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Économie & prévision

L'apport du monétarisme à l'analyse et à la politique économiques


Jean-Pierre Laffargue

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Laffargue Jean-Pierre. L'apport du monétarisme à l'analyse et à la politique économiques. In: Économie & prévision, n°56,
1982-5. pp. 3-40;

doi : https://doi.org/10.3406/ecop.1982.3212

https://www.persee.fr/doc/ecop_0249-4744_1982_num_56_5_3212

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Résumé
L'apport du monétarisme à l'analyse et la politique
économique,
par Jean-Pierre Laffargue.
Le monétarisme s'est d'abord développé aux Etats-Unis, pays où la conjoncture est peu dépendante
de celle du reste du monde et a élaboré son analyse dans le cadre théorique d'une économie fermée.
Sa démarche est essentiellement inductive. Ses études empiriques concluent que les fluctuations de
l'offre de monnaie sont une cause essentielle de celles de l'activité économique et que l'augmentation
du taux d'expansion monétaire a un effet positif mais transitoire sur le volume de la production et de
l'emploi, avant de se traduire par un simple accroissement de l'inflation. Une interprétation théorique
simple de ces résultats est possible à partir d'une fonction de demande de monnaie, stable en longue
période, et d'une équation de Phillips. Enfin, le monétarisme conclut que la politique économique doit
surveiller et contrôler l'évolution de la masse monétaire, ou même assurer une croissance de celle-ci à
un taux constant, tout en évitant d'accorder trop d'importance aux mouvements des taux d'intérêt. Les
Etats-Unis d'après 1 979 nous donnent une expérience monétariste récente riche d'enseignements.
Beaucoup d'économistes se sont interrogés sur la validité de ce monétarisme (développé par
Friedman) pour des économies très ouvertes sur l'extérieur. En changes fixes tous sont d'accord pour
admettre que dans le long terme les autorités d'un pays de petite taille n'ont aucun contrôle sur sa
masse monétaire (en l'absence de dévaluation). Certains monétaristes ont prétendu qu'il en était de
même dans le très court terme, mais cette opinion semble en contradiction avec les résultats des
études empiriques. Pour un petit pays, la validité du monétarisme de Friedman serait un peu affaiblie
mais resterait quand même largement valide. En changes flexibles, presque tous les économistes
reconnaissent que les autorités d'un tel pays peuvent contrôler sa masse monétaire. Certains
monétaristes ont proposé d'expliquer les fluctuations du taux de conversion entre deux devises à partir
de celles de leurs offres respectives. Les vérifications empiriques ont cependant montré que cette
explication était insuffisante et, depuis, elle a fusionné avec plusieurs autres, perdant ainsi sa
spécificité. Ces analyses sont cette fois illustrées par l'expérience britannique d'après 1949.

Abstract
The contribution of monetarism to economic analysis and policy,
by Jean-Pierre Laffargue.
The monetarist theory was first developed in the United States, a country where economic conditions
do not depend to any large extent on those prevailing in the rest of the world, and its analysis was
worked out in the theoretical context of a closed economy. Its approach is basically inductive. Its
empirical studies lead to the conclusion that fluctuations in the supply of money are an essential cause
of alterations in economic activity, and that the increase in the rate of monetary expansion has a
positive but brief effect on the volume of production and employment, which subsequently is converted
into a simple rise in inflation. A simple theoretical interpretation of the results is possible by means of a
function of money demand, stable over a long period, and a Phillips equation. Finally, the monetarist
theory concludes that the role of economic policy is to watch and control the trend of the quantity of
money, or even to maintain its increase at a constant rate, while refusing to accord too much
importance to the fluctuations of interest rates. The United States has given us, since 1979, an
experience in monetarism which provides a wealth of information.
Many economists have questioned the validity of this monetarist theory (developed by Friedman) for
economies which are extremely open to external influences. In fixed exchanges, all agree that on a
long-term basis government authorities of a small country have no control over its money supply (in the
absence of devaluation). Certain monetarists claim that this is also true on a very short-term basis, but
this opinion seems to be in contradiction with results of empirical studies. For a small country, the
validity of Friedman's monetarism would appear to be somewhat diminished, but to a large extent it
would remain valid. In flexible exchanges, almost all economists recognize the fact that government
authorities of such a country can control its money supply. Certain monetarists have attempted to
explain the fluctuations in the rates of conversion between two currencies in terms of changes in their
respective supplies. The empirical verifications have, however, shown that this explanation was
insufficient and, since then, it has merged with several other theories, thereby losing its specific
&9£M?

Jean-Pierre à Laffargue,
professeur l'Université de Lille II, chercheur au Cepremap

Dans la période qui précéda et suivit la Seconde Guerre Mondiale, le «National Bureau of
Economie Research» (NBER) rassembla un montant considérable d'informations quantitatives sur
le cycle des affaires aux Etats-Unis depuis le début du 19e siècle. En recourant à des méthodes
de statistique descriptive, il identifia aussi un certain nombre de régularités dans les fluctuations
de l'économie américaine et en déduisit des éléments d'une interprétation théorique. Friedman
poursuivit cette recherche et nota une relation étroite et stable entre les fluctuations de la
masse monétaire et celles de l'activité économique. Mais Friedman n'est pas le seul théoricien
ayant cherché la liaison de court, de moyen ou de long terme entre l'offre de monnaie et
l'économie réelle. L'ensemble de ces travaux est en tout cas assez mal connu en France, c'est
pourquoi la Direction de la prévision a demandé une étude sur ce problème au Cepremap et plus
particulièrement à Jean-Pierre Laffargue.

D'après Friedman, les facteurs déterminant l'offre de monnaie ayant fortement varié sur la
période de plus d'un siècle étudiée, il apparaît que la stabilité de long terme de cette liaison
montrait que les variations de l'offre de monnaie furent une cause essentielle de celles de
l'activité économique. Il proposa d'expliquer cette relation à l'aide de deux éléments théoriques :
une fonction de demande de monnaie qui se modifierait peu et lentement au cours du temps et
une équation de Phillips. Il conclut de ses résultats que la stabilité de la conjoncture requiert
que les autorités assurent une croissance régulière de l'offre de monnaie.

Ultérieurement, les économistes s'interrogèrent sur la validité du monétarisme pour des pays
beaucoup plus dépendants de l'environnement international que les Etats-Unis. Certains
avancèrent la thèse qu'en régime des changes fixes les prix et les taux d'intérêt d'un petit pays lui
sont imposés par son environnement international. Comme ces variables sont les arguments de
sa demande de monnaie, celle-ci et le monde extérieur détermineraient la masse monétaire
intérieure sur l'offre de laquelle les autorités nationales n'auraient aucun contrôle. Les
vérifications empiriques infirmèrent cette thèse et montrèrent que le monétarisme de Friedman restait
largement valide pour un pays de petite taille.

Il ne s'est pas encore développé d'orthodoxie monétariste très claire en régime des changes
flexibles. Presque tous les économistes reconnaissent qu'alors les autorités d'un petit pays
peuvent contrôler sa masse monétaire. Certains monétaristes ont proposé d'expliquer les
fluctuations du taux de conversion entre deux devises à partir de celles de leurs offres respectives.
Les vérifications empiriques ont cependant montré que cette explication était insuffisante et,
depuis, elle a fusionné avec plusieurs autres, perdant ainsi sa spécificité.

Nous tenons à remercier la Direction de la prévision qui a financé cette recherche et organisé deux séminaires où nous avons exposé des
résultats préliminaires et bénéficié des remarques et conseils des participants. Notre gratitude va aussi à ceux qui nous ont encouragé dans ce
travail, nous ont fait des suggestions et critiques, ou avec qui nous avons pu discuter du monétarisme, de la théorie néoclassique et de la
modélisation macroéconomique, tout particulièrement MM. Delange, Fourgeaud, Grandmont, Laskar, Lenclud, Malgrange, Mathis, Melitz et
Nasse. Mme Daigremont mérite une mention spéciale pour son aide et sa patience. Bien sûr, nous sommes le seul coupable des erreurs et
imperfections que contient cet article.
Avoir à écrire un rapport sur le monétarisme apparaît
de prime abord comme une aventure dangereuse
dont on ne retirera que des fruits amers. Le
monétarisme a mauvaise presse en France. Certains lui font
un procès politique: il serait de droite, même
d'extrême-droite, et responsable de la ruine (sinon de
la répression du Chili, de la Grande-Bretagne, etc.
D'autres l'accusent de dogmatisme: stabiliser
l'évolution de la masse monétaire déstabiliserait celle des
taux d'intérêt; condamner les politiques économiques
discrétionnaires au profit de règles serait oublier que
la politique est un art avant d'être une science.

En progressant dans notre recherche nous ne


sommes peut-être pas devenu monétariste, mais nous
avons constaté que les multiples procès faits à cette
analyse étaient souvent malhonnêtes. Bien que les
membres de cette école aient pu le surestimer,
l'apport du monétarisme à l'analyse et à la politique
économiques est considérable et ses critiques nous
semblent souvent faire preuve d'un a-priorisme
primaire. Nous demandons donc au lecteur un peu
d'indulgence pour l'auteur de cet article si dans le feu
de son exposé il se laisse entraîner à une plaidoirie
en faveur du monétarisme. Le prévenu avait besoin
d'un avocat et celui-ci ne peut être tenu pour coupable
des crimes de son client, d'autant qu'il est peut-être
innocent. Le procès pour lequel, si nous étions juge,
nous aurions le moins d'indulgence, est le procès
politique. Mayer (1975) remarque qu'on peut être libéral
(au sens américain du terme —traduisons par social-
démocrate) et monétariste, mais qu'on ne peut être
marxiste et monétariste. Sa première proposition est
correcte mais non la seconde. Les travaux de
l'historien marxiste Vilar (1974)— qui font jouer un rôle
explicatif primordial aux découvertes de mines de métaux
précieux et ainsi à l'offre de monnaie dans les
fluctuations économiques, en particulier celles des prix,
depuis la moitié du quinzième siècle— sont
parfaitement monétaristes. La méthode et les conclusions
sont identiques à celles de Friedman et Schwartz
(1963) dans leur volume consacré aux Etats-Unis
depuis le début du 1 9e siècle. Si Friedman a écrit des
articles et des livres politiques, il a su, dans ses
travaux scientifiques, rester neutre. Nous n'avons ni le
goût, ni la compétence d'expliquer les raisons
psychologiques ou sociologiques pour lesquelles les
monétaristes sont souvent conservateurs et les
conservateurs quelquefois monétaristes. Nous essaierons
simplement de préciser l'apport scientifique de cette
école ainsi que les critiques de même type qui en ont
été faites.

Le monétarisme s'est développé initialement aux


Etats-Unis, c'est-à-dire dans un pays que la taille
rend peu dépendant de la conjoncture du reste du
monde. Le rôle privilégié donné au dollar par la
conférence de Bretton Woods en 1 944 dans le système des
changes fixes qu'elle a instauré a accentué cette
caractéristique. Il n'est donc pas surprenant que le cadre
théorique, qui fut élaboré par cette école, se soit
référé à une économie fermée ou, ce qui revient au
même, ait négligé les flux internationaux de biens et
de capitaux. Ce monétarisme, qui fera l'objet de la La flexibilité des changes n'étant qu'un phénomène
première partie, fut d'abord l'œuvre de Friedman. récent (à l'exception d'expériences antérieures
Dans la période qui suivit la seconde guerre mondiale limitées dans leur ampleur et durée), il n'est pas
presque tous les économistes américains étaient surprenant qu'il ne se soit pas développé une orthodoxie
keynésiens et le rôle qu'ils accordaient à la monnaie monétariste très claire sous un tel régime. Les
dans l'analyse des cycles et la stabilisation de la économistes reconnaissent que les autorités d'un petit
conjoncture était très faible. Cela n'avait pas été le pays peuvent dans ce cas contrôler sa quantité de
cas jusqu'en 1935 et quelques auteurs avaient monnaie. Certains ont proposé une approche
conservé cette tradition dans l'après-guerre. Mais seul monétariste du taux de conversion entre les devises de
Friedman fut écouté. C'est un sujet fascinant pour deux pays, faisant dépendre celui-ci de leurs masses
l'historien de la pensée que de voir comment un monétaires respectives. Les vérifications empiriques
homme, seul contre l'orthodoxie dominante, finira ont rapidement montré que cette explication était
par triompher de celle-ci. Rapidement le camp insuffisante et, depuis, elle a fusionné avec plusieurs
«monétariste» s'étoffera au point que cet adjectif autres, perdant ainsi sa spécificité.
recouvrira des démarches assez différentes. Nous avons
choisi de privilégier celle de Friedman. D'abord pour
le rôle qu'il a joué dans le succès de son école.
Ensuite à cause de la clarté, de la simplicité et de la
précision avec lesquelles il a présenté son approche et
ses résultats. Enfin, parce que le monétarisme
auquel se réfère le monde non-académique est celui de
Friedman. Nous avons sacrifié Brunner, Meltzer et
Stein également parce que l'originalité de leur
démarche est de reposer sur des modèles dynamiques
formalisés complexes pouvant être acceptés par la
quasi-totalité des macroéconomistes, à deux
réserves près: des difficultés méthodologiques mais qui
sont indépendantes des clivages entre écoles, un
nombre limité de particularités dans leur spécification
qui leur permet d'obtenir des conclusions
monétaristes. Ces travaux sont importants et intéressants
mais les aborder nous aurait forcé à présenter des
développements mathématiques longs et arides avant
d'arriver au cœur de notre sujet. Nous n'examinerons
pas non plus la nouvelle économie classique, dont
une des particularités est de recourir à l'hypothèse
d'anticipations rationnelles. Si elle aboutit à des
conclusions qui sont des formes extrêmes (sinon
extrémistes) de celles de Friedman, sa démarche
scientifique est radicalement différente.

Ultérieurement s'est posé le problème de la validité


d'un monétarisme, dont la partie théorique concerne
une économie fermée et les vérifications empiriques
les Etats-Unis, dans des pays de plus petite taille
pour lesquels les relations avec le reste du monde
sont très importantes. La réponse à cette question,
qui fera l'objet de la seconde partie, dépend du régime
des changes. Dans le cas où ils sont fixes, on est en
présence de deux écoles monétaristes bien
contrastées. Selon la première, les prix et les taux d'intérêt
d'un petit pays lui sont imposés par son
environnement international. Comme ces variables sont des
arguments de sa demande de monnaie, celle-ci et le
monde extérieur déterminent la masse monétaire
intérieure, sur laquelle les autorités n'ont aucun
contrôle. Les membres de la seconde école prétendent,
au contraire, qu'au moins dans le court terme les prix
et taux d'intérêt nationaux peuvent différer de ceux
de l'extérieur; alors les autorités auraient une large
autonomie dans la détermination de la quantité de
monnaie et les conclusions de la première partie
resteraient largement valides.
Le monétarisme
en économie fermée:

le cas des Etats-Unis

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Les travaux empiriques de Friedman menés à la fin


des années cinquante et au début des années
soixante, ont recouru à des méthodes d'analyses de
séries temporelles qui semblent maintenant
dépassées. L'emploi de procédures plus élaborées sur des
données de l'après-guerre a conduit à des résultats
confirmant ceux qui figurent pages 7-8. Il nous a
semblé préférable dans un souci pédagogique de présenter
ces développements assez techniques après l'exposi-
sition du cadre théorique (cf. pages 12-14).

De l'ensemble de ces travaux, on retire la conclusion


pour la politique économique, que la stabilisation de
l'accroissement de l'offre de monnaie à un bas niveau
est une condition indispensable de stabilité de
l'économie, et nécessaire et suffisante de faible inflation.
Mais Friedman va plus loin: le lien entre l'offre de
monnaie et la conjoncture économique apparaît au
terme d'une durée importante et variable; les
gouvernements ont des perspectives à très court terme,
donc une politique monétaire anticyclique efficace
n'a été, et ne sera, jamais possible. Il est préférable
de lui substituer une règle de croissance de la masse
monétaire à un taux constant, c'est-à-dire
indépendant de l'état de la conjoncture (cf. pages 1 5-1 7).

Enfin, nous disposons d'une expérience monétariste


en cours, celle que mène le président du «Federal
Reserve System» depuis le 6 octobre 1 979, M. Volcker.
Les leçons de cette expérience montrent que l'analyse
monétariste est toujours actuelle (cf. pages 18-19).

Les faits : les fluctuations de l'offre


de monnaie, cause importante
des fluctuations économiques

Dans leur livre sur l'histoire monétaire des Etats-


Unis, Friedman et Schwartz (1963) présentent, pour
ce pays, des séries monétaires longues. Celles-ci ont simplifié, dont les fluctuations exogènes devraient
ensuite été utilisées dans deux articles tentant de être la cause de celles du revenu national. Comme
relier les fluctuations de l'offre de monnaie à l'état celui-ci est sensiblement égal à la somme de C et de
général de la conjoncture. I, il est justifié, pour ne pas surestimer l'importance
des fluctuations de I comme cause de celles de
Le premier article [Friedman et Schwartz (1963)] l'économie, de mesurer ces dernières sur C. Le coefficient
examine la série des taux de croissance de la masse de corrélation simple entre C et M 2 est élevé et
monétaire M2 sur la période 1867-1960(1). M 2 est sensiblement égal au coefficient partiel (I étant fixé). En
la somme des disponibilités monétaires ou moyens revanche, le coefficient simple entre C et I est plus
de paiements M 1 et de la quasi-monnaie gérée par faible, et le coefficient partiel (M 2 restant constant)
les banques. Trois analyses statistiques sont est proche de 0. Ce résultat infirme l'explication key-
effectuées sur cette série. nésienne des fluctuations conjoncturelles et montre
combien celles-ci dépendent de l'évolution de la
Dans la première, en utilisant une méthode d'analyse masse monétaire.
développée par le NBER, il est possible d'identifier le
cycle spécifique du taux de croissance de l'offre de Il est aussi en accord avec les résultats du second
monnaie, puis de le comparer à celui économique article [Friedman et Meiselman (1963)]. Les auteurs
général identifié par cet organisme. Les deux se ont étudié le lien entre la consommation C d'une part,
correspondent bien, mais le premier est en avance sur et les disponibilités monétaires M 1 ainsi que la
le second, en moyenne de 1 8 mois pour les pics et de dépense autonome keynésienne A d'autre part. Celle-ci
12 mois pour les creux, soit de l'ordre d'une demi- est la somme des dépenses d'investissement et du
période (l'écart-type de l'estimation de ces deux déficit du budget de l'Etat. Pour cela, ils ont divisé la
moyennes est de 6 à 7 mois). L'amplitude du cycle période 1 897-1 958 en douze sous-périodes. Chacune
économique augmente avec celle du monétaire. d'entre elles correspond à un cycle économique et
va d'un pic à un pic ou d'un creux à un creux (les sous-
Dans la seconde, les évolutions des taux de croissance périodes se chevauchent). Pour chacune de ces sous-
de la masse monétaire et du revenu national nominal périodes, à une exception près, C est plus corrélé
présentant des fluctuations erratiques, il est habile, avec M1 qu'avec A. De plus, la corrélation partielle
pour l'analyse économique, de les effacer en leur entre C et M 1 en gardant A constant, est
substituant les séries de leurs écarts-types mobiles sensiblement égale à la corrélation simple entre C et M 1. En
(sur 4 mois). Friedman et Schwartz constatent alors revanche, la corrélation partielle entre C et A en
que ces dernières présentent des fluctuations ayant gardant M 1 constant, est en moyenne nulle (positive
les mêmes caractéristiques temporelles, avec pour certaines sous-périodes, négatives pour
cependant une légère avance de phase du revenu national d'autres). Ce résultat, en infirmant la thèse que les
sur la masse monétaire (un peu moins d'une année, fluctuations de la demande autonome sont une cause
mais avec une grande variabilité). L'amplitude des importante des fluctuations conjoncturelles, infirme
fluctuations de la série du revenu national est un peu aussi celle du rôle important que peut jouer la
moins du double de celle relative à la masse monétaire. politique budgétaire dans la stabilisation conjoncturelle.

Ce second résultat n'est pas entièrement comparable L'article de Friedman et Meiselman a donné lieu à de
au premier. Les dates de référence du cycle nombreuses discussions qu'on peut regrouper en
économique général du NBER concernent des flux, et sont deux thèmes: les critiques de la méthodologie
sensiblement les mêmes que celles du cycle statistique utilisée, celles de la définition des dépenses
spécifique du niveau du revenu national, qui a une durée autonomes A.
de 3 à 4 ans. Si celui-ci avait une évolution
parfaitement sinusoïdale, l'opération différence première dé- La méthodologie statistique à laquelle recourent
phaserait celle-ci de —1/4 période sans en changer la Friedman, Meiselman et Schwartz peut sembler
fréquence et le taux de croissance de la masse archaïque. Il ne faut cependant pas oublier qu'au début
monétaire aurait une avance de phase de quelques mois des années soixante l'analyse des séries temporelles
sur celui du revenu national. Mais ces deux séries était loin du niveau de sophistication actuel. Mais le
suivent une trajectoire beaucoup plus irrégulière point le plus intéressant à noter reste que le recours
qu'une sinusoïde. Cela explique que les écarts-types à des méthodes statistiques plus rigoureuses n'a pas
mobiles présentent un cycle beaucoup plus long que conduit à une remise en cause des conclusions
celui des affaires (8 à 15 ans) ainsi que le déphasage monétaristes de ces auteurs. Bornons-nous à examiner
observé. un exemple. Gould et Nelson (1974) et Gould, Miller,
Nelson et Upton (1978) ont montré sur les données
Dans la troisième, Friedman et Schwartz ont enfin de Friedman et Meiselman que le logarithme de la
étudié les corrélations simples et partielles, entre vitesse de circulation de la monnaie (M 1 ou M 2) en
écarts-types mobiles sur quatre ans, d'une part du terme de revenu national ou de consommation, suit
taux de croissance des dépenses de consommation C, une marche aléatoire. Ils ont aussi montré que ce
d'autre part de ceux de la masse monétaire M 2 et de résultat était compatible avec la fonction de demande
l'investissement I, sur la période 1871-1958. I de monnaie (1), estimée par Friedman et présentée
représente les dépenses autonomes du modèle keynésien plus bas. Mais il implique que le terme d'erreur dans
une régression de Log C par rapport à Log M 1 suit d'une cause commune. L'histoire monétaire des
un processus non stationnaire, donc qu'on obtiendra Etats-Unis de Friedman et Schwartz (1963) remplit
des estimateurs non convergents. C'est ce qu'ont cette tâche. Ces auteurs montrent que sur certaines
noté Flosser et Schwert (1978) qui ont ajouté que périodes l'évolution de l'offre de monnaie aux Etats-
cette régression devait être effectuée sur les Unis fut indépendante de l'état de la conjoncture
différences premières des logarithmes (2). Leurs résultats dans ce pays: par exemple, de 191 4 à 1917, la masse
sont cependant parfaitement en accord avec la thèse monétaire augmenta par suite des entrées d'or en
monétariste (le coefficient de régression de A Log C provenance d'une Europe où la guerre creusait le
par rapport à A Log M 1 est 1, et celui par rapport à déficit commercial avec l'Amérique du Nord. Sur
A A est 0). d'autres périodes, l'évolution de l'offre de monnaie fut
fortement influencée par l'état de la conjoncture.
Hester (1964) remarque qu'il est incorrect d'inclure Mais il en fut ainsi parce que les autorités renoncèrent
le déficit budgétaire effectif dans les dépenses à exercer le pouvoir de contrôle dont elles disposaient
autonomes. Par l'intermédiaire des recettes fiscales ce sur la quantité de monnaie (par aveuglement ou
déficit dépend de l'état de la conjoncture et ne peut lâcheté). Par exemple, sur la période 1929-1933, la
être considéré comme exogène. De nombreux auteurs masse monétaire baissa parce que sa contrepartie
[Ando et Modigliani (1965), Deprano et Mayer (1965), «crédits à l'économie» diminua. Ceci résulta de ce
Geisel (1973), Poole et Kornblith (1973)] ont montré qu'en dépit du recul important des taux d'intérêts
que plus la définition des dépenses autonomes A est nominaux, induit par la politique du « Federal Reserve
large, plus la liaison entre A et l'état de la conjoncture System», la baisse des prix fut si rapide que les taux
est forte. Celle-ci est maximum quand A regroupe d'intérêt réels devinrent très élevés et que la
l'investissement, les dépenses publiques et les demande de crédit diminua. Mais le «Federal Reserve Sys-
exportations. L'ennui est que le caractère exogène de A sem» aurait pu empêcher cela en faisant baisser
est alors peu crédible. Comme A est sensiblement encore plus les taux d'intérêt nominaux. Ou, comme
égal aux ressources en biens et services déduites de le note McClam (1982) une autre contrepartie de la
la consommation, l'importance de la corrélation masse monétaire, les crédits au Trésor, aurait pu être
observée entre A et C ne fait que refléter une liaison augmentée par le financement monétaire d'un déficit
étroite entre consommation et ressources en biens budgétaire de l'Etat. Friedman et Schwartz estiment
et services au cours du cycle économique. Celle-ci, qu'alors la Grande dépression aurait été beaucoup
bien connue, est insuffisante à fonder une explication moins longue et sévère qu'elle ne fut (3).
des cycles.
Il n'est pas sans intérêt de remarquer qu'une
Mais la critique fondamentale des évaluations de interprétation des fluctuations économiques, à partir de
l'explication keynésienne des cycles par Friedman, celles d'une offre de monnaie largement exogène
Meiselman et Schwartz et leurs commentateurs, est (dépendant des découvertes des mines d'or et
que les divers postes du budget de l'Etat ont des d'argent), est aussi faite par Vilar (1974) sur une période
multiplicateurs différents et que le niveau de beaucoup plus longue (1859-1920) (4). Cette
beaucoup d'entre eux dépend de la conjoncture constatation a aussi le mérite de montrer qu'on peut être
économique [Blinder et Solow (1974)]. Ces évaluations monétariste et marxiste, et renforce notre conviction
sont donc peu convaincantes. On doit cependant que les critiques politiques ou idéologiques du
ajouter que les monétaristes ont été trop loin en monétarisme sont stériles et appauvrissent l'analyse
cherchant à montrer que la politique budgétaire non scientifique par les interdits qu'elles posent.
accompagnée d'un financement monétaire est sans
effet sur la conjoncture. L'essentiel du monétarisme
reste valide sous la condition moins contraignante,
et beaucoup plus vraisemblable, que la politique
budgétaire a un effet d'une amplitude et d'une durée
limitées et incertaines sur la conjoncture, plus La théorie
limitées et incertaines que ce que croient les économistes
keynésiens. Dans le reste de cet article nous
n'examinerons qu'épisodiquement ce problème sur lequel
une littérature considérable existe, pour nous L'interprétation théorique des résultats empiriques
concentrer sur ce qui est plus central pour notre sujet: précédents est fondée sur la fonction de demande
le rôle de la politique monétaire. de monnaie et l'équation de Phillips. Il est alors
possible de comparer les analyses monétaristes et key-
Les deux articles de Friedman et ses coauteurs nésiennes.
montrent que le cycle de la quantité de monnaie et celui,
général, de l'économie ont les mêmes
caractéristiques temporelles sur très longue période (mais avec La demande de monnaie
un déphasage très variable au cours du temps). Il
reste à établir que ce sont les fluctuations de la masse Les résultats empiriques précédents mettent en
monétaire qui causent celles de l'économie et non évidence une liaison forte et stable en longue période
ou le contraire, ou que les deux cycles, proviennent entre masse monétaire et revenu national. Comme
on l'a déjà suggéré, cette relation ne peut pas refléter Pour interpréter les résultats empiriques qui
une fonction d'offre de monnaie invariante au cours précèdent, il suffit de prendre en compte le seul revenu
du temps. Sur la période étudiée, le processus de permanent dans la fonction de demande de monnaie:
création monétaire a beaucoup changé: on a eu des
périodes d'étalon-or, d'autres de monnaie [1] Log[M/(p*y*)] = bLogy*+c,
où y* et p* y* représentent les revenus nationaux
inconvertible, le «Federal Reserve System» est apparu en permanents par tête, respectivement en volume et en valeur, et
1913, etc. Friedman estime, en revanche, qu'elle M la demande de monnaie par tête.
traduit une fonction de demande de monnaie stable.
Un de ses articles (1959) précise les caractéristiques Il va apparaître judicieux de poser que les grandeurs
de cette fonction par les constatations empiriques permanentes sont une moyenne pondérée de
suivantes effectuées sur la période 1 869-1 957 : valeurs passées et courantes des grandeurs effectives:
premièrement, dans le long terme, l'élasticité de la 00
demande d'encaisse par rapport au revenu national, Logy* = (1 -a) l =I o a' Log y_,
tous deux réels par tête, est très supérieure à 1 (1,81 12]
selon l'estimation économétrique (5)). Ce résultat est = (1 -a) Logy+ a Log y*,.
confirmé par des régressions en coupe instantanée à
travers les différents états des Etats-Unis. Il est 00
résumé par l'expression imagée, empruntée à la théorie Logp* = (1-a) I a' Log p_j
i=o
microéconomique du consommateur: la monnaie
est un «bien de luxe». Il faut signaler que la définition = (1-a) Logp+ a Logp?1,0< a < 1
de celle-ci utilisée pour ce résultat est M 2, c'est-à-
dire les moyens de paiement M1 plus la Dans le long terme, la différence entre grandeurs
quasi-monnaie gérée par les banques. L'élasticité de long terme courantes et permanentes s'estompe. Aussi, 1 + b
de la demande de M 1 par rapport au revenu national est égal à l'élasticité de long terme de la demande de
est beaucoup plus proche de 1, ce qui est en accord monnaie par rapport au revenu réel, tous deux par
avec l'intuition, tête, qui est, comme on l'a vu, de 1,81. Friedman
estime encore le coefficient de pondération a de [2] à :
deuxièmement, dans le court terme, l'élasticité de la 2/3.
demande d'encaisse par rapport au revenu national
(réels par tête), est supérieure à sa valeur de long Cette formalisation implique encore que dans la
terme durant la période de dépression du cycle des période d'expansion du cycle des affaires, le revenu
affaires, et inférieure à celle-ci durant sa période courant augmente plus vite que le revenu permanent
d'expansion. La vitesse de circulation de la monnaie et l'élasticité de la demande de monnaie par rapport
(revenu national en valeur/masse monétaire) est en au premier devient inférieure à celle par rapport au
opposition de phase par rapport au cycle des affaires second. On a le contraire dans la période de
tel qu'identifié par le NBER. récession du cycle, ce qui est en accord avec les résultats
empiriques qu'on a donnés un peu plus haut (6).
La théorie de la demande de monnaie qu'établit
Friedman (1956, 1970) essaie de rendre compte de Ce cadre théorique très simple va suffire à expliquer
l'ensemble des résultats empiriques qui précèdent. la liaison empirique, notée précédemment entre offre
Pour cet auteur, la monnaie est un actif entrant dans de monnaie et revenu national. On déduit facilement
le patrimoine de chaque agent. La quantité que celui- de [1] et [2]:
ci en détient résulte d'un choix de gestion de
portefeuille et dépend d'abord de son patrimoine (défini [3] Log Y = (Log M - a Log M.,)/ [(1 -a) (1+ b)]
comme la somme de la richesse au sens étroit ou + [b/(1+b)] Logp-c/(1+b),
où Y désigne le revenu national courant nominal par tête.
commun de ce mot et du capital humain). Comme
cette grandeur est difficilement mesurable, Friedman Pour rendre compte des conséquences d'une
propose de l'approximer par le revenu permanent, modification de l'offre de monnaie sur Y, il faut compléter
c'est-à-dire le flux de revenu constant que peut cette équation par une autre expliquant comment une
assurer ce patrimoine éternellement à son détenteur. La variation de Y se répartit entre un changement de
demande de monnaie dépend aussi des taux de volume y et de prix p. Cela sera fait pages 10-11. Ici,
rentabilité des titres et des actions, plus-values nous nous bornerons à supposer qu'une variation
anticipées comprises. D'autres variables explicatives relative du revenu national nominal dY/Y se
«extra-économiques» sont ajoutées afin de refléter, décompose en les variations e dY/Y en volume et (1 -e) dY/Y
par exemple, l'incertitude du moment (5). en prix. On verra plus bas que e est proche de 1 dans
la période qui suit l'augmentation de M [Friedman et
Enfin, la fonction de demande de monnaie est stable Schwartz (1963) posent: e = .8], puis qu'il tend
et dépend d'un nombre limité de variables. Cette progressivement vers 0.
stabilité est plus forte que celle d'autres fonctions de
comportement telles celle de consommation. Elle est Si, au début de l'année t, M augmente de 1 %, le
valide sur le très long terme. Cette opinion est revenu national par tête augmente en pourcentage de:
identique à celle d'Allais (par exemple 1966) et opposée 1/[(1-a) (1 + be)] = 1,83% durant l'année t et de:
à celle de Keynes (1937). 1/(1 + be) les années suivantes. Ce dernier multipli-
cateur sera égal à 0,61 % dans le court terme et Friedman dans sa réponse à Tobin) est que le modèle
concernera pour l'essentiel une augmentation en volume. est encore incomplet. Il convient de substituer au
Il tendra vers 1 % dans le long terme, quand e se paramètre e fixe, une équation expliquant comment
rapprochera de 0, et ne représentera plus alors qu'une s'effectue la répartition des variations du revenu
augmentation de l'indice des prix. nominal entre volumes et prix. C'est ce que nous
allons examiner maintenant.
Pour étudier le lien entre le cycle de l'offre et
monnaie et celui du revenu national, il sera pratique de
réécrire [3] en temps continu (en omettant le terme L'équation de Phillips
constant) :
Les monétaristes complètent leur modèle par une
[4] Log Y = [(1 -a) Log M + a M/M] / [(1 -a) (1 + b)]
+ [b/(1+b)] Log p équation de Phillips sans illusion monétaire durable.
Ils donnent deux justifications différentes de celle-ci :
Différentions cette équation en notant par D la première d'inspiration néo-classique où les prix
l'opérateur differentiation et refaisons la même hypothèse sont flexibles et les marchés en équilibre à chaque
sur la répartition des variations du revenu national instant, la seconde, bien connue des économistes
entre volume et prix: keynésiens où le taux de salaire nominal est rigide
dans le court terme et où il existe un chômage
[5] Y/Y = [(1-a) M/M+ aD (M/M)] /[(1 -a) (1 + be)] involontaire.
Supposons que le taux de croissance de la masse La technologie de la production est représentée par
monétaire ait une évolution sinusoïdale d'amplitude une fonction de Cobb-Douglas:
Am et de période T:
[10] y = AKaLi-ar
[6] M/M = Am sin (2 7rt/T)
où y désigne la production en volume, K le capital
[5] se réécrit: productif et L la main-d'œuvre employée. Les entreprises
déterminent leur demande de travail Ld et leur production de
Y court terme en maximisant leur profit, les prix et le capital
[7] (1-a)(1 + be) [(1-a) sin (2 7rt/T)
"7 ~(T productif étant donnés:
+ a (2tt/T) cos (2 [1 1j |_d _ K U 1 _ a) A p/w] 1 1 a,
Définissons les deux paramètres A et t par : où p et w sont les indices des prix et du taux de salaire
nominal.
[8] A cos (2 tit/T) = 1 -a ; À sin (2 tit/T) = a (2 n/T)
Nous allons supposer maintenant que l'offre de
Alors [7] se réécrit: travail L° est une fonction croissante du taux de salaire
191 • 4=nAaMi/be)Sin[2*"+ réel, tel qu'il est ressenti ou évalué par les salariés.
Nous définissons celui-ci en supposant que les
salariés connaissent parfaitement leur taux de salaire
Le taux de croissance du revenu national suit une nominal, mais ont une appréciation entachée
évolution sinusoïdale qui a même fréquence, une d'erreur du coût de la vie: p* et non p:
amplitude A/[(1-a) (1 + be)] fois plus élevée, et une
avance de phase de t années, par rapport à l'évolution [12] = Lo(w/p*)°;o->0
de celui de la masse monétaire.
L'équilibre du marché du travail conduit les
Suposons que T = 8 ans et qu'on puisse prendre pour entreprises à produire :
ce calcul : e = 0,6. Alors le taux de croissance du [13] = A' (p/p*)(1 -a) o7(1 + ao),
revenu national suit une trajectoire sinusoïdale d'une A' constant.
amplitude 1,41 fois plus élevée, et en avance de
phase de 1,28 année, par rapport à celui de l'offre de En différentiant cette équation et en négligeant les
monnaie. Ces résultats se comparent variations de K, nous obtenons:
avantageusement avec ceux obtenus par Friedman et Schwartz
(1 963) et donnés page 7. 1 J p dt p* dt y dt
L'accord n'est cependant pas parfait. Tobin (1970) m constant et positif.
avait fondé l'essentiel de sa critique sur le fait que le (1/p#) (dp*/dt) représente le taux d'inflation, tel que
modèle qui précède ne permet pas d'expliquer l'évaluent ou le ressentent les salariés. Friedman (par ex. 1 970)
l'avance de phase du taux de croissance de la masse supposait qu'il s'adaptait progressivement au taux
monétaire par rapport au niveau du revenu national d'inflation courant:
qu'observaient Friedman et Schwartz. Une première
explication, déjà évoquée, de cette contradiction est
que le taux de croissance de la masse monétaire suit
une évolution grossièrement périodique mais non Les nouveaux économistes classiques préfèrent
sinusoïdale. Une deuxième explication (donnée par supposer qu'il résulte d'un calcul rationnel des salariés

10
[pour une revue de littérature, voir Sargent (1979, des fluctuations économiques. Ce modèle et
chap. 13)]. Limitons-nous à l'hypothèse [15] de quelques-unes de ses variantes ont été présentés par
Friedman et rappelons l'identité reliant les variations Friedman (1970, 1971). Il est dommage que cet
de la production en valeur et en volume: auteur n'ait jamais cherché à l'estimer sur les séries
comptables longues qu'il a étudiées avec Schwartz
[16] dY/Y = dy/y+dp/p et Meiselman. Taylor ( 1 976) a estimé la forme réduite
du modèle sur ces séries, mais aussi sur des séries
Alors [14] se réécrit: contemporaines (1952-1980). Il a confirmé les
[17] M1 + m v —1 -7-
dp = —1 jr-^-
dp* + m -1 —
dY conclusions de Friedman en montrant qu'une
p dt p* dt p dt augmentation de 1 % de la masse monétaire M, entraîne une
,

élévation du taux de croissance du revenu national


Dans le court terme, une augmentation de Y de 1 % nominal de 1,4 à 1,5% au bout d'un an. Celui-ci suit
implique une élévation en pourcentage du niveau des alors un processus oscillatoire très amorti, puis, après
prix p de: m/(1 + m) (cette grandeur est égale au: 2 ans 1/2 à 3 ans 1/2 se stabilise à une valeur de 1 %
1-e=.2, du paragraphe précédent), qui ne se supérieure à celle qu'il aurait eu en l'absence de
répercute pratiquement pas sur l'indice des prix p* ressenti l'accroissement de M. Il est dommage que Taylor n'ait
par les salariés. Dans le long terme, cette pas donné de résultats sur les effets de cette mesure
répercussion est totale et l'augmentation du niveau des prix de politique monétaire sur le revenu national en
est de 1 %. Ce développement théorique permet de volume et sur le niveau des prix, et qu'il n'ait pas estimé
comprendre pourquoi un accroissement du rythme la forme structurelle du modèle, ce qui aurait permis
d'expansion monétaire a un effet appréciable sur la des comparaisons avec les valeurs des paramètres
production et l'emploi, et faible sur les prix dans le proposées par Friedman pour a et b.
court terme. En revanche, dans le long terme le seul
effet est un accroissement du taux d'inflation. La La simplicité du modèle monétariste contraste avec
politique monétaire (et plus généralement selon la complexité de la plupart des modèles
Friedman la politique conjoncturelle) ne peut pas avoir économétriques keynésiens qui comprennent parfois plusieurs
d'effet durable sur la production et l'emploi. milliers d'équations. Une différence essentielle (peut-
être la plus importante) entre les deux écoles porte
sur la méthode.
Mais l'équation [14] peut recevoir une interprétation Les keynésiens (à peu d'exceptions près) essaient
différente, qui aura l'agrément des économistes d'identifier un maximum de comportements et de
keynésiens. Les salaires nominaux sont rigides dans le mécanismes élémentaires, ainsi que de détails
court terme, ils sont les principaux facteurs institutionnels, et ils tentent d'articuler cette prise en
déterminant les prix de vente des entreprises et il existe un compte de la totalité des multiples aspects de
chômage involontaire. Dans le moyen terme, les l'économie dans un modèle qui ne peut qu'être de grande
salaires augmentent d'autant moins vite (ou baissent) taille. Les monétaristes considèrent cette démarche
que le chômage est fort: comme déraisonnable: notre connaissance des
détails de fonctionnement de l'économie est beaucoup
trop incomplète, et ces détails et leurs interaptions
beaucoup trop complexes, pour qu'un tel modèle ne
où Un représente le taux de chômage. soit pas une caricature grossière de la réalité. Cette
[19] p = (1 + ^)w caricature donne de plus des résultats le plus souvent
où fi représente un taux de marge fixe des entreprises. biaises, en sous-estimant les effets de la politique
monétaire et en surestimant ceux de la politique
Enfin, le taux de chômage est inversement relié à la budgétaire ainsi que la durée de ces deux effets.
production en volume y.
Essayons de préciser la critique monétariste des
Certains monétaristes préfèrent la première modèles économétriques keynésiens. Dans la plupart
justification de [14]. D'autres, par exemple Laidler (1981), de ceux-ci la politique monétaire exerce ses effets
optent pour la seconde et trouvent ainsi un point selon un canal unique passant par les taux d'intérêt.
d'accord avec les keynésiens. Friedman semble avoir Ce processus d'intégration avait été présenté par
admis les deux (1968), puis s'être désintéressé de la Keynes (1 937) et peut se résumer par le modèle :
dernière (1977). Mais le débat, pour aussi important M = L (T) _
qu'il soit, est à la périphérie du monétarisme qui n'a [20] K =k (q,i) +
besoin que d'une équation du type [14], quelle que y =c (y-T)+ l(q)+g
soit sa justification (7).
i représente le taux d'intérêt, K le capital fixe, q le prix
du capital installé, y la production, c la propension à
Monétarisme et keynésianisme consommer, I l'investissement et g la consommation
publique. La première équation est l'équilibre sur le
L'analyse théorique précédente constitue le modèle marché de la monnaie, la seconde l'équilibre sur le
monétariste qui se propose de donner une explication marché du capital, et selon la troisième, la produc-

11
tion est déterminée par la demande. Ce modèle est Les tests économétriques
decomposable, ce qui rend très apparent le canal de
transmission des effets de court terme d'une hausse
de l'offre de monnaie: d'abord le taux d'intérêt Les vérifications empiriques présentées plus haut
diminue, puis le prix du capital installé augmente et recourent à des méthodes de statistique descriptive
finalement l'investissement et la production deviennent ou à des calculs de corrélation appliqués à des
plus élevés. données de longues périodes. Il nous faut maintenant
examiner des travaux plus récents, recourant à des
Mais la simplicité de ce résultat est due à ce que ce méthodes plus sophistiquées sur données
modèle a été spécifié a priori d'une façon qui le rend contemporaines. Nous examinerons le modèle de Saint-Louis,
decomposable et qui néglige d'autres canaux de puis les travaux de Sims.
transmission. Brunner et Meltzer (1972) mettent en
évidence l'un de ceux-ci, que les économètres
keynesiens ignorent le plus souvent (probablement à Modèle de Saint-Louis
cause de la difficulté de le prendre en compte car il
n'a rien de fondamentalement contraire à la La première équation du modèle de Saint-Louis
conception de leur école), par le modèle: détermine le Produit national brut (Pnb) nominal en
M = L (q) + fonction des choix présents et passés de politique
[21] y =c (y-J) + l(q)+ g monétaire et budgétaire :
K = k (q, i) 4 4
AYt = 2,67 + E m,AMt_,+ I giAGt_i
La monnaie est substituable à tous les biens durables i=o i=o
et aux titres les représentant: automobiles, [22] mo=1,22, m, = 1,80 m2=1,62, m3 = 0,87,
immeubles et capital productif. Une hausse de l'offre de m4 = 0,06, Zmj = 5,57
monnaie entraîne directement (et indépendamment go = 0,56, g, =0,45, g2 = 0,01, g3 = -0,43,
de tout mouvement des taux d'intérêt) une g4= -0,54, Ig; = 0,05
augmentation des prix de ces biens existant actuellement
(sur les marchés d'occasion, immobiliers, la Bourse), A Yt, A Mt et A Gt représentent respectivement
ce qui encourage la fabrication de biens neufs (la l'augmentation du Pnb nominal, des disponibilités monétaires M 1
hausse du prix des immeubles entraîne un et des dépenses du gouvernement fédéral dans le budget
accroissement de la construction immobilière) et la de plein emploi, pour le trimestre t et en milliards de
production augmente. dollars. Les valeurs des paramètres résultent des estimations
sur données trimestrielles d'Andersen et Carlson (1970)
par la méthode d'Almon et sur la période: 1/1953, IV/
En fait, ces deux canaux de transmission devraient 1969. Une estimation plus récente (période: 1/1953,
être inclus dans l'univers ultra-simplifié qu'on vient M/1973) de ces auteurs (1974) n'a donné lieu qu'à une
d'examiner. Pour sa part, un modèle réaliste devrait publication partielle de résultats différant peu de ceux
prendre en compte une multitude de ceux-ci. Mais donnés ici.
les modèles keynesiens se bornent à en inclure un
nombre très limité, en général ceux faisant intervenir
quelques taux d'intérêt bien spécifiques. En s'expri- L'équation est dans la lignée des travaux de Friedman
mant de façon plus générale, nous pouvons dire que et Meiselman (1963), sauf que l'indicateur de
la critique monétariste des modèles keynesiens est politique budgétaire est maintenant un peu plus
d'abord celle du nombre considérable de zéros posés convaincant et que l'estimation se fait grâce à un modèle
a priori dans leur matrice d'incidence, ce qui conduit trimestriel à retards échelonnés sur données de
à représenter une économie interdépendante par un l'après-guerre. Les résultats sont compatibles avec
système decomposable à quelques «feedbacks» près. ceux de Friedman (sauf que les délais d'effet de la
politique économique sont maintenant
Pour leur part, les monétaristes estiment qu'on peut particulièrement courts et précis). Une augmentation des
être assuré de la stabilité et de la simplicité de dépenses de l'Etat (à disponibilités monétaires inchangées)
certaines relations entre grands agrégats et que l'analyse n'exerce un effet expansionniste sur le Pnb nominal
et la politique économique doivent être fondées sur que durant 3 trimestres. Au bout de 5 trimestres, le
celles-ci. Ce ne serait qu'un peu polémiquer que de Pnb reprend le niveau qu'il aurait eu en l'absence de
suggérer que les monétaristes sont des cette mesure de politique économique qui est
macroéconomistes sans complexes ni illusions, alors que les entièrement compensée par une baisse des dépenses des
keynesiens en seraient d'un peu naïfs et complexés autres agents («crowding out effect»). Une
à l'égard des microéconomistes. Dans son augmentation des disponibilités monétaires entraîne dans
excellente revue du monétarisme, Mayer (1975) proposait un «long terme» de seulement 5 trimestres un
les termes: «oversimplifiers» et «cloud makers» pour accroissement 5,57 fois supérieur du Pnb nominal.
qualifier respectivement les deux écoles.
Les autres équations du modèle répartissent la
variation du Pnb nominal AYt entre celle du niveau des
prix Apt et celle du Pnb en volume Ayt. Ces équations
sont principalement une identité comptable reliant

12
les Pnb en volume et en valeur, deux définitions de mique dans la réalité soient proches de ceux de MPS,
variables intermédiaires (pression de la demande Dt c'est-à-dire que ce modèle soit valide en variante. La
et variation anticipée du niveau des prix Ap*) et une faible stabilité du modèle est en tous les cas peu
équation de prix déterminant Apt en fonction de Ap* réaliste. On ne sait d'ailleurs pas si le modèle est stable
et des valeurs présentes et passées de Dt. On en ou si le retournement de Yt au bout de 8 trimestres
déduit qu'une augmentation maintenue de la masse n'annonce pas une oscillation divergente de celui-
monétaire agit dans un premier temps sur le Pnb en ci (8, 9). En fait, Ando et Modigliani illustrent la
volume, puis ensuite sur le niveau des prix. Ces deux possibilité que les estimateurs du modèle de Saint-Louis
grandeurs ont alors une évolution cyclique amortie. soient biaises, mais ne font rien de plus.
Dans le très long terme, le Pnb en volume rejoint son
niveau initial et l'augmentation du Pnb nominal se Stein (1980) fait une critique plus positive. Il présente
reflète intégralement dans celle du niveau des prix. un modèle « IS - LM » dynamique de 3 équations, dont
La modélisation et les résultats empiriques sont les effets de long terme d'une augmentation de la
encore en accord avec le monétarisme de Friedman. masse monétaire AM et de la consommation par
période de l'Etat A G sur le Pnb nominal sont
Les critiques ont essayé de montrer que la méthode respectivement 3 AM et 2,5AG. Il montre, d'un point de vue
d'estimation économétrique utilisée tendrait à théorique et empirique que, si la politique
donner aux paramètres des valeurs biaisées vers économique ne fixe pas la masse monétaire mais le taux
l'acceptation des thèses monétaristes. L'économétrie de d'intérêt ou son évolution, ou encore si l'offre de monnaie
Saint-Louis est encore frustre, mais la sévérité n'est dépend positivement du taux d'intérêt (fonction de
pas de mise : l'analyse des séries économiques réaction), et si on simule le modèle pour obtenir les
temporelles n'était pas encore bien avancée en 1970 et séries temporelles permettant de régresser l'équation
l'économétrie des équations les plus importantes des [22], l'estimateur de l'effet de long terme de la
gros modèles keynésiens (celles d'investissement par politique monétaire Znrij est biaisé vers le haut (les
exemple) n'est pas beaucoup plus sophistiquée. résultats sont entre 4 et 5,8) et celui relatif à la politique
budgétaire Egt l'est vers le bas (il varie entre 0 et
Ando et Modigliani (1976) ont remarqué que dans le 2,1). Ces deux biais sont d'autant plus forts que la
modèle M PS (construit aux Massachusetts Institute fonction de demande de monnaie varie peu au cours
of Technology, University of Pennsylvania et Federal du temps. Or, Stein remarque qu'il en était ainsi dans
Reserve System) une augmentation maintenue à les années 50 et 60, mais moins dans les années 70,
chaque trimestre des achats de biens par l'Etat AG, et qu'une réestimation de [22] sur les vraies données
implique un accroissement progressif du Pnb de la période 1960/1 - 1976/2 donne pour ces
nominal Y jusqu'à un niveau égal à 3,1 AG au bout de 8 multiplicateurs les valeurs: 4,6 et 1,6 [B. Friedman (1977)].
trimestres, puis une lente diminution de cette Cela pourrait expliquer une certaine imprécision des
augmentation. Un accroissement une fois pour toute de prévisions du modèle de Saint-Louis.
la masse monétaire AM implique une croissance
assez régulière de Y, qui atteint 2,8 AM au bout de Bien sûr, là encore Stein ne montre qu'une
8 trimestres et semble se prolonger ultérieurement. possibilité. Cependant, son cas apparaîtra renforcé plus bas
Ces résultats sont donc très différents de ceux du quand on aura montré que l'hypothèse de variations
modèle de Saint-Louis. Ces auteurs ont alors tenté autonomes du taux d'intérêt causant celle de l'offre
de montrer que l'estimation directe d'une équation de monnaie n'est pas en contradiction avec la réalité.
du type [22] peut donner des résultats extrêmement
biaises. Pour cela, ils ont simulé dynamiquement leur Elliot (1975) a, pour sa part, abordé l'estimation de
modèle sur le passé, en donnant aux variables [22] en traitant de façon plus rigoureuse le problème
exogènes, et à celles endogènes à l'instant initial, les de l'exogénéité des disponibilités monétaires et
valeurs qu'elles avaient effectivement prises. La celui des retards échelonnés. Son résultat est en accord
série obtenue pour Y est proche de celle qu'on peut avec celui que suggérait Stein : la politique monétaire
observer dans la réalité. Les auteurs effectuent alors a des effets un peu moins puissants que ce que
la régression [22] sur cette série artificielle. Les concluaient Andersen et Carlson, mais largement en
résultats obtenus sur les effets des politiques accord avec le monétarisme (et en conséquence en
budgétaire et monétaire sur le Pnb nominal ont quelque fort désaccord avec le keynésianisme). Bref, si le
similarité avec ceux d'Andersen et Carlson, mais monétarisme extrémiste de Saint-Louis est rejeté, celui,
diffèrent nettement de leurs valeurs vraies pour MPS. plus modéré, de Friedman est confirmé.

Cette expérience est provocatrice mais peu


convaincante. La simulation dynamique de MPS a été Sims
effectuée sur sa période d'estimation et le modèle a été
construit et estimé de façon à pouvoir générer des Certains économistes recourent à l'induction
séries des principaux agrégats (en particulier le Pnb statistique pour découvrir si les fluctuations de l'offre de
nominal) proches de celles observées. Il n'est donc monnaie résultent, au moins en partie, de celles de
pas étonnant que le modèle de Saint-Louis se cale la conjoncture. Si non, l'interprétation de Friedman
de façon approximative sur cette série simulée. Mais des fluctuations économiques est confirmée. Si oui,
rien ne prouve que les effets de la politique cela peut refléter un choix de politique reliant l'offre

13
de monnaie à la situation conjoncturelle (fonction de d'intérêt et de chômage et, conditionnellement à
réaction) et s'il peut être facilement révisé, ces deux variables, «cause» faiblement la production
l'interprétation monétariste reste valide. Cela peut aussi en volume et en valeur. Cela infirme le résultat
traduire le résultat d'un jeu socio-politique antérieur et confirme les remarques de Stein notées
difficilement modifiable : par exemple, les syndicats de précédemment. Nous avons, cependant, donné de
salariés et d'employeurs s'accordent sur des bonnes raisons pour qu'il paraisse douteux que ce résultat
augmentations salariales que les autorités sont obligées de infirme de façon appréciable le monétarisme. En fait,
financer par création monétaire pour éviter les faillites la portée de ces tests est très ambiguë. Avec les séries
et le chômage qui, autrement, auraient lieu. dont on dispose en économie, il est certain qu'ils sont
L'augmentation de la masse monétaire reste la condition peu puissants [voir les bonnes critiques de Zellner
nécessaire de l'inflation, mais les autorités sont (1979) et Schwert (1979)]. On peut douter qu'ils
impuissantes à la limiter. Ceci semble le point de vue ajoutent grand-chose à des analyses historiques et
actuel des économistes radicaux [par exemple : Kahn institutionnelles comme celles de Friedman (cf. page
(1976)]. S'il est valide, une politique monétariste est 8). Enfin, on peut se demander si, pour être
impossible et une analyse de la conjoncture, selon parfaitement clair, un test du monétarisme ne devrait pas
cette ligne, a une portée limitée. L'analyse de la s'effectuer dans le cadre d'un modèle général
dépendance de la masse monétaire par rapport à l'état regroupant cette hypothèse et d'autres alternatives (10).
de la conjoncture est également importante si on
veut estimer sans biais des équations du type [3] ou Avant de clore ce paragraphe, on se doit de faire
[22]. quelques remarques sur la méthode d'analyse des
séries temporelles développée par Sims (1980) dans
Les tests développés par Granger et Sims [voir par un article d'Econometrica, qui a des objectifs
exemple Geweke (1980)] sont complexes et nous beaucoup plus ambitieux que de tester le monétarisme.
nous bornerons ici à en faire saisir l'essentiel de façon Cette méthode consiste à représenter l'évolution d'un
simple, mais au prix de quelques approximations. petit nombre de variables économiques (une demi-
Toutes les variables sont supposées suivre un douzaine par exemple), par un modèle linéaire
processus stochastique stationnaire du second ordre et dynamique multivarié : chaque variable dépend des valeurs
non déterminable. Cela nécessite bien sûr une retardées sur 4 ou 8 trimestres de l'ensemble. Une
transformation préalable de certaines des données telle méthode permet entre autres d'estimer de façon
économiques brutes. directe des multiplicateurs dynamiques de politique
économique, ce qu'avait déjà tenté de faire le modèle
Considérons une première variable Xt, un ensemble de Saint-Louis, de façon moins rigoureuse. L'esprit
d'autres variables : Z1t,..., Znt, et une dernière variable de la méthode de Sims est donc très monétariste et
Ut. On peut cherchera prévoira la date t, Xt + 1, en se il serait intéressant, là encore, de comparer ces
fondant sur l'information contenue dans les valeurs estimations directes des multiplicateurs à celles indirec-
courantes et passées de : Xt, Z1t, Znt, par une formule rectes calculées sur les gros modèles keynésiens.
linéaire:
00
[23] = E (
i= 0

Les recommandations
Cette prévision est bien sûr entachée d'erreur. On de politique économique
dira que Ut «cause» Xt relativement à l'ensemble:
Z1t,..., Znt, si la connaissance des valeurs présentes et
passées de Ut permet d'améliorer la prévision
précédente de Xt + 1 (c'est-à-dire en diminue la variance Les monétaristes tirent deux conclusions de leurs
de l'erreur). Le terme de causalité est mal choisi et analyses empirique et théorique: il faut surveiller et
est source d'ambiguïtés dans la littérature, alors qu'il contrôler l'évolution de la masse monétaire pour
ne s'agit que de contribution à une prévision à côté stabiliser la conjoncture et limiter l'inflation; il faut
d'un certain nombre de variables préalablement éviter d'accorder trop d'importance à l'évolution des
choisies. taux d'intérêt. Mais Friedman et certains autres vont
plus loin: il faut renoncer à une politique
Sur données de l'après-guerre, Sims (1972) et Geweke discrétionnaire et lui substituer une règle simple d'évolution de
(1980) trouvent qu'en l'absence de variables Zit, la la masse monétaire. Ces points seront examinés
masse monétaire «cause» le revenu national en successivement.
valeur, mais la réciproque n'est pas vraie. Cela confirme
l'analyse monétariste et la validité d'estimer des
équations du type [22] par les moindres carrés ordinaires. Surveiller et contrôler
l'évolution de la masse monétaire
Mais pour Ashley et Granger (1979) ainsi que Sims
(1980) dans un article de l'American Economie Les résultats des analyses empirique et théorique du
Review, la masse monétaire est «causée» par les taux monétarisme peuvent se résumer sous deux titres:

14
les variations de l'offre de monnaie sont une cause autorités. Ces études ne peuvent que conduire à
essentielle des cycles économiques (elles expliquent retenir plusieurs agrégats. Des innovations financières
de l'ordre de 50% de la variance du produit national peuvent conduire à redéfinir ceux-ci comme on l'a
nominal autour de sa trajectoire de long terme); vu ces dernières années aux Etats-Unis. Même en
l'absence de celles-ci, des agrégats meilleurs verront
un accroissement de la masse monétaire (1 %) probablement le jour avec le développement des
entraîne rapidement (un an) un accroissement important recherches en économie appliquée : par exemple, les
du produit national nominal, puis son évolution chercheurs du «Federal Reserve System» étudient
cyclique amortie, qui sera stabilisée au bout de trois ans la substitution à des agrégats construits par somme
environ à un niveau accru plus modéré ( 1 % pour M 1 , de diverses composantes, d'indices de Divisia sur ces
moins pour M 2). Les variations du produit national composantes [pour une revue récente, voir Barnett,
nominal reflètent dans un premier temps celles du Offenbacher et Spindt (1981) ]. Friedman avait
produit national en volume, puis ensuite de plus en minimisé ce problème en prétendant que toutes les
plus celles du niveau des prix. Au terme de 5 ans ou mesures sont équivalentes. Cela serait vrai en l'absence
plus, celui-ci aura augmenté dans la même d'innovations techniques ou de modifications des
proportion que la masse monétaire et l'effet réel aura disparu. avantages institutionnels (par exemple fiscaux) et des
Les délais d'action de la politique monétaire sont taux d'intérêt des différents actifs monétaires et
extrêmement variables. quasi-monétaires. Mais on sait combien ces
conditions sont loin d'être vérifiées dans la réalité [pour
En conséquence, la régularité de la croissance de une critique dans ce sens de l'argument de Friedman,
l'offre de monnaie est indispensable à celle de voir Laidler (1981)].
l'économie. La modération de l'expansion monétaire est
une condition nécessaire et suffisante de celle de
l'inflation. Si les autorités désirent freiner une
inflation trop élevée, et cela de façon durable, elles n'ont Eviter d'accorder trop d'importance
pas d'autre solution que de freiner la création à l'évolution des taux d'intérêt
monétaire. Mais sur un intervalle de temps qui sera assez
long et dont la durée est très incertaine, cette Reprenons l'équation de demande de monnaie [1].
politique aura des effets décourageants: le niveau d'activité D'après le développement théorique qui la précède,
de l'économie baissera, le chômage augmentera et il apparaît que les paramètres b et c sont des
l'inflation ne diminuera que fort peu. Ce n'est que fonctions décroissantes des taux d'intérêt des actifs
plus tard que la baisse de l'inflation remplacera celle financiers substituables à la monnaie dans les patrimoines
de l'activité économique. des agents. Comme les prix et revenu réel permanents
pp et yp ne peuvent changer que progressivement,
On peut raisonnablement supposer que l'effet une brusque augmentation de l'offre de monnaie se
récessif temporaire sera d'autant plus puissant et durable traduit par une baisse provisoire de ces taux.
que les rigidités de l'économie seront fortes,
notamment celles exercées par les syndicats et groupes de Mais, dans le long terme, une augmentation du taux
pression cherchant à promouvoir la progression du de croissance de l'offre de monnaie a pour
pouvoir d'achat de leurs seuls adhérents. Il peut donc conséquence un accroissement égal du taux d'inflation.
être judicieux de limiter le coût social temporaire Les agents tentent de se protéger de celle-ci en
de la seule politique anti-inflationniste possible, par orientant leurs placements vers des actifs réels et
d'autres mesures de politique économique visant à n'acceptent de détenir des bons du Trésor, obligations, etc.,
réduire ces rigidités. On peut ainsi chercher à limiter que si leurs rémunérations augmentent suffisamment
celles créées par les groupes de pression (les contrats pour compenser la perte de pouvoir d'achat de ces
de long terme, les clauses d'échelle mobile, etc.), soit titres.
par des mesures autoritaires, soit par une politique
des revenus négociée. Mais toutes ces politiques ne Ainsi un taux d'intérêt élevé peut refléter une
sont que des mesures d'accompagnement d'un politique monétaire soit restrictive et récemment mise en
ralentissement du taux d'expansion monétaire. Elles ne place, soit dont le laxisme existe depuis longtemps.
peuvent pas s'y substituer et doivent être temporaires. Supposons que les autorités décident de fixer les
L'évaluation de leurs efficacités respectives est taux d'intérêt nominaux à des bas niveaux, afin de
importante et donne lieu à controverses, mais est relancer l'activité économique, réduire le chômage,
externe au débat sur le monétarisme. etc. Elles devront, pour cela, augmenter l'offre de
monnaie de AM par exemple. Mais, au bout d'un
Un problème important est celui de la définition de certain temps, la conséquence de cette mesure sera
l'agrégat monétaire qu'il faut surveiller et contrôler. d'accroître les prix en proportion et les taux d'intérêt
Cette définition doit d'abord être fondée sur des reprendront leurs valeurs initiales. Pour les maintenir
études empiriques montrant quels agrégats expliquent à un niveau déprimé il faudra, périodiquement,
le mieux le cycle économique ou pour quelle mesure injecter les quantités supplémentaires AM de monnaie
de la monnaie sa fonction de demande est la plus dans l'économie.
stable. Elle doit aussi prendre en compte la facilité et
la rapidité avec laquelle les différents agrégats Mais cela n'est qu'une partie de l'histoire. Les hausses,
monétaires peuvent être surveillés et contrôlés par les périodiquement répétées de l'offre de monnaie de

15
AM, finiront par entraîner une inflation plus élevée. le public), et qu'elles n'hésitent pas à les réviser
La conséquence en sera que les taux d'intérêt radicalement avant que leurs effets bénéfiques aient eu
nominaux tendront à monter et, afin de les maintenir à pleinement le temps de se manifester. Une explication
leurs bas niveaux, il faudra que les injections simple de cette attitude nous est donnée par le
périodiques de monnaie ne soient pas égales mais système politique américain. L'élection présidentielle
croissantes. a lieu tous les quatre ans en même temps que celle
d'une partie importante des corps législatifs et des
Mais alors, avec l'injection d'une quantité gouverneurs. La dernière année du mandat
grandissante de monnaie dans l'économie, le taux d'inflation présidentiel voit successivement les primaires, puis la
ne s'élèvera pas une fois pour toutes, mais croîtra. campagne proprement dite, puis une longue période où
L'aboutissement de la politique (keynésienne ?) de l'ancien Président reste encore en poste. Une partie
bas taux d'intérêts nominaux est une inflation à un importante de la deuxième année du mandat
taux croissant. Certains monétaristes utilisent ce présidentiel est occupée par la préparation d'élections
résultat comme point de départ d'une explication de renouvelant une autre partie du Congrès et des
l'aggravation de l'inflation du début des années gouverneurs. Tout cela ne favorise pas les perspectives
cinquante à nos jours. de moyen et long termes dans les choix politiques.

Une critique différente du sens des responsabilités


Substituer une règle simple des autorités politiques est que dans la situation
contemporaine où la monnaie a cours légal et forcé,
à la politique monétaire discrétionnaire? l'accroissement de son offre n'est plus soumise à une
contrainte de convertibilité. Il est alors tentant de
Friedman estime qu'afin de stabiliser au mieux les financer les dépenses budgétaires par émission
fluctuations conjoncturelles, les autorités doivent monétaire plutôt que par l'impôt. Mais comme le
s'imposer la règle de faire croître la masse monétaire montant nominal de ces dépenses est indexé sur le niveau
à un taux constant, indépendant de la situation de la des prix qui, lui-même est accru par cette émission,
conjoncture. Il justifie cette thèse par deux arguments celle-ci doit s'effectuer à un rythme accéléré et le
assez différents, l'un plutôt économique et l'autre taux d'inflation doit s'élever. On retrouve là une
politique. explication complémentaire de celle, donnée
précédemment, de l'accélération de l'inflation de la fin de la
Dans le premier, la fonction de demande de monnaie guerre à nos jours.
est suffisamment stable pour constituer la base d'une
analyse économique du cycle des affaires au cours Le système des changes fixes de Bretton Woods
de ces cent dernières années. Cependant, ni elle, ni (convertibilité de toutes les monnaies en dollars et
les autres composantes du modèle monétariste ne sous des conditions de plus en plus particulières du
permettent d'expliquer le temps nécessaire à la dollar en or) mettait un frein à cette politique, même
politique monétaire pour exercer ses différents effets. si celui-ci était moins efficace pour les Etats-Unis
On avait remarqué au début de cette partie que ce que pour les autres pays. L'écroulement de ce
délai était non seulement long mais encore très système a supprimé ce frein et il n'est guère surprenant
variable. Il ne peut pas être prévu ex-ante et une qu'il ait été accompagné d'une forte accélération de
politique discrétionnaire efficace est impossible. l'inflation dans les différents pays.
Friedman remarque que l'histoire montre que la
politique monétaire s'est avérée en général déstabilisante, Avant d'examiner les critiques de la règle de Friedman,
la forte variabilité de l'offre de monnaie contrastant il faut noter que si celle-ci peut sembler provocante
avec la stabilité de sa demande. Les retards des prises au public français contemporain, elle est loin d'être
de décisions, les délais pour qu'elles manifestent déraisonnable. L'Angleterre du 19e siècle constitue
leurs effets (et l'incertitude de leur durée) impliquent un précédent instructif (d'autres illustrations histori-
qu'une politique anticyclique ait souvent des effets riques pourraient d'ailleurs être données).
procycliques. Friedman signale aussi des cas de
politiques erronées (telle celle du «Federal Reserve En 1832, le gouverneur de la Banque d'Angleterre
System» dans les années 1930). Aussi, une règle de posa les principes d'action de la Banque dans ce
croissance de la masse monétaire à un taux constant qu'on appela la «Palmer's rule» qui prévoyait, afin
est bien préférable. Un de ses avantages est de d'éviter une crise financière, une politique
laisser invariantes et certaines les anticipations discrétionnaire quand les agents financiers souffraient d'une
d'inflation des agents. Bien sûr Friedman admet des pénurie de liquidité, mais seulement dans la mesure
exceptions à ces règles dans les périodes exceptionnelles où les réserves d'or de la Banque lui permettaient
(celles suivant une guerre par exemple). cette intervention (ses billets étant convertibles en
or). Cette politique s'avéra désastreuse lors des
Dans le second, les autorités sont incapables de crises de 1836-1837 et 1839. La spéculation se
prendre des décisions de politique conjoncturelle développa, encouragée par le fait qu'elle pensait pouvoir
dans une perspective de moyen terme. Leur compter sur la Banque d'Angleterre si les choses
comportement montre qu'elles fondent leurs choix sur tournaient mal. Mais quand cela arriva, c'est-à-dire
l'évolution la plus récente de l'économie (celle que perçoit quand les prix des biens spéculatifs baissèrent, la

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Banque d'Angleterre intervint trop tard, à un moment paramètres ont été estimés avec beaucoup
où la confiance avait suffisamment disparu pour que d'imprécision et sont régulièrement révisés, puisse imposer
les retraits des déposants et créditeurs, et avec eux une discipline suffisante à des autorités soumises à
le besoin de liquidité du marché, soient devenus très de nombreuses pressions et donc incitées à recourir
importants. Rapidement, comme conséquence de à la facilité d'un financement inflationniste et
son intervention, la Banque voyait ses réserves d'or d'interventions constantes? Dans les faits, la règle de la
fondre et était forcée de l'arrêter et de laisser la crise fonction de réaction a bien peu de chances d'être
suivre son cours, puis finalement intervenait à appliquée et on aura une politique monétaire
nouveau grâce au soutien de crédits internationaux. discrétionnaire.

L'échec de la «Palmer's rule» conduisit la Banque Si la croissance réelle de l'économie ralentit


d'Angleterre à renoncer aux politiques monétaires durablement (pour des raisons extra-conjoncturelles), il
discrétionnaires, ce qui fut institutionnalisé dans le conviendra, pour ne pas favoriser l'inflation, de
«Bank Charter Act» de 1844. La contrepartie des diminuer le taux d'expansion monétaire. Cette baisse de
billets fut constituée d'or, et d'un montant fixe et la croissance a frappé tous les pays industrialisés
limité de dette publique qui ne devait plus être après le second choc pétrolier. De plus, si la fonction
qu'exceptionnellement modifié. Si on excepte celle de Baring de demande de monnaie a des caractéristiques
de 1 890, la Grande-Bretagne ne connut plus de crise suffisamment stables pour permettre d'interpréter des
financière de 1866 à 1914. Le refus de la Banque données comptables sur longues périodes, la thèse
d'Angleterre de nourrir la spéculation et de jouer un de sa parfaite stabilité, émise jadis par certains
rôle de prêteur de dernier recours incita les agents monétaristes, n'est pas vérifiée dans les faits. La
financiers à la prudence. demande de monnaie a baissé, aux Etats-Unis au cours de
ces quinze dernières années de façon régulière, et
Le «Bank Charter Act» consacra le triomphe de la cela à la suite d'innovations financières diminuant la
«currency school» qui proposait des analyses et nécessité pour les agents de détenir une encaisse.
défendait des idées extrêmement voisines de celles des Cela justifie encore une diminution du taux de
monétaristes. Certes, l'accent était mis sur la stabilité croissance de la masse monétaire ou, si on préfère, valide
du système financier plus que sur celle de la un minimum de politique discrétionnaire.
conjoncture. Mais le lien entre masse monétaire et
conjoncture n'était pas ignoré. Les «bullionists» avaient fort Une politique monétaire qui cesse de surveiller les
bien analysé l'inflation anglaise, durant les guerres taux d'intérêt pour assurer que la masse monétaire,
avec Napoléon, comme résultant du cours forcé de mesurée sur des intervalles de temps très brefs
la livre et de l'expansion monétaire qu'il permettait. (semaine ou mois), croisse à un taux constant,
La récession et la baisse des prix qui, après ces déstabilise ces taux. On sait que les prix des actifs financiers
conflits, accompagnèrent le retour de la convertibilité en et monétaires et des biens durables (actions, devises,
or de la livre à sa parité d'avant 1797, et donc une matières premières) ont la caractéristique de fluctuer
forte contraction de la masse monétaire, furent aussi avec de fortes fréquences et amplitudes, alors même
bien compris par les économistes de ce temps. Les que leurs offres suivent des évolutions beaucoup plus
analyses et les faits monétaires, durant cette période, régulières. Il semble naturel de s'attendre à ce que
sont très instructifs pour ceux qui s'intéressent à la les taux d'intérêt se comportent de la même façon
période actuelle. Le lecteur trouvera de bonnes dès que les autorités monétaires cessent de les
introductions dans Schumpeter (1954, p. 688-750), Lévy- stabiliser. L'expérience américaine récente, que nous
Leboyer ( 1 982) et Viner ( 1 937). examinerons plus bas, confirme ce sentiment. La
théorie est celle-ci: si les banquiers reçoivent des
La mise en œuvre de la règle de Friedman nécessite informations («news») leur donnant l'impression que
des modifications institutionnelles importantes, mais les taux d'intérêt sur le marché monétaire vont
possibles. Il nous a semblé qu'il serait trop long de baisser dans peu de temps, la demande de monnaie
présenter celles qu'il propose dans un de ses livres banque centrale diminue et l'offre de celle-ci augmente
( 1 959) et d'autant que cela serait largement à la tout de suite. La baisse des taux est alors immédiate.
périphérie de notre sujet. Aussi, nous nous bornons à Les «news» comprennent évidemment les dernières
renvoyer le lecteur à cet ouvrage. Nous allons maintenant statistiques d'évolution de la masse et de la base
examiner les critiques de la règle de Friedman qui monétaire: si la croissance de celles-ci a été un peu
peuvent être regroupées en quatre rubriques. en-dessous des objectifs, les banquiers anticiperont
une injection de monnaie banque centrale par le
Cette règle n'est optimale que dans le cas de délais «Federal Reserve System». Mais il y a bien d'autres
extrêmement longs, ou de l'incertitude absolue de «news» exerçant leurs effets, même si l'évolution de
leur durée. Sinon, on peut en trouver de meilleures, la masse monétaire est parfaitement stabilisée: ainsi
où l'offre de monnaie varie avec l'état présent et l'annonce d'une augmentation des impôts conduira
passé de l'économie [fonction de réaction; voir par les agents à anticiper une diminution de l'émission
exemple Fischer et Cooper (1973), Cooper et Fischer de bons du Trésor et donc des taux d'intérêt. Ceux-ci
(1975), Taylor (1981)]. Mais on peut douter du évolueront donc rapidement et fortement en fonction
réalisme de ces règles plus sophistiquées. Comment des «news», si les autorités monétaires ne cherchent
espérer qu'une fonction de réaction compliquée, dont les pas à les stabiliser, au moins dans le très court terme.

17
La dernière critique découle d'un article justement System» aurait décidé de mener une politique
célèbre de Blinder et Solow (1973). Elle n'en constitue monétariste. Cela est inexact: depuis le début des années
pas cependant l'apport essentiel et, à notre avis, n'est 70 les autorités américaines fixent des objectifs de
pas très convaincante. Pour rendre parfaitement clair croissance de la masse monétaire et considèrent que
l'argument de ces deux auteurs il nous a semblé sa régulation est nécessaire à la stabilisation
préférable de le présenter dans un cadre plus simple et conjoncturelle et à la lutte contre l'inflation. Ces objectifs
plus particulier que celui auxquels ils recourent. prennent actuellement la forme de fourchettes de
Supposons que l'Etat ait un déficit budgétaire taux de croissance pour différentes définitions de la
d'exploitation (c'est-à-dire non compris la charge d'intérêt sur masse monétaire et pour l'année en cours. Des
la dette publique) dont la valeur réelle croisse au taux objectifs pour des périodes inférieures à l'année sont aussi
naturel de l'économie. Supposons encore que l'Etat donnés. Alors que s'est-il passé le 6 octobre ?
finance la totalité de ce déficit en émettant de la
monnaie dont la contrepartie totale soit constituée Le «Federal Open Market Committee» (FOMC) se
de crédits gratuits envers lui. Le taux d'émission de réunit périodiquement et donne des directives précises
la monnaie est supposé constant et l'écart entre au «Federal Reserve System» pour que ses
celui-ci et le taux de croissance naturel de l'économie interventions à l'open market permettent aux objectifs de
est le taux d'inflation, constant lui aussi. croissance de la masse monétaire d'être respectés.
Avant le 6 octobre, ces directives fixaient une plage
Cependant, si l'Etat s'est jadis endetté en finançant de variation très étroite aux taux d'intérêt du «Federal
certaines de ses activités par l'émission d'obligations, fund market» (Ffm), celui où les banques se prêtent
il ne peut, par hypothèse, financer les intérêts de ou s'empruntent mutuellement de la monnaie banque
celles-ci qu'en en émettant de nouvelles. Si leur taux centrale. Si les taux d'intérêt moyens avaient été
d'intérêt est supérieur au taux de croissance nominal déterminés à un niveau trop bas pour empêcher une
(taux de croissance naturel plus taux d'inflation) de expansion trop forte de la masse monétaire, par suite
l'économie, la valeur de la dette publique augmente soit d'une erreur de prévision, soit d'une baisse
plus vite que les autres grandeurs nominales de transitoire de la demande de monnaie, le «Federal Reserve
l'économie. En terme mathématique on dira qu'elle diverge System» n'avait aucune possibilité d'empêcher cette
par rapport à la trajectoire de croissance équilibrée expansion jusqu'à la prochaine réunion du FOMC.
que suit le reste de l'économie. D'autre part, à cette réunion, les membres du FOMC
n'acceptaient pas de fixer des taux sur le Ffm
Jusqu'à présent nous avons supposé que la dette suffisamment élevés pour qu'une faible augmentation
sous forme de titres n'avait pas d'effet sur le reste succède à la forte expansion de la quantité de
de l'économie. S'il n'en est pas ainsi, par exemple si monnaie et que l'objectif de croissance de la masse
la consommation des ménages en dépend, la monétaire soit respecté en moyenne. On peut, selon ses
divergence de la dynamique de la valeur nominale de la préférences, choisir entre deux raisons de ce fait.
dette publique entraînera celle de toute l'économie. D'abord, le FOMC ne se réunissant qu'avec une
Des simulations chiffrées [Laffargue (1980)] périodicité limitée (toutes les quatre à six semaines), la
montrent cependant que cette instabilité est très lente à correction sur les taux d'intérêt aurait dû être brutale
se manifester et a peu d'implications pour l'analyse et leur évolution en dents de scie nuisible. Ensuite,
conjoncturelle à laquelle s'intéresse le monétarisme. et nous paraphrasons Friedman (1982), parce que le
On peut aussi ajouter que Friedman ne doit pas FOMC est composé de keynésiens impénitents qui ne
estimer que sa règle de politique monétaire suffit à peuvent accepter de voir les taux d'intérêt nominaux
assurer la stabilité de l'économie quelle que soit la monter. Il résulte de cette procédure que les objectifs
politique budgétaire. Si on suppose que l'Etat réagit à de croissance de la masse monétaire furent dépassés
une dette publique en augmentant les impôts, ce qui systématiquement et de beaucoup. La victoire du
est une hypothèse raisonnable, l'instabilité de Blinder monétarisme, effective dans les intentions des
et Solow disparaît. autorités monétaires, était plus douteuse quant aux
décisions réellement prises par celles-ci.

Cette procédure fut modifiée le 6 octobre 1979. La


plage de variation autorisée des taux d'intérêt sur le
Conclusion: Ffm fut considérablement élargie, ce qui revint à
donner un pouvoir discrétionnaire important à la
l'expérience américaine après 1979 politique au jour le jour du «Federal Reserve System»
qui, en revanche, s'engageait à ce que les objectifs
de taux de croissance de la masse monétaire soient
La politique que mène actuellement M. Volcker (1 1) respectés en moyenne sur des périodes suffisamment
à la tête du «Federal Reserve System» nous fournit longues. Le «Federal Reserve System» n'a jamais cru
une expérience monétariste passionnante par laquelle que ces objectifs pourraient être satisfaits à chaque
on ne pouvait que conclure cette première partie. instant ou sur des périodes hebdomadaires ou
mensuelles, le lien entre l'offre de monnaie centrale qu'il
Le 6 octobre 1979 est souvent cité comme la date contrôle et la quantité de monnaie étant soumis à de
fatidique à partir de laquelle le «Federal Reserve multiples perturbations. Mais si, sur une brève pério-

18
de, il remarque que la masse monétaire tend à croître réserves obligatoires, dont le montant moyen est fixé
plus (moins) vite que l'objectif, il diminuera (accroîtra) pour la semaine t, sont calculées sur les dépôts moyens
son offre de monnaie banque centrale afin que, par de la semaine t-2: la demande de monnaie banque
la suite, la masse monétaire augmente moins (plus) centrale est ainsi largement prédéterminée.
vite que l'objectif. Ce faisant il ne se souciera pas des
hausses (baisses) transitoires des taux d'intérêt sur Depuis le 6 octobre 1979, le «Federal Reserve
le Ffm. Ainsi, le contrôle de la masse monétaire apparaît System » a réussi à diminuer appréciablement les taux de
possible sur des périodes supérieures à un trimestre. croissance de la masse monétaire. La thèse monétariste
est que les conséquences de cette politique doivent
Quels furent les résultats de la nouvelle procédure? être d'abord une hausse des taux d'intérêt nominaux,
Elle réussit sur son objectif essentiel. Les taux de ensuite une récession économique, enfin un
croissance de la masse monétaire mesurés en ralentissement de l'inflation et une baisse des taux d'intérêt
moyenne sur des périodes suffisamment longues, nominaux. C'est exactement ce qui s'est passé.
respectèrent les objectifs ou, si on préfère, ne furent plus
systématiquement très au-dessus. Mais, dans le très Ce résultat est obtenu au moment même où le
court terme, ces taux fluctuèrent à un degré Président Reagan mène une politique budgétaire de relance
appréciable et les taux d'intérêt sur le Ffm oscillèrent avec caractérisée par un déficit considérable. Incidemment,
une amplitude considérable. Cette variabilité se il suggère une réponse bien peu keynésienne à la
transmit à tous les taux d'intérêt et eut des conséquences question: quelle est de la politique budgétaire et de
dommageables pour l'économie américaine. Cette la politique monétaire celle qui est la plus
forte variation a deux raisons. puis ante (12)? Il s'explique aisément. L'épargne américaine
est particulièrement faible et les allégements fiscaux
La première a été donnée : une évolution parfaitement du Président Reagan ne peuvent avoir sur celle-ci
régulière de l'offre de monnaie ne stabilise pas les qu'un effet progressif et limité. Mais ces allégements
taux d'intérêt. Aussi, une politique monétaire devrait impliquent que l'Etat doit se financer fortement par
se fixer pour objectif de stabiliser ces taux dans le émission de bons du Trésor, c'est-à-dire par appel à
très court terme. Cela n'est pas incompatible avec l'épargne (le financement monétaire est exclu de par la
des objectifs à six mois ou un an de croissance de la volonté du «Federal Reserve System» de limiter
masse monétaire, et cela ne requiert pas un retour l'émission de monnaie), ce qui entraîne une forte
aux règles d'avant le 6 octobre 1 979. Cela ne condamne augmentation des taux d'intérêt. Celle-ci a pour conséquence
pas non plus la politique qu'a suivie le «Federal Reserve une baisse de la demande de biens et services, en
System» depuis cette date. Le contrôle de la masse particulier des investissements productifs et en
monétaire est l'objectif essentiel qui n'avait pas été bâtiments, et est à l'origine de la récession actuelle.
satisfait jusqu'en 1979. Il convenait donc que le
«Federal Reserve System» lui consacre toutes ses Précisons ce raisonnement. En principe la baisse,
forces. Avec le temps, il sera capable d'acquérir la actuellement observée, du taux d'inflation effectif
pratique nécessaire pour l'atteindre et d'effectuer les devrait entraîner celle du taux d'inflation anticipé et
réformes des structures monétaires indispensables des taux d'intérêt nominaux. Mais ces deux dernières
à un meilleur contrôle de la quantité de monnaie. diminutions sont tardives et encore hésitantes. Les
Alors, il pourra progressivement cumuler cette agents ne sont nullement assurés que les très fortes
maîtrise de l'évolution à six mois ou un an de la masse pressions politiques du Président et du Congrès (13)
monétaire avec une stabilisation des fluctuations au sur M. Volcker, ne finiront pas par conduire à un
jour le jour des taux d'intérêt. Il faut remarquer que si financement monétaire du déficit budgétaire, et ce
la détermination de contrôler la masse monétaire faisant, à une nouvelle inflation. Les taux d'intérêt
avait été moins forte, ce contrôle aurait échoué et la réels (ceux nominaux déduits du taux d'inflation
politique anti-inflationniste de M. Volcker, récemment effectif) ont atteint ces derniers temps des niveaux
nommé, aurait perdu sa crédibilité. Déjà, dès 1981, considérables, les plus élevés depuis la Grande
le «Federal Reserve System» semblait avoir une dépression. La baisse durable du taux d'inflation
maîtrise meilleure des fluctuations de la masse monétaire anticipé et des taux d'intérêt réels et nominaux ne pourra
et des taux d'intérêt qu'en 1 980. se faire qu'en contrepartie d'une politique crédible de
résorption du déficit budgétaire et d'un engagement
La seconde raison est que, dans le très court terme, crédible de ne pas recourir à un financement moné-
le «Federal Reserve System» ne contrôle pas nétaire de celui-ci. Les événements les plus récents
parfaitement la masse monétaire. S'il voit que celle-ci tend au moment où nous écrivons ces lignes (25 août 1 982),
à croître trop rapidement (lentement), il réagit en c'est-à-dire les décisions par le Président et le Congrès
diminuant (augmentant) son offre de monnaie banque de prendre des mesures énergiques pour réduire le
centrale. Or, la demande nette de celle-ci par les déficit budgétaire qui ont été suivies d'une forte
banques commerciales est peu élastique dans le très accentuation dans la tendance à la baisse des taux
court terme par rapport aux taux d'intérêt sur le Ffm, d'intérêt nominaux, sont particulièrement
et ceux-ci augmentent (baissent) considérablement. encourageants.
Cette faible élasticité a des causes institutionnelles
[auxquelles on pourrait remédier d'ailleurs par des
réformes, voir Friedman (1982)]. L'une est que les

19
Dans la première partie, les raisonnements théoriques
Le monétarisme sur le monétarisme ont concerné une économie
fermée (ou ont négligé les aspects économiques
en économie ouverte internationaux). Pour leur part, les tests empiriques ont
été relatifs aux Etats-Unis. Or, l'état de la conjoncture
américaine dépend peu de celle du reste du monde,
mais détermine largement celle-ci. Nous allons
maintenant examiner le monétarisme en économie ouverte,
tel qu'il peut s'appliquer à un pays de petite taille,
pour lequel la conjoncture internationale est à la fois
importante et subie. Nous consacrerons deux sous-
parties, largement indépendantes, d'abord dans le
cas où les taux de change sont fixes, ensuite dans
celui où ils sont flexibles. Nous concluerons par
l'expérience de la Grande-Bretagne de 1950 à 1975, qui
commença sous un régime des changes fixes pour
s'achever en changes flottants..

Le cas des changes fixes :


le problème du contrôle
de la masse monétaire

Une composante essentielle du monétarisme, tel


qu'il a été développé pour l'analyse et la politique
économique aux Etats-Unis, est que les autorités
économiques peuvent contrôler l'offre de monnaie.
Ce contrôle peut être difficile, nécessiter un courage
et une lucidité politiques qui ont pu manquer dans le
passé, exiger, pour être parfaitement efficace, une
expérience et des réformes dans les réglementations
qui pèsent sur les banques. Mais il n'est pas en
contradiction avec les caractéristiques les plus
importantes du système économique, politique et social
des Etats-Unis.
Or, certains monétaristes doutent que le pouvoir de
contrôle des autorités sur la masse monétaire subsiste
dans le cas d'un pays, de plus petite taille que les
Etats-Unis, fortement ouvert sur l'extérieur et
immergé dans un monde où les changes fixes sont la règle,
comme après les accords de Bretton Woods jusqu'au
début des années 70. En revanche, ils estiment que
sous ce dernier système, les autorités américaines
peuvent contrôler la quantité de monnaie aux Etats-
Unis, de façon plus indirecte la masse monétaire, le
niveau d'activité et le taux d'inflation de l'ensemble
du monde, et encore plus indirectement les niveaux
d'activité et taux d'inflation des différents pays. A
titre d'illustration, nous pouvons citer une étude de
Cuddington (1981) qui a effectué pour la Grande-
Bretagne, sur la période 1 958-1 97 1 , des tests du type
de ceux de Sims (14) présentés plus haut. Selon ses
résultats, la masse monétaire des Etats-Unis «cause»
le niveau des prix et la production en volume dans ce
pays, et la masse monétaire en Grande-Bretagne.
Celle-ci ne «cause» pas le niveau des prix et la
production en volume au Royaume-Uni, mais est
«causée» par cette dernière variable. Maintenant, et cela

20
nuance les sentiments relatifs à la validité des Le modèle de Dornbusch est à «temps discret»
conclusions de ces économistes, les taux d'intérêts comprend deux pays 1 et 2 et un bien unique dont la
britanniques (qu'on peut considérer comme ayant été production par chaque pays durant chaque période : y1, y2,
largement contrôlés par les autorités durant la période est exogène et constante. Chaque pays a sa propre
étudiée) «causent» fortement le produit national et devise. Les agents d'un pays, à l'exception de la
la masse monétaire de ce pays, tout en n'étant pas banque centrale, ne détiennent pas de monnaie étrangère.
«causés» par ces deux variables. Ceci, et le fait que, p1 et p2 désignent les prix du bien dans chaque pays
si la masse monétaire américaine «cause» le niveau et E le taux de change, c'est-à-dire le prix de la devise
des prix en Grande-Bretagne, elle ne «cause» pas la 2 en termes de devise 1 .
production en volume dans ce pays, suggère que les
autorités du Royaume-Uni disposent d'une certaine A la date t les agents du pays 1 (banque centrale
autonomie dans leur maîtrise de la conjoncture et exceptée) héritent d'une masse monétaire M1 et
dans leur politique monétaire. savent qu'ils recevront durant la période (t, t+ 1) un
revenu p1 y1. Ils déterminent leur consommation
Nous allons d'abord examiner l'analyse théorique de durant cette période C1 et la masse monétaire qu'ils
la maîtrise que les autorités d'un petit pays ont sur détiendront à la date : t+ 1 , en respectant la contrainte
leur masse monétaire intérieure, l'état de leur budgétaire:
conjoncture et leur taux d'inflation. Nous concluerons [24] M',+ p1C1 = M1+ p1y1
qu'en l'absence de modifications périodiques de leur
taux de change, celle-ci est nulle dans le long terme,
ce que la plupart des économistes admettent. Puis Leur choix résulte de leur comportement d'épargne
nous présenterons une thèse extrême qu'avancent qui fixe celle (accumulée sous forme monétaire) de
certains monétaristes: le contrôle de la masse la période (t, t+ 1) à: a1 (k1 p1 y1 -M1).
monétaire serait impossible également dans le court L'interprétation de ce comportement est que les agents du pays
terme. De nombreux travaux empiriques ont 1 souhaitent détenir dans le long terme une encaisse
alternativement confirmé et infirmé cette thèse, mais il monétaire proportionnelle à leur revenu: k1 p1 y1, et
semble établi maintenant que les autorités des «petits adaptent progressivement leur encaisse courante à
pays» disposent d'une forte autonomie dans le court celle souhaitée. De même, le pays 2 est soumis à la
terme pour déterminer leur masse monétaire et qu'elles contrainte budgétaire:
l'utilisent. Le monétarisme de la première partie garde [25] P2C2 = p2y2
donc une bonne part de validité pour ces pays. et épargne: a2 (k2 p2 y2 —M2)

Les deux pays produisant le même bien et le commerce


Une analyse théorique: de celui-ci étant libre, on a l'équation d'arbitrage:
l'approche monétaire de la balance des paiements [26] p1 = E p2
Cette approche tente d'étudier les relations Les deux monnaies sont convertibles librement au
économiques internationales (commerciales, financières et taux de change fixe E. Cela signifie que si le pays 2 a
monétaires) dans un modèle dynamique d'équilibre une balance commerciale excédentaire, les
général. Elle porte un grand soin à la distinction entre importateurs du pays 1 échangent auprès de leur banque
variables et équilibres de flux et de stocks, à celle centrale de la monnaie nationale contre celle du
entre équilibres temporaire et stationnaire (ou de pays 2 qu'ils versent ensuite aux exportateurs de ce
croissance équilibrée) et à la stabilité. Elle a donc dernier pays. Alors la quantité de monnaie en
vocation à introduire une rigueur de modélisation circulation diminue dans le pays 1 et augmente dans le
dans un domaine où cette vertu n'était pas toujours pays 2. Cela suppose que la banque centrale du pays
respectée et à dépasser et intégrer les approches déficitaire détient des réserves de monnaie étrangère
anciennes en termes d'élasticité, absorption, etc. De très importantes ou peut emprunter à celle du pays
nombreux modèles se rattachent à cette démarche, excédentaire. Cela suppose aussi que la banque
centrale du pays excédentaire n'intervient pas pour
mais tous aboutissent à la même conclusion: en empêcher sa masse monétaire d'augmenter en diminuant
régime des changes fixes, de liberté des échanges et ses contreparties «crédits à l'économie et au Trésor»
de monnaies convertibles, les autorités d'un petit (absence de stérilisation), ni que celle du pays
pays n'ont, dans le long terme, aucun pouvoir de déficitaire ne crée de la monnaie (par crédits à l'économie
contrôle sur la masse monétaire intérieure. Peu ou au Trésor) pour empêcher sa masse monétaire de
d'économistes n'admettent pas cette conclusion. baisser. On peut considérer alors qu'il existe une
offre mondiale de monnaie qui reste inchangée au
Il nous a semblé préférable de présenter de façon cours du temps et qui, exprimée en unités de compte
détaillée un modèle simple, mais fondé sur des du pays 1,est:
hypothèses extrêmes de Dornbusch (1973), publié dans [27] M = M1 + E M2
l'American economic review, qui se rattache à cette
démarche. Ce modèle nous permettra d'obtenir des L'équilibre sur le marché mondial de la monnaie est:
conclusions valides dans un cadre beaucoup plus
général. Enfin, nous en présenterons brièvement les [28] M^+ EM21 = M1+ a1(k1p1y1-M1)+ E M2
extensions possibles. + Ea2(k2p2-M2) = M

21
Cette équation et la relation d'arbitrage [26] chaque instant de garantir la convertibilité de leur
déterminent les prix p1 et p2 de l'équilibre temporaire de la monnaie en or, elles ne peuvent créer de celle-ci qu'à
période (t, t+1). Les fonctions d'épargne donnent un degré limité. Le système de l'éta Ion-dollar est aussi
alors la masse monétaire dans chaque pays à la date un moyen de combattre ce vice: les autorités
t+ 1 . Les contraintes budgétaires fixent enfin les monétaires de chaque pays sont contraintes dans leur
consommations C1 et C2, et ainsi les excédents de balance émission de monnaie par le fait qu'elles doivent
commerciale de chaque pays, avec: assurer la convertibilité de celle-ci en dollars. Mais les
pi (yi _ c1) = -E p2 (y2 - C2). Etats-Unis ne sont pas soumis à une telle contrainte.
Les autorités monétaires de ce pays peuvent fixer
Le modèle dynamique ainsi défini a un équilibre leur masse monétaire interne au niveau qu'elles
stationnaire: souhaitent. Si celui-ci représente une part supérieure
[29] C1 = y1, C2 = y2, p1 = E p2 = M/(k1 y1 + k2 y2), de la masse monétaire mondiale à celle de l'état
stationnaire, les Etats-Unis bénéficient d'un déficit de
M1/M = k1yV(k1y1+ k2y2), leur balance commerciale financé par une émission
M2/M = k2 y2/(k1 y1 + k2 y2) de dollars ou de bons du gouvernement que doivent
accepter les banques centrales étrangères. Si les
Dans cette situation, chaque pays consomme le Etats-Unis ne continuent pas à augmenter leur masse
montant exact de sa production, sa balance commerciale monétaire interne et si les autorités étrangères ne
est équilibrée et il détient le montant de monnaie stérilisent pas cette entrée de dollars et laissent leurs
qu'il souhaite pour le long terme. masses monétaires internes augmenter, leurs
excédents commerciaux diminuent et le déficit des Etats-
En dehors de l'état stationnaire, on établit facilement Unis se résorbe. Alors, la quantité mondiale de
une équation donnant la dynamique de la masse monnaie et les prix dans tous les pays augmentent. Sinon,
monétaire du pays 1 : les réserves en dollars détenues par les banques
a1 a2 (k1 y1 + k2 y2) M1 centrales non américaines continueront à augmenter et
[30] 1 - a1 k1 y1 a2 k2 y2 le déficit de la balance commerciale des Etats-Unis
+
a1 a2 k1 y1 se maintiendra. La responsabilité de ce fait résultera
a1 k1 y1 + a2 k2 y2 M d'une part, du désir des Etats-Unis de continuer à
émettre des dollars et, d'autre part, du refus des
autres pays de laisser leur masse monétaire
Cette équation détermine une convergence
monotone de M1 vers son état stationnaire. Commentons augmenter en conséquence. Les Etats-Unis sont incités à
ces résultats en termes plus économiques. adopter cette politique pour bénéficier d'un déficit
commercial, mais aussi à en limiter l'ampleur car ils
Si les autorités monétaires du pays 1 décident à un souffrent de l'inflation mondiale que celle-ci crée,
d'autant plus que l'importance de leur taille limite
instant donné de créer une quantité de monnaie AM,
la masse monétaire mondiale augmente de M à : leur possibilité d'exporter celle-ci. Les autres pays
M+AM, Dans le long terme, la répartition de cette adoptent une politique de stérilisation pour deux
raisons. La première est qu'étant dans une situation de
nouvelle masse monétaire sera identique à celle qui
existait dans l'état stationnaire prévalant avant la croissance réelle et nominale, en particulier des
décision des autorités du pays 1. Le niveau des prix échanges internationaux, les banques centrales
dans chaque pays augmentera dans une proportion: souhaitent accroître leurs réserves en dollars et un certain
(M+ AM)/M. Dans le court terme, le pays 1 détient déficit durable de la balance des paiements
une part de la masse monétaire mondiale plus américaine est souhaitable. Sans doute vaut-il mieux ne
importante que sa valeur de long terme. Il la dilapidera pas utiliser le terme de «stérilisation» pour cette
progressivement en consommant plus qu'il ne partie désirée du déficit de la balance américaine et
produit, c'est-à-dire par une balance commerciale le conserver pour l'accumulation de réserves non
déficitaire. désirées mais résultant du souci d'éviter à la masse
monétaire nationale d'augmenter en conséquence.
Ces considérations mettent en évidence un La seconde raison relève de la théorie des jeux non
coopératifs: tous les pays dans leur ensemble
inconvénient du régime des changes fixes. Le pays 1 en créant peuvent accroître leur offre de monnaie, mais chacun pris
de la monnaie pourra, durant un certain temps,
consommer plus qu'il ne produit et cela au dépens de isolément ne le peut pas s'il ne veut pas souffrir d'un
son voisin. En économie fermée, ses prix finiraient déficit de sa balance commerciale à l'égard du reste
par augmenter dans la proportion: (M1+ AM)/M1. du monde et d'une hémorragie de ses réserves de
En économie ouverte, les conséquences change.
inflation istes de sa politique sont plus faibles: (M+ AM)/M,
mais son voisin doit les supporter avec lui : le pays 1 Ce qui s'est passé dans les années 50 et 60 obéit à ce
exporte une partie de l'inflation résultant de sa déterminisme à deux amendements près.
politique monétaire vers son voisin.
Premièrement, il faut aussi prendre en compte les
Le système de l'étalon-or (15) est un moyen de réduire transferts (en particulier l'aide civile et militaire des
ce vice d'un système des changes fixes : si les Etats-Unis à l'étranger) et les mouvements longs de
autorités monétaires d'un pays doivent être en mesure à capitaux (en particulier les investissements directs

22
américains à l'étranger) et substituer la balance de Le lecteur aura remarqué que le modèle présenté ici
base des Etats-Unis à la balance commerciale; ne va qu'un peu au-delà d'une formalisation moderne
de la vieille analyse de Hume du système des
Deuxièmement, le système de cette période était en échanges internationaux en régime d'étalon-or. Selon
fait un système étalon-or-dollar. La nécessité pour celle-ci, si le pays 1 a un excédent de sa balance
les Etats-Unis d'être capables d'assurer la commerciale et bénéficie d'une entrée d'or,
convertibilité de leur monnaie en or aurait dû les inciter à l'enrichissement de ses habitants accroît la demande intérieure
limiter leur émission de dollars et le déficit de leur balance et ainsi les importations. De plus, la quantité plus
commerciale. Comme la production d'or restait faible importante de monnaie dans le pays augmente le prix
et que le besoin de réserves des banques centrales de ses produits et, rendant ceux-ci moins compétitifs,
augmentait sans cesse, cela aurait été néfaste pour diminue ses exportations. Ce dernier effet n'existe
le bien-être mondial. La baisse des prix américains et pas dans le modèle de Dornbusch à 1 bien, mais
mondiaux qu'aurait impliquée, dans un monde en existe bien sûr dans des modèles similaires plus
croissance où salaires et prix sont rigides à la baisse, sophistiqués. Ces deux effets font disparaître l'excédent
un alignement des taux d'expansion monétaires sur de la balance commerciale. Dans le long terme, celle-
celui de l'or, aurait eu des conséquences ci est équilibrée et la répartition de l'or mondial
déflationnistes désagréables pour tous. Nous n'approfondirons résulte des conditions réelles des économies. Le modèle
pas davantage le problème de l'instabilité du système très simple que nous venons d'exposer peut être
d'étalon-or-dollar [voir par exemple Niehans (1978)]. amélioré par l'intégration de caractéristiques
économiques importantes qu'il ne prend pas de compte.
Citons les principales extensions:
Si le pays dont les autorités augmentent la quantité
de monnaie, par crédits à l'économie ou au Trésor, adjonction dans chaque pays d'un bien produit na-
n'émet pas de monnaie de réserve et est de petite tionalement et non échangeable internationalement
taille, les résultats précédents prennent une forme
particulièrement simple. Dans le long terme, la masse [Dornbusch (1973), American economic review]. Les
effets de long terme d'un accroissement de la masse
monétaire reprend son niveau initial. Le déficit monétaire ou d'une dévaluation dans un pays sont
provisoire de la balance des paiements aura été financé
par une diminution des réserves de la banque centrale. inchangés. Mais la dynamique en dehors des états
Bref, les autorités ne peuvent durablement contrôler stationnaires met en jeu des substitutions dans la
production, la consommation et les prix relatifs des
la quantité de monnaie de leur pays, mais seulement biens échangeables et non échangeables
la répartition des contreparties de celle-ci entre
crédits à l'économie et au Trésor d'une part, et réserves internationalement;
de change d'autre part.
chaque pays fabrique un seul bien et ces biens sont
imparfaitement substituables [Dornbusch (1973),
Examinons maintenant les conséquences Journal of political economy]. Les effets de long
économiques d'une dévaluation de la monnaie du pays 1, terme sont les mêmes que précédemment. Ceux de
c'est-à-dire une hausse de E, dans le cadre général court et moyen termes font intervenir des
du modèle. déformations du terme de l'échange et des substitutions
entre les consommations des deux biens dans les
Cette opération s'interprète comme une deux pays;
augmentation de la quantité mondiale de monnaie (exprimée
en unités de compte du pays 1), et dans le court terme les autorités de chaque pays ont émis des obligations
comme une détention par le pays 2 d'une part de exprimées en leur monnaie nationale; ces obligations
celle-ci supérieure à sa valeur stationnaire. Elle aura peuvent être détenues par des agents nationaux et
donc des effets voisins de ceux d'une création de étrangers. Cette extension est fondée sur les articles
monnaie par la banque centrale du pays 2. Les prix célèbres de Fleming (1962) et Mundell (1963). Parmi
p1 et E p2 augmentent d'un même pourcentage dans les travaux auxquels elle a donné lieu, nous citerons
le long terme, et le pays 2 bénéficie d'un déficit Frenkel et Rodriguez (1975) et Dornbusch (1975).
transitoire de sa balance commerciale. Durant cette Notons P et i2 les taux d'intérêt respectifs des
période, le pays 1 verra ses réserves de change obligations émises par les pays 1 et 2. Si les autorités du
augmenter. pays 1 créent de la monnaie, le taux d'intérêt i1
diminue. Cela induit une fuite de capitaux du pays 1 vers
Il est à remarquer que si les autorités du pays 1 le pays 2 où ils sont mieux rémunérés et accentue la
accompagnaient la dévaluation de leur devise d'une baisse des réserves de change et celle de la quantité
émission de leur monnaie suffisante pour que sa part de monnaie en l'absence de stérilisation par rapport
reste dans la masse monétaire mondiale ce qu'elle à celle du modèle de Dornbusch (1973) de l'American
était avant, rien ne se passerait qu'une augmentation economic review. Les effets de long terme de cette
de prix p1 proportionnelle à la modification de parité. politique sont les mêmes que pour ce dernier modèle,
La banque centrale du pays 1 ne pourra donc sauf que la diminution de la part des réserves de
reconstituer ses réserves que si elle accompagne la change dans les contreparties de la masse monétaire
dévaluation d'une politique d'austérité limitant est encore plus forte. Une dévaluation du pays 2 a
l'augmentation de sa masse monétaire. sensiblement le même effet.

23
Le canal d'intégration économique international par produit national nominal py. L'équilibre du marché de
les mouvements de capitaux mérite un commentaire la monnaie s'écrit:
supplémentaire. Supposons que le pays 1 souffre [31] R+D = f(i)py
d'un déficit temporaire de sa balance commerciale
pour des raisons purement accidentelles (mauvaise Nous faisons alors les hypothèses suivantes :
récolte pour prendre l'exemple le plus évident). Ses
réserves de change vont baisser. Si celles-ci sont premièrement, la parité absolue des pouvoirs d'achat
déjà trop faibles, les autorités du pays 1 pourront, ou tient à chaque instant, c'est-à-dire si p' désigne
bien mener une politique d'austérité et accentuer la l'indice des prix du reste du monde et E le taux de
baisse «naturelle» de la masse monétaire, ou bien change, on a :
dévaluer. La première alternative peut avoir un coût [32] p = Ep'
économique et social élevé. La seconde peut paraître
excessive pour résorber un déficit extérieur «non Cette hypothèse suppose une parfaite substituabilité
fondamental» au sens que le Fmi donne à cette entre les biens fabriqués dans le pays et ceux produits
qualification. dans le reste du monde;
deuxièmement, la parité des taux d'intérêt est valide
Mais la banque centrale du pays 1 peut aussi à chaque instant, c'est-à-dire si i' désigne le taux
augmenter le taux d'intérêt i1 et attirer des capitaux étrangers. d'intérêt dans le reste du monde, on a :
Certes, cette politique aura un effet déflationniste et,
diminuant la demande de monnaie, diminuera la [33] =i

i
masse monétaire. Mais cet effet sera certainement Cette hypothèse suppose une parfaite substituabilité
plus limité que celui de la politique monétaire passive entre les actifs financiers du petit pays et ceux du
du modèle de Dornbusch (1973) de l'American reste du monde;
economic review, et a fortiori de la politique d'austérité
que nous venons de présenter. On peut ajouter que troisièmement, la production nationale en volume ne
le raisonnement de Hume supposait aussi une peut que changer faiblement dans le court terme où
politique monétaire passive, mais qu'en fait, la Banque se situe notre analyse et peut ainsi être considérée
d'Angleterre mena durant le 19e siècle une politique comme prédéterminée.
de taux d'intérêt active, conforme à celle que nous En conséquence, [3 1 ] se réécrit :
venons de décrire [voir par exemple Yeager (1976)
chapitre 15]. [34] R+ D = f(i')Ep'y
Le pays étant de petite taille, le membre de droite,
Bien sûr, la politique des taux d'intérêt pour résorber c'est-à-dire la demande de monnaie, est
un déficit extérieur non fondamental, n'est pas prédéterminée. Si les autorités économiques augmentent les
exclusive d'un crédit de la part d'autorités monétaires crédits à l'économie ou au Trésor de AD, la masse
étrangères, ou d'organismes publics internationaux monétaire intérieure ne change pas et les réserves
(Fmi, Fecom) à la banque centrale du pays qui le subit. de changes diminuent de AD.
Il convient de remarquer que nous venons de donner
Une thèse de certains monétaristes : une justification de la thèse de ces monétaristes. Pour
obtenir celle-ci il suffit que la demande de monnaie
l'impossibilité de contrôle de la masse monétaire soit prédéterminée dans le court terme. Cette
prédétermination subsiste si on substitue à l'hypothèse de
L'approche monétaire de la balance des paiements parité absolue des pouvoirs d'achat celle d'une
démontre que dans le long terme et en régime des rigidité des prix dans le court terme, qui semblera plus
changes fixes, les autorités d'un petit pays ne peuvent acceptable à beaucoup d'économistes. De plus, la
pas contrôler la masse monétaire intérieure. Cette fonction de demande de monnaie [31] est bien peu
proposition, que pratiquement tous les économistes monétariste [mais une fonction de ce type se retrouve
admettent, n'a que peu de portée pour l'économie dans la plupart des modèles économétriques keyné-
appliquée et la politique économique tant que la durée siens; voir Ando et Shell (1975) pour une justification
du long terme n'est pas précisée. Certains théorique fondée sur la fonction de transaction de la
monétaristes, tels Laffer et Mundell [voir par exemple Mei- monnaie et Barbosa (1979) pour une critique
selman et Laffer (1975), Mundell et Polak (1977), pertinente de cette justification]. Elle ne prend pas en
ainsi que l'excellente revue de Whitman (1975)], compte les comportements de gestion et
défendent la thèse que le long terme de la proposition d'accumulation du patrimoine, contrairement à l'équation [1]
est quasiment immédiat (un an ou même un de Friedman et au comportement de thésaurisation
trimestre). Leur raisonnement est le suivant. de Dornbusch (1973) qu'on a présenté ci-dessus.
Mais cette thèse reste valide avec la fonction de
Considérons un petit pays. L'offre de monnaie est la demande de monnaie [1] si on fait l'hypothèse
somme des contreparties de celle-ci : les réserves de raisonnable que les revenus et prix permanents sont peu
change R et les crédits au Trésor et à l'économie D. flexibles dans le court terme (comparativement au
La demande de monnaie dépend négativement du niveau des réserves de change), et si on pose encore
taux d'intérêt national i et est proportionnelle au l'hypothèse de parité des taux d'intérêt.

24
Cette thèse a fait l'objet de multiples tests L'équation [36] représente l'équilibre de la balance
statistiques. L'un des plus récents et des plus élaborés est des paiements. BT est l'excédent de la balance des
celui de Laskar (1 981 ). Les tests plus anciens peuvent paiements courants qu'on peut considérer comme
s'interpréter comme des cas particuliers du sien, soit exogène dans le très court terme. CF désigne les
qu'ils négligent certaines interactions économiques, entrées nettes de capitaux étrangers.
soit qu'ils se limitent à estimer des formes réduites
d'un modèle à équations simultanées. Leurs L'équation [37] concerne la demande d'encaisse
comparaisons nécessiteraient des développements d'écono- réelle: M/p. Elle dépend du taux d'intérêt i dans le
métrie théorique complexes, aussi nous préférons pays, du Pnb y en volume qu'on peut considérer
renvoyer au travail de Laskar (1981). Il propose le comme exogène dans le très court terme et d'un
modèle économétrique suivant du secteur monétaire et ensemble de variables prédéterminées [dont A(M/p)_1
financier d'un petit pays (l'opérateur A est défini par et i_J et exogènes que nous avons résumées par G,
Ax = x-x_,): pour ne pas alourdir les notations.

[35] L'équation [38] explique les entrées de capitaux en


fonction du taux d'intérêt national, de la variation du
[36] BT+ CF = AR Pnb, du changement anticipé de parité (E désigne le
taux de change courant et Ee celui anticipé) et d'un
137] A(M/p) = a, a,2 Ay
y h G.1 ensemble de variables prédéterminées ou exogènes
(M/p)., (dont le taux d'intérêt étranger) résumé par G2.
[38] —— =b,i+ b2 b3 Log (E/Ee) + G2 L'équation [39] est l'équation de réaction des
autorités qui formalise leur politique. En utilisant [35] cette
[39] DDM = -c-^ + G, équation peut se réécrire :
AM AR +
[45]
L'équation [35] détermine l'offre de monnaie.
L'équilibre du bilan de la banque centrale permet d'écrire:
c représente la part de la contribution extérieure:
[40] AH=ADB+AR, AR/H.,, au taux de croissance de la masse
où H désigne la base monétaire, DB les crédits à monétaire qui est stérilisée par les autorités économiques
l'économie et au Trésor de la banque centrale et R par une évolution de sens contraire de la contribution
ses réserves de change. L'offre de monnaie est intérieure. Quand: c= 1, la stérilisation est totale et
donnée par: le taux de croissance de la quantité de monnaie est
égal à G3. Cette grandeur peut s'interpréter comme
[41] M=/aH /'objectif de taux de croissance de la masse monétaire,
où ju désigne le multiplicateur monétaire. On déduit et est fonction de plusieurs variables prédéterminées
de cette dernière équation: et exogènes (évolutions passées de la balance des
paiements, des réserves de change, des prix, de la
AM _ A/u AH consommation de l'Etat, de l'emploi, etc.). Quand:
[42] M_, H c = 0, la stérilisation est nulle: les autorités ne
modulent à aucun degré la contribution intérieure à
Nous définissons D D M par: l'évolution de la masse monétaire, de façon à
.... ADB compenser l'évolution de la contribution extérieure. Enfin,
[43] DDM= si 0 < c < 1, la stérilisation est partielle, c sera appelé
l

par la suite coefficient de stérilisation.


et nous obtenons alors l'équation (35). Pour bien
saisir la nature de D D M réécrivons (35) un peu Ce modèle à 5 équations permet de déterminer 5
différemment: variables endogènes: CF, D DM, AM, AR, i, une fois
connues les autres variables exogènes ou
[44] prédéterminées. Cependant, pour son estimation par les
doubles moindres carrés les variables: BT, Log (E/Ee),
L'augmentation de l'offre de monnaie peut résulter Ap et Ay ont été considérées comme endogènes.
d'un accroissement: des réserves de changes,
multiplié par l'ancien multiplicateur monétaire ; des crédits Pour obtenir une bonne interprétation économique
de la banque centrale à l'économie ou au Trésor, de ce modèle, on peut remarquer que la dernière
multiplié par l'ancien multiplicateur monétaire; du équation [39] montre comment les autorités
multiplicateur monétaire. déterminent la variable de politique économique D D M en
fonction de l'état de l'économie. Les quatre premières
On peut raisonnablement admettre que la somme équations, pour leur part, représentent le
de ces deux dernières contributions à AM est fonctionnement de l'économie. En les résolvant on obtient quatre
contrôlable par les autorités monétaires du pays. Déflatée équations semi-réduites exprimant les variables
par M,, elle représente la contribution intérieure endogènes: CF, AM, AR et i, en fonction de D DM et
DDM du taux de croissance de la masse monétaire. des variables exogènes et prédéterminées. Deux de

25
ces équations sont: Laskar a estimé son modèle sur données
trimestriel es recouvrant les années 60, pour la Grande-Bretagne,
[46] JjJ:==;rÈi-DDM+... la France, l'Italie, le Japon, l'Allemagne de l'Ouest,
H-,
les Pays-Bas et le Canada, par les doubles moindre
AM = (1 carrés. Le coefficient de compensation a va de —0,9
[47] DDM+ ...
M -1 a,-b, pour le Canada et l'Allemagne à —0,5 pour la France
et -0,3 pour la Grande-Bretagne. Les mouvements
Il est utile de définir le coefficient de compensation a : de capitaux ne compensent pas intégralement les
variations de la composante interne du taux de
[48] a = bl/(al-b1),-1<a<0 croissance de la quantité de monnaie, et le contrôle de
a = — 1, quand b, est infini, c'est-à-dire quand les court terme de celle-ci est possible. Le coefficient de
actifs nationaux et étrangers sont parfaitement subs- stérilisation c est toujours très proche de 1, ce qui
tituables, ou quand a, est nul, c'est-à-dire quand la montre une stérilisation instantanée quasi-totale.
demande de monnaie ne dépend pas du taux d'intérêt.
Alors si les autorités diminuent D D M dans le but de Enfin, l'indicateur d'indépendance de la politique
restreindre la croissance monétaire, cela se traduit monétaire A est toujours proche de 1, même pour le
ou bien par une hausse modérée du taux d'intérêt petit pays très ouvert sur l'extérieur que sont les Pays-
national auquel sont très sensibles les capitaux Bas. La conclusion de certains monétaristes sur
étrangers, ou une hausse importante du taux d'intérêt l'impossibilité par un pays de contrôler sa masse
national auquel ils sont modérément sensibles. Dans monétaire dans le court terme est donc en contradiction
les deux cas, l'entrée de ceux-ci ramène la masse avec la réalité économique.
monétaire et le taux d'intérêt à leurs niveaux
antérieurs. Aucun contrôle de celle-ci n'est possible.
a = 0, quand b, est nul, c'est-à-dire quand les actifs
nationaux et étrangers ne sont absolument pas subs- Le cas des changes flexibles
tituables, ou quand a, est infini, c'est-à-dire quand la
demande de monnaie est infiniment élastique par
rapport au taux d'intérêt. Alors si les autorités La flexibilité des changes n'étant qu'un phénomène
monétaires diminuent DDM,AM/M., décroîtra d'autant, récent (à peu d'exceptions près) il n'est pas
sans interférence d'une entrée de capitaux étrangers, surprenant qu'il ne se soit pas développé une orthodoxie
soit parce que ceux-ci sont insensibles à la hausse du monétariste très claire sous un tel régime. Presque
taux d'intérêt, soit parce que celle-ci est négligeable. tous les économistes admettent que si le flottement
est total, les autorités d'un petit pays ont la capacité
Bref, a mesure la facilité de contrôle de la masse de contrôler intégralement l'offre et donc la quantité
monétaire par les autorités ou, si on préfère, de monnaie. Certains ont proposé une explication
l'efficacité de la politique de stérilisation (16). monétariste des fluctuations du taux de change:
L'indépendance de la politique monétaire dans le celui-ci étant le prix relatif de deux devises, sa
pays considéré dépend de l'efficacité de la politique dynamique résultera de celles de leurs offres respectives
de stérilisation et de l'intensité avec laquelle celle-ci et des facteurs dont dépendent leurs demandes.
est menée. Pour saisir ce concept, calculons par
combinaison de [35], [36], [39] et [46] l'équation Nous présenterons d'abord la façon dont ces
réduite du modèle: économistes ont formalisé cette idée. Nous verrons ensuite
qu'elle est largement infirmée par les faits. Nous
AM montrerons, enfin, que cela résulte de ce que les
[49] V^d-O anticipations des variations des parités sont le principal
Nous définissons l'indicateur d'indépendance de la déterminant des variations effectives de celles-ci.
Comme ces anticipations évoluent constamment en
politique monétaire A: fonction des multiples informations, variées et
[50] A= a, _1+a n^-A^i successives, que reçoivent les investisseurs, (et qui ne
3,-b, (1 -c) 1 + ac ' ^ ^ concernent pas que l'offre de monnaie) une
explication rétrospective des évolutions des taux de change
A mesure, toutes choses égales par ailleurs, le est beaucoup plus difficile et une prévision de celles-
pourcentage dans lequel une variation de l'objectif taux ci beaucoup plus imprécise que ce qu'ont pu croire
de croissance de la quantité de monnaie est ces monétaristes. Certes, ceux-ci ont ultérieurement
répercutée dans son taux de croissance courant: tenté d'améliorer leur approche en y intégrant
A = 0, quand: a = — 1, alors il n'y a aucun contrôle d'autres éléments de la détermination du taux de change.
possible, et donc effectif, de la masse monétaire. Mais outre le fait que les résultats sont encore loin
d'être convaincants, leur démarche n'a plus alors
A = 1, quand a est nul ou c est égal à 1 , c'est-à-dire grand-chose de spécifiquement monétariste.
quand il n'y a pas de mouvements internationaux de
capitaux compensant la politique monétaire, ou quand Les travaux empiriques que nous présentons
ceux-ci sont entièrement stérilisés. recourent à une économétrie frustre et se limitent à des

26
régressions d'une équation unique. L'exogénéité des [53] p1 = p2+ e. Nous obtenons alors à partir de [51 ]
variables explicatives est au mieux peu crédible, au et [52]:
pire en contradiction avec le raisonnement
économique qui justifie l'équation. On est donc loin des [54] e = (m1 -m2) - <D (y1 -y2) + À (i1-i2)
modèles à équations simultanées développés pour
les changes fixes [par exemple, par Laskar (1981)]. H2: la parité des taux d'intérêt couverts contre les
Or, le problème est maintenant plus difficile et risques de change tient à chaque instant, c'est-à-dire
demande plus de rigueur pour deux raisons. D'abord, il n'existe pas de possibilité profitable d'arbitrer sans
le système actuel est un système des changes risque entre la différence des taux d'intérêt d'une
flexibles impurs (interventions des banques centrales part, et de change à terme et au comptant, d'autre
pour réguler les parités de leurs monnaies avec le part. Si E représente le taux de change au comptant
dollar, Sme). Il faut donc ajouter à la fonction de et F celui à terme nous avons:
réaction des autorités économiques concernant la [55] (F-E)/E = i1 -i2
politique monétaire, une autre fonction de réaction
concernant la politique des changes. Dornbusch (1 980) (les taux d'intérêt concernent des bons de la même
estime une telle fonction reliant les réserves de durée —et sont exprimés pour une unité de temps
change aux variations non anticipées du taux de change, égale à cette durée— que le terme d'achat ou de
et met en évidence une politique de «leaning against vente des devises). Cette hypothèse suppose une
the wind» des banques centrales de l'Allemagne, du parfaite substituabilité entre les actifs à court terme
Japon et des Etats-Unis. Ensuite, parce que la des deux pays, une fois effectuée la couverture des
formation des anticipations introduit des problèmes risques de change, ainsi que la possibilité de cette
méthodologiques complexes, aussi bien pour la spécification couverture.
que pour l'estimation du modèle, et que ceux-ci sont
encore bien loin d'être résolus par les théoriciens des H3: le taux de change à terme est égal à celui au
anticipations rationnelles. comptant présentement anticipé pour la date
marquant la fin du terme. Si l'unité de temps de ce
modèle est égale à la durée des contrats à terme et si
Une théorie monétariste E®, désigne le taux de change courant présentement
anticipé pour la date suivante, nous avons:
de la détermination des taux de change (17)
[56] F=E-1
Nous allons présenter successivement deux versions
de cette théorie: la première sera appelée le L'interprétation la plus simple est que les spéculateurs
monétarisme orthodoxe et supposera que la parité absolue tiennent leurs prévisions pour certaines, une autre
des pouvoirs d'achats est vérifiée à chaque instant, qu'ils aient des anticipations aléatoires, que E®,
la seconde, le monétarisme révisé pour lequel cette représente l'espérance mathématique commune de
parité sera valide dans le long terme et qui pourra celles-ci, et qu'ils soient neutres à l'égard du risque.
sembler plus satisfaisant à beaucoup d'économistes. On peut aussi supposer qu'ils ont une aversion pour
le risque et introduire une prime constante pour celui-
ci dans [56]. Les hypothèses H 2 et H 3, ou si on
Le monétarisme orthodoxe préfère, les équations [55] et [56], permettent de réécrire
l'équation du taux de change [54].
Considérons deux pays. Leurs équations d'équilibre
du marché de la monnaie sont du type de l'équation [57] e = (m1-m2)-<P(y1-y2)+ A (E°n - E)/E
[31]. Mais maintenant leurs réserves de change sont
nulles et leurs autorités contrôlent parfaitement la (E^, - E)/E n'est pas observable, mais la parité absolue
masse monétaire. Les agents d'un pays ne détiennent des pouvoirs d'achats (H 1) nous permet d'éliminer cette
variable de [57] :
de la monnaie que nationale (mais peuvent posséder
des actifs financiers étrangers). Ces équations sont: [58] (E+VE)/E = (p|,e-p1) - (p+2?-p2)
m1 = p'+ O y1 — A P où p^,e et p2,6 désignent les niveaux de prix dans les deux
[51] pays présentement anticipés pour la période suivante.
[52] m2 = p2 + (P y2 - À i2
Nous devons cependant faire encore quelques
où mj est le Log de la masse monétaire, pj le Log du hypothèses avant de pouvoir estimer [57] :
niveau de prix, yj le Log du Pnb en volume et ij le taux H 4, y1 et y2 sont exogènes.
d'intérêt à court terme dans le pays j. L'identité des
fonctions de demande de monnaie dans les deux pays H5: le taux de croissance du niveau des prix dans
simplifiera le traitement ultérieur mais est inessentielle. chaque pays est égal à celui de sa masse monétaire,
moins celui de son Pnb en volume.
Nous faisons les hypothèses suivantes:
H6: le taux de croissance de ce dernier est une
H 1 : la parité absolue des pouvoirs d'achat tient à variable aléatoire indépendante des autres variables
chaque instant. Si e désigne le Log du taux de change, exogènes du modèle, et d'espérance et variance
nous avons: constantes.

27
H7: le taux de croissance de la masse monétaire [64] e0 = (m1 - m2) - <P (y1 - y2) + A [ (m1 - m^)
dans chaque pays suit une marche aléatoire dont les + (m2-mf1)]
accroissements sont indépendants des autres et que celui de la date suivante sera :
variables exogènes du modèle. Il est facile de construire eo+[(m1-m:i)-(m2-mf1)]
des variantes du modèle en modifiant cette hypothèse.
Si les anticipations des spéculateurs sont rationnelles
H8: les spéculateurs forment leurs anticipations du dans le long terme, nous supposons qu'elles sont
taux de change rationnellement à partir de H 5, H 6 et moins sophistiquées dans le court terme. Ceux-ci
H 7 (18). La rationalité des anticipations avait déjà prévoient que le taux de change courant qui
été utilisée pour écrire [58]. prévaudra à la date suivante sera :
En continuant à négliger dans l'écriture des équations, [65] (1 -0)e+ 0eo+ [(m1 - ^,) - (m2- mf,)],
le terme additif constant, H 5, H 6 et H 8 permettent 0 < 0 < 1
de réécrire [58] : Leur anticipation d'appréciation du taux de change
[59] (E°, - E)/E = (m^-m1) - (m|?-m2) au cours de la période à venir est donc:
[66] (E+e, - E)/E = - 6 (e - eo)+ [(m1 - m],)
D'après H 7, les meilleures prévisions des taux de -(m2 -m?,)]
croissance futurs des masses monétaires sont les
derniers taux observés. [59] se réécrit : Or, d'après les hypothèses H 2 et H 3 cette
[60] (E°, - E)/E = (m1 -m:,) - (m2- m?,) appréciation anticipée est égale au différentiel d'intérêts:
[67] i1-i2 = -0(e-eo)+[(m1-m:i)-(m2-mf1)]
L'équation du taux de change (57) se réécrit alors:
[61] e = (m1 - m2) - O (y1 - y2)+ À [(m1 - m^,) Cette équation et [64] donnent finalement l'équation
- (m2 -m2,)] de taux de change:
Les variations du taux de change dépendent [68] e = (m1-m2)-0>(y1-y2)+ (A+ 1/0)
essentiellement de celles des masses monétaires (et de
leurs taux de croissance). On peut, en effet, admettre
que l'amplitude des fluctuations du Pnb en volume Le lecteur aura remarqué que cette équation ne diffère
sera suffisamment faible pour ne jouer qu'un rôle de l'équation monétariste orthodoxe [61] que par
explicatif limité. l'adjonction du différentiel d'intérêts parmi les
facteurs explicatifs du taux de change. Le test
économétrique entre les démarches monétaristes orthodoxe
Le monétarisme révisé et révisée est donc simple.
Le lecteur ne sera pas surpris que l'hypothèse H 1 de
la parité absolue des pouvoirs d'achats soit la plus Cependant, il faut encore noter que si nous avons
contestée de celles que fait la théorie monétariste. éliminé l'hypothèse H1, nous ne l'avons remplacée
Certains économistes ont tenté de lui substituer une par aucune relation susceptible de déterminer le
hypothèse plus raisonnable tout en cherchant à terme de l'échange: p1 - p2- e, dans le court terme.
conserver la conclusion que l'essentiel des variations Le modèle est ainsi incomplet et c'est pour cela
des taux de change dépendent de celles des masses qu'apparaît, parmi les variables explicatives du taux
monétaires. de change, le différentiel d'intérêts qu'un monétariste
peut difficilement considérer comme exogène (et que
Nous supposons maintenant que la parité absolue l'approche orthodoxe avait éliminé de [54] au prix
des pouvoirs d'achats est valide dans le long terme. d'hypothèses très fortes). D'autre part, la formation
Celui-ci est l'espérance mathématique de l'évolution des anticipations des spéculateurs dans le court terme
tendancielle de l'économie et est représenté par une est simple mais arbitraire. Dornbusch (1976), Frankel
trajectoire de croissance équilibrée. Nous identifions (1979), Gray et Turnovsky (1979) ont montré qu'en
les valeurs initiales (c'est-à-dire celles de l'instant supposant que le terme de l'échange s'adapte
présent) de la croissance équilibrée par l'indice 0. progressivement à la parité absolue des pouvoirs d'achats,
L'équation [60] est substituée à [53] : c'est-à-dire que les prix des biens sont peu flexibles
dans le court terme, il existe un coefficient 6 tel que
[62] pj les anticipations des spéculateurs soient rationnelles
à chaque instant. Evidemment dans le modèle ainsi
Les équations [57] et [58] sont maintenant valides complété, le différentiel d'intérêts est une variable
pour le long terme: endogène.
[63] eo = K-m2)-0)(yJ-y2)+A[(p1+e1-p1)o
-(P2+VP2)ol Comparons le sens économique du modèle orthodoxe
et de celui révisé avec la justification que Dornbusch
Nous limitons la validité des hypothèses H 5 et H 8 et Frankel donnent de ce dernier.
au long terme et conservons les hypothèses H 6 et
H 7. Les spéculateurs estiment que le taux de change Imaginons que les autorités monétaires du pays 1
de long terme présent est: augmentent brusquement leur masse monétaire m1

28
et précisent que cette mesure est exceptionnelle. jusqu'à ce qu'ils aient travaillé avec des données
Dans le long terme, ceci n'aura pas d'effets sur la quasi-instantanées (F, S, i1 et i2 pouvant changer
production et le taux d'intérêt, mais augmentera le d'heures en heures). Les praticiens [voir par exemple
niveau des prix du pays 1. Sa monnaie dépréciera, Coulbois (1979, 1982)] jugent la démarche
c'est-à-dire que e0 augmentera (parité des pouvoirs économétrique aussi lourde que vaine. Il suffit d'avoir un
d'achats). L'analyse monétariste pure considère que peu fréquenté les départements de change des grandes
ceci se passe aussi dans le court terme. Mais l'analyse banques internationales pour constater que celles-ci
révisée considère que dans le même temps les prix utilisent la formule [55] de parité des taux d'intérêt
dans le pays 1 ne s'élèveront qu'à un degré limité et pour coter à chaque instant les taux de change à terme.
que le taux d'intérêt dans ce pays baissera. Les
spéculateurs prennent conscience de la nouvelle valeur de Cette parité devient beaucoup plus approximative
long terme dépréciée de la monnaie du pays 1 et de quand elle porte sur des taux davantage susceptibles
la baisse temporaire de son taux d'intérêt. Ils d'apparaître dans une fonction de demande de
n'accepteront de détenir ses actifs financiers que si la valeur monnaie du public, tels ceux des bons du Trésor sur
courante de sa monnaie se déprécie encore plus que formule. Cela résulte des réglementations de contrôle
celle de long terme. Leurs gains de change anticipés des changes, mais aussi de celles conduisant à une
compensent alors leurs pertes d'intérêts. segmentation des marchés de la monnaie et
financiers, telles la fixation par les autorités monétaires
La variation amplifiée («overshooting») du taux de de la plupart des taux d'intérêt créditeurs payés par
change dans le court terme par rapport à sa nouvelle les banques et intermédiaires financiers français.
valeur de long terme a beaucoup séduit les
économistes. Elle apparaît, en effet, comme un moyen H 3: l'égalité du taux de change à terme à celui au
d'expliquer la forte amplitude des variations des taux comptant présentement anticipé pour la fin du terme
de change qu'on peut observer sur ces dernières
années. n'est pas une hypothèse très crédible. Si une banque
centrale vend de sa devise sur le marché des changes,
elle augmente les avoirs des spéculateurs en celle-ci,
car bien sûr, ils ne détiendront pas de la monnaie du
L'inadéquation pays mais des avoirs à court terme rémunérés. Ou
de cette théorie monétariste aux faits bien, ces avoirs à court terme seront détenus par des
étrangers non spéculateurs qui se couvriront à terme,
les spéculateurs se portant contrepartie et assumant
Nous examinerons les hypothèses posées puis les le risque de change. Dans les deux cas, les
résultats obtenus lors de l'estimation des équations du spéculateurs étrangers détiendront davantage d'avoirs à
taux de change. court terme ou d'engagements à acheter à terme de
la monnaie du pays considéré. L'expérience montre
H 1 : la parité absolue des pouvoirs d'achats est loin que le taux de change (au comptant et à terme) de
d'être vérifiée empiriquement dans le court terme cette monnaie baisse, toutes choses égales par
— un court terme qui peut d'ailleurs être ailleurs (taux d'intérêt, anticipations). Cela implique que
singulièrement long— comme le montrent, par exemple, Dorn- les spéculateurs aient de l'aversion pour le risque,
busch ( 1 980) et Frenkel (1981). Les explications diversifient leurs avoirs exprimés en monnaies
théoriques de ce fait sont nombreuses: il est rare que les étrangères et exigent une prime de risque croissant avec
biens échangeables internationalement par un pays le montant de ceux qu'ils détiennent.
soient parfaitement substituables à ceux fabriqués
ailleurs, les évolutions de prix de biens non
échangeables et échangeables peuvent différer selon les H 5 et H 7: l'expérience la plus immédiate montre que
pays, les indices des prix adéquats pour les fonctions H 5 ne peut être valide que dans le long terme.
de demande de monnaie de chaque pays utilisent Supposer que les spéculateurs fondent leurs prévisions
des coefficients de pondération différents (qui du taux de change sur l'idée qu'ils se font de la
peuvent évoluer diversement au cours du temps), etc. politique et de l'environnement économiques futurs ainsi
Il est à noter que ces arguments rendent douteux que de leurs conséquences sur les taux de change
l'application de la parité absolue des pouvoirs d'achats ultérieurs est sensé. Il est beaucoup plus contestable
même dans le long terme (19). Nous ajouterons que qu'ils considèrent que les accroissements de la
la variabilité des taux de change est caractérisée par masse monétaire suivent une marche aléatoire (H 7).
de fortes fréquences et amplitudes et que
l'expérience montre que les entreprises ne répercutent ces En dépit des réserves que nous venons de faire,
variations sur leurs prix qu'après un fort lissage, l'équation monétariste orthodoxe [63] ou ses variantes a
conformément à ce que suppose l'approche monétariste donné lieu à de nombreux travaux empiriques.
révisée. Beaucoup d'économistes admettent que les hypothèses
monétaristes, en particulier la parité absolue des
H 2 : la parité des taux d'intérêt couverts tient pouvoirs d'achats H 1, sont largement valides dans
parfaitement si les actifs concernés sont des Euro-dépôts la situation extrême qu'est une hyperinflation. Ils
dans la même zone géographique. Les économètres fondent ce jugement notamment sur l'article de Frenkel
ont été assez longs à mettre ceci en évidence, en fait (1977) sur l'inflation allemande des années 20.

29
On sait que Cagan (1956) s'était proposé d'étudier du taux de change : l'élasticité de celui-ci par rapport
cette hyperinflation à partir de l'équation de demande à la masse monétaire du pays étudié était proche de
de monnaie: 1 et le coefficient & positif et interprétable en termes
d'élasticité^revenu de la demande de monnaie.
[69] = a(P«1-P)/P+b,a<0
Les tests essayant de trancher entre l'analyse
II avait supposé que les anticipations d'inflation étaient monétariste orthodoxe et celle révisée donnèrent des
adaptatives: résultats contradictoires. Pour la Grande-Bretagne, on
[70] (P:, = A(Pe-P_l)/P_1 trouva que le différentiel des taux d'intérêt avait
+ (1 -AMP-P.J/P.,. 0 < X < 1 un effet positif sur le taux de change conformément
et avait pu estimer économétriquement l'équation à l'équation [54] du modèle orthodoxe. Frenkel (1981)
[69]. Frenkel part aussi de cette équation et remarque observe le même phénomène pour le dollar sur la
que si on néglige l'inflation à l'extérieur de période 1976-1979. Un taux d'intérêt nominal élevé
l'Al emagne et si on admet la parité absolue des pouvoirs résulte d'une inflation anticipée importante qui
d'achat (20) (H 1), l'inflation anticipée est: traduit elle-même une politique de création monétaire
peu rigoureuse. Cela diminue la demande de monnaie
[71] (P+VP)/P = (E+VE)/E considérée et sa valeur sur le marché des changes.
soit sensiblement l'équation (58). Si on fait alors
l'hypothèse H 3, c'est-à-dire si on suppose que le taux On obtint le résultat opposé pour l'Allemagne de
de change à terme est égal à celui au comptant l'Ouest conformément au modèle révisé et à
présentement anticipé pour l'expiration du terme (21), l'équation (68). Un taux d'intérêt nominal élevé résulte d'un
l'équation [69] se réécrit: freinage récent de l'offre de monnaie. Il permet de
maintenir une parité élevée de celle-ci, la perte de
[72] Log(M/P) = a(F-E)/E+b change éventuelle des spéculateurs étant
compensée par le fort intérêt dont ils bénéficient.
Frenkel a obtenu de bons résultats en faisant cette
estimation qu'il remarque supérieure d'un point de Le lecteur n'aura pas manqué de rapprocher cette
vue théorique à celle obtenue par Cagan. Les dualité des résultats de celle des interprétations que
anticipations adaptatives sont largement arbitraires. Celles Friedman donne d'un taux d'intérêt élevé: si cette
de Frenkel sont fondées sur un comportement de situation dure depuis longtemps, elle résulte d'une
prévision raisonnable des agents. politique monétaire peu rigoureuse, sinon elle est la
conséquence d'un freinage de l'offre de monnaie. La
Nous ne sommes pas, cependant, convaincu que la théorie monétariste orthodoxe ignore ce second
qualité des résultats économétriques de Frenkel soit aspect alors que celle révisée le privilégie. Il semble
à mettre au crédit de l'analyse monétariste des taux raisonnable de considérer que la validité respective
de change. L'historien économiste allemand Holtfrerich de ces analyses dépend du contexte inflationniste du
(1982) remarque qu'une partie importante des avoirs pays étudié.
monétaires de son pays était détenue à l'étranger
(Etats-Unis en particulier). Il note alors que la Une conséquence de la théorie révisée et de
demande d'encaisse réelle exprimée en marks dépendait de ('«overshooting» est que le taux de change au comptant
deux variables: premièrement, le taux d'inflation évolue au sens inverse du différentiel d'intérêts. Donc,
anticipé qui représente le coût d'opportunité de cette d'après l'équation [55], le taux à terme devrait avoir
encaisse en biens et services pour les Allemands; une variabilité de court terme plus faible que celui au
deuxièmement, le taux de dépréciation anticipé du comptant. Brittain (1977) a testé cette conclusion pour
mark qui représente le coût d'opportunité en autres les taux de change de huit monnaies avec le dollar,
devises pour les non-Allemands. Il mesure le premier pour les années 1974, 1975 et 1976 pour plusieurs
comme Cagan et fait une hypothèse d'anticipations durées des contrats à terme et en utilisant des
adaptatives du taux d'inflation. Pour le second, il agit données quotidiennes. Il obtient des résultats contraires
comme Frenkel en prenant l'hypothèse H 3 (égalité à cette conclusion: le taux au comptant est le plus
du taux de change à terme et de celui au comptant souvent moins variable que celui à terme et les
anticipé) mais non l'hypothèse H 1 (parité absolue des variations du différentiel d'intérêts ont des corrélations
pouvoirs d'achat). Il effectue alors la régression sur souvent positives avec celles des taux à termes, et
données mensuelles: presque toujours plus élevées qu'avec les taux au
[73] Log (M/P) = a (P°, - P)/P+ a' (F- E)/E + b comptant. Ces résultats sont en contradiction avec
le modèle d'«overshooting».
et trouve que les estimateurs de a et a' sont
significatifs. Frenkel aurait donc complété et non amélioré
les travaux de Cagan, et l'interprétation qu'il a donnée La bonne adéquation de ces théories monétaristes à
de ses résultats serait incorrecte (22). la réalité ne résista pas cependant au temps. Il suffit
de comparer les mauvais résultats obtenus par Frankel
Les études empiriques sur la période contemporaine, (1981) dans son estimation de l'équation (68) pour le
c'est-à-dire après que le flottement des monnaies se taux entre le mark et le dollar, sur données mensuelles
soit généralisé (1973), sont, bien sûr, très récentes. allant de juillet 1974 à avril 1980, aux bons obtenus
Les plus anciennes confirmèrent l'analyse monétariste antérieurement sur la période allant de juillet 1974 à

30
février 1978. On peut aussi examiner la mauvaise [74]
qualité des régressions données par Dornbusch (1 980).
Nous supposons que le taux de change E suit un
Durant l'année 1978 le dollar se déprécia fortement, processus stochastique et allons adapter l'hypothèse
notamment par rapport au mark. Les autorités H 8 à cette formalisation.
américaines furent très critiquées pour cela, en particulier
par les milieux d'affaires. Beaucoup de ces critiques H 8' : les spéculateurs prévoient à la date t l'espérance
étaient d'esprit monétariste: le dollar se dévalorisait mathématique du taux de change à la date t+ 1,
parce que la quantité de dollars augmentait plus conditionnellement à l'information disponible à la
rapidement que celle de marks. La dépréciation stoppa date t. Cette anticipation est notée indifféremment:
en novembre 1978 à la suite d'interventions sur le
marché des changes et de l'adoption d'une politique
monétaire rigoureuse par les Etats-Unis.
C'est cette prévision qui entre dans l'hypothèse H 3,
L'ennui pour cette explication est que le taux de ce qui suppose implicitement la neutralité des
croissance de la masse monétaire aux Etats-Unis fut spéculateurs à l'égard du risque.
plus faible qu'en Allemagne, avant, durant et après
1978 (des remarques similaires peuvent être faites [74] nous permet d'établir une décomposition
pour d'autres pays). On peut ajouter que intéressante de la variation effective du taux de change
l'accroissement de la masse monétaire en Allemagne résulta sur la période (t, t+ 1):
pour partie de l'achat de dollars, pour le soutenir, par [75] - E)/E = [ (E+1 - E)/E - (E^ - E)/E]
la Bundesbank et de leur «non-stérilisation». Aussi,
formaliser l'offre de monnaie par une marche
aléatoire de son taux de croissance, ou plus généralement
considérer l'inflation comme exogène, apparaît bien Son taux d'appréciation effectif sur (t, t+ 1) est la
peu satisfaisant, et on ne peut s'empêcher d'évoquer somme de l'appréciation anticipée à la date t, qui est
les fonctions de réaction sophistiquées de Laskar. égale au différentiel d'intérêts et de celle non prévue
à la date t. Celle-ci résulte de facteurs non prévisibles
Helliwell (1980) montre combien le taux de change à la date t, mais observés à la date t+ 1, qui seront
entre les dollars canadien et américain a évolué appelés les «news». Les études empiriques concluent
différemment des rapports entre les masses monétaires que les amplitudes des variations de la composante
de ces pays au cours de la période 1 970-1 978. non anticipée sont beaucoup plus importantes que
celles des variations de la composante anticipée
Les vérifications empiriques des explications [Mussa (1979), Dornbusch (1980), Frenkel (1981)].
monétaristes de la détermination des taux de changes
concluent que celles-ci sont au mieux incomplètes: De (75) en utilisant H 8' nous déduisons :
elles sont incapables de donner les causes de
certaines variations importantes des parités observées ces [76] esp Log E+1 - Log E = esp Log [1 + (E+1 - E)/E]
t t
dernières années (23). ~esp(E+1-E)/E = i1-i2
t
D'où en rappelant que e désigne le logarithme du
Le rôle des anticipations taux de change E:
dans la détermination des taux de changes [77] e+1 = e+i1-i2+u+1
La raison principale de l'inadéquation des modèles où u désigne un processus stochastique tel que:
monétaristes aux faits est que les variations effectives esp u+1 = 0, ce qui implique bien sûr que ce
des taux de change dépendent fortement de leurs
anticipations par les investisseurs, traitées jusqu'à processus est non autocorrélé. Nous appellerons [77] la
présent d'une façon très frustre. On va maintenant proposition P1. Dans le cas particulier où le différentiel
montrer qu'elles sont très sensibles aux informations d'intérêts serait toujours nul, elle signifierait que le
nouvelles (les «news»), reçues par les investisseurs, logarithme du taux de change suit une martingale.
qui sont loin de ne concerner que l'évolution Elle peut faire l'objet de tests statistiques vérifiant la
contemporaine de l'offre de monnaie. Les «news» non autocorrélation du processus u.
importantes étant difficiles à identifier (mesurer leur effet n'est
pas non plus aisé) et impossibles à prévoir (par H 3 et H 8' nous permettent d'autre part d'établir :
définition) il apparaîtra que les explications rétrospectives [78] esp E+1 = F
des taux de change ne peuvent être que très
approximatives et les prévisions extrêmement imprécises.
Le taux de change à terme F est égal à l'espérance
Nous faisons encore les hypothèses H 2 et H 3, c'est- mathématique de celui au comptant qui prévaudra à
à-dire nous admettons la parité des taux d'intérêt non la fin du terme, conditionnellement à l'information
couverts contre les risques de change: actuellement disponible. Nous appellerons cela la

31
proposition P2 qui peut aussi être testée. Elle apports de la théorie de la finance, développée pour
implique qu'un spéculateur n'a pas besoin de se livrer à l'analyse des cours des Bourses des valeurs et des
des prévisions compliquées de l'évolution du taux de marchandises. Elle doit prendre en compte la forte
change (sauf s'il éprouve de l'aversion pour le risque dépendance du taux de change courant par rapport
ou dispose d'informations que n'ont pas les autres à ses valeurs anticipées pour le futur. Elle doit aussi
acteurs du marché), puisque leur résultat, utile pour admettre la formation rationnelle des anticipations,
ses décisions, ne pourrait pas être de meilleure qualité c'est-à-dire fondée sur une utilisation cohérente de
que le taux à terme. Les financiers disent que le toute l'information disponible. C'est ici qu'apparaît le
marché est efficient. point faible des analyses monétaristes. Les prévisions
futures du taux de change dépendent de l'idée que
Mussa (1979) dans une intéressante revue de les spéculateurs se font du fonctionnement de
littérature où il examine en particulier les tests de P 1 et P2, l'économie (modèle) et de son environnement (variables
conclut que: exogènes et de politique économique).
L'environnement susceptible d'influencer dans le long terme le
P 1 est presque valide. Les résultats empiriques taux de change a beaucoup d'autres composantes
suggèrent cependant de réviser H 3 en introduisant dans que l'offre de monnaie. Par exemple, un pays qui
[56] une prime de risque dont l'amplitude varierait développe la production de biens ou l'exploitation de
avec les conditions économiques; ressources naturelles pour lesquelles la demande
mondiale a une faible élasticité-prix devrait, toutes
P2, aussi est presque vérifié, le taux de change à terme choses égales par ailleurs, bénéficier dans le long
F étant un estimateur peut biaisé de celui au terme d'un cours élevé de sa devise. Les «news»
comptant à la fin du terme E+1 (ce qui ouvre encore la conduisant à réviser les prévisions de l'environnement
possibilité d'une prime de risque). F est aussi pratiquement sont aussi très nombreuses et ne se limitent pas aux
la meilleure prévision possible de E+1 (par seules variations des masses monétaires. Un
comparaison à celles qu'essaient d'obtenir des experts par accroissement du déficit de la balance commerciale aura un
d'autres moyens). Il constitue enfin une prévision très effet direct, mais pour sa partie non prévue il sera un
imprécise (ce qui est cohérent avec ce que nous élément des «news» et aura un impact
notions antérieurement sur la beaucoup plus grande supplémentaire. C'est pourquoi la littérature théorique a, en ce
ampleur des variations non anticipées par rapport à domaine, soigneusement distingué les conséquences
celles anticipées du taux de change). de mesures de politique économique préalablement
anticipées de celles qui ne l'étaient pas. Le lecteur
Ces résultats sont confirmés sur les années 70 par trouvera une illustration des considérations qui
l'étude de Frenkel (1981). Pour tester le rôle des précèdent dans Laffargue (1 982).
«news», Dornbusch (1980) a estimé l'équation:
[79] (E+1 - E)/E - (i1 - i2) = aQ - a, BT+ a2 Ay1 Une analyse rétrospective des variations du taux de
change apparaît beaucoup plus compliquée et plus
— a3Ay2; ay, a2,a3 > 0 approximative que ce que croyaient les monétaristes.
En plus, les prévisions de ces taux ne pourraient être
Une variable surmontée d'un ~ représente la partie que très vagues. La raison semble être que les
de sa réalisation sur la période (t, t + 1) non prévue à pronostics des spéculateurs, en particulier sur l'évolution
la date t. BT désigne l'excédent de la balance des de long terme des taux de change, sont très sensibles
paiements courants, Ay1 et Ay2 représentent les taux de aux «news». La forte variabilité et la difficulté de faire
croissance du Pnb en volume pour les deux pays. BT, des prédictions sur les prix caractérisent tous les
A91 et AÇ2 représentent les erreurs faites par l'Ocde marchés boursiers (actions, matières premières, or).
dans ses prévisions à court terme. Cette équation a Les tenants des changes flexibles ont manqué
d'abord été utilisée pour expliquer le taux de change d'imagination en ne s'inspirant pas de l'expérience que
effectif du dollar sur la période 1 973-1 979. Les leur donnaient ces marchés. Ils pensaient que les
résultats obtenus sont grossièrement satisfaisants, compte spéculateurs devant, pour faire un profit, acheter
tenu de la difficulté du problème auquel s'attaque d'une monnaie quand son cours est bas et la vendre
Dornbusch. Une amélioration non anticipée de la quand il est élevé, stabiliseraient les taux de change
balance des paiements courants des Etats-Unis, ou au voisinage de leurs valeurs de long terme. L'ennui
un ralentissement (augmentation) imprévu de la est que celles-ci, utilisées par les spéculateurs comme
croissance du Pnb américain (du Reste du monde) référence pour leur stratégie, évoluent rapidement et
entraîne une appréciation du dollar. Des résultats du fortement avec les «news» et que ces variations se
même ordre sont obtenus pour le yen (24). transmettent aux taux de change courants.
Evidemment, si l'environnement économique était plus
Des résultats précédents, on peut retirer des prévisible, les anticipations des spéculateurs varieraient
enseignements intéressants. Les tests empiriques de P 1 moins. Bien sûr, les autorités monétaires ont, en
et P2, ou plus simplement la constatation que le adoptant une politique économique discrétionnaire
logarithme d'un taux de change suit sensiblement de court terme, une part de responsabilité dans cette
une marche aléatoire (surtout après correction du difficulté à faire des prévisions précises. En faire les
différentiel d'intérêts) montrent qu'il est d'abord le prix seuls responsables des fluctuations des taux de
d'un actif (ou stock). Son analyse doit intégrer les change, serait cependant défendre une thèse extrémiste.

32
Conclusion: tion anticipé dans celle-ci) et adoptèrent l'idée que
l'expérience britannique les revendications salariales des syndicats étaient la
de 1950 à 1975 cause de l'inflation. Cette thèse leur semblait
confirmée par l'explosion salariale des années 1969-1971,
qui, pourtant, ne concernait pas les salaires réels et
apparut surtout comme un rattrapage des blocages
Laidler (1976) a écrit une très intéressante analyse de salaire antérieurs. Cette erreur d'analyse
monétariste de l'inflation et de la conjoncture en permet ra de comprendre la politique aberrante de la période
Grande-Bretagne sur la période 1950-1 975, qui nous suivante.
a semblé pouvoir constituer une bonne conclusion de
cette deuxième partie (25). Cet auteur distingue trois La période 3 fut celle des changes flottants, ce régime
périodes : celle antérieure à 1 967 (notée 1), celle allant étant choisi par les autorités britanniques pour que
de 1967 à 1972 (notée 2) et celle allant de 1972 à la contrainte extérieure ne gêne pas leur politique.
1975 (notée 3). Examinons d'abord la sous-période 1972 -fin 1973.
Elle fut caractérisée par une politique budgétaire de
La période 1 est caractérisée par un système des relance dans le but de limiter le chômage, un
changes fixes. Les prix dans le secteur concurrencé financement monétaire du déficit budgétaire, un maintien
(par l'étranger) ne peuvent alors pas augmenter des taux d'intérêt à de bas niveaux par la politique
beaucoup plus vite que dans le Reste du monde. Le monétaire, et un contrôle des prix et des salaires pour
différentiel des dynamiques de prix entre secteurs freiner l'inflation. La masse monétaire augmenta
abrité et concurrencé dépend de leurs progrès considérablement, continuant une tendance
technologiques respectifs. En fait, les prix, dans le secteur commencée en 1970, le contrôle des prix et des salaires
abrité où l'innovation technologique est limitée, ont n'eut aucun effet durable et échoua totalement (26).
augmenté un peu plus vite que dans l'autre. Durant Cet échec se manifesta d'une façon particulièrement
cette période, le gouvernement britannique mena une dramatique par de grandes grèves qui, entraînant la
politique budgétaire de relance, modérée par la chute du gouvernement Heath en février 1974,
contrainte extérieure, qui assura un taux de chômage préfigurèrent celles menées cinq années plus tard pour
très faible. En fait, cette politique fut trop énergique; des raisons similaires qui débouchèrent sur la défaite
les autorités y recoururent pour lutter contre une lente électorale travailliste. Il faut ajouter, cependant, que
hausse du taux de chômage qui en fait reflétait, d'une l'expansion de la masse monétaire eut, durant cette
part une augmentation progressive du chômage sous-période, un effet bénéfique sur la production et
naturel (c'est-à-dire de celui qui ne peut être combattu l'emploi.
par une politique conjoncturelle, mais par une
politique structurelle), d'autre part, le fait qu'au début des De fin 1973 à mi- 1975 la Grande-Bretagne fut
années 50 ce taux était artificiellement bas, caractérisée par un fort déficit public, largement financé
conséquence de la sous-évaluation de la livre qui suivit la par des emprunts à l'étranger, une expansion
forte dévaluation de 1949. Aussi, les prix du secteur monétaire limitée, une balance des paiements courants
concurrencé augmentèrent à un rythme un peu plus très déficitaire et une parité élevée de la livre (par
rapide que les prix mondiaux et la balance des suite d'entrées de capitaux finançant le secteur public,
paiements courants se détériora progressivement. Cela mais attirés aussi par les investissements pétroliers).
se termina par la dévaluation de 1967. Durant cette Le ralentissement monétaire fut suivi, avec les délais
période la masse monétaire fut largement déterminée habituels, d'une augmentation du chômage, puis d'un
par la demande de monnaie. freinage de l'inflation interrompu brutalement dans la
mi-1975 quand les capitaux étrangers cessèrent
La période 2 est très instructive. La dévaluation et d'arriver et qu'il fallut leur substituer un financement
l'accélération de l'inflation mondiale entraînèrent un monétaire de l'économie. La parité de la livre sterling
net accroissement de l'inflation en Grande-Bretagne. s'écroula et l'inflation atteignit un niveau de 30% en
Pour sa part, le chômage ne diminua pas, d'abord base annuelle. Si ce résultat est compatible avec
parce que le chômage naturel augmenta, ensuite à l'analyse monétariste, elle a des caractéristiques très
cause de l'effet-revenu dépressif de la dévaluation spécifiques, en particulier la brièveté des délais et la
qui fut suivie, notamment sur la demande du Fmi, brusquerie des changements, dont l'origine est sans
d'une politique budgétaire et monétaire restrictive et doute à rechercher du côté du régime des changes
conduisit à une baisse des taux de croissance de M 1 flexibles.
et M 3 en 1968. Cela confirme que les autorités d'un
pays fortement ouvert sur l'extérieur ont un bon L'expérience britannique montre qu'en changes fixes,
contrôle de la masse monétaire dans le court terme. Cette le contrôle des autorités sur la masse monétaire est
politique se transmit, avec les retards déjà notés, aux possible sur une courte durée et devient limité au-
aspects réels de l'économie (forte augmentation du delà. Il n'empêche que la longue marche vers la
chômage en 1970 et 1971), puis aux prix (baisse de dévaluation de 1967, l'augmentation du chômage de
l'inflation en 1972). Mais durant ces années, les 1970 et 1971, puis sa baisse au-delà, la diminution
économistes britanniques donnèrent une interprétation de l'inflation de 1971, ont des explications
différente des faits. Ils condamnèrent la courbe de monétaristes traditionnelles. En changes flexibles, l'analyse
Phillips (ils ne faisaient pas intervenir de taux monétariste redevient largement valide.

33
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Vsl/Inp
IUIUOIUM
1 1 I q j f\ ri clu
Nousmonétarisme.
avons essayéCelui-ci
de présenter
a été fréquemment
l'apport scientifique
ignoré
et les critiques de cette école ont souvent été celles
d'une idéologie qui lui a été attribuée un peu
rapidement. Il est juste d'ajouter que certains économistes
conservateurs ont essayé d'accréditer leurs opinions
politique par des conclusions radicalisées et
caricaturales du monétarisme. Tout cela serait insignifiant
si l'histoire ne nous donnait pas l'exemple de tant
d'analyses scientifiques récupérées ou vilipendées
par les idéologies et leurs militants.
Le monétarisme est d'abord une démarche inductive.
Ce n'est pas un hasard si les développements
théoriques de Friedman sont, pour l'essentiel, postérieurs
à ses travaux empiriques, eux-mêmes postérieurs à
sa constitution de données rigoureuses sur l'histoire
monétaire des Etats-Unis. Les raisonnements
théoriques qu'il développe sonï d'ailleurs très simples et
n'ont d'autre ambition que de permettre une
interprétation claire de ses résultats empiriques.
Le monétarisme peut se résumer par deux conclusions,
valables dans une économie où les relations
internationales ont une importance limitée:
les variations de l'offre de monnaie sont une cause
essentielle des cycles économiques,
un accroissement de la masse monétaire entraîne
rapidement une forte augmentation du produit
national nominal. Celle-ci suit alors une évolution cyclique
amortie qui se stabilise au bout de trois ans environ
à un niveau intermédiaire. Elle reflète dans un premier
temps une élévation du volume de la production, puis,
de plus en plus, du niveau des prix. Les délais d'action
de la politique monétaire sont extrêmement
variables (27).
Ces conclusions ont plusieurs corollaires. D'abord,
elles impliquent que les effets de la politique
budgétaire, si elle n'est pas accompagnée d'une variation
de la masse monétaire, sont limités dans leur
ampleur et dans leur durée.
Elles impliquent aussi qu'il n'y a aucun espoir de
réduire l'inflation sans freiner le taux d'expansion
monétaire et le diminuer suffit. Une telle décision
entraînera d'abord une récession et la baisse des prix
sera très progressive. Il n'est pas antimonétariste de
chercher à accélérer l'efficacité de cette mesure et
d'en limiter les conséquences réelles négatives, par
une politique des revenus de courte durée. Mais
celle-ci sera sans effets durables sur les prix en
l'absence d'une réduction de la croissance de la quantité de
monnaie.
Un autre corollaire du monétarisme est que, pour
diminuer les fluctuations économiques, il faut
stabiliser l'offre de monnaie et adopter une règle de
croissance à taux constant de celle-ci. On peut, cependant,
être monétariste et admettre une politique monétaire
anticyclique —voire discrétionnaire— tout en
reconnaissant sa difficulté et les déconvenues qu'elle a
souvent rencontrées.

34
Le dernier est que les taux d'intérêt nominaux sont d'une monnaie par rapport à une autre à partir de
des mauvais indicateurs et objectifs de politique leurs offres respectives. Cette conclusion est
économique. Notre opinion est que tous les économistes cependant largement infirmée par les faits montrant que
devraient accepter ce point de vue, qu'ils soient les taux de change présents sont largement
ou non monétaristes. Les contre-sens sont légion. conditionnés par ceux que les spéculateurs anticipent pour le
Friedman reprochait au «Federal Reserve System» futur. Or, ces prévisions fluctuent fortement au gré
d'avoir mené une politique monétaire restrictive des informations que reçoivent ces agents et qui sont
durant les premières années de la Grande dépression loin de ne concerner que les quantités de monnaie.
et de l'avoir ainsi accentuée. On lui a répondu que les
taux d'intérêt avaient beaucoup baissé durant cette
période et donc, que cette accusation était infondée.
Mais les prix se sont écroulés, en conséquence les
taux d'intérêt réels ont considérablement augmenté
et ce sont eux qui servent de référence aux calculs
des investisseurs ou, plus généralement, des
emprunteurs dont le revenu nominal est plus ou moins indexé
sur le niveau des prix. La difficulté est qu'un taux
d'intérêt réel est la différence entre un taux nominal et
un taux d'inflation anticipé. Ce dernier n'est pas le
même pour tous les agents : il est subjectif, il ne
concerne pas les mêmes prix et il n'est, bien sûr, pas
publié.

La façon dont il convient d'ajuster le monétarisme


pour un pays de petite taille, très ouvert sur
l'extérieur et en régime des changes fixes, est moins claire.
Certains économistes lui dénient toute validité en
affirmant que, dans ce cas, la masse monétaire
intérieure n'est pas contrôlable par les autorités. Elle est
à chaque instant déterminée par sa demande qui est
fonction des prix et taux d'intérêt nationaux qui
s'alignent continuement sur leurs niveaux mondiaux.
Les études empiriques montrent que cette thèse est
excessive. Dans le court terme, les autorités d'un
pays ont une grande autonomie dans la
détermination des prix, taux d'intérêt et masse monétaire
nationaux. Dans le long terme, la possibilité de dévaluer
ou réévaluer rend aux autorités monétaires une
certaine liberté dans le choix de l'évolution de leur masse
monétaire. Il ne faut pas cependant surestimer cette
autonomie. On doit se rappeler que, durant le début
des années 70, la Banque de France devait largement
aligner les taux du marché monétaire français sur les
taux étrangers. Maintenant encore, ils sont largement
déterminés par la volonté de respecter les accords
des changes semi-fixes du Système monétaire
européen et le désir de ne pas laisser le franc se
déprécier trop par rapport au dollar. Cependant, les autorités
françaises ont une certaine maîtrise de l'évolution de
leur masse monétaire, d'abord en disjoignant
largement les rémunérations des placements monétaires
et financiers, souscrits par les ménages et les
entreprises, des taux du marché monétaire, ensuite par
l'encadrement (et le rationnement) du crédit. La
version du monétarisme développée pour une économie
fermée garderait ainsi une bonne part de validité.

En régime des changes flexibles, il n'existe pas de


monétarisme bien structuré. D'une part, la majorité
des économistes admettent que dans ce cas, les
autorités d'un pays de petite taille peuvent contrôler sa
masse monétaire. D'autre part, certains monétaristes
ont essayé d'expliquer les fluctuations de la parité

35
Notes

(1 ) - Cette série est annuelle jusqu'en 1907, mensuelle au-delà.


(2 ) - C'est-à-dire sensiblement les taux de croissance, comme dans l'article de Friedman et Schwartz (1963), ainsi que nous l'avions noté.
(3 ) - Le «Federal Reserve System» baissa le taux de réescompte, mais limita ses interventions à l'open market. Il était difficile aux banques
de recourir au réescompte sans éveiller la méfiance de leurs déposants sur leurs liquidités, ce qui aurait entraîné un retrait massif de
leurs dépôts et leur faillite. De 1929 à 1933 on assista à plusieurs périodes de faillites bancaires que le «Federal Reserve System»
aurait pu empêcher par une politique monétaire plus habile et moins restrictive. Celles-ci accentuèrent la baisse de la masse monétaire
en diminuant le multiplicateur monétaire (le rapport : dépôts + billets/réserves ; les agents méfiants à l'égard de la solidité des banques
détenaient de plus en plus de billets et de moins en moins de dépôts). La nécessité pour le «Federal Reserve System» d'assurer la
liquidité de l'économie était d'autant plus importante que le système financier était devenu très fragile avant 1929. On assista, durant
cette période, à une intermédiation financière croissante de tous les agents, qui se trouvèrent en difficulté après le krach de Wall
Street. Dans un livre passionnant Kindleberger (1973) voit dans ce phénomène la raison de la brutalité et de l'ampleur de la récession
en 1929. Enfin, il n'est que juste d'indiquer qu'il existe une excellente critique keynésienne de l'explication monétariste de la Grande
dépression par Temin (1976). Son examen nous amènerait cependant trop loin.
(4 ) - Vilar et Friedman admettent que les grandes tendances de l'évolution de l'offre de monnaie dépendent des grandes tendances de
l'économie. Par exemple, la recherche de nouvelles mines de métaux précieux est d'autant plus intense que les prix de ces métaux sont plus
élevés. Ou bien l'entrée d'or européen aux Etats-Unis del914àl917 n'a pas que des causes extra-économiques. L'exogénéité de
l'offre de monnaie doit s'interpréter chez ces deux auteurs comme l'absence de cause économique précise et immédiate des variations de
celle-ci.
(5 ) - Cette élasticité a baissé dans les années 50, et aussi dans les années 20 : la bonne confiance du public dans la stabilité de l'économie
durant ces périodes diminua leur demande de monnaie. Une remarque opposée peut être faite pour les années 30.
(6 ) - Pour Friedman, l'encaisse effectivement détenue s'ajuste rapidement à toute variation du revenu permanent. Donc, il n'est pas
vraiment nécessaire de distinguer une encaisse désirée (qui serait donnée par l'équation ( 1 ) d'une encaisse effective, si on travaille en
données annuelles. En revanche, cette distinction devient importante en données trimestrielles [voir Friedman (1970)].
(7 ) - Les formalisations de ce paragraphe ont été prises aussi simples que possibles. Des formalisations plus complexes peuvent être plus en
accord avec les résultats empiriques, mais il n'est pas utile de les examiner ici.
(8 )- L'évaluation interne détaillée de Corrado (1976) conclut en ce sens.
(9 ) - On peut aussi se demander si les conclusions keynésiennes obtenues à partir de MPS, sont robustes, même si on ne conteste en rien le
modèle. McNelis (1980) obtient, avec une version plus récente de MPS, des multiplicateurs dynamiques qu'il a calculés sur 11 ans,
qu'il trouve conforme aux thèses monétaristes, mais qui nous semblent surtout étranges. La différence entre les résultats d'Ando et
Modigliani (1976) et McNelis (1980) provient-elle de la réestimation du modèle, de la publication des multiplicateurs dynamiques sur
un intervalle de temps beaucoup plus long pour McNelis, sur des choix différents des autres variables exogènes, de la date où est
introduite la mesure politique économique,... ?
(10) - Stein(1981, 1982) s'est aventuré à construire un modèle englobant les analyses keynésiennes et monétaristes, chacune correspondant
à des valeurs différentes des paramètres, puis à tester sur données des Etats-Unis et d'autres pays la validité respective de ces
analyses. Cette démarche est propre à soulever les critiques de ces deux écoles : chacune peut considérer que le modèle de Stein est
insuffisamment général pour prendre en compte leur analyse dans toute sa richesse, et donc que les tests seront biaises a priori en leur
défaveur. Mais cette démarche nous semble aussi susceptible d'éclaircir un débat que les polémiques ont considérablement obscurci, et
cela en le plaçant au niveau de la confrontation scientifique avec l'expérience. Nous avions initialement pensé consacrer un
paragraphe à ces travaux qui sont d'un grand intérêt, puis il nous est apparu qu'ils ne pouvaient pas être exposés brièvement. Nous
signalerons cependant que les tests concluent très fortement en faveur du monétarisme.
(11)- Pour un jugement très favorable de la politique, de la personnalité et de l'intégrité morale de M. Volcker, par un hebdomadaire
habituellement réservé dans ses jugements, voir Time, n° 10, 8 mars 1982. Une présentation très claire et très actuelle du «Federal
Reserve System» et de ses moyens de politique monétaire a été écrite par l'Ambassade des Etats-Unis à Paris («La Réserve Fédérale», par
0. Scherr, août 1982).
( 12) - Dans son manuel très pédagogique sur le monétarisme, Poole (1978) signale qu'en 1966 et en 1968 les politiques budgétaire et
monétaire eurent des caractéristiques opposées, et la seconde domina la première aux Etats-Unis.
(13) - Ces pressions sont une bonne illustration des raisons pour lesquelles Friedman se méfie des politiques discrétionnaires et propose de
leur substituer une règle d'augmentation de la masse monétaire à un taux constant.
(14) - Son article peut s'interpréter comme un approfondissement de ceux de Williams, Goodhart et Gowland (1978) et de Mixon, Pratt et
Wallace (1979) qu'il est donc inutile de présenter ici.
(15) - Sur ce qui suit, voir Putnam et Wilford (1978) et surtout l'excellent article de Swoboda (1978).
(16) - II semble raisonnable de s'attendre à ce que moins la politique de stérilisation est capable de contrôler la masse monétaire, plus elle
doit être menée de façon intensive. Aussi c devrait être une fonction décroissante de a. Nous ne poursuivrons pas dans cette direction
en nous bornant à renvoyer à Laskar (1981).
(17) - Ce paragraphe et le suivant empruntent beaucoup à l'intéressante revue critique de Frankel (1981).

36
(18) - Les théoriciens des anticipations rationnelles préféreraient ne pas faire l'hypothèse H 5, mais supposer que les spéculateurs
connais ent l'équation [57] et considèrent que les paramètres de celle-ci resteront stables dans le futur. On obtient ainsi le modèle dynamique
avec anticipations rationnelles constitué de l'équation [57] que nous réécrivons:
e = [A e+e, + (m1 -m2) - 0 (y1 - y2)]/(l + A),
des hypothèses H 7 et H 8 et de l'hypothèse complémentaire que les taux de variation du taux de change, anticipés pour toutes les
périodes futures, sont bornés. La résolution de ce modèle donne encore l'équation [61].
(19)- Par exemple, la dépréciation du dollar par rapport au mark sur les 20 dernières années est nettement plus importante que ce qui peut
être expliqué par la différence des taux d'inflation aux Etats-Unis et en Allemagne. Voir aussi le commentaire de Mussa (1979) par
Stockman.
(20) - Frenkel a testé cette hypothèse sur données mensuelles et a conclu qu'elle était en accord avec les faits, non seulement pour
l'Al emagne, mais encore pour la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis des années 20. Le contraste entre ce résultat et la réalité
actuelle reste inexpliqué. Voir par exemple Frenkel (1980).
( 2 1 ) - Les tests de cette hypothèse par Frenkel (1977,1 980) n'ayant pas été entièrement concluants, celui-ci ( 1 979) a développé une variante
de l'équation [72], qui ne modifie pas cependant l'esprit de l'analyse économique que nous présentons ici.
(22) - Frankel (1977) reconnaît l'existence des deux coûts d'opportunité de la détention de monnaie que prend en compte Holtfrerich, ainsi
que d'un troisième coût qui est le taux d'intérêt, mais il considère que les hypothèses Hl, H 2 et H 3 les rendent égaux.
(23) - Frenkel (1981) a essayé de remédier à ce résultat décevant en amendant la parité des taux d'intérêt H 2 et H 3, conformément à la
tique de H 3 que nous présentions dans le paragraphe précédent: le différentiel des taux d'intérêt dépend des quantités respectives
d'actifs financiers exprimés dans les monnaies des deux pays. Si les actifs exprimés en devise du pays 1 augmentent plus vite que ceux
exprimés en devise du pays 2, la monnaie du pays 1 se déprécie par rapport à celle du pays 2. Mais cette révision des modèles
monétaristes n'a pas permis une meilleure compatibilité de ceux-ci avec la réalité : en 1978 le mark s'est apprécié par rapport au dollar alors
que la quantité des actifs exprimés en marks a augmenté plus vite que celle des actifs en dollars !
(24) - Une estimation plus systématique du rôle des «news» dans les variations non anticipées des taux de change a été effectuée par
Bromhoff et Korteweg (1981). Ils introduisent les «news» concernant la masse monétaire qui manquent d'une façon curieuse chez
Dornbusch. Voir aussi Frenkel (1981).
(25) - II est dommage que Laidler n'ait pas (à notre connaissance) actualisé son article pour y inclure l'expérience (et son échec) de politique
des revenus par le gouvernement Callaghan et l'expérience monétariste de Madame Thatcher. Nous n'avons pas tenté d'effectuer
cette actualisation nous-mêmes car elle demanderait une connaissance détaillée des institutions de la Grande-Bretagne et de leur
fonctionnement que nous n'avons pas. Cette connaissance est nécessaire pour comprendre l'écart entre la politique économique
souhaitée par le gouvernement et celle effectivement menée, écart qui fut parfois très important : sous le gouvernement Wilson, comme le
note
Laidler, et sous le gouvernement actuel dont il n'est pas évident qu'il ait mené la politique monétariste qu'il affiche. Il semble qu'à
certains moments, les rigidités soient telles en Grande-Bretagne que le gouvernement perde tout contrôle sur son budget, sa politique
monétaire, etc.
(26) - Une critique de la politique des revenus est que les effets encourageants de court terme de ce qui devrait être une politique de
tion, incitent les autorités à remettre constamment à plus tard les mesures de fond nécessaires pour freiner l'inflation : équilibre
budgétaire, limite de la création monétaire. La politique des revenus devient alors de plus en plus contraignante, et les distorsions des
structures des prix et des revenus relatifs qu'elle crée de plus en plus insupportables aux plans économique et social.
(27) - Certains lecteurs trouveront peut-être que les monétaristes privilégient trop le rôle des phénomènes monétaires dans l'évolution de la
conjoncture. Mais, même si ceci était le cas, il serait difficile de ne pas reconnaître à ces économistes qui, au début, n'étaient que
quelques-uns, le mérite et le courage d'avoir su s'opposer avec succès à un dogmatisme et totalitarisme keynésien tout puissant qui
avait rejeté l'analyse monétaire et financière à la périphérie de l'analyse économique. Comme les faits économiques ont conduit de
plus en plus de Keynésiens à prendre des positions beaucoup plus nuancées et éclectiques, donc plus acceptables, il n'est pas mauvais
de donner un exemple de ce qu'était la doctrine il y a 25 ans : la communication de Kaldor au comité Radcliffe (1958). Pour cet auteur,
les agents sont prêts à détenir n'importe quelle quantité de monnaie (les variations de la masse monétaire sont sans effets sur les taux
d'intérêt!), la demande est indépendante des taux d'intérêt dans le court terme (sauf pour des variations considérables de ceux-ci, et
pour la demande spéculative de matières premières !), la demande de crédits dépend des taux d'intérêt réels et l'offre de ceux-ci des
taux d'intérêt nominaux (donc l'inflation est une condition nécessaire de la croissance !), l'inflation résulte des revendications
salariales des syndicats (et relève donc d'une politique des revenus). Il n'y a pas de place pour une politique monétaire (sauf stabiliser les taux
d'intérêt), mais la conjoncture doit être régulée par une politique budgétaire. Le modèle de Kaldor et ses conclusions sont simplement
affirmés et apparaissent comme au-delà de toute discussion. Aucune vérification empirique n'est bien sûr entreprise, les faits
économiques étant réduits à un rôle d'illustration anecdotique. Le contraste entre ce dogmatisme déductif et l'empirisme monétariste est
fascinant, justifie la lecture du papier de Kaldor et explique pourquoi le monétarisme s'imposera progressivement en Grande-Bretagne.

37
Allais M. - «A restatement of the quantity theory of money». The
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