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GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE

CONSULTATION
INTERNATIONALE
POUR L’AVENIR DU PARIS
METROPOLITAIN
CHRISTIAN DE PORTZAMPARC
Architecte-urbaniste, mandataire

LABORATOIRE C.R.E.T.E.I.L.
Institut d’urbanisme de Paris
Université de Paris XII, co-traitant
Pour affronter le vertige de la question métropolitaine, la crise qu‘ elle représente,
il nous a fallu analyser son système, cet ensemble vivant, ses dynamismes et ses
blocages. Ce système n’est plus celui de la ville. De nouvelles notions se révèlent,
de nouveaux outils conceptuels sont nécessaires pour le comprendre et agir.

A partir de la reconnaissance de la métropole comme point et interface dans un


réseau avec les autres métropoles du monde, comme immense phénomène que seule
l’efficacité récente des liens immatériels a pu faire croître au-delà des capacités de
ses réseaux de transports matériels, nous avons observé le système de pôles et de
liens qui traversent et rendent complémentaires centre et périphéries . Nous avons
repéré une possible croissance en rhizome, à travers les coupures et l’enfermement
généralisé des lieux entre les « tuyaux » de transports rapides.

La métropole est la chance pour beaucoup de vivre la modernité du monde en évolution.


Mais c’est aussi le gaspillage environnemental et économique des ressources, le très
grand danger de fixations dans l’espace des différences sociales et culturelles.
Conjurer cette évolution, empêcher l’étouffement du fragile artefact technique qui
constitue cet univers, le vivre différemment et mieux, exigent d’agir.

Agir sur le système d’ensemble et d’abord sur les urgences, les points nodaux du
dynamisme économique et la fluidité des liaisons.

Agir pour réconcilier de proche en proche espaces fonctionnels à l’échelle métropolitaine


et espaces physiques de proximité, agir pour satisfaire aux exigences d’une gestion
durable des ressources.
GRAND PARI DE L´AGGLOMÉRATION PASISIÈNNE

TABLE DES MATIÈRES

PENSER AGIR
I. LA MÉTROPOLE EST-ELLE ENCORE UNE VILLE? I. DANS LA GRANDE DIMENSION :
Pour des fonctionnalités métropolitaines intensifiées
MÉTROPOLE ET AGGLOMÉRATION
AMPLIFIER LA DYNAMIQUE DES RHIZOMES
UN ENSEMBLE HÉTÉROGÈNE ET DISCONTINU
STRUCTURER DES COMMUTATEURS METROPOLITAINS
LA DISJONCTION HESTIA-HERMES
GARANTIR LA FLUIDITE METROPOLITAINE
UN LABYRINTHE IN-APPRÉHENDABLE
LA CRISE DES METROPOLES COMME CRISE DE LA MAITRISE II. LES THEMES D’INTERVENTIONS
DU MONDE MATERIEL GÉNÉRIQUES SUR L’ESPACE
ASSEMBLER HESTIA ET HERMÈS –CRÉER DE NOUVEAUX AXES DE VIE
II. UNE CROISSANCE PARADOXALE
LE DURABLE C’EST LE TRANSFORMABLE. DES « RÈGLES
LE PARADOXE MÉTROPOLITAIN DU JEU » CONTRE LES TERRITOIRES « BLOQUÉS ».
LA MÉTROPOLE PARISIENNE, UNE MÉTROPOLE EN PANNE FAIRE ARCHIPEL
L’APRÈS-KYOTO : UN CHANGEMENT DE PARADIGME CRÉER DES BALISES MIX-CITÉS – L’APPROPRIATION PAR
LA PRATIQUE ET LA PERCEPTION
III. DES PRINCIPES POUR L’ACTION
PENSER LE TOUT : UN SYSTÈME VIVANT III. SIX ETUDES DE TERRAIN :
La « fenêtre de projet » comme méthode
PENSER APRÈS KYOTO
RHIZOME SUD: TROIS FENÊTRES
PENSER L’HÉTÉROGÈNE ET LE DISCONTINU, LE TEMPS
› Massy - Saclay, Orly - Massy, Evry-Grigny
L’APPROPRIATION PAR LE CORPS, LA PERCEPTION, L’IMAGINAIRE.
RHIZOME NORD: TROIS FENÊTRES
ACCOMPAGNER LE VIVANT › Bobigny, Roissy - Le Bourget, Gare Europe
DE LA GOUVERNANCE

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INTRODUCTION

Cette étude intervient à un moment historique.

Il y a près de quarante ans, le plan Delouvrier donnait un grand schéma d’ensemble


pour construire la Région Parisienne.

Depuis lors, nous avons poursuivi ce plan, celui des villes nouvelles, mais nous n’avons
pas vraiment continué à penser au tout. Car entre-temps, à partir des années 70, l’idée
que la planification était dépassée, impropre à engager le futur, a succédé à la période
planificatrice, progressiste, des « 30 glorieuses ». Ce basculement était comme un
écho dans l’urbanisme du glissement général des modèles de pensée dominants vers
l’hégémonie du marché et l’affaissement des régulations publiques. L’économie privée
prenait le relais, dans les années 80, des efforts de l’Etat, de la Caisse des Dépôts,
pour répondre à la crise du logement et aux besoins d’équipements appelés par les
mutations économiques.

Pendant les trente glorieuses, la première croissance urbaine avait équipé et construit
les cités qui ont permis de reloger les bidonvilles, crée la Défense et les villes nouvelles.
Bref retours sur les mutations des politiques publiques
Nous étions dans l’économie fordiste dominée par l’automobile et l’exode rurale.
d’aménagement du territoire et d’urbanisme.
Il fallait loger en quantité. La planification et l’urbanisme, ce que l’on a appelé le
mouvement moderne, cherchaient à municipaliser les sols et dessinaient les « plans Les conditions générales rendant possible le pilotage du
masses » de logements collectifs. développement métropolitain ont profondément changé
pendant la deuxième moitié du 20ème siècle tant au Nord
Soudain, avec l’entrée des opérateurs privés dans les villes d’Europe, a émergé la qu’au Sud de la planète. Dans les années 1950 et 1960
recherche de modèles alternatifs, biens repérables dans les villes nouvelles par exemple nombre d’Etats, sans oublier les Etats les plus récents issus
: néo-moderne, néo-village, maisons, « new-urbanisme ». Après les certitudes, le des processus d’indépendance post coloniale, recourent à
la planification, soit impérative, soit indicative, pour mettre
désarroi .Tout était essayé. Sans un mot, dans les ateliers d’urbanisme d’Europe et des
en oeuvre leur stratégie de développement national, dans
Etats-Unis, on s’est mis à prôner un retour à la ville ancienne. Après l’universel et les un cadre autoritaire ou au contraire démocratique. Le
systèmes industriels qui pouvaient s’installer n’importe où, c’était le retour en force marché est alors orienté ou contraint par les interventions
du contingent, de l’idée d’un urbanisme de quartiers qui répondait à des lieux et d’une publiques centrales et cela se traduit dans l’espace. Cet
architecture vouée à faire ville. appareillage et cette régulation neokeynésienne sont

4 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


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Les années 80 ont été celles du dynamisme de l’économie libérale. La notion de vitesse abandonnés au cours des années 70 – 90 tant aux Etats-Unis
du retour sur investissement a guidé partout dans le monde les efforts de construction. qu’en Grande-Bretagne en raison de l’essor des idées et pratiques
Dans de nombreux pays, l’urbanisme a alors disparu, vécu comme contraignant et du libre-échange et du libéralisme économique dans le monde,
de la disparition du système collectiviste, de l’effritement du
retardateur d’opération.
fordisme, de l’influence croissante des institutions financières
Le phénomène urbain se mondialisait, les logiques techniques qui le sous-tendent privées et des cycles raccourcis des retours sur investissement.
- principalement immatérielles -, se développaient, une nouvelle ère s’ouvrait. La
L’examen des politiques territoriales mises en œuvre en France
conjonction de cette économie libérale et de l’organisation du monde en réseaux durant les cinquante dernières années illustre l’ampleur des
immatériels, imposant le rythme nouveau d’une «cyber-économie», faisait apparaître transformations qui ont régi les rapports de la société et de son
les métropoles. territoire, à diverses échelles. Le rôle de l’Etat centralisé apparaît
dominant pendant la reconstruction, puis pendant les « Trente
L’idée de planification était rejetée, le mot même était devenu « ringard », soviétique, Glorieuses » (1945-1975) aux cours desquelles se déploie
trop déterministe face à un monde changeant. Le marché n’était peut-être pas une une politique nationale d’aménagement du territoire, pilotée
par la Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action
boussole mais au moins rendait-il l’avenir visible en faisant croître les villes, et vite.
Régionale (DATAR) créée en 1963, et dépendante du Premier
Une sorte de vision idéologique était même théorisée, qui empruntait à l’économie Ministre. L’Etat surplombe alors la société et édicte territo-
libérale le principe autorégulateur du marché, la fameuse « main invisible ». Vision rialement par des schémas et des politiques spécifiques ce
à laquelle on doit la notion de « ville émergente » promue dans les années 90, qui qu’est l’intérêt général du pays. C’est l’époque de « la géographie
théorisait l’idée que le « chaos » de l’urbanisation actuelle n’est qu’apparent et que volontaire ».
la ville qui se prépare est une ville que nous ne savons pas voir encore, une ville dont
Huit métropoles doivent à terme équilibrer Paris, et elles sont
les vertus vont se révéler.
privilégiées par d’importants programmes d’équipements
publics pour leur permettre d’accueillir la croissance de type
Nous avions découvert dès 1970 que les modèles, les bâtiments types, les grands
fordiste des entreprises – surtout industrielles – concentrées
zonings, ne pouvaient plus s’appliquer et qu’il fallait mesurer combien chaque cas jusque là dans l’agglomération parisienne, à un moment où le
était particulier. Mais nous nous opposions à l’idée des vertus immanentes dont était pays s’industrialise fortement. Des villes nouvelles parisiennes
crédité ce chaos urbain. Nous pouvions en mesurer de façon massive et caricaturale et provinciales, la Défense sont créées sur initiative publique
les effets catastrophiques dans d’autres pays. L’exemple de Barra da Tijuca à Rio est et les pouvoirs publics résistent alors aux fluctuations et
éclatant à cet égard : le « marché » a produit, en vingt ans, quatorze kilomètres de cycles du marché immobilier. Le développement est impulsé
par la puissance publique centrale qui mobilise des aides
ville formée de « gated communities », de bureaux et « shopping », le long de la côte,
incitatrices à la localisation provinciale et des interdictions
sans espace public, sans transports en commun, protégé contre les « favelas » voisines. d’extension en région parisienne. Les plans d’urbanisme (POS
Dans un tout autre registre, à la même période, la reconstruction de Berlin Mitte, ville et SDAU) et les permis de construire sont étudiés et validés
dense classique, démontre qu’aucune réflexion n’a été faite sur la rue et l’îlot à notre par les services départementaux ministériels (Equipement et
époque : même si le résultat fonctionne et ne présente pas le caractère désastreux de Agriculture). L’aménagement et l’urbanisme opérationnels sont
dominés par l’ingénierie dite d’économie mixte de la Caisse des
l’exemple brésilien, il y a là le même aveuglement.
Dépôts et Consignations. Des réserves foncières sont portées
financièrement par l’Etat central.
Parallèlement, la vitesse vertigineuse des urbanisations dans certains pays a entraînée
l’obsolescence des « modes stylistiques », la prolifération des essais de toutes sortes La décentralisation de 1982 transfère les compétences
et de la diversité ad nauseum. d’urbanisme aux communes et donc aux élus locaux et entame
le monopole de l’Etat sur l’aménagement du territoire au profit

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INTRODUCTION

Pour la première fois dans l’histoire, il n’y avait plus un paradigme de la ville reconnu des régions, les villes nouvelles retrouvant le droit commun peu
par tous. Rupture majeure, passage d’un âge à un autre. après. Cette décentralisation a été préparée par une dizaine
d’années de politiques contractuelles entre l’Etat et les villes :
La métropole est un phénomène planétaire, sujet majeur de notre temps : pourtant, villes moyennes, petites villes et pays, l’Etat dialoguant avec les
nous n’avons pas de pensée pour comprendre la métropole de Paris. élus, et n’agissant plus seul.

Or la grande région métropolitaine est la condition de notre avenir. Les faits nous A partir des années 90 les investissements publics urbains sont
majoritairement le fait des collectivités locales, qui découvrent
alertent, les émeutes de 2006 nous réveillent. A la ville intégratrice et citoyenne,
la concurrence spatiale et l’égoïsme territorial pour maintenir
s’oppose la ville séparatrice où la République n’est pas respectée. ou attirer chez elles activités et population. Les prospectives
locales se multiplient, même si les intercommunalités
Certes, les étendues des nappes urbaines périphériques ne sont pas la cause des s’accroissent. L’agglomération parisienne n’est plus pourvoyeuse
inégalités sociales, mais elles les fixent sur le territoire d’où elles ne peuvent plus de surplus. Le contexte économique se mondialise. La planifi-
sortir. Elles les renforcent par la difficulté d’accès aux services et aux emplois, à la cation territoriale devient stratégique, en amont des normes
formation. Le danger de la fixation des barrières sociales, de l’enfermement de zones- qui fixent le droit d’usage des sols, et réunit acteurs publics et
villes de non droit, de celui de quartiers de droit privatif, l’arborescence en impasse privés, en particulier dans les plus grandes agglomérations pour
concilier des perspectives communes. Si les SCOT et les PLU
des réseaux de circulation, la déchéance, l’appauvrissement, la disparition parfois
constituent toujours l’encadrement réglementaire public des
de l’espace public, sont des obstacles au développement : la métropole présente le opérations urbaines, les ZAC privées et le rôle des opérateurs
danger d’être une fixation organisatrice de l’exclusion, de la relégation. D’être un privés s’amplifient. L’augmentation du nombre de ménages en
amplificateur des effets de la crise dont la montée a accompagné la présente étude. accession à la propriété passe le plus souvent par la forme du
lotissement, et en périphérie des agglomérations. Les forces du
C’est ce que nous voyons poindre. marché arbitrent leurs implantations entre plusieurs espaces
nationaux et s’imposent davantage aux autorités publiques.
Mais la métropole est aussi le lieu possible de l’enchantement où nous découvrons le L’Etat s’efforce dès lors, non plus de réguler la répartition
monde « en marche ». Avec elle, l’espace devient une encyclopédie de connaissances, territoriale de la croissance, mais de construire la compétitivité
de mémoire, de sentiments, le nouveau y apparaît, les dynamiques s’y enclanchent ou internationale d’un grand nombre de pôles spécialisés, d’où la
nouvelle dénomination de la DIACT, qui ne vise plus à organiser
y rebondissent. Avec elle, le temps prend corps, (son « il a été » et son « il sera »). La
ni les territoires, ni les espaces urbains.
métropole est un calendrier métaphysique et c’est pour une grande part ce qui sous-
entend le travail et la passion de l’architecte, de l’urbaniste, du politique lorsqu’il
projette.

La Métropole est un vertige. La réflexion sur le Grand Paris nous oblige à affronter ce
vertige.

Elle nous oblige à nouveau à regarder vers le futur, à en discerner une vision, à le bâtir :
Penser, Agir.

6 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


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L’époque ancienne, optimiste : Le plan de « Barra da Tijuca » (banlieu de Rio de Janeiro - Brésil) de Lucio Costa
prévoyait une ville radieuse au bord des lagunes.

Vingt ans plus tard : la promotion privé


à entassé là des dizaines de « camps »
fermés. Vu d’avion Barra da Tijuca
ressemble à une île. Pourtant, c’est une
succession de quartiers fermés le long des
autoroutes, sans aucun espace public.

Berlin Mitte : une reconstruction sans réflexion


sur la rue et l’îlot.

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8 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire
PENSER
I. LA MÉTROPOLE EST-ELLE ENCORE UNE VILLE?
II. UNE CROISSANCE PARADOXALE
III. DES PRINCIPES POUR L’ACTION
PENSER › I. LA MÉTROPOLE EST-ELLE ENCORE UNE VILLE?

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I. LA MÉTROPOLE EST-ELLE ENCORE UNE VILLE?


› MÉTROPOLE ET AGGLOMÉRATION

› UN ENSEMBLE HÉTÉROGÈNE ET DISCONTINU

› LA DISJONCTION HESTIA-HERMES

› UN LABYRINTHE IN-APPRÉHENDABLE

› LA CRISE DES METROPOLES COMME CRISE DE LA MAITRISE


DU MONDE MATERIEL

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PENSER › I. LA MÉTROPOLE EST-ELLE ENCORE UNE VILLE?

La diversité des tissus métropolitains

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MÉTROPOLE ET AGGLOMÉRATION

Chaque ville nous apparaît irréductiblement singulière, produit d’une histoire, d’une
géographie, d’une économie et d’une politique particulières. Contre les systèmes
réducteurs et globalisants, les grands plans trop déterministes, nous avons depuis
longtemps insisté sur le particulier, le lieu, et le cas dans les situations urbaines. Face
à la recherche du modèle universel, du traitement industriel des questions urbaines,
c’était l’affirmation d’un retour ironique du contingent. Nous repartions du terrain et
de ses acteurs.

Mais la pratique urbaine et la localisation de chaque réalité de la ville ne doit pas nous
empêcher de comprendre l’échelle du phénomène urbain et de le subir en aveugle.
D’une ville à l’autre des traits émergent à l’évidence.

Adoptant le terme de « métropole » face à celui d’agglomération ou de mégapole,


nommons-nous seulement une croissance quantitative ou pointons-nous un changement
d’état ?

Sur le plan spatial, nous voyons dans l’agglomération une extension de la ville en une
vaste nappe, organisée par le rapport traditionnel entre un centre et une périphérie.
Les performances des réseaux de transports rapides, des télécommunications qui ont
amplifié les mobilités, permis les changements résidentiels et étendu le marché foncier,
ont permis des extensions sur le territoire qui débordent la «physique classique» de la
ville qui se mesurait encore au début du siècle dernier à l’heure de marche humaine.

Ce mouvement s’est accéléré dans les années 50 et 60 dans les pays se développant, les
croissances ont été de l’ordre du millier de nouveaux habitants par jour pendant deux
ou trois décennies dans des villes comme Istanbul, Mexico ou Sao Paolo.

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PENSER › I. LA MÉTROPOLE EST-ELLE ENCORE UNE VILLE?

2008 est l’année où le nombre d’urbain est majoritaire sur la terre. Partout dans le
monde, la très grande ville représente la chance de transformer sa vie même si le
risque de misère y est grand. Faire en sorte de ne plus dépendre d’un seul lieu mais
accéder à une infinité de lieux, d’occasions, voilà l’attrait métropolitain qui fait affluer
chaque jour les nouveaux citadins dans les conditions les plus précaires.

Quand la distance n’est plus le seul paramètre qui ordonne les lieux, quand le grand
éloignement n’est plus qu’un facteur modulable grâce aux transports, advient alors
l’agglomération. Dans le premier mouvement de croissance qui la produit, l’espace
physique y est encore le « médium » principal, celui qui permet de comprendre
l’agglomération ou de la déclarer impraticable comme c’est le cas de ces immenses
agglomérations qui étouffent. Parler d’agglomération c’est parler d’un espace qui peut-
être étendu mais reste - bien, mal ou très mal comme dans ces immenses agglomération
qui étouffent - praticable selon les réseaux matériels de transports, conditionné par
eux selon des principes de continuité, d’accessibilité, de contiguïté, organisé dans la
hiérarchie des proximités et des visibilités.

Le cyberespace, la conquête de l’ubiquité


Dans les vingt dernières années, l’extension des réseaux du commerce, de l’information,
de la télévision, d’internet a lancé une second vague de débordement. Mais deux
phénomènes nouveaux ont frappés les imaginations dans les grandes urbanisations
récentes qui « émergent » depuis 30 ans dans le monde.

La rapidité de leur apparition et de leur croissance est le premier. Avec “l’incorporation’


de la télévision, de l’informatique, de la téléphonie mobile, du réseau internet, cette
seconde vague représente le stade du cyberespace, dont les techniques ont engendré
le fait métropolitain.

La constitution de l’espace proprement métropolitain, c’est désormais la conquête


de l’ubiquité, de la télé-présence et de la maîtrise des flux d’information dans
l’immatériel. La vitesse, les transports rapides puis les télécommunications, ont été
pour l’agglomération ce que l’ascenseur est au gratte-ciel : une condition d’existence

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de la croissance. Avec le cyberespace dans la vie pratique il y a une mutation : une


déspatialisation, un « découplage » pourrait-on dire, entre deux mediums relationnels,
le matériel et l’immatériel.

Lorsque le téléphone était apparu, on avait dit que les concentrations urbaines, ces
«villes tentaculaires» qui faisaient peur, ne seraient désormais plus nécessaires, que
l’habitat et le travail pourraient se diffuser dans la campagne. On sait ce qu’il en
a été : le téléphone et la voiture se sont très vite révélés produire en retour des
concentrations urbaines plus grandes encore ; plus de nouveaux contacts étaient pris,
plus de nouveaux rendez-vous d’affaire devenaient nécessaires, plus de nouveaux
centres d’affaires apparaîssaient.

Aujourd’hui pareillement, il est illusoire d’imaginer que le cyberspace dissoudra la


pression métropolitaine. Les « vidéoconférences » décuplent en fait les opportunités
de rencontres et les nécessités de proximité.

Concentration et étalement : on reconnaît dans la croissance phénoménale des villes


ce double mouvement. Magnétisme du centre se densifiant et diffusion lointaine des Mexico

périphéries sont deux faits qui ont souvent été en conjugaison, répondant à des facteurs
distincts.

Le désordre et l’impréparation sont le second phénomène frappant, à ce degré, de cette


seconde vague de grandes urbanisations des dernières décennies. Nous y reviendrons,
mais il est clair que si tout urbanisme est la résultante des tensions entre pulsions
privées et publiques, c’est la prééminence sans conteste des premières qui marque le
mouvement de métropolisation.

Une dynamique fonctionnelle qui submerge la dynamique spatiale


Le mouvement par lequel se constitue l’agglomération aussi bien que celui qui porte
la métropolisation est toujours à la conjonction de deux mêmes dynamiques, cause et
effet l’une et l’autre.

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PENSER › I. LA MÉTROPOLE EST-ELLE ENCORE UNE VILLE?

Une dynamique spatiale, tout d’abord, impulsée par la concentration des populations
et l’extension territoriale de cette concentration. Cette première dynamique opère sur
les formes des transformations physiques de la planète que représentent la croissance
urbaine et le fait métropolitain. Elle traite des lieux, des territoires, de la physique,
de la matière. Elle se mesure en kilomètres, en millions de migrants, en hauteurs de
bâtiments ou en volumes de CO².

Une dynamique fonctionnelle, ensuite, qui est, au contraire de la précédente,


a-spatiale. Elle est impulsée par la concentration des fonctions de création de richesse,
de savoir, de communication, de management et de représentation dans certaines
villes ou dans certaines zones de villes. Elle est non spatiale parce qu’elle renvoie
aux flux immatériels de la finance et de l’information, de la circulation du savoir. Elle
semblerait défier la localisation, si elle ne concentrait dans certaines grandes villes des
centres de direction et de contrôle.

L’interaction des deux dynamiques est constante et ancienne : des afflux de population
se sont de tout temps concentrés, aimantés par les possibilités d’une vie meilleure
possible là où se croisaient les flux de commerce et de savoir ; en retour se développaient
là les centres de décisions, de recherche, de production, qui y trouvaient population,
main d’œuvre et marchés considérables. Mais avec la métropolisation, et c’est une
donnée nouvelle essentielle, la force de la dynamique fonctionnelle entre désormais
en contradiction structurelle avec la dynamique spatiale.

Dans la métropole, l’espace n’est plus le médium principal. Et il est en retard.

L’espace matériel y semble le plus souvent comme laissé-pour-compte. Les disparités


s’accentuent, les distances fixent alors dans l’espace des barrières infranchissables
au sein de la société. Ceci établit ce sentiment de « crise chronique», certes aussi
ancien que la ville elle-même, mais que la métropolisation a portée aujourd’hui à un
paroxysme.

Cette puissance des relations immatérielles a entrainé la croissance des transports


matériels, du réseau international des aéroports et des pôles d’affaire. Certaines des

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grandes villes du monde se sont placées ou se sont trouvées entraînées dans ce flux
et sont devenues des têtes de ce réseau. Cela fait longtemps, après Saskia Sassen,
que le système planétaire des « villes mondes » est reconnu. Parler de métropoles
c’est parler de ce système en réseau mondial dans lequel elles existent. La métropole
est une tête qui émet et reçoit du monde entier. Elle est un nœud dans un réseau,
elle fait système et n’existerait pas seule. La métropole se présente ainsi comme une
position à la fois locale et déterritorialisée. Elle est dans un centre espace, celui des
processus d’interface que constitue le réseau mondial entre des pôles d’émissions et
de productions matériels et immatériels, dans le cadre des échanges commerciaux
comme des échanges de la politique, du savoir, de la recherche, du management de
la finance. Elle existe comme « Topos » actif dans une topologie de réseaux des flux
mondiaux (Saskia Sassen – Manuel Castells).

La métropole apparaît quand les fonctions économiques et de communication ont pris


une importance et un développement qui excéde les besoins, les opportunités, les
moyens mêmes de son territoire, de son hinterland, de son pays. En ce sens il y a
métropole quand s’affirme la mondialisation.

Une tête de réseau mondial


Le câblage sous les océans par les lignes de connexion internet a ouvert une étape
nouvelle dans la course à l’annulation des distances et de l’espace physique matériel
qu’avaient ouvert le train, le téléphone, l’automobile. Dans la rapidité et la quantité
des échanges – le « temps réel » a-t-on appelé ce temps nouveau de l’immédiat, ce
temps affranchit des attaches terrestres – l’information, les décisions, les échanges
financiers et commerciaux, le management, sont entrés dans le fonctionnement de
l’informatique et de la communication immédiate.

Cette puissance des relations immatérielles a entrainé la croissance des transports


matériels, du réseau international des aéroports et des pôles d’affaire. Certaines des
grandes villes du monde se sont placées ou se sont trouvées entraînées dans ce flux et Carte des réseaux de transport de données

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PENSER › I. LA MÉTROPOLE EST-ELLE ENCORE UNE VILLE?

sont devenues des têtes de ce réseau. Cela fait longtemps, après Saskia Sassen, que
le système planétaire des « villes mondes » est reconnu.

Parler de métropoles c’est parler de ce système en réseau mondial dans lequel elles
existent. La métropole est une tête qui émet et reçoit du monde entier. Elle est un
nœud dans un réseau, elle fait système et n’existerait pas seule. La métropole se
présente ainsi comme une position à la fois locale et déterritorialisée.

Elle est dans un espace spécifique, celui des processus d’interface que constitue le
réseau mondial entre des pôles d’émissions et de productions matériels et immatériels,
dans le cadre des échanges commerciaux comme des échanges de la politique, du
savoir, de la recherche, du management de la finance.

Elle existe comme « Topos » actif dans une topologie de réseaux des flux mondiaux
(Saskia Sassen – Manuel Castells).

La métropole apparaît quand les fonctions économiques et de communication ont pris Ce schéma a dix ans seulement et est déjà dépassé...
une importance et un développement qui excéde les besoins, les opportunités, les
moyens mêmes de son territoire, de son hinterland, de son pays. En ce sens il y a
métropole quand s’affirme la mondialisation.

Le système métropolitain mondial


Durant, Gimeno, 1997

18 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


GRAND PARI DE L´AGGLOMÉRATION PARISIENNE

UN ENSEMBLE HÉTÉROGÈNE ET DISCONTINU

La grande ville classique est arrivée à son optimum avec le déplacement à pied et à
cheval. C’est avec l’automobile et le train métropolitain que deviennent possibles les
très grandes nappes urbaines que sont les agglomérations.

L’homogénéité du système des îlots et de la rue caractérise la ville classique. L’espace


public y est le medium dominant, celui qui organise les lisibilités et les relations qui
reposent sur les enchaînements de proximité et de lisibilité, un système « hiérarchique
» qui rapproche ou éloigne selon les contigüités et les accessibilités. Les principes de
composition de la ville baroque ont été le sommet de cette culture de l’espace.

Revenons un instant sur l’espace de la ville qui a prévalu durant vingt siècles pour soulign-
er l’homogénéité de son organisation structurelle. Elle est héritée de «l’invention» de
la rue par la Grèce. Dans le principe de la rue, le système spatial prévu, dessiné, or-
ganise l’agglomération. Même dans ses déclinaisons «vernaculaires » et déformées qui
ont vu les chemins de campagne devenir des rues, il y a un tracé hérité ; cette ville à
rues est certes bien différente de la médina ou de la favela qui s’organisent par addi-
tion de cellules et dégagements progressif de « couloir » de distribution (par achat de
parties d’habitations souvent). Dans les deux cas cependant, nous avons une densité
homogène et une « nappe » continue dans laquelle les espaces clos et couverts domi-
nent sur les espaces vides, les « couloirs publics » et les rues.

La rue et sa déconstruction
La rue concentre les fonctions techniques les plus nombreuses : réseaux, adduction de
l’eau, du gaz, de l’électricité, des évacuations, de la mobilité des habitants à pieds,
en calèche, en voiture, éclairage et aération des logements, achalandage des com-
merces.

Millet (500 av J-C)

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PENSER › I. LA MÉTROPOLE EST-ELLE ENCORE UNE VILLE?

La rue pourtant ne se présente pas comme un simple dispositif technique. Elle est
l’interface de la société et des individus, du public et du privé. Elle est le mode de
lecture et de représentation d’une communauté publique qui met en relation le privé
multiple avec l’unité d’un espace public. La limite entre privé et public qu’elle instaure
comme loi permet le commerce foncier, la sécurité. Elle est le théâtre de la rencontre
enfin. Le système des rues fonctionne comme un « moteur de recherche » : il permet de
« trouver », de s’approprier le monde, de savoir où sont les autres, de rendre accessible
le système. Les lignes des déplacements, les trajets, les avenues, sont aussi les lignes
des échanges de la diffusion des informations, du commerce, qui fixent les lieux de vie
de proche en proche.

La ville des rues enseigne, en silence, à chaque enfant la chose publique et le monde
du dehors comme richesse accessible, appropriable.

On peut dire alors de la rue qu’elle est une forme symbolique.

Elle est le paradigme du système urbain de la ville dense « classique » pendant plus de
deux mille ans.

Sur le plan de la structure de l’espace urbain, il faut alors revenir sur les étapes de
constitution des centres, des banlieues et des périphéries de la ville européenne en
tant que tels. Ils sont en effet le fruit d’une histoire commune.

Les banlieues, déjà constituées avant la guerre de 1939-45, sont encore des villes « à
rues » et îlots, mais moins homogènes que la ville centre. L’ordre ancien est bousculé,
cet ordre de la marche à pied, de l’axe visuel, des « compositions » urbaines et de leur
alignement, qui avait toujours su, au cours des siècles, accorder les poussées désor-
données de l’immobilier venu des pressions individuelles avec la nécessité de règles,
d’arbitrages, de respect d’un ordre, de l’intérêt public représenté par une autorité.

Les périphéries sont, elles, marquées par une véritable « rupture» idéologique chez les
urbanistes : le rejet de la rue et l’installation des grands réseaux.

20 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


GRAND PARI DE L´AGGLOMÉRATION PARISIENNE

Ce moment du refus de la rue, de son exclusion sur toute la planète comme « outil »
du plan de ville est crucial pour comprendre l’enjeu spatial de toute planification des
espaces de périphéries ; c’est une réversion de la vision de l’espace, de la topologie
selon laquelle ont été considérés les pleins et les vides qui forment la ville de l’Age
classique.

La « déconstruction » de la rue est un geste qui emprunte à la logique technique de la


production industrielle, qui affirme la désuétude des modèles «symboliques » et qui
indexe toute la conception et, partant, la perception et la pratique de l’espace à une
addition illisible - parce qu’indifférente à l’animal humain - de performances tech-
niques en réseaux.

L’éviction du concept de la rue est un fait culturel capital qui a été transposé du mode
de pensée technique et selon sa méthode, sans que cela n’ait jamais à être dit tant
la culture technique imprégnait l’idéologie générale. C’est ce que nous avons décrit
comme la « déconstruction » de la rue comme forme symbolique, ouvrant sur une
segmentation de la réalité en champs de compétences et de performances.

De la métropole comme artefact technique


C’est désormais un principe de distribution analytique des performances fonctionnelles,
distribution que la rue accomplissait auparavant, qui présidait à un schéma « total »
de ville, aux « établissements humains ». Ce fut le travail de la Charte d’Athènes, mais
il est probable que, même sans ce travail, les services d’urbanisme du monde entier
auraient adoptés une orientation similaire dans les années cinquante tant était domi-
nante l’attraction de l’efficacité de la pensée technique. On connait certes quelques
exemples de résistance à cette pensée dominante dans les années cinquante : la Sta-
line Allée à Berlin Est, le Bucarest de Ceausescu. Mais ces résistances n’ont existé que
parce qu’une vision et une idéologie alternative ont été imposées par des pouvoirs Etude et analyse du système “rue-bâti”...
autoritaires.

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PENSER › I. LA MÉTROPOLE EST-ELLE ENCORE UNE VILLE?

La technique conditionne tout de la métropole, le transport, l’alimentation, la com-


munication, l’information, le sport, le commerce. Elle hiérarchise, créant l’ordre des
nécessités incontournables avec ses projets, son coût, ses accidents, ses pannes.

Elle conditionne des comportements, elle dynamise, transforme et bouscule le com-


merce, crée des besoins, des sujétions, accentue les inégalités entre les hommes tout
autant qu’elle les relie. Comme les saisons, les crues, la météorologie, les terres et
les plantes, l’artéfact technique urbain est devenu notre nouveau milieu, une anti-
nature qui a pris la place de la nature. La division du travail et des fonctions est à son
principe.

Or la technique n’est pas seulement un outil. Elle est une culture, elle induit des
logiques, des modes de pensée qui dépassent toujours largement le champ délimité
dans lequel elle agit et la finalité des systèmes et objets qu’elle met en place.

La segmentation de l’artéfact global de la grande ville en champs de techniques induit


la séparation dans la pensée, la méthode d’administration, dans l’installation et dans
la gestion des systèmes par les acteurs, sociétés privés ou publics qui construisent et
entretiennent cette ville. Les logiques propres aux réseaux sont séparées, des plate-
formes logistiques aux centrales téléphoniques, des usines de traitement d’eau ou de
déchet aux réseaux routiers, des satellites de communication à la collecte des ordures,
des journaux télévisés aux réseaux des magasins d’alimentation.

Ces systèmes sont nécessairement disjoints parce que leur efficacité est dictée par
des objectifs de performances propres, de rendement et souvent aussi de bénéfice. Il
est apparut d’ailleurs que cette segmentation et ses conséquences dans le zoning de
l’urbanisme moderne qui avait été pensé par et pour une action publique administrée
ou unifiée d’aménagement, a ensuite accueilli partout avec facilité l’économie libérale
privée parce que celle-ci se présente justement déjà segmentée en « métiers » : les
constructeurs de maisons, les promoteurs de centres commerciaux, de logements en
accession, de bureaux, etc...

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Or la segmentation des objectifs pour chaque administration, chaque compagnie privée, ne


peut combiner par miracle une bonne synthèse répondant à tous.

La métropole peut-elle relever de la seule méthode de pensée et d’administration technique ?

Certes, les logiques qui président aux méthodes et installations des mobilités des plateformes
logistiques ou des « pôles » tertiaires sont évidemment réfléchies en fonction de l’ensemble du
territoire qu’elles induisent. Mais dans l’arbitrage de la décision et face à la difficulté d’une
vision claire de l’intérêt général ou de l’expression de cette vision par une instance de gouver-
nance, les facteurs prédominants aux choix sont sectoriels, ou centrés sur un objectif de rende-
ment ou de retour sur investissement particulier d’une société.

La métropole est donc un système, une structure nouvelle, un immense artéfact technique,
fragile, confus, conditionné par les réseaux matériels et immatériels. Ces systèmes de con-
nexion – ou réseau à grande vitesse – ne sont plus attachés à l’espace physique de proximité
soit qu’il le traverse et le coupe comme les réseaux de train et d’autoroute, soit qu’il le câble,
le survole ou utilise les ondes. La sédimentation, l’image du palimpseste qui a caractérisée la
croissance des villes depuis des siècles, cette lente superposition des transformations progres-
sives par la multitude des échanges fonciers qui a marqué l’évolution de la ville classique,
n’opèrent plus dans la métropole. Les poches de territoires sont de plus en plus figées, spéciali-
sées – zones pavillonnaires, cité pauvre, cité riche, zone d’activités, zone logistique, centre de
commerces, réseaux, etc… Autant d’entités trop massives pour permettre un commerce foncier
fluide et les initiatives individuelles qui a caractérisé le phénomène urbain. La métropole voit
ses espaces bloqués au « libre jeu du temps ».

Cette organisation, en juxtaposition et coupures des territoires périphériques, variant selon les
pays, est le grand héritage du XXème siècle. Il marque la plus grande surface des villes et ac-
cueille en France plus de la moitié de la population.

Dans les métropoles, l’espace matériel semble le plus souvent comme laissé-pour-compte. Les
disparités s’accentuent, les distances fixent alors dans l’espace des barrières infranchissables
au sein de la société. Ceci établit ce sentiment de « crise chronique», certes aussi ancien que la
ville elle-même, mais que la métropolisation a porté aujourd’hui à un paroxysme.

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PENSER › I. LA MÉTROPOLE EST-ELLE ENCORE UNE VILLE?

Tel est le paradoxe de la métropole : c’est la maîtrise de la distance et des connex-


ions qui l’a fait naître et grandir immensément, c’est elle qui la met toujours plus en
crise.

La métropole, un fait antropologique neuf


Si nous insistons pour dire que la métropole n’est plus la ville, c’est parce que l’illusion
sémantique du mot ville appliquée à la métropole (ville nouvelle, ville privée, cœur
de ville, etc) masque sa réalité et incite à se rabattre sur le modèle ancestral, penser
en tâche d’huile compacte, ou penser en addition de «villages» (ce que fait peu ou
prou Los Angeles mais avec des poches spécialisées et une richesse globale d’activités
de pointe élevées.).

On est alors conduit à réfléchir aux différentes configurations des espaces de la ville en
observant une articulation entre trois espaces superposés :

L’espace des centres historiques de la ville classique, qui relève d’une structure ar-
ticulée sur le piéton, la calèche et l’heure de marche à pied, caractérisée par le sys-
tème de la rue et de l’îlot.

L’espace de la périphérie de ce centre, dont le territoire a atteint avant la métropoli-


sation les limites de desserte offertes par les réseaux autoroutiers et ferroviaires :
c’est l’agglomération. Sur le plan de la structure urbaine, elle est caractérisée par son
caractère hybride. Les segmentations de territoire imposées par les grands réseaux de
transports internes et externes ont des effets de coupures de territoires, alors que le
réseau dense du centre a fait l’objet d’ouvrages d’art qui préservent les continuités
entre quartiers. Dans le cas de Paris et de nombreuses agglomérations on distingue
clairement une périphérie ancienne, banlieue, qui est structurée selon le type clas-
sique du centre, et la périphérie plus récente générée par les transports rapides.

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C’est au sein d’un autre espace, le cyberespace, que se constitue la métropole. L’espace
physique classique est bousculé : encore présent, nécessaire, inefficient pourtant, per-
pétuel obstacle que la vitesse cherche à nier dans les nouveaux territoires urbains qui
apparaissent.

Une dislocation des hiérachies de proximité.


Comme nous l’avons dit, dans cette métropole, le principe de la hiérarchie des prox-
imités est éclaté. Ce nouvel espace, crée par et pour les réseaux, est difficile à vivre.
L’enchaînement d’échelle qui allait de l’îlot au quartier, du secteur à la commune ou
à l’ex-village englobé, y est disloqué, les lieux, les pôles de l’appartenance sont indis-
tincts, les interdépendances sont multiples et ne réfèrent plus que secondairement à
la proximité spatiale. Or cet ordre ancien de la marche à pied, de l’axe visuel, des «
compositions » urbaines et de leur alignement, s’il est insuffisant pour traiter l’espace
métropolitain, est toujours celui de notre corps, de nos sens, de notre mémoire.

Un nouveau rapport entre centre et périphérie


Au caractère binaire (cellule centre et anneau périphérique) que présentent les agglo-
mérations toujours « hyper-centrées », il faut opposer que le stade métropolitain a be-
soin de périphéries beaucoup plus actives, complexes et spatialement éclatées. Les pôles
fonctionnels de la métropole sont plus importants, plus différenciés, ils communiquent
directement entre eux et avec les gares, aéroports, ils sont liés par les réseaux de com-
munication. Ils sont comme plusieurs « organes spécifiques » : ainsi, la Ranstadt a quatre
centres et son hub aéroportuaire Schiphol, au milieu, est aussi la tête de réseau d’un
pôle d’affaire ; ainsi encore à Tokyo, ou ces pôles fonctionnels représentent une sorte de
polycentrisme.

La métropole installe les fonctions qui lui sont nécessaires sur le grand territoire dont
elle a besoin. Sa fonction de tête de réseau domine son rapport avec le pays et lui dicte
ses orientations, qui excédent ce que le centre « intra-muros » peut offrir. La métropole
ne peut plus se suffire de son centre, centre et périphérie entrent en complémentarité.

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PENSER › I. LA MÉTROPOLE EST-ELLE ENCORE UNE VILLE?

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PENSER › I. LA MÉTROPOLE EST-ELLE ENCORE UNE VILLE?

LA DISJONCTION HESTIA-HERMES

La ville, c’est circuler et séjourner.

Tout le principe de « ville », de la médina jusqu’à notre anti-ville qu’est la métropole,


tient au binôme mobilité /séjour, ou, si l’on préfère, accessibilité / installation. Dans
la ville classique, ces deux fonctions sont liées, avec la rue et l’îlot. Bruno Queysanne,
dans une étude sur Los-Angeles, parle d’Hestia et Hermès, divinités grecques que Jean-
Pierre Vernant avait présenté comme toujours associées en duo, en y voyant le duo
du dieu du mouvement (du commerce, de l’agora, de la rue, de la mobilité) et de la
déesse du foyer (de l’installation fixe).

Or plus on s’approche de la métropole plus ce couple est dissocié. Avec la métropole,


il est rompu ! Dans la métropole, la masse d’installation physique considérable que les
réseaux immatériels ont permis de développer malgré l’inadaptation, a rendu chro-
nique l’inaccessibilité de l’espace. Il y a crise.

La grande machine métropolitaine est un circuit qui marche bien dans l’immatériel
et mal dans le physique. L’espace physique est dépassé, on l’a dit. Une partie de la
population en est exclue, la position de chacun sur le territoire et l’accès aux réseaux
deviennent des marqueurs sociaux.

Une analyse de tissus métropolitains, de ses formes récurrentes et repérables, montre


dans une lisibilité comparative, (on y lit coupures, enclavements et juxtapositions),
le territoire hybride, segmenté, différencié, non homogène, des périphéries. Cette
analyse des types de zones fonctionnelles et programmatiques (pavillonnaires, cités,
villes nouvelles avec ses modes des différentes décennies, parcs d’activités, etc...)
s’intéresse aussi aux systèmes, aux voiries, liaisons, segmentations, distorsions des
fluidités entre les secteurs bâtis. On sait que ce système des espaces publics est beau-
coup plus discontinu, distendu, difficile à pratiquer dans les métropoles et toutes les
périphéries, dès lors qu’a été abandonné le rapport rue-îlot, perçu comme dépassé et
non identifiable dans nos programmes, nos mœurs, nos techniques.

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La Courneuve, Saint-Denis (93)

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PENSER › I. LA MÉTROPOLE EST-ELLE ENCORE UNE VILLE?

Quand les routes deviennent des rues Quand les rues sont dessinées et forment des îlots Quand la ville s’agrandit au long de ses routes

Le rejet de la rue, la ville des « objets » et des tuyaux La ville des pavillonnaires et des impasses

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Après la première couronne qui étendait la ville de l’espace physique des proximités, les « tuyaux » des voies rapides emprisonnent des « secteurs » souvent
monofonctionnels. Hestia et Hermès sont séparés.

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PENSER › I. LA MÉTROPOLE EST-ELLE ENCORE UNE VILLE?

On retrouve partout les structures des réseaux (auto, voies ferrées, parcs logistiques,
etc…) qui traversent les nappes urbaines périphériques, segmentent des secteurs qui
ont été bâtis en zones fonctionnelles homogènes (pavillons, grands ensembles, centres
commerciaux, activités). Par leur structure viaire, leur homogénéité, leur position,
leur éloignement, leur enclavement, ces espaces sont souvent d’emblée favorables
aux « ghettoïsations » lorsqu’elles sont résidentielles, avec assignation dans des « poches
fermées ». Le même phénomène est visible parfois pour les zones résidentielles les
plus riches qui se referment: l’espace public, la voirie, sont coupés du réseau des es-
paces publics et dessinés à partir d’une seule entrée, segmentés en arborescences avec
impasses. On constate en Europe les prémices de ces villes privées déjà nombreuses
ailleurs.

On peut alors lire cette structure : liens rapides, tuyaux / poches enfermées dans ces
tuyaux, plus ou moins spécialisées / voiries de distribution de ces poches /“îlots” crées
par ces voiries.

Un espace partout bloqué : Hestia enfermé par Hermès


C’était déjà en germe avec la grande agglomération : Hermès enferme Hestia. Ou
parfois Hestia étouffe Hermès. Les lieux de la métropole sont figés. Pour une grande
partie d’entre eux ils n’ont pas beaucoup de valeur, le futur est « coincé ». Emprison-
nés entre les barrières des réseaux à grande vitesse qui sillonnent son territoire, les
poches bâties sont constituées « d’opérations immobilières » monothématique. Ces «
zones » ne sont pas installées dans un réseau de rues, c’est-à-dire un système continu Les poches privées, les boucles, les impasses, la fin
où « tous les chemins mènent à Rome », mais sont le plus souvent desservies par des de l’espace public : tendance planétaire…Quand
tous les chemins « ne mènent plus à Rome ». Fini
systèmes de voiries en boucle, en peigne, en arbre avec impasses. Cette situation in-
la « Res publica ».
terdit d’imaginer une « plasticité foncière », la métropole est peu durable en ce sens
premier qu’elle est peu transformable : le marché des terrains est limité aux reventes
pour l’immobilier d’activité, non seulement parce que l’accessibilité est en général
médiocre et parce que la présence, l’adresse, la visibilité, est faible.

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UN LABYRINTHE IN APPRÉHENDABLE
L’espace de la ville nous est habitable et familier à la faveur d’images mentales que nous
construisons malgré nous en fonction de notre expérience. Ces images bâtissent un sché-
ma, une facilité à s’orienter. La perception, la curiosité, la mémoire sont sollicitées.

Mais, dans la métropole et son Hermès à grande vitesse, tout est fléché et il est inutile de
se servir de son sens de l’orientation. Avec le GPS, il devient dangereux de conduire en
essayant de retrouver son chemin par les repères locaux. Nos sens et leur relation avec le
monde physique sont dès lors mis à pied. Sans flèche, nous sommes perdus.

La métropole nous apparaît partout comme le labyrinthe de l’immensité, un trop, un


vertige. Une difficulté à se retrouver. A aller d’ici à là, à franchir les barrières, les voi-
es, les trains, les distances. Chacun a ses quelques itinéraires. Personne ne comprend
l’ensemble.

De ce Grand Paris, on ne peut assembler les échelles.

Il y a l’ordre des lieux, du corps, de la pratique, et de la perception de l’espace physique


par chacun, et c’est le palier, l’asphalte, le paysage qui défile de la fenêtre du train. Et il y
a l’ordre du fonctionnement, des structures et des systèmes, des zones territoriales et de
la multitude, et c’est la cartographie, la vision du satellite.

Entre les deux ordres un abîme. La métropole n’est pas un tout, n’a pas de nom, n’a pas de
représentation. On n’en construit pas une image mentale, elle n’a pas d’entité politique.
La dimension. On est en difficulté pour imaginer comment agir sur les nappes insaisiss-
ables, indéfiniment fragmentées. C’est vider l’océan avec un verre d’eau.

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PENSER › I. LA MÉTROPOLE EST-ELLE ENCORE UNE VILLE?

LA CRISE DES METROPOLES COMME CRISE


DE LA MAITRISE DU MONDE MATERIEL

La crise des métropoles est celle de notre capacité à maîtriser le monde matériel depuis
que le progrès est allé vers l’immatériel.

Le mouvement de la civilisation qui nous a affranchi de la distance, de notre ancrage physique,


ce mouvement glorieux qui va de la matière vers le concept -ici, vers la mobilité, la télé
présence, la communication instantanée -, nous a libéré mais il nous à conduit aussi à une
perte de maîtrise de la matière ; les métiers manuels ont peu d’attrait pour les nouvelles
générations, les entreprises ne peuvent remplacer la main-d’œuvre de qualité. Aménager,
transformer, construire, deviennent plus problématique, plus cher, tandis que tout ce
qui touche aux flux de l’information de l’argent, du savoir est chaque jour en progrès. La
métropole nous dépasse.

La situation urbaine, avons-nous dit, est celle de l’ubiquité. Dans la ville, nous sommes plus
proches d’un lieu avec lequel nous travaillons à 40km que de notre voisin que nous ne con-
naissons peut-être pas, et nous sommes plus facilement encore en conversation régulière
avec un lieu situé sur un autre continent.

Dans cet hyper-espace de l’immatériel, nous avons la tête dans l’univers, l’immatériel, et
les pieds dans la boue. Dans la métropole, le vivant rêve qu’il a accès au monde entier,
mais il peine dès qu’il sort de sa tanière, de son petit périmètre. Le voisin, le proche peut-
être hostile, insécure, le lointain inconnu.

Nous vivons à la fois dans la présence du lointain, virtuelle, et dans notre assignation lo-
cale, incarnée dans notre espace physique. Un chauffeur de taxi indien dans New-York nous
explique qu’il converse maintenant beaucoup plus souvent avec les siens que lorsqu’il était
dans son pays, car relié tous les jours, longuement, par téléphone/internet - à sa famille.
Ce fait d’ubiquité, de coappartenance, qui est au principe de la métropole, nous rend en
quelque sorte schizophrène de l’espace, comme si nous perdions prise sur lui, ou plutôt
que notre seul prise sur lui est de nous constituer comme nomades.

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GRAND PARI DE L´AGGLOMÉRATION PARISIENNE

La situation urbaine ne peut plus se comprendre selon la seule physique « spatiale »


traditionnelle. Elle est marquée désormais par deux espaces : celui classique des lieux
physiques sur la terre, de leur étendue, de l’ordre de leur contigüité et des hiérarchies de
proximité qu’ils induisent, et celui du cyberespace, des flux immatériels.

A un homme nomade a succédé un homme de son terroir, à un homme de sa ville succède


un métropolitain. Un homme qui est ici et là-bas à la fois. C’est déjà un homme machine
qui est annihilé sans ses prothèses, ses appareils portables de plus en plus nombreux, ses
pilules, ses terminaux, ses « connexions ».

Cet être machine du corps post-industriel est en gestation depuis deux siècles. Devenons-
nous à grande vitesse des « cyborgs » à l’ère d’internet et de la technique immatérielle ? En
tout cas notre aptitude à vivre l’espace physique et à l’aménager est altérée, décadente.
Nous le faisons avec des prothèses, des flèches, des GPS.

Le moteur de l’économie est passé de la maîtrise de la production matérielle des automo-


biles à la maîtrise immatérielle du commerce financier, en quelques années, et le cyber-
espace de la mondialisation, espace immatériel paradoxal de l’abolition des distances, a
recouvert de sa trame l’espace matériel en le bousculant, en le niant en quelque sorte.

S’interroger sur le fait métropolitain, pouvoir le comprendre et en maîtriser l’évolution,


l’essor et les méfaits, c’est donc faire retour sur le physique, sur la matière, sur le lieu,
dans sa relation avec les référents de l’époque que sont les réseaux, l’information.

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PENSER › II. UNE CROISSANCE PARADOXALE

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II. UNE CROISSANCE PARADOXALE


› LE PARADOXE MÉTROPOLITAIN

› LA MÉTROPOLE PARISIENNE, UNE MÉTROPOLE EN PANNE

› L’APRÈS-KYOTO : UN CHANGEMENT DE PARADIGME

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PENSER › II. UNE CROISSANCE PARADOXALE

LE PARADOXE MÉTROPOLITAIN

La dynamique spatiale de développement des métropoles, fulgurante dans les quarante


dernières années, a-t-elle atteint les limites de ce que peut produire sans dommages vitaux
une expansion débordant toute velléité de maîtrise collective ?

La question, du reste, a-t-elle un sens, qui englobe dans une même formule des dynamiques
métropolitaines aussi décalées dans le temps (Londres en est à son second ou troisième
cycle d’internationalisation depuis 150 ans, Sanghaï entame le sien depuis 20 ans), aussi
décalées dans l’espace (90% des 10 000 urbains de plus chaque heure dans le monde sont
dans les pays dits «en développement »), aussi décalées dans les rythmes (la population
d’Ile de France croît d’environ 40 000 habitants par an, celle de Chongqing de 500 000),
aussi décalées dans les assises économiques et sociales (le PIB par habitant d’Ile de France
était de 43 000 €, 1 milliard des 3 milliards d’urbains dans le monde aujourd’hui vivent
dans ce que l’ONU nomme par délicat euphémisme des « établissements humains », com-
munément appelé bidonvilles) ?

Cette question s’impose pourtant, au vu des constats que nous pouvons faire en observant
les métropoles internationales, constats dont la convergence de fond est frappante au-
delà de différences immenses de formes et d’effets. Qu’il s’agisse de la forme explosive
du « collapse urbain » à Sao Paulo ou Rio, qui rend ingouvernable ces métropoles au bord
du chaos, ou de la forme plus délétère d’un reflux de la dynamique économique qui laisse
à vif les tensions d’un mal-vivre dans de vastes territoires de la métropole francilienne,
c’est bien la même interrogation qui est formulée : la dynamique métropolitaine est-elle
devenue dans sa forme actuelle une dynamique auto-asphyxiante ?

Ou, pour dire les choses autrement, quel type de dynamique conduit la métropolisation,
forme par excellence du processus contemporain de création de valeur, à générer simul-
tanément un processus de gaspillage / destruction de cette valeur qui la met en danger?
Juin 2008 : couvertures de revues brésiliennes,
C’est là l’autre face du « paradoxe métropolitain » auquel nous sommes confrontés. « Les métropoles au bord du collapse », « au secours ».

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GRAND PARI DE L´AGGLOMÉRATION PASISIÈNNE

LA MÉTROPOLE PARISIENNE, UNE MÉTROPOLE EN PANNE Entretien avec Laurent Davezies.

Q : Pouvez-vous nous dresser un portrait de l’état actuel de l’IDF,


La situation francilienne illustre de façon singulière ce paradoxe, selon des modalités qui où en sommes-nous ?
s’apparentent à une « panne » de la dynamique métropolitaine.
L. D. : Nous sommes dans un état de méconnaissance grave des
phénomènes sociaux, économiques, territoriaux sur l’île-de-
France ; notre état de méconnaissance et d’intoxication sur ces
Une concentration croissante de la création de richesses … questions est inquiétant que ce soit à l’échelle régionale, ou à
celle de Paris. En Ile-de-France, il y a eu une baisse de la fréquen-
tation des habitants de la banlieue vers Paris et des parisiens
A première vue, la capacité de création de richesses de la métropole francilienne s’affirme :
vers la banlieue.
en part relative, l’Ile-de-France concentre toujours davantage la production de valeur de A la Mairie de Paris, ainsi qu’au Conseil Régional, on a un certain
la France : on est passé en vingt ans de 25% à près de 30 % du PIB national nombre d’idées, sans que l’on ait arbitré entre les deux fonctions
majeures, qui sont l’endroit où l’on vit et celui où l’on produit
efficacement. L’arbitrage existe plutôt implicitement du côté
du mode de vie, les élus sont élus par la population et donc
travaillent pour elle, d’où la création de pistes cyclables et de
….mais une panne de la performance … tout un ensemble de politiques qui sont déséquilibrées si elles ne
vont pas de pair avec une stratégie d’efficacité du dispositif en
Néanmoins, dans le même temps, la performance de la métropole française, en comparai- termes de production. Le curseur est parti tout à fait du côté des
son de ses rivales mondiales paraît régresser ou à tout le moins stagner. (cf tableaux). modes de vie. Aujourd’hui les enjeux de production et de mode
de vie, se posent de fait en termes contradictoires, alors que
De plus, le dynamisme métropolitain est moindre que celui de la France (entre 1993 et ça n’est pas forcément le cas. Avant une action sur les formes
urbaines, il y a une réflexion économique, sociale et politique
2005, l’emploi salarié privé y a cru de 11% alors qu’il a augmenté de près du double au à mener, ainsi que sur d’autres questions sur lesquelles nous
niveau national). La création de richesses se concentre en Ile-de-France, mais l’emploi y sommes démunis.
stagne.
Certaines questions sont, il est vrai, directement sur le registre
des formes urbaines, comme celle de la mobilité résidentielle,
Laurent Davezies avance l’hypothèse que cette panne serait due à la moindre densité car nous sommes dans un pays où l’on change plus souvent
du marché de l’emploi métropolitain en raison du phénomène de diffusion en seconde de travail que de logement. On a donc de vrais problèmes
d’ajustement, dès lors que l’on a des freins sur la mobilité
couronne (plus 23 % entre 1993 et 2005) et à la perte de fluidité induite. Dans un marché
résidentielle qui sont des freins qui portent sur tous les statuts
métropolitain où les exigences de spécialisation des compétences sont de plus en plus d’occupation du logement, que vous soyez en HLM ou en locatif
fortes, la diffusion de l’emploi réduit les potentialités d’ajustement et va à l’encontre de privé, ou propriétaire, à cause du droit de mutation qui fait que
si vous revendez et que vous rachetez vous êtes perdant. On
la performance globale de la métropole. compare d’ailleurs toujours Los-Angeles et Paris en disant que
Los-Angeles, c’est l’enfer de la voiture, qu’il y a des problèmes
de mobilité énormes. C’est faux, car Los-Angeles est sauvée par
la mobilité résidentielle. Il y a en effet 15 ou 20 centres à Los
Angeles et quand vous travaillez dans un pôle ou un autre vous
allez habiter près de ce pôle.
Selon notre façon d’arbitrer aujourd’hui sur les artéfacts qui

LABORATOIRE C.R.E.T.E.I.L. Institut d´urbanisme de Paris - Université Paris XII, co-traitant 37


PENSER › II. UNE CROISSANCE PARADOXALE

… et une panne du bien-vivre freinent la mobilité résidentielle, la forme de la ville n’est pas la
même. On dit donc aux architectes urbanistes qui ont du talent
que l’on voudrait mettre l’accent sur la mobilité résidentielle. Si
Cet affaiblissement de la performance francilienne s’accompagne d’une panne du bien-
l’on se trouve dans un système où il y a des verrouillages sur
vivre.Comme dans toutes les métropoles, le trait le plus visible et généralement mis en les 3 types de freins à la mobilité résidentielle, ce sont d’autres
avant est la montée des inégalités sociales et spatiales. On l’a dit précédemment, dans le types de ville et d’autres types de transports, d’autres systèmes
qu’il faut développer pour que les métropoles soient efficaces et
cas francilien, cet accroissement des inégalités apparaît surtout aux extrêmes du spectre agréables à vivre. En Ile-de-France, il y a toujours cette volonté
social. La bipolarité Est/Ouest a pivoté et est marquée aujourd’hui par de forts contrastes d’équilibrage au nom d’une équité territoriale, un équilibre qui va
entre le Sud-ouest et le Nord-est de la métropole. Mais surtout, on assiste, ces dernières du centre à la périphérie, de l’est à l’ouest, etc… Tandis que dans
votre réflexion, vous ne raisonnez pas en termes d’équité, mais
années, d’un côté à un appauvrissement progressif des grands quartiers d’habitat social toujours avec un souci de garder de la mixité malgré tout.
(les ZUS) et de l’autre à une spécialisation sociale renforcée des quartiers les plus riches. Le problème de la mixité en Ile de France, ce n’est pas le
problème des catégories sociales modestes et très modestes,
Mais la panne métropolitaine s’exprime par un phénomène nous semble-t il aussi alarmant : c’est le problème de l’unipôle.

la métropole n’est plus attractive. Depuis les années quatre-vingt-dix, le solde migratoire La contradiction majeure pour l’Ile-de –France, c’est d’abord
est négatif, de façon pérenne. La métropole attire encore les jeunes, étudiants ou actifs un mécanisme économique et social, à savoir que l’on a un
nombre croissant de jeunes professionnels qui lèvent le camp,
débutants. Mais elle ne sait plus retenir, non seulement ses retraités mais aussi ses actifs
fuite qui est compensée par l’arrivée de nouveaux arrivants. Le
des classes d’âge intermédiaires qui préfèrent la qualité de vie des grandes villes de prov- problème de la fracture, de la mixité, évoqué tout à l’heure, ne
ince. Cette désaffection n’est pas compensée par l’attrait que représente toujours Paris se pose vraiment qu’entre les classes moyennes d’un côté et de
l’autre le lumpenprolétariat qui arrive de façon croissante en
pour les migrants des pays pauvres. Ile-de-France. C’est un problème politique. Depuis une quinzaine
d’année on assiste à une arrivée massive d’immigrants d’origine
On le comprend aisément, ces deux pannes s’alimentent mutuellement : que deviendra d’Afrique Centrale.
à moyen terme l’économie de la connaissance propre à la métropole si elle ne trouve pas Voilà donc une question à prendre en considération lorsqu’un
urbaniste souhaite mettre en place de la mixité.
sur place ses techniciens de laboratoire ? Quel est l’avenir de la filière d’excellence des
biotechnologies si dans le même temps le secteur hospitalier métropolitain est désorganisé CDP : Oui, l’idée de mixité est très complexe en effet. Nous
par « l’évaporation » de dizaines de milliers d’infirmières ? n’avons pas la prétention de dire qu’avec des plans on peut créer
de la mixité, non. Mais dire que l’on peut créer des conditions qui
évitent la privatisation de l’espace, dans des zones comme Val
d’Europe, c’est possible. La mixité ne signifie pas qu’il y ait des
Un facteur explicatif majeur : la dissociation entre les deux géographies riches et des pauvres ensemble, c’est une illusion. Mais on peut
envisager des endroits où l’espace soit transformable, que rien
de la métropole ne soit ancré pour toujours, qu’il y ait du mouvement. La chose
prodigieuse dans les centres urbains, c’est qu’il y a toujours eu
Les facteurs explicatifs de ces pannes métropolitaines sont multiples et tiennent pour une du commerce foncier, et donc une possibilité de transformation.
bonne part à des phénomènes socio-économiques a-territoriaux ou nationaux. Mais en banlieue, dans les grandes périphéries du monde, on sait
que les infrastructures routières et les résidences ont été conçues
Il en est pourtant un, majeur, qui tient à la spécificité de l’organisation et des transforma- de telle manière qu’on ne voit pas comment transformer ces
espaces.
tions territoriales de la région-capitale : deux géographies de la métropolisation y sont de
plus en plus distinctes.

38 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


GRAND PARI DE L´AGGLOMÉRATION PASISIÈNNE

D’un côté, la performance francilienne tient au développement de fonctions d’excellence


Q : Nous voyons actuellement qu’il y a une forte divergence entre
organisées de plus en plus en archipels. Mises à part les fonctions de commandement his-
les lieux de résidence et les lieux d’emplois, c’est la question de
toriques (les ministères et les sièges sociaux) qui eux restent concentrés à Paris et dans la mobilité ou de la fluidité qui est un problème…
la proche couronne (La Défense, Issy les Moulineaux et maintenant la Plaine St Denis…),
L D : Je travaille en ce moment sur le haut de Bagnolet. Le
l’essentiel des fonctions d’excellence de la métropole sont maintenant éclatées en archi- potentiel de développement est énorme, mais certains habitants
pels. Les grands pôles touristiques sont Paris, Versailles et Disney. L’offre en matière de tiennent à conserver les poches de pauvreté qu’on y observe. Par
centres de congrès internationaux et parcs d’exposition est répartie entre Paris, le sud exemple autour du métro de Bagnolet, les habitants qui résident
là sont déjà parisiens, ils ne veulent donc pas d’opération. Ce sont
ouest et le nord de la métropole. Les pôles de compétitivité mondiaux décrivent chacun des problèmes en amont, de non-contrôle du marché foncier.
des géographies complexes…(cf cartes jointes)
Notre objectif ensuite et de réfléchir sur la métropole et
Mais ces “ îles” d’excellence souffrent d’un déficit d’intégration - en leur sein et entre eux l’affranchissement par rapport au territoire avec internet,
etc. Le paradoxe c’est que la mise en place de ces systèmes
- parce que l’organisation urbaine (transports, habitat, emploi..) reste elle structurée sel- qui permettent à l’information de circuler librement ne nous
on une logique radio concentrique qui tend toujours à opposer zones dense et non dense. affranchit pas du territoire, cela créé au contraire des surconcen-
trations de lieux de production.
C’est en zone dense que l’on trouve l’offre en transports collectifs la plus performante, mais
c’est en zone non dense que l’emploi se développe. La zone dense tend à se « dualiser » CDP : Oui, en effet, plus les communications se multiplient, plus
socialement tandis que la zone non dense devient le refuge des classes moyennes… les rencontres deviennent essentielles. Certains endroits se sont
donc engorgés très vite et ont été dépassés par leur rôle de
pôles.
Cette dissociation entre deux géographies de la métropole – celle de la compétitivité ou-
verte vers le monde (les archipels) et celle de la vie quotidienne au sein de l’espace urbain L D : Cela fait que la gestion de la concentration urbaine reste
(la dualité dense/non dense) - est à l’évidence contre-productive et pose la question de plus que jamais d’actualité. Plus un marché urbain, le nombre
des actifs, est gros, mieux c’est ; mais c’est un marché qui doit
son dépassement, de la recherche d’une structuration du développement métropolitain être dense, avec des accessibilités fluides, avec des modes de
plus cohérente, donc plus favorable à la conciliation entre performance et bien-vivre. transport, tous modes confondus, rapides. Le modèle du sprawl,
size, speed, représente trois variables qui sont déterminantes
pour le bon fonctionnement économique. Il y a aujourd’hui
dégradation sur ces 3 variables en Ile-de-France. L’emploi et
le logement s’étalent, avec les habitants qui s’installent en
deuxième couronne dans les années 1980-90. Ensuite ce sont
les emplois qui sont partis dans les années 1990. L’étalement des
logements n’est pas vraiment un problème tant que les emplois
sont concentrés, mais les emplois ont diminué à Paris, et ce sont
développés dans le sud-ouest : les gens n’y ont donc plus accès.
Le dysfonctionnement croissant du marché de l’emploi qui a été
mesuré s’élève à 4 milliards d’Euros de manque à gagner selon
mes propres calculs, c’est-à-dire que la zone francilienne serait
capable de produire ce surplus de valeur si elle fonctionnait
comme c’était le cas il y a quinze ans. L’enjeu aujourd’hui
c’est que la concentration de l’emploi soit accessible au plus
grand nombre. Cette concentration ne doit pas être forcément

LABORATOIRE C.R.E.T.E.I.L. Institut d´urbanisme de Paris - Université Paris XII, co-traitant 39


PENSER › II. UNE CROISSANCE PARADOXALE

L’APRÈS-KYOTO : UN CHANGEMENT DE PARADIGME mono-centrique, on peut penser à des systèmes de couloirs, qui
sont encore plus efficaces. Les systèmes les plus efficaces étant
les systèmes en cordon.
Ainsi, l’étalement du logement ne représente pas un problème.
Mais si on ne peut contrôler cet étalement, il faut l’organiser
La métropole n’est plus une ville et c’est cette réalité nouvelle qu’il importe de penser, et mettre en place des systèmes qui localisent les pôles de
avons-nous dit, pour pouvoir agir sur elle. dynamique de l’emploi de façon à pouvoir les traiter de manière
sociale, économique et environnementale. Ce qui signifie
Mais cette action elle-même, dans ses finalités, dans ses formes, dans ses coûts, est con- des transports efficaces, compte tenu de cette immobilité
frontée à un basculement historique des données qui la fondent. résidentielle. La propriété est également pour beaucoup dans
l’immobilité résidentielle.
Appelons « l’après-Kyoto » ce basculement, puisque c’est la désignation présentement la
On assiste aujourd’hui à une inversion historique où les gens
plus largement utilisée. quittent les lieux riches, pour aller dans des régions plus pauvres,
c’est quelque chose qui est de l’ordre du naufrage, mais qui se
Au sens strict, l’après-Kyoto désigne l’émergence d’une contrainte croissante sur les émis- produit aujourd’hui.
sions de gaz à effet de serre, au premier chef desquels les émissions de CO2, qu’elles ……………….
L D : Il y a également une divergence dans les indices de prix
viennent du transport (automobile et aérien) ou du résidentiel-tertiaire (chaufferies gaz
entre les régions, tandis que les salaires ont eu tendance à
et fioul). converger. Cette égalité des salaires se traduit par une nouvelle
inégalité pour les habitants d’Ile-de –France, qui ont moins de
En ce sens, l’après-Kyoto recèle déjà beaucoup d’inconnues. Il conduit à réinterroger cer- pouvoir d’achat. Les secteurs captifs vont donc rester, mais les
taines des fonctions essentielles de la métropole internationale1, les attributs de Hermès autres n’ont plus d’intérêt à rester en Ile-de-France. Il faudrait
(le transport automobile individuel comme pivot de l’abondance, de la fluidité et de la redonner aux gens envie d’habiter cette région. En d’autres
termes, Il faut que la métropole apporte quelque chose en plus.
rapidité de la circulation des flux) aussi bien que ceux de Hestia (la conception des bâti- C’est ici que l’on voit qu’il existe toute une liste de mécanismes
ments) ainsi que leurs rapports. a-spatiaux qui fabriquent le territoire et les politiques qui on le
plus d’effet sur le territoire sont des politique a-spatiales. L’ile-de
Mais, plus qu’un système de contraintes supplémentaires se surajoutant aux précédentes, –France se fait piéger en ce moment par des problèmes de toute
cependant, l’après-Kyoto est à prendre dans un sens plus large : il annonce en fait un véri- nature, où elle se retrouve déclassée par rapport à la province. Le
problème de la fuite des cadres, de la fuite des classes moyennes
table changement de paradigme d’une importance considérable qui oblige à réinterpréter hors d’Ile-de France, renvoie à la question de l’intérêt que les
les difficultés et les besoins des métropoles au sein d’un nouveau système de coordon- gens trouvent à habiter en Ile-de-France et pas ailleurs. Le bien
nées. vivre est la condition de la performance.

Le processus actuel de métropolisation, que nous caractérisons comme un processus de CDP : L’attrait de la ville a toujours été de pouvoir y trouver
le maximum de possibles. Depuis Delouvrier il n’y a pas eu de
métropolisation extensive, repose sur une utilisation massive de ressources, qui butte réflexion sur l’avenir des grandes structures urbaines comme
désormais sur des obstacles structurels et irréversibles, générateurs de dysfonctionne- Paris ; la planification s’est ringardisée dans les années 1980 et
ments profonds : surconsommation de la ressource (espace / énergie / temps / environ- c’est peut-être maintenant que l’on peut revenir à une réflexion
et une action sur les grandes charpentes métropolitaines, sans
nement physique), spécialisation spatiale et creusement des inégalités, déficit d’urbanité
pour autant établir de schémas rigides.
et d’attractivité.
Laurent Davezie : Oui, les grands gestes architecturaux comme
*
les transports aériens, par ex., sont responsables du tiers environ des émissions des gaz à effet de serre vous les pensez ici sont utiles.
en Ile-de-France

40 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


GRAND PARI DE L´AGGLOMÉRATION PASISIÈNNE

Les défis que posent aujourd’hui ce processus exigent un double renversement, que l’on
est conduit à formuler ainsi : Internalisation de tous les coûts d’utilisation des ressources
d’une part (qu’ils aient ou non aujourd’hui une valeur de marché), diminution du ratio
ressources utilisées / unité produite.

C’est ce que nous appelons ici le passage à une métropolisation intensive.

A ce titre, nous considérerons « l’après-Kyoto » comme l’expression transitoire d’un ren-


versement dont on ne mesure encore que de façon imprécise, quoique impérieuse, les im-
plications : inscrire la croissance métropolitaine dans la perspective d’une gestion durable
des ressources qui concourent à son développement.

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PENSER › III. DES PRINCIPES POUR L’ACTION

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GRAND PARI DE L´AGGLOMÉRATION PARISIENNE

III. DES PRINCIPES POUR L’ACTION


› PENSER LE TOUT : UN SYSTÈME VIVANT

› PENSER APRÈS-KYOTO

› PENSER L’HÉTÉROGÈNE ET LE DISCONTINU, LE TEMPS

› L’APPROPRIATION PAR LE CORPS, LA PERCEPTION, L’IMAGINAIRE.

› ACCOMPAGNER LE VIVANT

› DE LA GOUVERNANCE

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PENSER › III. DES PRINCIPES POUR L’ACTION

PENSER LE TOUT : UN SYSTÈME VIVANT

Nous l’avons souligné en introduction, les années 80 du siècle dernier ont été marquées
par l’effacement de l’idée même d’une possibilité d’agir sur la métropole prise comme
un ensemble, idée désormais suspecte.

Renonçant à agir sur le tout, on a renoncé à penser le tout. Vouloir agir sur le tout étant
tenu pour obsolète, voir contre-productif, tenter de penser le tout a été proclamé
vain, voir présomptueux.

Il nous faut donc ici briser ce tabou de la grande structure et comprendre que la mé-
tropole est comme un immense circuit intégré que l’on doit voir de façon «holistique»
et non au travers de la méthode technique, certes indispensable mais non suffisante.
Ne pas penser le système, le « circuit » sous tous ses aspects, c’est être voué aux crises
de fonctionnement que connaissent déjà plusieurs grandes métropoles.

L’observation des métropoles du monde où nous avons travaillé comme Sao Paolo,
Pékin, New-York, Rio nous ont beaucoup servi à comparer et observer la grande région
métropole comme système vivant.

Un système vivant
La métropole additionne des fonctions sophistiquées, elle est composée d’organes,
de réseaux qui l’irriguent, de pôles d’échanges avec l’extérieur, etc…Dès lors que ces
fonctions intègrent constamment l’intelligence, l’activité, la décision humaine, on est
dans le vivant. Organisme vivant, la ville comme la ruche ou la fourmilière a les facul-
tés de croître, de réagir, de répondre, de communiquer, de se développer et de souffrir
d’agressions, et vieillir aussi.

Dans la ville dense classique, cette réalité des fonctions se présente selon la localisation
dans le tissu homogène des îlots. Le lieu du pouvoir, de la sécurité, de l’enseignement,
de l’église, des réseaux, des commerces et de la production ont leur position, leur

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GRAND PARI DE L´AGGLOMÉRATION PARISIENNE

adresse, les rues les connectent. Les organes font partie de la structure spatiale et
toute la tradition monumentale a joué sur cette appartenance / différence pour en-
richir la perception des espaces et leur lisibilité.

Dans la métropole, et selon les principes « déspatialisés » des phénomènes de communi-


cation qui l’ont vu naître, cette existence des pôles ou des organes spécifiques apparaît
au contraire comme une constellation dispersée de points ou zones éloignés formant un
archipel indifférent à la nappe courante du territoire plus ou moins urbanisé. Les « or-
ganes » ne s’inscrivent plus dans une logique spatiale dictée par une texture urbaine.
Perception et lisibilité semblent ne plus constituer plus une « question » pertinente.
Les localisations semblent dépendre avant tout d’opportunités d’accessibilité, de ter-
rains disponibles, de situations politiques, de connexions au réseau des transports et
aux aéroports.

Composant intégré à un système en réseaux à travers le monde, la métropole est elle-


même une superposition de systèmes, systèmes vivants des installations humaines,
systèmes techniques et réseaux.

La ville, de tout temps, a été le résultat d’une lutte plus ou moins tendue entre les
pressions anarchiques et multiples des individus, des intérêts privés, et l’encadrement
de ceux-ci par une autorité représentant l’intérêt général. C’est le couple de ces
deux forces, l’intérêt public et les pressions privées, qui fût à l’œuvre dans tous les
développements urbains. Il est toujours à l’œuvre dans les extensions spatiales des
métropoles.

La rue a été le lieu de la « loi et de l’intérêt général », le plan formant contrat entre
intérêt privé et intérêt commun.

Dans les médinas ou les favelas, la dynamique privée a œuvré, l’intérêt public ou
communautaire était ensuite à posteriori négocié, corrigé, fluidifié par le rachat d’un
couloir ou d’une maison pour permettre d’agrandir la nappe en faisant aller plus loin
la ruelle. Dans la ville grecque, dans le Paris d’Haussmann ou dans la ville des cités
de l’après-guerre, les plans représentant l’intérêt public ont préexisté et les intérêts
privés s’y sont inscrits.

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PENSER › III. DES PRINCIPES POUR L’ACTION

Dans l’histoire récente de ces trente dernières années, l’énergie des entreprises privé-
es a le plus souvent pris le pas sur l’effort public.

Les territoires de la métropole se sont développés comme résultat de cette lutte dev-
enue inégale. Face à la rigidité, l’exigence, l’inadaptation et le reflux de la planifica-
tion de l’après-guerre, et de ses modèles, de ses plans d’espace public préexistant, on
a alors vu le « marché » guider presque seul des développements urbains considérables
ou l’intérêt commun est représenté à minima par une desserte auto routière. Symbole
de la ville planifiée, Brasilia, effort d’une nation, paradigme du plan de ville il y a
50 ans, est de fait aujourd’hui remplacée par Sao Paolo, paradigme de la croissance
«monstrueuse », caricature du phénomène de la nappe infinie, de la dynamique privée
et du laisser-faire. Aucun des deux cas ne pourra être un modèle.

Nous citions François Jacob en exergue de notre proposition, « il n’y a pas de matière
vivante, il n’y a que des systèmes vivants ».

Les métropoles ne sont pas des machines. La réalité métropolitaine additionne, croise
des systèmes techniques, elle n’est pas elle-même un système technique. Elle doit
être comprise comme un système vivant, système qui aurait un degré d’évolution «su-
périeur» aux agglomérations par la complexité de ses fonctions d’interfaces interna-
tionales. Mais une fragilité plus grande aussi.

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GRAND PARI DE L´AGGLOMÉRATION PARISIENNE

PENSER APRÈS-KYOTO

Effarés par le « collapse » de certaines métropoles, l’ampleur des tensions qu’elles gé-
nèrent et qu’elles exaspèrent, certains y ont vu l’expression paroxystique de la nature
même de l’extension métropolitaine, les convaincant que le processus de métropolisa-
tion est, en lui-même, incompatible avec les exigences de « l’après-Kyoto ».

La métropolisation porterait ainsi jusqu’à l’incandescence la contradiction entre crois-


sance et bien-vivre.

Nous nous situons résolument sur l’autre versant de l’analyse : la métropolisation est,
en elle-même, un processus irréversible car il est le fruit d’évolutions irréversibles.
Et si les formes qu’engendre la métropolisation dessinent parfois des monstres, c’est,
pour paraphraser une expression célèbre, dans le sommeil de la réflexion.

Nous affirmons, et c’est là un des principes moteurs de notre réflexion prospective, que
ce processus, irréversible, peut-être vertueux si les forces qui le porte sont réfléchies
et canalisées.

Plus encore : le paradigme du développement durable ouvre sans doute la voie à


l’émergence d’une pensée métropolitaine capable, en réinterprétant les tensions
enserrant aujourd’hui les métropoles, de dessiner les perspectives d’une croissance
métropolitaine génératrice de bien-vivre.

Il faut cependant aborder ce retournement copernicien dans la conception de la crois-


sance métropolitaine en ayant à l’esprit qu’il n’y a pas de « modèle-de-la- métro-
pole-de-l’après-Kyoto ». Les formes urbaines susceptibles de répondre aux exigences
du développement durable, si l’on veut l’appeler ainsi, sont en effet loin d’être claire-
ment identifiées et suscitent de multiples débats, la plupart des questions émergeant
de ce nouvel horizon ne se révélant que progressivement.

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PENSER › III. DES PRINCIPES POUR L’ACTION

L’imbrication des enjeux est telle qu’il faut se méfier des solutions « univoques », c’est
à-dire jugée dans leur seul effet apparent direct immédiat, de même qu’il faut se
méfier de répondre à des questions nouvelles par le recyclage de nostalgies anciennes.
Le travail à domicile n’est pas une réponse satisfaisante à la contrainte énergétique
des mobilités pas plus que le fractionnement villageois n’est une alternative à la nappe
urbaine.

L’après-Kyoto définit des problématiques, pas des solutions.

S’il s’agit, par exemple, d’aborder la question de la densité qui permette de concilier,
dans ce nouveau paradigme, efficacité productive et bien-vivre : rien n’indique, et
nous pensons même le contraire, que cette question doit nécessairement déboucher
sur l’impératif de « ville compacte ». Revisiter la question de la densité à la lumière
de l’après-Kyoto ouvre, au contraire, vers une réflexion sur le plein et le vide, sur le
compact et le diffus, le bâti et la biomasse, que nous mettrons en oeuvre dans nos
propositions.

S’il s’agit, autre exemple, d’aborder, dans la même optique, la question de la relation
lieu de travail / habitat, « l’évidence » de la nécessité de disperser systématiquement
le premier pour le rapprocher du second nous semble une résurgence anté-urbaine qui
condamnerait, surtout pour une métropole internationale, à n’avoir pour le coup ni
croissance ni bien-être. Réfléchir à la meilleure combinaison des mobilités et à la con-
nectivité des différentes échelles nous paraît une démarche prospective ouvrant vers
des propositions beaucoup plus stimulantes.

En d’autres termes, nous n’aurons pas le souci de propositions spécifiquement fléchées


« après-Kyoto ». Par contre, chacun des types d’intervention que nous avancerons,
à l’échelle qui sera la sienne, intégrera les problématiques de l’après-Kyoto telles
qu’elles peuvent être abordées dans le cas précis de chacune de ces interventions.

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PENSER L’HÉTÉROGÈNE ET LE DISCONTINU, LE TEMPS

La ville et la métropole sont toutes deux du « temps accumulé ». Elles ne relèvent pas
d’un schéma fixe mais d’une suite de schémas qui révèlent l’évolution biologique des
stades et des sauts.

Le premier schéma qui se présente quand on regarde Rio est celui d’un « archipel »
urbain, entre eau et montagne. Mais c’est aujourd’hui un très vaste anneau entouré
d’une forêt escarpée.

Le premier schéma quand on regarde Tokyo est celui d’une nappe dense avec un centre
ancien oublié, munie de boulevards-anneaux et de centres secondaires. Tokyo paraît
aujourd’hui presque a-centrée, polycentrique, et on a vu le dynamisme que cette par-
ticularité a ouvert dans les années 80. (Avec l’implantation de la mairie à Shinjuku, ce
sont un pôle tertiaire et un quartier de nuit qui sont provoqués).

Le premier schéma de New-York est formé de plusieurs sous-ensembles avec des spéci-
ficités fonctionnelles logistiques, etc…autour d’une île, et une grande plasticité dans
cette île sur le plan des disponibilités foncières, des mobilités, et de l’évolution des
quartiers spécialisés. Ici, à la différence de Tokyo, la force de l’espace « géographique », Beijing
comme à Rio, reste le moule de la dynamique de développement économique. Un plan urbain perceptible de partout

Le premier schéma de Paris présente un fort radio-concentrisme renforcé par l’anneau


périphérique qui enferme un « intra-muros », excluant une immense périphérie elle-
même assujettie à une relation obligée au centre, et enfin, hors les murs, un grand
pôle réussi, La Défense. Le centre historique est prestigieux mais ce Grand Paris hyper
centré, dévalorise la périphérie avec laquelle il aurait pourtant un besoin absolu de
complémentarité

La vision en schéma présente certes le grand danger d’être réductrice, de figer le


temps. Pourtant on ne peut en faire l’économie dès que l’on prend en compte le fait
que la métropole est système, qu’elle doit être perpétuellement adaptée et permettre
l’évolution. Et par ailleurs, nous savons que le schéma peut aider à constituer une base
de la représentation mentale de l’image de la ville. Pékin en a une, Sao Paolo non.

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PENSER › III. DES PRINCIPES POUR L’ACTION

EAU

105 km2 892 km2 1 579 km2 1 214 km2


2 166 200 hab 3 416 255 hab 7 684 700 hab 8 143 200 hab

Paris Berlin Londres New York

2 187 km2 1 260 km2 1 523 km2


12 886 838 hab 6 093 472 hab 10 886 518 hab

Beijing Tokyo Rio Sao Paulo

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ROUTE

Paris Berlin Londres New York

Beijing Tokyo Rio Sao Paulo

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PENSER › III. DES PRINCIPES POUR L’ACTION

FER

Paris Berlin Londres New York

Beijing Tokyo Rio Sao Paulo

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VERT

Paris Berlin Londres New York

Beijing Tokyo Rio Sao Paulo

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PENSER › III. DES PRINCIPES POUR L’ACTION

Et quelle image y a-t-il de l’Ile-de-France ? Sans des représentations partagées, hors


d’échelle réelle, quasi symbolique, pas d’appropriation.

L’écueil de l’arborescent. « A city is not a tree » C. Alexander


Nous nous sommes évidemment intéressés à cet effort maintenant ancien qui vise à
conjurer le fait que la France est centralisée comme une toile d’araignée avec un seul
centre, Paris. Système arborescent, qui oblige toujours à retourner au centre pour aller
chez l’autre. C’est « l’anti-contact », sans efficacité sociale ni économique, c’est un
drame accentué encore par l’ampleur du fait métropolitain. Or cette arborescence est
d’abord venue d’Hermès et de l’autorité politique, puis s’est accentuée avec l’ère de
la technique. Elle est ce que produit en premier l’irrigation par les transports rapides,
ceux qui doivent court-circuiter les hiérarchies de proximité. Presque toutes les villes
ont eu des croissances de ce type, à partir d’un noyau et une arborescence le long des
routes d’accès.

Dans le cas de Paris, la nappe radioconcentrique part naturellement de l’arborescence


mais la ville, là où elle s’est densifiée, s’est organisée en grille, gommant le radiocon-
centrisme dans son centre et sa première couronne.

Au-delà, il faut maintenant décider. Soit le laisser-faire, l’expansion opportuniste


sans pensée jusqu’à la nappe radioconcentrique étouffée, le blocage d’Hermès et la
prédominance hyper-valorisée du centre et de « l’intra-muros » au détriment de la
périphérie qui voit ses opportunités et potentiels stérilisés. Soit tirer parti de la grande
dimension, de la richesse des territoires disponibles, et prendre en compte le système
des fonctions métropolitaines et de ses pôles.

Trois modèles se présenteraient.

Celui de la tâche d’huile immense, la ville continue qui a été rejetée peu ou prou
pendant le XXème siècle au profit d’un l’éclatement urbain. Il nous revient aujourd’hui
sous le nom de ville compacte dans une démarche qui vise à limiter les transports
chers, polluants, consommateurs de temps.

54 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


GRAND PARI DE L´AGGLOMÉRATION PARISIENNE

Celui de la ville diffuse, qui prend acte de l’efficacité des réseaux de communications
matériels et immatériels et déclare le très grand territoire comme un système urbain
généralisé. Mais ce « modèle » ignore les fonctions métropolitaines telles que nous les
voyons. Il empêche de penser le rapport nouveau entre centre et périphérie à l’échelle
métropolitaine.

Celui de « l’espace » métropolitain enfin, qui dans une certaine mesure a coupé les am-
arres « terrestres, spatiales, matérielles ». Il évolue selon sa dynamique économique et
sociale, il s’est affranchit peu ou prou des distances. Il subit la contrainte des réseaux
de mobilité dans son quotidien, et dépend inéluctablement de l’organisation spatiale,
et de la lourdeur de son évolution ou de sa capacité à recomposer les proximités. Mais
il installe ses pôles dans l’espace et a besoin que les liens fonctionnent.

Les systèmes fonctionnels : rhizomes et pôles


Depuis longtemps nous rêvons d’un grand Paris qui verrait une meilleure relation entre
centre et périphérie, et souvent nous avons chanté les louanges d’un polycentrisme
évolutif à la Tokyo. Face au modèle hyper centré, congestionné, on a longtemps envié
le polycentrisme apparent de Tokyo qui a permis l’émergence de nouveaux centres.
Tokyo fonctionne en pôles secondaires, administratif, loisirs, financier, mais tous sont
en même temps commerciaux, habitables, ils ne sont pas spécialisés dans une seule
fonction.

La faiblesse de cette vision est qu’elle ne répond pas à la force spatiale du centre de
Paris, qui est unique. Ce centre ne s’étale pas, ce centre ne se duplique pas. Les poly-
centres ne se décrètent pas ex-nihilo sans partir du vivant.

Il est d’une époque que nous avons su adapter à la nôtre, comme dans le cas de bien
des villes historiques, avec certes le danger de ne plus pouvoir les faire évoluer et les
maintenir un peu évolutives pour les générations futures.

Si nous voulions récapituler une évolution du Grand Paris, nous y verrions la succes-
sion de plusieurs schémas dans le temps. Et nous prendrions en compte Orly, puis La
Défense à son origine, et Saint-Quentin, Marne-la-Vallée, Roissy, Evry…

Aujourd’hui, la fonction métropolitaine de la région passe dans la relation de ce centre


avec La Défense et les Hauts-de-Seine, la Seine-Saint-Denis et Roissy, Orly, Evry, Massy,
Marne-la-Vallée et la première couronne, et d’autres lieux en évolution en allant

LABORATOIRE C.R.E.T.E.I.L. Institut d´urbanisme de Paris - Université Paris XII, co-traitant 55


PENSER › III. DES PRINCIPES POUR L’ACTION

jusqu’à Mantes, Cergy, Creil et Chantilly. Le schéma n’est pas une nappe à plusieurs
centres secondaires mais une série des pôles spécifiques qui ne se ressemblent pas
et dont certains sont « un centre ». Peu à peu, le schéma commence à échapper à
l’arborescence : la périphérie n’est plus une nappe homogène, elle est polarisée par
des pôles qui ne sont pas des centres secondaires, mais des pôles en relation entre eux,
en réseaux. Le schéma devra être vu comme échappant à l’arborescence. Echapper au
centre unique est illusoire, lutter contre serait contre productif, vouloir l’équilibrer
est impératif. Regarder une figure non arborescente est possible grâce aux fonctions
économiques que Paris ne peut plus contenir et aux relations aéroportuaires, à La
Défense - des pôles qui nous ont été légués, qui ont été décidés.

L’image du rhizome nous servira de métaphore pour désigner un système en réseau non
centré, non arborescent même s’il y a un centre plus fort. Pour décrire non un terri-
toire, non un espace mais un organisme pluriel avec des membres distincts, différents
mais liés. Comparé au système en arborescence qui est la racine botanique la plus Les années cinquante
courante, le rhizome est la forme de croissance de certaines plantes, le gingembre, ou
le bambou, dont les racines sont des cheminements linéaires souterrains non liés à un
centre et non pas des arborescences séparées à partir d’une graine. Dans les rhizomes
tout est lié et tout est indépendant pourrait-on dire.

Utilisé par G. Deleuze et F. Guattari comme principe d’une figure topologique de


développement non arborescent, le Rhizome nous servira à désigner la vitalité de ces
« organes » en réseaux de la métropole, qui n’existeraient pas sans le centre, n’en
sont pas une extension, ont une autonomie relative, sont en relation entre eux et avec
ceux d’autres métropoles. Image du caractère irrégulier et dynamique d’un mode de
croissance repérerable sur le territoire.

A la différence des transmissions d’informations qui partent d’une tête unique, comme
l’enseignement, le commandement, qui sont arborescents, Internet est rhizomatique.
Le système est basé sur les multi-connexions et le fait que ses connexions souterraines
font surgir des plantes distinctes. C’est une manière d’imaginer la métropole et ses
pôles séparés et liés en réseau, liés aussi au centre sans en dépendre exclusivement.
Nous parlerons donc ici de relation entre pôles ; nous sommes dans la dynamique
d’activité de la métropole dont nous avons dit qu’elle était déliée des espaces-terri-
Les années 70 et le plan Delouvrier
toires.

56 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


GRAND PARI DE L´AGGLOMÉRATION PARISIENNE

Cette figure du rhizome comme observation de l’organisme vivant nous aide à éviter la
vision radio-concentrée mais aussi la vision d’un archipel de villages où il y aurait par-
tout de l’emploi, de l’université, etc…Elle aide à regarder le fait métropolitain et ses
pôles distincts comme des systèmes dynamiques qui relient des points qui ont souvent
des fonctions à l’échelle régionale ou mondiale. Dans la métropole, tous les points peu-
vent être en hyperlien avec tous. Ceci, en théorie, est une topologie a-spatiale ou in-
différente aux distances. Mais l’espace récepteur est bien là, avec ses encombrements
et ses « archaïques » hiérarchies de proximités. Il y a une logique de pôles et de circuits
qui peine à s’inscrire avec l’espace. Un rhizome est ainsi pour nous un réseau de plu-
sieurs pôles qui ont vocation à se rapprocher, à faire espace ensemble. Ce sont les lieux
où Hestia et Hermès d’une part, le local et le tout d’autre part, seraient préférentiel-
lement à nouveau accordables. On ne décide pas de leur localisation, on observe les
tendances, là où ça peut se magnétiser. Et c’est avec le centre et les aéroports.

Une encyclopédie sur internet se fait par des contributions multiples, indirectes de
gens qui ont appris qui vont apprendre à d’autres et qui ne sont pas des émetteurs
centraux. L’information resurgit, déformée parfois. Cela nous intéresse parce qu’en
fait, la société est devenue rhizomatique : c’est la société plurielle, individualiste,
médiatique, éclatée par la métropole, aux proximités spatiales explosées, aux multi
connexions. Pour une large part, la société rhizomatique a remplacé la société pyrami-
dale arborescente. L’étalement urbain, les communications rapides étaient pourtant
arborescente comme le premier capitalisme industriel. Mais les télécommunications,
la rapidité des échanges mondiaux ont changé les organisations, les segmentations ont
démultiplié le fait que chacun de nous a une perception très différente du territoire de
la métropole, perception personnelle et unique, selon notre position, notre fonction-
nement. On connaît un morceau de quartier, des itinéraires parfois très longs. Mais on
parle de la même chose quand même.

Ce schéma nous sert à constituer une alternative à une représentation dominante de


la métropole, notamment pour le Grand Paris, qui reste structurée par la seule logique
centre/périphérie, la zone dense vs la zone non dense, ou une illusion de polycen- La Défense, Roissy-Saint-Denis, Orly-Massy, des pôles entrent
trisme attachée aux villes nouvelles. Avec le rhizome nous regardons une formation qui en relation fonctionnelle : les rhizomes sont des pistes pour or-
a un ou plusieurs centres , et où des pôles, des prolongations, des fonctions autres, ganiser les continuités physiques, raccorder Hestia et Hermès.

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PENSER › III. DES PRINCIPES POUR L’ACTION

sont en relations multiples entre eux et avec le centre. Ces pôles ont des fonctions Il est intéressant de voir que dans le texte de Gilles Deleuze et Felix
Guattari, les champs d’application que les auteurs envisagent ne
propres. Ce ne sont pas des répliques « villages » du centre mère avec « panachage »
sont jamais urbains, mais psychanalytique, relationnel, politique,
équilibré de toutes les fonctions du centre. Toutes les expériences, mais aussi les né- etc… tant on peut y entendre les qualités et facteurs qui intéres-
cessités d’optimiser les mobilités emploi-habitat, montrent qu’il faut penser en pôle seront la métropole en ce qu’elle échappe au dualisme centre-
périphérie, au dualisme de l’arbre, de la ramification centrée.
avec dominante fonctionnelle pour l’emploi et mixité, mais non en pseudo centres Il est intéressant aussi de penser combien le rhizome est une
latéraux qui prétendaient diffuser de l’emploi et du logement. préfiguration d’internet. C’est une figure des « poly-liens » et
qui permet de rendre compte de cette réalité de l’espace problé-
Voir le centre lui-même comme une formation rhizomatique et non plus seulement un matique de la métropole : espace des non contigüités, espace
des lignes dynamiques de réseaux, espaces des ports et des «
espace homogène structuré par l’enchaînement des rapports de proximité est cohérent
portes », des points d’arrivée et de départ, qui viennent troubler
avec cette figure relationnelle. Par la nature souterraine, invisible de ses enchaîne- et bousculer la figure mère du centre.
ments, le rhizome décrit les relations à l’ère des hyperliens immatériels qui vien- Il apparaît que le rhizome (la toile internet, la ville métropolitaine)
ne se contrôle pas absolument, ne se décrète pas comme le plan
nent se superposer aux liens classiques. L’importance des pôles d’affaire «chauds», dirigiste. Il est en mesure de désigner une situation d’échange
des plateformes logistiques « froides », des quartiers universitaires ou nocturnes ou relationnel où trouvent leurs champs d’actions, les pressions
individuelles, le marché, le commerce, selon des configurations
commerciaux, des aéroports et sa noria d’urbanisation « d’affaire » en tension avec
aléatoires.
centre et pôle de congrès…dans la vie de grandes métropoles comme Tokyo, Osaka, ou
New-York en sont des exemples immédiats.

L’image du Rhizome est celle d’un corps multiple dont on peut inciter la croissance
mais non autoritairement la planifier.

Analyser puis travailler sur l’espace métropolitain à partir de ces rhizomes c’est les
comprendre comme des champs en liaison, en développement possible, couloirs ou
vallées parfois plutôt que centre, et en tant que pôles fonctionnels dans la fonction
nodale de la métropole mais également élément d’un archipel.

Relier le global et le local : « les fenêtres », du système fonctionnel à


l’espace physique
Analyser la métropole : la comprendre à la fois comme espace physique immédiat vis-
ible et parcourable à différents rythmes, et en même temps comme système des liens
fonctionnels par les connexions matérielles et immatérielles est impossible. Ces deux
dimensions, ces deux « échelles » de travail, sont disjointes dans les métropoles. Elles
ne « s’emboîtent » pas.

58 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


GRAND PARI DE L´AGGLOMÉRATION PARISIENNE

Notre objectif du travail sera dès lors de voir comment on peut combler, dépasser ce
fossé, comment on peut tout à la fois apprivoiser le vertige de l’immense labyrinthe
et ré-établir une appropriation physique de la petite dimension. Il faut envisager un
double travail sur la grande et la petite dimension.

Mais pour ce faire nous ne partons pas de tous les lieux à la fois. Ce serait vider l’océan
avec un verre d’eau. FC propose « à la petite cuillère »

Nous partons de l’observation de la dynamique de l’économie et des flux, pour com-


prendre comment intervenir sur le système, et de l’observation des territoires locaux
de la pratique de l’espace physique.

Les rhizomes nous montrent des dynamiques en action. Nous identifions des zones qui
ont une position stratégique dans le système et où il y a une urgence.

L’espace physique est tout entier affecté par la « révolution cybernétique et immaté-
rielle mais il est bloqué, pas flexible, il est un obstacle, un « laissé-pour-compte », le
plus souvent.

Il faut analyser les formes récurrentes de ces blocages pour envisager des méth-
odes. Nous ne ferons pas ici du « projet » local, qui suppose d’assumer le contingent,
«l’autorité » du lieu, le fait que chaque lieu est un cas : c’est affaire d’architecture,
ce n’est pas l’étude actuelle. Celle-ci nous place devant un enjeu : penser le local et
le global, redonner à l’espace sa capacité à être un « médium » de vie en permettant
au système d’améliorer toujours son efficacité. Les « projets » seraient à ce stade
des programmes, des menus, des illustrations. Nous entrerons en « urbanisme » dans
l’espace physique par des « fenêtres » de travail de projets de 5 kms, « carrotages » en
quelque sorte dans une structure rhizomatique.

L’espace physique - L’archipel


La première image qui représenterait une ville polycentrique, ou une ville dont le cen-
tre n’est ni étouffé par sa périphérie ni exclu, serait celle de la ville discontinue, en
archipel, qui rythme zones occupées-zones « vides », et rompt avec la « tâche d’huile

LABORATOIRE C.R.E.T.E.I.L. Institut d´urbanisme de Paris - Université Paris XII, co-traitant 59


PENSER › III. DES PRINCIPES POUR L’ACTION

».

Nous parlerons d’archipel urbain, soit : des zones denses ou relativement denses où
une économie de transports autour des gares est possible, des zones moins denses et,
là où c’est possible des zones vertes où l’habitat individuel, les parcs, les lacs, peuvent
exister et qui répondent à la nécessité de préserver de la « bio masse » dans la zone
métropolitaine.

La notion de rhizome nous parle de liens fonctionnels forts entre pôles, de connexions ;
la notion d’archipel nous servira à parler des différences entre territoires. Elle porte
avec elle la notion de limites, de bords construits face à la nature.
Emploi-résidence
Ce modèle est stimulant pour la métropole. Pour en penser l’espace physique et Hes-
tia, nous l’articulons à la notion de rhizome comme système des liens et Hermès.

L’archipel, par exemple, correspond à une nécessité : rationnaliser les trajets emploi-
travail qui est un des enjeux cruciaux.

L’efficacité du système emploi-logement ne peut pas consister à répartir de l’emploi


partout dans des communes, villages reliés, sous peine d’inefficacité. La métropole
apporte ses emplois, ses richesses de possibles à condition d’y accéder. On ne trouvera
qu’exceptionnellement son métier à 2 kms de chez soi, et les pôles d’emploi per-
mettent non seulement proximité entre les entreprises mais également organisation
des mobilités résidence-emploi. L’idée est d’assumer que le grand territoire métropoli-
tain ne peut pas être homogène, même si on veut y créer la continuité et la facilité
d’accès.

La capacité de l’archipel de rythmer les transports en commun sur des pôles en évitant
les omnibus polluants est dictée par le post-Kyoto. L’archipel génère une géométrie
fractale qui multiplierait les situations de bord de parc, de contact entre zone bâtie
dense et zone parc ou calme. C’est le moyen de valoriser l’habitat en créant des
conditions enviables que le centre ne peut produire. Ces nouveaux pôles concentrent L’emploi réparti partout : L’emploi préférentiellement sur des lignes ou pôles.
beaucoup d’emploi, du résidentiel collectif et des services (c’est-à-dire des « zones l’étouffement des mobilités Pouvoir choisir entre proximité dense ou éloigne-
ment et jardin
Yang »), et de zones où se trouveraient un résidentiel plus étalé avec de l’emploi de
service « zone Ying ».

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La grande ville ce n’est plus celle des enceintes, et d’un rapport de protection contre
la nature dangereuse, le dehors des barbares. La nature, au contraire, est devenue
innocente, propice à la vie. Il y a dans la très grande ville une conquête de la nature
et de son calme par l’urbain. La possibilité de choisir d’habiter avec un jardin dans un
pavillon ou le long d’une avenue plutôt que dans un appartement. Cette liberté qui ne
s’est vraiment accomplie qu’avec l’automobile puis le téléphone, est l’élan premier
qui, depuis le train, a engagé cette évolution qui a « lutté » contre la ville des connex-
ions de proximité. Avec la notion d’archipel, nous prenons en compte cette étape où
la nature n’est plus l’inconnu contre laquelle il faut se protéger mais l’élément vivant
que nous voulons retrouver, protéger, incorporer. Il s’agit donc de créer une géométrie
qui démultiplie les franges (des situations de bord) et valorise l’habitat

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PENSER › III. DES PRINCIPES POUR L’ACTION

L’APPROPRIATION PAR LE CORPS, LA PERCEPTION,


L’IMAGINAIRE.

La question se pose de trouver des relations neuves d’appropriation à petite et à grande


dimension entre le corps et la ville. Face à l’immensité et au labyrinthe du grand ter-
ritoire métropolitain, nous recherchons les modes de l’appropriation, les moyens de
la restaurer.

Nous pouvons parler de l’appropriation sur le plan de la perception d’abord. Le manque


de repères, l’étalement, l’éloignement, les coupures dans l’espace dues aux réseaux
de circulations ou les ruptures entre zones d’habitat et zones logistiques, tout in-
terdit de comprendre l’espace, les lieux, de s’y retrouver, de s’y situer. Impossible
d’accorder son corps, son pas, sa vision, à la dimension de la ville dans la périphérie.
La perte de repère c’est déjà une exclusion, mais la vue de Paris depuis la terrasse de
Saint-Germain-en-Laye est ici un exemple nous parlant de la grande échelle urbaine :
on voit des repères, La Défense, on voit Paris intra-muros. On mesure son corps dans
le paysage. Il y a là une appropriation de perception, comme il y en a, à plus petite
échelle, le long de la Seine. Cette première appropriation est pour nous la plus impor-
tante, la plus physique. Et nous recherchons les moyens de la rendre possible par des
projets qui forment les balises et belvédères du grand paysage.

Un deuxième stade de l’appropriation est celle de la pratique de la ville : pouvoir


accéder, disposer de transports ou de réseaux. Ne pas être interdits par des barri-
ères. Savoir qu’un réseau universel de voies publiques forment une grille où « tous les
chemins mènent à Rome » et où les riches, les pauvres, la maréchaussée, les noms des
occupants, des bureaux, sont repérables.

Disposer d’un réseau d’espaces qui permet comme « un moteur de recherche » de dé-
couvrir, d’apprendre, et de trouver qui on veut.

Le troisième stade de l’appropriation tient au commerce foncier et à la transformation


possible de la ville. C’est s’approprier en agissant, en achetant, vendant, bâtissant,
transformant.

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Il s’agit d’apprécier et de créer des textures urbaines, des quartiers ayant une plastic-
ité, une flexibilité. Des quartiers où les immeubles peuvent changer de propriétaires,
de fonction, et être remplacés. Cette capacité d’appropriation par les générations est
le secret des villes heureuses. C’est aussi celui de la ville durable. Le durable c’est le
transformable.

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PENSER › III. DES PRINCIPES POUR L’ACTION

ACCOMPAGNER LE VIVANT

La ville des pierres et des pavés, des bougies et des puits, dont il faut consolider de
temps à autre les toitures, a traversé les siècles attachée à la terre. Nous avons vu
la métropole comme un immense artéfact technique, une addition de systèmes. Ainsi,
elle doit être l’objet de soins constants, d’entretien, d’adaptation, de mises à jour, de
modernisation. Elle est vulnérable, fragile. Sa grandeur, sa technicité, n’est pas une
force stable dans la durée. Non elle n’est pas « durable » telle quelle. Sa faiblesse ne
réside pas dans le béton, le verre et l’asphalte mais dans les réseaux et les machines,
la circulation des flux, des produits, des hommes. Les machines d’approvisionnement
et de distribution en eau, en énergie et en information, en vivres, en travailleurs, sont
les moteurs sans lesquels la ville meurt. Et ces machines polluent. Il faut donc ouvrir
les « moteurs » de la métropole.

Peut-on vraiment penser que l’addition des décisions sectorielles dictées par la logique
de chaque technique, chaque institution, réseau de transport ou société, peut répondre
à la bonne marche de l’ensemble ?

La question de savoir comment penser et agir sur cette structure se pose avec ac-
cuité.

Trente années de libre développement ont laissé croire que ce méga espace matériel,
son « autre » espace immatériel, ne pouvaient plus donner lieu à la planification, frein
au développement et impropre à accueillir l’aléatoire, l’imprévisible, la vie.

Trente années de pouvoir municipal dans la région parisienne à améliorer l’attention au


local, mais qui ont démantelé les « outils » pour agir sur le tout.

Trente années d’un urbanisme qui partout a cherché à réagir au « schématisme » du


mouvement moderne, au syndrome « grand ensemble », et à « faire avec » les délais-
sés, les terrains laissés pour compte et les bâtiments « déjà là » ont conduit à assumer
le contingent, « l’autorité » du lieu, le fait que chaque lieu est un cas, et est affaire
d’architecture.

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Peut-on dépasser ce vis-à-vis stérile de la planification corsetée d’un côté, du saupoud-


rage de projets de l’autre ?

Schémas et plans : quel sens aujourd’hui ?


Entre les années cinquante et soixante et celles qui ont suivies, il y a eu un intérêt pour
la recherche du système ou du schéma idéal de la ville. Il fallait des grands plans pour
Brasilia, Chandigarh, Cambera, Tel-Aviv, pour changer Singapour et pour reconstruire
le Havre, il fallait des plans « moyens », partiels, pour agrandir toutes les villes du
monde, Shangai ou Pékin. Parce que les villes mêmes étaient programmées ex-nihilo,
et que l’idée du monde nouveau à venir s’accordait avec la tabula rasa et des grandes
extensions.

Ces grands plans installaient un système Hermès et un mode Hestia adapté : îlots, sec-
teurs, cités jardins, plans libres, etc…

Les grands plans ne sont plus. Et avec les métropoles nous n’avons plus à faire à des
naissances de ville mais à des grands systèmes fragiles, et l’époque de la discussion sur
les plans d’ensemble semble révolue.

Si la ville est spatiale et stabilise un ordre, la métropole est avant tout dynamique,
évolutive, et cette dynamique n’est qu’accessoirement de nature spatiale. Pour re-
prendre la célèbre formule : la métropole « arraisonne » l’espace.

Si nous nous devons de réinvestir le champ d’une réflexion sur la grande échelle des
structures de fonctionnement des métropoles c’est dans une perspective et une vision
historique toute différente de celles des grands plans, c’est celle de la reconnaissance
de la complexité des systèmes de flux, de leurs interactions, leur fragilité dangere-
use, le danger à ne pas les faire évoluer. C’est la reconnaissance d’une primauté de
la dynamique évolutive sur la stabilité spatiale pour ensuite réinvestir ce champ de
l’espace. C’est la comprendre dans le temps donc figée, et avec ses priorités à un mo-
ment donné.

Ces systèmes vivants, que nous voulons d’abord comprendre pour voir comment et
pourquoi agir, font apparaître des schémas dynamiques.

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PENSER › III. DES PRINCIPES POUR L’ACTION

DE LA GOUVERNANCE

Trois considérations relatives à la gouvernance s’inscrivent avec insistance à l’arrière


plan des réflexions auxquelles nous conduisent les métropoles internationales en rap-
port avec le Grand Paris :

Les fonctions métropolitaines internationales, en premier lieu, sont, comme on l’a


dit, des nœuds sur des flux mondiaux et, comme tels, leur « territorialisation » relève
de processus qui ont une logique propre, tant du point de vue des acteurs privés que
des acteurs publics, logique qui n’est pas nécessairement concourante avec celle qui
découlerait d’une prise en compte des besoins du simple territoire métropolitain en
tant que tel.

Le chantier de la métropole du XXIème siècle de l’après-Kyoto, en second lieu, nous


semble difficilement dissociable d’un rôle renouvelé de la puissance publique, quelles
que soient les formes institutionnelles que prend l’expression de celle-ci. Parce que
la puissance publique est indispensable, tout d’abord, à la force d’entraînement des
grands projets qu’appelleront ce chantier, qui exigent la continuité d’une volonté poli-
tique à long terme. Parce que les bouleversements dans les façons de penser et de faire
la métropole de l’après Kyoto ne s’inscriront pas spontanément dans les faits et que
des choix stratégiques devront être portés à la bonne échelle d’intervention, en second
lieu. Parce qu’enfin l’ampleur des moyens à mettre en œuvre (notamment financier)
ne pourra se couler dans les seuls mécanismes existants.

Les impératifs de la gestion durable et les attentes du bien-vivre ne s’inscrivent pas


dans le même horizon temporel, ce qui, combiné avec l’extrême diversité des niveaux
de débats et de décision, va rendre cruciale l’architecture de l’expression démocra-
tique dans la métropole du XXIème siècle de l’après-Kyoto.

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GRAND PARI DE L´AGGLOMÉRATION PARISIENNE

Vers une gouvernance interterritotiale


Ceci étant, une réaction nostalgique guette, face à la complexité métropolitaine : celle,
pour tenter d’en maîtriser le développement incontrôlé, de retrouver les formes d’un
gouvernement unifié, centralisé et global qui fut possible dans la ville classique.

Nous nous inscrivons dans une perspective totalement différente.

Parce que la métropole est en rupture avec l’agglomération, elle ne peut être gou-
vernée dans les formes qui valaient pour cette dernière. Il serait vain de prétendre
établir une gouvernance métropolitaine selon un « optimum dimensionnel », une échelle
pertinente.

D’une part la métropole n’a plus de frontière ; structurée par de la connexité autant que
par de la contiguïté, elle ne peut être identifiée à un périmètre, aussi dilaté soit-il.

D’autre part, la complexité métropolitaine fait de la proximité une échelle d’action


tout aussi pertinente que celle de la globalité et rend illusoire l’efficacité d’un éventuel
gouvernement unifié, par « en haut » de la métropole. Les observateurs l’ont souligné
(cf les travaux de C.Lefevre) :il n’y a pas une métropole au monde disposant d’une gou-
vernance intégrée, à la bonne échelle.

Considérer la métropolisation comme un processus de développement en rhizomes con-


duit dès lors à poser la question de la gouvernance métropolitaine autour de deux en-
jeux.

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PENSER › III. DES PRINCIPES POUR L’ACTION

Une perspective partagée pour maîtriser la prolifération métropolitaine


Parce que le développement métropolitain est par essence proliférant et générateur
de contradictions, sa maîtrise nécessite incontestablement une volonté collective forte
et une continuité dans l’action.

Pour autant cette exigence, dans l’état actuel de l’Ile-de-France, ne peut se traduire
par la mise en place d’un gouvernement métropolitain unique à court terme. Il faut
une pensée de l’aménagement, une tête, mais en accord avec les parties. La métro-
pole est un système vivant, extrêmement évolutif et plus que tout autre sensible à la
conjoncture. En ce sens, il doit relever d’une gouvernance pluraliste, mais on ne peut
penser le tout sans une tête de décision, sans des outils comme une agence foncière,
des possibilités de préemption qui sont aujourd’hui affaiblies par l’essor des négocia-
tions locales. Comment garder les prérogatives locales et pouvoir conduire rationnelle-
ment les destinées grand “vaisseau” métropolitain?

Autrement dit, la métropole n’exige pas un gouvernement centralisé mais une capacité
d’accord dans la durée de ses acteurs sur un référentiel partagé, autour d’une per-
spective commune. C’est tout l’intérêt des travaux de la présente consultation que de
fournir les éléments pour produire ce référentiel métropolitain partagé.

De l’inter-territorialité pour s’adapter au non-arborescent


Parce que le développement métropolitain ne relève plus d’un modèle arborescent,
il ne peut plus correspondre à un schéma de gouvernance unifié, centralisé et « à la
bonne échelle ».

S’il faut faire le deuil d’un « optimum dimensionnel » pour la gouvernance métro-
politaine, en revanche la montée en puissance des conflits d’intérêt entre le local et
le global nécessite de penser les conditions d’une gouvernance « multi-scalaire » qui
organise une régulation permanente entre les territoires et les échelles de la métro-
pole.

Autrement dit, la métropole en rhizome suggère avant tout la figure d’une gouvernance
« modulaire », à géométrie variable, à même d’organiser des maîtrises d’ouvrage col-
lective, constituées en fonction des enjeux et des projets.

68 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


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8 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire
AGIR
I. DANS LA GRANDE DIMENSION:
Pour des fonctionnalités métropolitaines intensifiées
II. LES INTERVENTIONS GÉNÉRIQUES SUR L’ESPACE
III. SIX ETUDES DE TERRAIN :
La « fenêtre de projet » comme méthode
AGIR › I. DANS LA GRANDE DIMENSION : Pour des fonctionnalités métropolitaines intensifiées

64 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


GRAND PARI DE L´AGGLOMÉRATION PARISIENNE

I. DANS LA GRANDE DIMENSION:


Pour des fonctionnalités métropolitaines intensifiées

› AMPLIFIER LA DYNAMIQUE DES RHIZOMES

› STRUCTURER DES COMMUTATEURS METROPOLITAINS

› GARANTIR LA FLUIDITE METROPOLITAINE

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AGIR › I. DANS LA GRANDE DIMENSION : Pour des fonctionnalités métropolitaines intensifiées

66 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


GRAND PARI DE L´AGGLOMÉRATION PARISIENNE

Comment agir sur la métropole, nous demandions nous, pour y lier croissance et bien-
être dans le sens que ces objectifs prennent dans le monde de l’après-Kyoto ?

Penser la métropole, d’abord, avons-nous dit. En tirer les éléments d’analyse et de


représentation qui permettent de dégager les leviers pertinents de projets d’urbanisme
métropolitains.

Il s’agit maintenant, ici, de mobiliser ces leviers pour montrer, sur quelques points
clefs de la métropole, comment ils permettent de proposer des méthodes de projets
et des projets répondant aux défis que nous avons identifiés dans la première partie de
notre démarche .

Collision de la dynamique fonctionnelle et de la dynamique spatiale, disjonction de


Hermès et de Hestia, urgence de les réaccorder : nous nous accorderons au diagnostic
que nous avons posé pour présenter nos projets.

Intensifier les dynamiques fonctionnelles métropolitaines, en appui sur des projets à la


dimension métropolitaine, tout d’abord.

Retisser un espace physique socialisé et durable, en appui sur des projets à la petite
échelle de l’espace vécu, en second lieu.

Relier dynamiques fonctionnelles et espace physique, en troisième lieu, réassembler


Hermès et Hestia à l’échelle de projet qui donne sens aux uns et aux autres, libère
leurs potentialités au lieu de les étouffer : l’échelle de la fenêtre métropolitaine.

Précisons s’il est besoin, car tel était bien l’objet de la démarche, que nous pensons
ici en terme de projet d’urbanisme et pas encore d’architecture. Nous avons esquissé
dans quelques cas des images pour ces projets d’urbanisme. Elles ne visent qu’à donner
à imaginer ce que pourraient être la matérialisation de ces projets, et ne sont à pren-
dre que comme tels. Aussi bien emprunterons nous dans d’autres cas des images de
réalisations existantes, issues souvent, mais pas nécessairement, de projets réalisées
par l’Atelier Christian de Portzamparc.

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AMPLIFIER LA DYNAMIQUE DES RHIZOMES

Le rhizome : une figure pour agir


La figure du rhizome, grille de lecture analytique et descriptive de la métropolisation,
ouvre en même temps vers un programme, celui de l’accompagnement du vivant per-
mettant de maîtriser ce développement rhizomatique.

Le rhizome propose un mode de conciliation entre performance et bien-vivre

Organiser le développement de grands rhizomes est favorable au renforcement de la


performance et de la compétitivité métropolitaines. Au sein de chacun de ces rhi-
zomes, on rend possible les interactions et les synergies entre grandes fonctions mét-
ropolitaines (le productif, la recherche/innovation, le « récréatif », la connectivité…).
Autrement dit, on facilite la densification de pôles d’emploi majeurs. Simultanément,
la conception de chacun de ces rhizomes comme un élément du système métropolitain,
fortement interdépendant des autres, au travers la mise en place de liens et de con-
nexions puissants va dans le sens de la fluidité et de l’intégration d’un seul marché de
l’emploi, d’échelle métropolitaine.

Dans le même temps, le développement de ces rhizomes propose les conditions spa-
tiales pour répondre à la crise du « bien-vivre » en métropole. La conception de chacun
de ces rhizomes, non comme un « pôle urbain » mais comme un ensemble diversifié,
alternant hautes et basses densités, structuré autour de grands « parcs urbains » est en
mesure de répondre à une aspiration constante et unanime des populations : le besoin
d’espace. Simultanément, cette conception est une condition nécessaire – mais pas
suffisante – pour ouvrir l’éventail des choix résidentiels et permettre la mobilité rési-
dentielle qui constitue aujourd’hui un des enjeux majeurs face au déficit d’attractivité
des métropoles. Enfin, le développement de ces rhizomes comme des ensembles diver-
sifiés fonctionnellement - sans pour autant être complets et autonomes – et bien reliés
les uns aux autres, constitue une des conditions pour réduire les inégalités d’accès aux
aménités urbaines aujourd’hui constatées dans les métropoles.

68 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


GRAND PARI DE L´AGGLOMÉRATION PARISIENNE

Le rhizome est une figure possible de la métropole durable

La perspective ouverte par l’après-Kyoto est d’abord celle d’une incertitude grandissante de notre futur.
C’est une invitation à penser le projet métropolitain en intégrant cette incertitude et donc à laisser la
place à « l’inconnu ». En ce sens, la figure du développement en rhizome offre une alternative crédible au
paradigme de la « ville compacte » qui apparaît aujourd’hui comme le mode de réponse idéale à l’exigence
d’économie de la ressource, mais qui, par sa conception uniformément dense, offre peu de place à la flexi-
bilité , à l’inconnu. C’est à l’inverse tout l’intérêt de la figure du rhizome qui en quelque sorte préserve
l’avenir, en ce qu’elle préserve des vides dans le développement métropolitain.

Dans le même esprit, l’organisation en rhizomes alternant zones denses et zones moins denses est en mesure
de préserver la ressource foncière sans pour autant prétendre la geler, tout en favorisant la réversibilité dans
l’usage des sols.

Sur un autre plan, cette structuration en grands rhizomes permet d’envisager les mobilités de façon cohér-
ente, sans pour autant poursuivre la fiction de leur réduction, ce au travers d’un maillage du territoire mét-
ropolitain aux différents niveaux, selon différentes vitesses et modes de déplacements, entre les rhizomes
et en leur sein.

Enfin, l’échelle du rhizome est favorable à un usage intensif de la métropole en ce qu’elle facilite les «
hyperliens » entre le local et le global, chaque rhizome étant conçu dans sa capacité à combiner plusieurs
échelles, celle du quotidien, celle du métropolitain et celle de l’ouverture au monde.

L’identification des rhizomes à fort potentiel


Dans cette logique, nous nous sommes attachés à repérer –au sein du foisonnement rhizomatique de la mé-
tropole, ceux disposant aujourd’hui du potentiel le plus significatif d’intensification de la métropolisation.

Ce potentiel d’intensification résulte de la combinaison de trois types de caractéristiques :

Un rhizome associe des territoires en « mutation » : on y observe des dynamiques de développement, de


croissance… Ils présentent des opportunités importantes de mutation (foncier…). Globalement, le rhizome
est, au sein du tissu « vivant » de la métropole, particulièrement vivace.

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AGIR › I. DANS LA GRANDE DIMENSION : Pour des fonctionnalités métropolitaines intensifiées

Les différents éléments qui composent le rhizome présentent des formes de convergence
ou de complémentarités, non exclusivement en termes de flux économiques, ou de
déplacements, mais aussi de profils socio-économiques. En ce sens, ils fournissent au rhi-
zome une grande diversité sociale et fonctionnelle.

Enfin et surtout, le rhizome est en capacité de « jouer aux différentes échelles » : Il agrège
des éléments et des fonctions qui relèvent de la proximité et de la quotidienneté, d’autres
qui participent des effets de système métropolitain, et enfin, il contribue à l’ouverture
au monde de la métropole.

La diversité des situations franciliennes


Le rhizome – contrairement à la représentation en faisceaux proposée par le SDRIF – ne
constitue donc pas une grille de lecture systématique de l’organisation de la métropole
mais un mode d’appréhension des dynamiques du vivant. En ce sens les rhizomes sont
par nature divers et non comparables, tant dans leur consistance interne que dans
leur mode d’intégration à la métropole. On a donc particulièrement observé ici des
rhizomes contrastés :

› Le rhizome Nord (Paris / Roissy)

Il reprend en grande partie la logique historique de structuration de l’agglomération


parisienne, en grands « faisceaux » radioconcentriques. Il est donc caractéristique des
situations au cœur de l’agglomération, accrochées à la dynamique centrale de Paris

En termes d’aménagement, il pose la question du traitement des mutations du tissu


urbain, du « renouvellement urbain » en quelque sorte.

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› Le rhizome Sud (Saclay / Orly)

Il est caractéristique d’une situation classique de « deuxième couronne » où la présence


de pôles significatifs ne se traduit pas en un développement territorial d’ensemble et
attractif.

C’est d’une certaine manière la question de la « fabrication de l’urbanité » qui est


posée.

› Le rhizome Nord-Est (Creil / Disney)

Il met en scène une situation habituellement considérée comme la « frange » ou la


périphérie. Mais en le mettant en avant, on veut ici souligner à la fois la véritable
échelle de la métropole – en traitant de l’incorporation métropolitaine au-delà des
frontières administratives de la Région Ile-de-France - et le nécessaire renouvelle-
ment de la représentation centre/périphérie.

Ces trois rhizomes constituent en quelque sorte une « extraction » représentative du


foisonnement des rhizomes de la métropole.

Bien d’autres pourraient être étudiés, par exemple à l’Ouest, dans le prolongement de
La Défense, le long de la Seine, vers Mantes la Jolie, ou de façon plus hésitante entre
Paris et Marne-la-Vallée.

Dans la suite de ce travail, nous avons choisi de focaliser nos réflexions et propositions
d’intervention sur les seuls rhizomes Nord et Sud. Leurs enjeux et leur potentiel nous
paraîssent aujourd’hui cruciaux pour l’avenir de la métropole. Ils sont révélateurs en
quelque sorte d’un « pivotage » Nord/Sud de l’organisation métropolitaine, en regard
de la structuration historique Est/ouest – confortée par les schémas successifs de plani-
fication – de l’agglomération parisienne.

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AGIR › I. DANS LA GRANDE DIMENSION : Pour des fonctionnalités métropolitaines intensifiées

STRUCTURER DES COMMUTATEURS METROPOLITAINS

La dissociation entre ouverture au monde et organisation urbaine


On nomme ici « commutateurs métropolitains » les sites qui, au sein de la métropole,
sont en mesure de mettre en relation le global et le local, les fonctions d’ouverture au
monde et celles d’organisation de l’espace urbain (Hermes et Hestia).

De façon générale, le processus de métropolisation tend à disjoindre ces deux regis-


tres, à les mettre en tension.

› d’un côté, le développement des fonctions d’ouverture mondiale de la métropole se


joue au détriment de la cohésion et de la qualité urbaine locale,

› de l’autre, les mutations du tissu urbain, sa densification notamment, tendent à


repousser vers la périphérie les grandes fonctions métropolitaines de Paris (espaces
productifs, logistique, « gateways »…)

Or, en ces lieux la contradiction structurelle entre le potentiel de développement


d’emplois, de quartiers, de tertiaires, d’universités et la conjonction de transports
en commun est à son comble. Il y a une exacerbation de la crise entre Hestia et Her-
mès.

Soit le territoire divise tout, soit il est étouffé et déjà entouré de constructions in-
transformables.

Soit le réseau fermé et routier segmente tout passage ou enchaînement urbain pour
toujours (Massy, Saclay), soit le bâti entoure des lieux qui devraient former un hub
européen (gare du Nord et de l’Est), soit l’autoroute et l’aéroport divisent en lamelles
enclavées une zone où trois lignes de métro se rejoignent et qui devrait être l’avant-
poste de Roissy et le cœur d’un pôle affaires-habitats, revitalisant les zones des cités
(Le Bourget). Soit le futur hub air-fer à Orly appelle un pôle tertiaire et de commerc-
es ambitieux, on ne peut l’anticiper et on est au-dessous de la fonction métropolit-
aine Autrement dit, les commutateurs métropolitains sont les lieux qui cristallisent Le commutateur: le global dans le local

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aujourd’hui la dissociation entre les deux géographies métropolitaines –celle de la vie


quotidienne et celle de la compétitivité mondiale– qui constitue un des facteurs expli-
catifs de la « panne francilienne ».

Tout l’enjeu du projet consiste donc à intervenir sur ces sites afin de rendre com-
patibles le développement de la compétitivité mondiale (Hermes) et la qualité de la
vie quotidienne (Hestia).

Il s’agit donc de faire de ces sites de véritables « commutateurs » métropolitains –au


sens d’un dispositif d’interconnexion entre différents circuits– à même de réduire les
conflits d’échelles, entre le global et le local, propres à la métropole.
Les commutateurs métropolitains

Six commutateurs d’envergure métropolitaine ont été identifiés, sans prétention à


l’exhaustivité.

Parmi ces derniers, certains –le secteur de La Défense– ne seront pas traités ici :
d’une certaine manière on peut considérer que dans ce cas, après maintes difficultés,
l’articulation entre les fonctions métropolitaines mondiales (centre d’affaires) et la
vie quotidienne (services, commerces, loisirs…) s’est en partie réalisée. Il reste à en
imaginer le « temps 2 » (extension spatiale / déplacements / habitat).

D’autres –le secteur des Halles– seront traités indirectement. On fait l’hypothèse que
le « conflit d’échelles » dans ce cas, tient en particulier à l’engorgement des fonc-
tions de connectivité. La proposition d’un commutateur complémentaire (l’anneau
périphérique) vient donc indirectement y répondre.

Quatre commutateurs seront donc proposés dans la suite de ce travail, au sein de leurs
« fenêtres » : La Gare Nord Europe, Le Bourget, Massy et Orly.

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AGIR › I. DANS LA GRANDE DIMENSION : Pour des fonctionnalités métropolitaines intensifiées

GARANTIR LA FLUIDITE METROPOLITAINE

Un annulaire rapide interface centre périphérie, et contournement pour


lier les rhizomes
Mobilités intra-métropolitaines rapides, mobilités de moyenne distance, mobilités de
proximité : les mobilités métropolitaines sont plurielles et chacune a ses exigences
propres en terme de besoins de transports.
métrophérique
Un système efficient de mobilité métropolitaine est donc celui qui articule avec le plus
de souplesse une diversité de moyens de transports adaptée aux différentes échelles
métropolitaine.

Concernant les mobilités rapides, liant entre eux les rhizomes métropolitains, le débat
sur les projets Arc Express ou Métrophérique nous a conduits à nous interroger : si le
principe d’un anneau rapide fait aujourd’hui concensus, ces projets ont-ils cependant
bien pris la mesure du fait métropolitain ? Ne sont-ils pas plutôt des projets de desserte
de la «banlieue de l’agglomération », adossés tous deux à la question de la dilatation
de la zone dense, sans intégrer la recomposition complexe des territoires de la métro-
pole et leurs interdépendances ?

D’un point de vue métropolitain, l’hypothèse d’un transport collectif annulaire rapide,
implanté au dessus du périphérique, léger, comptant un nombre limité de stations
annulaire
(tous les 1,5 à 2 km) n’est-elle pas plus pertinente pour les mobilités intra-régionale
longues?

Plus pertinente en terme de fonctionnalité : il s’agit clairement d’un transport qui a


vocation à permettre le passage le plus rapide d’un territoire de la métropole à l’autre
sans passer par le centre, Répondant aux besoins de mobilités intra-métropolitaines
longues qui sont appelées à croître dans les prochaines années par effet mécanique
d’une croissance métropolitaine qui multipliera les déplacements entre les rhizomes
qui la portent, ce transport annulaire rapide sera complémentaire de la fonction de
cabotage assurée par le tramway des maréchaux.
Exemple pour un départ de Créteil : l’annulaire dessert plus de lieux denses (rouge)
Plus pertinente en terme de rapidité : l’anneau du périphérique (30 km) est moitié
moins long que celui des autres projets.

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Annulaire rapide, 35 Kms de long, 22 stations

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Plus pertinente en terme de coût : il utilisera une emprise foncière déjà disponible.

Plus pertinente en terme prospectif : son efficacité n’est pas dépendante d’une forte densification à moyen
et long terme de la deuxième couronne, dont la faiblesse de la croissance démographique fait une hypothèse
discutable.

Le projet annulaire sur le périphérique, projet de transport rapide, est également projet de transformation
urbaine en particulier à partir du traitement des « Portes » qu’il reliera, lieux d’échanges au potentiel im-
portant à l’intersection métro/périphérique/route nationale, aujourd’hui chaotique.

Une « roue dentée » qui projette des rayons et permet des liaisons tangentielles multiples, avec liaisons en
site propre ultra rapide et qui évite de toujours passer par le centre déjà engorgé. C’est achever encore
l’idée d’un « centre annulaire » qui distribue vers l’extérieur comme vers l’intérieur de l’espace. La volonté
de rééquilibrer la valorisation de la périphérie ne peut pas se faire contre le centre. Le volontarisme ne
marche pas. Il faut observer ce que le centre ne peut plus assurer et voir là la force périphérique. Un tel
anneau distribue beaucoup plus de lieux que le métrophérique, il décongestionne vraiment le centre, il agit
avec le centre comme interface entre les périphéries, les rhizomes et le centre.

De plus, l’annulaire serait connecté à une liaison rapide reliant Roissy à la future gare Nord- Europe que nous
proposons par ailleurs (cf « fenêtre Le Bourget »). Cette connection permettrait, par le développement pour
l’annulaire d’une expérience très innovante de rames recomposables aux embranchements, testée à Munich
par VEOLIA, d’assurer sans rupture de charge une liaison express Roissy-La Défense.

En aérien sur le périphérique actuel, laissant les voies en l’état, il serait conçu, techniquement et architec-
turalement, pour être un marqueur fort de la métropole du XXIème siècle.

76 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


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La logistique au cœur du système métropolitain Hermès et ses flux :

En région Ile-de-France ce sont près de 400 millions de tonnes


La métropole, par son dynamisme interne et dans ses relations au monde, génère de marchandises qui sont transportées annuellement. La part
modale de la route est hégémonique : 90 %, la voie fluviale
quotidiennement des flux immatériels, des mouvements de personnes, mais aussi des représente 6 % et le mode ferroviaire 4 %, les livraisons termi-
échanges importants de biens matériels, tant en valeur qu’en tonnes physiques qui nales relevant exclusivement de la route. Les échanges au sein
de la région dominent : 40 % du tonnage total, alors que les
sont transportés, à des rythmes temporels déterminés, vers des lieux dédiés. échanges avec les autres régions françaises s’élèvent à 30 %, et
que les exportations et importations étrangères représentent
10 % du total. Il reste 20 % de flux de marchandises qui sont en
Hermès est rapide, changeant, souvent imprévisible et se joue parfois de l’autorité. transit sur un axe Nord-Sud, ce qui atteste du positionnement
Cette activité commerciale, indispensable à la vie même des foyers d’Hestia, et à leur géographique de la région Ile-de-France entre l’Europe du Nord
et du Nord-Est (la « banane bleue ») et l’Ibérie (Espagne et
quiétude, entre néanmoins de plus en plus en tension avec eux, en raison des masses Portugal).
en cause, requérant un usage sans cesse accru d’espace et de temps. Jusqu’à présent Penser la métropole comme être vivant, comme système,
les pouvoirs publics ont peiné à maîtriser, à réguler Hermès. conduit à tenter de penser ces flux, leurs implantations, leurs
enchaînements spécifiques, leurs conséquences, leurs nécessi-
tés, et leurs adaptations au regard des orientations « post-Kyoto »
La logistique incorpore plusieurs caractéristiques majeures des rhizomes : le multi et des attentes sociétales.
scalaire, du global au local, le dynamisme du vivant, en prise intime avec les rythmes Depuis deux siècles, Hestia repousse Hermès du centre vers la
divers de la métropole, économiques, temporels, technologiques, et ses capacités de périphérie dans l’espace métropolitain
Au 19e siècle, à l’heure du Paris transformé par Haussmann,
projection au loin vers la mer et vers le Bassin Parisien, l’organisation en devenir de Hermès semblait pouvoir s’imposer :
« La première idée du chemin de fer urbain parisien a pris corps
commutateurs spécialisés pour la circulation des marchandises à partir de « hubs » où dans un projet de ligne dite des Halles produit en 1855… projet
des nœuds d’échanges physiques se déploient, et où les besoins d’aménagement et fragmentaire dont les auteurs avaient simplement en vue de
relier le centre de Paris à la circonférence et d’assurer par voie
d’urbanité restent considérables pour qu’Hestia ne récuse plus Hermès. ferrée l’approvisionnement des Halles ».
M. F. Bienvenüe : Commentaire technique sur le métropolitain
de Paris. 12 février 1933.

Mais, par la suite, la pensée a bifurqué, passant des mouve-


Pour maîtriser Hermès et le relier à Hestia : ments des biens à ceux des personnes : Hestia l’emportait.
Quand la ville se métamorphose en métropole, le marché cen-
Quatre axes de projet doivent être mis en oeuvre : tral traditionnel - les Halles - est repoussé et projeté vers les
périphéries agglomérées accessibles, et vers de nouveaux es-
paces non encore utilisés, assez vastes pour recevoir et réex-
Autoriser la desserte ferroviaire de proximité, en particulier au sein de la zone dense. Des pédier des marchandises différenciées.
Jusqu’aux années 1970 les entrepôts jouxtent souvent encore
gares de fret devront être maintenues, tout en sachant que dès à présent les habitants les zones industrielles en Seine St-Denis, à Gennevilliers, à
d’environ 200 communes franciliennes s’estiment gênés par le bruit ferroviaire. De tels proximité d’Orly (Rungis) ou sur l’axe de la Seine amont. Le
mouvement de désindustrialisation entraîne une tertiarisation
sites devront faire l’objet de projets d’aménagement visant à atténuer les nuisances res- de ces territoires qui captent alors les fonctions de services et
d’organisation des flux de biens, alors que les plates-formes se
senties : gares localisées dans l’agglomération : Ivry – Vitry sur Seine, Paris – Austerlitz… dissocient et s’autonomisent en se localisant sur des espaces
et sur la ligne de Grande Ceinture au Nord et à l’Est de l’agglomération : Villeneuve St plus éloignés.

Georges, Valenton, Port de Bonneuil, Noisy-le-Sec, Pantin, Le Bourget, Le Blanc-Mesnil… Dans les années 1980, de nouveaux entrepôts sont créés en bor-
dure des villes nouvelles : Sénart, Evry, Cergy ou de Roissy, Ivry,
Et sur ces sites se concentrent également camions et véhicules utilitaires, et des aires Vitry. La messagerie spécialisée des petits colis se différencie

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AGIR › I. DANS LA GRANDE DIMENSION : Pour des fonctionnalités métropolitaines intensifiées

logistiques. Une analyse fine des diverses places logistiques intra-urbaines, de leur de la logistique des biens plus massifs ou plus lourds, chaque
chaîne logistique relevant de rythmes particuliers, et de con-
modernisation possible, devra compléter l’approche ferroviaire citée. traintes spécifiques. Les petits véhicules utilitaires côtoient les
poids lourds.
Rééquilibrer vers l’Ouest de la métropole les flux et les plateformes logistiques jusqu’ici Les distances parcourues augmentent au sein de la métropole,
malgré l’adoption du modèle de fonctionnement en « hub » par
plus développées à l’Est (cf : Seine et Marne), par un usage accru de la voie fluviale de nombre d’opérateurs du transport. L’ouverture en octobre 2007
par La Poste de la plateforme industrielle Courrier de Paris-Sud
la Seine, en aval, à l’Ouest de l’agglomération, avant les ponts et écluses parisiens, à Wissous, sur une parcelle louée à Aéroport de Paris proche
prenant en compte l’augmentation de capacité du Port du Havre (Port 2000), et du d’Orly, illustre cette évolution.

futur canal Seine Nord, pour y délimiter des sites d’interconnexion bi ou tri modaux. Depuis une vingtaine d’années, en raison de l’externalisation
des fonctions logistiques, délaissées par les chargeurs, de vastes
aires logistiques de 30 à 50 000 m² s’ouvrent en grande couronne
Une certaine spécialisation de ces plates formes de l’Ouest pourrait se dessiner : de la métropole, souvent en Seine et Marne ou aux frontières
produits manufacturés, voitures… en relation avec les produits importés par la voie externes de la région d’Ile-de-France : Orléans ou Compiègne…
où des surfaces étendues et peu coûteuses sont disponibles.
maritime. Il s’agit là d’un développement extensif, mis en œuvre dans le
cadre de la rationalité économique propre à chaque opérateur
logisticien, et en fonction des opportunités foncières saisies.
Une hiérarchisation fonctionnelle accrue des plates-formes « grossistes » et des plates Quant à la logistique propre aux flux de transit, elle est locali-
formes redistributrices et de livraisons terminales prenant en compte le caractère for- sée en grande couronne.

tement polluant de ces dernières. L’Ile-de-France est devenue, ce faisant, la première région lo-
gistique française, comptant quelque 22 millions de m² de sur-
face dédiée à l’entreposage, dont 15,5 millions de m² de plates
L’insertion urbaine des activités logistiques ainsi que leur association dans des espaces formes logistiques.
mixtes fonctionnellement : hôtels logistiques urbains à étages, doter les plates-formes
Un arc logistique, ancré sur la voie de la Francilienne s’est
logistiques d’équipements urbains à caractère social, destinés aux salariés de cette développé de Cergy-Pontoise à Evry (via Roissy, Marne-la-Vallée,
Sénart).
branche : restaurants interentreprises, services de médecine quotidienne, espaces de
repos, services de transport du personnel… Par de telles aménités le site logistique se- En Ile-de-France, la consommation moyenne annuelle d’espace
affecté à des entrepôts est d’environ 200 hectares. La moitié du
rait plus complet, plus urbain, moins perçu comme étant loin de tout, « off shore ». parc d’entrepôts franciliens a une surface inférieure à 5000 m²,
les plates formes assurant la distribution urbaine en deçà d’un
rayon de 30 Km utilisant de 2 à 3000 m².

Les produits transportés sont des matériaux de construction


(38% du tonnage total), des produits manufacturés (28% du ton-
nage total), des biens alimentaires, des produits agricoles et des
déchets. La production annuelle de déchets ménagers est de
l’ordre de 400 Kg par habitant, et de 500 Kg pour les matériaux
de démolition (source : Direction Régionale de l’Equipement
Ile-de-France. Octobre 2006).
La densité moyenne d’emplois sur les sites logistiques récents
est d’environ 65 emplois pour 10 000 m² bâtis.

Les plus petites unités logistiques s’insèrent dans la zone dense


agglomérée, mais subissent la pression foncière de l’urbanisation
ou du renouvellement urbain, et risquent l’exurbanisation
périphérique.

78 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


GRAND PARI DE L´AGGLOMÉRATION PARISIENNE

Logistique Avant Logistique Après

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AGIR › III. SIX ETUDES DE TERRAIN : La « fenêtre de projet » comme méthode

80 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


II. LES INTERVENTIONS GÉNÉRIQUES SUR L’ESPACE
› ASSEMBLER HESTIA ET HERMÈS –CRÉER DE NOUVEAUX AXES DE VIE

› LE DURABLE C’EST LE TRANSFORMABLE. DES « RÈGLES DU JEU CONTRE LES TERRITOIRES « BLOQUÉS ».

› FAIRE ARCHIPEL

› CRÉER DES BALISES MIX-CITÉS – L’APPROPRIATION PAR LA PRATIQUE ET LA PERCEPTION


AGIR › II. LES INTERVENTIONS GÉNÉRIQUES SUR L’ESPACE

ASSEMBLER HESTIA ET HERMÈS –CRÉER DE NOUVEAUX


AXES DE VIE

Retrouver l’espace physique comme médium de vie, durable, appropriable.

Pour redonner son statut de médium de vie à l’espace physique nous proposons des
axes ou thèmes de travail valables sur tout le territoire. Nous illustrons ces axes de
travail par des exemples de projets de références sur lesquels nous avons pu travailler
ces thèmes durant les trente dernières années.

Pour un espace physique sociabilisé, durable et appropriable.

Tisser, désenclaver les grandes voiries et les réseaux capillaires,


que tous les chemins mènent à Rome.

Nous avons adopté la qualification « Hermès » par rapport à « Hestia » pour tous les
réseaux de déplacement, bien qu’il s’en trouve deux de nature très différentes voire
opposées :

› Le réseau de voies rapides (trains, autoroutes) qui traversent, enjambent et le plus


souvent sectionnent, découpent et enferment les territoires en poches. Ce sont les «
tuyaux ».

› Le réseau que l’on peut appeler « capillaire » des avenues, des rues, impasses et
boucles, qui dessert chaque immeuble et qui est bloqué. Ce réseau comprend aussi les
nationales ou départementales : tout ce qui dessert au long de son parcours alors que
les « tuyaux » vont de A à B en « express ».

Un des réseaux bloque l’autre mais il le dessert aussi. C’est seulement en gardant en
tête cette fonction du déplacement qui est commune aux deux réseaux comme « Her-
mès » que l’on peut raisonner sur leur évolution. La question est par exemple souvent
de rendre l’Hermès des « tuyaux » en boulevard urbain (par exemple le boulevard
circulaire de la Défense) ou pour nous de trouver les commutateurs qui vont raccorder
ces deux réseaux en certains lieux.

82 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


GRAND PARI DE L´AGGLOMÉRATION PARISIENNE

Dans la grande périphérie métropolitaine les plans de voiries sont tous


arborescents, avec rues en impasse ou ronds-points terminaux, incit-
ant partout aux quartiers privés. Condition de l’expansion de la ville
et de la grande dimension, les réseaux techniques ont segmenté tout
le territoire et ce n’est plus seulement le radioconcentrisme qui pose
problème. On peut parler de labyrinthe, d’enfermement, de blocage.
La continuité lisible des voies accessibles à tous est perdue. Or c’est vé-
ritablement une condition première de la ville démocratique. L’espace
public est bien Res Publica. Sans lui, les évolutions des quartiers
s’orientent inéluctablement vers la même tendance que sur toute la
planète : privatisation et ghettoïsation.

Pour rendre accessibles et transformables ces quartiers il faudra réc-


oncilier Hestia et Hermès, et contrer partout la pratique des « poches
» urbaines, parfois appelées secteurs ou patates, ces enclaves coin-
cées entre les réseaux et desservies par une « bretelle ». Il faut que «
tous les chemins mènent à Rome », que la visibilité et l’accessibilité

SANTO ANDRÉ, BRÉSIL, 1998


La loi de la rue contre les secteurs privatisés

LABORATOIRE C.R.E.T.E.I.L. Institut d´urbanisme de Paris - Université Paris XII, co-traitant 83


AGIR › II. LES INTERVENTIONS GÉNÉRIQUES SUR L’ESPACE

soit en coïncidence. Les communications immatérielles qui annulent pour une part
l’éloignement ne résolvent qu’une part du problème de la présence physique. Elles
accentuent démesurément le nombre des liens et avec la nécessité de la reconquête
et de la proximité. L’espace est toujours « médium » bien évidemment, même s’il est
bousculé, même si il est partout « bloqué ». Le périphérique, par exemple autour de
Paris, est un lieu d’immeubles tertiaires et de publicités. Partout dans la périphérie un
travail de voirie, de libération du passage de quelques ponts et tunnels sous les voies
rapides, de ponts habités parfois, devrait être entrepris. C’est instaurer les conditions
nécessaires à la ville. C’est s’y retrouver, avoir accès, faire se croiser les diversités de
population, les pauvres et les riches. C’est faire passer la maréchaussée et c’est éviter
l’installation de condominiums fermés d’habitat, de parcs commerciaux ou d’activités
qui seraient des poches closes interrompant la ville.

Ce travail fut le grand enjeu du plan de Santo André que nous montrons à titre d’exemple
: sur 4 kilomètres les usines automobiles et minoteries se succédaient le long d’une
ligne de chemin de fer dans un secteur très urbanisé du grand Sao Paolo. En partant de
la trame urbaine existante du centre de Santo André, le projet propose de la continuer
selon une grille de rues à réaliser progressivement- dans un premier temps simple-
ment en terre pour ne pas charger les finances municipales. Ces rues traversent tout le
site. Ce réseau public reçoit des îlots privés qui ont une liberté de programmations et
d’architectures aléatoires.

Dans la logique nouvelle des grandes acquisitions foncières et la spécialisation fonction-


nelle et commerciale de grands territoires privés, on assiste en effet dans beaucoup
de pays, au phénomène d’une ville qui se construit par poches. Equivalent du grand
zoning de la planification, on a pu voir de grands découpages marchands correspondre
à la fragmentation du territoire installés par les grands « tuyaux » autoroutiers. La ville
se divise en grands camps. C’est topologique. C’est la logique du sac. Tout ce qui a
PÉKIN, 2003
ainsi une entrée gardée, un plan de voirie arborescent ou en boucle à l’intérieur d’un
périmètre clos, se met à l’écart du monde, c’est-à-dire à l’écart du réseau universel
que sont les voies publiques. Dans tous ces territoires on ne peut plus dire : “Tous les
chemins mènent à Rome”.

84 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


GRAND PARI DE L´AGGLOMÉRATION PARISIENNE

C’est pourquoi il est si important de repenser des plans en grille contre les plans
arborescents et de penser des îlots bordés de rues « publiques ». C’est sans doute
pour conjurer cette tendance à voir se privatiser d’immenses zones urbaines que la
municipalité de Santo André à Sao Paolo avait organisé une consultation en 1999, sur
le conseil de Jordi Borja. En tout cas, c’est ainsi que j’ai diagnostiqué le problème sur
place, en organisant un atelier de réflexion avec des jeunes brésiliens.

Ces «bolsas» d’Amérique latine, de Chine et d’ailleurs, ne seront pas transformables,


alors que dans les villes, tous les îlots sont indéfiniment transformés, divisés ou unifiés.
Ils sont transformables parce qu’ils ont des accès publics sur tous leurs côtés, et ils
sont donc, dans le temps, divisibles, vendables, commercialisables, en morceaux re-
constructibles.

LABORATOIRE C.R.E.T.E.I.L. Institut d´urbanisme de Paris - Université Paris XII, co-traitant 85


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LE DURABLE C’EST LE TRANSFORMABLE.


DES « RÈGLES DU JEU » CONTRE LES TERRITOIRES
« BLOQUÉS »

Reparcelliser, ouvrir à la possibilité d’appropriation, aux initiatives.

Rendre les territoires transformables, reliés, ouvert aux commerces fonciers, plasticité
pour le futur, réduire les grands ensembles monofonctionnels.

Un objectif pour le Grand Paris serait donc de mettre en œuvre le désenclavement


progressif et général des quartiers. Tout ce qui est en impasse, en zones enfermées
par des grands réseaux, en poches fermées, tout ce qui a une faible ou difficile con-
nectivité avec le système général des voies publiques, devrait être retraversé de voies,
ré-ouvert, reconnecté. Des ponts, des trouées, afin de supprimer les effets d’enclaves.
Les enclaves sont les gisements des ghettos de demain.

Nos travaux à Pékin, à Sao-Paulo, à Rio, à New York même ont chacun eu à affronter
et empêcher ce phénomène d’enclave urbaine qui interdit l’appropriation. La privati-
sation, l’abandon de l’espace collectif, son cantonnement dans le réseau des tuyaux
autoroutiers, et l’apparition de la ville constituée de « camps » de pauvres, de riches,
de camps de bureaux et de loisirs menacent comme l’arrivée d’une barbarie, la clôture
d’un âge ouvert par l’invention de la rue par les grecs.

L’homogénéité du programme de la zone, monothématique s’ajoute aux plans en arbre


et en impasse et à la clôture des quartiers pour condamner lourdement toute flexi-
bilité sur le plan du commerce immobilier ou foncier. « Comment revendriez-vous ce
million de mètres carré que vous nous demandez de projeter, si c’est un grand enclos
avec une seule porte et des voiries en arborescence ? », demandais-je aux promoteurs
chinois pour lesquels nous étudions un immense quartier de Pékin. « Quand les riches Santo-André
iront ou voudront aller ailleurs, cela sera impossible pour vous ou les copropriétaires Un des enjeux était de montrer que des architectures ordi-
naires, illustrées ici par des citations de bâtiments existants
de revendre d’un coup 1 million de mètres carré avec seulement deux entrées». « Il déjà dans la ville, peuvent s’installer dans ces îlots.
faut traverser le quartier par des rues publiques, chaque bâtiment pourra avoir une « L’hétérogène, l’imprévu, le transformable s’assemblent sur
les rues.
adresse », être séparément racheté, transformé, détruit, rebâti ». Après réflexion de

86 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


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BEIJING, 2003

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quinze jours, les clients qui avaient adopté le modèle « américain » ont acceptés. Des
rues liées toutes au réseau de la ville ont été acceptées par la mairie comme territoire
municipal.

Inventer un urbanisme qui encadre, rend possible, établit des « règles du jeu », est
la réponse. Une politique qui incite à la qualité, à l’attention, au bien commun de
l’espace public en ouvrant des incitations en retour à l’opérateur par des règles ur-
baines qui accordent des droits à bâtir aériens supplémentaires à condition de présent-
er sur un site un projet qui soit une contribution à la qualité urbaine locale – jardins,
écoles, commerces –et à la qualité architecturale de la ville.

Ainsi à New-York, notre client obtient de doubler ses droits à construire grâce au pro-
jet, riche en place, jardin public, école, commerces, et qui augmente de 150 000 à 300
000 m² les droits autorisés. Un triangle de qualité est formé entre le city planning, le
promoteur et l’architecte.

88 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


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BAIRRO NOVO, São Paulo, Brésil, 2004


Entrer dans la trame de la ville, dans ses rues, en observant
son rythme et son développement pour imaginer un nouveau
quartier, c’est chercher une méthode qui ouvre l’îlot à
l’aléatoire, aux demain inconnus, et qui puisse présenter
une perspective dans l’espace et dans le temps. Il faut
éviter le plan masse qui ne permet pas l’évolution. Nous
proposons une règle de jeu volumétrique marquée par une
forte dynamique des hauteurs.

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Des règles pour des îlots - îlots transformables dans le futur. Ilots ouverts et quartiers évolutifs

L’îlot ouvert est une manière de bâtir entre les rues en donnant à plusieurs programmes leurs autonomies,
leurs jours, leurs adresses, sans les accoler en mitoyen. C’est une expression forte de la ville comme es-
pace public. Il assemble la pluralité des individus, les bâtiments hétérogènes, singuliers. Il est ouvert à
l’aléatoire. Les immeubles ne sont pas mitoyens, ils sont donc autonomes. Ils ont leur volume propre, leurs
matériaux, leur hauteur. Pourtant la rue les assemble, par des portions de façades alignées. La rue est un
volume d’espace parfaitement sensible malgré la discontinuité des façades. L’ouverture visuelle de l’îlot est
constituée par l’interruption du bâti. C’est 30 à 50% du périmètre.

En jouant sur des hauteurs différentes ce qui permet de faire mieux entrer la lumière et donne une dy-
namique verticale à la rue, on éclaire mieux les rues et on peut donc les faire plus étroites. On offre des
vues traversant les îlots en évitant les cours intérieures claustrophobiques. Chaque logement a trois orienta-
tions et de nombreuses vues, proches et lointaines. Les espaces privés sont plantés. Cette autonomie des
immeubles signifie aussi que l’îlot ouvert n’est pas seulement ouvert à la lumière mais aussi à l’imprévu,
au changement, au commerce foncier dans le temps, aux transformations dans des règles simples. Il porte
une esthétique de l’aléatoire individuel dans la règle publique de la rue. Chaque immeuble peut être rebâti
différemment selon des règles de volume simple et accueillir à chaque fois un programme très différent car
les possibilités de lumière sont optimum. Le rez-de-chaussée de l’îlot est unifié par ses façades alignées, ses
grilles, ses murs, avec des arbres. C’est la clôture du privé par rapport au public. En définitive il n’y a pas
de plan masse, mais des fiches d’îlots qui proposent aux architectes des volumes-enveloppes virtuels plus
grands que les volumes constructibles, et à l’intérieur desquels ils installent leurs bâtiments.

En 1988 pour l’installation d’une ville universitaire et de recherche, le projet d’Atlanpole à Nantes fut
l’occasion de mettre en jeu le concept d’îlot ouvert face à l’extrême variété des programmes qui se présentait
(on le verra le projet met également en jeu la notion d’archipel). L’îlot ouvert est ici un moyen d’assembler
des programmes très différents. Il est le moyen de retrouver la plasticité de la rue intégratrice.

SANTO ANDRÉ, Brésil, 1998

90 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


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ATLANPOLE, Nantes, France, 1988-92


Pour le projet d’Atlanpole quatre grandes îles sont définies.
Une grande trouée large de 60 mètres, dans l’axe de la plus
haute tour du centre-ville de Nantes, permet de percevoir
l’ensemble à grande échelle et de se l’approprier physique-
ment. Cette grande échelle de perception, pourtant si
importante, manque presque toujours dans les périphéries.
Nous installons également dans le site ce que nous appelons
les « scarifications » : des lignes transversales qui permet-
taient de viabiliser et d’entretenir la campagne. Elles
marquent le territoire tous les 417 mètres. Ces structures
physiques mises en place dans le site fondent une com-
préhension de la ville en donnant la mesure dans le grand
territoire, permettant une perception forte, évidente du
site urbain dans la grande dimension.
Mais la grande nouveauté d’Atlanpole réside dans le fonc-
tionnement des îlots. Une règle des îlots ouverts sur une
grille «Hippodamienne » est établit. Ces îlots construisent
les rues, autonomisent les bâtiments et accueillent le plus
large aléatoire. Pour cela, nous avons testé un grand nom-
bre de programmes variés : écoles de haut niveau, labora-
toires, habitat…

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Les îlots ouverts du quartier Masséna proposés en 1994 parlent aussi de cette question de comment ouvrir
la ville à l’aléatoire, assembler le multiple: logements, bureaux, universités, au sein d’un quartier lisible
et évolutif dans Paris? Plutôt qu’un plan masse fixé, j’élabore ici une règle du jeu permettant des varia-
tions autour du principe d’l’îlot ouvert et son corollaire la rue ouverte, diversifiée et lumineuse. Les bâti-
ments jamais mitoyens ouvrent la rue sur les intérieurs d’îlots plantés de jardins. Ces bâtiments prennent
la lumière dans les quatre directions et selon des volumes dont l’architecture est libre. La grande variété
des programmes, des volumes et des matériaux aussi est assemblée au long du «volume» unitaire de la rue.
Il n’est pas imaginable de faire un urbanisme en comptant sur des chefs-d’œuvre architecturaux. La ville
aujourd’hui doit ainsi pouvoir avaler le meilleur et le moins bon, le banal et l’exception, l’imprévisible
variété des « styles » et en tirer une vie, une nouvelle saveur.

L’enchaînement des îlots ouverts

92 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


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QUARTIER MASSÉNA, Paris, 1995

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FAIRE ARCHIPEL

Nous l’avons vu l’archipel est ici une figure qui peut prendre des configurations très
variées. Elle nous permet de « rythmer » des différences de densité sur le territoire
entre pôle d’activités et d’habitat dense et résidentiel calme avec parc. L’archipel
permet aussi de penser en rapport bâti-nature propice à créer les conditions d’habitat
en périphérie que l’on ne trouve pas au centre (une ville jardin). Le rhizome est af-
faire de liens entre pôles qui entrent dans une aire où la proximité appelle un espace
physique non bloqué. L’archipel est une notion physique et peut être utile pour mettre
en espace par exemple des rhizomes. Bio masse au cœur de la métropole, rationalisa-
tion des transports habitation-travail (« les migrations alternantes »), sont des raisons
du modèle archipel dans le cadre du Post-Kyoto : il s’agit d’imaginer par blocs distincts
ou en « pieuvre » la compacité fractale.

Nous imaginons pour les métropoles que l’extension de « clairières » - de vides non
bâtis - et l’extension vers le ciel sont deux possibles. C’est la leçon de Manhattan.

Assumer des zones denses, formant parfois des grands repères visibles de très loin,
installés autour des gares de transports métropolitains, dans des rayons accessibles
(2km) à vélo et des zones moins denses et plus éloignées où l’appel de l’habitat est
plus attractive.

La première vision offerte par cette représentation est celle de la ville traversant lacs
et parcs : La Haye, Stockholm, Berlin, ou encore Rio traversant les montagnes, forêts
et anses par les tunnels et passant d’une « chambre » topographique à une autre.

Outre que cette topologie multiplie les situations de bords, fractalisant les contacts
avec la nature elle assure au sein de la ville, dans la perspective de l’après-Kyoto,
un équilibre avec la biomasse. Elle déjoue la polarisation sur le centre unique et les
notions d’éloignement et de relégation qui accompagnent cette polarisation. Elle ou-
vre les possibles pour qu’un très grand territoire urbain soit compréhensible selon un
principe perceptible sur le terrain, avec le corps.

94 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


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A toutes ces qualités on objectera que créer des parcs et des zones peu denses dans
une très grande région comme l’Ile-de-France n’est pensable que dans une continuité
d’action sur la durée et dans un échange où le commerce foncier est en mesure de
pratiquer une mutualisation des valeurs de terrains à grande échelle comme dans des
projets de villes nouvelles ou de zones d’aménagement. Une agence qui agit comme
l’AFTRP (Agence Foncière et Technique de la Région Parisienne) le fit pour des villes
nouvelles, ayant des méthodes de préemption. C’est la solution nécessaire. Il est im-
possible d’agir sur le bien commun si chaque parcelle est intouchable ou fait l’objet de
négociations spécifiques.

Avec l’archipel littéral, on peut imaginer des îlots d’habitat au milieu de la nature.Il
s’agit d’inventer une qualité d’habitat que l’on ne peut trouver en centre ville : ni la
ville, ni la campagne, mais des îles bâties au cœur d’une nature préservée pour un nou-
veau mode d’habiter propre à nos périphéries. Ce concept d’un archipel d’îles bâties
est une constellation d’îlots denses, ouverts, et librement posés.

Son origine vient d’un nouveau regard sur la périphérie et ce qu’elle peut apporter en
qualité. Cet îlot devient une île distincte, il n’est pas bordé par des rues comme en
ville, mais il est isolé et entouré de nature, telle une île en mer. Ces îles bâties partent
du territoire de campagne pour le densifier ponctuellement et en préserver une bonne
partie, garder les formes existantes. Bien sûr l’habitat que l’on installe va tout chang-
er, mais ce sera l’idée d’une campagne urbanisée en douceur et non un plan urbain.

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Ce que nous avons étudié en 1990 pour le projet des jardins de la Lironde, à Montpel-
lier, en est un exemple. Plutôt qu’un projet de lotissement occupant tout le territoire,
le projet conserve les vignes, les fermes et oliviers, et crée des «îles» bâties de quatre
à cinq niveaux sur terrasse de parking qui permettent une libération du sol, transformé
en jardins soit municipal soit appartenant à chaque « île ».

Nous retrouvons une forme d’îlot ouvert. Les logements à double orientation ont tous
des vues rapprochées sur la cour-terrasse ainsi que des vues amples et lumineuses sur
le panorama d’ensemble. La plupart des îles ont deux ou trois promoteurs et archi-
tectes de la région. J’interviens sur deux moitié d’îles comme architecte, après avoir
défini des lignes communes : un type de socle en béton, un code couleur, un principe
de su-toiture.

Les immenses terrains nus sont rares. Dans nos pays, c’est par zone, par archipel, au
cas par cas, sur des sites qu’on va rebricoler, qu’il est possible d’agir. Il s’agit donc LES JARDINS DE LA LIRONDE, Montpellier, France,1991

96 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


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d’une stratégie de renouvellement urbain qui admet le contingent, qui s’inscrit dans
l’existant et la durée par petits ou plus grands morceaux. Cela commence avec une
petite intervention et peut se poursuivre.

Pour le quartier de Clichy-Batignolles à Paris, la configuration du site est complexe.


C’est un véritable puzzle de terrains, en partie, occupés alors que l’on prévoit d’y
construire 500 000m2 et un parc de 12 hectares. En cet endroit, Paris a un « trou ».
Il s’interrompt. Notre projet vise à apporter la continuité urbaine dont le XVIIème ar-
rondissement a ici un besoin crucial, en créant un grand parc « tentaculaire » qui va
chercher la vie urbaine où elle est. C’est en fait un parc en damier, qui assure bien les
continuités spatiales Est-Ouest et Nord-Sud et qui est «planté» de plusieurs îles rési-
dentielles qui sont des quartiers d’îlots au cœur ou en bordure du parc.

On retrouve dans l’étude, à travers ces plots en damier, l’idée d’archipel. Ces petits
quartiers ménagent des jardins et des rues intérieures, mais aussi des «fenêtres» et des
«portes» sur le parc grâce à leurs périmètres ouverts.

Parfois, il s’agit de tirer les leçons de l’histoire de l’urbanisation lente des bocages
périphériques devenus ville pour imaginer un processus d’urbanisation plus rapide.
Les nouveaux quartiers du Plateau des Capucins à Angers devront s’enchaîner avec les
quartiers existants, confirmer l’ensemble.

C’est une proposition de ville-campagne, un damier d’îlots ouverts alternant avec des
rectangles de campagne inter-pénétrables en squares, jeux, équipements, bosquets,
etc. La méthode procède par acquisition progressive, à partir de
la trame viaire et parcellaire existante sur la majeure partie du
plateau. Cette trame viaire est l’élément générateur du projet,
elle permet d’introduire la dimension du temps : en elle, le
temps s’est déjà inscrit, déposé.

« On s’est trompé avec les villes. On aurait du les mettre à la


campagne » Alphonse Allais, dans cet éclat de rire a concentré
CLICHY BATIGNOLLES, Paris, 2003

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l’impossible. L’hybridation nature-urbanité est pourtant une question clé aujourd’hui.


Comment créer dans la périphérie de la ville des qualités d’habitat que le centre
n’offre pas ?

Central park – Une poétique de l’opposition tranchée bâti-nature

Au seuil de la notion d’espace : l’expérience émotionnelle du vide, son importance


physique, sensorielle, symbolique. Penser la constitution de l’espace comme une pièce
intérieure publique à ciel ouvert.

Architecturer l’espace de la ville au lieu d’assembler des objets architecturaux est


le moyen d’approprier les grandes dimensions. Quelle réalité a aujourd’hui le mot
espace, quand la logique techno-économique contraint toute l’architecture à n’être
qu’une production d’objets, cellules, barres, tours, pyramides. La métropole est une
succession d’unités architecturales séparées, autonomes, indifférentes au lieu, isomor-
phes : la forme leur est toujours dictée par un nécessaire interne et l’espace urbain;
l’extérieur n’est qu’une forme seconde, le fond sur lequel se détachent les objets, un
résidu que l’on tentera après coup d’“animer”. Univers des objets qui est celui du va-
et-vient cyclique de la marchandise et de la prolifération des signes.

Cette idée de construire la ville autour d’un vide signifiant fut mise en pratique lors du
concours pour de la Roquette. Pour ce projet nous avons opéré un renversement : faire
dominer l’effet de présence de l’espace sur celui de bâti

L’idée était imaginer dans Paris un monument végétal qui soit un jardin ouvert à tous
les usages, bordé de commerces, de cafés, de restaurants, de services publics, de
logements.

Autour d’un parc public de cent mètres par cent cinquante, des commerces, des
équipements de quartier et cent cinquante logements.

ANGERS, 2001

C’est une place sur laquelle l’herbe et les arbres auraient poussés : un vaste espace

98 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


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urbain envahi par la nature ou bien un morceau de nature enchâssé dans la ville.
Le végétal va jusqu’au ras des bâtiments, remontant sur leurs façades. Il n’est pas
“dessiné”; ce sont les bâtiments en le bordant, qui le dessinent, le recevant dans ses
limites.

Ces bâtiments enveloppent l’espace central, lui donnant une forme.

Dans cette opposition franche entre front bâti et parc libre se trouve concentrée une
poétique de la ville du bâti dans son rapport à la nature. Cette forme a enfin une vertu,
un impact opérationnel: l’urbanisation est un processus qui se déroule dans le temps et
met un jeu un grand nombre d’acteurs, de normes et d’intérêts parfois contradictoires
dans la durée. Installer dés le début cette forme, comme un repère, marque définitive-
ment, stratégiquement le territoire.

PÉKIN, 2004 LA ROQUETTE, Paris, 1974

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MARNE SECTEUR IV, Marne-La-Vallée, France, 1989


Dans ce secteur de la ville un très grand vide, rectangulaire :
un grand parc serait le premier aménagement qui constitu-
erait la ville à cet endroit, sa fondation; Il serait installé
en contrebas du sol naturel, bordé d’un quai. Peu à peu
les constructions viendraient border le parc, s’installer à
bord franc sur les rives. La première ligne de construction
formant ce front bâti serait constituée d’une alternance de
pleins et de vides assez régulière, permettant à une deux-
ième ligne de profiter des vues sur le parc.
Entre ces deux lignes une rue distribue ces constructions
évitant toute circulation en bordure du parc.

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CRÉER DES BALISES MIX-CITÉS – L’APPROPRIATION PAR


LA PRATIQUE ET LA PERCEPTION

L’appropriation sensorielle de la grande dimension est un thème majeur pour la


périphérie : voir le panorama immense, voir de loin, sont des qualités essentielles
pour les grands territoires urbains. Depuis Montmartre, Beaubourg, Le mont Valérien,
la terrasse de Saint-Germain-en-Laye on « embrasse » Paris. On mesure la grandeur
devant nous et les millions d’habitants qui y vivent, et l’espace physique à nouveau
nous relie au monde et n’est plus un obstacle aliénant comme il l’est si souvent dans
les labyrinthes de l’immensité de nos périphéries. C’est pourquoi il faut lancer un pro-
gramme de bâtiments repères, de collines, de belvédères, de tours, d’extraordinaires
éoliennes.

Certains de ces repères pourraient être de pures interventions de l’art, d’autres avoir
LA TOUR VERTE, Marne-la-Vallée, 1971-1974
un usage transfiguré (cas du château d’eau), d’autres seraient des programmes métro-
politains de commodités publiques en même temps que des signaux. Ce programme est
celui d’un port automobile à la base : le lieu où venant de loin, on dépose sa voiture pour
emprunter le RER par exemple. On trouve là dans un socle entouré de rues en rampe
quelques commerces comme dans les stations essence, une crèche, des pharmacies,
des commerces liés au jardin, aux arbres, des restaurants, des garages, des cinémas,
bibliothèques, loueur de DVD, un jardin suspendu en toiture avec restaurants, résidence
hôtelière, bureaux, services, lieux de la nuit d’où l’on voit tout le territoire urbain… Ces
Mix-cités, comme nous les nommons, seraient bien venues avec les commutateurs.

102 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


GRAND PARI DE L´AGGLOMÉRATION PARISIENNE

Ils seraient de grands repères dans le territoire. Elles compenseraient de loin en loin le
vertige de cette nappe où nous sommes lilliputiens.

Les bords de rivière, les falaises, ont déjà cette qualité de marquage sensible. Elles
deviennent des formes symboliques, qui par l’effet de rupture qu’elles produisent,
autant que par leur situation spatiale. Elles ont une répercussion sensible sur toute une
partie de la ville future.

La grande forme permet de reconquérir cela : le site, le repérage à grande échelle,


c’est une des choses importantes dans toutes les situations urbaines, car ce sont toutes
des situations à grande échelle.

Ce qui est de l’ordre du monumental, non pas au sens de commémoratif, mais au sens
de grande échelle, de repère physique est à réinvestir. Les grands projets tels que
l’Arche de la Défense sont aussi une reprise de ce concept.

Lors du projet de la tour verte à Marne-la-Vallée, dans les environs de Paris, j’ai tra-
vaillé sur cette notion de repère en installant une tour de trente mètres recouverte
Baragan, Mexico
de végétation. La préoccupation ici était de donner un repère dans l’espace. Com-
ment depuis un lieu choisi donner sens et forme à une étendue urbaine dispersée,
morcelée par les tracés d’autoroutes ? Pour plus d’efficacité, nous avons proposé de
l’installer au centre d’un rond-point et d’en faire une figure symbolique, à la croisée
de deux routes. Le château d’eau n’est pas un monument signifiant ceci ou cela. C’est
sa forme, la relation de dimension qu’il entretient avec le paysage, qui compte, la
monumentalité.

Des lieux de la métropole, carrefours et autres, seraient mis en concours pour des inter-
ventions artistiques ou architecturales sur le thème du signe visible de loin : l’ouvrage
de Baragan à Mexico nous servira ici de symbole.

CIDADE DA MÚSICA, Rio de Janeiro, Brésil, 2002-2009

LABORATOIRE C.R.E.T.E.I.L. Institut d´urbanisme de Paris - Université Paris XII, co-traitant 103
AGIR › II. LES INTERVENTIONS GÉNÉRIQUES SUR L’ESPACE

Réhabilitation

Dans les périphéries et autour de la question du logement et des usines notamment,


se posent les questions de transformation, de réhabilitation, de mis à jour des immeu-
bes. Le sujet est d’avenir. L’exemple que nous montrons ici est caractéristique. Il s’est
agit de transformer des immeubles «à vue», sans déménager leurs habitants, tout en
menant un travail sur la forme des espaces du quartier autant que sur les bâtiments,
les halls, les façades et les intérieurs. On a en effet ici, dans ce quartier, l’urbanisme
de barres de l’époque moderne, sans îlot, maladroitement installé selon 2 directions
arbitraires sur l’urbanisme de rue de l’histoire ancienne bien indépendant du tracé
historique irrégulier des rues rasées. On a donc deux villes antagonistes que le projet
va « hybrider ».

Le projet sépare clairement les espaces publics (rues, places) et les espaces privés Avant
(entrées, jardins). Le choix a été de démolir une petite barre, de bâtir deux immeu-
bles-villas qui rétablissent la lecture de l’alignement sur rue, et de créer un nouveau
cœur d’îlot privatisé. Enfin, confort, isolation, grandes entrées, grandes loggias sont
créés sur toutes les barres afin de redonner une dignité d’habitation. Le résultat est
un hybride urbain : il prend en compte l’alignement de la rue Nationale, même si le
bâti est discontinu, mais il respecte l’occupation centrale des îlots par les barres de
l’époque précédente.

RUE ET PLACE NATIONALE, Paris, 1990 - 1995 Après

104 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


GRAND PARI DE L´AGGLOMÉRATION PARISIENNE

Avant Après

LABORATOIRE C.R.E.T.E.I.L. Institut d´urbanisme de Paris - Université Paris XII, co-traitant 105
106 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire
GRAND PARI DE L´AGGLOMÉRATION PARISIENNE

III. SIX ETUDES DE TERRAIN :


La « fenêtre de projet » comme méthode
› RHIZOME SUD : TROIS FENÊTRES

Massy - Saclay
Orly - Massy
Evry-Grigny

› RHIZOME NORD : TROIS FENÊTRES

Bobigny
Roissy - Le Bourget
Gare Europe

LABORATOIRE C.R.E.T.E.I.L. Institut d´urbanisme de Paris - Université Paris XII, co-traitant 107
AGIR › III. SIX ETUDES DE TERRAIN : La « fenêtre de projet » comme méthode

L’enjeu de méthode capital posé par l’étude de terrain dans un territoire métropolit-
ain est celui de l’échelle auquel appréhender ce terrain pour que puisse y être saisies
simultanément les deux dimensions du local et du global que la métropole a disjointe,
celle de l’espace physique et celle de l’espace fonctionnel, celle de Hestia et celle de
Hermès.

Enjeu capital affirmons-nous, car seul ce choix de la bonne échelle assurera la pos-
sibilité que ces deux dynamiques aux rapports conflictuels soient finalement mises en
interactions complémentaires.

L’observation du vivant nous a conduit à constater que cette bonne échelle était con-
stituée par des « fenêtres » de l’ordre de 5 km sur 10 km, sorte de carottage dans le
territoire métropolitain.

A cette échelle, les problématiques de la petite dimension de l’espace physique vécu


peuvent être articulées aux enjeux de la grande dimension des dynamiques fonction-
nelles et se stimuler les unes les autres.

Nous avons retenu ici, pour montrer la pertinence et la portée opérationnelle des
« fenêtres » comme méthode de projets métropolitains, 6 fenêtres caractéristiques de
situations très différentes. Pour certaines d’entre elles , l’analyse et la définition de
projet sont ici simplement esquissées.

A des fins de cohérence démonstrative évidentes, nous avons choisi ces « fenêtres » dans
les deux rhizomes qui avaient retenu notre attention dans l’analyse de la métropole
parisienne. Mais la méthode vaudrait pour tout autre territoire de cette métropole.

108 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


GRAND PARI DE L´AGGLOMÉRATION PARISIENNE

ROISSY - LE BOURGET

RHIZOME
NORD BOBIGNY

PARIS NORD-AUBERVILLIERS

ORLY - MASSY

RHIZOME
SUD
EVRY-GRIGNY
MASSY - SACLAY

LABORATOIRE C.R.E.T.E.I.L. Institut d´urbanisme de Paris - Université Paris XII, co-traitant 109
AGIR › III. SIX ETUDES DE TERRAIN : La « fenêtre de projet » comme méthode

LE RHIZOME SUD

On agrège à cette échelle d’un vaste croissant sud de l’Ile-de-France différents ter-
ritoires où les dynamiques de transformation sont importantes : de part et d’autre du
« pivot » que constitue le pôle de Massy, le plateau de Saclay et sa périphérie (Satory,
l’axe RN 20…) sont sous pression, et les secteurs de Rungis et Orly se caractérisent à la
fois par une offre foncière mutable importante et par des transformations profondes
de leurs activités.

Ces territoires présentent une diversité sociale et fonctionnelle particulièrement sig-


nificative. Il est évident aujourd’hui que le Sud francilien constitue le territoire de
prédilection pour le développement de l’économie de la connaissance. Mais simultané-
ment, on y observe autour d’Orly et de Massy, une dynamique puissante de tertiarisa-
tion, alors même que des fonctions logistiques multiples résistent et se renouvellent
(aéroport, MIN de Rungis, plateformes logistiques…). Enfin ce croissant sud est par-
ticulièrement significatif des potentialités et des fragilités de la mixité sociale en mé-
tropole : comment une « gentrification » progressive y sera-t-elle compatible avec le
maintien de la fonction historique d’accueil des catégories sociales intermédiaires ?

Enfin, il faut souligner l’importance des « portes internationales » et des excellences


métropolitaines qui scandent ce rhizome : le secteur de Saclay, la gare TGV de Massy
et le probable pôle multimodal TGV/aérien d’Orly.

110 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


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LABORATOIRE C.R.E.T.E.I.L. Institut d´urbanisme de Paris - Université Paris XII, co-traitant 111
AGIR › III. SIX ETUDES DE TERRAIN : La « fenêtre de projet » comme méthode

Pôles de développement potentiels


du rhizome sud

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Pôles de développement potentiels


du rhizome sud

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AGIR › III. SIX ETUDES DE TERRAIN : La « fenêtre de projet » comme méthode

FENETRE MASSY - SACLAY


ROISSY - LE BOURGET

Cette fenêtre est révélatrice des enjeux des territoires fragmentés par les grandes
infrastructures, particulièrement en « 2ème couronne ».

La proposition majeure consiste – pour rendre effectif le développement du pôle de


BOBIGNY
recherche de Saclay –en la création d’un « commutateur » métropolitain à Massy.

A partir de cette réalisation, il est possible de traiter: PARIS NORD-AUBERVILLIERS

› le maillage et d’ouverture des territoires ;

› l’intégration des productions urbaines nouvelles (Saclay) ;

› le « désenclavement » des tissus existants (zone d’activités de Courtabœuf et « cité »


des Ullis).

Le Commutateur Massy ORLY - MASSY

Enjeux

Depuis des décennies, le plateau de Saclay fait l’objet d’interventions des pouvoirs
publics afin de l’élever au rang de pôle de niveau mondial en matière de recherche,
d’innovation et plus largement aujourd’hui d’économie de la connaissance.
EVRY-GRIGNY
Il faut prendre soin de ce terreau de culture qui aura une identité mondiale. C’est la vi-
MASSY - SACLAY
sion en pôles d’excellences métropolitaines, à l’opposé de celle qui dit : il faut que tous
les quartiers du Grand Paris aient un peu d’universités.

Il n’y a pas de possibilités foncières plus proches du centre et disponibles.

On a regretté que les universités s’en aillent au loin, maintenant c’est fait, les ramener
seraient impossible, le principe de réalité est là. Le grand danger est de créer un « camp
» sur ce plateau de Saclay battu par le vent. Il faut arriver à vivre mieux « ce plus loin

114 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


GRAND PARI DE L´AGGLOMÉRATION PARISIENNE

». On ne peut pas ancrer un campus dans un désert, il faut le poser près d’un début de
vie. Il faut donc essayer de le relier à la ville. On doit tout faire pour appuyer le dével-
oppement urbain en cours et permettre qu’un pôle vivant atteigne une importance suf-
fisante pour être en proximité du « centre de vie » du quartier Universités-Recherche du
plateau.

Paradoxalement, ce site souffre de sa situation insulaire, produite par l’enchevêtrement


des infrastructures de réseaux (autoroutes, TGV, RER) qui l’irriguent. Il ne s’agit donc
pas seulement de « connecter » Saclay au reste de la métropole, mais de l’intégrer dans
un système urbain élargi.

Proposition
La proposition consiste en premier lieu à centrer l’intervention sur le nœud
d’infrastructures de Massy afin de mettre en place les conditions pour en faire un véri-
table « port » urbain (entre autoroutes, TGV et RER).

Constituer ainsi Massy en pivot de l’ensemble du « Cône Sud de l’innovation » permettrait


alors de considérer plus sereinement le développement du plateau de Saclay.

Le passage de Massy à Saclay doit être ouvert. Le plateau de Saclay est ici pris comme
une « clairière » géante vouée à la nature et à l’agriculture. Un développement « urbain
» sur le bord, intégrant l’Ecole Polytechnique, est proposé le long d’un premier parc
d’agrément et de sport, le reste du plateau étant un territoire agricole traversé d’allées
boisées de trente à cinquante mètres de large introduisant dans les terres exploitées un
parc public « en réseau » permettant des randonnées.

Donner à toutes les installations des universités et laboratoires des situations de bord de
parc dans une unité générée par le tracé de ce bord apporte les qualités d’identité et
de cadre de vie différentes de celles du milieu urbain. Les liens avec Massy, avec Orsay,
avec Orly, avec Paris étant parallèlement mis en connection accéléréé. Entre Massy et
Saclay l’avenue en site propre devient un lieu bordé de pavillons, de commerces, tandis
qu’en arrivant sur le plateau un bâtiment « accueil » cinémas, bibliothèques, restaurants
et attire le public de Massy, des vallées autant que du plateau.

LABORATOIRE C.R.E.T.E.I.L. Institut d´urbanisme de Paris - Université Paris XII, co-traitant 115
AGIR › III. SIX ETUDES DE TERRAIN : La « fenêtre de projet » comme méthode

FENETRE ORLY / MASSY


ROISSY - LE BOURGET
A partir de la réactivation d’un commutateur majeur à Orly, cette fenêtre traite des
modalités :

› d’insertion de ce hub dans son système urbain Sud ;


BOBIGNY
› de préservation et de qualification des zones d’activités logistiques, au travers de la
création de « balises » remplissant la fonction d’hôtels logistiques.
GARE NORD-EUROPE
Le commutateur orly
› Enjeux

Le secteur d’Orly-Rungis, avec l’aéroport et le MIN, a historiquement assuré des fonc-


tions majeures d’« arrière-cours » pour l’agglomération parisienne.

La tendance est aujourd’hui, semble-t-il, à une réduction de ces fonctions spécifiques


(report de la logistique, perte de vitesse de la plate-forme d’Orly) et à une intégration
ORLY - MASSY
progressive de ce secteur dans l’ordinaire de la zone dense (cf. la mutation de la zone
SILIC).

Pourtant, cette banalisation urbaine irait à l’encontre d’un scenario métropolitain


d’envergure : celui de la réactivation d’Orly au travers de l’installation d’un hub air/
TGV pour Air France.
EVRY-GRIGNY
› Proposition
MASSY - SACLAY
On propose donc ici d’examiner les conditions urbaines d’une relance des fonctions
de connectivité d’Orly (gare TGV…), de préservation/qualification des fonctions logis-
tiques et de développement des fonctions urbaines induites (centre de congrès).

116 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


GRAND PARI DE L´AGGLOMÉRATION PARISIENNE

Vue aérienne des deux fenêtres Massy- Sa-


clay et Orly-Massy. Ces deux fenêtres sont
travaillées simultanément.

LABORATOIRE C.R.E.T.E.I.L. Institut d´urbanisme de Paris - Université Paris XII, co-traitant 117
AGIR › III. SIX ETUDES DE TERRAIN : La « fenêtre de projet » comme méthode

SSY
MA

Réseau de circulation rapide


MASSY

118 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


GRAND PARI DE L´AGGLOMÉRATION PARISIENNE

SSY
MA

Coupures générées par


le réseau de circulation rapide
MASSY

LABORATOIRE C.R.E.T.E.I.L. Institut d´urbanisme de Paris - Université Paris XII, co-traitant 119
AGIR › III. SIX ETUDES DE TERRAIN : La « fenêtre de projet » comme méthode

centres de recherche isolés


sur le plateau de Saclay

SSY
MA

Réseau capillaire existant


les Ullis enclavés MASSY

120 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


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Réseau capilaire après le désenclavement


MASSY

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AGIR › III. SIX ETUDES DE TERRAIN : La « fenêtre de projet » comme méthode

Plan du bâti
MASSY

122 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


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Zones fonctionnelles
MASSY

LABORATOIRE C.R.E.T.E.I.L. Institut d´urbanisme de Paris - Université Paris XII, co-traitant 123
AGIR › III. SIX ETUDES DE TERRAIN : La « fenêtre de projet » comme méthode

SSY
MA

Diagnostic
MASSY

124 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


GRAND PARI DE L´AGGLOMÉRATION PARISIENNE

SSY
MA

Interventions proposées
résidentialisation des Ullis MASSY

LABORATOIRE C.R.E.T.E.I.L. Institut d´urbanisme de Paris - Université Paris XII, co-traitant 125
AGIR › III. SIX ETUDES DE TERRAIN : La « fenêtre de projet » comme méthode

Le plateau serait investi en terres agricoles clôturées, traversé en réseau de promenades publiques boisées sur 50 mètres de large. La part
université-recherche est le long de deux “Central-Park”; une urbanisation en îlots alternant avec des jardins sur une grille viaire. Une instal-
lation progressive est ainsi programmable.

126 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


GRAND PARI DE L´AGGLOMÉRATION PARISIENNE

Pour faire de Massy le “pôle urbain” du plateau de saclay, le


“commutateur de Massy lie les deux “rives” du réseau fer-
mé, les gares TGV, RER et l’autoroute, c’est un programme
qui accueille commerces, servives, tertiaire, habitat.

LABORATOIRE C.R.E.T.E.I.L. Institut d´urbanisme de Paris - Université Paris XII, co-traitant 127
AGIR › III. SIX ETUDES DE TERRAIN : La « fenêtre de projet » comme méthode

128 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


GRAND PARI DE L´AGGLOMÉRATION PARISIENNE

L’équipe propose de désenclaver, de réduire la gare de tri-


age côté A10 pour y installer
Aujourd’hui Massy se construit sur les deux côtés de la 1. Un commutateur comprenant : les gares RER B et C, la
gare de triage. La ZAC Vilmorin et la ZAC Atlantis seront gare de TGV, une gare routière « parc-and-ride » de l’A10 de
reliées par une passerelle de 200m en construction. Une fois 2.000 à 7.000 places, un centre commercial, un multiplex.
achevée, la ZAC Atlantis restera prise entre la gare de tri- 2. Une place centrale autour de laquelle on densifiera afin
age, la boucle du RER C à l’est, l’A10 et la N188. de créer un pivot pour l’ensemble du rhizome sud.

Développer massy en commutateur


LABORATOIRE C.R.E.T.E.I.L. Institut d´urbanisme de Paris - Université Paris XII, co-traitant 129
AGIR › III. SIX ETUDES DE TERRAIN : La « fenêtre de projet » comme méthode

130 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


GRAND PARI DE L´AGGLOMÉRATION PARISIENNE

Le tissu urbain de Massy est partout bloqué dans un laby- L’équipe propose de faire passer les rues, de retisser le tissu
rinthe d’impasses, isolant les quartiers et empêchant leur urbain, afin de rendre les terrains évolutifs.
urbanisation.

Désenclavement du tissu urbain de massy

LABORATOIRE C.R.E.T.E.I.L. Institut d´urbanisme de Paris - Université Paris XII, co-traitant 131
AGIR › III. SIX ETUDES DE TERRAIN : La « fenêtre de projet » comme méthode

132 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


GRAND PARI DE L´AGGLOMÉRATION PARISIENNE

L’A10 marque la fin de Massy. Conçue selon des critères


techniques à 20m de hauteur, elle intègre l’accès de Massy
à l’autoroute « Aquitaine », le passage du RER B et du TGV L’équipe propose d’utiliser les 3 passages sous l’A10 pour
ainsi que du nouveau TCSP. Il n’y a pas de connexion urbaine faire passer la ville.
entre Massy et Palaiseau.

Faire passer la ville en dessous de L’A10

LABORATOIRE C.R.E.T.E.I.L. Institut d´urbanisme de Paris - Université Paris XII, co-traitant 133
AGIR › III. SIX ETUDES DE TERRAIN : La « fenêtre de projet » comme méthode

134 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


GRAND PARI DE L´AGGLOMÉRATION PARISIENNE

La Fosse de l’A126 sépare Massy du plateau de Saclay.


Des travaux en cours font passer le TCSP, mais améliorent L’équipe propose de couvrir la fosse sur une longueur de
peu le sinistre caractère d’un lieu dominé par les réseaux 300m, et de lier Massy et Palaiseau avec un parc.
d’infrastructure.

Couvrir la fosse de l’A126

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AGIR › III. SIX ETUDES DE TERRAIN : La « fenêtre de projet » comme méthode

136 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


GRAND PARI DE L´AGGLOMÉRATION PARISIENNE

L’équipe propose de mettre la D36 à niveau et de la traiter


Surélevée et infranchissable, la D36 constitue un mur de 1 communément avec le TCSP, afin d’aménager un boulevard
km de longueur avec uniquement 3 passages, laissant les urbain et d’y développer un quartier entre Massy et le
urbanisations à côté dans une situation de bordure. Plateau de Saclay.

Mettre la D36 à niveau

LABORATOIRE C.R.E.T.E.I.L. Institut d´urbanisme de Paris - Université Paris XII, co-traitant 137
AGIR › III. SIX ETUDES DE TERRAIN : La « fenêtre de projet » comme méthode

138 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


GRAND PARI DE L´AGGLOMÉRATION PARISIENNE

L’équipe propose, afin de développer Orsay-ville, Saclay et


les Ulis en pôle urbain:
Orsay-ville est découpée par la RER B, le N118 et la N188. 1. De faire passer les rues, de retisser le tissu urbain et de
Elle reste un lieu de passage aux pôles de recherche et aux multiplier des passages au travers du talus du RER B.
grands ensembles du plateau de Saclay et des Ulis. 2. De transformer la N188 en boulevard à niveau.

Développer Orsay-ville en pôle urbain

LABORATOIRE C.R.E.T.E.I.L. Institut d´urbanisme de Paris - Université Paris XII, co-traitant 139
AGIR › III. SIX ETUDES DE TERRAIN : La « fenêtre de projet » comme méthode

140 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


GRAND PARI DE L´AGGLOMÉRATION PARISIENNE

L’équipe propose de combiner le développement sur le


plateau avec l’intensification des pôles de Massy et Orsay-
ville. De concentrer l’urbanisation, d’une façon linéaire, en
bordure du plateau, afin d’assurer l’efficacité de la desserte
Loin de Paris, sans transports en commun adaptés, les
par une ligne de TCSP. Les écoles déjà installées s’adaptent
centres de recherches implantés sur le plateau de Saclay se
aux nouvelles règles d’urbanisme et resserrèrent leurs
trouvent isolés, dans une zone d’agriculture.
emprises. Un grand parc aux dimensions de central-park de
New-York limite l’étalement.

Penser le plateau de Saclay, Massy et Orsay-ville comme un ensemble

LABORATOIRE C.R.E.T.E.I.L. Institut d´urbanisme de Paris - Université Paris XII, co-traitant 141
AGIR › III. SIX ETUDES DE TERRAIN : La « fenêtre de projet » comme méthode

142 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


GRAND PARI DE L´AGGLOMÉRATION PARISIENNE

L’équipe propose :
1. De sauvegarder l’implantation des zones logistiques en proximité de Paris et d’assurer
Le « Marché d’intérêt National de Paris-Rungis » et les zones leur fonctionnement technique.
de « Senia Nord et Sud» sont des zones logistiques vitales à 2. De développer le futur HUB TGV-air, afin de créer un pôle air-fer/centre-de-congres, en
la métropole parisienne. Aujourd’hui elles risquent la relé- proximité de Massy, le Plateau de Saclay, Versailles et le parc d’exposition à la Porte de
gation par des zones tertiaires plus rentables. Versailles.
3. D’installer une balise hôtel/logistique en proximité de l’A106 et de la nouvelle station
du TGV, qui offrira une identité à cette zone.
Orly - commutateur et pôle logistique

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AGIR › III. SIX ETUDES DE TERRAIN : La « fenêtre de projet » comme méthode

FENETRE EVRY / GRIGNY


ROISSY - LE BOURGET
Au sein de cette fenêtre, est posée la question du fonctionnement en archipel de la
grande couronne, pris en tension entre:

• la transformation accélérée du tissu urbain,


renouvellement (Evry / Grigny) et expansion récente ou à venir (de part et BOBIGNY
d’autre de la Francilienne).

• le développement « aléatoire » des fonctions métropolitaines (génopôle, université…) PARIS NORD-AUBERVILLIERS

Proposition

Elle consiste à prendre appui sur le projet de tangentielle ferrée Massy-Evry pour :

• franchir l’autoroute A6 et organiser la valorisation économique de cet axe et


de la Francilienne,
ORLY - MASSY
• traiter les continuités avec les tissus existants, notamment Grigny-la Grande
Borne d’un côté et le centre d’Evry de l’autre,

• organiser à partir du site de l’hippodrome désaffecté d’Evry – traité en « Cen


tral Park » -un point d’appui et de qualification pour les développements ur
bains à venir et notamment le site de l’actuel Centre d’Essai en Vol (CEV)
EVRY-GRIGNY
de Brétigny et le plateau de Vert le Grand.
MASSY - SACLAY
• Tisser un réseau capillaire de rues ouvrant vers la Seine et les lacs et organis
er une coulée verte entre la forêt de Sénart et le bois de St Eutrope.

144 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


GRAND PARI DE L´AGGLOMÉRATION PARISIENNE

Vue aérienne de la fenêtre Grigny-Evry

LABORATOIRE C.R.E.T.E.I.L. Institut d´urbanisme de Paris - Université Paris XII, co-traitant 145
AGIR › III. SIX ETUDES DE TERRAIN : La « fenêtre de projet » comme méthode

Réseau de circulation rapide


GRIGNY EVRY

146 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


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HERMÈS

Coupures générées par le réseau


de circulation rapide
GRIGNY EVRY

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AGIR › III. SIX ETUDES DE TERRAIN : La « fenêtre de projet » comme méthode

Rapprochement physique des coupures

Réseau capillaire existant


GRIGNY EVRY

148 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


GRAND PARI DE L´AGGLOMÉRATION PARISIENNE

faire passer la rue et les


transports en commun

COUPURES

Réseau capilaire après le désenclavement


GRIGNY EVRY

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AGIR › III. SIX ETUDES DE TERRAIN : La « fenêtre de projet » comme méthode

Plan du bâti et des espaces verts


GRIGNY EVRY

150 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


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Zones fonctionnelles
GRIGNY EVRY

LABORATOIRE C.R.E.T.E.I.L. Institut d´urbanisme de Paris - Université Paris XII, co-traitant 151
AGIR › III. SIX ETUDES DE TERRAIN : La « fenêtre de projet » comme méthode

Réseau capillaire existant


GRIGNY EVRY

152 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


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Agir sur les grands ensembles,


dédensifier, laisser entrer du
tertiaire

Interventions proposées
GRIGNY EVRY

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AGIR › III. SIX ETUDES DE TERRAIN : La « fenêtre de projet » comme méthode

Une avenue et un tramway sont créés, ils traversent le pavillonaire puis désenclavent la Grande Borne à Grigny puis rejoignent le centre-ville d’Evry.

154 CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire


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Le tramway proposé, doublé d’une traversée piétonne, franchit l’autoroute par


un pont d’activités en lien avec le centre ville d’Evry.

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AGIR › III. SIX ETUDES DE TERRAIN : La « fenêtre de projet » comme méthode

LE RHIZOME NORD

Le rhizome Nord agrège des territoires concernés par une double dynamique de trans-
formation : d’un côté, depuis les arrondissements du nord de Paris jusqu’à la Boucle de
la Seine et à la Plaine St Denis, une dynamique de la dilatation de la centralité parisi-
enne; de l’autre, une dynamique induite par le développement multiforme de Roissy.

Là encore, la diversité fonctionnelle, présente ou potentielle est extrême. Si le Nord


a accueilli historiquement les fonctions logistiques (port de Gennevilliers, secteur de
Roissy), la tertiarisation y est rapide et est en mesure de monter d’un cran, vers une
visibilité internationale. Le tourisme d’affaires y est fortement présent (Villepinte) et
l’enjeu de maintien de l’activité productive métropolitaine y est déterminant. Enfin, la
question des articulations entre ce développement multiforme et la promotion sociale
des populations résidentes constitue un enjeu d’envergure métropolitaine.

Enfin, ce rhizome concentre les ouvertures au monde de la métropole parisienne :


le principal hub aérien, trois gares TGV, le premier site portuaire…

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FENETRE ROISSY / LE BOURGET


Cette fenêtre est centrée – au sein du rhizome Nord – sur l’espace intermédiaire entre le ROISSY - LE BOURGET
développement prolongeant Paris (Saint Denis, Aubervilliers…) et le « pôle » de Roissy. Il
s’agit d’un tissu urbain extrêmement composite, et morcelé.

Il est proposé de l’organiser en y structurant véritablement le commutateur de Roissy, par


son « déplacement », c’est-à-dire la création d’une « vitrine urbaine » de la plateforme BOBIGNY
aéroportuaire.

Ce principe de structuration permet alors de traiter : PARIS NORD-AUBERVILLIERS

› l’organisation des circulations et des déplacements, vers la zone dense et le Val d’Oise,
et vers Roissy, en particulier à partir de la création d’un métro léger – alternative au
projet CDG Express - reliant rapidement les grandes fonctions métropolitaines : la gare
Nord Europe, cette « aéro-cité », le parc d’expositions de Villepinte et la plateforme de
Roissy

› la valorisation urbaine des « bords » au travers notamment de l’insertion urbaine du


ORLY - MASSY
Parc de la Courneuve),

› les conditions d’insertion des activités logistiques.

Le Commutateur Le Bourget
Enjeux
EVRY-GRIGNY
La plateforme aéroportuaire de Roissy place la métropole parisienne aux tous premiers MASSY - SACLAY
rangs des hubs mondiaux et constitue simultanément aujourd’hui un des principaux mo-
teurs du développement métropolitain. Pourtant, les nuisances sonores et les contraintes
réglementaires ne permettent pas –en dépit de divers projets immobiliers– de « faire ville »
sur place.

Par contrecoup, sur le faisceau intermédiaire entre Paris et Roissy, les effets de la plate-
forme relèvent encore principalement du développement logistique, faute de véritable «
locomotive urbaine ».

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Proposition
a. TRANSPORTS EN COMMUN

Développement d’une BALISE réunissant un grand


espace de stationnement de véhicules légers, une gare
d’interconnexion (RER B, M7 prolongée, Tangentielle
Nord), ainsi qu’un certain nombre d’équipements de
service et de loisirs : complexe cinéma, boite de nuit,
hôtels et restaurants, bureaux et logements en loca-
tion courte durée.

2. Prolongation de la ligne M7 de métro urbain


jusqu’au « Musée de l’Air et de l’Espace ».

3. Création d’une ligne de transport rapide reliant


directement, Roissy, Villepinte, Aéroport d’affaires
(la proposition d’un nouveau quartier entre Dugny et
la Nationale 2), la nouvelle Gare Europe et par le nou-
vel annulaire, la porte Maillot et La Défense. Cette
ligne, silencieuse, traverse le quartier en aérien.

b. HUB AÉROPORTUAIRE

1. Rationalisation et développement de l’aéroport


d’affaires au Nord du site à partir des deux pistes
Nord existantes. Cette réorganisation libère les ur-
banisations du Sud (Dugny, Le Bourget, Blanc Mes-
nil) de l’impact bruit, ce qui pourrait permettre
l’augmentation des fréquences au Nord (70 000 mou-
vements d’avion).

Vue aérienne de la fenêtre Roissy-Le Bourget

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a. Redéploiement de l’aéroport d’affaires et du site Falcon,

b. Création possible d’une zone logistique « sensible » sur Gonesse, au Nord du site.

2. Développement d’un nouveau quartier, au Sud : Aérocité. C’est un quartier mixte,


dense et ouvert, dédié à l’activité, et notamment au développement des activités liées
au hub portuaire, aux commerces, aux loisirs, à la résidence.

c. INFRASTRUCTURE VIAIRE

i. Grande infrastructure

a. Le grand échangeur au carrefour de la A1 et de la N2 constitue le point d’entrée prin-


cipal du grand site. Il est traité comme un grand sas paysager métropolitain d’accueil,
c’est le grand parc Burle-Marx, traversé de voies automobiles, à partir duquel prennent
place les accès, au Nord, au Sud, à l’Est et à l’Ouest à des figures distinctes de « la
ville ».

b. La nationale 2 est alors traitée comme boulevard urbain, « l’avenue de Flandre » :

c. Capillaire : Systématisation du réseau capillaire par prolongation, autant que faire


se peu, des voies existantes, notamment dans le secteurs de réorganisation.

d. INFRASTUCTURE VERTE

1. Extension du Parc de la Courneuve en Parc Interdépartemental, de 415 ha à 600 ha

a. en intégrant le site du parc des essences de Dugny

b. vers le Nord, de part et d’autre de la voie de déviation D84 a au long du Croult et


jusqu’au Petit Rosne sur les communes de Garges les Gonesse et Bonneuil en France.

2. Réouverture des lignes d’eau, notamment depuis le Parc du Sausset, par le bassin
des brouillards, à travers le site actuel de l’aéroport.

3. Création de « chambres vertes » assurant la continuité écologique et naturelle dans


les points que menacent le recollement du tissu.

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a. Entre Dugny et Garges les Gonesse

4. Création d’une ligne de crête (Sente des Postes) assurant une liaison haute vers le
triangle de Gonesse.

e. INFRASTUCTURE LOGISTIQUE

Le secteur est ici caractérisé par la forte imbrication de poches logistiques et de poches
résidentielles. On recherche à desserrer un peu cette situation tout en développant les
capacités logistiques d’un secteur proche du centre. La réduction de poches d’activités
logistiques du type Le Bourget/Blanc Mesnil est compensée par la réorganisation de
secteurs logistiques intenses (plusieurs niveaux) :

i. Garonor 2 : Développement d’un nouveau secteur logistique « central » dans la


boucle formée par le raccordement de la A1 et de la A 86, un objet symbole, autour
duquel « tourne » la nouvelle liaison rapide vers Roissy : 3 niveaux superposés de 25
ha, soit 750 000 m2 ; réorganisation des Zones périphériques au Nord de la A 86 jusqu’à
la D114... (40 ha).

ii. La rationalisation des accès logistiques permet le développement d’un secteur logis-
tique intense au Nord-Est du site (échangeur A1/A3, A1/A104/D170) de part et d’autre
de la A1 (Triangle de Gonesse/restructuration et développement des 85 ha la ZI Ga-
ronor).

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Réseau de circulation rapide


LE BOURGET

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Coupures générées par le


réseau de circulation rapide
LE BOURGET

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Réseau capillaire
existant
LE BOURGET

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Réseau capilaire après le


désenclavement
LE BOURGET

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Plan du bâti et des espaces verts


LE BOURGET

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Zones fonctionnelles
LE BOURGET

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le parc autour des bretelles de


l’autoroute.

LE BOURGET

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Interventions proposées
LE BOURGET

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La Nationale 17: au premier plan, d’un côté un pôle gare des métros et de l’autre jardins et bâti. Au loin, le nouveau quartier du Bourget et
le musée: aérocité. Un parc enveloppe la sortie d’autoroute , deux tours signalent aerocité et répondent sur la nationale 17 au pôle gare.

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FENETRE PANTIN / BOBIGNY


ROISSY - LE BOURGET
Cette fenêtre illustre les modes de traitement possible du tissu urbain sédimenté,
en « patchwork » propre à la banlieue Nord :

› transformation « pointilliste » des cités et zones pavillonnaires ;


BOBIGNY

› persistance de délaissés ou friches de toutes natures ;


PARIS NORD-AUBERVILLIERS
› requalification en façade des axes urbains (RN2) ;

› enkystement durable des greffes modernes (Bobigny);

› atouts environnementaux sous exploités (canal de l’Ourcq).

Proposition ORLY - MASSY


Elle prend appui sur une réorganisation des circulations pour notamment mettre en
valeur le canal de l’Ourcq et constituer une seconde façade pour Bobigny.

EVRY-GRIGNY
MASSY - SACLAY

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Vue aérienne de la fenêtre Pantin-Bobigny

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Réseau de circulation rapide


BOBIGNY

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Coupures générées par le


réseau de circulation rapide
BOBIGNY

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Réseau capillaire existant


BOBIGNY

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Réseau capilaire après le désenclavement


BOBIGNY

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Plan du bâti et des espaces verts


BOBIGNY

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Zones fonctionnelles
BOBIGNY

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Zone enclavée entre les rails


et le cimetière, peu d’espaces
verts

Diagnostic
BOBIGNY

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Interventions proposées
BOBIGNY

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FENETRE PARIS NORD-AUBERVILLIERS


ROISSY - LE BOURGET

Cette fenêtre - enchassée dans Paris intra-muros - est au cœur du potentiel de dével-
oppement du rhizome Nord. Elle est en mesure d’accueillir ’un commutateur majeur
(la gare Nord Europe).
BOBIGNY
La création de ce commutateur permet d’envisager différemment le tissu urbain his-
torique parisien et son « accroche » à la banlieue, au travers notamment : PARIS NORD-AUBERVILLIERS

› Du prolongement et de la mise en valeur des axes historiques (Sébastopol)


› De l’organisation d’alternances entre densification et dé-densification à partir de la
création d’une « coulée verte ».

Le Commutateur Gare Europe Nord

Enjeux
ORLY - MASSY
Avec les gares du Nord et de l’Est, Paris dispose d’un avantage comparatif unique en
Europe, avec un « hub » TGV allant de Londres à Francfort. Pourtant, cette fonction
métropolitaine d’exception n’est pas en mesure de produire ses effets potentiels :
elle est empêchée en cela par la trame urbaine du 19ème siècle qui enserre ces deux
gares.

Si on regarde l’Europe, on voit qu’avec Londres, Bruxelles, la métropole hollandaise EVRY-GRIGNY


Rotterdam-Amsterdam-La Haye-Utrecht, Milan et Francfort, qui sont des pôles très MASSY - SACLAY
actifs, il y a un circuit de liaisons riches qui forment un « rhizome » de métropoles ma-
jeures de la planète. Et cet étonnant assemblage de métropoles est lié par un système
ferroviaire rapide moderne.

Pourtant, on constate que les gares du Nord et de l’Est, n’offrent pas le terrain gé-
ant qui devrait permettre le développement d’un pôle de premier ordre -tertiaire
supérieur, financier, d’affaire – relié à la quasi-conurbation nord-européenne.

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Proposition

L’équipe a alors travaillé sur une hypothèse dont nous avons


conscience qu’elle est audacieuse sur le plan pratique et qui
consiste à regrouper sur Aubervilliers une gare Europe Nord
qui serait la gare du Nord et de l’Est à la fois. Autour tout
un quartier pourrait se développer, d’ambition européenne. Et
il serait accessible du périphérique ; le boulevard Sébastopol
continuerait son tracé tout droit jusqu’à cette gare. Dans Paris
intra-muros, l’avenue Sébastopol prolongée sur les rails gare
de l’Est serait un nouvel axe avec trois hauteurs de construc-
tions en croissance vers le périphérique. Sur les emprises fer-
roviaires de la gare du Nord, un parc serait crée bordé d’un
magnifique front bâti résidentiel.

L’idée est de conserver ces deux gares comme bâtiments, en


faire des lieux de loisirs, culture, commerces, extraordinaires,
des lieux « repensés ». On peut créer une grande place autour
de la gare de l’Est à partir de laquelle un boulevard Sébasto-
pol prolongé serait une avenue exceptionnelle qui conduirait
à la gare Europe, au bord externe du périphérique. Une gare
moderne à même d’accueillir un quartier d’affaires autour
d’elle, sur Paris et sur Aubervilliers, à l’échelle européenne,
ouvrant sur la Seine Saint Denis, qui prendrait encore plus de
valeur. Tête de pont d’un arc allant et venant de Roissy. Pôle
où l’on arrive en quelques heures de Londres par le train, où
on peut traiter des contrats, en remontant par Bruxelles, pour
repartir à Francfort : c’est là un cœur pour l’Europe, point fort
d’équilibre qui consacre l’exceptionnel réseau de TGV.

Vue aérienne de la fenêtre Paris Nord- Aubervilliers

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Réseau de circulation rapide


GARE NORD EUROPE

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Coupures générées par le réseau de circulation rapide


GARE NORD EUROPE

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Zone enclavée

Zone enclavée

Réseau capillaire existant


GARE NORD EUROPE

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Réseau capilaire après le désenclavement


GARE NORD EUROPE

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AGIR › III. SIX ETUDES DE TERRAIN : La « fenêtre de projet » comme méthode

Plan du bâti et des espaces verts


GARE NORD EUROPE

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Zones fonctionnelles
GARE NORD EUROPE

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Diagnostic
GARE NORD EUROPE

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Interventions proposées
GARE NORD EUROPE

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Nouveau quartier d´affaire d´Aubervilliers

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AGIR › III. SIX ETUDES DE TERRAIN : La « fenêtre de projet » comme méthode

Le boulevard Sebastopol et la coulée verte

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Aubervilliers, la Gare Nord Europe, le quartier d’affaires et l’annulaire.

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AGIR › III. SIX ETUDES DE TERRAIN : La « fenêtre de projet » comme méthode

Aubervilliers, la Gare Nord-Europe, nouvelle perspective dans un axe historique de Paris

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Panorama de la balise consituée par les tours du nouveau quartier d’affaires

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Prolongement du Boulevard Sebastopol


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