100). La forme grecque Osarseph, donnée par
Manéthon, semble être une déformation du nom égyptien Aaouserré-Apopi, Aaouserré
étant le nom de couronnement et Apopi le nom de naissance. Le nom Apopi apparaît sur
un fragment d'un relief du temple attenant à la pyramide d'Ahmosis érigée à Abydos. Ce
nom peu courant n'est pas égyptien, par contre, il signifie "très beau/ magnifique" en
hébreu583, or Moïse était très beau à sa naissance selon les textes bibliques (Actes 7:20;
Exode 2:2,10) et selon Flavius Josèphe584. Comme Moïse n'a reçu ce nom de la fille de
pharaon qu'à l'âge de 3 mois il s'agissait donc d'un nom de baptême et pas d'un nom de
naissance. La forme primitive du nom devait être égyptienne, puisque la fille de pharaon ne
parlait pas hébreu, et signifiait vraisemblablement "fils d'Eau" Mousa (mw-s3), forme qui fut
ensuite hébraïsée en Moshé (les noms égyptiens n'étant pas traduits, mais transcrits, comme
le nom égyptien de Joseph: Tsaphnat-Panéah en Genèse 41:45). La signification hébraïque
du nom Moshé "tirant de [?]" est surprenante, car "l'eau" est absente. Le nom de naissance
des Israélites étant souvent lié au contexte lors de l'accouchement, ainsi il est vraisemblable
que le nom initial de Moïse a dû être Apopi "magnifique". Ce nom apparaît d'ailleurs dans
le Talmud de Jérusalem (Nedarim 42c)585 qui précise qu'un vœu fait au nom d'Apopi ()יפופי
d'Israël est valable. Quelques amulettes juives586 écrites en grec sont dédiées à IAO YPEPI
"Iaô d'Apopi" ou à IAO CABAO MOUCE "Iaô Sabaoth de Moïse". Le nom de baptême étant
considéré comme le plus important, avec le temps, il remplace généralement le nom de
naissance (Abraham au lieu d'Abram, Israël au lieu de Jacob, etc.) ce qui pourrait expliquer
que Moïse (nom de baptême) le libérateur ait complètement estompé Apopi (nom de
naissance) l'ancien roi vassal d'un pharaon (lui aussi anonyme).
La fin de règne d'Apopi, le dernier roi hyksos, constitue une véritable énigme pour
les égyptologues. En effet, le départ des Hyksos de l'Égypte vers la Palestine a constitué un
événement majeur dans l'histoire égyptienne, or comme le remarque Vandersleyen587: Le
Nouvel Empire commence dans un étrange silence des sources. Que se passa-t-il après l'an 3 de Kamosis?
(...) Il est curieux de constater que l'événement le plus important de l'histoire d'Égypte durant tout un
millénaire, l'anéantissement de la population des Hyksôs, ait été passé sous silence dans les inscriptions du
roi Amosis Ier qui traitent de tout autre chose: d'un orage qui a détruit le cimetière de Thèbes, de ses
préoccupations quant à la perpétuation de sa grand-mère, la reine Téti-Shéri, de présents offerts au temple
d'Amon à Karnak, du sage gouvernement de sa mère, la reine Ahhotep, etc., mais pas de la principale
conquête se son règne. De plus, les récits égyptiens écrits avant et après Apopi sont
contradictoires588 puisque avant ce roi aucune tension n'est à signaler mais, après leur départ
d'Égypte, les Hyksos deviennent brutalement une calamité pour les Égyptiens589. Plusieurs
pharaons affirment avoir repoussé les Hyksos, mais aucun d'entre eux n'a fait graver sur la
pierre cette bataille exceptionnelle (comme ce fut le cas, par exemple, pour la bataille de
Qadesh) qui fut cruciale dans l'histoire égyptienne. Cette expulsion n'est jamais détaillée ni
sur la pierre, ni sur les papyrus. La stèle de Kamosis évoquant cette bataille, décrit au futur
cet écrasement à venir, il ne s'agit donc que d'un roulement d'épaules.
New York 1953 Ed. Pantheon Books vol. 2 p. 220, vol. 3 n°1027, n°1135.
587 C. VANDERSLEYEN - L'Egypte et la vallée du Nil Tome 2
qui n’étaient pas nés dans leur enceinte ; une partie de ces derniers, hommes courageux et distingués,
servirent de chefs aux autres, pour les conduire dans la Grèce et en d’autres pays où ils arrivèrent après
avoir essuyé différentes traverses dans cette transmigration. Entre ces chefs les plus considérables furent
Danaos et Cadmos. Mais le plus grand nombre de ces bannis se jeta dans cette région qu’on appelle
maintenant Judée, qui n’est pas à la vérité bien éloignée de l’Egypte, mais qui dans ce temps-là était
absolument déserte. Le chef de ceux-ci se nommait Moïse, homme supérieur par sa prudence et par son
courage. Ce fut lui qui se saisissant le premier de cette contrée, y bâtit plusieurs villes, et la plus célèbre de
toutes, nommée Jérusalem: mais surtout il y construisit un temple singulièrement respecté de tous les Juifs. Il
enseigna à son peuple le culte de dieu, et il institua les cérémonies de la religion (…) Moïse les attribuait au
dieu qu'ils invoquent sous le nom d'Iaô (…) Enfin il donna des lois à sa nation, dont il fit une république.
Il la partagea en douze tribus, jugeant ce nombre le plus parfait de tous, comme répondant à celui des douze
mois de l’année. Mais il ne voulut placer dans ce temple aucune image des dieux; jugeant que la forme
humaine ne convient point à la divinité, et que le ciel qui environne la terre est le seul dieu et le seul maître
de toutes choses. Il établit des cérémonies sacrées et des lois morales, très différentes de celle de toutes les
autres nations: car mécontent de ce que la sienne était bannie de l’Egypte, il lui inspira des moeurs qui
tenaient quelque chose de l’inhumanité et de l’inhospitalité : et choisissant entre eux ceux qui étaient les plus
agréables à la multitude, et en même temps les plus capables de la gouverner, il en fit les prêtres de la nation.
Il leur confia tout ce qui concernait le culte divin et les sacrifices: et les établit en même temps gardiens des
lois, et juges dans toutes les causes importantes. C’est ce qui a fait dire que les Juifs n’ont jamais eu de
véritable roi, et que le soin et le pouvoir de gouverner la multitude a toujours été entre les mains des prêtres
qui paraissaient surpasser les autres en vertu et en sagesse. Ils donnent à celui-ci le nom de Grand-Prêtre, et
ils le regardent comme l’interprète et le ministre des ordres de dieu. C’est lui qui dans les assemblées
publiques leur expose ses commandements, et le peuple est si soumis dans ces occasions, que dès que le
Grand-Prêtre se montre, ils se prosternent à terre, et l’adorent comme l’interprète des volontés de dieu même.
Ces anciens historiens mettent donc en parallèle l'Exode biblique avec son chef Moïse et le
départ d'Égypte des Hyksos sous la conduite de Cadmos et de Danaos. Tacite592 (vers 100)
rapporte, lui aussi, cette version déformée de l'Exode.
Selon Hécatée d'Abdère, lorsque les Hébreux furent expulsés, la plus grande partie
fut conduite en Judée par Moïse et une petite partie alla vers la Grèce avec Cadmos et
Danaos à leur tête. Hérodote593 précisait (vers -450) que les Grecs reçurent leur alphabet de
Cadmos, un Phénicien, l'inventeur de l'alphabet grec dit cadméen. Homère594 affirmait (vers
-850) que les ancêtres des Grecs furent les Danaens, les fils de Danaos. Diodore de Sicile,
tout en reprenant le récit d'Hécatée, écrivait que Cadmos vécut à Thèbes595, en Égypte, et
que son histoire fut adaptée et modifiée par les Grecs596. Les anciens historiens donnent
donc des précisions concordantes: un Phénicien du nom de Cadmos vécut en Égypte peu
avant -1500 et légua l'alphabet aux Grecs. Le nom Cadmos ne signifie rien en grec, mais
‘Est’ ou ‘Oriental’ en hébreu597. Moïse et Cadmos sont des Sémites ayant vécu aux mêmes
endroits, à la même époque, ayant accompli des actions identiques. Selon l'historien
Eupolème598 (vers -160), Moïse serait l'inventeur de l'alphabet (le Cadmos d'Hérodote) qui
passa ensuite aux Phéniciens puis aux Grecs. Artapan dans son livre Des Juifs écrit (vers -
200): Il [Moïse] confia aux prêtres les lettres sacrées, et il y avait aussi des [hiéroglyphes] chats, des chiens,
des ibis599. Malgré leur aspect tardif les témoignages d'Hérodote et d'Eupolème se recoupent:
un oriental [Moïse] a transmis, vers -1500, l'alphabet [d'origine égyptienne] aux Phéniciens,
puis aux Grecs. De plus, la mythologie600 grecque présente Cadmos comme un descendant
d'Épaphos (fils de Zeus) et de Memphis (fille de Nilos, le Nil). Or, la vie d'Épaphos
ressemble beaucoup à celle de Moïse (sous le nom Apopi) puisqu'il naquit près du Nil et fut
caché à sa propre mère quelques temps en Syrie, puis fut élevé en Égypte où il devint roi601.
L'histoire du Cadmos phénicien ou d'Apopi, un prince de Palestine et tout premier
monothéiste (le pharaon Séqenenrê lui en fait le reproche, ce qui confirme l'aspect original
de cette croyance), ressemble étrangement à celle du Moïse israélite auteur du ‘Livre’, selon
le texte d'Exode 17:14. Il est donc raisonnable de conclure602 qu'un "oriental" appelé
Cadmos (Moïse ou Apopi) soit l'auteur d'un récit en paléo-hébreu écrit vers -1500. Cette
entreprise ayant sans aucun doute ouvert la voie dans la transmission de l'alphabet tel que
nous le connaissons aujourd'hui603. Si on considère que la chronologie est l'œil de l'histoire,
on doit conclure que Moïse et Apopi ne forme qu'un seul personnage puisqu'ils vécurent
au même moment et aux mêmes endroits (cette conclusion découle d'une chronologie
rigoureuse qui n'a, hélas, jamais été établie, même chez les égyptologues sérieux604).
595 Selon Hésiode (vers -700), Thèbes fut construite par Cadmos (Thèbes devint capitale égyptienne au début de la XVIIIe dynastie).
596 Bibliothèque historique XL:3; I:23.
597 Les habitants du Sinaï sont appelés "fils de l'Est/ Orientaux" (Job 1:3; Genèse 29:1) ou "Qadmonites" (Genèse 15:19). Ce terme
Qedem (qdmw) est ancien, car il apparaît déjà dans une stèle du pharaon Mentouhotep II (2045-1994).
598 B.Z. WACHOLDER - Eupolemus. A Study of Judeo-Greek Literature
Cincinnati 1974 Ed. Hebrew Union College-Jewish Institute of Religion pp. 71-96.
599 EUSEBE DE CESAREE -Préparation évangélique IX:26-27.
600 P. GRIMAL - Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine
in: Comptes-rendus des scéances de l'Académie des inscriptions et belles-lettres n°95:4 (1951) pp. 445-447.
J. BERARD – Les Hyksos et la légende d'Io. Recherches sur la période mycénienne
in: Syria n°29:1 (1952) pp. 1-43.
602 J. COHEN - L'écriture hébraïque
in: Bulletin of the American Schools of Oriental Research 267 (1987) pp. 1-19.
604 P. MONTET – Le drame d'Avaris. Essai sur la pénétration des Sémites en Égypte.
dépassaient pas cette vitesse (E. LUTTWAK – La grande stratégie de l'Empire romain. Paris 2009 Éd. Economica pp. 137).
614 Départ de Ramsès (près de Memphis) le 15 Nisan, arrivée à Soukkoth le 21 et départ le 23, arrivée à Étham le 27 et départ le 29,
arrivée à Pihahiroth le 31 et départ le 1 du mois suivant, arrivée à Mara le 8 et départ le 13, arrivée à Elim le 15.
615 Exode 14:22.
130 APPROCHE SCIENTIFIQUE D'UNE CHRONOLOGIE ABSOLUE
Les Israélites devaient résider à Ramsès près de Lisht/ Memphis, l'ancienne capitale
égyptienne, et à Avaris près de Tanis, la capitale des Hyksos. Les deux groupes (Moïse
dirigeant celui venant de Ramsès) ont dû partir le 15 Nisan pour se rejoindre et camper à
Soukkoth et poursuivre ensemble vers Étham à l'extrême nord de la mer Rouge.
CHRONOLOGIE ISRAELITE SYNCHRONISEE 131
ramenai un prisonnier. Je dus entrer dans l'eau pour le ramener du côté de la ville où je l'avais capturé en
nageant pour le porter. Cela fut rapporté au héraut du roi, et je fus récompensé encore une fois avec de l'or.
Puis on mit Avaris au pillage et j'en emportai du butin: un homme et trois femmes, soit en tout quatre
personnes. Sa Majesté me les donna en esclaves. Puis on mit le siège devant Sharouhen pour trois ans. Puis
Sa Majesté la pilla, et j'en emportai du butin: deux femmes et une main. Je reçus l'or de la vaillance, et mes
prisonniers me furent donnés comme esclaves. La présentation618 des événements semble
chronologique, allant du règne de Séqenenrê à celui de Touthmosis Ier ainsi, au début de sa
carrière (sous Kamosis), Ahmès mit le siège devant la ville d'Avaris et montra sa vaillance (il
ne s'est donc rien passé), puis il se battit sur l'eau à Padjedkou près d'Avaris et engagea le
combat en Égypte, au sud de cette ville. Avaris fut ensuite mis au pillage (si la ville avait été
abandonnée par la majorité de ses habitants, il n'y eut probablement aucun combat ce qui
explique mieux le maigre bilan de cette capture: quelques retardataires et ceux qui étaient
restés sur place, notamment les Asiatiques non Israélites). L'unique "bataille" s'est déroulée
au canal de Padjedkou (?)619 et non à Avaris qui est seulement pillée (sans bataille).
Le récit d'Ahmès est nettement plus précis lorsqu'il évoque ensuite ses campagnes
en Nubie (sous Ahmosis) et mentionne cette fois: des conquêtes, des victoires, des troupes,
des archers et des guerriers: Ensuite, après que Sa Majesté eut massacré les Mentjiou d'Asie, Elle
remonta vers Khenet-nefer [en Nubie] pour anéantir les archers Nubiens. Sa Majesté en fit un grand
carnage, et j'en ramenai comme butin deux hommes et trois mains. Je fus récompensé une nouvelle fois avec
de l'or, et l'on me donna deux femmes comme esclaves. Alors Sa Majesté redescendit vers le nord, contente
de ses victoires: Elle avait conquis les peuples du Sud et du Nord (...) Alors Aata vint du Sud. Son destin
était d'être détruit: les dieux de Haute Égypte l'empoignèrent. Sa Majesté le rencontra à Tenttaâ. Sa
Majesté l'emmena prisonnier et toutes ses troupes comme butin, et moi j'emmenai deux jeunes guerriers
comme prise de guerre du navire d'Aata. Alors, on me donna cinq personnes et cinq aroures de terre dans
ma ville. La même chose fut faite pour tout l'équipage. C'est alors que vint ce vil individu nommé Tétiân. Il
avait regroupé autour de lui des rebelles. Sa Majesté le massacra et anéantit ses troupes.
L'autobiographie de cet officier est révélatrice, seules les expéditions militaires contre le
pays de Koush sont détaillées. Bien qu'il n'ait jamais écrit précisément comment il avait
vaincu les Hyksos, Ahmosis est à l'origine d'un style de fresques montrant un pharaon
victorieux écrasant des Sémites tout apeurés. Cette présentation d'un pharaon écrasant des
Sémites en déroute, apparaît sur un char de Thoutmosis IV. On la retrouve presque à
l'identique sur les représentations d'Ahmosis, de Thoutmosis II et Thoutmosis III.
Bien que la représentation d'Ahmosis laisse croire à une victoire éclatante, quelques
détails la trahissent et appuient plutôt la version biblique. Ce pharaon sut habilement
mélanger, dans sa propagande laissée à la postérité, une version des faits qui alliait de
véritables faits d'armes contre la Nubie621, des opérations de police dans le nord de l'Égypte
et des représailles toutes rhétoriques envers les Hyksos. Les représentations d'un char, avec
son cheval, apparaissent également dans la tombe de Paheri, petits fils d'Ahmès. Ainsi,
comme le texte biblique l'indique, les chars ont joué un grand rôle dans cette bataille.
Ahmès fils d'Abana indique aussi que Kamosis "se déplaçait sur
son char pour mettre le siège devant Avaris". Les représentations
ultérieures de cette "bataille" sont plus prolixes en détails.
L'examen attentif des protagonistes révèle que seuls les Nubiens sont représentés
avec des armes (les archers qui s'opposent au pharaon), ce qui n'est pas le cas des
Asiatiques reconnaissables à leurs barbes. De plus, certains Asiatiques (indiqués par une
flèche) portent deux bandeaux croisés sur la poitrine avec un collier, ce qui est une
caractéristique des soldats Hyksos. Autre élément étrange, bien que le nom de la ville
d'Avaris soit mentionné dans le temple d'Ahmosis, l'attaque de cette ville n'est jamais
figurée explicitement, ce qui n'est pas habituel dans la propagande égyptienne. Par exemple,
dans la tombe d'Anta à Deshasheh, datée autour de -2300, la ville asiatique attaquée par les
Égyptiens est dessinée sous la forme d'un grand cartouche, les villes de Qadesh et de
Yenoam prises par Séthi Ier (vers -1290) sont représentées sous forme de forteresses. Il est
donc curieux que la ville d'Avaris n'apparaisse pas sur le relief d'Ahmosis et qu'on ait oublié
de commenter cette prise remarquable. Dans la stèle de Karnak, Ahmosis rend hommage à
621 Il est possible que le rebelle nommé Tétian (ou Téti) ait été un gouverneur de Nubie, ce qui confirmerait l'ampleur de la révolte.
CHRONOLOGIE ISRAELITE SYNCHRONISEE 135
sa mère: Celle qui a accompli les rites et pris soin de l'Égypte. Elle a veillé sur ses troupes et les a
protégées. Elle a ramené ses fugitifs et rassemblé ses déserteurs. Elle a pacifié la Haute Egypte et a chassé
les rebelles. Les rebelles (terme qui visait sans doute les Hyksos) étaient donc partis lorsque
cette reine mère exerçait la régence auprès d'un Ahmosis trop jeune pour régner (environ 5
ans, car l'âge de sa momie a été estimé à 33 ans). La mention de certains Égyptiens fugitifs
et déserteurs qui seraient revenus au pays, renvoie manifestement à ceux mentionnés par
Kamosis lors du départ d'Apopi. La version de Kamosis est en tous points conforme à la
propagande du pharaon de l'époque, selon le texte biblique: Pharaon dira des Israélites: “Les
voilà qui errent en pleine confusion dans le pays. Le désert s'est refermé sur eux” (...) Pharaon fit atteler
son char et emmena son armée. Il prit six cents des meilleurs chars et tous les chars d'Égypte, chacun d'eux
montés par des officiers (..) Les Égyptiens — tous les chevaux de Pharaon, ses cavaliers, et son armée— se
lancèrent à leur poursuite et les rejoignirent alors qu'ils campaient au bord de la mer près de Pi-Hahiroth,
devant Baal-Tséphon. Comme Pharaon approchait, les Israélites levèrent les yeux, et voici que les Égyptiens
les poursuivaient. Les Israélites eurent grand-peur622. Les auteurs chrétiens des premiers siècles
(comme Clément d'Alexandrie623) plaçaient l'Exode sous le règne d'Ahmosis. Tatien
précisait (vers 160-170): Les Egyptiens ont aussi des chroniques exactes, et le narrateur de leur histoire
est Ptolémée, non le roi, mais un prêtre de Mendès. C’est lui qui a exposé les actions des Rois; il dit que
c’est sous Amôsis, roi d’Egypte, que les Juifs sont sortis d’Egypte pour aller dans les contrées où ils allèrent,
sous la conduite de Moïse (...) Après lui, Apion, le grammairien, homme très renommé, dans le 4e livre de
ses Egyptiaques (il y en a 5 en tout), dit, entre autres choses, qu’«Amôsis détruisit Avaris à l’époque de
l’Argien machos, comme l’a écrit dans sa Chronique Ptolémée de Mendès (...) C’est pourquoi, si Moïse a
vécu, comme nous l’avons montré, du temps d’Inachos, il est antérieur de 400 ans à la guerre de Troie624.
Tatien situait donc Moïse et Amôsis vers 1584 (= 400 + 1184) avant notre ère.
Une lecture attentive de ces documents montre donc que les Égyptiens ont
entrepris plusieurs campagnes agressives contre la Nubie (pays de Koush) et n'ont procédé
qu'à quelques raids d'intimidation au nord du Sinaï, en Syrie et dans le Mitanni625, mais rien
de précis, à part des menaces de principe, contre le Retenou où se sont réfugiés les anciens
Hyksos626. Le texte de deux stèles et d'une tablette de Kamosis relate ainsi la reprise des
hostilités contre les Hyksos627: Alors Sa Majesté s'adressa dans son palais aux courtisans de Sa suite:
622 Exode 14:3-10.
623 Stromate I:21.
624 A. PUECH – Recherches sur le discours aux grecs de Tatien
“À quoi donc puis-je reconnaître mon pouvoir ? Il y a un chef dans Avaris et un autre à Koush et moi, je
resterais sans rien faire, associé à un Asiatique et un Nègre!”. Après cette question posée, le roi
passe outre l'avis de ses courtisans qui préféreraient rester au calme entre Cusae et
Éléphantine (ce qui confirme les relations pacifiques des deux royaumes) et pousse jusqu'à
Néfrousi, à proximité de Béni Hassan avec ses troupes de Medjaÿ où il y défait l'armée d'un
certain Téti fils de Pépi: Il a fait de Néfrousi le nid des Asiatiques. Je passai la nuit dans mon bateau,
le cœur content, et quand la terre s'éclaira, je fus sur lui comme un faucon. À l'heure du déjeuner, je le
repoussai; après avoir renversé ses murailles, j'ai massacré ses hommes. Une fois cette expédition
punitive terminée (les "vraies" batailles de Kamosis n'eurent donc lieu que dans le sud de
l'Égypte)628, Kamosis s'en prend ensuite à Apopi, le prince du Retenou (Moïse est présenté
comme prince hébreu en Exode 2:14), pour le traiter à plusieurs reprises de vil Asiatique et
le menacer de terribles représailles (ce qui prouve que cette guerre n'était que virtuelle).
Kamosis reproche aussi à certains Égyptiens d'avoir abandonné l'Égypte, leur maîtresse,
pour aller avec ce misérable Apopi (que des Égyptiens suivent un vil conquérant, de leur
propre gré, est inexplicable dans la version égyptienne, alors que texte biblique en donne la
raison). Après s'être plaint d'être "assis en sandwich" entre les deux royaumes vassaux, les
Hyksos au nord et les Koushites au sud, Kamosis justifie sa guerre par l'accusation
suivante: J'interceptai son message [celui d'Apopi] au sud des oasis, alors qu'il remontait vers le pays de
Koush. C'était une lettre, dans laquelle je trouvai, écrit de la main du souverain d'Avaris: “Aaouserré, le
Fils de Ra Apopi, salue son fils, le souverain de Koush. Pourquoi t'es-tu proclamé roi sans me le faire
savoir? As-tu su ce que l'Égypte m'a fait? Le souverain qui y réside, Kamosis (...) est en train de
m'attaquer dans mes domaines, moi qui ne lui ai rien fait, exactement comme il a fait contre toi! Il a choisi
deux pays pour y semer la détresse, le mien et le tien, et il les a ravagés! Allez, viens! N'aie pas peur! Il est
en ce moment ici, après moi: il n'y a donc personne qui t'attende en Égypte, et je ne le laisserai pas partir
avant ton arrivée”. Le hyksos Apopi était donc un lettré (comme Moïse selon Actes 7:22) et
seul le royaume de Koush avait réellement été attaqué puisque, selon Kamosis, Apopi
aurait proposé une alliance avec Koush, après son agression, pour se révolter contre
l'Égypte. Le texte de Nombres 12:1 confirme les liens privilégiés des Hébreux avec le pays
de Koush, puisque la femme même de Moïse était koushite. En fait, le royaume koushite de
Kerma, avec ses riches mines d'or, fut annexé par l'Egypte principalement pour compenser
les graves pertes dues au départ des Hyksos629 au début de la XVIIIe dynastie630.
En analysant les récits égyptiens concernant les Hyksos, il se dégage ceci: la raison
officielle du conflit — le bruit insupportable fait par les hippopotames — n'est pas
crédible. Il est aussi difficile
de croire que les Égyptiens
qui se vantent d'avoir
expulsé ces Hyksos n'aient
laissé aucune trace de cette
victoire. Le seul détail
connu concernant cette
"bataille", fourni par un
officier égyptien, est qu'elle
eut lieu sur l'eau à
Padjedkou. La première
campagne de Kamosis fut
motivée par le départ non
voulu des Hyksos et par la
mort de Séqenenrê (son
frère). Kamosis mit fin au
royaume d'Avaris, du moins
ce qui en restait, par une
opération de police et
reconquit le royaume de
Koush qui était devenu
indépendant. Bien que les
Hyksos se soient réfugiés
en Palestine, Kamosis ne
les attaqua pas et se
contenta d'assiéger pendant
3 ans la ville de Sharouhen
en bordure de l'Égypte.
qui témoigne de graves blessures (photo ci-contre) , montre que ce pharaon est mort de
manière violente (âgé entre 30 et 40 ans) et qu'il s'est écoulé un temps
assez long avant sa momification. Or, les Égyptiens restent muets sur
cette mort. Le texte biblique, par contre, indique que le pharaon qui
s'est opposé à Moïse est mort brutalement dans la mer Rouge: Les eaux,
en revenant, couvrirent les chars, les cavaliers et toute l'armée de Pharaon qui étaient
entrés dans la mer à la suite des enfants d'Israël (...) [Dieu] précipita Pharaon et
son armée dans la mer Rouge631, ce qui aurait obligé les Égyptiens à
récupérer le corps de ce pharaon dans un piteux état.
héliaques de Sirius et de Vénus coïncidaient635, ce qui marquait une nouvelle ère, la célèbre
grande année des auteurs grecs (appelée aussi renaissance du phénix), or cette coïncidence
s'est produite exactement à la mi-juillet 1543 (puis approximativement à la mi-juillet -1535).
Ce prince Iahmès Sapaïr symbolisait donc l'apparition d'une nouvelle ère grandiose pour les
Égyptiens: l'ère du phénix636.
La mort quasi simultanée du pharaon et de son héritier a posé un problème de
succession (il paraît probable que Kamosis, le bref successeur de Séqénenré, fut son frère).
Le papyrus Mathématique Rhind637 contenant la date du IV Akhet de l'an 33 du roi
Apopi638 (en -1580), décrit brièvement la chute d'Avaris et les évènements qui s'ensuivirent.
Fig. 18 : Papyrus Mathématique Rhind, an 33 du pharaon Apopi et an 11 de [Séqenenrê]
Yeneses, ou d'Ahmosis639. En fait, la solution est triviale: le pharaon et son héritier étant
morts à 15 jours d'intervalle, lors de l'évacuation d'Avaris, il n'y avait plus personne sur le
trône d'Égypte à ce moment précis, le scribe a donc daté sa note d'un an 11 posthume.
Deux éléments appuient cette conclusion: Séqenenrê étant mort le 10 mai, les opérations de
police dans le Delta n'ont pu commencer qu'après cette date, or le II Shemou correspond à
juin en -1533. De plus, la note est précédée d'un contrat d'approvisionnement où apparaît:
[Son] frère, le régisseur Kamosis. Le clergé égyptien a vraisemblablement confié la mission du
rétablissement de l'ordre à Kamosis, le frère cadet de Séqenenrê encore en vie, plutôt qu'au
dernier fils de ce pharaon, le jeune Ahmosis640 (âgé d'environ 1 an à cette époque).
La carrière de Kamosis est très étrange. Le fait qu'il ait porté trois noms d'Horus est
exceptionnel641 (cas unique pour la XVIIe dynastie), il semble que ces noms soient peut-être
à mettre en relation avec les trois campagnes qu'il a menées. Kamosis a probablement
régné 3 ans, car le siège de Sharouhen est de cette durée, de plus, le jeune pharaon Ahmosis
reprend les actions de pillage de Sharouhen à son compte et mène sensiblement les mêmes
actions contre les anciens bastions Hyksos. Comme dans la stèle de l'an 3, Kamosis menace
d'envoyer sa cavalerie contre Apopi, le prince du Retenou, et qu'il n'a pu exécuter ses
menaces, il a dû mourir vers la fin de sa 3e année de règne. De plus, la pauvreté de son
cercueil paraît être le signe d'une mort accidentelle ou du moins impromptue. Ainsi, au
bout de 3 ans Ahmosis, le dernier fils de Séqenenrê Taa, fut désigné pharaon alors qu'il
n'était encore qu'un très jeune enfant (probablement vers l'âge de 4 ans).
L'analyse des stèles de Kamosis642 confirme plusieurs points du récit biblique643: 1)
Apopi est appelé "prince de Palestine" et non plus "prince des pays étrangers", il avait donc
quitté le Delta; 2) la cavalerie (T3 nt-ḥtry) est utilisée comme fer de lance de l'armée
égyptienne; 3) Apopi a causé un grand dommage à l'Égypte (Ahmosis, dans la Stèle de la
tempête, puis Hatshepsout dans le Spéos Artémidos donneront une description très proche
des "10 plaies d'Égypte"); 4) des Égyptiens ont soutenu Apopi (certains, comme le
gouverneur nomarque Teti fils de Piopi, sont restés en Égypte et se sont rebellés contre la
reprise en main de Kamosis, d'autres ont suivis Apopi dans sa fuite); 5) Apopi n'a jamais
été inquiété par les armées égyptiennes.
639 A. SPALINGER – The Rhind Mathematical Papyrus
in: Studien zur Altägyptischenkultur 17 (1990) 334-337.
640 (tous les enfants de Séqénenré s'appelaient Ahmosis).
K.S.B. RYHOLT – The Political Situation in Egypt during the Second Intermediate Period c. 1800-1500 B.C.
Copenhagen 1997, Ed. Carsten Niebuhr Institute Publications Vol. 20 p. 309.
641 N. GRIMAL - Histoire de l'Égypte ancienne
Ce dignitaire était un Hyksos, car il a deux bandeaux croisés (en piquetés) ainsi
qu'un collier sur sa poitrine, de plus, il tient un cimeterre dans la main gauche (une arme
typiquement asiatique). Coïncidence intéressante, il porte le nom biblique de Naham648.
644 Exode 12:38; Deutéronome 23:7,8.
645 P. LACAU – Catalogue général des antiquités égyptiennes du musée du Caire n° 28087-28126
Le Caire Ed. Institut Français d'Archéologie Orientale pp.86,86.
646 G. DARESSY – Un poignard du temps des rois pasteurs
in: Annales du service des antiquités de l'Égypte tome VII (1906) pp. 115-120.
647 Le bouquet de papyrus à la fin du nom étant un idéogramme pour « La terre du Nord », terme désignant le Delta.
648 1Chroniques 4:18,19. Le texte précise aussi qu'un nommé Mérèd avait épousé Bityah, une fille de pharaon!
142 APPROCHE SCIENTIFIQUE D'UNE CHRONOLOGIE ABSOLUE
Les propos d'Hatshepsout (vers -1460) dévoilent les raisons de cette guerre: J'ai
restauré ce qui était en ruine; j'ai relevé ce qui était écroulé depuis l'époque où les Asiatiques étaient à
Avaris, dans le Delta, et eu milieu d'eux, des bandes errantes de voyous renversant tout ce qui avait été
fait. Ils gouvernaient sans Rê (…) J'ai chassé ce que les dieux ont en abomination. L'origine religieuse
du conflit transparaît dans ces propos paradoxaux, car la titulature des Hyksos, y compris
celle d'Apopi, comportait l'expression classique "fils de Râ", ce qui dément apparemment
l'accusation d'Hatshepsout. En fait, ce qui aurait causé la guerre "les hippopotames de la
ville de [Thèbes] font du bruit" (et qui est absurde, Avaris étant à 800 kilomètres de
Thèbes) était plutôt un présage de mort contre le pharaon car, selon la mythologie
égyptienne, Ménès, le premier roi d'Égypte aurait été tué par un hippopotame. De plus,
chaque année et de façon rituelle le pharaon mettait à mort l'hippopotame (une incarnation
de Seth) en souvenir de la lutte triomphante d'Horus contre Seth. Les reproches du
pharaon Séqenenrê Taa permettent de retrouver le récit biblique en filigrane: Le roi Apopi
(...) fit de Soutekh [Seth] son maître, et il ne servait aucun des dieux qui étaient dans le pays tout entier
excepté Soutekh. Il lui construisit un temple en travail bon et éternel, à côté de la demeure du roi Apopi
(...) et il apparaissait à la pointe du jour pour offrir quotidiennement des sacrifices à Soutekh (...) Apopi, le
prince du Retenou (...) ton projet a échoué, misérable Asiatique (...) Je brûlerai entièrement leurs places (...)
à cause du dommage qu'ils firent en Égypte, ceux qui acceptèrent de servir les Asiatiques, après qu'ils aient
abandonné l'Égypte leur maîtresse649. L'accusation portée contre Apopi d'être un strict adorateur
de Seth (Apopi est par conséquent le père du monothéisme!) et d'avoir entraîné des
Égyptiens avec lui dans sa fuite en Palestine est
incompréhensible puisque Seth était un antique dieu
égyptien650 . En effet, les premiers pharaons (à partir de
Khasekhemouy le dernier roi de la IIe dynastie)651 plaçaient
Horus et Seth au-dessus de leurs serekh.
Fig. 21 : Serekh avec Seth et Horus
L'origine du conflit avec les Hyksos fut donc religieuse, car selon les explications
égyptiennes officielles: Apopi adorait un seul Dieu et celui-ci était une abomination pour
les dieux de l'Égypte652. Cette explication est en accord avec le texte biblique à l'exception
du nom désignant le Dieu des Israélites, car celui-ci ne s'est jamais appelé Seth. Ce
paradoxe "Seth = Dieu des Israélites" n'est en fait qu'apparent, car les textes égyptiens ne
649 J.B. PRITCHARD - Ancient Near Eastern Texts
Princeton 1969 Ed. Princeton University Press pp. 230-232,554,555.
650 Les pharaons Sethy et Sethnakht l'ont dans leur nom de naissance.
651 J. VERCOUTER – L'Egypte et la vallée du Nil Tome 1
in: Timelines Studies in Honour of Manfred Bietak Vol. I (2006) pp. 129-133, 331-354.
CHRONOLOGIE ISRAELITE SYNCHRONISEE 143
visaient pas Seth, mais seulement le "Seth" d'Apopi (le "Baal" de Moïse). Horus était
représenté par un faucon et Seth ressemble à un animal composite de chien et d'âne.
Le faucon était associé au pouvoir royal égyptien et l'animal séthien symbolisait les
contrées étrangères imprévisibles. On ignore la raison de ces choix, mais comme le faucon
domine le ciel et fonce sur ses proies, il était un symbole approprié de l'Égypte (?). L'âne,
lui, était le moyen de transport par excellence (notamment des bédouins) pour relier les
pays étrangers, il était naturellement associé au reste du monde inconnu653 (à cette époque,
vers -1700, l'âne avait un rôle symbolique important et entretenait un rapport particulier
avec la royauté bédouine d'origine amorrite)654. Ces étrangers étant surtout des bergers655
avec leurs chiens, ces animaux ont été fusionnés (cf. Anubis) avec l'âne. Sinouhé dit, par
exemple, au pharaon: Ce sont des princes aux noms renommés qui ont grandi dans l'amour de toi, sans
mentionner le Retenou qui t'appartient, comme tes chiens656. Les plus
anciennes représentations de Seth657 sont celles d'un chien,
avec parfois une tête d'âne (ci-contre)658. Seth étant la version
égyptienne du Baal659 cananéen cela lui donnait un caractère
ambivalent, car Baal était le "Seigneur de la tempête/orage".
Seth pouvait devenir, sous certains aspects, un dieu du mal,
des ténèbres, de la violence et de la désunion, surtout à partir
de la XVIIIe dynastie. On lit par exemple dans le Livre des
morts: Je suis Seth, agent de perturbation et d'ouragan dans l'horizon
du ciel, comme Nebedj [démon des ténèbres]660, et sur un papyrus
égyptien daté autour de -1200: Il est comme Seth, le furieux, le
reptile, le serpent mauvais dont le venin, dans sa gueule, est de flamme
(...) comme ce qu'il avait perpétré contre Osiris lorsqu'il (Seth) fit qu'il
soit immergé dans les eaux du malheur661.
Fig. 22 : Statue de Seth à tête d'âne
653 W.A. WARD – The Hiw-Ass, the Hiw-Serpent, and the God Seth
in: Journal of Near Eastern Studies vol. 37 (Chicago 1978) pp. 23-34.
654 F. JOANNES - Dictionnaire de la civilisation mésopotamienne
in: Mitteilungen des Deutschen Archäologischen Instituts Abteilung Kairo 57, 1981 pp. 115,122.
659 Le terme égyptien netjer (ntr) "dieu" ne désigne pas le "Dieu", comme celui de la Bible, mais seulement la "qualité divine" propre à tous
les dieux égyptiens. Ce mot servait surtout de titre et ne désignait pas un dieu spécifique, car aucun temple n'a été dédié à netjer "dieu".
660 P. B ARGUET - Le livre des morts des anciens Égyptiens XXXIX
la tempête" était la version égyptienne du Baal de Canaan, il y avait donc une quasi
équivalence entre les deux expressions671. Ce syncrétisme influença les représentations du
Seth pour le rendre plus conforme à son homologue de Canaan. En effet, plusieurs sceaux
provenant d'Avaris montrent Baal, un dieu syrien de la foudre, muni d'un sceptre et portant
un casque à cornes avec une tresse672. Les deux cornes apparaissent, par exemple, sur le
casque du "Baal au foudre" exhumé à Ugarit et daté autour de -1500 (Baal est présenté
comme vainqueur de Yam le dieu de la mer).
Fig. 23 : Représentations de Baal et de Seth. Stèle de l'an 400
in: Timelines Studies in Honour of Manfred Bietak Vol. II (2006) pp. 97-101.
673 Merenptah, par exemple, parle de Seth comme du dieu des Lybiens (ligne 11 de la Stèle d'Israël), de même, l'Évangile des Égyptiens, un
in: Journal of the Society for the Study of Egyptian Antiquities 30 (2003) pp. 16-21,43,44,59.
146 APPROCHE SCIENTIFIQUE D'UNE CHRONOLOGIE ABSOLUE
L'équivalence "Seth = Baal" était une équivalence technique, mais les Hyksos n'ont
jamais voué un culte à Seth, contrairement aux Égyptiens, comme le prouve l'analyse des
noms hyksos680. En effet, aucun nom théophore ne se réfère à Seth, par contre, plusieurs
comportent le terme baal comme Baaltûya et [-]baal. Cela est particulièrement évident
parmi le nom des chefs hyksos681: 1) 2) 3) 4) 5)
1) Hyksos Sakar-El ou Sokar-her (s-k-r-h-r)
2) Aper-Baal (‘pr-b-‘-3-r)
3) Hyksos Aper-Anati (‘pr-‘-n-ti)
4) Yaqub-El ou Yaqub-her (y-‘-q-b-h-r)
5) Yaqub-Baal (y-‘-q-b-‘-r)
La transcription de ces noms hyksos est malaisée mais ils sont vraisemblablement
sémites. Cela peut se déduire du fait que les dirigeants de l'Antiquité portaient des noms se
référant (explicitement ou implicitement) presque toujours à une divinité, or le culte de
676 R. GIVEON - Les bédouins Shosou des documents égyptiens
Leiden 1971 Ed. E.J. Brill pp. 248-250.
677 Nombres 15:38-40; Deutéronome 22:12.
678 Genèse 41:40-46. Joseph est établi vizir, puis après sa mort commence une période de 105 ans correspond à la dynastie hyksos.
679 J. B. PRITCHARD - The Ancient Near East in Pictures
Baal, El et Anat/Astarté était très répandu dans le monde sémitique de cette époque. Il
semble donc préférable de vocaliser le nom y-‘-q-b-h-r en Jacob-El "supplantera, Dieu" en
hébreu plutôt que Jacob-her "Jacob [est] content" en égyptien, d'autant plus que ce nom
avait son pendant exact en Mésopotamie sous la forme Yaqub-El (Ya-ah-qu-ub-El)682. De
même, la vocalisation Sakar-El "salaire [de] Dieu" en hébreu convient mieux que Sokar-her
"Sokar [est] content" en égyptien. Sakar apparaît dans le nom Is-sakar "Il y a un salaire [de
Dieu]", un fils de Jacob selon le texte biblique683. Le nom Aper-Anati peut se comprendre
comme "équipement d'offrandes d'Anati" en égyptien ou "veau (?) d'Anat" en hébreu (les
noms Aper et Anat apparaissent dans le texte biblique)684. Le nom du grand chancelier
Aper-Baal (daté de la deuxième période intermédiaire) apparaît sur le montant d'une porte
de chapelle trouvée à Tell Heboua685 et signifie "veau (?) de Seigneur" en hébreu. Ainsi,
bien qu'il y ait eu une équivalence technique entre le Seth égyptien et le Baal cananéen,
l'analyse des noms hyksos montre que seul le culte de Baal était pratiqué par les Sémites.
Un commerçant sidonien (durant le XXe-XVe siècle) adorateur de Baal s'est fait
appelé "Sadoq-Re l'aimé de Seth" sur son sceau égyptien686 pour ce faire comprendre des
Égyptiens, assimilant Seth à Baal. Ramsès II employait indifféremment les deux termes
comme le montre687 son poème écrit après la bataille de Qadesh: Et le vil prince vaincu de
Hatti envoya un message pour rendre hommage au nom de ma majesté à l'égal de Rê en ces termes : "Tu es
Soutekh, Baal en personne. La peur que tu inspires est une flamme dans le pays de Hatti". Dans le
traité entre Ramsès II et Hattousil III on lit: Seth dont la force est grande (...) voyez, Hattousil
grand prince du Hatti, est partie prenante d'un traité destiné à rétablir les relations qu'avait établies Rê,
qu'avait établies Soutekh pour le pays d'Égypte et le pays de Hatti (...) Le dieu Rê seigneur du ciel, le dieu
Rê de la ville d'Arinna, Soutekh seigneur du ciel, Soutekh du Hatti, Soutekh de la ville d'Arinna, le
traité étant scellé au nom de "Seth, souverain du ciel". L'idéogramme utilisé pour Seth étant
parfois lu Baal (b-‘-r) dans les inscriptions égyptiennes688:
b ‘ r Seth b ‘ r Seth
682 R. DE VAUX - Histoire ancienne d'Israël des origines à l'installation en Canaan
Paris 1986 Éd. Gabalda pp. 80, 192.
683 Genèse 30:18. E.
684 Genèse 25:4; Juges 3:31.
685 M. ABD EL-M AKSOUD – Tell Heboua (1981-1991)
Ramsès III possédait 4 divisions de 5000 hommes dont l'une s'appelait Seth et 6
charreries dont l'une s'appelait Baâlherkhopshef "Baal est sur mon glaive"689, ce qui confirme
le rôle similaire de ces divinités. Ainsi, lorsque Séqenenrê reprochait à Apopi son culte
exclusif à Seth il visait en fait le dieu sémite690 puisque, selon l'onomastique, ce roi hyksos
ne vénérait que cet unique "Seigneur" (Baal signifie "maître/seigneur" en akkadien).
in: Timelines Studies in Honour of Manfred Bietak Vol. III (2006) pp. 317-325.
693 M. WIENER, J.P. A LLEN Separate Lives: The Ahmose Tempest Stela and the Theran Eruption
estimée694 entre -1645 et -1627 par la dendrochronologie, est incompatible avec le règne
d'Ahmosis. Sans l'explication biblique, la tempête d'Ahmosis reste une énigme. En fait,
lorsqu'un document égyptien décrit un événement ayant une ressemblance avec le récit
biblique il est systématiquement réinterprétés et les quelques historiens se risquant à une
lecture littérale sont qualifiés de fondamentalistes. Le papyrus Leiden I 344 (recto) en est un
bon exemple puisqu'il relate une catastrophe nationale évoquant les dix plaies d'Égypte.
L'interprétation de ce papyrus intitulé les Admonitions d'Ipouer est très controversée
et ceux qui proposent un lien avec les dix plaies d'Égypte sont traités d'excentriques695. Ce
papyrus a été publié pour la première fois par Alan Gardiner696, éminent égyptologue et
historien réputé faisant toujours autorité. L'écriture peu soignée de ce très long texte le date
de la XIXe dynastie (vers -1300), mais il semble être une copie ramesside du Moyen
Empire. Gardiner explique d'abord pourquoi ce texte est une description d'événements
dramatiques et non une prophétie. Il donne les raisons suivantes:
Le début du texte précise: Ce qu'avaient prédit les Ancêtres est arrivé jusqu'à son aboutissement
ultime (1:10-11), ce qui se comprend comme l'accomplissement d'une prophétie passée
comme celle de Néferty (parue vers -1950) plutôt qu'une prophétie à venir.
De nombreux détails rapportés, comme celui-ci: Vraiment, Éléphantine et Thinis qui est la
tête de l'Égypte du Sud, ne payent plus d'impôts, à cause de la révolte (3:10), n'auraient aucun
intérêt dans une prophétie et correspondent plutôt à une constatation.
À de nombreuses reprises (10:6-11:12), l'auteur du texte (Ipouer ?) invite le pharaon à
réagir en détruisant ses ennemis et à se souvenir du bienheureux passé. Ces injonctions
n'ont de sens que si la catastrophe décrite venait de se produire.
Malgré ces remarques de bon sens, certains égyptologues préfèrent classer ce texte
dans les prophéties697. Concernant la datation de la catastrophe décrite dans le papyrus,
Gardiner envisageait deux possibilités, soit à la fin de la Première Période Intermédiaire de
694 S.W. MANNING - A Test of Time
Oxford 1999 Ed. Oxbow Books pp. 335,336.
M. BIETAK - Science Versus Archaeology pp. 23-31.
C.U. HAMMER - Thera Eruption Date 1645 BC confirmed by New Ice Core Data? pp. 87-94
in: The Synchronisation of Civilisations in the Eastern Mediterranean. Wien 2003.
695 La controverse n'est pas innocente, car les promoteurs d'une "histoire biblique" sont pour la plupart des fondamentalistes juifs ou
chrétiens et les promoteurs des "mythes de la Bible" sont pour la plupart égyptologues ou archéologues. Or, selon la revue Archéologia
(n°442 mars 2007 pp. 42-57), les archéologues actuels entretiennent l'omerta sur le passé nazi de leur discipline. En effet, les archéologues
allemands ont été les plus engagés au service du nazisme : 86% d'entre eux appartenaient au parti nazi, ce qui en fait l'une des professions les plus nazifiées de
l'Allemagne hitlérienne. Dans son ouvrage intitulé Qu'est-ce que le nazisme? l'historien britannique Ian Kershaw a comparé la catastrophe du nazisme à un
Tchernobyl de la civilisation européenne. En effet, l'essor du nazisme a provoqué un phénomène de contamination durable des domaines du savoir qu'il a touchés :
comme l'explosion de Tchernobyl, qui a eu lieu depuis maintenant de nombreuses années, l'empreinte du nazisme a continué à marquer, durant toute l'après-
guerre, l'évolution de champs intellectuels qui ont été affectés par l'idéologie nationale-socialiste. Elle a produit non seulement une pollution morale indélébile —
dans laquelle la sincérité et la bonne foi sont devenues impossible à démêler du mensonge et de la duplicité— mais elle a entraîné également des mutations en
chaînes imprévisibles et incontrôlables, dont les conséquences n'en ont pas encore fini de se dérouler.
696 A.H. GARDINER - The Admonitions of an Egyptian Sage
698 J. VAN SETERS – A Date for the 'Admonitions' in the Second Intermediate Period
in: The Journal of Egyptian Archaeology 50 (1964) Ed. The Egypt Exploration Society pp. 13-23.
699 Zeitschrift für ägyptische Sprache und Altertumskunde 83, pp. 38-43.
700 C. VANDERSLEYEN - L'Egypte et la vallée du Nil Tome 2
Dans l'Hymne de Sésostris III, cependant, ce terme pdtyw semble englober aussi bien les
‘archers’ de Nubie que ceux d'Asie. Bien que les occurrences du terme pdtyw se réfèrent
au nord dans les Admonitions, elles renvoient aussi aux Nubiens hostiles dans le passage
cité précédemment. La période durant laquelle les pdtyw menaçaient à la fois les
frontières au nord et au sud fut la Seconde Période Intermédiaire.
Un troisième terme pour désigner les Asiatiques dans les Admonitions est ḫ3styw. Ce
terme dérive de ḫ3st ‘pays étranger’ et désigne simplement les ‘étrangers’ sans référence
à un pays en particulier. Cependant, à partir du Moyen Empire les principaux étrangers
et leurs chefs, les Hyksos (ḥq3 ḫ3stwt), étaient Asiatiques, et ce terme en vint à qualifier
principalement les Asiatiques. Il est clair que dans les Admonitions ce terme ḫ3styw
désigne les Asiatiques et reflète donc un développement qui coïncide avec la Seconde
Période Intermédiaire. De plus, ces étrangers sont des sédentaires puisqu'on lit: Les
étrangers travaillent en artisans aux travaux du Delta (Admonitions 4:8). Cet aspect
sédentaire est caractéristique de la Deuxième Période Intermédiaire, car dans Première
Période Intermédiaire il s'agissait surtout de nomades et de pasteurs. Il est intéressant
de noter que la terminologie utilisée pour désigner les Asiatiques, caractéristique de la
fin de l'Ancien Empire au début du Moyen Empire, soit mntyw, ḥryw-š‘, nmyw-š‘ et ‘3mw,
est entièrement absente dans les Admonitions d'Ipouer. Si ce document avait été écrit à la
fin de l'Ancien Empire, il est difficile de comprendre pourquoi cet usage aurait été
complètement évité alors qu'il y a de fréquentes références aux Asiatiques.
Un second point apparaissant dans les Admonitions, concernant les Asiatiques, montre
que beaucoup d'entre eux avaient assimilé la culture égyptienne et avaient même
remplacé des Égyptiens à des postes d'autorité. Cela est suggéré par deux affirmations
paradoxales: Vraiment, en tout lieu, les étrangers (ḫ3styw) sont devenus des Égyptiens (rmt)»
(Admonitions 1:9) et: Une tribu étrangère (pdt) du dehors est venue en Égypte. Vraiment, [ils?]
sont arrivés. Vraiment, il n'existe plus d'Égyptiens (rmt) en tout lieu (Admonitions 3:1-2). Il est
clair que les auteurs des Instructions de Mérykaré et du Récit de Sinouhé considéraient
l'apparence et la conduite des Asiatiques (‘3mw) comme étant entièrement distinctes de
celles des Égyptiens civilisés. L'affirmation selon laquelle des étrangers étaient devenus
des Egyptiens peut seulement se référer au processus qui s'est déroulé durant le Moyen
Empire lorsqu'un grand nombre d'Asiatiques en Égypte ont été assimilés et ont porté
des noms égyptiens. La plupart de ces Asiatiques étant des esclaves identifiés dans les
listes comme ‘3m ou ‘3mt (le papyrus de Brooklyn, daté vers -1700, en est un bon
exemple). Toutefois, certains d'entre eux ont eu accès à des postes d'autorité à
152 APPROCHE SCIENTIFIQUE D'UNE CHRONOLOGIE ABSOLUE
701 H.E. WINLOCK – The Rise and Fall of the Middle Kingdom in Thebes
New York 1947 Ed. The MacMimllan Company p. 101.
702 A. EL MOHSEN BAKIR – Slavery in Pharaonic Egypt
Les habitants nommés Oasiens, écrit Wḥ3tyw (Admonitions 3:9), ne sont mentionnés
qu'à partir de la Deuxième Période Intermédiaire705.
Les pharaons ont tous été inhumés dans des pyramides, puis dans des tombes royales à
partir de la XVIIIe dynastie. Or, Ipouer est nostalgique de cette période glorieuse:
Comme c'est heureux, pourtant, quand les mains des hommes construisent des pyramides
(Admonitions 13:13). La dernière pyramide construite par les Égyptiens fut celle
d'Ahmosis à Abydos, mais elle ne fut qu'un pâle reflet du passé, car elle n'est constituée
que d'un remblai sablonneux sommairement accumulé au sein d'un coffrage formé d'un
revêtement calcaire. Elle fut érigée durant les dernières années d'Ahmosis (de l'an 22 à
l'an 25) et ne servit que pour son culte funéraire mais non à son inhumation706. Vu ce
contexte, les recommandations d'Ipouer pourraient s'adresser soit à Kamosis, soit plus
vraisemblablement au jeune Ahmosis désigné par le titre Seigneur de Tout (Admonitions
15:13) durant les premières années de son règne, sous la régence de sa mère Ahhotep.
705 L.L. GIDDY – Egyptian Oases: Bahariya, Dakkla, Farafra and Kharga during Pharaonic times
Warminster 1987 Ed. Aris and Phillips pp. 53, 106 note 117.
706 C. BARBOTIN – Âhmosis et le début de la XVIIIe dynastie
in: L'Égypte sur les traces de la civilisation pharaonique (2003) Éd. Könemann p. 324.
708 Y. KOENIG – Amon
Malgré leur pertinence, ces arguments sont rarement pris en compte. Dans un livre
universitaire sur l'histoire d'Égypte710 on lit : On a vu dans la disparition de la VIe dynastie et le
début de la Ire Période Intermédiaire le résultat d'une révolution sociale qui apparaît dans un document
unique et d'interprétation difficile. Ce très long texte, appelé Admonitions depuis sa première édition et
traduction ne laisse guère de doute sur la nature des événements qui survinrent alors (...) Le problème de la
véracité des événements évoqués et celui de la date à leur attribuer ont été mis en cause. Il est certain (sic),
toutefois, que c'est bien la situation sous la «Ire», et non pas la «IIe» période qui est décrite. Le fond du récit
rappelle le «chaos» originel que Pharaon est censé maîtriser en faisant respecter et en observant lui-même
Maat, l'Ordre universel et la Justice. Il n'en est pas moins évident que Ipouer rapporte ce qui s'est produit,
mais aussi: D'un passage des Lamentations d'Ipouer (3:6 et 3:8), on a déduit que, pendant la
Première Période Intermédiaire les Égyptiens ne naviguaient plus vers Byblos pour en ramener le bois de
confère et la résine nécessaire au traitement des momies (...) Il est intéressant de suivre le cheminement dans
les interprétations modernes de la jarre remplie de scarabées et autres menus objets trouvée par Pierre
Montet à Byblos et appelée pour cela «Jarre Montet»; les premières estimations en situaient le contenu sous
la XIe dynastie; actuellement on le situe, avec hésitation, vers la fin de la XIIIe (...) On a de bonnes raisons
de penser que les Lamentations d'Ipouer décrivent plutôt la fin de la XIIIe dynastie que la Première
Période Intermédiaire. Ces indications contradictoires donnent l'impression que ces
égyptologues réputés évitent d'identifier les Admonitions d'Ipouer avec la fin de la période
hyksos pour éluder un rapprochement gênant avec l'Exode biblique. Pourtant, force est de
constater que le rapprochement entre les Admonitions d'Ipouer, la Stèle de la tempête d'Ahmosis
et l'Exode est inévitable, puisque ces trois documents décrivent la même catastrophe
nationale égyptienne datée en -1533. Il est vrai que rien ne ressemble plus à une catastrophe
qu'une autre catastrophe, toutefois certains éléments inhabituels se retrouvent à l'identique:
9:11,14). [Quand] les dieux firent venir du ciel se voyaient plus l'un l'autre et personne ne se leva de
une tempête de pluie, avec obscurité dans la région sa place pendant 3 jours, mais tous les Israélites
occidentale et le ciel se couvrit sans arrêt [9 jours] avaient de la lumière là où ils habitaient (Exode
(...) pendant qu'aucune torche ne pouvait illuminer 10:21-23).
les Deux Terres (Stèle de la tempête).
Plaie du feu
Vraiment, les portes, les colonnes, les cloisons La foudre frappa le sol, et Yhwh fit tomber la grêle
brûlent , mais l'enceinte du palais du Pharaon qu'il sur le pays d'Égypte. Il y eut de la grêle et le feu
soit en vie, épanoui et en santé, est stable et durable jaillissait au milieu de la grêle (Exode 9:22,23).
(Admonitions 2:10,11).
Plaie du bétail
Vraiment, les animaux, leurs cœurs pleurent, le Yhwh frappera tes troupeaux qui sont dans les
bétail déplore l'état du pays (Admonitions champs, les chevaux, les ânes, les chameaux, les
5:5,6). bœufs et le petit bétail d'une peste très grave
(Exode 9:3).
Plaie de la végétation
Vraiment, les arbres sont abattus, leurs branches La grêle frappa toutes les herbes des champs et
sont dénudées (...) Vraiment, on mange de l'herbe, brisa tous les arbres des champs (...) [les sauterelles]
que l'on ingère avec de l'eau, car on ne trouve plus couvrirent toute la surface du pays et le pays fut
de graines, de plantes, de volailles, et on vole les dévasté. Elles dévorèrent toute l'herbe du pays et
fruits de la bouche des porcs. On ne dira plus: “c'est tous les fruits des arbres qu'avait laissés la grêle;
agréable pour toi cela plus que pour moi” à cause de rien de vert ne resta sur les arbres ou sur l'herbe des
la famine. Vraiment le blé périt sur chaque chemin champs, dans tout le pays d'Égypte (Exode 9:25;
(Admonitions 4:14; 6:1-3). 10:15).
Plaie des premiers-nés
La mort ne manque pas, le linceul gémit, car Au milieu de la nuit, Yhwh frappa tous les
personne ne s'approche de lui. Vraiment, des premiers-nés dans le pays d'Égypte, aussi bien le
milliers de morts sont enterrés dans le Fleuve, le flot premier-né de Pharaon qui devait s'asseoir sur son
est leur sépulcre. Ce qui advient en fait: la place de trône, que le premier-né du captif dans la prison et
purification est le flot du Fleuve** (...) Vraiment, tous les premiers-nés du bétail. Pharaon se leva
les hommes et les femmes conscients sont rares. On pendant la nuit, ainsi que tous ses serviteurs et tous
ne cesse de jeter à terre son frère en tout lieu (...) les Égyptiens, et ce fut en Égypte une grande
Que faire, face à la situation présente? Tout n'est clameur car il n'y avait pas de maison où il n'y eut
que ruine! Vraiment, le rire s'est éteint, il n'existe un mort (Exode 12:29,30).
plus. Les gémissements se répandent dans tout le **La Stèle de la tempête note aussi que: chaque
pays, mêlés aux lamentations (...) Vraiment, les maison et chaque habitation qu'ils atteignirent
enfants des nobles sont jetés contre les murs, les périrent et ceux en elles moururent, leurs corps
enfants sont arrachés au cou de leur mère pour être flottant sur l'eau comme des esquifs de papyrus,
déposés sur une hauteur où ils mourront. Khnoum même dans les portes et les appartements privés. Le
se lamente de sa faiblesse. Vraiment, les cadavres grand nombre de morts dans un court laps
qui se trouvaient dans la place pure sont de temps a dû obliger les Égyptiens à les
abandonnés sur une butte (Admonitions "inhumer" dans le Nil à cause du manque
2:6,7,13; 3:13,14; 4:3,4). de sépulcres.
Égyptiens dépouillés de leur richesse
Vraiment, les pauvres sont devenus les riches, celui Parle donc au peuple pour que chaque homme
qui ne pouvait même pas fabriquer ses propres demande à son voisin, chaque femme à sa voisine,
sandales possède à présent une grande quantité de des objets d'argent et des objets d'or (...) Les
biens (...) Les étrangers du dehors sont venus en Israélites firent ce qu'avait dit Moïse et
Égypte (...) Vraiment, l'or, le lapis-lazuli, l'argent, demandèrent aux Égyptiens des objets d'argent, des
la turquoise, la cornaline, l'améthyste, le porphyre objets d'or et des vêtements. Yhwh fit que le peuple
156 APPROCHE SCIENTIFIQUE D'UNE CHRONOLOGIE ABSOLUE
vert, toutes pierres et minéraux précieux ornent le trouvât grâce aux yeux des Égyptiens qui leur
cou des servantes alors que les nobles dames prêtèrent [contre de la nourriture?]. Ils dépouillèrent
vénérables errent à travers le pays. Les maîtresses de les Égyptiens (Exode 11:2; 12:35,36).
maison clament: “Nous voulons manger!”
(Admonitions 2:4,5; 3:1-3).
La magie se révèle inopérante
La place des secrets a été trahie. Vraiment, les Les magiciens d'Égypte avec leurs sortilèges firent la
formules magiques ont été révélées et circulent, leur même chose mais ils ne le purent (...) Les magiciens
force invocatrice brisée à cause des gens qui ont dirent à Pharaon: “C'est le doigt de Dieu”
mémorisé cette pratique (Admonitions 6:5-7). (Exode 8:14,15).
714 R. ENMARCH – The reception of a Middle Egyptian poem: The Dialogue of Ipuwer and the Lord of All in the Rammesside period and
beyond. Oxford 2009. http://www.rutherfordpress.co.uk/Enmarch%20-%20The%20Reception%20of%20Ipuwer.pdf
715 H. RUSSO – Le dossier Lyon III
De nouveau, pour des raisons chronologiques, l'Enseignement pour Mérykarê doit être
rapproché du récit de l'Exode. Ce texte décrit la situation suivante:
« Début de l'enseignement qu'a fait le roi [Khét]y pour son fils Mérykarê (...) Chasse-le massacre ses
enfants, efface son nom; ses proches, chasse son souvenir et ses partisans qui l'aiment (...) Dénonce-le
devant la cour, chasse-le, car c'est aussi un rebelle [Apopi, ancien roi de Basse Égypte, est qualifié de
rebelle par Kamosis]. C'est un mal pour la ville que le rhéteur. Fais plier la multitude, chasse l'agité
loin d'elle (...) Sois expert en paroles afin que tu sois victorieux... Sa langue est le bras du roi. Une
parole a plus de force que toute arme (...) Accrois l'éminence de tes hauts dirigeants afin qu'ils exécutent
tes lois (...) Ce pays sera remis en ordre grâce à cela, à l'exception du rebelle dont on reconnaît les
desseins. Dieu connaît le factieux et dieu lui inflige une punition au prix du sang (...) Augmente le
nombre de tes sujets susceptibles de constituer une conscription. Vois, ta ville est pleine de nouvelles
recrues. Cela fait 20 années que la troupe est à son aise, à prendre du bon temps (...) Ce sont les anciens
qui ont combattu pour nous, après que j'avais fait des levées parmi eux à mon couronnement (...) Prends
des précautions pour ta frontière, prends soin de tes forteresses. Une armée est utile à son maître (...)
C'est préjudiciable de minimiser la situation de l'ennemi. L'ennemi ne saurait être à son aise à
721 A.M. GNIRS – Das Motiv des Bürgerkriegs in Merikare und Neferti
in: jn.t dr.w Festschrift für Friedrich Junge (Göttingen 2006) pp. 207-265.
722 C. VANDERSLEYEN - L'Egypte et la vallée du Nil Tome 2
l'intérieur de l'Égypte. « La troupe matera la troupe », selon la prophétie des prédécesseurs à ce sujet.
On a combattu contre l'Égypte dans la nécropole en détruisant les monuments anciens au gré des
circonstances (...) Ne soit pas en mauvais termes avec le Sud, car tu connais la prophétie de la résidence
à ce sujet (...) N'endommage pas les monuments d'un autre. C'est de Ro-aou [Toura, au sud du Caire]
que tu dois extraire la pierre. Ne construis pas ta tombe avec des matériaux récupérés (...) Il n'y a pas
d'ennemi à l'intérieur de tes frontières. Toute personne qui s'était installée dans la ville ne s'était
installée que l'esprit affecté à cause de la Basse Égypte (...) J'ai pacifié l'Ouest tout entier jusqu'aux
plaines côtières (...) L'Orient [la Palestine] est dans la prospérité de l'Asiatique. Leurs productions...
Les Îles-du-Milieu [en mer Égée] te font retour, chacune fournissant double quantité (...) Vois, [le
territoire] qu'on avait ravagé se trouve organisé en nomes, et en toutes sortes de grandes villes (...) De
sorte qu'on travaille pour toi comme une seule troupe. Ce qui signifie qu'il n'y aura pas de rébellion là-
dedans (...) La production de Basse Égypte est en ta possession! Vois, on s'amarre dans le district que
j'ai fait à l'orient, des confins de Hebenou jusqu'au Chemin d'Horus [rive pélusiaque], pourvu de villes,
rempli de gens, l'élite du pays tout entier pour y repousser l'agression (...) Mais que ce qui suit soit dit
aussi pour les barbares. Assurément le vil Asiatique, c'est quelqu'un d'incommode à cause de l'endroit
où il se trouve [Sinaï], rare en eau, inaccessible par son abondante broussaille (...) Il combat depuis le
temps d'Horus. Il ne peut vaincre, pas plus qu'il n'est vaincu. Pas question qu'il annonce le jour du
combat. Comme un voleur que la collectivité a repoussé. Mais aussi vrai que je vis et que je suis bel et
bien existant, ces barbares [les Asiatiques] en question étaient contre elle [la Basse Égypte] comme une
hache, avec pour résultats que ses forteresses se trouvaient ouvertes, mais closes de son côté [les forteresses
étaient prévues pour empêcher les incursions en Basse Égypte, pas les excursions]. J'ai fait que la Basse
Égypte les frappât; j'ai capturé leurs dépendants, j'ai enlevé leurs troupeaux, au point que les
Asiatiques prirent en horreur l'Égypte [qu'ils ont quittée]. Ne te fais pas de souci à son sujet [la Basse
Égypte]. Le crocodile sur sa berge est (du genre des) Asiatiques. S'il fait sa capture, c'est près d'un
chemin isolé; il ne saurait faire rapine près de l'embarcadère d'une ville peuplée. Médenit [22e nome près
de Memphis] a été creusée tout au long de son territoire agricole, et son côté a été rendu accessible par eau
jusqu'à Kémour [Lacs amers]. Vois, elle est le cordon ombilical des étrangers [ancienne zone
d'habitation des Hyksos allant de Memphis à Péluse]. Ses fortifications sont en service; ses soldats sont
nombreux; les dépendants y savent manier l'armement, sans compter les hommes libres de l'intérieur du
district. Djed-sout totalise 10000 hommes (...) Les frontières du Nord sont établies; ses garnisons sont
vaillantes. Les gens du Nord, qui assurent pour moi son irrigation jusqu'en Basse Égypte et qui sont
taxés en orge, se trouvent aussi nombreux que les hommes libres (...) Active la défense de ta frontière le
long du secteur sud. (Car) il y a le problème des barbares qui ont pris l'habit de guerre. Édifie des
bastides en Basse Égypte (...) En tant que maître à penser, Khéty, juste de voix, a édicté: « Le
CHRONOLOGIE ISRAELITE SYNCHRONISEE 161
silencieux est appelé à devenir quelqu'un qui s'exprime violemment quand les autels sont endommagés ».
C'est à celui qui se rebelle contre les temples que s'en prend la divinité (...) C'est une belle fonction que
la monarchie, (mais) elle n'a pas de fils, elle n'a pas de frère qui perpétue ses monuments [le fils prince
héritier et le frère de Séqenenrê Taa, bien que pharaon, n'ont pas eu de monument] (...) Vois, un acte
vil s'est produit de mon temps: le district de Thinis fut ravagé. Mais, quoique cela se soit produit à cause
de ce que j'avais fait [le pharaon reconnaît sa part de culpabilité !] (...) Les hommes, le troupeau du
dieu sont (fondamentalement) bien pourvus. C'est à leur intention qu'il a créé ciel et terre après avoir
repoussé l'invasion de l'eau (...) De même qu'il a tué ses ennemis, de même il a anéanti ses enfants à
cause de leur projet de faire rébellion (...) Les suivants du roi sont les suivants du dieu. Donne ton
amour à l'humanité. Une bonne nature est quelqu'un qu'on évoque après que des années seront passées
là-dessus. Tu seras qualifié de « celui qui a mis fin à un temps de malheurs » par les lointains
successeurs dans la maison de Khéty ».
La description de la catastrophe hyksos dans l'Enseignement pour Mérykarê est
conforme à celle déjà donnés dans les Admonitions d'Ipouer, mais puisque le pays est pacifié
et que cela fait 20 années que la troupe est à son aise, à prendre du bon temps, sa rédaction doit être
postérieure. Si les Admonitions ont été écrites au début du règne d'Ahmosis, l'Enseignement
semble avoir été écrit vers l'an 20 d'Ahmosis, ce qui coïnciderait avec la fin de la régence
d'Ahhotep. De plus, la remarque: C'est de Ro-aou que tu dois extraire la pierre. Ne construis pas ta
tombe avec des matériaux récupérés est cohérente avec le fait que ce pharaon n'a commencé à
construire sa pyramide (en fait un cénotaphe à Abydos) qu'à partir de l'an 22. Toutefois la
remarque sur "la troupe qui prend du bon temps depuis 20 ans" contredit le récit
d'Ahmosis qui affirme avoir maté au moins deux rébellions, celles de Aata et de Téti-an, le
gouverneur de Nubie. Il se pourrait cependant qu'Ahmosis ait simplement repris à son
compte la destitution [par Kamosis] de Téti fils de Pépy, le vice-roi de Koush.
Tous ces éléments, bien que non mentionnés dans la Bible, s'accordent cependant
avec l'Exode724. En effet, après la mort de Iahmès Sapaïr, le fils premier du pharaon
[dernière des 10 plaies], Apopi [Moïse], un ancien roi de Basse Égypte, quitte l'Égypte pour
la Palestine dans un contexte catastrophique [10 plaies]. Le pharaon [Séqenenrê Taa] veut
empêcher le départ de ces milliers de Hyksos, mais meurt dans des conditions dramatiques
[noyé dans la mer Rouge]. Kamosis, un frère de Séqenenrê Taa, prend le pouvoir et
entreprend des actions de représailles, car Ahmosis le fils cadet de Séqenenrê n'a que 1 ou 2
ans et ne peut diriger l'Égypte. La ville d'Avaris [abandonnée] est immédiatement capturée,
puis une expédition est lancée vers Sarouhen pour bloquer, pendant 3 ans, l'entrée de la
724 C. VANDERSLEYEN - L'Egypte et la vallée du Nil Tome 2 pp. 214--237.
162 APPROCHE SCIENTIFIQUE D'UNE CHRONOLOGIE ABSOLUE
Palestine aux Hyksos [en fait ceux-ci resteront dans le Sinaï pendant 40 ans]. Téti fils de
Pépy, le vice-roi de Koush, s'oppose à Kamosis, peut-être par solidarité avec Apopi, mais
ses archers nubiens sont vaincus. Le nome de Thinis, près de Memphis où vivent encore de
nombreux Hyksos, se révolte et refuse de payer ses impôts, mais cette rébellion est
également écrasée. Kamosis meurt prématurément, au bout de 3 ans de règne, ce qui
permet à Ahmosis, alors âgé de 4 ou 5 ans, de monter sur le trône. Ahhotep, la femme de
Séqenenrê Taa, assure pendant environ 20 ans une régence, discrète mais efficace, qui
permet à l'Égypte de retrouver une nouvelle unité et sa grandeur passée. Les Asiatiques
[Hébreux] qui sont dans le Sinaï restent redoutés par les Égyptiens, car "ils ne peuvent être
vaincus", mais comme ils ont quitté l'Égypte la menace d'une rébellion s'est éloignée.
Les récits égyptiens sont donc relativement exacts concernant le célèbre épisode de
l'Exode, à la nuance près, que les Asiatiques sont noircis et que les opérations de police
égyptiennes sont transformées en victoires glorieuses. Toutefois, à cause de son issue
catastrophique (mort de 2 pharaons et d'un prince héritier), cette tragédie fut rarement
commentée par les Égyptiens. Or, la politique des rois Ptolémée, très favorable envers les
Grecs et les Juifs, va indirectement raviver ces souvenirs douloureux.
Selon Hérodote725, Psammétique Ier (663-609), dynaste de Saïs, fit appel à des
mercenaires étrangers, notamment des Ioniens et des Cariens, pour affermir son pouvoir
en Égypte. La lettre d'Aristée726 précise que parmi ces mercenaires il y avait des Juifs, en
notant que la partie importante de cette émigration juive en Égypte eut lieu principalement
durant les règnes de Ptolémée Ier Sôter (305-283) et de Ptolémée II Philadelphe (284-246),
information confirmée par Flavius Josèphe727 et Diodore728 (selon Philon d'Alexandrie729,
les Juifs occupaient deux des cinq quartiers d'Alexandrie au début de notre ère). Cet afflux
massif de Juifs en Égypte suscita des réactions antisémites, notamment de la part des
prêtres égyptiens pour des raisons religieuses (le temple de Yaho à Éléphantine, par
exemple, fut détruit vers -410 par les prêtres égyptiens parce que le sacrifice de béliers
opérés par les prêtres juifs étaient perçus comme une provocation envers Khnoum, le dieu
à tête de bélier). La traduction de la bible juive en grec, la Septante, accueilli favorablement
par Ptolémée II Philadelphe, provoqua une réaction hostile des prêtres égyptiens, puisque
le récit de l'Exode, maintenant accessible aux Égyptiens hellénophone, donnait une piètre
image de l'ancien clergé égyptien. Manéthon, un prêtre égyptien hellénisé, à la demande de
vocalisé gosem en copte et gošen dans la Bible) qui apparaît dans l'expression "pays de
Gesem" de la Septante. Le mot gasmou, dont dérive gesem, a le sens de "orage/ tempête" en
égyptien735 (le mot gšm a le même sens en ugaritique ou en hébreu). Les expressions "pays
de Goshèn", "pays de Ramsès" et "campagne de Tanis" désigne sensiblement la même
région736, désignée par les Égyptiens comme pays de "l'Orage", pays appartenant au "Fils du
soleil" (expression désignant le pharaon)" ou "prairie de Djaou [Tanis]737".
Vu leur situation géographique, on peut comprendre que les prêtres égyptiens de
cette région aient conservé un mauvais souvenir des Hyksos, les lointains ancêtres des Juifs
de l'époque de Ptolémée II Philadelphe. Bien que l'inscription du naos de Pi-Soped soit très
endommagée, on peut toutefois lire: [Or donc] la Majesté de Chou était le parfait roi du ciel, de la
terre, de l'enfer, de l'eau, des vents, des eaux primordiales, des montagnes et de la mer [faisant] toutes les
lois sur le trône de son père Râ-Harakhté devenu juste de voix. Or donc la Majesté de Chou se trouvait en
sa résidence de [...] à Memphis. Sa Majesté parla auprès de la grande Ennéade des dieux qui était à sa
suite: "Allons marchons vers [...] de l'est, vers ma résidence de Yat-Nebes (...) Ainsi la Majesté de Chou
éleva Yat-Nebes solide comme le ciel et tous ses châteaux comme l'akhit. Il arriva [...] comme roi des
Dieux dans Yat-Nebes. Il avait parachevé le trône d'Harakhté. Mais alors les enfants d'Apopis, les
rebelles qui sont dans le "lieu sec" et dans le désert, ils vinrent par les chemins de Yat-Nebes, fondant sur
l'Egypte à la tombée de la nuit [...] sur l'Egypte. Ils ne conquéraient que pour détruire. Tout lieu qu'ils
saccageaient sur l'eau, sur terre, ils devenaient [abandonnés]? [...] par tous les habitants à cause de cela.
Ces rebelles, donc, ils venaient des montagnes de l'Orient sur tous les chemins de Yat-Nebes. Voici que la
Majesté de Chou plaça les dieux qui suivent Râ et les dieux qui suivent [Chou] sur toutes les buttes qui se
trouvent dans le territoire de Yat-Nebes. C'étaient les buttes du temps de Râ, du temps où la Majesté de
Râ était dans Yat-Nebes [...] Ce sont les grandes murailles de l'Egypte qui repoussent les rebelles
lorsqu'Apopis entreprend l'attaque? de l'Egypte. Les dieux de ces buttes sont le rempart de cette terre, ils
sont les quatre piliers du ciel, la garde? [...] de l'horizon éternel, le trône de Chou dans Hat-Nebes. Ceux
qui résident dans les buttes de Yat-Nebes, ils sont les frappeurs de la terre [...] magasin. Ils sont les Ames
de l'Orient à [...] de Râ Harakhté. Ils sont les soutiens de Râ au ciel et dans l'autre monde [...] du ciel. Ils
sont les maîtres des montagnes de l'Est, défendant Râ contre Apopis, connaissant toutes les [...] dans le
territoire de Hat-Nebes, avec les dieux qui les habitent Yat-Desoui dans Yat-Nebes c'est le lac [...] est de
Hat-Nebes, dont sortit la Majesté de Râ, pour se battre avec les compagnons d'Apopis [...] dans Yat-
Nebes, l'est de Hat-Nebes, c'est le lac [...] dans Hat-Nebes (...) avec Chou? prenant pour lui la terre
735 J.E. HOCH – Semitic Words in Egyptian Texts of the New Kingdom and Third Intermediate Period
Princeton 1994 Ed. Princeton University Press p.354.
736 Genèse 45:10; 47:11; Psaumes 78:12,43.
737 D. V ALBELLE – Tanis
in: Dictionnaire de l'Antiquité sous la direction de Jean Leclant 2005 Éd. PUF p. 2123.
CHRONOLOGIE ISRAELITE SYNCHRONISEE 165
entière. On ne résistait pas devant sa face. Aucun autre dieu n'était dans la bouche de ses troupes [...]
furieux de face au regard impérieux. Il avait fait son pavillon avec le concours des méchants. Le mal tomba
sur cette terre. Il y eût une grande révolution dans la résidence. Les rebelles portèrent le désordre aux
habitants de la demeure de Chou. Voici que Geb vit sa mère qui l'aimait beaucoup. Son coeur (de Geb)
était négligent après elle. La terre [...] pour elle en grande affliction. La Majesté de Chou vola vers la ciel
avec ses compagnons. Tefnout resta dans le lieu de son couronnement à Memphis. Elle se rendit vers la
demeure royale de Chou à l'heure de midi. La grande Ennéade des dieux se trouvait sur le monde(?)
d'éternité qui est le chemin de son père Harakhté. Alors la Majesté de [ ] Voici qu'il la trouve en ce lieu
appelé Pi-Kharoti [p-ḫ3-3-r-t-ÿ] et voici qu'il l'enleva de vive force. Ce fut une grande révolution dans la
résidence. C'était Chou qui montait au ciel. Il n'y eut aucune sortie du palais pour une durée de 9 jours, et
pendant ces 9 jours de révolution ce fut une tempête telle que ni les hommes, ni les dieux ne voyaient la face
de leur prochain. La Majesté de Geb parut couronnée sur le trône de son père Chou, et tous les habitants de
la résidence baisèrent la terre devant lui. Après 75 jours Geb se rendit dans le Delta et Chou volait au ciel,
par-dessus la terre, au devant de son fils aîné à travers les montagnes [de l'Orient]. Il n'alla pas à On avec
comme compagnons des voleurs de sceptre, appelés les "cachés", qui vivaient de ce que les Dieux abominent
(...) Lorsque la Majesté de Râ-Harakhté combattait avec les ennemis dans cette eau de Yat-Desoui — les
rebelles ne montrèrent aucune vaillance contre Sa Majesté — Sa Majesté prit contact avec Yat-Desoui, elle
prit la forme d'un crocodile (...) Comme Sa Majesté se trouvait à sa résidence de Ity-Taoui dans la terre des
plantes henou. Sa Majesté avait envoyé une expédition pour lui amener les étrangers et les Asiatiques
(‘3mw) de leurs pays. Alors la Majesté de Geb dit auprès de la grande Ennéade des Dieux qui était
derrière lui "Qu'à fait mon père Chou depuis le commencement de son règne sur le trône de son père
Atoum?" Cette Ennéade dit auprès de la Majesté de Geb. Depuis que ton père Chou était sur le trône de
son père Atoum, il battit tous les rebelles de son père Atoum en massacrant les enfants d'Apopis et il remit
à la raison tous les ennemis de son père Râ et après que l'air fut refroidi, que les terres furent séchées, que
les dieux et les humains eurent formé la suite d'Atoum seigneur d'On du Sud, il irrigua les villes, fondant
les nomes, et il dressa les murailles de l'Egypte, construisant les temples dans les pays du Sud et du Nord.
Plusieurs indices permettent de situer l'époque de la catastrophe durant les règnes
de Séqenenrê ou de Kamosis. En effet, la ville d'Ity-Taoui738 mentionnée fut la résidence
des pharaons de la XIIe dynastie (celle de la XVIIIe dynastie étant à Thèbes) et l'activité
constructrice à Karnak [l'On ou l'Héliopolis du Sud], décrite à la fin, n'a repris qu'à partir
d'Ahmosis739, le premier pharaon de la XVIIIe dynastie. Le pharaon du récit n'est désigné
que par l'expression "Majesté de Râ (ou de Chou)" et son opposant est dépeint sous les
738 Capitale près de Lisht (nécropole des deux premiers rois de la XIIe dynastie).
739 L. GABOLDE – Thèbes
in: Dictionnaire de l'Antiquité sous la direction de Jean Leclant 2005 Éd. PUF p. 2168.
166 APPROCHE SCIENTIFIQUE D'UNE CHRONOLOGIE ABSOLUE
traits du dragon Apopis. Coïncidence: le nom Séqenenrê signifie "Celui que Râ a rendu
brave" et le nom du roi Apopi (écrit ipp) est très proche de celui du dieu maléfique Apopis
(écrit ‘pp) associé à Seth. Bien que le récit soit mythologique, les protagonistes du conflit se
distinguent bien: d'un côté le pharaon et les dieux de l'Égypte, de l'autre des rebelles venus
des montagnes de l'Orient assimilés à des étrangers et à des Asiatiques, ils sont qualifiés
d'ennemis, de méchants, de compagnons ou d'enfants d'Apopis et de voleurs de sceptre
que les dieux abominent. Les grandes lignes du conflit se résument ainsi: le pharaon résidait à
Memphis lorsque les rebelles d'Apopis attaquent l'Égypte à la tombée de la nuit, le mal tombe sur la terre,
il y a une grande révolution dans la résidence, les rebelles apportent le désordre, la terre est en grande
affliction, le pharaon se trouve en un lieu appelé Pi-Kharoti lorsqu'il est enlevé de vive force, c'est une grande
révolution dans la résidence, il monte au ciel [meurt], il n'y a aucune sortie du palais pour une durée de 9
jours, et pendant ces 9 jours de révolution c'est une tempête telle que ni les hommes, ni les dieux ne voyaient
la face de leur prochain. Le pharaon est mort en combattant les ennemis dans l'eau de Yat-Desoui et prend
la forme d'un crocodile. Le pharaon suivant bat tous les rebelles de son père en massacrant les enfants
d'Apopis et construit les temples dans les pays du Sud et du Nord. Plusieurs points de ce récit
concordent avec le récit biblique:
in: Bulletin de l'Institut Français d'Archéologie Orientale 100 (2000) pp. 201-242.
168 APPROCHE SCIENTIFIQUE D'UNE CHRONOLOGIE ABSOLUE
Égyptiens ont martelé le Seth d'Apopi après son départ, mais pas l'antique dieu Seth, ce qui
constitue un fait unique de leur histoire puisqu'il y a eu deux Seth à Avaris745, adoré et
maudit à la fois! Malgré la grande emprise de Seth dans la vie politique et religieuse des
Ramessides, on en connaît très peu de figurations en ronde bosse dans la sculpture
officielle. Cette lacune s'explique par les destructions ultérieures de son image. En
revanche, dans les hiéroglyphes, l'idéogramme ou le signe déterminatif montrent Seth le
plus souvent sous forme d'un griffon ayant la forme d'un lévrier.
Les Égyptiens ont systématiquement martelé les représentations de Seth lorsqu'elles
étaient associées au pharaon Apopi, comme on le voit sur cette table d'offrande ayant
l'inscription: Horus de la pacification des deux terres, le dieu bon [pharaon] Aaqénenré [Apopi], vie soit
donnée, a fait ce monument pour son père Seth, Seigneur d'Avaris, il a fait ses pylônes, il a fait cela afin
qu'on lui donne la vie comme Rê à jamais. Qu'il vive l'Horus de la pacification des deux terres [l'Égypte],
le dieu bon [pharaon] Aaqénenré [Apopi] qu'il vive. Il a fait ce monument pour son père Seth, Seigneur
d'Avaris, comme il a placé toutes les terres sous ses sandales746. La phraséologie est typiquement
égyptienne, mais Seth (le Baal égyptien) est simplement présenté comme étant le père du
roi Apopi. Une autre inscription sur un bâtiment d'Avaris précise: Horus de la pacification des
deux terres [...] fils de Rê, Apopi vie soit donnée, [a fait ce monument pour son père Seth, réalisant] des
fanions et une fixation (?) en bronze pour ce dieu747.
Fig. 26 : Table d'offrande d'Apopi
745 H. SOUROUZIAN – Seth fils de Nout et Seth d'Avaris dans la statuaire royale ramesside
in: Timelines Studies in Honour of Manfred Bietak Vol. I (2006) pp. 331-354.
746 L. HABACHI – The Second Stela of Kamose and his Struggle against the Hyksos Ruler and his Capital
La présentation d'Apopi sur une palette de Medinet el-Fayoum748 est aussi très
étrange car son nom n'est dans un cartouche que dans la dédicace et le texte insiste
principalement sur son enseignement et son jugement: Palette faite pour le roi le scribe de Rê que
Thot lui-même a enseigné, qui expectore l'ombien Seth et ses suivants pour qu'il y ait de nombreuses fois
par jour la lecture à voix haute la difficulté? des écritures comme le flux du Nil [...] déclamant son
enseignement, il est un juge des nécessiteux? – ce n'est pas une fausse déclaration – il n'a vraiment pas son
pareil dans aucun pays [...] courageux au jour de la bataille, avec un nom plus grand qu'aucun roi,
protecteur des pays étrangers qui n'ont jamais eu un aperçu de lui; vivante image de Rê sur la terre [afin de
résoudre les problèmes de souffrances? du] peuple. Roi de Haute et de Basse Égypte, Aaouserré, fils de Rê,
Apopi, qu'on lui donne la vie comme Rê à jamais // Palette d'[Horus ...] fils de Rê de son corps, son bien
aimé, Apopi , vie soit donnée, que le roi a donnée au scribe Atjou. Le qualificatif "protecteur des
pays étrangers749" est exceptionnel pour un pharaon. L'importance des pays étrangers est
encore mentionnée sur un vase trouvé à Almuñécar en Espagne: Roi de Haute et de Basse
Égypte, Aaouserré, fils de Rê, Apopi, la sœur royale Ta'awa(?), qu'elle vive. Le dieu parfait [pharaon],
seigneur des deux terres, dont le pouvoir a atteint les limites des pays étrangers – il n'y a aucun pays
dispensé de le servir // Le dieu parfait [pharaon], Aaouserré, fils de Rê, Apopi, la sœur royale Ta'awa(?),
qu'elle vive. La titulature d'Apopi est parfois inhabituelle, car le dieu Seth est placé en
antéposition honorifique au début de la phrase (et non du mot), ce qui est exceptionnelle:
Seth, le dieu bon [pharaon] Aaqénenré, fils de Rê, Apopi vie soit donnée, bien aimé de
Le fait qu'Apopi ait porté trois noms de couronnement est exceptionnel. Le récit
biblique pourrait expliquer cette bizarrerie: Moïse ayant été adopté comme fils de pharaon à
l'âge de 3 mois il ne pouvait exercer sa royauté et ne reçu vraisemblablement qu'un nom de
couronnement (Nebkhépeshré), puis à l'âge adulte (vers 30 ans? confère l'an 33 du papyrus
Rhind) il put régner et a peut-être reçu un nouveau nom de couronnement (Aaqénenré),
puis à l'âge de 40 ans il s'exila en Madian pour ne revenir en Égypte que 40 ans plus tard et
748 H. GOEDICKE – The Scribal Palette of Athu (Berlin Inv. Nr. 7798)
in: Chronique d'Égypte LXIII (1988) Fasc. 125 pp. 42-56.
749 D.B. REDFORD - The Hyksos: New Historical and Archaeological Perspectives
reçu son dernier nom de couronnement (Aaouserré). D'ailleurs, sur la stèle de Kamosis,
Apopi est appelé Aaouserré, fils de Rê [pharaon] quand il est sur le territoire égyptien et
seulement grand [prince] du Retenou [Palestine] après son départ d'Égypte. Selon Manéthon, le
Moïse de Palestine s'appelait auparavant Osarseph en Égypte (forme grecque déformée de
Aaouserré-Apopi?). Le fait que Kamosis ait, lui, porté trois noms d'Horus750 est aussi
exceptionnel. On peut supposer qu'après la mort de Séqenenrê et de son prince héritier
Iahmès Sapaïr, Kamosis, le frère du pharaon décédé a vraisemblablement fait fonction de
pharaon pendant les deux premières années, car le dernier fils de Séqenenrê, Ahmosis, ne
pouvait monter sur le trône à cause de son jeune âge (environ 1 an). Sur la stèle de Buhen,
Ahmose un fils de scribe qualifie Kamosis de puissant dirigeant mais non de roi, laissant
supposer qu'il n'avait pas encore reçu de nom de couronnement.
Le Seigneur d'Avaris était devenu une abomination pour les Égyptiens. Le dieu
d'Apopi avait-il un nom propre? Selon le texte biblique, le pharaon qui s'opposa à Moïse
connaissait ce nom puisqu'il aurait dit: Qui est Jéhovah, pour que j'écoute sa voix et que je laisse
partir Israël? Je ne connais pas Jéhovah et quant à Israël, je ne le laisserai pas partir (Exode 5:2). Un
écusson du temple de Soleb au Soudan (daté autour de -1400) contient une inscription qui
mentionne les Shasou de Yehoua’751. La ciselure de ce cartouche indique aussi qu'il s'agissait
de peuples envoûtés. Cette inscription752 est facile à déchiffrer, sa transcription peut se
vocaliser par ta’ sha’suw yehua’w dans le système conventionnel et se traduire par: Pays des
Shasou ceux de Yehoua’. Yehoua’ pourrait se référer à un toponyme inconnu, mais cela est
peu vraisemblable à cause de l'onomastique753. De plus,
il est difficile de distinguer un toponyme d'un nom de
personne, même dans le texte biblique, comme dans les
expressions "pays de Juda" (Deutéronome 34:2) ou "pays
de Ramsès" (Genèse 47:11). Il en est de même avec les
toponymes asiatiques754 cités (vers -1450) dans les listes
de Thoutmosis III, comme: "[pays de] Jacob-El; [pays de] Josep-El, [pays de] Lewi-El"; etc.
in: Near Eastern Studies. Wiesbaden 1991 Ed. Otto Harrassowitz pp. 215-219.
M.C. ASTOUR - Yahweh in Egyptian Topographic Lists
Bamberg 1979 in: Festschrift Elmar Edel pp. 17-32.
753 G. GERTOUX –The Name of God YeHoWaH which is pronounced as it written I_Eh_oU_Ah
les descendants des Éthiopiens que, sous le roi Céphée, la crainte et la haine poussèrent à émigrer (...) La
plupart des auteurs sont d'accord pour dire que le roi Bocchoris, comme s'était déclarée en Égypte une
épidémie qui souillait le corps, consulta l'oracle d'Amon pour lui en demander le remède; il reçut l'ordre de
purifier son royaume et de déporter sur d'autres terres cette race d'hommes, puisque les dieux la haïssaient.
On rechercha donc et on rassembla ce peuple, puis on l'abandonna dans le désert. Tandis que les autres
étaient en larmes et déprimés, Moïse, un des exilés, les avertit qu'ils ne devraient attendre aucun secours (...)
lorsqu'un troupeau d'ânes sauvages, revenant du pâturage, se dirigea vers une roche ombragée d'un bouquet
d'arbres. Moïse le suit (...) ils occupèrent des terres, dont ils chassèrent les habitants; c'est là qu'ils fondèrent
une ville et consacrèrent un temple (...) L'effigie de l'animal dont le comportement avait permis de mettre fin
à leur marche errante et à leur soif fut consacrée dans leur sanctuaire et ils sacrifièrent un bélier, comme pour
faire outrage à Amon; on immole aussi le bœuf, perce que les Égyptiens rendent un culte à Apis (...) Leurs
prosélytes adoptent la même pratique, et les premiers principes qu'on leur inculque sont le mépris des
dieux757 (Seth incarnait Dieu pour certains chrétiens d'Egypte758!). Selon Strabon: Moïse était
en effet un prêtre égyptien qui gouvernait une partie de la région appelée la Basse-Égypte; il partit de là pour
venir ici [en Judée] pris d'aversion pour l'ordre établi, et beaucoup d'hommes qui adoraient la Divinité
partirent avec lui. Ce dernier disait et enseignait que les Égyptiens n'avaient pas de bon sens quand ils
assimilaient la Divinité à des bêtes sauvages (...) Moïse persuada donc un bon nombre d'hommes à l'âme
noble et les conduisit [à Jérusalem] (Géographie XVI:2:35,36). Selon Plutarque759 les coutumes
juives dérivaient du dieu Typhon (Seth) représenté par un âne roux. Flavius Josèphe760, était
évidemment choqué par de tels ragots, il écrit: J'admire aussi les écrivains qui lui ont fourni une
telle matière, je parle de Posidonios et d'Apollonios Molon, qui nous font un crime de n'adorer pas les
mêmes dieux que les autres peuples. D'autre part, quand ils mentent également et inventent des calomnies
absurdes contre notre temple, ils ne se croient pas impies, alors que rien n'est plus honteux pour des hommes
libres que de mentir de quelque façon que ce soit, et surtout au sujet d'un temple célèbre dans l'univers entier
et puissant par une si grande sainteté. Ce sanctuaire, Apion a osé dire que les Juifs y avaient placé une tête
d'âne, qu'ils l'adoraient et la jugeaient digne d'un si grand culte; il affirme que le fait fut dévoilé lors du
pillage du temple par Antiochos Épiphane et qu'on découvrit cette tête d'âne faite d'or, et d'un prix
considérable. A cela donc je réponds d'abord qu'en sa qualité d'Égyptien, même si chose pareille avait existé
chez nous, Apion n'eût point dû nous le reprocher, car l'âne n'est pas plus vil que les furets, les boucs et les
autres animaux qui ont chez eux rang de dieux. Les reproches antiques sur le culte juif sont
absurdes. Une même incompréhension est apparue, au 3e siècle avant notre ère, lorsque les
Juifs d'Alexandrie ont voulu expliquer au monde grec polythéiste qu'ils adoraient un dieu
unique: C'est le Dieu souverain maître et créateur de l'univers qu'ils adorent, celui qu'adorent tous les
hommes et que, nous autres, ô roi, nous appelons seulement d'une manière différente: Zeus. Et ce n'est pas
sans convenance que les Anciens ont exprimé que celui à qui toutes choses doivent la vie et l'être, est le chef
et maître de l'univers761. Ayant mal compris cette explication certains auteurs, comme Augustin
d'Hippone762, ont crû que les Juifs avaient adoré Jupiter (Jove-pater), le "dieu-père".
L'historien Procope de Césarée763 (500-562), s'appuyant sur les écrits de Moïse de
Khoren (370-486), affirmait qu'une inscription phénicienne, apparaissant sur deux colonnes
édifiées (autour de -700) dans la ville de Tigisis en Numidie, portait la phrase suivante: Nous
sommes ceux qui ont fui devant la face de Josué, le voleur, le fils de nun. Un autre ouvrage (Chronique
pascale) rapporte (vers 630) une inscription grecque (datée de -234): Les habitants de ces [îles
(Baléares)] furent des Cananéens fuyant de devant la face de Josué le fils de Nun764.
L'expulsion des Hyksos a constitué un tournant dans l'histoire religieuse égyptienne.
La modeste pyramide d'Ahmosis fut ainsi la dernière construite par les Égyptiens, les
pharaons suivants préférant faire sculpter leurs tombeaux dans la vallée des rois. Un autre
changement remarquable apparaissant après la mort de Séqenenrê est la modification du
culte (la lune remplaçant le soleil). Kamosis "le taureau [lunaire] est né" fut le premier de
noms théophores lunaires; dans un cartouche gravé sur un de ses poignards, ce nom est
commenté: aimé de Ré, fils de Iah [la lune], mis au monde par Djehouty (c'est-à-dire le dieu
lune Thot). Le nom de son successeur Ahmosis signifie "la lune [Iah] est née", après lui
viendront les Thouthmosis "[le dieu lune] Thot est né". Ce changement d'ère apparaît sous
Ahmosis "le disciple de l'étoile Sirius, le favori de Séchat [stèle d'Ahmosis à Karnak]",
lorsque le hiéroglyphe de la lune s'inverse, ce qui marque le début de la XVIIIe dynastie765.
Évolution dans le temps du nom Ahmosis (ou Iahmès) "engendré de la Lune":
Le récit biblique décrivant un exode massif et brutal d'Israélites hors d'Égypte pour
la Palestine sous la conduite de Moïse, un ancien chef d'Égypte, est corroboré par les
anciens historiens. La chronologie ainsi que l'équivalence "Seth = Baal" et "Apopi =
Moïse" confirment la version biblique de l'Exode. Lorsque les Israélites ont quitté l'Égypte
761 Lettre d'Aristée à Philocrate III:16.
762 S. AUGUSTINI - De consensu evangelistarum
Paris 1845 Éd. Migne Patrologiæ Latina XXIV pp. 1055-1058.
763 Livre des guerres IV:10:21-22.
764 A.J. FRENDO - Two Long-Lost Phoenician Inscriptions and the Emergence of Ancient Israel
ils ont rejoint la Palestine après une pérégrination de 40 ans dans le désert du Sinaï. Selon
les documents égyptiens, les Shasou apparaissent soudainement dans le Retenou (Palestine)
lorsque les Hyksos disparaissent de la scène dans le Delta766. Cette coïncidence
chronologique implique d'identifier ces anciens Hyksos aux Shasou qui apparaissent en
Palestine. Ces derniers sont nettement déterminés dans le temps: de Thoutmosis Ier à
Ramsès III. On peut également leur fixer des limites dans l'espace: on les mentionne dans
le Delta, en Palestine de l'Ouest, dans la partie méridionale de la Palestine de l'Est; on les
signale en Syrie. Les Shasou constituent un groupe important et distinct qui joua un rôle
considérable dans les rapports égypto-asiatiques, mais dont aucune trace ne subsiste dans
les sources non égyptiennes. Les lettres d'El-Amarna contiennent maintes allusions à des
populations Habirou dont le genre de vie est semblable à celui des Shasou767. Une
confirmation de l'équivalence "anciens Hyksos => Shasou" est fournie par la répartition
dans le temps et dans l'espace des jarres de type Tell el-Yahoudiyah768 ("mont des Juifs!").
Fig. 27 : Distribution des jarres du type "mont des Juifs"
CHARPIN – Hammu-rabi de Babylone. Paris, 2003, Éd. Presses Universitaires de France p. 238.
768 M. BIETAK – Egypt and Canaan During the Middle Bronze Age
Ce rapprochement entre l'Exode et l'expulsion des Hyksos n'est pas accepté par les
égyptologues769. Christian Robin en donne les raisons, à la question: Comment en définitive
faut-il considérer cette source qu'est le texte biblique et qui sert de porte d'entrée pour parler des peuples de
la Bible?, il répond: La Bible, par ailleurs, cherche à répondre à toute une série d'interrogations
existentielles sur Dieu, l'homme, la création ou Israël : on y trouve donc plusieurs strates de mythes
fondateurs, qu'il ne faut pas prendre pour des récits historiques. L'Exode, épisode qui est présenté dans les
manuels d'histoire du secondaire comme un événement historique réel, offre une bonne illustration. Selon la
Bible (...) C'est le long cheminement des Hébreux entre l'Égypte et Canaan qui est appelé l'Exode. Or, il
est très peu vraisemblable qu'un tel événement ait jamais eu lieu. La première raison d'en douter résulte de
l'écart chronologique considérable entre la date de rédaction des ouvrages qui en font mention et la date
supposée de l'événement, manifestement situé dans un passé mythique. La deuxième raison est l'absence de
toute donnée explicite, dans le texte biblique, permettant de situer l'Exode dans le temps et de le suivre dans
l'espace; ainsi le nom du pharaon n'est pas donné. La troisième raison est le silence des sources égyptiennes.
Un dernier argument réside dans l'absence de toute allusion à l'Exode dans les strates les plus anciennes de
la Bible770. Manifestement, cette réponse surprenante traduit une totale ignorance de la
chronologie biblique. Hérodote remarquait déjà, vers -450, concernant cette période de 106
ans de domination, que les Égyptiens refusaient absolument d'en parler: C'est donc, à leur
compte, un total de 106 ans pendant lesquels l'Égypte fut plongée dans la misère la plus complète, et
pendant ce temps-là les temples furent fermés. Dans leur haine pour ces rois, les Égyptiens se refusèrent
absolument à prononcer leurs noms771. Il y a dans cette aversion un comportement irrationnel. Ce
conflit majeur fut en fait une confrontation entre le Dieu unique d'Apopi et les dieux
d'Égypte, comme le confirment les commentaires irrités de Séqenenrê et d'Hatshepsout.
De même, le silence étonnant d'Ahmosis sur cette catastrophe qui pourtant venait juste de
se produire. En effet, il ne la décrit jamais précisément, mais se réjouit seulement que
l'économie reparte et qu'il soit devenu: roi du Sud dans Pe [Bouto au Nord], prince du Nord au
Pays Bien-aimé [Thèbes au Sud], pilier du ciel et gouvernail [de la terre], il a régi ce qu'encercle le disque,
la couronne blanche [de Haute Égypte] et la couronne rouge [de Basse Égypte] étant fermement établies sur
sa tête772. Les deux points majeurs ne concernaient donc que la prospérité et l'unité
retrouvées de l'Égypte (disparition des dynasties parallèles). En résumé, les versions
égyptienne et israélite relatant les" 10 plaies" sont proches et se complètent:
Selon la reine Hatshepsout, le dieu des Chacune des 10 plaies visait un dieu
Hyksos était une abomination pour les dieux égyptien et a impliqué le clergé égyptien qui
d'Égypte. Toutes les représentations a cherché à s'y opposer au début, mais a été
[Seth/Baal] du Dieu d'Apopi ont été ridiculisé après la 3e plaie (Exode 7:11,22;
martelées, après son départ d'Égypte. 8:18,19).
La pestilence est à travers le pays, le sang est en Les eaux qui sont dans le Fleuve se changèrent en
tout lieu (...) Vraiment le Fleuve est du sang! sang. Les poissons du Fleuve crevèrent et le Fleuve
Pourtant, on en boit, quand on en est écarté en tant s'empuantit et les Égyptiens ne purent plus boire
qu'homme, on a soif d'eau (Admonitions d'eau du Fleuve; il y eut du sang dans tout le pays
2:5,6,10). d'Égypte (Exode 7:20-21).
La terre ne s'illumine pas à cause de cela (...) Le Étends ta main vers le ciel et que des ténèbres
prêtre pur est assis derrière les murs des ateliers palpables recouvrent le pays d'Égypte. Moïse étendit
contenant les statues des Faucons et des Vautours la main vers le ciel et il y eut d'épaisses ténèbres sur
et passe le temps sans lumière (Admonitions tout le pays d'Égypte pendant 3 jours. Les gens ne
9:11,14). [Quand] les dieux firent venir du ciel se voyaient plus l'un l'autre et personne ne se leva
une tempête de pluie, avec obscurité dans la région de sa place pendant 3 jours, mais tous les Israélites
occidentale et le ciel se couvrit sans arrêt [9 jours avaient de la lumière là où ils habitaient (Exode
selon l'inscription du naos 2248] (...) pendant 10:21-23).
qu'aucune torche ne pouvait illuminer les Deux
Terres (Stèle de la tempête).
Vraiment, les portes, les colonnes, les cloisons La foudre frappa le sol, et Yhwh fit tomber la grêle
brûlent, mais l'enceinte du palais du Pharaon qu'il sur le pays d'Égypte. Il y eut de la grêle et le feu
soit en vie, épanoui et en santé, est stable et durable jaillissait au milieu de la grêle (Exode 9:22,23).
(Admonitions 2:10,11).
Vraiment, les animaux, leurs cœurs pleurent, le Yhwh frappera tes troupeaux qui sont dans les
bétail déplore l'état du pays (Admonitions 5:5,6). champs, les chevaux, les ânes, les chameaux, les
bœufs et le petit bétail d'une peste très grave
(Exode 9:3).
Vraiment, les arbres sont abattus, leurs branches La grêle frappa toutes les herbes des champs et
sont dénudées (...) Vraiment, on mange de l'herbe, brisa tous les arbres des champs (...) [les sauterelles]
que l'on ingère avec de l'eau, car on ne trouve plus couvrirent toute la surface du pays et le pays fut
de graines, de plantes, de volailles, et on vole les dévasté. Elles dévorèrent toute l'herbe du pays et
fruits de la bouche des porcs. On ne dira plus: “c'est tous les fruits des arbres qu'avait laissés la grêle;
agréable pour toi cela plus que pour moi” à cause de rien de vert ne resta sur les arbres ou sur l'herbe des
la famine. Vraiment le blé périt sur chaque chemin champs, dans tout le pays d'Égypte (Exode 9:25;
(Admonitions 4:14; 6:1-3). 10:15).
La mort ne manque pas, le linceul gémit, car Au milieu de la nuit, Yhwh frappa tous les
personne ne s'approche de lui. Vraiment, des premiers-nés dans le pays d'Égypte, aussi bien le
milliers de morts sont enterrés dans le Fleuve, le flot premier-né de Pharaon qui devait s'asseoir sur son
est leur sépulcre. Ce qui advient en fait: la place de trône, que le premier-né du captif dans la prison et
purification est le flot du Fleuve** (...) Vraiment, tous les premiers-nés du bétail. Pharaon se leva
les hommes et les femmes conscients sont rares. On pendant la nuit, ainsi que tous ses serviteurs et tous
ne cesse de jeter à terre son frère en tout lieu (...) les Égyptiens, et ce fut en Égypte une grande
Que faire, face à la situation présente? Tout n'est clameur car il n'y avait pas de maison où il n'y eut
que ruine! Vraiment, le rire s'est éteint, il n'existe un mort (Exode 12:29,30). **La Stèle de la
plus. Les gémissements se répandent dans tout le tempête note aussi que: chaque maison et
pays, mêlés aux lamentations (...) Vraiment, les chaque habitation qu'ils atteignirent périrent et
enfants des nobles sont jetés contre les murs, les ceux en elles moururent, leurs corps flottant sur
178 APPROCHE SCIENTIFIQUE D'UNE CHRONOLOGIE ABSOLUE
enfants sont arrachés au cou de leur mère pour être l'eau comme des esquifs de papyrus, même dans les
déposés sur une hauteur où ils mourront. Khnoum portes et les appartements privés. Le grand
se lamente de sa faiblesse. Vraiment, les cadavres nombre de morts dans un court laps de
qui se trouvaient dans la place pure sont temps a dû obliger les Égyptiens à les
abandonnés sur une butte (Admonitions 2:6,7,13; "inhumer" dans le Nil à cause du manque
3:13,14; 4:3,4). de sépulcres.
Vraiment, les pauvres sont devenus les riches, celui Parle donc au peuple pour que chaque homme
qui ne pouvait même pas fabriquer ses propres demande à son voisin, chaque femme à sa voisine,
sandales possède à présent une grande quantité de des objets d'argent et des objets d'or (...) Les
biens (...) Les étrangers du dehors sont venus en Israélites firent ce qu'avait dit Moïse et
Égypte (...) Vraiment, l'or, le lapis-lazuli, l'argent, demandèrent aux Égyptiens des objets d'argent, des
la turquoise, la cornaline, l'améthyste, le porphyre objets d'or et des vêtements. Yhwh fit que le peuple
vert, toutes pierres et minéraux précieux ornent le trouvât grâce aux yeux des Égyptiens qui leur
cou des servantes alors que les nobles dames prêtèrent [contre de la nourriture?]. Ils dépouillèrent
vénérables errent à travers le pays. Les maîtresses les Égyptiens (Exode 11:2; 12:35,36).
de maison clament: “Nous voulons manger!”
(Admonitions 2:4,5; 3:1-3).
Tani était la sœur d'Apopi. Miriam était la sœur de Moïse (Nombres
26:59).
Apopi fut le seul Hyksos que les Égyptiens Moïse fut adopté comme fils de pharaon et a
ont traité comme un pharaon à part entière possédé les trésors de l'Égypte (Hébreux
(nsw bity). 11:24-26; Actes 7:21).
Apopi a régné 40 ans, selon le Canon de Moïse a passé 40 ans en Égypte (Actes 7:23)
Turin. et fut un très grand personnage dans ce pays
(Exode 11:3).
Le nom de naissance Apopi ne signifie rien Moïse était très beau à sa naissance (Actes
en égyptien, mais "très beau" en hébreu. 7:20) ainsi Apopi, qui signifie "magnifique"
Selon le prêtre égyptien Manéthon (Contre en hébreu (voir Jérémie 46:20, la ville de
Apion I:250,265,286), Moïse était le nom Joppé signifie aussi "beauté"), fut son nom
qu'il portait en Palestine, mais ce roi hyksos de naissance, puis à l'âge de 3 mois il a reçu
s'appelait Osarseph en Égypte (forme un nom de baptême égyptien Mousa "fils
grecque déformé de Aaouserré-Apopi?). d'Eau", hébraïsé en Moshé (Exode 2:2,10).
Herit, une fille de pharaon, était associée à Une fille de pharaon adopta Moïse (Exode
Apopi. 2:10).
Les noms de couronnement d'Apopi étaient Moïse était un très puissant personnage aux
Aaqenré "Grand et brave comme Râ" puis yeux des Israélites et des Égyptiens (Exode
Aaouserré "Grand et puissant comme Râ". 11:3; Actes 7:22).
Yeneses était le fils de Khyan, le roi Hyksos Jannès (2Timothée 3:8,9), un Israélite en
qui précéda Apopi, mais qui paradoxalement vue, s'est opposé à Moïse lors de son départ
ne régna pas. pour la Palestine.
Les forces égyptiennes sont entrées dans Les Israélites sont arrivés devant le désert de
Avaris le II Shemou de l'an 11 [de Sîn le 15 Iyyar (Exode 16:1), soit le 25 mai
Séqenenrê], selon le papyrus Mathématique 1533, 15 jours après la mort du pharaon.
Rhind, soit en juin 1533.
Selon la palette du scribe Atjou de Medinet Moïse (1613-1493) a été instruit dans la
al-Fayoum (Berlin Inv. 7798), Thot [le dieu sagesse des Égyptiens (Actes 7:22), jusqu'à
des sciences], lui-même, avait instruit le roi l'âge de 40 ans, et était devenu fort à leurs
Apopi. yeux (Exode 2:11).
CHRONOLOGIE ISRAELITE SYNCHRONISEE 179
Seul le Hyksos Apopi a officiellement reçu le titre de roi (nsw bity), les autres Hyksos
ont seulement été considérés comme vice rois d'Égypte (comme les rois de Koush).
773 M. DESSOUDEIX – Chronique de l'Égypte ancienne
Paris 2008 Éd. Actes Sud pp. 169-177.
774 T. S CHNEIDER - Ausländer in Ägypten während des Mittleren Reiches und der Hysoszeit
in: Ägypten und Altes Testament 42, Wiesbaden 1998 Ed. Harrassowitz Verlag pp. 123-145.
775 P. VERNUS, J. YOYOTTE - Dictionnaire des pharaons
Copenhagen 1997 Ed. The Carsten Niebuhr Intitute of Near Eastern Studies pp. 184-201.
J. VON BECKERATH - Chronologie des Pharaonischen Ägypten
Mainz 1997 ed. Verlag Philipp von Zabern pp. 126-137.
T. SCHNEIDER - Ausländer in Ägypten während des Mittleren Reiches und der Hysoszeit
in: Ägypten und Altes Testament 42, Wiesbaden 1998 Ed. Harrassowitz Verlag pp. 33-54,70.
C. VANDERSLEYEN - L'Egypte et la vallée du Nil Tome 2
Paris 1995 Éd. Presses Universitaires de France p. 662.
180 APPROCHE SCIENTIFIQUE D'UNE CHRONOLOGIE ABSOLUE
Un document privé,
daté de la Troisième Période
Intermédiaire, liste quelques
pharaons777 dans l'ordre suivant:
Shareq (3,6) et Apopi (3,5), puis
Ahmosis (3,4), et Amenhotep Ier
(3,2). Plusieurs points font
consensus: le nom de ces rois
Hyksos est sémitique, même si leur signification est parfois difficile à établir et en dépit de
leur orthographe fluctuante (Ya’qub-Her Y-‘-q-b-h-r ; Ya’qub-Baal Y-‘-q-b-‘-r ; et Yaqub-El
Y-‘-q-b-i-r dans une liste de Thoutmosis III); le dernier roi Hyksos fut vraisemblablement
Apopi, mais son règne de 40 ans comporte deux anomalies: il a 3 noms de couronnement
et il a succédé à Khyan dont le fils Yeneses (Jannès) aurait dû logiquement être le roi
suivant, mais n'a été que gouverneur (idn):
Fig. 28 : Les noms: Jacobel, Maibré, Jannès et Apopi
Il n'y a pas de trace de Joseph dans les documents égyptiens, mais cette absence
peut s'expliquer par le fait que Joseph n'a été établi que vizir du Delta et non vice-roi
d'Égypte. La cérémonie d'investiture décrite dans la Bible778: Pharaon dit à Joseph: « Vois: je
t'établis sur tout le pays d'Égypte » et Pharaon ôta son anneau de sa main et le mit à la main de Joseph, il
le revêtit d'habits de lin fin et lui passa au cou le collier d'or, est tout à fait conforme aux coutumes
égyptiennes (ci-contre)779. De
même, la date de nomination de
Joseph au vizirat (en -1758) se
situe à l'époque du pharaon
(Ameny-Antef)-Amenemhat VI
(1762-1748?). Or, on sait
qu'Amenemhat V (1772-1767?)
777 C. BARBOTIN – Âhmosis et le début de la XVIIIe dynastie
Paris 2008 Éd. Pygmalion pp. 58,59.
778 Genèse 41:41-42.
779 K.A. KITCHEN – On the Reliability of the Old Testament
un prédécesseur, régnait sur le nord de l'Égypte, car on a retrouvé une stèle à son nom dans
le delta du Nil (à Athribis) et qu'un successeur, Hétepibré Hornedjhéritef (1744-1739?), a
son nom précédé de la filiation étonnante sa aamou "fils d'Asiatique780". On connaît aussi la
pyramide d'un roi Amény Aamou. Une sorte de bâton de commandement, qui paraît porter
le prénom Hétepibré, a été trouvé à Ebla. Sur le site de Tell el-Dab‘a, Bietak a mis au jour
un vaste palais dont l'existence fut brève, quelques années au plus; il n'a même pas été
achevé. Cette construction daterait du début de la XIIIe dynastie. Divers détails —
notamment la découverte d'un cylindre-sceau de style typiquement syrien, l'absence de
dépôts de fondation, des restes d'offrandes d'animaux dans une fosse circulaire — sont
étrangers aux habitudes égyptiennes et font penser à l'Asie, à des influences cananéennes.
Ce palais pourrait être la résidence d'été de ce roi d'Égypte fils d'un Aamou, Hétepibré, dont
une statue a été trouvée à 100 mètres de là781. Les pharaons de la XIIIe dynastie régnèrent
sur le Delta. Si les pharaons de la XIIIe dynastie eurent des règnes brefs, les vizirs, par
contre, exercèrent leur fonction sur de longues durées. Il n'y eut que trois vizirs (Ânkhou,
Khenemes, Iymerou)782 du début de la XIIIe dynastie jusqu'au pharaon Sobekhotep IV
(1685-1676?). Le nom de Joseph n'apparaît pas dans cette liste, soit parce que la fonction
de vizir du Delta était nouvelle à cette époque et n'a pa été enregistrée, soit que son nom de
vizirat apparaisse sous une forme égyptienne non mentionnée dans la Bible.
Selon le texte biblique, Joseph, établi vizir, fut marié à Asnath (Ns-Nt "qui
appartient à Neith") la fille d'un prêtre d'Héliopolis qui lui donna deux fils: Manassé et
Éphraïm, puis il fit venir en Égypte toute sa famille (en -1748), soit 75 personnes783. Le
pharaon qui établit Joseph en tant que vizir constitua également une administration de
"régisseurs" (Genèse 47:6) et de "surveillants des pays étrangers (selon les inscriptions du
Sinaï)" pour gérer ses biens dans le Delta. Après la mort de Jacob (en -1743), Joseph
continua vraisemblablement d'exercer sa fonction de vizir du Delta. À la mort de Joseph
(en -1678) l'administration israélite était devenue puissante (Exode 1:1-7) et il semble que
les pharaons de l'époque aient nommé certains "princes des pays étrangers" avec une
fonction de gouverneur du Delta ou de vice-roi d'Égypte784. Aldred, remarque en effet: Les
gouverneurs féodaux, qui avaient partagé leurs pouvoirs avec le pharaon au début de la XIIe dynastie,
avaient été remplacés, vers la fin de celle-ci, par les maires des diverses localités, dont la charge principale
780 Ce terme désignait principalement les Asiatiques venant de Palestine.
781 C. VANDERSLEYEN – L'Egypte et la vallée du Nil
Paris 1995 Éd. Presses Universitaires de France p. 129.
782 M. DESSOUDEIX – Chroniques de l'Égypte ancienne
car plusieurs nomarques d'Abydos (Oupouaoutemsaf, Pentjeny et Senââib) ont pris une titulature royale.
182 APPROCHE SCIENTIFIQUE D'UNE CHRONOLOGIE ABSOLUE
était de collecter les impôts. A l'Époque hyksos, ces maires travaillaient sous la direction des grands
chanceliers de Basse-Egypte. L'usage avait consolidé ce système traditionnel, et c'est pourquoi il fut adopté
par Amosis qui le fit superviser par un vizir de Basse-Egypte et un vizir de Haute-Egypte, chacun ayant
son siège dans la capitale appropriée. En Nubie et à Kouch, l'administration née durant la Seconde Période
intermédiaire était dirigée par un prince de Kouch indépendant, qui gouvernait avec l'aide de fonctionnaires
visiblement d'origine égyptienne. Cette administration fut coiffée par un gouvernement bureaucratique dirigée
par un chef militaire qui continua à être appelé « prince », avant de devenir « prince de Kouch » et d'être
désigné par le pharaon comme son vice-roi (...) De fait, la charge de pharaon avait vu sa nature se
transformer avec la rivalité qui s'était développée entre les rois hyksos et les princes de Thèbes785. Il y avait
donc un prince de Koush au sud, un pharaon à Thèbes et un prince du Delta au nord. Le
titre égyptien idnw "représentant" est trompeur, car il pouvait servir à désigner tout haut
représentant, y compris le pharaon lui-même, comme le vice-roi de Koush786, ce qui le
mettait presque à égalité avec le pharaon. Le pharaon Horemheb, par exemple, a d'abord
régné avec le titre de idnw "représentant [du pharaon]" reçu de Toutankhamon, pendant les
premières années de son règne787, avant de prendre le titre classique de nsw bity "roi".
Les princes israélites sont présentés défavorablement dans la Bible puisqu'on lit788:
Les princes de Tanis ne sont que des insensés (...) les princes de Tanis ont perdu le sens, les princes de
Memphis sont le jouet de l'illusion; ils égarent l'Égypte, eux, la pierre angulaire de ses tribus (Crampon).
Le mot "tribus" désignant habituellement les tribus d'Israël789 a gêné les traducteurs, car le
système égyptien ne connaissait pas le découpage en tribus contrairement aux Israélites. La
ville d'Avaris, à côté de Tanis790, a été la capitale des Hyksos et Lisht près de Memphis
restait une capitale de l'Égypte à cette époque. Un texte du Nouveau Testament791 précise:
Jannès et Jambrès s'opposèrent à Moïse (...) leur foi fut désapprouvée et [que] leurs progrès s'arrêtèrent net à
cause de cette opposition démente. Cela implique que ces deux hommes devaient être des chefs
israélites et non des Égyptiens, car comment des Égyptiens
auraient-ils eu foi dans le dieu des Israélites? Le nom Jannès,
écrit: Yeneses gouverneur (y-n-s-s idn), apparaît sur une
inscription à Avaris792 (ci-contre) en tant que fils de Khyan,
in: Journal of the American Research Center in Egypt Vol. 16 (1979) p. 189.
788 Isaïe 19:11-13. La "pierre angulaire" désigne métaphoriquement "les chefs" (Pirot Clamer). Les verbes pourraient tous être au passé.
789 Exode 28:21; Nombres 4:18; Juges 20:12.
790 Le texte de Nombres 13:22 rappelle que cette ville égyptienne datait de l'époque d'Abraham.
791 2Timothée 3:8,9.
792 M. BIETAK - Avaris the Capital of the Hyksos
le dernier roi hyksos avant Apopi (Moïse). Ces princes israélites sont qualifiés d'insensés,
dans la Bible, à cause de leur confiance excessive dans le pouvoir égyptien, car cette
collaboration active avec l'autorité les avait entraînés à soutenir les chefs des travaux
égyptiens contre les commissaires israélites793. Si les récits officiels égyptiens ne
mentionnent pas les nombreux esclaves israélites, par contre, une archive privée794 d'un
vizir thébain ayant vécu sous Sobekhotep III (1699-1696), relate qu'il
possédait le nombre impressionnant de 95 domestiques, ou esclaves, dont
48 (sur les 77 notices lisibles) étaient des Asiatiques (‘3mw) de Canaan795.
Or de nombreux noms sont bibliques comme: Menahem, Asher, Shiphra,
[Ish]-Sacar, Abu, Aqquba, etc. Ce papyrus indique aussi que ces noms
étaient systématiquement remplacés par des noms égyptiens ce qui est
conforme à la coutume égyptienne, comme le précise le texte biblique
dans le cas de Joseph. De plus, certains Israélites pouvaient aussi avoir
une origine étrangère: égyptienne comme Asnath ou cananéenne comme
la mère d'un nommé Shaoul796. Plusieurs noms contiennent la forme
‘pr(w) Aper(ou)797 qui pourrait provenir de "Ephraïm", le fils de Joseph né
en Égypte, et être à l'origine de l'ethnie ‘Apirou. En effet, la tribu
d'Éphraïm étant devenu la plus importante représentait l'ensemble des
Israélites798. Il est donc possible que le terme égyptien ‘Apirou ("ceux
d'Aper" en égyptien) ait servi à désigner les Éphraïtes "ceux d'Éper799",
plutôt que Habirou, utilisé ensuite pour désigner péjorativement les
Hébreux "ceux d'Eber (‘Eber: "traversée" en hébreu)".
Fig. 29 : Imeny, officier Hyksos à Avaris
terme ‘prw (‘Apirou) est rendu par ‘prm en ugaritique, Ha-pi-rum ou Ha-pi-ri dans certains noms propres akkadiens (HOCH pp. 61-63).
800 W.G. DEVER/ J.M. WEINSTEIN - The Chronology of Syria-Palestine in the Second Millenium B.C.E.
in: Bulletin of the American Schools of Oriental Research 288 (1992) pp. 1-21; 27-38.
D. HENIGE - Comparative Chronology and the Ancient Near East
in: Bulletin of the American Schools of Oriental Research 261 (1986) pp. 57-65.
184 APPROCHE SCIENTIFIQUE D'UNE CHRONOLOGIE ABSOLUE
au début de la XVIIIe dynastie. Deuxièmement: les témoignages historiques sur les Hyksos,
même s'ils comportent quelques incertitudes et incohérences, restent eux aussi assez
concordants801. On a retrouvé à Avaris l'effigie d'Imeny, un officier Hyksos très fier de son
origine asiatique (reconnaissable à sa barbe) et sur une stèle en forme d'obélisque, on
aperçoit un soldat asiatique représenté avec sa barbe caractéristique. Avaris, la capitale des
Hyksos, était composée d'au moins 30000 habitants, dont la plupart était des Asiatiques qui
collaboraient harmonieusement avec les Égyptiens. Les fouilles archéologiques ont révélé le
lien des Hyksos avec le sud de la Palestine802 (la Judée). Ainsi, les armes découvertes dans
les tombes de Tell el Dab'a (site d'Avaris) ont une origine syro-palestinienne pour 80%
d'entre elles. De même, 74% des poteries avaient été importées du sud de la Palestine. Les
Hyksos ne momifiaient pas leurs morts, contrairement aux Égyptiens, indiquant par
conséquent une conception différente de l'au-delà. Les renseignements donnés par Flavius
Josèphe se révèlent donc assez fiables, de plus, les détails bibliques concernant la
fabrication de briques faites d'argile et de paille, les cadres en acacia, sont effectivement
typiques de l'Egypte, mais inconnus en Palestine.
La période comprise entre la mort du vizir Joseph et le bannissement de Moïse dure
105 ans (comptée du 1er Tishri au 1er Tishri, soit du 19 octobre -1678 au 27 octobre -1573),
période pendant laquelle des chefs israélites ont administré le pays de Goshèn. Elle est en
très bon accord avec la durée de la domination Hyksos de 108 ans (103 ans selon Eusèbe)
mentionnée dans le Canon de Turin (qui se termine par un règne de Khamoudy [de 3 ans?]
après Apopi?). Le règne du dernier Hyksos et roi d'Égypte, Apopi, a une durée de 40 ans et
correspond exactement au règne de Moïse en Égypte comme fils de pharaon. Selon cette
chronologie, le début de la période Hyksos est daté en -1678. Or la stèle de l'an 400 réalisée
sous Ramsès II (1283-1216) renvoie apparemment 400 ans auparavant à cette dynastie
séthienne des Hyksos. L'interprétation de cette stèle est controversée, car elle représente le
vizir Séthy (grand père de Séthy Ier, père de Ramsès II), commémorant cet événement
(autour de -1300 durant le règne Horemheb)803. La stèle de l'an 400 paraît justifier une
filiation honorable avec une ancienne dynastie, car le culte de Seth, assimilé au Baal des
Hyksos, était peu répandu chez les Égyptiens. De plus, le système des ères était inutilisé. Il
801 J. YOYOTTE - Dictionnaire de la civilisation égyptienne
Paris 1998 Éd. Hazan pp. 108,109.
J. ASSMANN - Moïse l'Égyptien
Paris 2001 Éd. Flammarion pp. 76-78.
D. REDFORD - The Hyksos Invasion in History and Tradition
in: Orientalia 39 (1970) pp. 1-51.
802 C. BOOTH - The Hyksos Period in Egypt
est possible que Ramsès II ait imité l'ère précédente placée sous les auspices d'Horemheb,
un prédécesseur, car un procès en l'an 18 de Ramsès II est daté de l'an 59 d'Horemheb804.
Ramsès II semble avoir relié son règne à la lignée de son prédécesseur Séthy Ier dont le nom
renvoyait au dieu Seth. L'ère de Ramsès II serait ainsi dans la continuité de ce prestigieux
passé, ce qui placerait l'instauration du culte de Seth/ Baal vers -1683 si on compte à partir
de -1283 le début du règne de Ramsès II. En fait, Seth est complètement absent de la
titulature de Ramsès II et son culte n'apparaît805 qu'après la bataille de Qadesh et la
construction du temple d'Abou Simbel commencé en l'an 5 de son règne, soit en -1279.
Selon Manéthon, les Hyksos dominèrent en Égypte à partir du pharaon Toutimaios
(Doudimes?) et furent chassés par le pharaon Ahmosis, dont le règne (1530-1505) couvre
effectivement la plus grande partie de l'Exode (1533-1493). Selon Hérodote, les Égyptiens
ne voulaient plus se souvenir de cette période perçue par eux comme néfaste, car il écrit:
C'est donc, à leur compte, un total de 106 ans pendant lesquels l'Égypte fut plongée dans la misère la plus
complète, et pendant ce temps-là les temples furent fermés. Dans leur haine pour ces rois, les Égyptiens se
refusèrent absolument à prononcer leurs noms, et ils appellent même les pyramides du nom du berger Philitis
qui, à cette époque, faisait paître des troupeaux en cet endroit806. La durée de 106 ans est très proche
de celle du texte biblique et le roi Philitis, assimilé à un berger, ressemble fortement au
premier roi hyksos Salitis. Le récit de Manéthon rapporté par Flavius Josèphe807 complète le
récit d'Hérodote: Toutimaios, sous son règne, je ne sais comment, la colère divine souffla contre nous, et à
l'improviste, de l'Orient, un peuple de race inconnue eut l'audace d'envahir notre pays, et sans difficulté ni
combat s'en empara de vive force; ils se saisirent des chefs, incendièrent sauvagement les villes, rasèrent les
temples des dieux et traitèrent les indigènes avec la dernière cruauté, égorgeant les uns, emmenant comme
esclaves les enfants et les femmes des autres. A la fin, ils firent même roi l'un des leurs nommé Salitis. Ce
prince s'établit à Memphis, levant des impôts sur le haut et le bas pays et laissant une garnison dans les
places les plus convenables (…) Tels furent chez eux les six premiers princes, tous de plus en plus avides de
détruire jusqu'à la racine le peuple égyptien. On nommait l'ensemble de cette nation Hycsos, c'est-à-dire
«rois pasteurs». Car «hyc» dans la langue sacrée signifie roi, et «sôs» veut dire pasteur au singulier et au
pluriel dans la langue vulgaire; la réunion de ces mots forme Hycsôs. D'aucuns disent qu'ils étaient Arabes.
Dans une autre copie, il est dit que l'expression «hyc» ne signifie pas rois, mais indique, au contraire, des
bergers captifs. Car «hyc», en égyptien, et «hac», avec une aspirée, auraient proprement le sens tout opposé de
804 L'inscription de Mes (Untersuchungen zur Geschichte und Altertumskunde Ägyptens 4 p. 3) décrit une plainte déclarée lors de l'an 18 de
Ramsès II qui est finalement enregistrée et datée en l'an 59 d'Horemheb. La seule explication plausible de cette anomalie est de supposer
que le règne d'Horemheb a été prolongé de façon posthume, l'an 28 étant suivi par les ans 1-2 de Ramsès I er qui deviennent les ans 29-30
d'Horemheb, puis par les ans 1-11 de Séthy Ier (31-41 d'Horemheb) et enfin par les ans 1-18 de Ramsès II (42-59 d'Horemheb).
805 C. DESROCHES NOBLECOURT – Ramsès II La véritable histoire
captifs. Cette explication me parait plus vraisemblable et plus conforme à l'histoire ancienne. Ces rois
nommés plus haut, ceux des peuples appelés pasteurs (...) Puis les rois de la Thébaïde et du reste de
l'Égypte se soulevèrent contre les Pasteurs; entre eux éclata une guerre importante et très longue. (…) Le fils
de Misphragmouthôsis, Thoummôsis, tenta de les soumettre par un siège et les investit avec 480 000
hommes. Enfin, renonçant au siège, il conclut un traité d'après lequel ils devaient quitter l'Égypte et s'en
aller tous sains et saufs où ils voudraient. D'après les conventions, les Pasteurs avec toute leur famille et
leurs biens, au nombre de 240 000 pour le moins, sortirent d'Égypte et, à travers le désert, firent route vers
la Syrie. Redoutant la puissance des Assyriens, qui à cette époque étaient maîtres de l'Asie, ils bâtirent
dans le pays appelé aujourd'hui Judée une ville qui pût suffire à tant de milliers d'hommes et la nommèrent
Jérusalem. Dans un autre livre de l'histoire d'Egypte, Manéthon rapporte que ce même peuple appelé les
Pasteurs était désigné du nom de «Captifs» dans leurs Livres sacrés. Et il dit vrai. Car pour nos aïeux les
plus reculés, c'était une coutume héréditaire de faire paître les troupeaux, et leur vie nomade les fit ainsi
appeler pasteurs. D'autre part, le nom de Captifs ne leur a pas été donné sans raison dans les annales des
Egyptiens, puisque notre ancêtre Joseph dit au roi d'Égypte qu'il était captif et fit venir plus tard ses frères
en Égypte avec la permission du roi (…) Voici ce qu'il dit: «Après que le peuple des Pasteurs fut parti
d'Égypte vers Jérusalem, le roi qui les avait chassés d'Egypte [Ahmosis] régna 25 ans et 4 mois, puis
mourut (…) d'après son récit, avait eu lieu l'exode des pasteurs vers Jérusalem. En effet, c'est sous le règne
de Tethmôsis [Ahmosis] qu'ils partirent. Les données chronologiques de Manéthon recoupent
bien celles du texte biblique qui fixe la mort de Joseph en -1678, date inaugurant le début
des chefs hyksos. Les chiffres du Canon de Turin recoupent aussi ceux de la stèle de l'an
400 puisque, selon cette stèle, le début de la dynastie hyksos remonterait autour de 1679 (=
1279 + 400), la date de -1279 (an 5 de Ramsès II) marquant le renouveau du culte de Seth.
La date de -1679 coïncide avec les informations du Canon de Turin donnant une durée de
108 ans pour la dynastie Hyksos ou celle d'Hérodote de 106 ans, car cela suppose de
nouveau un début vers 1679 (= 1533 + 40 + 106, Séqenenrê Taa étant mort en -1533).
L'accord entre les deux chronologies, égyptienne et israélite, est donc excellent.
Eusèbe808 cite le livre Des Juifs de l'écrivain Artapan (écrit vers -200), expliquant que
la région au-dessus de Memphis fut divisée en divers royaumes sous le pharaon
[Sobekhotep IV] Chenephres (1685-1676). L'information transmise par Artapan est exacte,
car les activités royales durant la XIIIe dynastie sont attestées jusqu'à la fin du règne de
Sobekhotep IV, le roi le plus prestigieux de cette dynastie809, davantage au nord de Thèbes
qu'à Thèbes même (la capitale de l'Égypte reste Lisht jusqu'à la fin de la dynastie). À partir
de ce pharaon, les titres acquièrent une allure militaire; ils concernent la sécurité et
remplacent le caractère de fonction administrative des titres de la fin du Moyen Empire. De
même, l'évolution de la sculpture —relief et ronde bosse— permet de suivre une évidente
perte d'intérêt pour la qualité. Tous ces changements pourraient s'expliquer par la présence
des dynasties asiatiques et plus particulièrement de la dynastie Hyksos.
Les informations chronologiques sur la période Hyksos sont peu nombreuses. Le
prêtre égyptien Manéthon810 qui écrit vers -250, soit 13 siècles après les faits, considère
qu'elle débutait avec Toutimaios (Doudimes?) et finissait avec Tethmôsis (=Ahmosis).
Flavius Josèphe cite le récit des historiens alexandrins Lysimaque (-100) et Chaerémon (50),
car ils avaient également mentionné les Hébreux en Egypte sous le nom de Hyksos. Ces
renseignements paraissent fiables, car ces Hyksos ont effectivement existé durant la période
mentionnée. La reine Hatshepsout confirme le récit de Manéthon puisqu'elle écrit (vers
1460): J'ai restauré ce qui était en ruine; j'ai relevé ce qui était écroulé depuis l'époque où les Asiatiques
étaient à Avaris, dans le Delta. Cette description rappelle aussi celle de l'Exode811. Avaris étant
la capitale du 13e nome, les princes hyksos ont gouverné ce nome, d'abord en tant que
nomarques, puis en tant que rois vassaux. Le nom de certains nomes de Basse Égypte812
comme le nome 8 "Harpon Oriental" (ḥww í3bty), le nome 13 "Le Prince Levant de
l'Orient" (ḥq3 ‘ndw) et le nome 14 "L'Orient" (í3b.t), laisse supposer une présence
d'Asiatiques (Syriens, Cananéens, Israélites, etc.).
Fig. 30 : Nomes de Basse-Egypte à la XIIe dynastie
810 Contre Apion I:86,96 (Tethmôsis est le premier roi de la XVIIIe dynastie).
811 H. GOEDICKE – The Speos Artemidos Inscription of Hatshepsut and Related Discussions
USA 2004 Ed. Halgo, Inc. pp. 102-104.
812 M. DESSOUDEIX – Chronique de l'Égypte ancienne
Les échanges commerciaux entre l'Égypte et Canaan813 ont été réguliers durant la
XIIe dynastie et c'est dans un tel contexte qu'est située l'histoire de Joseph. Cet Hébreu qui
vivait à Sichem, a 17 ans lorsqu'il est vendu comme esclave à des commerçants madianites
qui le revendent ensuite en Égypte à Potiphar p3-di-p3-r‘ "celui que Rê a donné", un
fonctionnaire de la cour de Pharaon, commandant des gardes. Le Hyksos appelé Ya‘qub-
Her porte un nom hébreu. Ce nom de Ya‘qub était particulier, car Joseph, le fils de Jacob,
qualifiait son Dieu de "Puissant de Jacob". Jacob (1878-1731), mort à l'âge de 147 ans814, a
passé 20 ans en Mésopotamie (à Harrân). Comme Joseph est né dans la 91e année de Jacob
(en -1788), soit 6 ans avant la fin des 20 ans815, cette période en Haute Mésopotamie s'étend
de -1801 à -1781. Or, le nom de Ya‘qub-El, écrit Ya-aḫ-qu-ub-El, apparaît à plusieurs
reprises en Basse Mésopotamie à l'époque du roi Manana816, un contemporain de Sûmû-El,
un roi de Larsa817, dont le règne est daté de -1799 à -1771.
Les noms des Hyksos Yeneses et Maibré, précédant l'époque d'Apopi, ressemblent
aux “Jannès [Iannas le Hyksos juste avant Apopi, selon Manéthon] et Jambrès [Mambrès dans la
Vulgate] qui s'opposèrent à Moïse818”. Un document juif819 écrit vers -50 précise que les
Israélites Jannès et son frère s'opposèrent à Moïse sous l'influence de Bélial. Au 1er siècle,
des livres sur Jannès et Mambrès étaient connus820. Les
vestiges des rois Hyksos en Égypte sont faibles au moins
pour deux raisons: ces rois étrangers, n'ayant eu qu'un
pouvoir limité en Égypte, n'ont guère construit de
monuments, de plus, le départ des Hyksos pour la Palestine
ayant été très mal vécu par les pharaons suivants, toutes
leurs œuvres ont été, soit détruites, soit gravement mutilées
comme cette statue d'un dignitaire Hyksos821.
Fig. 31 : Statue d'un Hyksos de la XVe dynastie
813 Canaan désigne une région (la Syro-Palestine) centrée sur Sidon, selon le texte de Genèse 10:15-19. Le cœur de cette région était la
Phénicie mais, à cause des migrations, le terme Canaan pouvait désigner le Liban à l'époque d'Ébla (vers -2300), la Haute-Mésopotamie à
l'époque de Mari (vers -1800), la Syro-Palestine à l'époque d'Idrimi (vers -1500), la Philistie à l'époque de Merenptah (-1200). Le nom
Canaan apparaît peut-être dans les archives d'Ébla sous les formes suivantes: kù nig-ba dBE(lum) Ga-na-na-im "don (pour) le seigneur de
Canaan"; é dGa-na-na-im "temple du divin Canaan".
J.N. TUBB – Peoples of the Past. Canaanites
London 1998 Ed. British Museum p. 15.
A. ARCHI –The Head of Kura-The Head of ’Adabal
in: Journal of Near Eastern Studies 64:2 (2005) pp. 81-100.
814 Genèse 47:28; 49:24.
815 Genèse 30:25; 31:41.
816 R. DE VAUX - Histoire ancienne d'Israël des origines à l'installation en Canaan
Le statut des rois Hyksos semble avoir varié avec le temps. Selon le texte biblique,
Joseph fut d'abord établi vizir du Delta (de -1758 à -1678), puis ceux qui avaient été
nommés chefs de biens furent ensuite établis princes des pays étrangers (Hyksos) avec une
fonction de gouverneur du Delta (de -1678 à -1613), et de vice-roi (de -1613 à -1573) pour
Moïse, qui avait reçu le titre de fils de pharaon dès sa naissance825. L'administration centrale
égyptienne reposait sur une structure pyramidale: pharaon, vizir, nomarques, et
822 Musée égyptien du Caire. Masque funéraire du Moyen Empire référencé TR 7.9.33.1.
823 M. BIETAK - Avaris
in: Dossiers d'Archéologie n°213 mai 1996 pp. 16-23.
824 Genèse 46:34; Exode 8:26.
825 Le texte de Hébreux 11:24 indique que Moïse renonça au titre de pharaon (qu'il possédait) à 40 ans.
190 APPROCHE SCIENTIFIQUE D'UNE CHRONOLOGIE ABSOLUE
administrateurs locaux. La fonction de vizir pouvait aussi être dédoublée en vizir du nord et
vizir du sud. Selon cette hiérarchisation, il semble que les rois des dynasties asiatiques
avaient en fait une fonction de vice-roi (sur le nord de l'Égypte). Les dynasties égyptiennes
étant celles des XIIIe et XVIIe dynasties (rois de Memphis/ Lisht) à côté des dynasties
étrangères: la XIVe (rois de Saïs), la XVe (rois d'Avaris), la XVIe (rois de Boubastis) et la
dynastie éthiopienne (rois de Kerma) qui était devenue indépendante. Ces royaumes bien
qu'autonomes restaient vassaux du roi d'Égypte. Un décret d'Antef VII, un prédécesseur de
Séqenenrê, illustre la situation politique de la XVIIe dynastie826: An 3, III peret 25, sous la
Majesté du roi de Haute et Basse Égypte Nebkheperrê, fils de Rê, Antef [VII] (...) que l'on ignore
désormais son nom dans le temple (...) rebelle et ennemi de Dieu; que soient détruits ses écrits (...) Quant à
tout roi [de Koush] ou tout gouverneur puissant [du Delta] qui lui sera clément, il ne pourra plus recevoir
la couronne blanche [de la Haute Égypte], il ne portera pas la couronne rouge [de la Basse Égypte], il ne
s'assiéra pas sur le trône d'Horus des vivants, les Deux Maîtresses ne lui seront pas favorables.
Le cas de Yantin-‘Ammu illustre cette hiérarchie complexe827. Il est désigné comme
roi de Byblos (lugal gu-ub-laki) dans les documents de Mari, comme gouverneur (ḥ3ty-‘) de
Byblos dans les documents égyptiens, alors qu'il se présente lui-même comme prince des
princes (ḥq3-ḥq3w)". Le titre de prince des pays étrangers (ḥq3-ḫ3swt), désignant les rois
Hyksos, indiquait donc qu'ils restaient des vassaux du pharaon qui était le seul à posséder le
titre de roi d'Égypte (nsw-bity). Apopi est l'unique Hyksos à être qualifié de roi (papyrus
Rhind, daté de l'an 33 de son règne, et palette de Medinet el-Fayoum)828. L'inscription de
cette palette pourrait aussi s'appliquer à Moïse (Exode 18:13), car elle décrit le roi Apopi
par l'expression très inhabituelle: “juge des nécessiteux (...) sans pareil dans le pays”829.
Fig. 33 : Titulature pharaonique d'Apopi
Le titre s3 R‘ "fils de Rê" attribué à Apopi (par le scribe égyptien) est une
appellation standard, liée à sa fonction de pharaon, il n'implique pas de culte au dieu soleil.
De même, le fait qu'Azariah, en tant que ministre babylonien, ait porté le nom d'Abednego
"serviteur de Nabu (Daniel 1:7)", ne signifie pas qu'il vouait un culte à ce dieu.
Copenhagen 1997, Ed. Carsten Niebuhr Institute Publications Vol. 20 pp. 86-89,123.
828 W. HELCK – Historisch-Bibliographische Texte der 2. Zwischenzeit und Neue Texte der 18. Dynastie
Selon le texte biblique, peu de temps après être arrivé à Sichem au pays de Canaan,
Abraham descendit en Égypte et rencontra le pharaon à cause d'un incident concernant sa
femme Saraï830. Certains égyptologues considèrent la mention du terme pr-‘3 "pharaon"
comme anachronique, car ce terme signifiant littéralement ‘la grande maison’, ou ‘le grand
palais’, n'a été utilisé qu'à partir de Thoutmosis III pour désigner le roi d'Égypte. En fait,
selon la tradition juive, le texte de la Genèse a été rédigé par Moïse, autour de -1493, soit
vers l'époque de Thoutmosis III. De plus, durant l'Ancien Empire égyptien, époque durant
laquelle Abraham est censé avoir vécu, le roi d'Égypte était régulièrement désigné par
l'expression ḫnw "la Résidence" et aussi quelquefois par l'expression pr-‘3 "le Grand
831
palais" . Lorsque le dignitaire égyptien Sinouhé arrive en Palestine, le prince palestinien
qui l'accueille lui demande, par exemple: Est-il arrivé quelque chose à la Résidence?832. Dans les
langues sémitiques de l'époque, le mot égyptien "la Résidence" avait son correspond exact
avec le terme êkallu "Palais" venant lui-même du sumérien É.GAL "grande maison". Donc, à
cette époque, un sémite pouvait logiquement utiliser le mot pharaon "le Palais" pour
désigner le roi d'Égypte ou "la Résidence".
Quel pharaon Abraham a-t-il rencontré? Selon la chronologie israélite Abraham
(2038-1863) a quitté sa ville d'Ur à l'âge de 75 ans, soit en -1963, 50 ans avant la chute de la
ville en -1912. En chronologie moyenne la chute d'Ur est datée en -2004, ce qui poserait
problème. Il a donc vécu sous les règnes d'Ur-nammu (2020-2002) et de Šulgi (2002-1954)
et, selon la chronologie égyptienne, il n'a pû rencontrer qu'Amenemhat Ier (1975-1946).
Le synchronisme entre ces deux personnages permet de confronter les informations
historiques des documents de cette époque et de les éclairer mutuellement. Une inscription
sous Mentouhotep II (2047-1996) relate la venue d'Asiatiques arrivant de Qedem (mot
sémitique signifiant "Orient"). Le récit de Sinouhé, écrit sous Sésostris Ier (1946-1901),
mentionne le chef asiatique Meki de Qedem et Amounenshi un prince du Retenou (Syro-
Palestine). Amenemhat II (1901-1863) captura des Asiatiques833. Plusieurs graffitis sous
Amenemhat III (1836-1791) décrivent la visite aux mines du Sinaï (Serabit el Khadim) de
Khebded, le frère d'un prince du Retenou834 sur son âne. Un autre écrit daté sous Sésostris
830 Genèse 12:6-20.
831 A. ROCCATI – La littérature historique sous l'ancien empire égyptien
in: LAPO 11 Paris 1982 Éd. Cerf pp. 134-135,191-195,309.
832 P. LUINO – La véritable histoire de Sinouhé
III (1855-1836) mentionne: L'asiatique Rua, un possesseur d'honneur. Deux autres inscriptions,
datées sous Amenemhat III et Amenemhat IV, parlent respectivement de 10 et 20
asiatiques venant du Retenou835. Sur un mur à Beni-
Hassan, Abisha [Abishay?] le prince d'un pays étranger,
"un Hyksos", est représenté accompagné de 37 autres
asiatiques (illustrés par une peau plus claire), arrivant en
Égypte sous Sésostris II (le mot "asiatiques" est la
traduction du mot égyptien ‘3mw vocalisé aamou).
Fig. 34 : Khebded, prince du Retenou au Sinaï
du Retenou supérieur (la Syrie), qui lui offre généreusement une part de son pays, car ce
chef avait auparavant séjourné en Égypte et connaissait sa réputation. Quand finalement
Sinouhé revient en Égypte, Sésostris Ier (1946-1901) l'accueille favorablement et lui offre
des présents royaux comme pour "un prince de tout pays étranger" (un Hyksos). Ce récit
de propagande confirme plusieurs points du récit biblique: les relations entre l'Égypte et la
Palestine étaient régulières et pacifiques, il y avait des princes puissants "hyksos" en
Canaan, et la religion de ce pays était différente et redoutée, car ce qui a encouragé Sinouhé
à revenir en Égypte sont les mises en garde suivantes: Les Asiatiques ne te convertiront pas [à
leur religion] (...) tu ne seras pas converti par des étrangers837.
Le mot ḥeqa’ ḫa’st "hyksos", traduit par "prince d'un pays étranger", apparaît sur
la fresque de Beni-Hassan pour désigner le Hyksos nommé Absha[y] (un nom sémitique838).
Le terme ḥeqa’ ‘aa "grand prince" désigne le pharaon Séqenenrê. La présence de princes
puissants en Palestine est donc conforme au récit biblique qui présente Abraham comme
l'un d'eux, puisqu'il est capable de mobiliser une troupe de 318 hommes d'élite pour vaincre
une coalition de quatre rois (il est aussi qualifié de "prince de Dieu")839. Selon texte
biblique840, une coalition de rois mésopotamiens fit un raid contre une coalition de rois
dans la région de la mer Morte, probablement parce que ces riches villes de Palestine
avaient refusé de leur payer le tribut. Cependant, même si ces rois n'ont pas été découverts,
l'onomastique841 confirme l'existence de ce type de nom au début du 2e millénaire avant
notre ère: Amraphel un roi de Shinéar [Amar-apil un roi de Sumer]; Aryok un roi d'Ellasar
[Eri-aku un roi de la ville de Larsa]; Kedor-Laomer un roi d'Élam [Kudur-Lagamar un roi
d'Élam]; Tidal un roi de Goyim [Tud-Gula un roi de Gutium (?)]. Ces rois dirigeaient des
villes et non des régions pour les raisons suivantes: il n'y a pas d'article devant le titre de roi,
il faut donc bien traduire par "un roi" et non par "le roi" ce qui impliquerait l'existence d'un
seul roi (chacune de ces régions comportait plusieurs rois). La région de Shinéar (Sumer),
par exemple, comportait au mois trois principautés à l'époque d'Abraham, selon le texte
biblique842, celles de Babylone, d'Uruk et d'Akkad. Or, la célèbre cité État d'Ur s'effondra
(en -1912) suite à des invasions amorrites et élamites843 qui modifièrent considérablement le
paysage "géo-politique" de cette région.
837 P. LUINO – La véritable histoire de Sinouhé
Paris 1998 Éd. La Maison de Vie pp. 47,49,62,66,69,80,81.
838 2Samuel 10:10.
839 Genèse 14:14,15; 21:22; 23:6 ["roi de Dieu" dans la Septante].
840 Genèse 14:1-17.
841 R. DE VAUX - Histoire ancienne d'Israël des origines à l'installation en Canaan
emmenée de force dans le harem du pharaon, ce qui cause un incident diplomatique grave.
Abraham est alors averti que ses descendants seraient opprimés pendant 400 ans avant
d'être libérés d'Égypte848. Coïncidence, les Égyptiens ont consigné la prophétie de Néferty
apparue à la l'époque d'Amenemhat Ier, qui annonçait: Tout bonheur s'est évanoui, le pays s'est
courbé en détresse, grâce à ces pourvoyeurs, les Asiatiques qui sillonnent le pays. Les adversaires se sont
levés dans l'Est, les Asiatiques sont descendus en Égypte (...) Les Asiatiques tomberont sous son épée [celle
du pharaon], les Libyens sous sa flamme, les traîtres sous sa puissance, comme le serpent [l'uréus] sur ses
sourcils lui soumet les rebelles (...) ainsi les Asiatiques ne redescendront jamais en Égypte849. L'histoire
d'Abraham possède donc son exact contre-modèle égyptien avec l'histoire de Sinouhé.
Les premières années d'Amenemhat Ier sont mal connues850, mais il semble qu'après
14 ans de règne (en -1962), ce roi ait changé de capitale (abandonnant Thèbes851 pour Lisht)
et de titulature (les anciennes étant remplacées par une nouvelle "Renaissance"), sans raison
apparente. Une des archives d'Héqanakht (prêtre de Thèbes), datées de l'an 8 d'Amenemhat
Ier, nous apprend que ce pharaon avait lutté avec succès contre une famine dramatique en
Égypte (qui pouvait continuer à sévir en Canaan). L'incident avec Abraham pourrait être la
cause des changements surprenants en l'an 14 d'Amenemhat Ier. À son retour en Canaan,
Abraham a rencontré Melchisédech, un roi de [u]ru-Šalem (rwš3mm) "ville de Salem", or les
textes d'exécration égyptiens (1900-1800) citent 2 princes852 de cette ville (hostile).
Les chroniques royales ne mentionnent pas le raid des rois de l'époque d'Abraham,
toutefois elles donnent quelques indices concordants. Šulgi (2002-1954), un roi d'Ur, par
exemple, dirigeât des campagnes répétées contre des principautés du Zagros (pays de
Gutium). La ville d'Arbèles, par exemple, fut saccagée en l'an 43 de Šulgi (en -1959) et en
l'an 2 d'Amar-Sîn (en -1952). Šulgi noua des alliances avec plusieurs rois, puisqu'il prit pour
épouse une des filles d'un Šakkanakku de Mari, d'un ENSI de Ešnunna, et au moins 6 filles
de Šulgi se marièrent à des princes du plateau iranien (pays d'Elam). Cela montre qu'une
alliance entre des rois de Sumer, d'Elam de Gutium et de Larsa, est en accord avec le
contexte de cette époque. La date de la mort de Šulgi est connue précisément (le 1/XI/48),
mais il semble que ce fut dans un climat dramatique, car il y aurait eu la mort violente d'une
partie de la famille royale853. Selon la chronologie élamite synchronisée854:
rois, de plus, les rois Naplânum et Iemsium n'ont laissé aucune trace de leur existence, à
part leurs noms dans une liste. Une vingtaine de tablettes économiques855, datées de l'an 47
de Šulgi (-1955), mentionnent un incident et une prise de butin par les élamites, ce qui est la
confirmation indirecte d'une guerre. De plus, le nom Kutir-Lagamar (Kédorlaomer) est
authentiquement élamite. Des inscriptions babyloniennes sur les tablettes de Spartoli856
(datées autour de -350) rapportent les noms des rois coalisés sous les formes Tudhula
[Tidal], Eriaku [Arioch], son fils Durmah-îlani (?) et Kudurlahmil [Kédorlaomer]. On lit par
exemple: Inscription d'Eri-e-a-ku, l'homme puissant, le pourvoyeur d'Ur, le roi de Larsa, le roi de Sumer
et d'Akkad; fils de Kudur-mabuk, le père d'Emutbala. Le rapprochement entre "Arioch roi
d'Ellasar" et "Eriaku roi de Larsa" paraît recevable même si cette version diffère des autres
textes babyloniens plus anciens affirmant que Kudur-mabuk confia la royauté de Larsa à
son fils Warad-Sîn. Le nom Kudurlahmil correspond à Kutir-Lagamar en élamite (transcrit
Kudur-Lagarma en akkadien et signifiant "porteur (serviteur) de Lagamar857", Lagamar
étant une divinité élamite858). Une autre tablette précise que le roi babylonien Hammurabi
avait promis une récompense à Sîn-Idinna s'il ramenait à Babylone une déesse prise à Larsa
aux jours du roi Kudurlahmil859. Cela prouve que les événements impliquant Kudurlahmil
[Kédorlaomer] se sont déroulés bien avant le roi Hammurabi. De même, les scribes
d'Assourbanipal, après la conquête de l'Elam et la destruction de Suse, sa capitale, précise
(dans un texte daté du 15 novembre -647) que l'Élamite Kudur-Nahhunte (le plus ancien
roi de ce nom a régné de -1645 à -1625), dans sa démence, s'était attaqué aux sanctuaires
d'Uruk et avait détruit la Babylonie, et qu'il avait emporté une vénérable statue de la déesse
Nanaya 1535 [ou 1635] ans auparavant860!
Selon la liste royale sumérienne, Tiriga fut le dernier roi de Gutium (et aurait régné
40 jours!) et Utu-ḫégal, un roi d'Uruk (ayant régné 420 ans et 6 jours!), contemporain d'Ur-
nammu, expulsa les Gutis861, ce qui fixe vers -2020 la fin de cette dynastie. Quelques rois de
Gutium ont vraisemblablement continué de régner après cette expulsion.
in: Annali Supplementi 44:1 (1984) Ed. Istituto orientale di Napoli pp. 24-26.
A. BOUDART - Dictionnaire encyclopédique de la Bible
Maredsous 2002 Ed. Brepols p. 728.
858 M.J. STEVE - Mémoires de la délégation archéologique en Iran, tome III
La datation des règnes sur la période 2020-1954 dépend uniquement des listes
royales qui donnent malheureusement de nombreux chiffres divergents862, de plus, elles ne
citent que les principales dynasties. Lorsqu'un roi est vaincu ses successeurs ne sont
généralement plus mentionnés.
Roi d'Akkad
Sargon Ier 2243-2187
Rimuš 2187-2178
Maništusu 2178-2163 Roi de Gutium
Narâm-Sîn 2163-2126 Nibia 2130-2127
Šar-kalli-šarri 2126 - Ingišu 2127-2121
Ikukum-laqaba 2121-2115
Šulmé 2115-2109
-2101 Silulumeš 2109-2103
Irgigi, Imi 2101 - Inimabakeš 2103-2098
Nuhum, Ilulu -2098 Igeša’uš 2098-2092
Dudu 2098-2077 I’’arlaqaba 2092-2077
Šu-Turul 2077 - Ibaté 2077-2074
Yarla 2074-2071
Kurum 2071-2070
Apil-kîn 2070-2067
La’arabum 2067-2065
-2062 Irarum 2065-2063
Roi d'Uruk IV Ibranum 2063-2062
Ur-Nigin 2062-2055 Ḫablum 2062-2060
Ur-Gigir 2055-2049 Puzur-Su’en 2060-2053
Kuda 2049-2043 Ḫablum 2053-2046
Puzur-ili 2043-2038 Yarlaganda 2046-2039 Roi de Lagash II
Ur-Utu 2038-2032 Si’u 2039-2032 Gudea 2048-2028
Utu-hegal 2032 - Tirigan 2032 - Ur-Ningirsu II 2028-2023
Ur-gar 2023-2022
-2021 -2021 Ur-abba 2022-2021
Roi d'Ur III Ur-Mama 2021-2020
Ur-Nammu 2020-2002 Nam-mahazi 2020-2017
Šulgi 2002 - ? (Roi vassal d'Ur)
? Ur-Ninsuna
? Ur-Ninkimara
? Lu-kirilaza
-1954 [Tud-Gula?] 1960-1954 Ir-Nanna
Les "rois" des villes sumériennes de Lagash, Girsu, Umma, Nippur, Uruk, etc., sont
mal connus863 après -2020 (le roi Amar-apil ou Amer-pi-El n'est donc pas identifiable).
TM PS LXX NT AJ
Du Déluge 0 0 0 0 0
Sem 2 2 2 [2] 12
Arpakshad 35 135 135 [135] 135
Kainan - - 130 [130] -
Shélah 30 130 130 [130] 130
Éber 34 134 134 [134] 134
Péleg 30 130 130 [130] 130
Réu 32 132 132 [132] 132
Serug 30 130 130 [130] 130
Nahor 29 79 79 [79] 120
Térah 70 70 70 [70] 70
Nahor (+60) (+60) (+60) [+60] (+60)
à Abraham 352 ans 1002 ans 1132 ans 1043 ans
Date du Déluge: -2390 -3040 -3170 -3081
(TM: Texte massorétique; PS: Pentateuque samaritain; LXX: Septante; NT: Nouveau Testament; AJ: Antiquités juives)
Flavius Josèphe était conscient que certains de ses lecteurs lui étaient hostiles (la
plupart des Juifs le considéraient comme un traître) et c'est pour cette raison qu'il précise870:
Cependant certains personnages méprisables ont essayé d'attaquer mon histoire (...) L'Archéologie, comme je
l'ai dit [Antiquités juives I:5], est traduite des Livres Saints, car je tiens le sacerdoce de ma naissance et je
suis initié à la philosophie [interprétation rabbinique] de ces Livres. Il ajoute: Moi, après la chute de ma
ville natale [en 70], n'ayant plus rien de plus cher à conserver pour me consoler de mes propres malheurs, je
demandai à Titus la libération d'un certain nombre de prisonniers de naissance libre, et j'acceptai, sur l'offre
gracieuse de Titus, [une collection de] livres saints871. Le pentateuque de Flavius Josèphe devait
donc être constitué de rouleaux hébraïques872 (écrits avant 70). Les évangélistes Luc ou Paul
étaient aussi conscients que certains de leurs lecteurs juifs les considéraient comme déviants
à cause de leur appartenance à la secte chrétienne. Paradoxalement, dans sa lettre aux
Hébreux, Paul cite majoritairement un texte proche de la Septante873 et non le texte
massorétique (tel que nous le connaissons). De même, Philon d'Alexandrie (-12? +54?), un
philosophe juif, prétend dans ses écrits874 que le texte grec rend exactement le texte
chaldéen. Les remarques de ces Juifs du 1er siècle montrent que les variantes présentes dans
la Septante existaient aussi dans le texte hébreu, qui n'était donc pas considéré comme
différent de sa version grecque (à cette époque).
Le texte massorétique actuel a été fixé définitivement qu'après 90 de notre ère, mais
durant la période allant de -250 à 70, il ne représentait qu'une partie des manuscrits, car il y
avait875: 60 % de textes proto-massorétiques, 20 % de manuscrits de syle qumranien, 10 %
de textes non alignés, 5 % de textes de type Septante et 5 % de textes proto-samaritains.
Cette statistique montre que le texte massorétique était en voix de standardisation, mais
aussi qu'avant 70 d'autres recensions minoritaires existaient. Concernant le texte du
chapitre 11 de la Genèse, aucun manuscrit en hébreu n'a été trouvé à Qumrân, ce qui ne
permet pas de connaître sa version proto-massorétique, mais deux indices impliquent
l'existence d'une version hébraïque proche de la Septante: 1) les Samaritains n'ont jamais
cherché à traduire leur Pentateuque en grec, donc l'original de leur texte devait être en
hébreu; 2) Flavius Josèphe ignore le Kainan de la Septante, par contre, il connaît l'antique
Ur qui, elle, est ignorée de la Septante. Les variantes chronologiques de la Septante
existaient (vers -280) donc dans un texte hébreu (devenu minoritaire au début de notre ère).
870 Contre Apion I:53-54.
871 Autobiographie §418.
872 É. NODET – Le pentateuque de Flavius Josèphe
Ptolémée II (vers -280). Le Talmud de Babylone (Qiddushin 30a) dénombre 5888 versets dans la Tora au lieu des 5853 du texte actuel.
878 M. HARL, G. DORIVAL, O. MUNNICH – La Bible grecque des Septante
On sait que le texte hébreu a été révisé très tôt880, mais on ignore si les corrections
opérées par les réviseurs ont préservé la version originale ou, au contraire, ont "canonisé"
une forme altérée. On ne peut procéder que par déduction. Le texte de Genèse 2:2: Et dieu
acheva au sixième jour ses œuvres, qu'il avait faites, et il se reposa le septième jour de toutes ses œuvres, qu'il
avait faites, devait être une forme altérée de: Dieu conclut au septième jour l'ouvrage qu'il avait fait
et, au septième jour, il chôma, après tout l'ouvrage qu'il avait fait. Les différences chronologiques
sont fréquentes et plus difficiles à expliquer881. L'explication habituellement avancée est la
suivante882: "les traducteurs de la Septante, influencés par l'ouvrage de Manéthon, auraient
augmenté de 100 ans les chiffres du texte hébreu pour conformer leur chronologie avec sa
rivale égyptienne". Cette solution astucieuse n'est pas conforme au contexte historique. En
effet, à cette époque, l'hellénisme était triomphant et l'initiative de Ptolémée II d'enrichir la
célèbre bibliothèque d'Alexandrie, a vraisemblablement encouragé les historiens étrangers à
promouvoir leur propre histoire. Ce n'est pas un hasard si vers -280 le prêtre égyptien
Manéthon, le prêtre babylonien Bérose et les prêtres israélites ont tous saisi l'occasion qui
leur était offerte d'écrire une histoire de leur nation (Bérose reprochait aux Grecs de
méconnaître l'histoire babylonienne883). Les copistes juifs (à partir de -330), et non les
traducteurs de la Septante, ont sans doute jugé que les chiffres élevés, apparaissant au
chapitre 5 de la Genèse, pouvaient être une pierre d'achoppement pour les prosélytes de
culture grecque. Les âges de plusieurs siècles étaient acceptés, car ils étaient comparables à
ceux des époques héroïques des mythologies, mais le fait d'être père à 130 ans devait
paraître peu crédible. Or, tous les personnages du texte massorétique sont pères autour de
la trentaine, ce qui paraît beaucoup plus "scientifique", cependant les âges "incroyables" de
la Septante sont pourtant concordants avec les données de Flavius Josèphe et aussi avec le
synchronisme du déluge babylonien relaté et daté par Bérose.
Concernant le Déluge, Flavius Josèphe884 cite le récit de Bérose pour appuyer ses
dires: C'est ce Déluge et cette arche que mentionnent tous ceux qui ont écrit l'histoire des Barbares. Parmi
eux est Bérose le Chaldéen, et, racontant les événements du Déluge, il s'exprime quelque part ainsi: « On
dit que du navire il reste encore quelques débris, sur la montagne des Cordyéens [Arméniens], et que
880 E. TOV – Textual Criticism of the Hebrew Bible
Assen 1992 Ed. Fortress Press pp. 11,32-35,168,190-197.
881 M. HARL – Genèse
certains en recueillent, en les extrayant du bitume: les gens se servent de ces reliques comme talismans » (...)
Après le Déluge, Noé vécut encore 350 ans, et ayant passé tout ce temps dans le bonheur, il mourut, après
une vie de 950 ans. Que personne, comparant la vie de ces anciens à la nôtre, et à la brièveté des années que
nous vivons, n'aille penser que ce qui en est dit est faux, et ne suppose que, puisque aucune vie ne parvient
maintenant à une telle longueur, ceux-là n'aient pu arriver à ce point de durée de vie (...) J'ai là-dessus le
témoignage de tous les historiens de l'antiquité, Grecs ou Barbares: Manéthon, qui a fait les annales
égyptiennes, Bérose, qui a rassemblé ce qui concerna la Chaldée; Mokhos, Hestiée, ainsi que Jérôme
l'Égyptien, auteurs d'histoires phéniciennes, sont d'accord avec ce que je dis; Hésiode, Hécatée, Hellanicos,
Acusilaus, ainsi qu'Éphore et Nicolas, rapportent que les anciens vivaient 1000 ans. Les historiens
actuels n'accordent toutefois pas de crédit à Bérose885, même si la découverte de plusieurs
listes royales sumériennes en ont depuis confirmé l'authenticité:
Ces listes, séparées de plus de deux millénaires, sont relativement identiques886 (la
liste de Bérose nous est parvenue à travers plusieurs traductions887, ce qui a dû favoriser les
variantes). De plus, une ambiguïté du système de dénombrement akkadien 888 pourrait être à
l'origine de ces âges prodigieux. En effet, l'unité 1 et le nombre 60 s'écrivent de la même
manière et sont notés par un "doigt (SU-SI en sumérien)", ainsi l'expression "5 doigts" peut
se lire 5 ou 600 (= 5x60)889. Il est vraisemblable que la lecture akkadienne du "doigt"
sumérien a multiplié artificiellement par 60 les anciens nombres apparaissant dans l'original.
Si on compare la liste C, la seule qui soit complète, avec celle des grands personnages
bibliques antédiluviens890, on trouve un autre parallélisme remarquable, aussi bien dans le
nombre des personnages, soit 10, que dans la durée de leur vie (ou de leur règne):
885 Pline l'Ancien (23-79) est le premier à émettre des doutes sur les âges élevés rapportés par les historiens (Histoire naturelle VII:48).
886 J.-J. GLASSNER – Chroniques mésopotamiennes
Paris 2004 Éd. Les Belles Lettres pp. 71-72.
887 Cette liste apparaît dans la Chronique d'Eusèbe qui cite celle (perdue) d'Alexandre Polyhistor.
888 R. CAPLICE, D. SNELL – Introduction to Akkadian
volumes en toute sécurité et de manière stable, ont exactement les proportions que l'arche biblique (300, 50 et 30 coudées), soit un
rapport longueur sur largeur de 6 à 1, ce qui constitue un rapport idéal pour la flottabilité d'après les spécialistes de la construction navale,
alors qu'un cube est très instable; 2) Ziusudra lance une colombe qui revint vers l'arche, puis une hirondelle qui fit de même, et enfin un
corbeau qui ne revint pas. Noé, lui, lâche un corbeau qui va et vient, puis une colombe qui revient, puis de nouveau la colombe qui
revient avec une feuille d'olivier, et enfin la colombe qui ne revient pas. Selon les naturalistes, l'astucieux corbeau est un des oiseaux les
plus capable de s'adapter et un des plus ingénieux. Il était donc avisé de commencer par le corbeau pour tester l'état du pays et de
terminer par la colombe, un oiseau peu astucieux; 3) Ziusudra était un homme immortel et vivait dans une contrée appelée Dilmun
(l'actuelle île de Bahreïn). Même si les jours de Noé furent prolongés à 950 ans, il finit, lui, par mourir.
893 F. JOANNES – Bérose
par les Gutis se ramène à une durée de 560 +/- 8 ans. La destruction d'Akkad par les Gutis
peut être datée approximativement grâce aux listes royales, qui varient de 92 à 125 ans pour
l'estimation de la durée totale de cette dynastie. Comme le dernier roi d'Akkad fut Šu-Turul,
le début de la dynastie de Kish remonterait vers -2630 (= -2070 - 560). En utilisant les listes
royales sumériennes on trouve un total approximatif de 32400 ans (à cause de nombreuses
variantes), entre le début de la dynastie de Kish et Sargon Ier (2243-2187), ce qui donnerait
cette fois un début vers -2780 (= -2240 -32400/60), soit autour de -2800. En utilisant les
chiffres de la Septante du chapitre 11 de la Genèse et ceux d'une liste royale sumérienne
(manuscrit G)894, on obtient (Noé vécut 350 ans après le Déluge, selon Genèse 9:28):
Le texte biblique précise à plusieurs reprises que la terre était entourée par une
masse d'eau importante, avant le Déluge, qui provoqua ensuite l'émergence des montagnes
après son effondrement sur l'écorce terrestre897. Or, l'eau a la propriété remarquable
d'arrêter très efficacement les neutrons, comme le démontrent les piscines nucléaires (un
écran de 23 mm d'épaisseur arrête 90% des neutrons); ce qui a une conséquence capitale: la
14
production de C ne pouvait avoir lieu. Dans son principe, la méthode de datation
radiocarbone est très simple puisqu'elle se fonde sur la réaction suivante:
Azote 14 (atmosphère)
proton Carbone 14
Azote 14 électron
Cette réaction se déroule dans la haute atmosphère, mais avec le temps un équilibre
12
s'établit dans la couche d'air ambiant (98,89% de C; 1,11% de 13C; 1,18 10-12 de 14C).
Comme ce carbone est présent dans les molécules de gaz carbonique (CO2) que tous les
êtres vivants absorbent, ce taux de 14C est donc le même pour tous les organismes qui
respirent du gaz carbonique. Quand un organisme meurt, l'équilibre avec l'atmosphère
s'arrête, et le nombre d'atomes de 14C dans l'organisme diminue à cause de sa désintégration
895R. LABAT – Les religions du Proche-Orient asiatique
Paris 1970 Éd. Fayard Denoël pp. 294-305.
896 Genèse 10:25; 11:1-9.
897 Genèse 1:7; Psaumes 104:6-8; 2Pierre 3:5,6.
CHRONOLOGIE ISRAELITE SYNCHRONISEE 207
in: Dossier pour la Science n°42 janvier/ mars 2004 pp. 50-53.
900 G. N. LAMBERT - Dendrochronologie, la calibration avec le radiocarbone
Ces écarts ne sont pas vraiment expliqués901, sauf si l'on admet que le taux de 14C
était nettement plus bas dans le passé (les mesures par thermoluminescence ne sont pas
plus fiables)902. Des mesures903 montrent d'ailleurs une chute brutale de ce taux avant -7000,
sans parler de toutes les mesures aberrantes qui sont souvent ignorées904 et rarement
publiées pour éviter de conforter les sceptiques905. Contrairement à ce que laisse croire un
grand nombre de scientifiques, l'interprétation des mesures de 14C est compliquée par la
présence fréquente de contaminations inconnues. De plus, ces mesures donnent souvent
un nuage de points dont il est difficile d'extraire les plus fiables. On constate enfin que la
courbe de calibrage du 14C par la dendrochronologie remonte bien avant -5000, ce qui
901 N.A. SPOONER - Human occupation at Jinmium, northern Australia: 116,000 years ago or much less?
in: Antiquity 72 (1998) pp. 173-178.
R.G. ROBERTS, R. JONES, M.A. SMITH - Beyond the radiocarbon barrier in Australian prehistory.
in: Antiquity 68 (1994) pp. 611-6.
J. ALLEN, S. HOLDAWAY - The contamination of Pleistocene radiocarbon determinations in Australia
in: Antiquity 69 (1995) pp. 101-12
J.A.C. CHAPPELL, J. HEAD, J. M AGEE - Beyond the radiocarbon limit in Australian archaeology and Quaternary research
in: Antiquity 70 (1996) pp. 543-52.
902 R.L.K. FULLAGAR, D.M. PRICE, L.M HEAD - Early human occupation of northern Australia: archaeology and thermoluminescence
dating of Jinmium rockshelter, Northern Territory, in: Antiquity 70 (1996) pp. 751-773.
R.G. ROBERTS, M. BIRD, J. OLLEY, R. GALBRAITH, E. LAWSON, G. LASLETT, H. YOSHIDA, R.
JONES, R.L.K. FULLAGAR, G. JACOBSEN, Q. HUA - Optical and radiocarbon dating at Jinmium rock shelter in northern Australia
in: Nature 393 (May 28, 1998): pp. 358-362.
903 J.O.D. J OHNSTON - The Problems of Radiocarbon Dating
induit une question: comment est-il possible de mesurer les cernes d'un arbre de 7000 ans?
En réalité, comme il n'existe pas d'arbre aussi vieux, car le record actuel étant un pin de
Bristlecone du Nevada, appelé Prometheus, et né en -2853, selon la dendrochronologie (cet
âge, s'il est correct, impliquerait de dater le Déluge vers -3000), on utilise un artifice.
L'épaisseur des cernes dépend du climat de l'année où ils se forment (la réalité est en fait
beaucoup plus complexe, à cause des variations fréquentes du climat dans le passé)906, ce
qui donne une succession de cernes ressemblant à une sorte de code barre. Il suffit alors de
mettre bout à bout les séries obtenues sur les différentes souches d'arbres anciens, comme
on le fait avec un jeu de dominos. Il est évident qu'une séquence donnée provenant d'une
souche peut s'intercaler à plusieurs endroits de la série, à cause de sa faible longueur, soit
100 à 300 ans. Dans ce cas (fréquent), comment choisit-on la bonne position parmi les
différentes possibilités? La réponse est simple: en fonction de sa position probable selon la
chronologie radiocarbone907, comme le reconnaît Lambert908: il n'est pas rare que les divers
calculs engagés ne soient pas absolument d'accord entre eux. Il faut alors trancher. Dans la quasi-totalité
des cas, la date finalement retenue est toujours choisie dans les meilleures propositions calculées (…) il est
très difficile de dater un bois isolé de moins de 100 cernes. Avec l'appui d'un radiocarbone, qui fixe une
fourchette chronologique de 150 à 300 ans, on peut descendre à 80 cernes. En dessous de cette «longueur»,
le risque est grand de tomber dans un type de piège bien connu qui est la «belle» corrélation dans une
«fausse» position. La boucle est bouclée, et c'est ainsi que le radiocarbone sert en fait à calibrer
le radiocarbone909. Il y a manifestement un défaut de méthode.
La chronologie synchronisée est la seule méthode permettant de calibrer les dates
obtenues par le 14C. Les plus anciennes dates obtenues de façon fiable par cette méthode de
datation sont celles du règne de Sekhemkhet (2603-2597), aussi appelé Djoser-Téti. La
datation par le 14C de ce pharaon910 donne actuellement un âge plus ancien (-3100). Dans
l'état actuel de nos connaissances, cet écart d'environ 500 ans est inexplicable. La solution
la plus logique est d'admettre un taux de 14C en -2600 très inférieur au taux actuel induisant
14
un vieillissement artificiel. En comparant les écarts de dates entre le C calibré et la
dendrochrologie pour -1800 (écart de 250 ans) et -2600 (écart de 470 ans) et en ajoutant
ceux obtenus à partir de la chronologie égyptienne pour ces deux dates (respectivement 100
906 D. HOUBRECHTS, G.N. LAMBERT - Les arbres, témoins du temps qui passe
in: Dossier pour la Science n°42 janvier/ mars 2004 pp. 70-75
907 J. EVIN, C. OBERLIN – La méthode de datation par le radiocarbone
in: Chronologies in the Near East (1987) Ed. O. Aurenche et al pp. 585-606.
210 APPROCHE SCIENTIFIQUE D'UNE CHRONOLOGIE ABSOLUE
et 500 ans), l'âge est surestimé de 5% en -1800 et de 20% en -2600. On trouve une courbe
donnant le taux de 14C en fonction du temps (t en années) du type: A = A0(1-e-(t+t0)/b):