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(XIVe-XVIe siècle)
Il s’ensuit que ce sont les confusions graphiques qui sont tenues pour les
signes avant-coureurs de la mise en place d’une nouvelle norme. Or, cette
allégation n’est recevable que si l’on a donné au préalable un sens à l’ex-
pression « confusion graphique », c’est-à-dire si on lui a reconnu une
forme tangible dans les textes au sein desquels elle semble se dévoiler.
Si l’on en croit les exemples retenus par ces mêmes grammairiens,
par « confusion graphique », il faut entendre l’usage d’une graphie dans
une position où la norme de référence en exigerait une autre, ce qui
place cette graphie en concurrence avec la graphie usuelle dans cette
même position. L’analyse tendrait à suggérer, par ailleurs, qu’il s’agit
plutôt d’une confusion phonologique manifestée au moyen d’un dépla-
cement graphique.
La « confusion graphique » préluderait donc à une étape plus déter-
minante au cours de laquelle les auteurs n’effectueraient plus, je cite de
nouveau Pidal, « ninguna distinción entre la sorda y la sonora ». Rapportée au
plan graphique, cette réalité implique alors la disparition de la graphie
« usurpatrice ».
De fait, la « confusion graphique » est lue, par les historiens de la
langue, comme la marque distinctive d’une évolution linguistique en
cours tandis que le retour subséquent à la « biunivocité » entre pho-
nèmes et graphèmes (même si celle-ci doit toujours être relativisée) est
interprété comme l’achèvement de ce même processus.
Cette conclusion appelle, ce me semble, deux remarques :
– la première est plutôt un commentaire d’ordre méthodologique ; il
concerne l’examen des données qui sous-tendent la lecture « linguis-
tique » du fait graphique : cet examen considère les données en elles-
mêmes, pour elles-mêmes sans les rapporter à la figure qui leur donne
pleinement sens : celle du sujet écrivant. Par sujet écrivant, j’entends
l’instance de rédaction ou de copie sans qu’il m’ait paru opportun
d’user de termes plus engagés. Toutefois, pour éviter d’incessantes répé-
titions, j’ai retenu également le terme de « scripteur » dans un sens tout
à fait égal ;
– la seconde a trait à la lecture proprement « linguistique » qui est faite
de la « confusion graphique ».
Cette lecture tend à instituer la forme écrite de la langue comme
paradigme de la langue. Or, l’examen du discours des grammaires his-
toriques révèle un positionnement qui n’est pas toujours suffisamment
explicité. En effet, tantôt ce discours manifeste le rapport d’opacité qui
lie la forme écrite de la langue à sa forme orale en référant au conser-
vatisme du sujet écrivant qui masque la réalité phonique, tantôt il paraît
négliger cette relation d’opacité et tenir la langue écrite pour pleine-
ment représentative de « l’état de langue ».
’
3. Ibid., p. 199.
4. Ibid., p. 208.
’
calculé. Car, en tout état de cause, qu’est-ce qui dans la réalité langa-
gière qui lui est propre, conduit le sujet écrivant à pervertir, presque à
son insu, la norme dont il est le garant ?
En évacuant cette question pourtant essentielle, les historiens de la
langue n’ont pas accordé une attention suffisamment soutenue au
caractère symptomatique d’une telle inscription, ce qui les a portés tout
naturellement à l’interpréter comme la marque distinctive d’une phase
d’évolution de la langue.
Je veux précisément quitter ce champ traditionnel de l’analyse de l’al-
ternance graphique comme évolution en cours pour montrer qu’elle
signale plutôt un nouvel état de langue, mon système de référence étant
bien entendu le fait naturel de la langue, à savoir la langue parlée.
Corinne MENCÉ-CASTER
SEMH
GDR 2378 – SIREM
Université des Antilles-Guyane