Professeur Muhammad HAMIDULTAH Dans les controverces religieuses aussi der juifs et de leur écriture hébraique. aussi belles et aussi exactes que possi- bien que politiques, on prétehd parfois ' Le Coran fut donc le premier livre ble, le progrès réalisé pour te Coran quc le Coran a été la cause primor- jamais écrit en langue arabe. Or on ne servait en même temps pour les besoins diale de toute stagnation chez les peu- peut irnaginerr alphabet plus confus et profanes. Autre particutarité : !e Coran ples'musulmans, ainsi que I'entrave ta plus imparfait que celui de I'arabe de nc devait pas être, en Islam, le mono- plus formidable à tout progrès.'Etudions cetto époque qui n'avait encore ni les polc des prêtres (châque individu mu- dc près, sans passion, comme poinl dc points diacritiques (raqch, en arabe), ni sulman, sans exception, devait I'appren- départ pour un historique de te que- les signes de vocalisation (i'râb) : ta drc eto par conséquent,était obligé d.en tion, ce qu'ont été tes effets du Seint même graphie pouvant se lire b, t, th, posséder un exemplaire). Le besoin Coran sur la première connunrrté n, y, ; de même pour j, h, kh, etc. Dc rl'établir des copies du Saint Coran en musulmane. plu.s, comme on n'écrit pas les voyeltes nombrc toujours croissant obligea la Les premiers musulmlx furtnt les coùrtes, on pouvait supplémenter -a. cornmunauté ri faire un elfort pour dé- Arabes de la Mccque ct dc Mérline -i, -u, selon le gre du tecteur, cc qui velopper les industries du papier. de rvec, en très pctit rahq d'autrcs pouvait souvent en changer te sens. I'encre, de la retiure. etc. Mais ce nresl individus d'origincs divcrær : Abyssins, Ainsi : r Qatala > signifie < il a tué > pas touL.. Persans, JuiÊ, Gæt+ drsi quc les et < qulila > < il a été tué >. Un cas * Arabes imrnfur{s lbcr régions. Com- tragique est demeuré célèbre : c'est mo le Proplàe étû bi-rnême Arabe, celui où le calife Othmân adressa aux 3, Lo Coran a été la cause primor- il ne pocvrl êtc qtcstion d'utiliser Egyptiens un avis les informant du diale do la lexicographie arabe. Je ne des langoer ot rêocs changement de gouverneur et disant, pnrlc pas des besoins des non-Arabes des écritures. éthiopicnrc, léùnique, persane (pehla- à propos de ce dernier : < S'il arrive. parmi les musulmans, pour connâître el vie) ou lùra Oa transcrivit le Saint comprendre le contenu de leur Livre " fa-qbalouhu r (recevezJe). Comme religieux; même les arabophones par- Coran cr écihrc arabe, si primitive il n'y avait pas de points diacritiques fût-ellc. et que la lettre < b > pouvait être lue mi les musulmans avaient besoin de t ( t ) - ainsi que nous venons de le commentaires. En effet, le procès com- signaler - Ie nouveau gouverneur, déjà mença du vivant même du prophète : l. Je rTrirterai pas sur t'aspect psy- chologiqlc dc la question. Les nrusril- en toute, arrêta le messâEer et lut le on lui demandait des explications sur mans - s texto : r S'il arrive < fa-qtuloulu > les passages difficiles du Coran. plus lcs Arabes convertis à la nouvcllc nligion (tuez-le). Furieux, le gouverneurdésigné tard les premiers commentaires rédigés étaient désarabiséq re:rtra dans la capitate où I'on tua paf les compâgnons du Prophète. ne tout cæ les lnusulmans d,autre ori- gine - I'innocent calife dont I'affirmation. sous contenaient que les synonymes de cer- dnrent se sentir avant toul næmbrts dtrne communauté supra-na- sermenf, qu'il avait écrit < recevez-le r tainrr rnob, cgrmme en témoignent les tionelc, lneire, eÉ non pas < tuez-le u ne fut pas ouvrages de cette époque qui nous sonl plutôt que d,une racc acceptée par les ecprits excités... parvenus intégralement ou en partie. ou dolc r{gion De ce fait, les mu"rrl- nanr écerteicnt tout complexe d,infé- La seulc science dan; la communauté Ai-ie besoin de rappeler qu'un texte était au début la < Coranologie r. Les riorit6 viràvis des autres cornmunautés, arabc non abrégé, c'est-jr-dire pourvu opinions différaient pour donner un chrétielec, juive, etc., ce qui eut été deo signes de vocatisation et des points sens exact aux mots employés dans le le cas cr I'rbsence d'un Livre secré. diacritioues, cst incomparablcmcnt plus Coran, ee chaquc savant s'appuyail sur d'une Loi divine. précis cl moins équivoquc que n,impor- le seul moyen lexicographiqueexistnnl : te quel autre alphabet du monde (grec, le poésic tncienne, pour démontrer ) L Le progrès n'est autre chose que latin, russe, hébraique, syriaque, sans- l'usage des termes en question. Ainsi, I'cfiort pour conquérir ce qui nous crit, cunéiforme, chinois, entre autres) ? non seulement les commentairee du rnertqrrc. Or, dans la stagnalion, le peu- Lc fait est que I'arabe distingûe entre Coran virent le jour, mais ausci les plo orr I'individu pense qu'il possède les voyellcs courtcs et les voyelles lon- dictionnaires ef ce qui pourrait pa- lool et n'! nul besoin de chnngernent. gues, et cela sans aucune exception. raîtrc étrange, les anthologies de la Toul au plus, cherche-t-il à conserver Bien entendu, je ne parle ici, que de poésic ancienne des Arabes. Evidem- cc qu'il possède. Mais tel ne fut pas !'mabe, et il n,est pas question de re- menÉ, cela ne s'arrêtait pas là. lc crs de ces prcmiers musulmans - pioduire les sons non arabes en carac- a isbnfués uniquement par le Saint Coran. tères arabes. Tel est le cas pour tous 4. Iæ texte sacré contcnait des allu- 99c-crçons même par étudier le pro- les autres alphabets. (par exemple, on blènc rrùtif à l'écriture dont il a été sions à I'histoire du passé ,; il y avait ne peut reproduire en français la pro- des références aux peuples, aux pro- prrlé plls bauL préparer un Coran nonciation du mot anglais r< bull >, ou phètes, aux rois, aux destins qui les écdl ét-t déjà quelquq chosc d'excep- en anglais du mot français < signe r. tioancl : cr Arabie, on ne se servait attendaient Pour mieux comprendre les Pourtant ce sont des langues très pro- allusions et les références brèves. il ordindrtlcrt pas de I'art graphique ches I'une de l'autrc et très dévcloppées srrl d.x dcs cas exceptioirnets (rares faltait étudier I'histoire du monde. On orthographiquement). Il n'y a pas de lo fit en fonction des moyens dont trdtés do ;cix ou il'alliance entre les divergence d'opinions sur le fait que le gruder tr'lro) ou dans des cas plus chaquo époque disposait LÆ point progrès de l'écriture arabe est dô au essentiel est que le Coran fut i I'origi- nrrcs crc{rrt de poèmes célèbres (com- Saint Coran. Il en est de même pour oc c'est lc cas, dit-on, des <r Sept Mut ne des études historiques chez les mu- celui de la calligraphie : en voutant sulmans. Même l.hist{(e, du début dlaqât r). Nous ne parlons pas, ici, préparer des copies du texte sacré au moins de I'Islam, entre en ieu ici. car le Sâint Coran parle des événe- dc plein droit sans aucun legs testa- dc I'Etat, mais le but de I'Islam, par ments dc la vic de llulrsrnnlndr tou- mentaire, dans des proportions fixées la réunification des deux pouvoirs dans jorrr:r par des allusions et des références pâr le Saint Coran. La part d'héritage la même main. était de coordonner le d'rrne brièr'eté exlrênre. attribuéc à chaquc héritier varie évidem- spirituel ct le temporel, et d'équilibrcr nren'i selon les cas : lc fils unique ou chea I'individu les deux éléments de lc fils accompagnéd'une fille, la scur sn nature et d': sa personnalité.L'hom- 5. l-e C-oran est. avant tout, le code toutc seulc ou accompngnéedes enfants mc véritabb nc doit pas être une bête de vic d'un musulrnan dans tous ses du défuntn etc. Il s'agit d'une science féroce, avec seulement des droits - ârspccts : spirituel' nr:rtéri?1" individuel' complexe, dont les dilficultés augmen- voire la réalisation de désin par la collcctii'. social. moral ef autres ; I'ul- tent lorsqu'il s'agit d'une distribution force - sans devoirs en contre-partie, tinrc sourcc et critère de la validité de d'héritagc après quelque délai' lors. les droits et les devoirs ne sont o_uedes toutc loi dans ces nrultiples domaines. quc certains des héritiers sont morts tcrmes et des faits en corrélalion di- Seulement lc Coran n'est pas rédigé laissant leurs propres hériters. Cette rectc : les droits des uns sont les de. conlmc un code de droit, à I'exclusion branche des mathématiques, originaire voirs des autr*s, et yice vena. Si I'on dc toulc autrc malière, et il fallait pré' uniquement du Coran, a dû se dévelop- sc contentait seulement de ses droits... parei' les codes pour les besoins des per dès le vivant du Prophète. La Malheureuscmenû, I'immoralité nous juristes. Or on commença à rédiger les r zakât >r ou impôt sur les dilférentes poussc à allel plus loin, et jusqu'à I'in- code:; juridiques. par I'ellort privé, bien justice, pour réaliser les désirs et les espècesde biens mobiliers et immotri- entendu, en se basant sur les données passions,môme aux dépens des droits lieru a égalemcnt bcsoin des éléments colaniques. L'étude du droit musulman de mathématiquespour être calculée. sacrés des autres. C'est ici, pour distin- devint vite une science indépendante et guel I'homme d'une bête féroce, que la li'r trase même de cette science sont dus 8. Si, d'une part, le Coran a directe- spiritualité intervient dans la vie ma- au Sainl Coran. ment été la cause du développement térielle" Les meilleures institutions peu- dc diverses sciences, telles, par excm- ples, cellcs que rlous venons de citer, vent être gâtées,si les responsablessont 6. Les codes du droil musulman cont- de mauvaises gens ; ce n'est pas la faute nlcnceni, conlnre il est bien connu, par r!'autre part, le Coran n'enferme poinl do I'institution, mais celle de l'homme... lcs ritcs cultuels, tels quc les olficcs les esprits dans des données immuables En réunissantle spirituel et le temporel quolidicns. le; ieûnes, etc- rites qui sut la nafure ou sut les sciencesnatu- dans un scul toul, il y a plus de cbance :;'appliquenl :i chaoue individu, homme relles. On n'a jamais eu chez les mu- dc préservel la justice et I'humanité. ou fenrme. Voyons les implications de sulmans dc dilficulté pour croire que cet état de cboscs : pour prier, il faut la terre est sphérique, qu'elle tourne récilct. entrc autres choses, des pas- autout du soleil, etc. En effet, le Coran 10. On dit souvent quc la notion sages du Coran. L'arl de la récitation n'cn p:ule pas et laisse à I'individu la coranique de la prédestination est la lilurgiquc (parlit dc la nrusique) cst un liberté do l'apprendre, s'il le vcul, par causc fondamentalede la stagnation des ses propres efforts. Comme la Bible, peuples musulmans. On oublie volon- dcr plus anciens chez les musulmans. De nrônre" pour pricr il fâut connâitre la lc Coran (XL, 15) parle de la peine que tiers que ce fut cette même notion qui la mèrc à pour enfanter, mais cela poussa les tout premiers musulmans à direction de La Nlecque. Cela obligea ri répandre les notions élémentaires de n'cmpêcha pas les théologicns musul- accomplir les merveilles qu'ils ont réa- géographic dans chaque individu mu- mang d'admettre le caractère tout à fait lisées dans les domaines militaires, in- sulman" Car on n'est pas tenu de célé- licite de l'emploi des moyens médicaux tellecfuels, matériels et autres. A vrai brct le.- ollices seulement dans les mos- pour combattre cette douleur naturelle. dire, ceux qui reprochent aux musul- tiuées : on peul prier ù la maison, dans l,a même liberté existe dans la question manc leur fatalisme n'ont pas compris le; chanrps" en batelu lors d'un voyagct dc I'organisation étatique : le Coran la notion que les musulmans en ont. el d:rns tout âutre endroit pratique. n'irnposc ni monarchie, ni république, Loin de demander un immobilisme, le Cinq fois par jour, ori qu'on se trouve ni autre forme quelconquede gouverne- Coran (LIII, 39) affirme qu' r en vérité, danr le nronde. il faut se lourner vers ment fixe ; il laisse la liberté des ins- I'hommc n'a ricn que ce à quoi il s'ef- li: l\lecquc. Même en connaissant par- titutions. Ce qu'il exige c'cst que le force u. L'homme ne sait pas d'avance failenrent la direc'tion de la Ka'ba, de- rcspect dc la loi soit assurémême pour ce oue Dieu lui a prédestiné: il se peut puis un endroit donné, d'une ville quel- les plus humbles habitants du pays, sans quo Dieu ait prédéterminéque tel obiet conquc. il arrive souvent de se deman- exceplion de classe, race ou religion. sc réaliso après plusieurs tentatives et del oir est le nord, le sud, etc,, dans Signalons, en pâssânt, que le Saint une lutte acharnée. Lteffort renouvelé l:r chambre dc notre hôlel, dans un Coran ne parle que des rois et des n'est donc jamais contre la volonté di- pàrc ou sur une plage... De môme, lcs monarques, bons ou mauvais : il n'a vine. Mais lorsqu'une chose devient tout jamais parlé de république, mais, com- !r fait impossible, alors la conviction horairo des prières exigent des notions d'rslrononrie pour connaitre I'aube, le nrc on le saif" le premier Etat mu- que telle était la prédestination divino levcr el le coucher du soleil, le méri- suhnan après le Prophète était une sorte épargnc un chagrin au musulman : il dien elc, Cela non seulcment pour les do république, dont le cbef était élu accepte que toùt ce que Dieu lui a prières. nrais aussi pour les jeûnes, qui, pour la vie, mais dont le pouvoir n'était réservé soit, à la longue, pour son en oulrc, cxigcnl la connaissancc du prr héréd'ta'rc. Cela tend à prouver bien... calendrier pour connaîlre le débui de que, mônre pour les Prcmiem musul- CONCLUSiON Ll nouvcllc lune. signc du cornnrence- nrans,le Coran n'imposait à la commu- Ce bref exposé montrera peut-être mcnt du mois de Ranradân. nauté islamique âucune forme fixe de que le Saint Coran, loin d'être une en- gouvernement. trave au prpgrès, a été le moteur de 7. Lc dernicr chapitre d'un code mu- toutes sortes d'activités chez les musul- sulman dc droit est habituellement 9, Autre particularité de I'enscigne' mans. On n'a pas besoin d'abandonner cons:rcré ir I'héritage. On sait que la nrent coranique : le Coran n'envisage la foi coranique pour -accomplir dds dévolution par testanrent est extrênre- pas le divorce cntre la forterésseet la progrès : le Saint Coran et le plus grand nrenl linritée en Islâm. et les proches mosquéc (l'église et l'Etat' si I'on progrès humain sont tous deux parfaitc- pàrents, tels les enfants, les père et veul...). Certes. Ies attributions de la ment compatibles,comme nous le mon- mère, les frères et s(euns, etc., héritent foi ne sont pas les mêmes que celles tre I'histoire-