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2 NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I

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Diagnoses étrangères traduites et interprétées par : Christophe Avon (France)


Directeur du L.E.F.H.E., Membre de la Société Entomologique de France.
Toute reproduction d’un extrait quelconque de cette monographie, par quelque procédé
que ce soit et notamment par photocopie, microfilm, ou scanner est strictement interdite
pour tous les pays sans autoristation écrite des Editions du L.E.F.H.E.

LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E


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Ecrits et dessins1 : Christophe Avon (Directeur)


Attachée de direction : Pascale Courtial

1
Dessins d’après spécimens ou diagnoses originales.
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En hommage au Professeur René JEANNEL (1879-1965).

Le Professeur René JEANNEL (1879-1965)

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EVOLUTION ET ETUDE DES TRECHINAE

L'évolution des êtres vivants est définie comme l'ensemble des


processus par lesquels les organismes se transforment, dans leur
structure et leur comportement, au fil des générations, d'ancêtres à
descendants. Elle constitue actuellement une notion centrale des
sciences biologiques. Largement acceptée dans son principe en Europe,
elle reste toujours fortement combattue, pour des raisons religieuses
notamment, en Amérique du Nord, en dépit des nombreuses données
qui la soutiennent. Outre les preuves obtenues par les expériences de
sélection artificielle menées par les biologistes, bon nombre de ces
données découlent des travaux paléontologiques et géologiques.
Rappelons d'abord que Buffon (d'après l'épaisseur des sédiments et le
principe de l'actualisme), Lamarck puis Lyell, ont établi le grand âge de
la Terre, condition préalable pour concevoir les processus évolutifs,
supposés lents à l'échelle humaine. Ces mêmes chercheurs se sont
également intéressés à l’entomologie, qui elle, cherche, étudie et décrit
les insectes. Nous expliquerons d'abord comment les données qu'elle
fournit contribuent, avec l’étude des coléoptères hypogés et endogés, à
l'émergence de l'idée d'évolution de ces êtres, après quoi, nous verrons
comment cette discipline peut indiquer des modalités d'évolution, et
proposer de nouveaux mécanismes concernant ces processus. Nous en
déduirons ensuite « l’échelle des caractères pour servir aux
classements » qui sera utilisée dans l’ensemble de cette monographie.

Etude des Trechinae et histoire du vivant.

L’étude des Trechinae permet avant tout d'établir que des insectes
différents ont existé au cours des temps géologiques, donc de décrire
une histoire. Cuvier avait constaté que les faunes fossiles différaient des
faunes actuelles, mais attribuait cela à des extinctions et créations
successives d'espèces, qui restaient ensuite immuables jusqu'à
l'extinction suivante. De même, il avait montré l'existence de grands
plans d'organisation chez les Vertébrés, Mollusques, Articulés,
Zoophytes, qu'il supposait issus de créations séparées. Cependant,
l'ordre d'apparition maintenant établi pour les différentes formes
vivantes prouve que les formes les plus complexes sont aussi les plus
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récentes. Ce constat invalide l'idée d'une création divine initiale des


organismes. Lamarck, lui, avait déjà noté que les faunes de mollusques
fossiles différaient d'autant plus des faunes actuelles qu'elles étaient
anciennes et en avait tiré l'idée de modifications au cours du temps à
partir d'un état primitif simple apparu par génération spontanée. De
telles créatures simples apparaîtraient continûment pour s'engager alors
dans un processus de complexification progressive (la « montée dans
l'échelle des êtres »). Or, on constate que l'état unicellulaire est resté la
seule forme vivante pendant plusieurs milliards d'années, alors que les
épisodes de grandes extinctions ont été suivi quasi aussitôt d'un
renouvellement des faunes et des flores sans retour pour autant à un état
de complexité inférieur, ce qui rend improbable l'hypothèse de créations
successives des organismes par génération spontanée. Néanmoins,
l'idée d'évolution apparaît déjà avec Lamarck, même si le mécanisme
qu'il imagine, l'hérédité des caractères acquis, a été démenti par la
découverte de la génétique mendélienne. Reste l'idée du lien
généalogique des êtres vivants (au moins à l'intérieur des grands
« types »). C’est ici que l’étude des « faunes cavernicoles » va apporter
des arguments avec l’œuvre du Professeur René Jeannel. Oscillant entre
lamarckisme et darwinisme, Jeannel montrera pourtant, grâce à ses
nombreux travaux systématiques sur les coléoptères « spécialisés » et
leurs synthèses dans la première monographie des Trechinae (1928),
des filiations étonnantes pour l’époque, mais qui ne sont pas toutes
justifiées et vérifiées aujourd’hui.

Etude des Trechinae et notion d'homologie.

L’étude des Trechinae montre, un peu comme en Paléontologie, que les


organismes anciens, comme les actuels, présentent entre eux des
structures ressemblantes, plus ou moins marquées, dites homologues,
qui :

I. Permettent, la plupart du temps, de les classer selon l'organisation


hiérarchique définie par Linné.

II. Ne sont pas forcément explicables par des nécessités fonctionnelles.

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III. Peuvent être altérées et moins visibles chez certaines formes,


souvent spécialisées (formes aphaenopsiennes et phasmoïdes1), mais
que l'anatomie comparée permet de retrouver, en particulier par le
principe des connexions d'Etienne Geoffroy Saint-Hilaire : « sont
homologues des organes ou structures qui, sur deux organismes
différents, présentent les mêmes connexions avec les organes ou
structures qui les entourent ».

L'existence de ces homologies, s'explique facilement en admettant un


ancêtre commun pour les formes qui partagent une même homologie,
ancêtre d'autant plus ancien que le nombre d'organismes possédant la
même homologie est grand. L'homologie prend alors sa définition
darwinienne de structure identique partagée par deux organismes en
raison de l'existence d'un ancêtre commun entre eux.

Le fait que les organes homologues ne soient pas pour autant


strictement identiques (entre autre les pièces copulatrices), implique une
histoire propre pour chaque organisme descendant, depuis l'état de
l'ancêtre commun, et amène donc la notion de « descendance avec
modification », concept de base de la théorie de l'évolution. Dernier
apport à la construction de cet édifice théorique : la découverte
d'organismes qui sont probablement très proches, de ces « ancêtres
communs » hypothétiques.

Trechinae, passage des crises, notion et exemple d'exaptation.

Les études poussées des épisodes de crises géologiques et biologiques


permettent de montrer qu'au sein d'un groupe touché par l'extinction, on
peut trouver une ou plusieurs espèces qui surmontent la crise, et qui
peuvent être considérées, de par leur morphologie, comme les ancêtres

1
l’habitude est d’utiliser le terme « aphoenopsiennes » pour indiquer la forme de certains
Trechinae dits adaptés à l’exterme au milieu cavernicole. Mais depuis peu, après la
découverte du Giraffapherenops par Deuve, et étant donné un degré apparamment
supérieur d’adaptation au milieu cavernicole, il nous semble bon d’utiliser un autre terme,
en l’occurence celui de « phasmoïde », à notre sens assez imagé pour décrire des
organismes encore plus grêles et plus allongés que les Aphaenops.
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des formes ultérieures, ou de proches parents de ces ancêtres. C'est


particulièrement vrai pour les Trechinae.

D'après ces données, aucune création de novo n'est à invoquer après le


passage d'une crise. Il en va de même avec les « taxons Lazare », des
organismes qui paraissent disparaître à la crise, mais que l'on retrouve
ensuite au delà, signe qu'ils ont survécu. Ces taxons ont été sans doute
conservés dans des milieux refuges ou encore à l’état d’œufs comme
chez les Crustacés de l'ancienne sous-classe des Branchiopodes
Phyllopodes. Le genre Triops fait partie de l'ordre des Notostracés, ces
œufs peuvent se conserver plus de 200 ans.

D'autre part, la découverte de nouveaux fossiles d’animaux montre


parfois qu'un caractère que l'on supposait propre à un groupe
d'organismes (caractère diagnostic), et qui paraissait constituer pour lui
une « adaptation clé » (c'est à dire qui aurait assuré son succès dans la
compétition écologique par occupation d'une niche nouvelle) se
rencontre chez des organismes plus anciens, que d'autres caractères
excluent du groupe précédent (cas de l’existence des pièces copulatrices
dans d’autres familles). Ceci apporte une illustration supplémentaire à
l'existence de liens de parenté entre des organismes qui, dans la nature
actuelle, paraissent très différents, donc à l'Evolution. Il permet de
concevoir plus facilement comment l'Evolution peut rendre compte de
l'existence d'organes très complexes. Le cas d'école étant l'œil des
Vertébrés ou des Céphalopodes, on conçoit mieux l'existence d'états
plus simples pour ces organes si ceux-ci n'avaient pas forcément pour
fonction de voir. Il constitue un premier exemple de mécanisme évolutif
proposé par l’étude des Trechinae : une structure remplissant une
fonction (= adaptée) chez certains organismes, est utilisée dans une
fonction différente ou non utilisée par leurs descendants. Ce phénomène
de changement de fonction au cours de l'Evolution est appelé
exaptation. A notre sens, le cas des pièces copulatrices, celui de
certaines soies ainsi que la physogastrie, en sont des exemples flagrants.

Ce que l'étude des Trechinae montre de l’évolution.

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Il faut d'abord souligner que l'atout principal dans l’étude des Trechinae
est d'examiner l'Evolution dans son déroulement sur des durées
géologiques, dans des isolats et diverses niches écologiques
particulières, qui n'ont rien à voir avec les durées des expériences
biologiques de spéciation et de sélection artificielle menées en
laboratoire.

Outre l'exaptation mentionnée plus haut, nous présenterons dans les


paragraphes suivants, plusieurs modalités évolutives mises à jour
initialement par les Taxonomistes qui demandent désormais à être
confrontés aux données ou aux propositions d'explications d'autres
disciplines, comme l'Ecologie et la Biologie du développement, la
Cladistique, la Génétique etc. qui n’ont presque jamais été traitées chez
ces organismes, ainsi que les études géonémiques globales que nous
entreprenons au laboratoire L. E. F. H. E.

La spéciation et ses rythmes : les radiations adaptatives.

Contrairement à la paléontologie, l’entomologie spécialisée dans


l’étude des insectes hypogés et endogés peut expliquer les spéciations
dans leurs mécanismes, justement parce que sa résolution temporelle est
moins faible. Pourtant, l'abondance de certains groupes d’organismes
fossiles dans les sédiments et au cours du temps montre d'importantes
variations de diversité, avec des périodes d'extinctions de grande
ampleur, attribuables grâce à d'autres données, à des événements de
modifications rapides du milieu, qui impliquent des épisodes de
spéciation intensive sur des durées brèves. Pour illustrer ce point, on
peut prendre la radiation des Mammifères, après la crise
Crétacé/Tertiaire. Ce phénomène, nommé radiation adaptative, est
interprété comme suit : l'apparition de niches écologiques vacantes
permet à un groupe de s'y installer et de se spécialiser dans chacune
d'entre elles. Cette spécialisation s'effectue par des modifications
morphologiques importantes qui apparaissent rapidement.

La paléontologie propose deux explications à l'invasion de niches


écologiques nouvelles : soit la libération de ces niches par leurs
occupants précédents, touchés par une extinction, soit l'acquisition, par
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l'ancêtre du groupe considéré, d'une adaptation clé, qui lui ouvre la


capacité d’occuper des niches nouvelles et libres. Comme elle, l’étude
des faunes cavernicoles (souvent encore appelées à tort « fossiles
vivants » puisque certainement agées de moins de 6 Ma) prouve que
l'évolution s'effectue à des vitesses variables en fonction de l'état du
milieu. Elle est aussi à même de montrer les modifications du milieu
qui ont eu lieu dans le passé et de proposer des corrélations entre ces
changements et ceux des organismes. Elle documente également
l'évolution « de fond », c'est à dire la divergence des organismes au
cours du temps en dehors des épisodes de grand bouleversement de la
biosphère.

Les deux modes d'évolution : anagenèse et équilibres ponctués.

Le mécanisme d'anagenèse, le premier conceptualisé et documenté,


consiste simplement en une modification graduelle d'une espèce, sur
toute son aire de répartition. En conséquence, la notion d'espèce est
malaisée à appliquer ici, puisque le passage d'une forme extrême à
l'autre s'effectue par une série continue de transitions allopatriques
(espèces naissantes ou sénescentes). Second mécanisme, d'illustration
bien plus récente (Eldredge et Gould, 1977) est celui des équilibres
ponctués. Ce mode d'évolution suppose que les phénomènes de
spéciation s'effectuent quasi instantanément à l'échelle géologique et
sont suivis d'une stase, autrement dit d’une durée importante pendant
laquelle l'espèce ne présente pas de modifications (en tout cas
concernant les aspects extérieurs, les seuls visibles sur les « vrais
fossiles »).

L'existence de cette modalité évolutive est bien établie. Les critiques de


cette théorie portent essentiellement sur le mécanisme explicatif
proposé par ses inventeurs, à savoir la spéciation allopatrique d'une
petite population séparée de la population initiale, qui, après avoir
acquis un avantage évolutif, va remplacer la population ancestrale. Les
données paléontologiques plus récentes, et les travaux d'écologie sur les
espèces actuelles, montrent que les petites populations évoluant en
isolats se révèlent moins compétitives face aux populations de plus
grande taille (populations homogénéisantes, Avon 1997).
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Ici, la paléontologie ne fait que montrer la modalité évolutive et


proposer des explications. Elle ne peut prouver tous les mécanismes
présentés. L’évolution a donc impérativement besoin des études de
notre discipline.

Ainsi, l'étude des Trechinae est par essence une science entomologique
descriptive, dont on a cependant illustré ici la puissance et la nécessité
pour argumenter la théorie de l’Evolution, dans son principe d'abord,
dans ses modes d'action ensuite. Elle ne peut qu'apporter du grain à
moudre aux biologistes de l’Evolution et des arguments pour ou contre
les hypothèses qu'ils proposent, en particulier en leur fournissant la
dimension temporelle que l’étude d’autres organismes vivant
actuellement ne donnent pas. Elle pourra calibrer par exemple les
hypothèses de divergence entre groupes d'organismes obtenues par les
généticiens à partir de l'établissement « d'horloges moléculaires ». En
fait, elle fournit une estimation de date pour une séparation donnée
entre deux lignées, date à partir de laquelle le généticien établit une
horloge moléculaire, qu'il va chercher à utiliser pour d'autres paires de
groupes d'êtres vivants, dont la divergence est moins bien documentée.
De plus, elle illustre la diversité de la vie présente et passée de ces
organismes, qui se révèle parfois bien plus complexe que ce qui était
auparavant perçu, ainsi que le chemin tortueux suivi par « le Code de la
Nature » pour fournir l'état que nous observons aujourd’hui.

Etablir des relations de parenté à partir de données


morphologiques.

« Rien n'a de sens en biologie si ce n'est à la lumière de l'évolution.».


Cet adage célèbre de Théodosius Dobzhansky prend encore plus de
valeur quand on se rend compte à quel point la notion d'évolution a été
difficile à faire émerger. En effet, au XVIIIème siècle, de nombreuses
idées fausses, comme le créationnisme, l'échelle des êtres, les
métamorphoses et la génération spontanée, empêchaient la constitution
d'une biologie cohérente.

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Pas à pas, principalement par la réfutation de ces dernières théories, un


environnement propice à l'apparition du transformisme s'est constitué.
Avec Charles Darwin, au milieu du XIXème siècle, un cadre théorique
cohérent se met en place à partir des deux concepts clés que sont la
descendance avec modification et la sélection naturelle. Mais il faudra
attendre presque un demi-siècle pour que la génétique puisse asseoir
une théorie que l'on baptisera « Théorie Synthétique » à l'aube de la
seconde guerre mondiale.

Ce nouveau cadre conceptuel va connaître diverses révolutions qui vont


susciter de vastes discussions, parfois houleuses. Avec la Cladistique, la
classification se trouve bouleversée ; le gradualisme est remis en cause
par le concept des équilibres ponctués que nous avons vu plus haut et le
renouveau du catastrophisme en paléontologie ; l'accès au génome
permet de mieux comprendre ce qu'est la nouveauté génétique, en
particulier au niveau des gènes du développement ; on se rend compte
que la sélection ne joue pas sur tous les caractères. C'est donc une
notion de l'évolution, complexe mais cohérente, qui émerge à la fin du
XXème siècle. Les implications philosophiques sont importantes. Mais
peut-être l'une des idées les plus fortes consiste-t-elle à comprendre que
l'originalité géologique de la planète Terre est continuellement sous la
dépendance du vivant, constituée par une foule d’êtres liés par des
relations de parenté.

Dans l’étude des données morphologiques, nous pouvons retrouver ces


liaisons et donc construire l'histoire évolutive (la phylogénie) d'un
groupe d'êtres vivants en rapprochant leurs homologies.

A notre connaissance, peu d’études génétiques sérieuses (une ou deux),


ont été réalisées sur les Trechinae. Elles restent pourtant les seules à
pouvoir définir précisément l’histoire évolutive et la phylogénie de ces
groupes d’insectes. Au laboratoire, nous nous dirigeons aujourd’hui
essentiellement vers de telles recherches qui demandent encore un
matériel lourd et coûteux. Malgré ceci, nous espérons, dans l’avenir,
vous présenter de « vrais » arbres phylogéniques justes et cohérents,
ainsi que de véritables ensembles phylétiques. Hormis l’utilisation de la
génétique pour définir les relations de parenté, deux approches restent

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toujours possibles mais relativement houleuses dans l’étude des


parentés :

La Phénétique : permet de reconstruire un arbre évolutif en utilisant les


ressemblances globales, les homologies et les convergences étant
traitées à partir d’un maximum de données et d’états de caractères.

La Cladistique : mise au point dans les années cinquante, étudie les


caractères qui permettent de comparer les différents êtres vivants
envisagés dans leur état primitif comme l’agrégation des fouets
ombiliqués ou évolué comme leur désagrégation. L’Agrégation et la
désagrégation constituant deux aspects du caractère « soies sensitives
ombiliquées » l'état évolué étant apprécié par son état historique. Nous
parlerons alors de notion de clade.

Un clade, ou groupe monophylétique, comprend donc un ensemble


d'êtres vivants et leur ancêtre commun ; tous ces organismes partagent
en exclusivité une même nouveauté évolutive (nouveau caractère ou
état évolué d'un caractère). Les clades peuvent alors être
indépendamment, des ensembles de genres, de sous-genres, de lignées
de groupes ou d’espèces. Les sous-espèces étant dans la plupart des cas
traitées par les études de morphologie comparative.

La méthode cladistique est ainsi basée sur une notion d'homologie. On


pourra donc établir des relations de parenté, mais seulement sur la base
du partage des états évolués des caractères.

Lorsqu'une nouveauté évolutive apparaît chez un organisme, elle est


transmise à tous ses descendants. On peut donc tenir le raisonnement
suivant : lorsque plusieurs êtres vivants partagent une même nouveauté
évolutive (homologie), ils l'ont héritée d'un même ancêtre, qui leur est
propre (ancêtre commun), chez qui cette nouveauté est apparue.

Pour appliquer correctement la méthode cladistique chez les Trechinae,


il faut donc identifier les différents états d'un caractère, et distinguer
l'état primitif de son état évolué.

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Nous n’avons pas voulu utiliser la cladistique et la phénétique en vu de


construire des arbres phylogéniques dans cette monographie.
Effectivement, les résultats de certains auteurs qui s’y sont risqués,
donnent des arbres totalement incohérents à partir de comparaisons de
caractères mal interprétés, souvent trop nombreux ou sans réelle valeur
taxonomique (poils divers et variés, chétotaxie de la tête utilisée pour
les genres et non les sous-genres, état de la mandibule droite etc.), en
particulier pour les Trechinae du Caucase et de la Crimée. Nous
préférons donc travailler sur la génétique qui nous donnera, nous
l’espérons, de meilleurs résultats dans le futur.

Note particulière sur les analogies.

Les analogies sont essentiellement dues à des phénomènes de


convergence de forme, liées aux adaptations au milieu physique et
biologique. Les organes analogues ne sont donc pas hérités d'un même
ancêtre commun. De ce fait, ils ne traduisent pas de relations de
parenté. L'analogie est mise en évidence par application du principe de
parcimonie : si la prise en compte d'un état d'un caractère amène à
construire un arbre moins parcimonieux que celui que l'on a obtenu en
prenant en compte l'ensemble des autres caractères, c'est que cet état ne
constitue pas une homologie mais qu'il s'agit bien d'une analogie due à
une convergence de formes (ex : aphaenopsiennes aux deux pôles de la
planète), ou à un phénomène de « régression » (anophtalmie,
aptérisme). Que ce soit dans les études de morphologie comparée ou en
génétique, il faudra donc utiliser seulement les caractères qui semblent
partagés et hérités d’un ancêtre commun. Les homoplasies, caractères
partagés par hasard que sont les caractères secondaires ainsi que les
régressions constitueraient un bruit qui perturberait la construction des
arbres. Malgré nos interrogations sur la justesse des groupements
obtenus en morphologie comparée, donc hormis d’éventuelles études
génétiques, nous nous sommes efforcés de rechercher, chez l’ensemble
des Trechinae, la valeur taxonomique qui nous semble la plus juste
concernant leurs caractères, afin de conserver une base bien connue et
classique d’étude, habituellement pratiquées chez ces groupes
d’espèces. Nous en retrouverons le détail dans le chapitre suivant. Nous
préciserons également que l’ensemble de nos écrits ne prendra pas tout
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de suite en compte les rapprochements en séries phylétiques. Un tome


spécifique est en cours de rédaction à cet effet et sera édité avec les
tomes contenant les études géonémiques.

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LA VALEUR TAXONOMIQUE DES CARACTERES


CHEZ LES TRECHINAE

Etude du caractère « anophtalmie ».

Si l’on adhère aux règles « Jeanneliennes » affirmant que le caractère


« anophtalme » est le strict résultat d’une adaptation au milieu
cavernicole, on se heurte à un problème : ce caractère ne paraît pas
indispensable à la survie de l’espèce. Nous savons que chez ces
insectes, tous les anophtalmes ont développé des organes qui
compensent le sens de la vue. Ainsi, certaines soies (Fig. 8), utilisées
communément dans les classements taxonomiques, peuvent compenser
plusieurs autres sens. Ici se trouve une véritable adaptation.

L'Adaptationnisme, a été beaucoup discuté mais le mot « adaptation »


peut être compris ou interprété différemment selon les auteurs et peut
être appliqué à divers niveaux non concordants. De ce fait, les
discussions lui étant inhérentes s'en trouvent quelquefois remises en
question. Ainsi et dans le cas qui nous intéresse, nous ne croyons pas
qu’un insecte soit bien adapté au milieu hypogé parce qu’il est aveugle
ou anophtalme (Fig. 1) mais simplement parce qu’il a développé des
organes compensatoires. Nous expliquerons dans un premier temps le
problème de l'anophtalmie engendrée dans les milieux strictement
dépourvus de lumière. Comme nous allons le montrer, ces phénomènes
de régression oculaire ne s'intègrent pas dans la sélection directe de ce
caractère ni dans une adaptation telle que nous l’interprétons
aujourd’hui. Tout commence par une question simple : pourquoi les
hypogés ont-ils « perdus » leurs yeux ?.

En posant cette question à notre entourage, qu'il soit scientifique ou


non, nous obtenons toujours la même réponse : ils ont perdu leurs yeux
parce qu'ils n'en avaient plus l'utilité en milieu obscur. Cette réponse de
tendance tautologique reste bien évidemment facile et n'explique pas
grand chose. Beaucoup de grands hommes ont pourtant discuté de ce
problème : « Les organes rudimentaires, dit Darwin, < ... > étant
inutiles, et non réglés par la sélection naturelle, < ... > se trouvent par ce
fait plus sujet aux effets de retour » < ... > « Le défaut d'usage réduit
certaines parties du corps. » (Variations, 1, 237). Geoffroy St Hilaire
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explique qu’ « Un organe est plutôt altéré, atrophié, anéanti que


transposé » (Philosophie anatomique).

Bien que certains discours évolutionnistes soient construits sur des


bases Lamarckiennes permettant pour l'instant de combler quelques
lacunes du Darwinisme (surtout en entomologie), il semble que ceux de
Jeannel, pour expliquer l'évolution des insectes vers l'anophtalmie
soient des moins probables. Il est d'autant plus surprenant qu'il n'ait pas
tenu compte des nombreux articles de l'Héritier et Teissier (Cf.
Bibliographie) publiés entre 1933 et 1937 dans les Comptes-rendus de
l'Académie des Sciences où il écrivait aussi à cette époque. Un bon
nombre de ces notes traite de la sélection des Drosophiles anophtalmes
dans des études génétiques de populations. Nous montrerons ici
quelques extraits de l’œuvre de Jeannel où il s'implique largement dans
le Lamarckisme.

Pour lui, la disparition des yeux n'est que le résultat du non-usage.


« Dans le milieu souterrain, dit-il, sous l'effet de non-usage et du
ralentissement du métabolisme < ... > la rudimentation du moignon
d'aile s'est poursuivie très lentement... » (Les Fossiles vivants des
cavernes, 1943). « Lorsque les espèces ont pénétré sous terre, poussées
par les vicissitudes climatiques, alors par suite du non-usage, l'atrophie
a porté d'une façon déréglée sur tout ce qui restait de l’œil amoindri
dans les biotopes forestiers. < ... > C'est là, assurément un effet du
principe Lamarckien de l'usage et du non-usage. L’œil qui ne
fonctionne plus a disparu, celui qui fonctionne s'est développé. < ... >.
L'usage des ommatidies antérieures, dans l'éclairement réduit des
biotopes, entretient leur intégrité, alors que le non-usage des
ommatidies postérieures précipite leur atrophie. < ... > Leurs yeux ont
été maintenus et développés par l'usage. < ... > Tant que les espèces
subissant une évolution souterraine ont vécu dans les biotopes éclairés,
l'atrophie des yeux a été dirigée par l'usage et le non-usage ».
(Anophtalmie et cécité chez les coléoptères souterrains, Notes Biosp.
1954).

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Figure 1 : Différents stades d’oblitération de l’œil chez le genre Duvalius Delarouzée,


avec leurs coupes de profil.

De ces auteurs, seul Darwin emploie le terme de « non-réglés par la


sélection naturelle ». De ces mots, il paraît déborder dans le
Lamarckisme. La sélection naturelle n'agirait pas dans le cas où les
organes sont inutiles. Mais l'esprit général de son œuvre nous laisse
croire qu'il parle seulement ici d’espèces délaissées, des moins
optimums, des non sélectionnées. Elles s'intègrent finalement dans la
sélection naturelle car cette dernière conserve l'optimum mais en même
temps délaisse aussi les « inaptes ». Ainsi, quand Darwin écrit « le
défaut d'usage réduit certaines parties du corps », il ne semble pas, qu'à
l'instar de Jeannel, il se rapproche du Lamarckisme. Il avait constaté
que si les organes « inutiles », ou plutôt non optimums n'étaient pas
sélectionnés, ils disparaîtraient, mais ses observations se sont toutes
déroulées dans des milieux où les valeurs sélectives sont hautes, ce qui
est moins probable concernant l'anophtalmie dans les milieux
strictement obscurs. Effectivement, au fur et à mesure du processus
d'inféodation au milieu souterrain, un certain nombre d’évènements
inhabituels vont intervenir dans l’adaptation des espèces à leur nouvelle
vie.

LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E


NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I 19
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Dan un premier temps, nous considèrerons les mutations exercées sur le


sens de la vue lors du passage en milieu endogé / hypogé. Dans un
deuxième temps nous envisagerons leur mode de sélection.

Causes probables de mutations.

Nous connaissons aujourd’hui quatre causes qui pourraient engendrer la


disparition des yeux. Elles sont différenciées essentiellement par la
manière d'obtenir un bouleversement dans le génome. Tantôt en raison
d'une mutation des gènes responsables de la constitution hiérarchique
de l’œil et tantôt en raison d'une duplication d'une partie d'un
chromosome supportant ce ou ces mêmes gènes, probablement
agencées par les conditions mutagènes du milieu (baisse de
l'hygrométrie, hausse brutale des températures, périodes glaciaires ou
interglaciaires etc.). Ces causes, où les résultats sont presque identiques,
donnent l'anophtalmie totale ou partielle chez la Drosophile et
quelquefois même des co-modifications avec le développement des
soies et l’atrophie des ailes (2ème cause).

1ère Cause : Nous avions déjà cité, Avon (1997), les travaux de W.J.
Gehring de l'Université de Bâle en Suisse, concernant le gène
responsable de la hiérarchie de l’œil. Ils indiquent que sa genèse, chez
tous les animaux, est contrôlée par un gène maître. Ce gène fait partie
d'une catégorie spéciale, son produit contrôle la transcription, la lecture
d'autres gènes. C'est un gène régulateur. Il est situé au sommet d'un
édifice génétique d'où il maîtrise un ensemble de gènes cibles d’un
niveau inférieur dans la hiérarchie, Gehring (1995). Chez la Drosophile,
la mutation du gène « ey » provoque l'absence des yeux ou la formation
des yeux plus petits. Ce gène contrôle toute la chaîne d'événements
nécessaire au développement de l’œil chez elle mais également chez la
souris, gène Pax6. Les yeux réduits d'une mouche « Eyeless »
ressemblent de ce fait à s'y méprendre aux yeux atrophiés des insectes
cavernicoles : (Fig. 2) : œil bridé, cicatrice, auréole, résidus de cellules
sensibles de l’œil normal etc. Nous mettrons également en évidence ici
un fait remarquable : grâce à la forme bridée de leurs yeux résiduels, le
redressement de la tête qui s'est produit dans la genèse des coléoptères
carabiques, est montré. Dans la figure 2-3, la mouche a l’œil bridé
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20 NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I
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horizontalement, l'orifice buccal est vertical (orthognathe). Dans la


figure 2-4, le Duvalius a l’œil bridé verticalement l'orifice buccal est
devenu horizontal (prognathe) (voir l’axe sur la figure 2-3).

2ème Cause : Elle paraît être la plus intéressante. Ce sont les


duplications « Bar » (gène BH2) chez la Drosophile (Fig. 3-2). Au
départ, elles furent considérées comme des mutations ponctuelles. Elles
s'avèrent bien être aujourd'hui des duplications de faible amplitude et
viables qui peuvent jouer un rôle certain dans l'évolution et du même
coup dans l'adaptation. Ces duplications se manifestent sur le
phénotype, par une forte diminution des facettes des yeux tels qu'ils
apparaissent chez la mouche « Eyeless » comme chez les insectes
cavernicoles aux yeux déprimés. De ce fait, la partie du chromosome
intéressé (X-16 A1 chez la Drosophile) agit sur l'ensemble hiérarchique
du gène et induit les mêmes modifications que « Eyeless » (gène ey)
précédemment cité. Un fait intéressant se remarque également sur 3 des
6 allèles de BH2 : la manifestation sur le phénotype de la Drosophile
n’est pas seulement exprimée sur les yeux (allèles B-H2 Scer\UAS.CSA)
mais également sur les ailes (allèle B-H2hs.PH) ainsi que sur les sensilles
trichoïdes.

3ème Cause : C'est la mutation génique fortuite. En réalité, les


molécules d’ADN subissent en permanence, même lorsque les
conditions sont optimales, de nombreuses altérations (erreurs de copie
de l'ADN non rectifiées). Ainsi, strictement par hasard, le gène ou les
gènes responsables de la constitution des yeux et le complexe
mécanisme d'induction (développement de diverses parties de l’œil
coordonné par leurs interactions respectives et permanentes) qui
intervient, ont pu muter. C'est ici la cause la moins probable car les
changements physico-chimiques du milieu et leurs caractères
mutagènes ne manquent pas pour engendrer des mutations et priment en
probabilité par rapport aux changements simplement fortuits dans le cas
d'un passage du milieu épigé vers un milieu hypogé.

4ème Cause : Nous l’avons trouvé dans les travaux de Suzanne


Rutherford et Susan Lindquist du Howard Hughes Medical Institute
(Université de Chicago, Etats-Unis, rapport publié dans la revue
« Nature » daté du 26 novembre 1998 et traduit dans « Le Monde » le
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NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I 21
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11 décembre 1998). « Elles exposent ce qui pourrait constituer la


première preuve de l'intervention explicite d'un mécanisme moléculaire
dans l'évolution ». Lors de crises environnementales comme les
glaciations rapides ou les interglaciaires, une protéine : HSP90 (chez la
Drosophile) qui appartient à la famille des « heatshock protein » ou
HSP, protéines du choc thermique, peut déclencher tout un ensemble de
nouvelles mutations (dont l'anophtalmie partielle ou totale) sous l'effet
d'un stress (chaleur, manque d'oxygène, réactions chimiques etc.). Les
espèces restent viables et fertiles chez les Drosophiles. Ainsi, plus
l'étendue de ces variations est importante, plus grandissent les chances
que l'une des espèces soit mieux « adaptées » dans un environnement
qui change. HSP90 accompagne et protège tout un assortiment de
protéines instables (impliquées dans des processus liés à la division
cellulaire). Après un stress intense, HSP90 n'assure plus cette protection
et libère d'emblée un ensemble de mutations qui pourraient permettre à
l'évolution de travailler plus vite et plus efficacement. Ces constatations
pourront certainement apporter des compléments à la « Théorie des
équilibres ponctués » de Stephen Jay Gould et pourront expliquer
également la préadaptation que l'on suppose chez les insectes devenus
hypogés.

Mode de sélection sur les caractères dits « régressifs ».

Quelle que soit la cause énoncée ci-dessus, il semble que le caractère


d'anophtalmie n'a pas pu être directement sélectionné car le futur
hypogé, n'est pas directement favorisé ou avantagé quand il est aveugle
dans un milieu obscur. Ceci soulève donc un immense problème : ce
n'est donc pas important pour la survie du cavernicole que d'être
aveugle ! Ainsi les principes de la sélection naturelle ne paraissent pas
être appliqués directement sur ce caractère. Comment pourrait-on
effectivement affirmer qu'un insecte anophtalme et de ce fait aveugle
peut être plus apte à survivre que celui oculé s'il vit dans l'obscurité
totale ? Rien ne semble empêcher un être oculé et le restant à demeure,
de vivre dans un milieu souterrain donc strictement obscur, du moins
aussi bien que s'il était anophtalme. Ainsi le caractère d'anophtalmie,
qu'il soit fortuit ou non, ne semble pas être sélectionné. Nous constatons
ainsi que certains organismes ne le présentant pas, sont tout autant
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capables de survivre. Plusieurs solutions sont alors susceptibles de


répondre au même défi du milieu. Des « adaptations » très diverses sont
ainsi possibles. Le fait que l’insecte se trouve dans un milieu obscur
entraîne la création d’organes compensatoires. A partir du moment où
ils developpent les organes compensatoires la selection ne se fait plus
sur le sens de la vue. Ainsi dans une compétitivité intraspécifique,
l'individu anophtalme compense sa cécité par de nouveaux organes
pendant que celui resté oculé est « retenu » dans la limite de la clarté
comme dans l’expérience sur les Drosophiles du chapitre suivant réalisé
uniquement sur le caractère « aptérisme ». La compétition ne se fait
donc pas directement entre les formes oculées et anophtalmes mais
entre celles restées oculées et celles ayant développé des organes
compensatoires. Ces derniers devenant les optimums à court ou à longs
termes. L'optimum est donc l'espèce anophtalme ayant développé des
organes compensatoires.
L’adaptation dans son sens actif et évolutif correspond à un changement
permettant à une population ou à un individu, de vivre dans un milieu
où cela ne leur était pas possible auparavant. De ce fait, les espèces
anophtalmes que l’on qualifiait, par ce caractère exceptionnel,
d’adaptées à l’obscurité, ne répondent pas à cette définition. Ici
l’anophtalmie ne permet pas à l’insecte de vivre mieux dans son
milieu ; seuls ses organes compensatoires le font. Qu'elles supportent
l'un ou l'autre des deux types (anophtalme ou oculé), ces espèces ne
rentreront pas en compétition en absence stricte de lumière. Elles ne
seront donc pas directement sélectionnées. Un équilibre se créait ainsi
où la sélection naturelle n'intervient pas avant l’apparition des organes
compensatoires. Le milieu strictement obscur neutralise la sélection sur
le sens de la vue. L'image actuelle que l'on a de l'adaptation est donc
fausse dans le cas d'un tel type de milieu. Le fait d'interpréter la
régression progressive des yeux comme étant liée à une adaptation
directe des individus à leur milieu obscur semble donc obsolète. Ici le
contexte anophtalmie / obscurité est trompeur.
Le terme : « degré avancé d'évolution souterraine », largement utilisé
par Jeannel et bien d'autres auteurs pour qualifier les anophtalmes,
devient de ce fait inutilisable pour ce caractère sorti du contexte
anophtalmie / organes compensatoires. En résumé, nous pouvons dire
que dans un environnement strictement obscur, où les individus d'une
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NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I 23
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même espèce ne rentrent pas en compétition, bien que certains de leurs


caractères passent par des « opposés » (oculés / anophtalmes), ils
transmettent majoritairement la forme déprimée de leurs caractères.
Car, qu'elle qu'en soit la forme, ils restent d’une valeur sélective neutre
dans ce milieu. Ils sont ainsi ni sélectionnés ni adaptés jusqu'au moment
où ils développent des organes compensatoires. Ainsi fait, ils
augmentent leur compétitivité par rapport à ceux ne possédant pas ces
organes. L'obscurité n’induit pas d'optimums pour les yeux.
Anophtalmes ou oculés, peu importe, ils ont chacun une valeur
sélective égale. Seulement, les oculés seront, par ce caractère, retenus
dans le domaine épigé, créant ainsi une séparation en deux types de
populations. Les épigés, resteront à l’extérieur (ex : Trechinae oculés
des Alpes de Transylvanie ou d’Asie) ou s’éteindront. Les anophtalmes
transmettront leur cécité sous terre grâce à l'apparition d'organes
compensatoires qui favoriseront leur sélection.
Finalement, le milieu strictement obscur, ne contribue pas seulement au
résultat de non-compétition intraspécifique pour l’anophtalmie, il est le
régisseur du phénomène observé. Ainsi, ces espèces ne devraient pas
être considérées comme adaptées au milieu hypogé parce qu’elles sont
anophtalmes, mais seulement parce qu’elles ont développé des organes
compensatoires. Une sélection directe paraît de ce fait comme virtuelle.
Ceci expliquera la difficulté que nous rencontrons pour utiliser ces
caractères en Taxonomie. A l’opposé, nous constatons que la haute
valeur de la chétotaxie dans le positionnement des Trechinae,
s’explique par le fait que les fouets de la série ombiliquée sont eux,
réellement sélectionnés. Ils font certainement partie des organes
compensatoires. Ces études nous amènent à penser que la valeur
taxonomique d’un caractère semble dépendre de la nature de sa
sélection. Dans la nature, la sélection naturelle ne suit pas un sens
déterminé. Elle est constamment redirigée selon les facteurs physico-
chimiques du milieu, ce qui lui donne un aspect désordonné. Ainsi, son
mécanisme reste toujours le même mais le hasard des circonstances agit
sur les caractères dans des sens différents.

LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E


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Figure 2 – 1. Yeux de Drosophile après une duplication « Bar ». 2. Après réversion


« Bar-Ultrabar ». 3. Après mutation Eyeless, le gène contrôlant toute la chaîne
d'événement nécessaire au développement de l’œil (d'après photo de W. J. Gehring). 4.
Régression oculaire chez le genre Duvalius Delarouzée. La ressemblance et remarquable.
L'orientation de l’œil bridé nous renseigne sur le redressement de la tête au court de
l'évolution (prognathe).

Le schéma, dans son ensemble, montre ainsi des directions diverses et


variées et bien souvent difficiles à comprendre. La pratique de la
sélection artificielle, qui existait bien avant Darwin et qui l’inspira dans
sa théorie, donne à l’homme le pouvoir de diriger, de sélectionner lui-
même les reproducteurs les plus performants. Le mécanisme ne change
guère dans notre cas.

L’inféodation au milieu souterrain, pour aboutir à l’anophtalmie,


semble opérer de même. Les liaisons intimes qui existent entre le sens
de la vue et l’obscurité, forcent la sélection à ignorer ces caractères.
Nous retrouvons donc une sélection forcée sur les organes
compensatoires. Elle n’est donc pas « classiquement naturelle » et
progressive sur le sens de la vue.

Ainsi, si les espèces hypogées et endogées ont survécu aux


bouleversements climatiques, c’est peut-être que leur inféodation n’a
pas été ce qui semble une barrière infranchissable. Il semble, bien au
contraire, qu’il s’agisse bien là d’une sélection forcée, accélérée et
dirigée dans ce remarquable milieu.

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Figure 3 – Partie du chromosome de Drosophila melanogaster. - 1., Etat normal. - 2.,


duplication « Bar ».

Le caractère « aptérisme ».

Le schéma évolutif concernant l’aptérisme des coléoptères cavernicoles


ressemble beaucoup à celui de l’anophtalmie. Comme lui, il y a
« régression » du caractère par des mutations diverses. Nous retiendrons
dans ce cas la 2ème cause du chapitre précédent seule entraînant une
modification simultanée des deux caractères dans les mêmes
circonstances et dans les mêmes limites.

Ici l’environnement strictement obscur, qui neutralisait la sélection sur


l’anophtalmie, est remplacé par l’environnement restreint pour
l’aptérisme. Ainsi, nous pouvons dire, comme pour le caractère
d’anophtalmie, que dans un environnement exceptionnellement réduit,
où les individus d’une même espèce ne rentrent pas en compétition bien
que certains de leurs caractères passent par des opposés (ailés / aptères),
ils transmettent majoritairement la forme déprimée de leur caractère,
car qu’elle qu’en soit la forme, ils restent d’une valeur sélective neutre
dans ce milieu.

Le changement qui a son importance, est qu’il n’y a pas ici d’organes
compensatoires qui vont augmenter la compétitivité au sein de la
population. Le mécanisme est plus simple, plus direct, plus rapide et

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totalement automatique, comme dans l’expérience bien connue que


nous allons reprendre ci-dessous.

En 1937, L'Héritier, Neefs & Teissier publient une expérience


particulièrement originale et aujourd’hui très connue : il s'agit de
confronter une hypothèse émise par Darwin, dans l'Origine des
Espèces, à la réalité de l'expérience.

Ce dernier propose comme explication possible à la présence d'insectes


aptères sur les différentes îles, le fait que ces derniers, incapables de
voler, ne sont pas emportés par le vent contrairement aux insectes doués
pour le vol. L'expérience consiste donc à exposer une population mixte
de Drosophiles à cet élément naturel.

La population comprend des individus normaux (ailés) et des individus


portant le caractère vestigial (qui se manifeste par une atrophie des
ailes, ces individus sont alors incapables de voler).

« Dans cette expérience la population dispose d'une nourriture


nécessaire et suffisante pour son développement (la concurrence pour
l'aliment est donc supprimée) et, seul le vent peut jouer le rôle de
facteur sélectif. La proportion des mouches vestigiales progresse alors
rapidement. Si l'éclosion des premiers imagos rétablit un équilibre en
faveur des mouches ailés, on assiste ensuite à une évolution de la
population similaire à celle constatée précédemment ; les mouches
aptères deviennent progressivement majoritaires (on compte 67 % de
celles-ci au 38ème jour) ».

Une contre-épreuve de l'expérience principale (1937) est également


présentée : la même population est alors placée dans des conditions
d'élevage différente.

En fait, l'influence sélective du vent est supprimée.

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NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I 27
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Figure 4 – Types d’ailes chez les Trechinae. – 1., Type macroptère : Trechus
quadristriatus Schrank. – 2., Type brachyptère réduit : Trechus obtusus Er. – 3., Type
brachyptère : Trechus rufulus Dej. – 4., Vestige alaire (moignon) : Aphaenops cerberus
Dieck. – 5., Type brachyptère : Paratrechus (s. str.) tepoztlanensis Bolivar ; tcr., tronc
costo-radial.

On assiste alors à une évolution inverse et les mouches aptères ne


représentent plus que 32 % après 15 jours dans ces nouvelles
conditions. Les trois auteurs peuvent ainsi terminer leur
communication.

« Il nous semble légitime de conclure des faits que nous venons de


rapporter que l'hypothèse de Darwin est entièrement justifiée par
l'expérience. La sélection naturelle n'a pas nécessairement, comme on le
croit en général à l'heure actuelle, un rôle conservateur. Si le plus
souvent elle se borne à supprimer les faibles et les anormaux et
maintient ainsi la stabilité de l'espèce, elle peut également favoriser
certaines anomalies que des circonstances particulières rendent
avantageuses. L'aptérisme des insectes que leur habitat expose au vent
marin est une infirmité utile et l'on conçoit que, si le hasard des
mutations l'a fait apparaître dans certaines espèces, le jeu de la sélection
l'y ait maintenue. » L'Héritier, Neefs & Teissier (1937). Il suffit donc
que les caractères en question soient non indispensables dans leur
milieu (car sinon il y aurait eu extinction de l'espèce) et majoritaires par
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suppression de la compétition intraspécifique. C'est ainsi que le


remplacement d'une souche sauvage de Drosophile par une souche
mutante, peut conduire à l'élimination d'une forme ailée au profit d'une
autre aptère.

Chez les Trechinae qui nous intéressent, un équilibre se créait dans


leurs biotopes restreints où les nombreux facteurs externes ne jouent
plus. Les mutations diverses sur les ailes, induisent des formes
régressives à divers degrés (macroptères, brachyptères, aptères, Fig. 4),
viables et reproductibles. L'équilibre se créait seulement dans ces
micro-espaces en absence de compétition entre individus.

Il s’agit bien ici du même mécanisme que pour l’anophtalmie ou du


moins en partie. Il y a non compétition intraspécifique et l’équilibre est
toujours respecté. Seulement, la sélection n’agit pas ici sur d’éventuels
organes compensatoires. Elle se fait directement sur les individus
comme dans l’expérience sur les Drosophiles aptères. Les ailés,
macroptères ou brachyptères, sont « retenus » dans le domaine ouvert
pendant que les aptères, s’inféodent, poussés par la pression sélective
d’autres caractères déjà acquis.

En général, nous pouvons encore observer dans la nature des espèces


chez les Trechinae, ailés et à peine endogés et tous les intermédiaires
comme le Trechus quadristriatus qui est macroptère et jamais
cavernicole, des espèces brachyptères à ailes réduites au tronc costo-
radial qui sont endogées et les espèces aptères qui vivent dans le milieu
du sol superficiel, dans les entrées ou à l’intérieur des grottes.

Chez les espèces anophtalmes, les variations de la taille des yeux sont
peu perceptibles au sein d’une même espèce. Chez les espèces aptères,
les variations du degré de disparition des ailes peuvent se rencontrer
encore fréquemment, par exemple chez le Trechus obtusus, le genre
Trechiotes Jeannel, exceptionnellement chez le genre Duvalius
Delarouzée (Duvalius hetschkoi Reitter, 1911) et quelques autres
représentants des Trechinae. Cet indice nous indique qu’il sera encore
moins probable d’utiliser le caractère d’aptérisme dans les
classifications, même pas au niveau des différenciations spécifiques.

LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E


NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I 29
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L’absence de sélection « classique » sur le caractère de l’aptérisme,


nous confirme, comme nous l’avions vu plus haut pour l’anophtalmie
(mais ici plus sévèrement encore), que la valeur taxonomique des
caractères dépend bien de la nature de leur sélection.

Milieux Caractères
Terrestre / Aquatique Poumons / Branchies

Antigel des Tardigrades / Regulation de la


Froid / Chaud
température

Réduction racinaire (plantes épiphytes) /


Humide / Sec
Compensation aérienne (cactus)

Tableau I – Dans ce tableau, l’absence ou la présence de certains organes n’est pas


indifférente dans leurs milieux respectifs.

Contrairement à nos constatations, à savoir : « qu’ils aient des yeux ou


pas, ne permet pas aux Trechinae hypogées de vivre mieux dans un
milieu privé de lumière », l’absence ou la présence de certains organes,
n’est pas indifférente dans tous les milieux extrèmes (Cf. Tableau I.).

Ces exemples non exhaustifs qui s’avèrent à première vue proches, par
leur image superficielle, sont pourtant profondément éloignés de notre
théorie par la différence flagrante de leur mécanisme.

Nous pouvons donc dire qu’il existe, à notre connaissance, qu’un seul
intervenant composé de facteurs écologiques principaux que nous avons
nommé « Milieu Intimiste Inhibiteur » (Engl. Intimists Inhibitors
Biotops).

Il s’agit seulement de biocénoses interstitielles strictement obscures et


restreintes. Elles ne doivent pas être confondues avec les milieux
cavernicoles qui restent, à notre sens, des milieux essentiellement
« refuges » et probablement d’occupation plus récente.

LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E


30 NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I
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Les fouets du groupe huméral : pour servir en taxonomie.

Que les stries soient présentes ou oblitérées, il apparaît toujours, après


avoir étudié plusieurs centaines de spécimens chez les Trechinae, que le
groupe huméral de la série ombiliquée appartient bien, comme l’a dit
Jeannel (1925), au 9ème interstrie. Il est accolé sur l’extérieur de la 8ème
strie avec le premier fouet toujours accolé à la 7ème strie. C’est ce
dernier qui migre le plus chez les espèces physogastres, toujours le long
de cette 7ème strie, souvent imaginaire chez les espèces très évoluées
(Fig. 5). Par contre, contrairement aux affirmations de Jeannel (1925),
nous pensons que l’évolution de cet organe, n’a pas été suivi à rebours.
« Ce n’est pas, dit Jeannel, la série ombiliquée régulière d’un Trechus
qui est primitive, mais celle de l’Aphaenops ! Il ne s’agit pas du tout
d’une désagrégation évolutive de la série ombiliquée, mais au contraire
de la formation d’une série ombiliquée régulière, par agrégation
marginale des soies primitives disséminées sur le disque de l’élytre »
Jeannel, 1925.

Figure 5 – Migration du 1er fouet sur l’élytre de diverses espèces de Trechinae. 1.,
Duvalius. Tous les fouets sont bien agrégés. – 2., Anophthalmus. Le 1er et le 4ème fouet
commencent à s’écarter de la gouttière marginale. - 3., Aphaenops, migration de type
aphaenopsienne. La physogastrie et l’effacement des épaules entraîne la migration des
fouets 1 et 4 sur deux axes, le long d’une 7ème strie ou 8ème strie imaginaire. – x., côte
d’éloignement de la 8ème strie.

LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E


NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I 31
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Il pensait que l’évolution de ces organes avait été comprise dans un


sens inverse à celui de Ganglbauer (1904), car le 2ème fouet reste
toujours fixe, sensiblement en bordure de la gouttière marginale (Fig.
5). Il ne migre jamais. Il devait donc avoir, pour lui, cette place dans le
passé et au cours de l’agrégation. Le pore (base du fouet) ne pouvait
donc aller plus loin que la gouttière marginale. A notre sens, lors de
l’évolution vers la physogastrie, les déformations des stries s’articulent
toujours sur ce 2ème pore, de sorte qu’il est simplement le centre de
rotation des 7ème et 8ème stries (celles qui entraînent le déplacement des
autres fouets), ceci empêchant sa migration. De plus, Jeannel n’avait
étonnament pas pris connaissance de l’existence de certains fossiles de
Trechinae (semblables à des Trechus) datant de l’Oligocène moyen
(env. 35 Ma). Ils ont tous leur série ombiliquée bien agrégée.
L’évolution des « formes aphaenopsiennes » est beaucoup plus récente.
Ceci prouve simplement et efficacement que se sont bien ces derniers
les modifiés et que les migrations se sont bien déroulées dans le sens de
Ganglbauer (1904), à savoir, d’une agrégation archaïque vers une
désagrégation. L’étude de l’innervation élytrale ne montre aucun
élément qui pourrait contredire les faits. L’innervation du 2ème fouet est
absolument identique à celle du 3ème, tous deux liaisonnés simplement
au nerf médian et rien dans le cheminement de ces nerfs, laisse penser à
une désagrégation archaïque. Le fait que l’on considère maintenant
l’état agrégé des fouets de la série ombiliquée comme étant un caractère
ancestral, nous permettra de construire des arbres totalement différents
des groupements qu’auraient pu imaginer les auteurs précédents. Chez
l’ensemble des insectes adéphaga, seul les espèces sténhygrobies
physogastres possèdent une série ombiliquée complètement désagrégée.
La migration de ces fouets vers l’intérieur de l’élytre semble donc
dépendre de cette physogastrie vers laquelle évoluent certaines espèces.
Tantôt flagrantes, tantôt subtiles, les positions de ces fouets paraissent
être des caractères plésiomorphes quand ils sont de type agrégé. Ils
peuvent définir ainsi des ancêtres communs selon leurs types
d’implantations. Ces fouets et leurs types d’implantations, ont une
haute valeur taxonomique au niveau de la classification des séries
phylétiques, des genres et des sous-genres. Quant à l’écartement des
fouets, il ne semble pas dépendre de la physogastrie mais
indépendamment d’une autre nature biologique car il existe de grands
écartements sur les espèces peu ou non physogastres. La combinaison
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32 NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I
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de leur migration et de leur écartement donne tous les stades évolutifs,


de l’agrégation complète primitive chez les genres Duvalius, Trechus,
Apoduvalius, Thalassoduvalius, Duvaliomimus etc. à fouets espacés
plus ou moins régulièrement, vers un écartement important chez les
espèces aphaenopsiennes et phasmoïdes : Aphaenops, Sinaphaenops,
Guizhaphaenops, Giraffaphaenops etc. surtout le 4ème fouet (Fig. 6). La
désagrégation due à la physogastrie s’observe donc chez les espèces
dites « évoluées » c’est à dire, dans notre cas, bien adaptées au milieu
souterrain humide, et par conséquent étroitement liée au type de
respiration sténhygrobie.

Figure 6 – Ecartement des fouets selon le degré d’effacement des épaules. a est variable
et b est généralement plus constant. 1., Aphaenops bucephalus Dieck. – 2., Aphaenops
leschnaulti Bonv. ou Aphaenops jeanneli Ab. – 3., Aphaenops crypticola Lind. – 4.,
Aphaenops minos Lind. – 5., Aphaenops chaudoiri Bris. – 6., Pseudanophthalmus
menetriesi Motsch. x., est le point de référence pour l’épaule.

L’espacement des fouets est lui indépendant de cette évolution mais est
seulement dû à un autre phénomène, de sorte que l’évolution générale
de la série ombiliquée s’est déroulée parallèlement sur deux axes.
L’effacement des épaules semble être un caractère expliquant ces
dernières variations. Dans la majorité des cas et comme le montre la
figure 6, la côte « a », qui donne l’effacement des épales, est variable.
La côte « b » est, elle, généralement beaucoup plus constante de sorte
que le point de référence « x » pour l’épaule, s’éloigne de la base de
LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E
NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I 33
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l’élytre lors de l’effacement de l’épaule, entraînant les quatre fouets du


groupe huméral. Ils s’éloignent ensemble de la base de l’élytre avec des
décalages divers qui donnent les espacements irréguliers, mais
seulement entre les limites de la côte « b ». Compris de telle sorte, nous
pouvons dire que l’Aphaenops a plus évolué au niveau respiratoire que
le Sardaphaenops qui, lui, a une série ombiliquée beaucoup plus
agrégée. Nous pouvons constater également qu’un insecte à série
ombiliquée désagrégée descend d’un ancêtre à série ombiliquée plus
agrégée et qu’un autre à fouet écarté descend d’un ancêtre à fouets plus
rapprochés. Nous comprendrons ainsi l’intérêt de considérer ces
migrations de telle sorte dans les études phylogéniques dles Trechinae.

Figure 7 – Chétotaxie du disque de l’élytre. – 1., Aphaenops cabidochei Coiffait. – 2.,


Hydraphaenops vasconicus Jeannel. – 3., Aphaenops loubensi Jeannel. – 4., Aphaenops
eskualduna Coiffait. – 5., Giraffaphaenops clarkei Deuve. – 6., Dongodytes fowleri
Deuve. – 7., Duvalius leonhardi Reitt. De Jablanica, Herzégovine, avec l’implantation des
soies sur la 3ème et la 5ème strie.

LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E


34 NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I
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Chétotaxie du disque de l’élytre : soies discales.

La chétotaxie de l’élytre au niveau des soies discales, semble d’une


valeur beaucoup moins importante au niveau taxonomique que celle de
la série ombiliquée.

Figure 8 – Chétotaxie des Trechinae. Comparaison des fouets et des soies discales d’un
même individu. A gauche : premier fouet de la série ombiliquée du Duvalius brujasi
Deville des Alpes Maritimes (France). Long. : 1,30 mm. A droite : première soie discale
du même. Long. : 0,658 mm. Avec les détails de leur pore basal respectif.

Effectivement, leur nombre et leur position (3ème et 5ème interstries,


exceptionnellement d’autres) peut varier chez les espèces d’un même
genre déjà considéré comme bien établi (Fig. 7). Ceci confère à ce
caractère, une valeur taxonomique plus faible que ce que l’on pensait
LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E
NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I 35
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encore il y a quelques années. Ces macrochètes sont des soies évoluées,


assimilables à la structure de simples poils plus rigides et plus longs.
Jeannel disait que leur diamètre était en rapport avec leur longueur,
contrairement aux fouets qui restent régulièrement fins et tubulaires. Il
s’avère que ces derniers ne sont pas réguliés comme il le disait, mais
simplement moins coniques, plus longs et plus fins que les soies
discales ; donc certainement plus évolués que ces dernières par cette
évidente démesure (Fig. 8).

Ainsi les soies du disque de l’élytre, ne semblent pas être de même


nature que les fouets du groupe huméral. Il ne s’agirait pas là d’organes
compensatoires à valeur taxonomique importante, mais plutôt de poils
un peu plus évolués. Nous utiliserons le nombre et l’emplacement des
soies discales seulement pour le classement des sous-genres et des
lignées, au même niveau que la chétotaxie de la tête (nombre de soies
frontales) et que du degré d’oblitération des sillons frontaux que nous
verrons dans les paragraphes qui suivent.

Le groupe des soies apicales et strie récurrente.

Le «triangle apical» est en général bien constitué chez les Trechinae.


(Fig. 9). Il est formé de trois soies implantées sur le sommet de l’élytre,
dont l’une (soie apicale antérieure) est accolée à la crosse apicale de la
2ème strie côté 3ème strie. La seconde est plus en dehors (soie apicale
externe), dans la région fusionnée du 3ème et 5ème interstrie, accolée à
une petite strie bien particulière nommée « strie récurrente ». Cette
dernière peut être en prolongement de la 3ème à la 7ème strie. Elle forme
la carène apicale chez tous les Trechinae. Son stade d’évolution donne
une valeur taxonomique moyenne, utilisée surtout comme caractère
vérificateur dans l’étude des genres1. La 3ème soie est accolée au bord
apical, près de la marge (soie apicale interne ou soie marginale), au
bout de la crosse apicale formée par l’extrémité de la 2ème strie.

1
Une exception existe chez l’espèce Andinorites troglophilus Mateu & Belles, 1979, qui
est la seule de son genre à avoir la strie récurrente dirigée sur la 7ème strie au lieu de la
ème
5 . Il s’agit là certainement d’un cas tératologique ne rentrant pas dans une
interprétation valable en Taxonomie. Effectivement, le reste des caractères est tout à fait
conforme au genre Andinorites.
LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E
36 NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I
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Figure 9 – Groupe de soies apicales (triangle apical) et strie récurrente chez diverses
espèces de Trechinae. – 1., Thalassophilus longicornis St. – 2., Placomotrechus parilis
Pér. – 3., Trechus fulvus Dej. – 4., Dongodytes fowleri Deuve. – saa., soie apicale
antérieure. – sae., soie apicale externe. – sm., soie marginale (ou apicale interne). – ca.,
crosse apicale. – sr., strie récurrente.

Types d'organes sensoriels chez les Trechinae.

Lors d'une communication sur les traits évolutifs des coléoptères


Trechinae troglobies exposée au Colloque organisé en septembre 1978
sur l'évolution des « Verhalten der Carabiden », Juberthie avait présenté
les premières données sur l'évolution de l'équipement sensoriel des
antennes des Trechinae. Les résultats étaient basés sur l'étude d'un
certain nombre d'espèces appartenant à différents genres européens et
ce travail faisait suite à la description (Juberthie & Massoud, 1977) des
récepteurs sensoriels des antennes d'Aphaenops crypticola Linder,
choisi en tant qu'espèce représentative du type morphologique évolué.
Le trait majeur mis en évidence, est le développement de l'équipement
sensoriel antennaire chimiorécepteur en fonction du degré d'adaptation
à la vie souterraine des Trechinae. Ceci traduit une augmentation de la
sensibilité olfactive antennaire, et entraîne une plus grande efficacité
des Trechinae les plus « évolués » dans la conquête de leur nourriture.
Plus tard, Juberthie & Massoud (1980) ont étendu leurs recherches à un
nombre plus grand d'espèces et de groupes afin d'asseoir les conclusions

LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E


NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I 37
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sur des bases plus larges et surtout d'essayer de mettre en évidence, à


côté des tendances évolutives majeures, la variété des solutions
adoptées par les coléoptères souterrains (Juberthie & Massoud, Mém.
Biosp. 7, 1980) pour s’adapter à leur milieu. Les sensilles de l'apex du
dernier article antennaire dont la fonction gustative est évidente d'après
leur ultrastructure (présence de pore terminal notamment) possèdent un
neurone à morphologie spéciale dont le rôle reste à élucider. La
comparaison des résultats sur les sensilles des Trechinae avec ceux
publiés sur différents groupes d'insectes a permis à Juberthie &
Massoud de discuter sur la nature mécanoréceptrice ou
chimioréceptrice olfactive des sensilles. En revanche, la caractérisation
des thermorécepteurs reste en suspens chez les Trechinae, de même que
celle des hygrorécepteurs présumés.

Figure 10 – A. Sensille trichoïde (sensilla trichoidea), mécanorécepteur. De. Dendrite. S.


Soie. Ep. Epicuticule. Ex. Exocuticule. En. Endocuticule. Ce. Cellules épidermiques. Ct.
Cuticule. Mb. Membrane basale. Ctr. Cellule tricogène. Cto. Cellule tormogène. Oe.
Oenocyte. Tr. Trachéoles. – B. Schéma de principe d’un organe sensoriel (ici, un
mécanorécepteur trichoïde). Ex. Exocuticule. De. Dendrite. Nb. Neurone bipolaire. Ax.
Axone. – C. Sensille trichoïde (sensilla trichoidea chaetica), chimiorécepteur (plusieurs
cellules sensorielles). Ex. Exocuticule. P. Pore. De. Dendrite. Ctr. Cellules tricogènes.
Nb. Neurone bipolaire. Ax. Axone. – D. Différents types de sensilles trichoïdes (sensilla
trichoidea), chimiorécepteurs. – E. Sensille trichoïde (sensilla trichoidea),
mécanorécepteur (un seul neurone bipolaire, sans cellules tricogènes). Ex. Exocuticule. P.
Pore. De. Dendrite. Nb. Neurone bipolaire. De. Dendrite. Ax. Axone. – F. Différents
types de sensilles trichoïdes (sensilla trichoidea), mécanorécepteurs.

LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E


38 NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I
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Les organes sensoriels chez les Trechinae, peuvent être superficiels (en
relation avec la cuticule) ou profonds. Ils sont de deux types. Les
organes sensoriels superficiels comme les sensilles avec neurones de
type I bipolaires et les organes sensoriels profonds comme les organes
scolopaux ou scolopidaux avec neurones de type I ou II multipolaires.

Les récepteurs sensoriels superficiels ou sensilles sont creux et en


rapport avec un neurone bipolaire dont le récepteur dendritique reçoit le
stimulus. Donc le fonctionnement de ces sensilles est semblable au
fonctionnement des neurones sensoriels périphériques des vertébrés
(sauf que ces derniers ont l'extrémité périphérique de ce dendrite
spécialisée : cônes, bâtonnets, cellules ciliées).

Les neurones multipolaires (type II) ont essentiellement des fonctions


musculaires et conjonctives comme les mécanorécepteurs ou récepteurs
de tension.

On distinguera deux types fonctionnels. Ce sont d’une part, les sensilles


chimiorécepteurs (= Chémorécepteurs de Juberthie & Massoud, Mem.
Biosp. 7, 1980) comme le toucher, l’olfaction et le goût. Ils sont surtout
abondants au niveau des antennes, pièces buccales, pattes, pièces
génitales, styles (paramères) de l’édéage ; d’autre part, les sensilles
mécanorécepteurs trichoïdes (Fig. 10-B) qui sont des soies articulées.
Ils sont partout mais surtout sur la tête, les élytres et le pronotum
(sensibles aux déplacements d’air). Les soies des cerques ou des styles
(paramères) de l’édéage sont sensibles au renseignement de la position
de l'abdomen pendant l'accouplement et la ponte pour les premiers et
ont certainement un rôle de sélection sexuelle pour les seconds. Les
soies trichoïdes du cou sont rares chez les Trechinae aptères car
généralement en rapport avec le maintien de la position horizontale en
vol.

Les Sensilla trichoidea ou sensilles trichoïdes (Fig. 10-A) sont de deux


types. Les mécanorécepteurs composés d’une seule cellule sensorielle
(soies discales, fouets huméraux), donc innervant des soies assez
longues et les chimiorécepteurs, plus petits, composés de plusieurs
cellules sensorielles (chaetica, Fig. 10-C). Les sensilles trichoïdes de
petite taille peuvent avoir une paroi épaisse avec un pore ou une paroi
LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E
NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I 39
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mince avec de nombreux pores (toute la surface est réceptrice ; parfois


couronne de pores à la base de la soie avec un dendrite pour chaque
pore). Chez les insectes, nous pouvons voir jusqu'à 2000 surfaces
réceptrices sur un sensille. Ils sont donc de nombreuses variétés :
sensilles poreux, non poreux, multiporeux, à parois minces ou épaisses.
Chez les Trechinae, ces sensilles sont en outre implantés sur la face
dorsale et ventrale des antennes, autour de la plage des sensilles
basiconiques.

Figure 11 – A. Sensille basiconique (sensilla basiconica), chimiorécepteur. Cs. Cône


sensoriel. De. Dendrites. Nb. Neurones bipolaires. Ctr. Cellules tricogènes. Ax. Axones.
Ex. Exocuticule. – B. Sensille campaniforme (sensilla campaniformia), mécanorécepteur
et certainement thermorécepteur ou chimiorécepteur. Cu. Cupule. De. Dendrite. Nb.
Neurone bipolaire. Cto. Cellule tormogène. Ax. Axone. Ex. Exocuticule. – C. Sensilla
coeloconica (variante de basiconica), chimiorécepteur. Zone de surface. Ex. Exocuticule.
De. Dendrite. – D. Sensilla placodea (variante de basiconica), chimiorécepteur. Zone de
surface. Ex. Exocuticule. De. Dendrite.

Les Sensilla basiconica et ses variantes Sensilla coeloconica


(=dentatum, Juberthie & Massoud, 1980), placodea, styloconica et
subinflata (Juberthie & Massoud, 1980) (Fig. 11) sont surtout des
chimiorécepteurs. Ils sont cylindriques, procurvés, émoussés à leur
extrémité, à paroi mince et percée de pores disposés en deux plages,
l'une face dorsale des antennes et l'autre face ventrale. Il s'agit là du
type classique de sensilles décrits chez la majorité des insectes. Les
subasiconica et subinflata présentent un élargissement de leur diamètre

LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E


40 NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I
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à la base. Le 8ème article des antennes en porte en moyenne une


vingtaine chez le genre Trechus.

Sur les antennes des Trechinae, elles occupent une plage ventrale
externe au sein des sensilles basiconiques typiques. Cette plage existe
chez tous les Trechinae, mais elle peut porter des récepteurs un peu
différents, dérivés le plus souvent du type basiconique.

Les Sensilla campaniformia (Fig. 11-B) sont des sensilles


campaniformes. Ils s’agit là surtout de mécanorécepteurs ou
thermorécepteurs. Ils sont très fréquents chez les insectes. Ils peuvent
être en forme de cupule fermée, enfoncés dans la cuticule ou avec la
surface externe en petit dôme. Chez les Trechinae, ils sont très courts.
Ils peuvent être situés sur la face ventrale des antennes en position
subapicale, en une plage ventrale externe (sensilles procurvés à paroi
mince, percée de pores) ; mais également dans le tiers basal, face
dorso-interne, visible en microscopie photonique sous la forme d'une
cavité circulaire, sous-cuticulaire, sur les antennes quelquefois en
couronne subapicale au nombre de 5 à 10.

Quelquefois, les sensilles basiconiques sont élargis en spatule. Ces


derniers occupent alors le centre de la plage ventrale externe des
antennes là ou sont implantés les basiconiques typiques.

Les Sensilles ampullacea sont des chimiorécepteurs. Ils sont disposés le


long des génératrices, à large ouverture cuticulaire et longue tigelle
sensorielle implantée au fond d'une cavité cuticulaire en forme
d'ampoule. Le 8ème article des antennes en porte 1 ou 2. L'ouverture
externe de la cavité est très petite et la tigelle est courte. Au total, une
vingtaine est présente sur l'ensemble de l'antenne d’un Trechinae.

Les Sensilles dentées, sont également des chimiorécepteurs. Ils sont en


forme de disque concave inséré dans une cavité circulaire dont le bord
postérieur se transforme en pointe triangulaire émettant en son centre
une crête longitudinale triangulaire dissymétrique et procurvée. Ils sont
localisés aux endroits où sont implantés chez les Aphaenops les
chimiorécepteurs olfactifs les plus modifiés.

LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E


NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I 41
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Ceci pourrait leur attribuer un rôle olfactif mais leur fonction n'est pas
vraiment reconnue. Ils possèdent 3 neurones dont 1 neurone particulier
(Tichane-Corbière, 1978). Juberthie & Massoud supposent un rôle de
thermorécepteur de deux des 3 neurones. Par analogie ces organes
pourraient être des organes mixtes olfactifs et thermorécepteurs
(Juberthie & Massoud, 1980).

Les poils diverssement répartis sur tous les téguments des Trechinae,
sont des mécanorécepteurs de petite taille, implantés sans trop de
régularité, à l'exception d'une série de très courtes soies souvent
disposées en une couronne apicale sur certains articles des antennes
(Juberthie & Massoud, 1980) et de certains poils implantés sur les
palpes et le reste du corps. Les organes scolopodaux ou scolopides ou
organes chordotonaux sont surtout des mécanorécepteurs internes dans
les pattes, non liés à des différenciations cuticulaires (tendus entre deux
points de la paroi). Clou scolopal attaché sur la partie souple de la
cuticule. On parle d'organes chordotonaux quand il y a des faisceaux de
scolopies.

On en distingue quatre types : fémoraux, tibio-distaux, prétarsaux (rôle


dans le renseignement des mouvements des articulations), subgénuaux
(ou organe subgénual distal du tibia). L’organe de Johnston de l'antenne
dans le 2ème article antennaire (clous scolopaux insérés entre le 2ème et
3ème segment) est lié aux fonctions du vol chez les insectes et manque
chez les Trechinae.

Le nombre total des chimiorécepteurs antennaires, chez les Trechinae


endogés, varie environs de 300 à 600 sauf exceptions. Les différents
types d'organes sensoriels apparaissent en nombre progressif du scape
au sommet de l'antenne.

Chez les Trechinae du type aphaenopsiens (syn. aphaenopsoïdes), le


nombre total des chimiorécepteurs antennaires est voisin de 1500. Il est
légèrement supérieur chez la femelle. Ainsi, les espèces souterraines les
plus évoluées (types aphaenopsiens ou phasmoïdes), ont un équipement
sensoriel qui semble dériver de l'équipement de base des endogés.

LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E


42 NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I
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La spécialisation des sensilles basiconiques chimiorécepteurs,


l’augmentation de leur surface réceptrice, l'augmentation du nombre de
ces sensilles, l'augmentation du diamètre de l'ouverture, de la
profondeur et de la longueur de la tigelle réceptrice des sensilla
ampullacea, le prouve (Juberthie & Massoud, 1980).

Eléments buccaux et céphaliques.

La tête des Trechinae (comme tous les Carabiques) est insérée dans
l’axe du prothorax (prognathe). Chez ceux peu évolués, elle est robuste
et arrondie. Chez les formes aphaenopsiennes, elle s’allonge pour
arriver au stade subparallèle puis subcônique comme chez les formes
phasmoïdes (Dongodytes Deuve, Giraffaphaenops Deuve) (Fig. 12).

Figure 12 – Spécialisation et évolution de la tête chez les Trechinae. – 1., Duvalius


Delarouzée. – 2., Italaphaenops Ghidini. – 3., Minimaphaenops Deuve. – 4.,
Guizhaphaenops Vigna Taglianti. – 5., Dongodytes Deuve. – 6., Giraffaphaenops Deuve.

LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E


NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I 43
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Trois grands sclérites constituent le crâne : l’épicrâne, l’épistome et le


basilaire (Fig. 13). Ils sont soudés ensemble et renferment les muscles
intrinsèques de la tête et le tentorium.

L’épicrâne (disque notal du crâne) est divisé en deux régions impaires


et deux régions paires qui seront détaillés plus loin. L’épistome est
trapézoïdal. Sa base (plus grand côté) est soudée à l’aire pharyngienne
et son petit côté porte le labre. Les sclérites suivants présentent
plusieurs régions délimitées par des sillons ou sutures diverses (sillons
frontaux) qui sont les marques d’insertion des crêtes internes du
tentorium. Leur morphologie et leur chétotaxie seront utilisées dans
notre monographie pour la classification des sous-genres.

L’aire pharyngienne est une aire impaire. Elle représente l’extrémité


dorsale de la tête formée par l’épistome et, plus en arrière, l’aire
comprise entre les deux sillons frontaux, sensiblement jusqu’à une ligne
imaginaire passant par les deux soies frontales antérieures.

Figure 13 – 1., Sclérites cranniens face notale. – 2., face sternale. – 3., face sternale chez
Thaumastaphaenops plucherrimus Magrini, Vanni & Zanon1. – c., cou. – epc., épicrâne.
– eps., épistome. – tp., trait préoculaire. – aa., aires antennaires. – am., aires
mandibulaires. – ace., aire cérébrale. – ac., aires collaires. – sfa., soie frontale antérieure.
– sfp., soie frontale postérieure. – g., gula. – pb., prébasilaire. – lb., labium. – lbr., labre.
– slbr., soies du labre.

1
Nous verrons dans les tomes concernant la révisions des Trechini, que
Thaumastaphaenops n’est pas synonyme de Sinaphaenops.
LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E
44 NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I
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L’aire cérébrale est immédiatement en arrière de l’aire pharyngienne,


entre les sillons frontaux. Il s’agit également d’une aire impaire.

L’aire antennaire se trouve en avant du trait préoculaire. La soie


frontale antérieure est implantée sur cette aire.

Les aires mandibulaires, au nombre de deux, sont représentées par la


région des joues jusqu’en arrière des aires antennaires, au niveau tergal,
et se rejoignent aux aires collaires au niveau sternal. La frontière est
donnée par le trait préoculaire. Cette aire forme, dans sa partie notale
postérieure, le prolongement des sillons frontaux vers le cou. Les soies
frontales postérieures sont en général, implantées à proximité de ces
sillons. Ces derniers s’effacent lorsque le régime alimentaire change ;
car la masse musculo-mandibulaire qui rempli les joues, diminue avec
les crêtes tentoriales (les sillons frontaux étant les projections de ces
crêtes) selon le cas. L’éffacement total des sillons frontaux peuvent
s’observer chez les formes aphaenopsiennes et à l’extrème, chez le
genre Giraffaphaenops Deuve, 2002 de Chine, Guangxi nord-occidental
(Fig. 12-6).

Nous allons maintenant l’étude des mandibules. Elles peuvent être de


plusieurs types chez les deux sous-familles des Trechinae et
Trechodinae que nous détaillerons ci-dessous et qui donnent des
valeurs taxonomiques importantes. Nous ne conserverons pas toute la
terminologie de Jeannel et des auteurs qui l’ont suivi car les tridentatae
et les bidentatae ne seront plus considérés ici ni de la même manière ni
au même niveau. Aujourd’hui, nous utiliserons entre autre ces
caractères afin de constituer les tribus ; mais encore faut-il correctement
les interpréter. Hélas, encore trop d’auteurs considèrent l’aspect des
mandibules différemment1, mais comme nous pouvons le voir (Fig. 14),
il existe en réalité 3 grands types de mandibule droite. Contrairement à
ce que l’on peut constater en étudiant des unités spécifiques, la structure
de la mandibule gauche n’apparaît que peu constante dans les études de
1
Certains auteurs peuvent donner une plus grande importance à la mandibule gauche qu’à
la droite ou vice-versa ; ils peuvent interpréter leurs caractères d’après des observations
faites tantôt ventralement et tantôt dorsalement (voir leurs dessins), qui engendre bien sur
des erreurs et des confusions.
LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E
NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I 45
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masse. Nous préciserons enfin que toutes nos études ont été réalisées
d’après des interprétations en trois dimensions de ces appendices. Nous
avons considéré à chaque fois la vue dorsale et celle ventrale afin de
définir les types en appréciant correctement tous leurs détails.

Chez l’ensemble des Trechinae et Trechodinae, nous trouverons un


type de mandibule droite à rétinacle et prémolaire, un autre à rétinacle
seul et un troisième à deux rétinacles (Fig. 14 et tableau).

Figure 14 – Les 3 types (schématisés) de mandibule droite. I., type à 1 rétinacle (1R) et 1
dent prémolaire (1P), donc de base bidentatae (Bb). II., type à 1 rétinacle seul (1R), donc
de base monodentatae (Bm). III., type à 2 rétinacles (2R), donc de base bidentatae (Bb).

Tableau des formules dentaires de la mandibule droite

Tribus Trechinae Trechodinae


Perileptini I 1R1P (Bb) /
Aepini I 1R1P (Bb) /
Homaloderini I 1R1P (Bb) /
Trechini II 1R (Bm) /
Trechodini / III 2R (Bb)
Plocamotrechini / I 1R1P (Bb)
Cnidini / I 1R1P (Bb)

Dans le 1er type (I), le rétinacle est assez variable et la prémolaire reste
relativement saillante, subconique ou subtriangulaire. Ce type est de
base bidentatae (Bb). Il impose le rapprochement de 5 tribus : les
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46 NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I
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Aepini, les Perileptini et les Homaloderini, pour les Trechinae, les


Plocamotrechini et les Cnidini pour les Trechodinae.

Figure 15 – Etats et formules des mandibules droites (D). Les mandibules gauches (G)
sont représentées ici à titre indicatif. R., rétinacle. a., axe de limite d’innervation du
rétinacle.

LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E


NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I 47
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Les Homaloderini (Homalodéroïdes de Uéno) ont toujours été difficiles


à séparer de la tribu des Trechini. Pourtant, interprété comme tel, l’état
de leur mandibule droite ne laisse pas de doute : ils sont de base
bidentatae vraie ! (veridicus nov.).

Figure 16 – Etats et formules des mandibules droites (D). Les mandibules gauches (G)
sont représentées ici à titre indicatif. R., rétinacle. P., prémolaire. a., axe de limite
d’innervation du/des rétinacles.

LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E


48 NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I
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Ils différent sensiblement des Trechini qui eux, ont cette mandibule
composée d’un rétinacle seul, quelquefois bifide ou trifide (bidentatae
ductilis nov.), sans dent prémolaire, donc de base monodentatae (Bm).
Ces derniers constituants le 2ème type (II) de mandibule droite (Fig. 14).

Le 3ème type (III) représente les Trechodinae Trechodini, qui possèdent


deux rétinacles, toujours à la mandibule droite (Fig. 14), donc de base
bidentatae (Bb).

Ainsi, 3 types de mandibule droite regroupent toutes les tribus,


constituant les Trechinae et les Trechodinae.

Les caractères de ces types impose que ces sous-familles se soient


divisées il y a fort longtemps et leur confère des valeurs archaïques
(Fig. 15 et 16).

Outre ces constatations, il faudra souligner que les Trechini


monodentatae ductilis nov., littéralement « malléables » possèdent une
dentition sur rétinacle qui n’est pas innervée (Fig. 17) et qui de ce fait
semble génétiquement moins « solide », donc plus facilement
« adaptable » aux divers régimes alimentaires disponibles et
quelquefois même imposés dans certains biotopes (ex. hypogés).

Aucun rapprochement ne semble envisageable dans une basse et


moyenne hiérarchie. Il faudra utiliser ces 3 états essentiellement comme
critères vérificateurs concernant l’appartenance des genres aux tribus.

Comme nous l’avons précisé plus haut, les états de la mandibule gauche
semblent beaucoup plus diversifiés.

Ils ne permettent pas, à notre avis, de les utiliser correctement en


taxonomie sans qu’il y ait inévitablement confusion lors des
regroupements zoologiques établis dans ces sous-familles.

Les soies frontales.

LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E


NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I 49
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Figure 17 – Mandibule droite d’un Trechinae Trechini monodentatae ductilis nov., base
monodentatae (formule : II 1R (Bm)), (Duvalius brujasi Deville, du sud de la France). –
Se1, Se2, Se3. Diverses vues de l’innervation du rétinacle. Les nerfs s’arrêtent toujours
avant les dents (coloration au Nitrate d’Argent). a., axe de limite d’innervation du
rétinacle (R).

Les deux principales soies frontales nous serviront en taxonomie, pour


la classification des sous-genres, ce caractère ne pouvant être utilisé au
niveau des divisions des genres.

Le sous-genre Trechopsis, par exemple, est séparé des autres car il ne


possède pas les deux soies frontales. Il arrive également, chez le sous-
genre Paraduvalius (et quelques autres) de rencontrer ce cas et ici dans
un même genre bien établi par d’autres caractères de valeur
taxonomique forte. Il apparaît donc des variations du nombre de soies
frontales de sorte qu’il est difficile de considérer ce caractère comme
fixe. En fait, il semble que ces deux macrochètes aient évoluées
séparément. Elles appartiennent chacune à une aire crânienne bien
différente (musculaire ou viscérale) et n’ont donc probablement pas les
mêmes fonctions.

LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E


50 NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I
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Les aires collaires forment le cou dans sa partie tergale et sternale. Les
aires droite et gauche étant limitées dorsalement par l’axe de symétrie
de la tête et ventralement par les sutures de la gula.

L’aire gulaire est impaire. Elle est représentée par la gula elle même et
le prébasilaire qui porte les macrochètes que nous avons mentionnées
plus haut. La gula peut être quelquefois réduite à un somite très étroit et
effilé chez les espèces très évolués comme chez Thaumastaphaenops
Magrini (Fig. 13-3).

Figure 17 – Détails types des pièces labiales chez les Trechinae. – l., languette. – lb.,
labium. – el., épilobes. – dm., dent médiane. – s., suture. – pb., prébasilaire. – spb., soies
prébasilaire. – 2., détail d’une dent médiane simple. – spl., soies des palpes labiaux. –
slb., soies du labium.

Le basilaire (Fig. 18) est ventral. La partie allongée et étroite qui part
du cou est nommée : gula. Son extrémité distante, le prébasilaire (syn.
submentum), porte le labium (sy. mentum). Il peut y être soudé ou non
selon les lignées, mais ce caractère ne peut être utilisé en taxonomie
hiérarchiquement au dessus de l’espèce, c’est à dire pour la
classification des sous-genres. Nous pouvons effectivement y observer
les deux types (soudés ou non). La base distale du prébasilaire (la
soudure au labium) possède une série de soies hérissées qui définissent
les série phylétiques. Ce caractère est relativement constant et peut être
commun à plusieurs genres (Duvalius, Trichaphaenops, Anophthalmus
= 6 soies au prébasilaire), (Fig. 18).

LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E


NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I 51
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Le labium (Fig. 18) est une pièce oblongue impaire, échancrée dans sa
partie antérieure, formant deux lobes (épilobes) avec une dent médiane
qui peut être simple ou bifide. Leur état semble être d’une valeur
taxonomique importante au niveau du classement des genres pour le
type d’épilobes et du classement des sous-genres pour le type de dent
médiane. Le labium est tantôt soudé par sa base au prébasilaire, tantôt
libre et articulé. Son état donne un des critères de séparation des lignées
car à l’intérieur d’un sous-genre bien établi, nous pouvons rencontrer
les deux types. La languette (Fig. 19) est une petite pièce impaire très
variable selon les genres. Elle porte en général deux macrochètes et une
série de petites soies latérales. Elle peut comprendre également des
lobes latéraux évolués (paraglosses) tantôt courts, larges, grêles,
allongés, droits ou arqués. Ces variations confèrent à l’état de la
languette, une haute valeur taxonomique dans la séparation des genres.

Figure 19 – Quatre types différents de languettes. – 1., Epaphiopsis (Epaphius) secalis


(Paykull, 1790) (Trechini). – 2., Italaphaenops dimaioi Ghidini (Trechini). – 3.,
Aphaenops cerberus Dieck. – 4., Perileptus areolatus Greutzer (Perileptini). – mc.,
macrochètes. – sl., soies latérales. – pg., Paraglosses. – dm., dent médiane.

LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E


52 NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I
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Les tarses antérieurs des mâles.

Les Trechinae, comme l’ensemble des Caraboidae, ont leurs tarses


pentamères (Fig. 20). Le premier article du tarse est toujours plus long
que les suivants. C’est le premier article du protarse.

Le protarse est toujours plus ou moins dilaté chez les mâles, que ce soit
le premier article ou les suivants. La dilatation du protarse est souvent
indispensable dans la reproduction.

La surface des phanères adhésives étant utilisée pour un meilleur


maintient des mâles sur le dos des femelles.

De ce fait, ce caractère prend une certaine importance taxonomique


(degré de dilatation selon les genres). Ce dernier sera utilisé dans cette
monographie, pour le rapprochement des genres en séries phylétiques.

Figure 20 – 1., Extrémité d’une patte de Trechinae. prt., protibia. – ts., tarse. – 2., Tarse
antérieur mâle et femelle chez Italaphaenops dimaioi Ghidini. – pt., protarse. – ta., tarse.
– eex., éperon externe. – 1 à 5 : numérotation des articles constituant le tarse (le 1er et le
2ème sont ici dilatés).
LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E
NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I 53
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Les protibias.

Comme pour les protarses, certaines caractéristiques des protibias


seront utilisées dans cette monographie (Fig. 20), pour le groupement
des genres en séries phylétiques.

Effectivement, il apparaît selon les séries déjà bien en place, que les
protibias possèdent plusieurs stades de pubescence. Tantôt glabres et
tantôt pourvus d’une pubescence que Jeannel (1928) qualifiait de
primitive, les protibias peuvent être également sillonnés. Ces sillons
n’auront pas une grande importance en taxonomie.

Ils seront utilisés seulement comme simple indication au niveau du


classement des espèces car pour des genres déjà bien établis par
d’autres caractères, nous observons leur présence ou leur absence. En
outre, dans nos études et essais (non publiés) de phylogénie
informatique (constitution des arbres), ce caractère apparaît comme une
convergence.

Les pièces copulatrices.

Tout d’abord, nous voudrions préciser que ces organes, étant présents
hiérarchiquement au dessus des Carabidae, sous diverses formes
souvent hyperplasiques, il semble évident qu’ils soient très anciens.
Notre interrogation se portera donc plutôt sur leur origine.

De nombreuses dissections opérées sur les édéages des Trechinae et


une analyse poussée de la quasi totalité des diagnoses publiées sur le
sujet (Cf. Tome Bibliographie), nous montre que toutes les pièces
copulatrices, quand elles existent, sont noyées ou liaisonnées au
manteau du sac interne. Ce détail est de la plus haute importance car il
indique que ces parties sont toutes issues d'un même somite ancestral.
Les coupes histologiques de Dupré (1992), nous le confirment chez les
Bathyciinae dont le sac interne est pourtant constitué de pièces
complexes.
LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E
54 NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I
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Elles « montrent clairement, dit-il, que les deux complexes sont inclus
dans la paroi du sac l'un tergalement, l'autre sternalement ».

Effectivement, certaines pièces doubles apparaissent comme détachées


de la paroi du sac, mais nous trouvons toujours une liaison basale avec
un autre somite qui lui est bien solidaire du sac de sorte qu'il semble
que certaines parties soient la continuation, la spécialisation de pièces
incluses dans sa paroi. Cette membrane, appelée sac interne, n'est pas
apparentée aux membranes intersegmentaires rencontrées dans la zone
des segments terminaux de l'abdomen, de sorte qu’elle ne semble pas
être le reste d’un segment ancestral unique, mais une partie détachée du
lobe médian (Avon, 1997), qui lui, serait à l’origine un véritable
segment ancestral (Fig. 21 et 22).

Figure 21 – Développement en plan du complexe copulatoire chez un carabique. – m.,


membrane. – X., Urite X. – IX., Urite IX. – a., segment en division. – stg., style
(paramère) gauche. – std., style (paramère) droit. – mp., membrane de liaison paramère. –
b., berceau. – mb., membrane du berceau. – si., membrane de liaison pièce
copulatrice/lobe médian (sac interne). – pc., pièce copulatrice avec ou sans pièces
annexes. – lm., lobe médian.

Le sac interne est donc une membrane en prolongement direct du lobe


médian. Il est fixé à la base de la pièce copulatrice quand elle existe et

LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E


NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I 55
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n'a jamais la même constitution cellulaire que le canal éjaculateur lui


même. Ce n'est ainsi pas la partie terminale du canal éjaculateur qui se
dilate dans le lobe médian de l'édéage pour former le sac interne.

C'est une membrane de liaison d'une autre nature qui est reliée d'un
bout à l'apex du lobe médian et de l'autre à la base de la pièce
copulatrice ou au canal éjaculateur si cette dernière n’existe pas.

Il est difficile d'observer cela chez les Bathyciinae car contrairement au


Trechinae, le prolapsus de l'édéage est effectué par des muscles
intrinsèques qui ne peuvent pas nous donner la possibilité de forcer
l’évagination du sac interne au laboratoire.

Chez l’ensemble des Trechinae nous observons donc un sac interne


bien développée et rarement hyperplasique.

On peut décrire sa membrane comme étant élastique, quelquefois très


froncé (plis nommés « écaille » par certains auteurs), de sorte qu'au
moment où il s'évagine, les plissures se dilatent, s’expansent sous la
pression du spermatophore.

Il semblerait que se soit le blocage de celui-ci à l'apex de la pièce


copulatrice qui permette la pression dans le canal éjaculateur et dans le
sac interne, occasionnant l'évagination de celle-ci en « doigt de gant »,
pour garder l’expression très explicite de Jeannel (Fig. 21 et 26).

Ainsi, nous pensons « qu'au départ », les pièces copulatrices n'étaient


pas mécaniquement fonctionnelles mais puisqu'elles étaient là, elles ont
été utilisées en prolongement du canal pénien comme guide et
régulateur pour les spermatophores. Une adaptation a pu se faire dés cet
instant, d'où les radiations évolutives observées dans les lignées mais
jamais interlignées, prouvant du même coup qu’il ne s’agit pas là de
simples convergences mais bien de radiations évolutives et adaptatives.

La pièce copulatrice pourrait être ainsi un régulateur acheminant


graduellement les spermatophores à la sortie de l’édéage. En attente à
l’apex, leur tête se durcit et prend l'empreinte de la pièce copulatrice,
(Fig. 25).
LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E
56 NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I
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Si l'on considère que les pièces copulatrices fonctionnent bien ainsi, il


en existerait des non fonctionnelles (les hyperplasiques) qui ne
devraient plus canaliser de la même manière les spermatophores
(exaptation).

De plus, la morphologie des Dentirugula. nov. (Fig. 24) nous amène à


penser que la pièce copulatrice n'est plus, aujourd’hui, indispensable à
la reproduction. L’absence totale de pièces chez certaines espèces nous
le confirme. L'ensemble de ce que nous venons de décrire représente
ainsi, avant le prolapsus de l’édéage, un manchon souple (sac interne)
fixé à l'apex du lobe médian d'un côté et fixé à la pièce copulatrice (si
elle existe) de l'autre, l'entourant, se dilatant et se retroussant pendant
l'accouplement.

« Les organes les plus importants, dit F. Jacob, 1970, sont à la fois ceux
qui sont le plus profondément enfouis au cœur de l'organisation, ceux
qui peuvent le moins se modifier et ceux qui se forment les premiers.
Les accessoires, au contraire, tous ensemble siègent à la surface, varient
aisément et se forment les derniers. Au plan d'organisation dans l'espace
correspond donc un plan de formation dans le temps ».

Les pièces copulatrices étant des appendices internes, leur évolution ne


pourraient être directement influencée par les conditions de milieu.

Un classement précis par ordre d'ancienneté n'est pas envisageable, la


vitesse d'évolution ne pouvant être la même selon les biotopes qui ont
abrité ces espèces.

Une étude poussée de leurs homologies s’avère en revanche


indispensable afin de constituer les lignées et les groupes d’espèces
possédant cet organe.

Les pièces copulatrices en phénétique et systématique moderne.

En 1990, nous avons commencé à étudier sérieusement et


rigoureusement les organes profondément enfouis comme les pièces
LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E
NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I 57
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copulatrices qui présentent des radiations évolutives, une orthogenèse,


en somme un fond d'organisation commun donnant des ensembles
véritablement naturels en tant qu'entités généalogiques et évolutives
(Avon, 1998).

Figure 22 – Vue en plan des sternites abdominaux supposés d’origine segmentaire, ainsi
que chaque élément du système copulatoire, ici agencé par la méthode du dénombrement
des points d’attaches membranes/pièces. – X., Urite X. – IX., Urite IX. – a., segment en
division. – stg., style (paramère) gauche. – std., style (paramère) droit. – b., berceau. –
pc., pièce copulatrice pouvant donner naissance à une ou plusieurs pièces annexes. – lm.,
lobe médian. Les lignes horizontales représentent les liaisons observées aujourd’hui. Le
« rétrécissement par torsion » s’est produit au cours de l’évolution. Il est dû à l’étirement
et à la rotation des Urites IX et X par leur centre. Il ne laisse qu’une liaison pleurale (en
haut du dessin). Voir aussi la figure 18.

En général on distingue des clades de bas de hiérarchie (lignées,


groupes, espèces et sous-espèces) par l'apparition d'une synapomorphie
des pièces copulatrices, ou nouveauté évolutive, apparue chez l'ancêtre
commun et transmise aux descendants. Une analyse explicite des
formes reconnaît les synapomorphies et détermine l'ordre des
branchements évolutifs des lignées et des groupes.

Ce nouveau concept est plus objectif et plus testable que la


systématique « classique » qui omet dans la plupart des cas, l’étude de
ces pièces pour servir aux classifications de bas de hiérarchie (lignées,
groupes, espèces et sous-espèces). Du reste, très peu de pièces
copulatrices ont été extraites du lobe médian par les divers auteurs (voir

LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E


58 NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I
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leurs dessins) ; ce qui nous empêche aujourd’hui d’étendre leur étude à


l’ensemble des Trechinae.

Nous avons nommé « micro-synapomorphies » les petites radiations


observées sur la nouveauté évolutive : plissement des pièces
copulatrices, lobes latéraux hélicoïdaux etc. (Avon, 1997), qui
définiront précisément les groupements de bas de hiérarchie. Ainsi nos
études restent simples en principe et engendrent de profondes
répercussions sur la conception des rapports qui existent entre les
études phylogéniques, taxonomiques et évolutives. Elles remettent
d’emblée en question certains des classements en cours ou opérés par le
passé.

Nous constatons ainsi que les lignées et les groupes se positionneront


naturellement sur un même fond d'organisation. Par exemple, dans la
seule étude de la morphologie externe, contrairement aux méthodes
pratiquées actuellement, nous verrons s'établir de faux classements qui,
dans la plupart des cas, aboutissent à des lignées « imaginaires », crées
par les systématiciens. Ils rapprochent hélas souvent des branches en
réalité très divergentes.

Ainsi, dans l'étude des radiations évolutives des pièces copulatrices,


avec le rapprochement des micro-synapomorphies, nous verrons que les
classements s'organisent « naturellement » et restent cohérents sur les
cartes biogéographiques (Avon, 1998, Magrini, 1998), donnant des
groupes naturels ne faisant plus intervenir uniquement le caractère
intellectuel et imaginatif de l’entomologiste.

Evolution des pièces copulatrices.

La sélection naturelle ne travaille que pour le bien de l'espèce et ne


concerne le plus souvent que l'aptitude à se reproduire. Elle tend ainsi à
favoriser l'adaptation individuelle des organismes à leurs milieux. Nous
pouvons penser que cette sélection, chez l’ensemble des Trechinae, a
favorisé la fécondité en augmentant le rythme des reproductions
multipliant quantitativement les chances de survie des espèces, ceci
sous l'influence locale des biotopes aux microclimats secs ou peu
LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E
NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I 59
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humides. Mais les changements de climats n'ont pas pu agir directement


sur les organes internes qui paraissent les plus importants et les plus
anciens dans l'organisation. Comment les pièces copulatrices ont-elles
alors évoluées ?

Il est fréquent qu'un entomologiste constate, lors de la capture d’un


couple de coléoptères carabiques, un fait bien singulier. Sous l'effet du
stress, le mâle et la femelle s'accouplent instantanément dans le bocal
de capture. Se sentant menacés ou en péril, certains insectes, après avoir
utilisé toutes leurs diverses munitions défensives, s'accouplent
effectivement immédiatement pour sauvegarder l'espèce. Il n'y a pas de
raisons particulières pour être opposé au fait que durant les
changements géophysiques importants qui ont certainement eu lieu
dans les étages du Donau, Günz, Mindel et Riss, il n'y ait pas une
similitude quant à d'éventuelles accélérations d'accouplement ou autres
corrélations se liant à la reproduction et les faits relatés ci-dessus. On
parle effectivement de quelques dizaines de milliers d'années, à chaque
étage, mais aussi bien en géologie que sur l'échelle de l’existence d'une
lignée, on considère ces périodes comme des « moments ». Il n'est donc
pas exclu que les pièces copulatrices aient été sélectionnées par
pression sélective en fonction de ce phénomène, dans des périodes donc
courtes et qui sont la cause, nous le rappelons, de bien d'autres
remaniements remarquables d'ordre morphologique et biologique. Nous
ne savons pas si nos propositions peuvent rentrer dans le cadre de
l'étude de la progenèse (accession plus rapide à la maturité sexuelle,
conservation d’une forme juvénile et vie plus courte) constituant des
hétérochronies du développement car elle est en rapport direct avec le
temps et la reproduction et permet également l'adaptation à un milieu
instable avec une expansion rapide dans une phase de colonisation de
niches écologiques libres et isolées.

Puisque les pièces copulatrices n'ont pas toujours existé sous la forme
de régulateur, elles ne peuvent être adaptées toutes au même niveau. Il
n'y a donc aucune obligation pour que ces pièces remplissent
pleinement leur rôle. Certaines y sont parvenues et d’autres sont restées
inopérantes ou facultatives.

LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E


60 NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I
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En 1997, nous avons créé sur ordinateur, avec des logiciels adaptés, une
série de dessins vectoriels en trois dimensions des pièces copulatrices
qui nous semblent être à divers stades d’évolution. Leur mise en
mouvement par animation informatique nous a permis de découvrir les
formes intermédiaires qui restaient jusqu'à ce jour énigmatiques (Avon,
1997). Cette nouvelle interprétation sur la morphologie et l'évolution de
ces pièces peut aujourd’hui rapprocher certains groupes vers un même
fond d’organisation. Nous l’utiliserons dans cette monographie (Cf.
Tome Phylogénie).

Evolution des apex des pièces copulatrices.

Nous ne sommes pas convaincus que toutes les parties des pièces
copulatrices aient été modifiées de la même manière. On peut
s'apercevoir par exemple que l'apex de certaines pièces est très variable
selon les espèces (du moins autant que l’apex des édéages), il peut être
sclérifié, fendu, bifide ou pointu. Nous pensons que cette diversité des
apex est dûe à la particularité qu'ont certaines pièces de rester en partie
évaginées, l'apex hors de l’édéage, restant de ce fait plus longtemps
exposé aux influences de milieu. Si un certain nombre de pièces
copulatrices peuvent apparaître comme toujours fonctionnelles, il n’en
est pas de même pour leurs apex qui en font pourtant intégralement
partie. Nous nous basons, en affirmant ceci, sur ce que l'on peut
découvrir dans la nature en étudiant toutes les extrémités d’appendices
fonctionnels. On s'aperçoit qu’elles sont toutes adaptées de la même
manière et au même niveau dans une même série phylétique. Par
exemple les tarses, les derniers articles des antennes ou des palpes ont
tous les mêmes aspects dans une même série.

Ceux-ci donnent l’impression d’une « solidité » héréditaire et d’une


valeur taxonomique forte. Dans le cas des apex des pièces copulatrices,
cette valeur semble beaucoup plus faible. Ces derniers sont très
différents d'une espèce à l'autre et leur comparaison ne permet pas une
classification précise et correcte. Nous les avons utilisés comme critères
vérificateurs pour les classifications de hiérarchie supérieure (lignées et
groupes). Nous avons rapproché prudemment ceux qui nous semblent
issus d'une même lignée évolutive lorsque leurs homologies le permet.
LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E
NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I 61
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Figure 23 – 1., pièce copulatrice du Duvalius perrinae Giordan des Alpes Maritimes
(France). – 2., pièce annexe du même incluse dans la paroi du sac interne.

Importance des dispositions spatiales des pièces copulatrices.

On observe chez l'ensemble des Trechinae, trois types de pièces


copulatrices représentées par leur disposition spatiale à l’intérieur du
lobe médian de l’édéage. Ce sont les Isotopes, les Anisotopes et les
Dentirugula, nov. Si l’on remonte plus haut dans la hiérarchie, dans
d’autres familles par exemple, ces pièces sont plus complexes, de sorte
qu’il devient impossible de dire si elles appartiennent à au moins un des
trois types. Leur complexité masque leur appartenance. Ce que nous
voudrions dire ici, c’est qu’il nous semble que les observations faites
sur les Trechinae au niveau de ces types, devraient être utilisées dans
certaines limites.

Effectivement, nous ne sommes pas capables aujourd’hui de constituer


des ensembles naturels hiérarchiquement placés au dessous de la tribu à
partir de ces types. Nous ne les utiliserons donc pas pour nos
classements. Par contre, ils pourront être utilisés pour confirmer ou
infirmer l’appartenance d’un spécimen étudié, à un type de groupe
ancestral, et de ce fait, donner l’image de trois grands groupes bien
distincts, groupes importants en géonémie.

LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E


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Définition des trois grands types de pièces copulatrices.

Par convention, on appelle ici « Isotopes » (ou ventrales) les pièces


copulatrices en position tergale dans le sac interne lorsque le pénis est
en action.

Dans 28% des cas, une pièce annexe symétrique est présente. On
nomme « Anisotopes » (ou latérales) les pièces copulatrices en position
de champs dans le sac interne lorsque le pénis est en action.

Dans 46% des cas, une pièce annexe asymétrique est présente et dans
2% des cas, deux pièces annexes asymétriques sont présentes. Leur
apex est variable et montre une asymétrie par une rotation horaire en
regardant du bulbe vers l'apex de l'édéage. Leur base reste également
assez constante (en cuilleron) sauf pour les pièces spiniformes. Ce type
de pièces copulatrices peut être très exceptionnellement déversé, les
faisant ressembler aux pièces Isotopes. Ce phénomène est extrêmement
rare et ne doit pas être compté comme valeur taxonomique importante.

Que ces pièces soient Isotopes, Anisotopes, elles sont toutes invaginées
en « doigt de gant » dans l’édéage. L’ensemble ne possède aucun tissu
musculaire. S'il existe des pièces annexes, elles sont toujours solidaires
de la paroi du sac interne (Fig. 26).

Tantôt constituées d’épines sternales et notales ou uniquement de l’un


ou l’autre de ces deux types, les pièces de type Dentirugula, nov.
regroupent l’ensemble des espèces d’origine australo-asiatique qui en
grande majorité ne possèdent pas de pièce copulatrice distincte.

Il arrive pourtant, chez des formes intermédiaire, qu’elle existe, mais le


sac interne est toujours plus ou moins plissé dit « écailleux », froncé ou
épineux avec des dents longitudinalement inclinées, ce qui laisse penser
à un même fond d’organisation chez ces espèces.

Nous pouvons également observer, pour confirmer cela, un nombre


important de points communs entre les édéages (Fig. 24).

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NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I 63
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Figure 24 – Groupe australo-asiatique des Dentirugula nov. 1., Epaphiopsis (Epaphius)


ephippiatus (Bates, 1873) du Mt Iruki (Japon, Honshu). 2., Tienmutrechus dispersipunctis
Suenson, 1957, du Mt Si-Tien-Mu-Shan (Chine, Tche-Kiang). 3., Epaphiopsis
(Epaphiama) semenovi (Jeannel, 1962), d’Evacevka (Asie orientale, Ussuri). 4., zone
dentée du sac interne de Tienmutrechus dispersipunctis Suenson, 1957. 5., Trechiama
ohshimai (Uéno, 1951) de Kyoto, Grotte Shizuchi-dô. – oc., organe copulateur. – si., sac
interne. – de., dents ou épines typiques des Dentirugula nov.

La fonction des pièces copulatrices.

Ainsi que nous l'avons vu précédemment, nous pouvons aujourd'hui


admettre que certaines pièces copulatrices fonctionnent en
« régulateur » bloquant les spermatophores à la sortie de l’édéage.

A la base de la pièce copulatrice, ils sont en attente et acquièrent


l'empreinte de celle-ci (initialement observé par Jeannel en 1955), (Fig.
25).

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64 NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I
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Figure 25 – Spermatophore et pièce copulatrice d’Orotrechus stephani Müll. Observé


pour la première fois par Jeannel en 1955 (d’après un dessin de R. Jeannel). – sp.,
spermatophore avec sur le dessus, l’empreinte de la pièce copulatrice. – pc., pièce
copulatrice.

Ils veillent à leur éjection et c’est là que leur tête se durcit. L'absence
totale de pièces copulatrices (env. 4% dans la tribu des Trechini) prouve
qu'elles ne sont plus utiles aujourd'hui dans la copulation, puisque ces
individus se reproduisent toujours sans aucun problème. Ces absences
ne sont pas à confondre avec les types Dentirugula, nov. qui sont eux, à
considérées comme des éléments taxonomiques à part entière et comme
critères importants pour les regroupements géonémiques des espèces
d’origine australo-asiatique.

Les édéages.

Dans cette monographie, nous utiliserons la terminologie de Sharp &


Muir (1912) reprise par Jeannel (1955), avec quelques petites
modifications que nous apporterons en fonction des découvertes
réalisées depuis (Fig. 26).

Nous appellerons Apex, l’extrémité du lobe médian (Holdhaus).


L’armature copulatrice est représentée par l’ensemble des pièces
copulatrices solidaires de la paroi du sac interne. Le canal éjaculateur
est représenté par un conduit séminal venant de l’abdomen à travers le
bulbe basal et fixé à la base du sac interne et/ou de la pièce copulatrice
quand elle existe. Syn. Stenazygos (Sharp & Muir). L’édéage est
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NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I 65
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l’ensemble formé par l’appareil copulatoire mâle. Il comprend les styles


(ou paramères), le lobe médian et les membranes. Appelé jadis
Aedeagus par Foudras, Sharp & Muir, puis édéagophore par Blaisdell,
fallo par Berlèse, phallus par Snodgrass, le terme Aedeagus a été le plus
souvent employé puis ensuite francisé par Jeannel en « édéage »
conservé depuis. Le lobe médian est le tube pénien qui renferme le sac
interne et les pièces copulatrices quand elles existent. Sharp & Muir,
puis ensuite Jeannel utilisaient aussi le terme « pénis » encore utilisé
aujourd’hui. Berlèse appelait le lobe médian : épifallo, terme vite
abandonné. Les lobes latéraux sont aussi appelés paramères
(Snodgrass) ou encore styles de l’édéage quand ceux-ci sont grêles.
Nous utilisons aujourd’hui le terme paramères ou encore styles. Des
membranes connectrices, depuis Sharp & Muir, ont été découvertes et
utilisées pour trouver un sens à la théorie de l’origine segmentaire de
l’organe copulateur (Avon, 1997). L’orifice apical est le trou distal du
lobe médian par lequel se fait l’évagination du sac interne, sur sa face
tergale (=dorsale, =notale) chez les Trechinae.

L’orifice basal se trouve à la base du bulbe de l’édéage et laisse passer


le canal éjaculateur. Le bulbe est la partie renflée, basale et solidaire du
lobe médian. Le sac interne est la partie terminale du canal éjaculateur
qui s’élargit dans le lobe médian et s’évagine pendant la copulation. Il
contient en général une ou plusieurs pièces copulatrices. Les pièces
copulatrices sont des parties solidaires du sac interne, plus ou moins
sclérifiées, de forme et en nombre variable. Elles s’évaginent avec le
sac interne et peuvent être remplacées par des dents alignées
(Dentirugula, Nov. Fig. 24).

Le segment génital correspond à l’Urite IX. Syn. : périandro (Berlèse).


Il a été relativement peu utilisé en systématique. Les styles de l’édéage
sont, comme nous l’avons vu plus haut, synonymes de paramères. Le
terme styles est surtout utilisé pour qualifier des paramères grêles. Ils
portent en général une ou plusieurs soies à l’apex. Il s’agit de
l’armature sétale. Le tegmen était considéré par Sharp, Muir et Jeannel
comme une pièce englobant aussi les styles de l’édéage (ou paramères).
Il est en réalité une pièce isolée vers le bulbe basal, qui ne se rencontre
pas chez les Trechinae.

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Figure 26 – 1 et 2., Détail de deux organes copulateurs différents chez les Trechinae. –
lm., lobe médian, il peut être plus ou moins arqué. – b., bulbe basal. – as., aileron sagittal.
– pc., pièce copulatrice. – ap., apex, il peut être très variable. – st., styles (paramères). –
sst., soies des styles (paramères) ou armature sétale, variable en nombre selon les espèces.
– si., sac interne. – oa., orifice apical du lobe médian. – ce., canal éjaculateur. – 3., Détail
d’un sac interne type en 3 vues. – pc., pièce copulatrice en un ou plusieurs morceaux. –
ch., chapeau. – li., membrane de liaison à l’orifice du lobe médian. – ce., canal
éjaculateur.

Le type d’édéage des Trechinae est Anopique (Jeannel, 1955) c’est à


dire à orifice apical tergal (=dorsal) et à attache des styles (paramères)
sternale (Fig. 26). Le lobe médian est toujours bien développé et le
tegmen inexistant. Il n’existe pas de musculature intrinsèque. Chez les
Trechinae, le bulbe basal est clos contrairement aux Trechodinae ou il
est largement ouvert.

Outre les études comparatives sur la morphologie générale, les


caractères à valeur taxonomique importante utilisables pour les
classements des espèces et sous-espèces, seront donnés par la
configuration du lobe médian et par le type de pièce(s) copulatrice(s).
L’armature sétale des styles (paramères) sera utilisée plus prudemment

LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E


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car elle apparaît comme extrêmement variable et très peu stable. Elle
n’indique pas de liens de parenté, un peu comme les sillons des
protibias. Ce n’est pas non plus une question de convergences mais à
notre sens, simplement une adaptation à la reconnaissance, peut-être
chimique, des espèces ou des sexes.

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68 NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I
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LA PREDATION

La prédation a, à notre connaissance, très peu été étudiée chez les


Trechinae. Ainsi, depuis plus d’une quinzaine d’années, nous nous
sommes efforcés d’étudier leurs milieux, leurs mœurs et les biocénoses
qui les entourent afin de déceler leur principal prédateur. Ces
recherches ont impliquées un travail très important d’observations sur
un grand nombre de cavités et de milieux endogés. Découvrir un tel
prédateur est de la plus haute importance car la compétition à l’intérieur
d’une population, ne suffit pas à notre sens, aux extraordinaires
aboutissements adaptatifs observés chez ces insectes.

Effectivement, la conservation des vésicules collectrices des glandes


anales (Avon, 1996, l’Entomologiste, 51 (4) : 193 - 204), les
remarquables développements des principales soies mécanoréceptrices
(fouets de la série ombiliquée), impliquent qu’il existait au moins dans
le passé, un prédateur tel, qu’il eu permis aux Trechinae de conserver et
de développer ces organes. Nos premières recherches se sont tournées
vers les Chiroptères dont la pluspart sont insectivores et
géographiquement répartis à peu près partout où existent les Trechinae.
Hélas, deux grands problèmes se posaient : très peu de chauves-souris
se nourrissent à terre et il n’existe évidemment pas de chauves-souris en
milieu endogé ! Ces évidences constatées, nous nous sommes dirigés
vers l’étude des rongeurs qui peuvent coloniser de grandes cavités et
beaucoup de milieux endogés.

Il arrive effectivement que nous découvrions, dans nos collecteurs, des


cadavres de rongeurs de type musaraigne ou mulot et ceci que ce soit en
milieu endogé ou hypogé. Après de sérieuses investigations (pose de
dizaines de collecteurs à rongeurs), nous avons constaté que le taux de
colonisation de ces petits mammifères dans les milieux qui nous
intéressent ici, est extrêmement faible, aussi bien dans le sol que dans
les grottes. Nous nous heurtions donc à un autre problème de taille :
rien dans ces milieux si exceptionnels, ne nous permettait de trouver un
prédateur qui remplisse à la fois toutes les conditions. Il fallait qu’il soit
aussi bien endogé qu’hypogé, qu’il ait la même répartition que les
Trechinae au niveau mondial, qu’il soit insectivore et permanent dans
son milieu.
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NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I 69
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Bien des Scolopendres et d’autres Myriapodes Chilopodes sont présents


en milieu endogé et aux entrées des grottes. Certains s’aventurent dans
les zones profondes et peuvent même posséder les caractéristiques de
vrais troglobies, mais il n’y a pas vraiment de différences entre les
individus qui peuplent le sol et ceux qui colonisent les cavernes. Il
semble qu’il s’agisse là de mêmes populations. Cependant, nous
pensons qu’ils pourraient jouer un rôle dans la prédation des Trechinae,
celle-ci n’étant certainement pas engendrée par une seule espèce
prédatrice ; mais il s’agit ici de trouver le prédateur qui a ou a eu le plus
d’impact sur l’évolution de ces insectes, donc celui le plus vorace.

En avril 2005, Pascale Courtial, membre du L.E.F.H.E., nous a fait


remarquer un étrange dépôt sur le sol intérieur d’une cavité française
(grotte d’Eynesi, Courmes, Alpes maritimes). Il s’agit d’un dépôt de
structure proche du guano, mais aggloméré en petits paquets de 4,00 à
6,00 mm. de longueur et de 2,00 à 3,00 mm. de diamètre, répartis au
sol, sur des surfaces dépassant le décimètre carré. Confondu facilement
avec les déjections de chauves-souris, ces pelotes sont apparemment
toujours passées inaperçues au regard d’une multitude d’entomologistes
biospéléologues qui ont exploré cette cavité.

Figure 27 – Agglomérats de débris d’insectes dépigmentés rejetés par une Leptoneta


(Arachnidae prédatrice des Trechinae).

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70 NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I
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Nos prélèvements, étudiés au laboratoire, nous ont montré des pelotes


constituées à 100% d’un agglomérat de débris d’insectes dépigmentés
(Fig. 27). Une nouvelle visite de la cavité à permis à Pascale Courtial de
découvrir à chaque verticale des nappes de déjections, un très petit
Arachnidae de 3,00 mm. de la famille des Leptonitidae du groupe des
araignées Labidognathes. Il s’agit en fait d’une Leptoneta dépigmentée
(Fig. 28) aux yeux réduits, qui tisse une toile en nappe souvent
horizontale, toujours très fine, creuse et non distinctement structurée.
L’araignée est en position centrale sur sa toile. L’étude du secteur nous
montre qu’il existe environ 5 toiles au m2, chacune d’un diamètre
approximatif de 10 cm. Ces araignées sont très rapides et difficiles à
capturer. Leurs pelotes de déjection sont constituées de débris
d’insectes, tous délibérément découpés en petits morceaux.

Figure 28 – Araignée du genre Leptoneta (Arachnidae, Leptonitidae). Long. : 3,00 mm.


Prédatrice principale des Trechinae.

Il s’agit de divers myriapodes et insectes, Troglodromus (Bathysciinae),


Duvalius (Trechinae) et Bathysciola (Bathysciinae). Les parties restant
intactes dans ces déjections sont : les styles (paramères) de l’édéage, les
mandibules, les fémurs et les tibias. Ces deux derniers sont sectionnés à
leur base et à leur apex afin d’obtenir de petits tubes courts. A ce sujet,
il ne paraît pas, comme chez beaucoup d’autres Arachnidae épigés, que
cette araignée dissolve les tissus de leurs proies entières, mais les

LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E


NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I 71
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découpe afin d’accéder plus facilement à leur chair. Ainsi, les fémurs et
les tibias sectionnés à leurs extrémités, forment de petits tubes plus
faciles à consommer.

Chaque pelote représente l’équivalent d’un insecte entier. Elles ne sont


pas constituées d’une agglomération ligaturée par une bobine de soie
comme le font la plus part des araignées, mais visiblement simplement
soudée à l’aide d’une sorte de colle peu visible. Au sol, nous avons
compté environ 1200 pelotes/dm2. Les claires au dessus, les foncées
plus anciennes au dessous, superposées en couches à même le sol de la
cavité, juste en dessous de la toile. Les Leptoneta juvéniles encore
immatures sont desuite actives sur la toile et de ce fait accentuent
encore un peu plus la pression de prédation. Afin de définir si nos
observations s’appliquaient également aux milieux endogés, nous avons
prospecté énormément de biotopes connus comme localité de divers
Trechinae colonisant le milieu du sol superficiel. La présence de
Leptoneta est régulière. Quelquefois, elle vit en sympatrisme ou est
remplacée par d’autres genres phylogéniquement proches ou liés plus
ou moins au sol (les Telemidae du genre Telma, les Leptonitidae des
genres : Teloleptoneta, Paraleptoneta, Sulcia, Barusia, Protoleptoneta,
Leptonetela pour l’Europe ; Archoleptoneta, Neoleptoneta,
Appaleptoneta, Callileptoneta pour l’Amérique du nord et centrale ;
Saturana, Marisana, Falcileptoneta pour le Japon, la Corée et la
Chine). Dans le milieu endogé, à quelques dizaines de centimètres de
profondeur, vivent ces petites araignées, tissant des toiles de très petite
taille, excédant rarement 3 cm2, tendues entre deux cailloux ou les deux
faces d’étroites fissures. Ces toiles sont de même type que celles
découvertes dans les cavernes, mais ici, elles sont très réduites et
adaptées à la capture de proies en milieux restreints. La répartition des
Leptonitidae au niveau mondial est quasiment identique à celle des
Trechinae.

La masse impressionnante de cadavres déchiquetés nous indique donc


qu’il pourrait s’agir de leur principal prédateur. D’autres cavités ont été
prospectées d’Europe en Asie et bon nombre d’entre-elles abrite de tels
Arachnidae. Seul les Trechinae de type aphaenopsien ne semblent pas
être touchés. Effectivement, les Leptonitidae et les Telemidae, bien que
s’aventurant assez profondément dans les grottes, ne semblent pas
LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E
72 NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I
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dévorer ces grands hypogés. En fait, les gros sujets ne sont pas capturés
dans les toiles qui restent pour eux assez fragiles. Par exemple aucun
débris de Troglorites ochsi (Pterostichitae, Pterostichini), qui
colonisent plusieurs cavités du sud de la France, n’a été rencontré dans
les pelotes. Du reste, la rapidité locomotrice du Troglorites ainsi que sa
grande taille ne lui permet pas d’être immobilisé sur la toile.

Pour revenir aux Trechinae aphaenopsiens, leurs comportements et


leurs adaptations restent là aussi très différents : métabolisme
d’avantage ralenti, vésicules collectrices des glandes anales atrophiées,
anophtalmes stricts, allongement des appendices etc.

En fait, il semble que du point de vue morphologique et métabolique,


les Trechinae soient au moins autant adaptés à la fuite devant leurs
prédateurs qu’à leur milieu physique ou à leurs mœurs sexuelles. Ainsi,
les organes qui compensent le sens de la vue sont bel et bien développés
pour plusieurs raisons. Chacune imposant un développement spécifique
de compensation : les divers chimiorécepteurs pour la recherche de
nourriture ou pour la sélection sexuelle pendant de la reproduction, les
soies mécanoréceptrices pour la fuite, la conservation des vésicules
collectrices des glandes anales pour la défense etc.

Ce complexe ensemble étant souvent également inhérent à la perte de


l’instinct de chasse (Avon, 1996, l’Entomologiste, 51(4), pp. 193-204)
chez la grande majorité des Trechinae.

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LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E


NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I 73
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LES LARVES DES TRECHINAE

Les premières larves de Trechini connues furent celles des Aepus Sam.
Leur habitat spécial dans la zone intercotidale des rivages de l'océan
attira sur elles l'attention des naturalistes. Coquerel (1850), Perris
(1862) puis Laboulbéne (1858, 1862) successivement s'occupèrent
d'elles, mais les descriptions et les dessins qu'ils ont donnés laissent
encore obscurs bien des points importants de la morphologie. La
première en date des descriptions utilisables est celle d'une larve
trouvée à 10 km. de profondeur dans la « Mammoth cave » dans le
Kentucky, larve que Packard (1874, American Naturalist, VIII, p. 562),
puis Hubbard (1886, Nat. Acad. Sc. IV) ont attribué avec doute à
Anophthalmus tellkampfi En. Cette attribution semble cependant
parfaitement légitime et la plupart des caractères importants des larves
de Trechini se laissent deviner autant dans la description de Hubbard
que sur les dessins qui l'accompagnent. Jeannel, 1928, indique : « Il n'y
a guère lieu d'insister sur les travaux de Xambeu qui naturellement a cru
décrire des larves de Trechus. On trouve dans son 6ème mémoire (1894)
une description d'une larve rapportée au T. pyrenaeus Del., dans le 9ème
mémoire (1901) une autre qui serait celle du T. obtusus Er. ; mais la
fausseté de ces identifications apparaît clairement quand l'auteur
assigne à ces prétendues larves de Trechini une « lisière frontale simple
ou un tarse bifide ». Plus tard (1904, Bull. Soc. Ent. Fr. : 106 - 107), il
décrit encore de façon inexacte une larve qu'il attribue cette fois
légitimement à Anophthalmus brujasi Dev ». Les travaux dont il reste à
parler ont une tout autre importance et méritent de retenir l'attention ; ce
sont ceux de Peyerimhoff & Böving. Peyerimhoff (1906) décrit trois
larves d'anophthalmes recueillies par lui dans les Alpes-de-Haute-
Provence et les Alpes-Maritimes, en France. Avec sa sagacité
coutumière, il est le premier à reconnaître dans la denticulation de
l'épistome l'existence de caractères propres à l'identification des larves
des Trechini. De plus ses descriptions donnent les caractères exacts des
palpes maxillaires, caractères spéciaux à la tribu, mais la conformation
du palpe labial lui reste malheureusement inaperçue. Le travail de
Böving (1911 et 1912) n'est pas spécialement consacré aux Trechini ;
c'est, au contraire, une étude fondamentale d'un certain nombre de types
divers de larves de Carabidae en vue de faire une « morphologie
comparée de ces larves ». Dans ce travail Böving, digne continuateur de
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74 NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I
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l'oeuvre de Schiödte, établit une terminologie précise de toutes les


pièces du crâne, des sutures et aussi des aires d'insertions musculaires
sur les divers sclérites et propose une méthode de mensurations précises
de toutes les parties de la larve en les rapportant à une mesure étalon, la
largeur de la base de la mandibule. Une larve de Trechus, celle du
Trechus quadristriatus Schr. est décrite de la sorte avec détails par
Böving (1911). Plus tard, Bolivar & Pieltan (1923) (Fig. 29), Ghidini
(1932) pour des observations sur la larve de Speotrechus carminatti,
Coiffait (1951) avec la larve de Geotrechus orpheus consorranus,
Busulini (1956) avec la larve d’Orotrechus venetianus (Winkler), puis
Boldori avec une dixaine d’articles de 1931 à 1958 étendent plus
sérieusement le travail aux Trechini italiens et yougoslaves.

Figure 29 – Tête d’une larve d’Aepopsis robini Laboulbène, 1849, d’après un dessin de
Bolivar.

LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E


NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I 75
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En 1956, Bousquet & Goulet publient un article sur les soies des larves
de Carabidae, suivis de May (1963, Trans. Roy. Soc. New Zealand 3 :
147 - 150) pour la description de la larve de Duvaliomimus mayae
Britton, 1958, Agazzi (1965) avec l’habitat des larves d’Orotrechus
Müller, Leonardi (1966) pour la larve d’Orotrechus springeri (Müller)
et encore Vigna Taglianti (1967) qui décrit la larve de Duvalius
lepinensis, Doderotrechus guilianii (Fairmaire, 1859) et de
Typhlotrechus bilimeki hauckei Ganglbauer. Moore, vers 1972 (non
publié) a découvert la larve de Goedetrechus. Dans les années 1980 à
1990, Giachino a fourni un gros travail sur les larves des Trechus mais
également sur celles de Speotrechus et Duvalius (Cf. Tome
Bibliographie). En 1985, Luff (The larvae of the british Carabidae. VI.
Trechini and Pogonini. Ent. Gaz. 36 : 301 – 314) comptabilise les
larves connues des Trechini de Grande Bretagne. Plus récemment,
Grebennikov (1996 et 1998) a redécrit la larve d’Aepopsis robini et
pour la première fois celle de Thalassophilus longicornis. Casale,
Giachino, Vailati & Vigna Taglianti, en 1996, décrivent la larve de
Duvalius antonellae (Frag. Ent. 27 : 289 - 346). Le dernier travail
important se rapporte à celui de Arndt. Cet auteur s’occupe en général
de larves de Carabidae. En 2000, il révise les larves de la sous-famille
des Trechinae de l’hémisphère sud (Arndt, E., 2000. Larvae of the
subfamily Trechinae from the southern hemisphere. Spixiana, 23 (1)). Il
sera nécessaire de consulter le catalogue de la collection Boldori (Mus.
Civ. Stor. Nat. Milano. Atti Soc. Ital. Sci. Nat. Milano 109 : 329 -350)
pour parfaire vos connaissances globales.

Malgré l’ensemble des travaux cités ci-dessus, les larves des Trechinae
n’ont été que très peu étudiées. Leur rareté expliquant certainement le
peu de descriptions ; il suffit de comparer la bibliographie des larves
avec celle des adultes (Cf. Tome Bibliographie), pour se rendre compte
de l’immense fossé qui les sépare.

Dans les descriptions qui vont suivre, nous avons, comme Jeannel
(1928), employé littéralement la terminologie élaborée par Böving ; elle
est en tous points excellente et tous les auteurs d’aujourd’hui s'y
conforment. Il s’agit en fait, comme l’a fait Jeannel (1928) d’une
transcription française de la nomenclature de Böving qui était écrite en
LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E
76 NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I
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danois. Dans le tome concernant la bibliographie, nous donnerons


séparément l’ensemble des écrits concernant les travaux sur les larves.

Description des larves de Trechinae.

Nous retiendrons ici la terminologie de Böving, 1911 et de Jeannel,


1928 (Fig. 30 et 31).

Larves grêles, très allongées, convexes, d'un blanc laiteux, sauf la tête,
le pronotum, le prosternum, la partie antérieure du méso et du
métanotum, les ongles, les soies et les cerques qui sont roux testacé
brillant, parfois ferrugineux.

Téguments très peu chitinisés, sauf sur la tête et le prothorax ; la tête est
fortement alutacée chez les formes troglobies. La tête est nettement plus
longue que large, un peu aplatie ; le cou est long, mais à peine plus
étroit que le crâne.

Les côtes du tentorium sont sensiblement rectilignes, plus obliques en


arrière que chez la plupart des autres larves de Carabidae ; leur trace se
perd insensiblement sur les limites de l'aire ensiforme. Sutures frontales
longues, bisinuées, à courbures faibles. Suture épicraniale relativement
longue, puisqu'elle occupe environ le sixième de la ligne naso-cervicale
(ligne longitudinale et médiane allant de la pointe du nasal au fond de
l'échancrure cervicale).

Suture hypostomiale relativement courte ; sa longueur égale les deux


tiers de la longueur de la suture gulaire ; les piliers du tentorium
s'insèrent donc assez en avant à la face ventrale du crâne.

La forme de l’épistome est irrégulièrement pentagonale ; le nasal, est


saillant, trilobé, avec le lobe médian, aigu, avançant au delà du niveau
des lobes latéraux ; le bord libre des lobes est finement crénelé ou
denticulé de façons diverses suivant les espèces ; ces dents aiguës et
acérées chez le juvénile s'émoussent et s'arrondissent chez les larves
âgées.

LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E


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Figure 30 - 1 - Face supérieure du crâne de la larve du Trechus rufulus Dej. - Es.,


Epistome ; n., nasal ; m., manubrium ; sel. mb., sclérite mandibulaire ; s. n.-mb., sillon
naso-mandibulaire ; s. ph., sillon pharyngien ; a. ph., aire pharyngienne ; a, ens., aire
ensiforme ; c. t., côte tentoriale ; cond. d., condyle du tentorium. - Fr., Frontal ; a. a., aire
antennaire ; a. cér., aire cérébrale ; a, fp., aire frontale postérieure ; sut. f., suture frontale.
- Ec., Epicrâne ; sel. a., sclérite antennaire ; a. mb., aire mandibulaire ; v., vertex ; c., cou
; s. c., sillon cervical ; sut. é., suture épicraniale. 2 - Face inférieure du crrâne de la larve
du Trechus rufulus Dej. - Hy., Hypostome ; sel. mx., sclérite maxillaire ; cond. mx.,
condyle maxillaire ; f. mb., fosse mandibulaire ; pl., pleurostome ; sut. h., suture
hypostomiale ; p. t., pilier du tentorium. - Ec., Epicrâne ; j., joue ; sut. g., suture gulaire. -
me., mentum et submentum. 3 - Face ventrale de la patte postérieure gauche de la larve
du Trechus breuili Jeannel. - h., hanche ; tr., trochanter ; f., fémur ; ti., tibia ; ta., tarse ;
o., ongle. 4 - Mandibule gauche de la larve du Trechus rufutus Dej. - cond. d., condyle
dorsal ; cond. v., condyle ventral ; pe., pénicille ; r., rétinacle ; a., apex. 5 - Sommet de
l'antenne droite de la larve du Trechus rufulus Dej. - scl. l., selérite annulaire ; v., vésicule
hyaline ; o. r., organe renflé ; sty., style. 6 - Face ventrale du labium et de la maxille
gauche de la larve du Trechus rufulus Dej. - Hy., hypostome ; scl. mx., sclérite maxillaire
; ca., cardo de la maxille ; sti., stipe ; c. v., cils masticateurs ; 1. i., soie représentant le
lobe interne ; l. e., lobe externe ; P., palpe ; b., basal ; pb., prébasal. - Sm., submentum ;
m., mentum ; s. l., stipes des palpes labiaux soudés pour former une pièce impaire ; l.,
article basal du palpe labial.

LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E


78 NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I
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La face ventrale ou buccale du nasal est hérissée de très nombreux cils.

Sclérite mandibulaire séparé du nasal par un profond sillon


naso-mandibulaire aboutissant en avant à une profonde échancrure du
bord libre de l'épistome ; une soie sur l'angle antérieur du sclérite
mandibulaire. Sillon pharyngien peu marqué. Aires pharyngiennes
larges, indiquées par trois voussures bien nettes ; l'aire ensiforme est
longue et étroite ; elle porte deux soies à la terminaison des côtes du
tentorium. Le manubrium est court.

Par suite de la direction oblique des côtes du tentorium et de la longueur


des sutures frontales, le frontal est étroit, en forme de V assez fermé.
Les aires antennaires sont étroites, allongées. et portent une grande soie
vers leur milieu ; les aires cérébrales sont peu développées. L'aire
frontale postérieure est anguleuse.

L'épicrâne forme la moitié de la face dorsale de la tête, ses faces


latérales et la plus grande partie de sa face ventrale ; il ne présente pas
de régions bien limitées. Le sillon cervical est absent et par suite le cou
et le vertex sont peu distincts ; ce dernier porte une grande soie sur son
milieu.

En avant, l'épicrâne forme le pleurostome et le sclérite antennaire,


large, annulaire, plus ou moins dorsalement placé. Les aires ocellaires
ne sont guère délimitées.

Un certain nombre de grandes soies, constantes, se voient sur l'épicrâne


: 2 sur le sclérite antennaire, 1 susocellaire, 1 verticale, 1 antéro-interne
et 1 postéro-externe sur l'aire mandibulaire, 1 latérale, enfin deux
rangées obliques de 4 à 5 soies chacune (une rangée externe et une
rangée interne), à la face ventrale de l'épicrâne. L’hypostome est petit,
triangulaire ; son bord antérieur, s'étendant d'une fosse mandibulaire à
l'autre, forme un condyle articulaire pour le cardo de la maxille et un
sclérite maxillaire bien développé.

A l'angle postérieur de l'hypostome se voit l'insertion des piliers du


tentorium avec deux soies en avant d'eux. Chez les espèces dont les
LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E
NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I 79
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yeux sont le mieux développés, comme Iberotrechus bolivari, Trechus


quadristriatus, Trechus distigma etc. il existe deux petites taches
pigmentaires sur l'aire oculaire, la tache antérieure irrégulièrement
trilobée, transverse, plus développée que la tache postérieure qui est
petite, ponctiforme. Cette tache postérieure correspond au deuxième
rang d'ocelles dont la régression est plus avancée que celle du rang
antérieur. C'est un fait d'observation répétée (Jeannel 1907, p. 51 ;
1911, p. 58) que toujours chez les cavernicoles l'appareil visuel externe
s'atrophie d'arrière en avant.

Les antennes s'articulent au centre d'une large membrane articulaire qui


occupe l'intérieur du sclérite antennaire. Les antennes sont assez grêles
et allongées, atteignant à peu près les 4/5 des mandibules.

Chez le juvénile les deux articles de la base sont beaucoup plus courts
et ramassés que chez la larve âgée. L'article II porte une soie au bord
interne de son sommet. L'article III, allongé et renflé est en quelque
sorte bifurqué ou plutôt bilobé. Le lobe externe s'articule avec un très
petit sclérite annulaire surmonté d'une grosse vésicule hyaline
piriforme.

Le lobe interne continue à peu près la direction générale de l'antenne et


s'articule avec l'article IV ou apical. L'article III porte une longue soie
dorsale près de sa base, une soie interne et une soie externe. L'article
apical est cylindro-conique et porte aussi trois longues soies divergentes
; il se termine par un cône membraneux sur lequel se dressent des
organes sensoriels, un style et des organes renflés.

Ces organes se présentent comme des évaginations de la paroi


chitineuse de l'article, renfermant les terminaisons sensitives des
grosses cellules nerveuses qui occupent l'intérieur de l'article.

La vésicule hyaline est aussi un organe sensoriel constitué par une


petite masse granuleuse centrale, entourée d'une épaisse couche externe
anhiste, striée parallèlement à la surface de l'organe.

LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E


80 NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I
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Figure 31 - 1 - Thorax et premier segment de l'abdomen de la larve du Trechus breuili


Jeannel. - Pr., pronotum ; ms., mésonotum ; mt., métanotum ; 1A., premier segment
abdominal. Ste., pièce sternale semilunaire ; ps., préscutum ; sc., scutum, st. r., stomate
rudimentaire du métasternum ; st., stomates des segments abdominaux ; eppl., épipleures.
2 - Derniers segments abdominaux de la larve du Trechus breuili Jeannel. - St., stomate
du huitième segment abdominal ; Z., telson ; c., cerques ; t. a., tube anal.

Deux petites épines sur le lobe externe de l'article III et une petite
digitation dans la région externe de sa membrane articulaire ont encore
certainement une fonction sensorielle. Toutes ces phanères des
antennes, soies et évaginations, sont constantes, tant par le nombre que
par la position chez toutes les larves de Carabidae ; elles sont
cependant particulièrement développées chez les Trechinae.

Les mandibules sont grêles, aiguës, falciformes. Leur longueur (ligne


allant de la pointe à l'insertion du pénicille) est trois à quatre fois plus
grande que leur largeur à la base (ligne allant de l'insertion du pénicille
au condyle dorsal. L'apex est aigu, simple ; le bord concave est
tranchant, non crénelé et porte un fort rétinacle avant le milieu. L'angle
basal interne porte un pénicille formé de quelques longues soies rigides

LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E


NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I 81
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à sommet barbelé. Des poils semblables s'insèrent sur le pourtour de


l'orifice buccal. Le bord externe, convexe et épais, régulier, porte une
soie dressée au tiers basal. La coupe de la base de la mandibule est
triangulaire ; le condyle dorsal s'articule avec l'extrémité de la côte du
tentorium, le condyle ventral dans une fosse spéciale de l'hypostome.

Les muscles rétracteurs de la mandibule insérés entre les condyles et sur


la base de la face externe se portent dans la région externe de l'aire
mandibulaire de l'épicrâne ; les muscles adducteurs bien plus puissants,
se fixent d'une part à toute la base de la mandibule et d'autre part
s'insèrent sur toute la partie centrale et interne de l'aire mandibulaire.
Les maxilles sont très longues, très grêles et dépassent en avant
amplement le niveau de la pointe des mandibules. Le cardo est très
petit, mais distinct. Le stipe de la maxille est très long, grêle, aplati,
parallèle ; environ cinq à six fois aussi long que large chez les larves
âgées, bien plus épais relativement à sa longueur chez les juvéniles. La
face ventrale ne porte pas de soies ; à la face dorsale se trouve un rang
d'une dizaine de petites soies dirigées en dedans ; le bord externe porte
trois ou quatre longues soies, le bord interne en porte deux, dont une,
située à l'extrémité apicale, représente le lobe interne ou lacinia de la
maxille.

Au sommet du stipe s'articule, en dedans, le lobe externe ou galea,


formé de deux articles dont l'apical est styliforme ; bien plus long que le
basal ; une petite soie s'implante sur la membrane articulaire entre les
deux articles. En dehors du lobe externe enfin et continuant la direction
générale du stipe, s'articule le palpe maxillaire qui présente chez les
Trechinae cette particularité exceptionnelle d'être formé de cinq articles
au lieu de quatre (de trois lorsqu'on compte le basal comme pièce
palpigère). Chez les Trechus le palpe maxillaire comporte : un basal
(pièce palpigère de Schiödte), court, armé d'une soie ventrale, un
prébasal épais, environ trois fois aussi long que large chez la larve âgée,
bien plus épais chez le juvénile, puis trois articles apicaux, grêles,
allongés, sensiblement de même longueur, mais d'épaisseur
décroissante. Ces trois articles apicaux se comptent parfaitement et
leurs articulations sont nettement visibles.

LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E


82 NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I
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Comme chez tous les Carabidae, le labium est formé d'une pièce
impaire portant deux palpes labiaux. La pièce impaire est le stipe des
palpes labiaux ; elle est trapézoïde, constituée par la fusion médiane de
deux pièces paires ; sa base plus fortement chitinisée correspond au
mentum qui s'articule avec un submentum très faiblement chitinisé,
porté en avant du bord antérieur des hypostomes entre les deux sclérites
maxillaires. Sur le stipe des palpes labiaux se voient des soies latérales
au nombre de trois ou quatre, la soie apicale se trouvant reportée à la
face ventrale ; le bord apical du stipe porte entre les palpes une petite
ligula ciliée ; toute la face dorsale ou buccale du stipe enfin est hérissée
de longs cils. Tandis que chez toutes les larves connues de Carabidae
les palpes labiaux sont bi-articulés, chez les larves des Trechinae ces
palpes labiaux sont formés de quatre articles : un basal allongé, robuste,
quatre à cinq fois aussi long que large, et trois petits articles apicaux
absolument semblables aux articles apicaux du palpe maxillaire, mais
un peu plus grêles.

Aux palpes labiaux la différence avec les autres types larvaires de


Carabidae est donc plus grande encore qu'aux palpes maxillaires ; les
palpes labiaux des larves de Trechus ont deux articles de plus que
d'habitude et il en résulte que chez eux le nombre des articles est le
même aux palpes labiaux qu'aux palpes maxillaires, puisque le stipe des
palpes labiaux est homologue de l'article basal des palpes maxillaires.
Une vaste pièce sternale en demie-lune, chitinisée et colorée comme la
tête, s'articule à la face ventrale avec le bord libre du crâne, il s’agit du
pronotum. Il est constitué par deux larges sclérites pairs, dont la suture
médiane est visible. Il est trapézoïdal, transverse, un peu plus large en
arrière qu'en avant ; il porte trois rangs transverses de macrochètes.
Pour le méso et métathorax, chacun d'eux est plus court que le
prothorax. A la face dorsale les praescuta seulement sont sclérifiés : les
méso et métanotum portent chacun deux rangs transverses de
macrochètes.

Les segments abdominaux sont blanc laiteux. Les scuta sont à peine
sclérifiés et portent chacun un rang transverse de macrochètes.
Latéralement se voient les épipleures, séparés des scuta par une zone
membraneuse portant les stigmates ; les épipleures sont hérissés de
grandes soies divergentes. Le telson (dernier segment abdominal) porte
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NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I 83
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deux cerques, assez courts et arqués et le tube anal. Les cerques sont
hérissés d'un petit nombre (six à sept) de grandes soies divergentes. Le
tube anal est grêle, cylindrique, à peine plus long que les cerques. Toute
la surface du telson, des cerques et du tube anal est finement
pubescente, même chez les espèces dont les sclérites thoraciques et
abdominaux sont glabres entre les macrochètes. Les pattes sont toutes
semblables, celles de la paire antérieure étant seulement un peu plus
courtes.

Dans leur ensemble, les pattes sont courtes, ne dépassant guère que par
le tarse les côtés du corps chez l'animal vivant. Les hanches sont
coniques, à peu près aussi longues que le trochanter et le fémur
ensemble. La face ventrale du trochanter et du fémur porte un double
rang d'épines ; l'extrémité apicale et ventrale du trochanter est armée
d'une longue soie contournée à son extrémité. Le tibia est court, presque
cubique, sa couronne apicale est formée de six épines symétriquement
placées par rapport au plan sagittal du membre. Tarse long et grêle,
terminé par un gros ongle unique ; le bord dorsal du tarse se termine par
deux petites épines. La position des grandes soies ou macrochètes a été
indiquée dans le cours de la description ci-dessus. En plus des grandes
soies, il existe sur les selérites un revêtement de petites soies de
position et de nombre variables. Ces petites soies manquent toujours
chez les juvéniles ; elles apparaissent seulement chez les larves âgées
plus ou moins nombreuses, suivant les genres.

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LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E


84 NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I
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ECHELLE DES CARACTERES POUR SERVIR


AUX CLASSEMENTS

TRECHINAE : édéage anopique avec le lobe médian en partie fermé


dorsalement avec le bulbe basal clos. Mandibules de type I et II,
formule : I 1R1P (Bb) : Perileptini, Aepini, Homaloderini ou II 1R
(Bm) Trechini.

Dispositions spatiales des pièces copulatrices :

TRECHINAE Isotopes.
TRECHINAE Anisotopes.
TRECHINAE Dentirugula, nov.

I. Caractères pour la détermination des Tribus

Protibias (présence ou absence de l’éperon externe)


Aires oculaires (pubescence)

Critères vérificateurs1
Mandibule droite (type : I 1R1P (Bb) ou II 1R (Bm))
Morphologie générale (comparative)
Occupations géographiques (inter-continentales)2

1
Les classements s’appuient obligatoirement sur des critères vérificateurs. Ils restent à la
charge du taxonomiste qui utilisera d’une manière intellectuelle les données
géographiques ou l’étude comparative de la morphologie générale pour vérifier si le
rapprochement des entités est bien en relation avec les classements obtenus en taxonomie
pure. C’est ainsi pour ces raisons que selon les entomologistes, les positionnements
peuvent et pourront toujours varier en absence d’étude génétique.
2
La majeure partie des types de répartitions géographiques chez les Trechinae correspond
à une grille que nous donnerons a la fin de ce chapitre. Il y a bien sûr une étroite liaison
entre leur hierarchie zoologique et leur étalement géographique. Il s’agit donc là de
critères, dans la plupart des cas, vérificateurs et de la plus haute importance. Il se pose
cependant un problème : certains genres peuvent être présents sur deux continents (ex.
Trechus). Il ne s’agit bien évidemment pas là d’une occupation géographique de type
Inter-continentale au sens où nous l’avions donné concernant les tribus et sous-tribus. Ces
Trechinae occupent des continents différents et restent des cas d’exception que nous
étudierons en géonémie dans des tomes futurs.
LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E
NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I 85
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II. Caractères pour la détermination des Séries Phylétiques

Chétotaxie de l’élytre (les grands types de série ombiliquée)


Prébasilaire (nombre de soies)
Pubescence des protibias (présence ou absence)
Protarses antérieurs des mâles (forme et degré de dilatation)

Critères vérificateurs
Morphologie générale (comparative)
Occupations géographiques (intra-continentales étendues)

III. Caractères pour la détermination des Genres

Chétotaxie de l’élytre (degré d’agrégation de la série ombiliqué)


Languette (nombre de soies et structure générale)
Labium (types d’épilobes)

Critères vérificateurs
Strie récurrente (position)
Groupe des soies apicales (nombre et position)
Morphologie générale (comparative)
Occupations géographiques (intra-continentales)

IV. Caractères pour la détermination des Sous-Genres

Chétotaxie de la tête (nombre de soies frontales)


Sillons frontaux (degré d’oblitération et forme)
Labium (type de dent médiane)
Chétotaxie de l’élytre (position des soies discales, 3ème ou 5ème strie)

Critères vérificateurs
Morphologie générale (comparative)
Occupations géographiques (intra-continentales restreintes)

LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E


86 NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I
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V. Caractères pour la détermination des Lignées

Pièces copulatrices (grandes lignes morphologiques)


Labium (soudé ou libre)
Chétotaxie de l’élytre (nombre de soies discales)

Critères vérificateurs
Morphologie générale (comparative)
Occupations géographiques (nationales)

VI. Caractères pour la détermination des Groupes (Complexes)

Pièces copulatrices (morphologie comparative)

Critères vérificateurs
Morphologie générale (comparative)
Edéages (morphologie comparative)
Mandibule droite (type de dents)
Occupations géographiques (nationales restreintes)

VII. Caractères pour la détermination des Espèces

Pièces copulatrices (étude détaillée)


Edéages (morphologie comparative)
Morphologie générale (comparative)

Critères vérificateurs
Occupations géographiques (locales étendues)

VIII. Caractères pour la détermination des Sous-Espèces

Pièces copulatrices (étude détaillée)


Edéages (étude détaillée)
Morphologie générale (étude détaillée)

LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E


NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I 87
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Critères vérificateurs
Occupations géographiques (locales restreintes)

Grille pour l’étude des occupations géographiques

1 – inter-continentales : tribus et sous-tribus.


2 – intra-continentales étendues : séries phylétiques.
3 – intra-continentales : genres (sauf ceux inter-continentaux).
4 – intra-continentales restreintes : sous-genres.
5 – nationales : lignées.
6 – nationales restreintes : groupes.
7 – locales étendues : espèces.
8 – locales restreintes : sous-espèces.

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88 NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I
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Comptes-rendus du

LABORATOIRE D’ENTOMOLOGIE FAUNE HYPOGEE ET ENDOGEE

NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE

TOME I
Biologie, Evolution & Taxonomie

Sous la Direction de C. Avon


&
Pascale Courtial : Attachée de direction

Imprimé à Nice (France)


Déposé à la Bibliothèque Nationale de France (Paris)
Bibliothèque Municipale de Marseille

N° ISSN : 1269-9152

Dépôt légal DLE-20061012-48675 - 4ème trimestre 2006

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