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Bertrandy François. Notes à propos d'un fundus (C.I.L., VIII, 6351) de la région de Cirta (Constantine) en Numidie. In:
Antiquités africaines, 27,1991. pp. 157-166;
doi : https://doi.org/10.3406/antaf.1991.1197
https://www.persee.fr/doc/antaf_0066-4871_1991_num_27_1_1197
Abstract
The inscription CIL, VIII, 6351, which has been known since the middle of the nineteenth century calls
to mind a fundus Senect[-]. Though it is mutilated, this inscription is likely to offer some indications
related to the history of the "cirtean confederacy". To restore the hammered name of the emperor we
suggest that of Heliogabale whose links with Caelestis are well known. The text could mention the
building of a temple dedicated to Caelestis Augusta by a roman citizen of the place. What is left is only
the mention of his tribe (Quirina) and the cognomen Postumus. He could have been the owner of the
fundus Seneci[osus] rather than Senect[-] which probably belonged to the Lollii, a rich family in the
vicinity of Tiddis, and whose most famous member was Q. Lollius Urbicus. A list and a map of the
various estates of the "confederacy" are tot be found in appendix.
Antiquités africaines
t. 27, 1991, p. 157-166
par
François BERTRANDY*
Résumé
L'inscription CIL, VIII, 6351, connue depuis les années 1850, évoque un fundus Senect f-J. Bien qu'il soit mutilé, ce texte
est pourtant susceptible de fournir quelques indications intéressant l'histoire de la « confédération cirtéenne ». On proposera
de restituer le nom martelé de l'empereur par celui d'Héliogabale dont on connaît les liens avec Caelestis. Le texte
mentionnerait la construction d'un temple à Caelestis Augusta par un citoyen romain de la région dont il ne subsiste que la
mention de la tribu (Quirina) et le surnom Postumus. Il pourrait être le propriétaire du fundus SenecifosusJ plutôt que
Senectf-J qui aurait appartenu aux Lollii, riche famille des environs de Tiddis, dont Q. Lollius Urbicus fut le plus illustre
représentant. En appendice, on donne une liste et une carte des domaines de la Cirtéenne.
Abstract
The inscription CIL, VIII, 6351, which has been known since the middle of the nineteenth century calls to mind a fundus
Senectf-J. Though it is mutilated, this inscription is likely to offer some indications related to the history of the "cirtean
confederacy". To restore the hammered name of the emperor we suggest that of Heliogabale whose links with Caelestis are
well known. The text could mention the building of a temple dedicated to Caelestis Augusta by a roman citizen of the place.
What is left is only the mention of his tribe (Quirina) and the cognomen Postumus. He could have been the owner of the fundus
SenecifosusJ rather than Senect f-J which probably belonged to the Lollii, a rich family in the vicinity of Tiddis, and whose
most famous member was Q. Lollius Urbicus. A list and a map of the various estates of the "confederacy" are tot be found
in appendix.
Dans le cadre d'un recensement des grands domaines installés sur le territoire cirtéen aux trois
premiers siècles de notre ère, notre attention a été attirée par l'existence d'une inscription mutilée retrouvée
au sud-ouest de Cirta (Constantine), près de Mdstar ou du Castellum Elefantum, au cœur de la région du
Chettaba1.
* Université J. Moulin. Lyon III (CERGR), 74, rue Pasteur, 69007 LYON.
1 Sur le Chettaba, voir les prospections archéologiques et épigraphiques faites par Alquier (J. et P.), Le Chettaba et les
grottes à inscriptions latines du Chettaba et du Taya, Constantine, 1929, 192 p. qui ne semblent pas avoir vu l'inscription. Il
serait souhaitable que les prospections épigraphiques faites par H.-G. Pflaum, à l'ouest de Cirta, puissent enfin être publiées
pour compléter utilement les deux autres volumes des Inscriptions latines de l'Algérie consacrés à la Cirtéenne.
158 F. BERTRANDY
Cependant le lieu exact de sa découverte n'est pas connu puisque le seul renseignement dont on dispose
est une vague localisation sur « le versant oriental du Chettabah (Aquartillae ?) ». Disons tout de suite que
l'identification du lieu de la découverte avec Aquartillae reste très hypothétique 2.
L'inscription est portée sur « une dalle bordée d'une moulure en haut, à gauche et en bas » : ce qui
indique que le côté droit de la pierre est brisé et qu'il manque donc toute la partie droite du texte 3. La
lacune, cependant, comme on le verra, ne paraît pas très importante. Voici la dédicace telle qu'elle a été
transcrite dans le Corpus des Inscriptions latines, CIL, VIII, 6351 :
6351. Versant oriental du Chettabah Renier.
PRO
C / / / / / AV
CAELESTI AVG
L-F QV1R · POST
5 FVNDI SENECT
CreuMy apud Renierum n. 2341.
Ainsi publiée, l'inscription présente, à nos yeux, deux anomalies qui découlent vraisemblablement
d'une copie défectueuse4. On proposera deux corrections minimes ne modifiant en rien la disposition des
lettres : la première concerne la lettre C au début de la 2e ligne et la lettre Γ à la fin de la 5e ligne conservée.
Il s'agit d'une dédicace pour la sauvegarde d'un empereur dont le nom a été martelé et à laquelle est jointe
la mention de Caelestis Augusta. Les deux dernières lignes du texte indiquent, en partie, le nom du dédicant
et celui d'une exploitation agricole, lefundus Senect[-].
Le nom de l'empereur
La première anomalie du texte réside dans l'existence, au début de la seconde ligne de l'inscription,
d'un C dans le nom martelé de l'empereur. En fait, cette unique lettre pourrait bien être la moitié d'un O
ayant échappé au martelage. Ce qui, compte-tenu de l'espace laissé entre cette lettre et le Au[g] de
Au\g(usti)], permettrait d'introduire les quatre lettres NINI de [Ant]o[nini\. Resterait alors à établir de quel
Antoninus il s'agit.
A notre avis, la présence à côté du nom de cet empereur de celui de Caelestis fait qu'on ne peut les
dissocier. Cette constatation fournit très certainement une indication chronologique : elle nous contraint
à restituer le nom d'un membre de la famille des Sévères.
2 L'inscription est anciennement connue puisqu'elle a été copiée au début des années 1850 par le Général Creully. Elle
figurait déjà dans le recueil de Renier (L.), Inscriptions romaines de l'Algérie, Paris, 1855-1858, n° 2341. Depuis, voir CIL,
VIII, 6351. S. Gsell, Atlas Archéologique de l'Algérie, désormais, AAA, f. 17, 93-94 indique que parmi les nombreuses
inscriptions latines de cette région CIL, VIII, 6351-6699 et 19 335-19 402, beaucoup ont été copiées sur le site de Mastar, mais
que certaines d'entre elles peuvent avoir été relevées aussi sur celui du Castellum Elefantum. Il mentionne, in AAA, f. 17, 120,
l'inscription plus à l'est de Mastar.
3 Les éditeurs de l'inscription n'ont pas donné, malheureusement, d'indications sur l'étendue de la lacune.
4 Compte-tenu de sa localisation incertaine, il est possible que L. Renier n'ait pas revu la pierre sur laquelle avait été
copiée l'inscription.
NOTES À PROPOS D'UN FUNDUS DE LA RÉGION DE CIRTA 1 59
On sait, en effet, que le culte de Caelestis, la divinité poliade de Carthage5, connut un essor
remarquable à partir des Sévères et qu'il reçut sous cette dynastie une véritable consécration grâce
notamment à Iulia Domna, l'épouse de Septime Sévère6.
L'émission de monnaies à l'effigie de l'impératrice, sans doute contemporaine du voyage impérial en
Afrique au cours de l'année 203, multiplie au revers l'image de Caelestis7.
De même, l'assimilation de Iulia Domna à Caelestis se retrouve sur des inscriptions de Mogontiacum
(Mayence)8 et de Lepcis Magna9. Il y a donc de la part du fondateur de la dynastie sévérienne et de son
épouse une dévotion toute particulière à l'égard de cette divinité. On pourrait penser alors que l'inscription
était dédiée à M. Aurelius Antoninus (Caracalla), mais le nom de cet empereur n'a pas été martelé sur les
monuments en Afrique du Nord. Il faut donc rejeter cette proposition et nous tourner vers ce qui semble
être la solution la plus plausible c'est-à-dire une dédicace à M. Aurelius Antoninus (Héliogabale) 10.
Le nom de ce souverain a été martelé, en effet, sur la plupart des inscriptions le mentionnant. Or
Héliogabale avait choisi Caelestis, protectrice de Carthage, pour épouse du dieu Elagabal dont il avait
introduit le culte à Rome. Le jeune empereur scellait de la sorte une union entre un culte punique, celui de
Tanit-Junon-Caelestis, et un culte syrien, celui d'Elagabal, le bétyle émésien, mais aussi une réconciliation
entre Carthage et Rome".
La statue de Caelestis avait été apportée de Carthage avec sa dot, c'est-à-dire le trésor de son temple,
et enfermée avec le bétyle dans Y Elagabalium. L'empereur avait fait bâtir ce temple sur le Palatin à
l'emplacement actuel de la vigna Barberini, là où se dresse aujourd'hui l'église San Sebastiano 12. On doit
préciser, cependant, qu'il avait prévu d'associer à son dieu non seulement Junon-Caelestis mais aussi
Pallas-Minerve. C'est ce que suggère un chapiteau endommagé ayant vraisemblablement appartenu à
5 Voir, pour le retour au premier plan de cette divinité en Afrique du Nord, Zecchini (G.), Il santuario della dea Caelestis
e ¡'Historia Augusta, in Santuari e politica nel mondo antico. Contributi dell'Istituto di Storia antica, Univ. Catt. del Sacro
Cuore, Scienze Storiche, 31, t. 9, 1983, p. 150-167 qui situe, après une longue perte d'influence, le renouveau de son culte et
de son oracle sous le règne d'Antonin ; voir également Beschaouch (Α.), Mustitana I. Karthago, t. 13, 1965-1966, p. 1 18-224 ,
A.E., 1968, 595, 596, 609.
6 Leglay (M.), Inscriptions de Lámbese sur les deux premiers légats de la province de Numidie. C.R.A.I., 1956,
p. 300-307 ; Mundle (I.), Dea Caelestis in der Religionspolitik des Septimius Severus und der Iulia Domna. Historia, t. 10, 1961,
p. 228-237 ; voir les remarques de Pavis D'Escurac (H.), La Magna Mater en Afrique. B.A.A., 1975-1976 (1980), p. 223-242,
à propos des correspondances religieuses entre Cybèle et Caelestis en Afrique du Nord, plus précisément, p. 228-233 ; en
dernier lieu sur Caelestis, Halsberque (G.H.), Le culte de Dea Caelestis, A.N.R.W., Π, 17, 4, Berlin, New- York, 1984,
p. 2213-2223.
7 Cohen, IV, p. 112, n°80 = Mattingly, RIC, IV, 172, n° 594. Voir Mundle (I.), art. cité. Historia, t. 10, 1961,
p. 233-235.
8 CIL, XIII, 6671 [Iuliae AugustaeJ Cadesti Deaej [mairi imperato Jris Caesaris / [M. Aurelii Antonjini... ; voir Déroche
(L.), M.E.F.R.A., t. 60, 1948, p. 75 et Toutain (J.), Julia Domna invoquée sous le nom de Dea Caelestis. B.C.T.H., 1943-1945,
p. 306-311.
9 A.E., 1926, 159 : Iulia Domnae / Aug(ustae) genetrici/orbis terrae.
10 Sur le nom de cet empereur, voir Turcan (R.), Héliogabale et le sacre du Soleil. Paris, 1985, p. 7-8 : Elagabal n'est
jamais usité à cette époque pour désigner M. Aurelius Antoninus. Il convient de réserver ce titre à l'idole de pierre d'Emèse
dont Héliogabale avait fait son dieu et dont il était le prêtre.
11 Dion Cassius, LXXIX, 12, édit. E. Gary, « Loeb Classical Library » ; Hérodien, V, 6, 3-5, édit. E.H. Warmington,
« Loeb Classical Library » ; Turcan (R.), Héliogabale, p. 145-150 sur la théogamie voulue par Héliogabale.
12 Sur Y Elagabalium, voir Nash (E.), Bildlexikon zur Topographie des antiken Rom, I. Tübingen, 1961, p. 537 et ss.,
fig. 663-670 ; Castagnoli (F.), 5m alcuni problemi topografici del Palatino. Atti dell'Academia dei Lincei, Rendiconti... morale,
ser. Vili, voi. 34, 1979, p. 331-338, qui fournit toute la bibliographie antérieure : pour lui le temple serait en fait une
transformation du temple de Jupiter Victor, avant que ce dernier ne retrouve sa destination primitive grâce à Sévère
Alexandre ; Hill (Ph. V.), The Buildings and Monuments of Rome on the coins of A.D. 217-294. Riv. it. di Numis, t. 83, 1981,
p. 57-61, pour les représentations de Y Elagabalium sur les monnaies.
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Γ Elagabalium. Le chapiteau montre les deux divinités encadrant le bétyle-Elagabal : à gauche, reconnaissa-
ble à l'égide, l'idole de Pallas-Minerve et, à droite, celle de Junon-Caelestis. R. Turcan a pensé qu'Hélioga-
bale avait envisagé de créer une nouvelle triade coïncidant par syncrétisme avec l'antique triade
capitoline13.
Quoi qu'il en soit, dans le cadre de ces notes, il faut retenir l'étroitesse des liens qui unissent cet
empereur à Caelestis, la grande divinité africaine. Cette association nous semble alors tout à fait
déterminante pour évoquer le nom d'Héliogabale - M. Aurelius Antoninus - martelé après son assassinat.
On est donc en mesure de restituer la titulature de l'empereur en ajoutant peut-être les deux
qualificatifs dont l'usage est généralisé à partir de son règne : p(ius) f(elix) 14. Mais on pourra s'étonner
qu'ils aient été eux aussi martelés. Aussi nous pencherons pour la présence d'une hederá après Antonini et
avant Augusti. On aurait donc la lecture suivante : Pro salute JQr imp(eratoris) J^T Cfaes(aris) ^Çf
[[M. Aurelii AntJJ /o [[nini]] J£r Au[g(usti)...].
La mention de Caelestis
Venant après celle pour la sauvegarde d'Héliogabale, il est exclu que l'on ait une invocation à la grande
déesse africaine. Dans les inscriptions en général, et celles d'Afrique en particulier, l'action de grâce à une
divinité - ici Caelestis - vient toujours avant le bénéficiaire éventuel 15 ou le dédicant 16.
Cette règle souffre parfois d'une exception quand un vœu a été décidé sur l'ordre de Caelestis comme
c'est le cas d'une inscription de Carthage 17 :
Pro sal[ ute....] imp(eratoris) pii Aug(usti) / [ — iussu Dejae Caelestis /...
Néanmoins, dans le cas de notre inscription, il ne semble pas que cette éventualité se pose. Il faut plutôt
envisager la mention d'un édifice construit en l'honneur de Caelestis par un personnage dont une partie du
nom apparaît ligne 4. Ainsi après le A u[g] de la titulature impériale, doivent se placer les mots [templum
Deae ou Iunoni] / Caelesti Aug(ustae). Cette restitution n'est pas gratuite puisqu'on retrouve ce modèle en
Afrique 18 et elle laisse l'espace après Au\g(ustae)] pour le praenomen et le nomen du dédicant. Elle a aussi
l'avantage de donner aux trois premières lignes du texte une longueur à peu près égale et de ne pas être en
contradiction avec les différentes dénominations de Caelestis en Afrique du Nord. Cette restitution peut
marquer, enfin, les liens particuliers qui unissent Héliogabale à la déesse.
13 Sur ce chapiteau historié, conservé à Y Antiquarium du Forum romain voir Studniczka (F.), Ein Pfeilerkapitell auf
dem Forum. M.D.A.I., (Rom. Abt.), t. 16, 1901, p. 273 et ss. et pl. XII ; Mercklin (E. von), Antike Figuralkapitelle. Berlin,
1962, p. 154 et ss., n° 383, fig. 729-736 ; pour son interprétation, Turcan (R.), Héliogabale, p. 148-149 et fig. 9 et 9 bis.
14 RIC, IV, 2, p. 26.
15 Par exemple, CIL, VIII, 26 457 (Thugga) dans un vœu pour la sauvegarde de Sévère Alexandre ; CIL, VIII, 8241
(région de Mileu), dans un vœu pour la sauvegarde du sénateur cirtéen et grand commis de l'Empire à l'époque de Marc
Aurèle, C. Arrius Antoninus.
16 Ci par exemple, ILAlg, II, 3571 (Tiddis), dans une dédicace offerte à Caele[sti]Aug(ustae) sac(rum) par la
r(es)p(ublica) Tidfd(itanorum)] ; ILAlg, II, 6854 (Sila) dans une dédicace offerte à Caelestis par un particulier ; Caelestis
aeterna Aug(usta), ILAlg, II, 6225, sud-est de la cirtéenne.
17 ILT, 1052 = B.C.T.H., 1925, p. XLVIII.
18 Pour templum, voir par exemple, A.E., 1957, 63 (Banasa) : Pro salute/ imp. Caes, Titi Aeli Hadrian[i Antonini] ¡Aug. pii
pp templum Mairi deum... / ex decreto ordinis Tib. Claudii Iulianus et Saturninus du(u)mviri¡fratres a solo faciendum
curaverunt ; cf aussi à Thugga, CIL, Vili, 26 558 = ILAfr., 530 ; CIL, Vili, 26 562 = ILAfr., 531. En Afrique, le nom de la
déesse Caelestis est souvent accompagné de qualificatifs complémentaires. La cité de Thuburbo maius, en Proconsulaire a
révélé toutes les désignations possibles : [Deae Cae] lesti Aug(ustae), ILAfr., 227 ; Dominae Caelesti Aug(ustae), ILAfr. 228 ;
Iunoni Caele[sti Aug(ustae)], ILAfr., 233 ; [Iunonji Cae[lesti Regijnae, ILAfr., 234.
NOTES À PROPOS D'UN FUNDUS DE LA RÉGION DE CIRTA 161
19 Cf Gascou (J.), L'emploi du terme respublica dans l'épigraphie latine d'Afrique. M.E.F.R.A., t. 91, 1979, p. 383-398
(notamment, p. 392-398).
20 CIL, VIII, 7663 = ILAlg, H, 1593 (Cirta).
21 Inscriptions romaines de l'Algérie, n° 2341.
22 Columelle, De re rustica, I, 7, 6-7, éd. H.B. Boyd, « Loeb Classical Library ».
23 Epist., III, 19, 2, éd. A.M. Guillemin, Belles-Lettres.
24 Cf White (K.D.), Roman Farming. London, 1970, p. 377-389 pour l'appendice rassemblant tous les termes utilisés
pour désigner le personnel travaillant sur les domaines.
25 Ruggiero (E. de), article actor, Dizionario epigrafico di Antichità romana p. 66-67 avec notamment les références au
Digeste, XXXIV, 1, 18, 3, 12 ; XL, 7, 40 ; White (K.D.), Roman Farming, London, 1970, p. 379. Pour les inscriptions en
Afrique du Nord, on retrouve les mêmes réserves : les actores évoqués sont tous des esclaves : cf ILAlg, I, 3625 ; CIL, VIII
939, 1828, 2803, etc.
26 Cf une inscription de la région de Celtianis, AAA, f. 8, 151 = ILAlg, II, 3410, sur laquelle est évoqué un Diadoc(h)us
procurator f(undi) M(?) Le fundus, sur lequel le procurateur a autorisé la dédicace pour la sauvegarde des empereurs Marc
Aurèle et L. Vérus, est probablement un domaine impérial (datation 161-169 après J.-C). Dans la seconde moitié du IIIe siècle,
sont mentionnés en Afrique du Nord, des conductores fundi, voir Peyras (J.), Le fundus Aufidianus : étude d'un grand domaine
romain de la région de Moteur (Tunisie du Nord). Ant. Afric, t. 9, 1975, p. 181-222.
27 Atlas archéologique de la Tunisie = AAT, Zama, 17 = A.E., 1927, 36 = ILT, 1568. L'inscription est datée très
vraisemblablement du règne de Maximin (235 après J.-C), dont le nom a été martelé.
28 AAT, Zama, 109 = C.R.A.I., 1937, p. 292-301 = ILT, 628.
162 F. BERTRANDY
n'est donc pas étonnant qu'on élève à cette divinité de petits sanctuaires, comme l'évoque ici cette
inscription, et d'autres témoignages à Tiddis29, et sur le territoire de Cirta30, voire en Maurétanie31, au
fundus Tunis Rutundaen et qu'on lui offre des dédicaces33.
Lefundus
II faut aborder maintenant la dernière ligne de l'inscription mentionnant un fundus senectf-J, si on
accepte qu'il s'agit bien d'un fundus. Avec la transcription Senectf-J on est en présence de la seconde
anomalie de ce texte, car nulle part dans le monde romain on ne trouve un nom ou un surnom commençant
par Senect -. Certes la racine de ce mot se rapporte bien aux noms communs Senex(-is), Senecio (-ionis),
Senectus(-tutis) qui désignent le vieillard et la vieillesse, mais il n'y a pas de gentilice, ni de surnom construit
à partir d'une racine Senect[-].
Aussi il faut envisager une mauvaise lecture de la dernière lettre / du mot. C'est pourquoi on proposera
la correction du Γ par un / : ce qui a l'avantage de ne pas modifier la haste et d'offrir quelques propositions
de restitution. Cependant, il faut noter la rareté du gentilice Senecius. Bien que totalement absent d'Afrique
du Nord et d'Espagne, on le retrouve à Rome34 et en Italie35. De même, en Gaule et dans les Germanies,
on trouve la forme Senecianius36. Pourtant ces deux formes, qui n'existent pas en Afrique du Nord, nous
obligent à les rejeter et à proposer une autre solution à partir de la forme Senecio, qui est un surnom bien
attesté en Cirtéenne.
En voici la liste :
Arsacal Iulius Senecio CIL, VIII, 6114
Celtianis L. [Bot] tius Senecio ILAlg, II, 2097.
Q. Bottius Senecio (Q. fil.) ILAlg, II, 2100.
Q. Bottius Senecio (T. fil.) ILAlg, II, 2096.
[.] Bottius Senecio ILAlg, II, 2097.
Q. (Bottius fil.) Senecio ILAlg, II, 2101.
Q. Bottius Senecio Soricio ILAlg, II, 2345.
Cecilius Senecio ILAlg, II, 2417.
L. Claudius Senecio ILAlg, II, 2500.
Q. Granius Senecio ILAlg, II, 2663.
Horatia Senecionis fi(lia) ILAlg, II, 2708.
Q. Iulius Senecio ILAlg, II, 2820.
Cirta Q. Sosius Senecio ILAlg, II, 652.
Rusicade [.] Fabius Senecio ILAlg, II, 38.
Tiddis M. Lollius Senecio ILAlg, II, 3563.
(El Heri) L. Lollius Senex ILAlg, II, 3563.
37 Sur le site et le mausolée, voir AAA, f. 8, 147 ; Gsell (S.), Monuments antiques de l'Algérie, II. Paris, 1901, p. 97-99 ;
R.S.A.C, t. 48, 1914, p. 185-191.
38 CIL, VIII, 6705 = ILAlg, II, 3563 ; CIL, VIII, 6706 = ILAlg, II, 3605 ; ILAlg, II, 3446. Sur le personnage, cf Le Glay
(M.), Sénateurs de Numidie et de Maurétanie. Epigrafìa e ordine senatorio, Tituli, t. 5, 1982, p. 766-767.
39 En revanche, Senecianus, très rare (cf ILAlg, II, 2337 bis) est attesté hors d'Afrique : Cf Kajanto (I.), The Latin
cognomina, p. 108.
40 CIL, VIII, 6013, Sittia Seneciosa.
41 Sur le modèle, par exemple, d'une inscription de la région de Celtianis, ILAlg, II, 3410 datée du règne de Marc Aurèle
et de L. Verus.
42 Picard (G. Ch.), Les religions de l'Afrique antique. Paris, 1954, sur Caelestis, divinité ouranienne et chthonienne,
p. 105-115.
164 F. BERTRANDY
APPENDICE
Liste des grandes exploitations de la Cirtéenne, mentionnées de façon quasi certaine, sous le Haut-Empire1.
1. Domaine des Arrii (AAA,f. 17, 237) , à Kej Tazrout au sud-ouest de Mileu (deuxième moitié du IIe siècle).
La présence de cette famille dans la région est attestée par une dédicace adressée probablement par un affranchi, Antonius
Philetus, à son maître C. Arrius Antoninus2. Elle est aussi connue à Cirta par des inscriptions du second siècle après
J.-C.3.
2. Domaine d'Antonia Saturnina (AAA,f. 17, 386), à Aïn M'chira au sud-ouest de la Cirtéenne (première moitié du IIe siècle).
Antonia Saturnina a fondé un vicus et des nundinae bi-mensuels à cet endroit. Elle est la femme de C. Arrius Pacatus et, de
ce fait, alliée en Cirtéenne à la grande famille des Arrii4. On peut faire un parallèle entre cette création et celle du vicus
Phosphori ou Phosphorianus au sud-est de la Cirtéenne et notamment de Gadiaufala ; là encore ont été créées des
nundinae5.
3. Domaine de Pompeianus (AAA.f. 17, 262), à Oued Athmenia, au sud-ouest du Chettaba (IIIe siècle).
Il semble y avoir eu à cet endroit un vaste domaine avec termes privés et peut-être écuries pour chevaux de course. Une
mosaïque, aujourd'hui détruite, représentait le domaine et comprenait des inscriptions6.
4. F(undus) M(-) (AAA.f. 8, 151), au Douar Guettara (datation : 161-169).
Ce fundus1 se situe au nord du confluent de l'oued Smendou et du Rhumel. Il s'agit probablement d'un domaine impérial à
l'époque de Marc Aurèle et de L. Verus.
5. Fundus Sallustianus (AAA.f. 17, 128), à Bkira au nord de Cirta.
On peut se demander si ce fundus a un quelconque rapport historique avec le proconsulat de Salluste en Africa nova au
lendemain de Thapsus. Ce ne serait pas impossible quand on constate la présence de nombreux Sallustii à Sigus, et à
Thibilis, à l'intérieur de l'ancien territoire de P. Sittius8.
1 Shaw (B.D.), Rural markets in North Africa and the political economy of the Roman Empire. Ant. Afric, t. 17, 1981,
p. 37-83, évoque la tenue de marchés ruraux à proximité de grands domaines, de zones de parcours des tribus et de centres
urbains ou castella. Il évoque en Cirtéenne un certain nombre de grandes exploitations sans en faire une recension
systématique, p. 59-67, voir aussi la carte, p. 82. Lassêre (J.-M.), Ubique Populus, Paris, 1977, p. 323-326, à partir des
indications fournies par Y Atlas Archéologique de l'Algérie, recense les références à des exploitations agricoles de diverses tailles
qu'on rencontre sur le territoire de la « Confédération cirtéenne ».
2 CIL, VIII, 8241.
3 CIL, VIII, 7031-7032 = ILAlg, II, 615-616, cf aussi une inscription de Timgad (CIL, VIII, 2390). C. Arrius Antoninus
a été consul après 170, voir PIR, I, 2, p. 212, n° 1088, il était le neveu d'Antonia Saturnina, voir note ci-après. Sur les Arrii,
voir Le Glay (M.), Sénateurs de Numidie et de Maurétanie. Epigrafìa a ordine senatorio, Tituli, t. 5, 1982, p. 763-764.
4 CIL, VIII, 7031-7032 = ILAlg, II, 615, 616, C. Arrius Pacatus serait le fondateur de thermes à Cirta, dont il subsiste
des restes importants, AAA, f. 17, 126, n° 18, Gsell (S.), Monuments antiques de l'Algérie, I, p. 229.
5 AAA, f. 18, 163 = ILAlg, II, 6225 ; B.C.T.H., 1914, p. 566-570 ; idem, 1916, p. 62-69 ; idem, 1918, p. 232-237, cf le n° 12
de notre liste ; voir encore Nollé (J.), Nundinas instituere et habere , Hildesheim, Zurich, New York, 1982, Die Markttage der
Antonia Saturnina, p. 131-134.
6 CIL, Vili, 10 889, 10 890, 10 891 ; Gsell (S.), Monuments antiques, II. 1901, p. 23-28 ; CIL, VIII, 1091 mentionne un
saltuarius. Sur ces ruines, Alquier (J. et P.), R.S.A.C, t. 57, 1926, p. 86-106 ; idem, R.S.A.C., t. 59, 1928-1929, p. 289-318 ;
en dernier lieu, Berthier (Α.), Établissements agricoles antiques à Oued Athmenia. B.A.A., t. 1, 1962-1965, p. 7-20, les
bâtiments retrouvés dateraient du IIe et du IIIe siècle ; pour la mosaïque, voir une reproduction dans Vigneron (P.), Le cheval
dans l'antiquité gréco-romaine, t. 2. Nancy, 1968, pi. 9, a.
7 ILAlg, II, 3410. On ne peut restituer pour l'instant le nom de ce fundus. Il est possible aussi que le M soit le prénom
de Iulius Victor, le dédicant.
8 Bosco (J.), R.S.A.C., t. 58, 1927, p. 199-208 = ILAlg, II, 1960, trois inscriptions L(imes) F(undi) S(allustiani) ;
Kolendo (J.), C. Sallustius Crispus, premier gouverneur de l'Africa nova, Arheoloski Vestnik, Acta archeologica, t. 28, 1977,
p. 255-275. Voir Bertrandy (F.), Karthago, t. 19, 1977-1978 (1980), p. 98-99.
NOTES À PROPOS D'UN FUNDUS DE LA RÉGION DE CIRTA 1 65
6. Fundus Senec[iosus] (AAA.f. 17, 93), près de Mastar, au cœur du Chettaba (règne d'Héliogabale)9.
7. Saltus Bagatensis (AAA,f. 17, 158), El Aria, au nord de Ksar Mahidjiba (deuxième moitié du IIe siècle) l0.
Les propriétaires de ce domaine étaient M. Paccius Victor Rufius, son épouse Marítima et leur fils M. Paccius Rufinus ".De
rang équestre, ils étaient originaires de Thubursicu Numidarum n. Leur fils M. Paccius Rufinus est connu pour avoir
adressé une dédicace à M. Flavius Postumus, sénateur de Cirta, adlectus inter tribunicios sous le règne d'Antonin 13.
8. Saltus Poctanensis Phosphorianus (AAA.f. 18, entre 1, 2 et 5), à Bordj Sabath (deuxième moitié du IIe siècle).
Au deuxième siècle après J.-C, ce domaine appartenait très vraisemblablement à la famille des Antistii, originaire de Thibilis
et alliée à la famille impériale. Un de ses membres, L. Antistius Mundicius Burrus, était le gendre de Marc Aurèle u.
9. Saltus Sorothensis (AAA,f. 18, 454), au sud-ouest de Gadiaufala (première moitié du IIP siècle).
Selon H.-G. Pflaum, dans le commentaire de l'inscription qui mentionne le saltus l5, ce domaine semblerait être un domaine
impérial ayant gardé le nom de son ancien propriétaire. Le texte est daté du règne de Maximin le Thrace (235-238). Il
est possible de faire un rapprochement avec deux mosaïques d'Hadrumète sur lesquelles sont présentés des chevaux avec
Sorothi sur la croupe ". La dédicace est faite au génie du saltus pour le salut du propriétaire du domaine.
10. Praedia de Caelia Maxima comprenant un saltus (AAA.f. 17, 66), près de Aïn Tine, à l'ouest de la Cirtéenne.
Cette c(larissima) f(emina) a fait construire des tours pour surveiller sa forêt contre un danger particulier (feu, empiétement
de troupeaux nomades 17 ?). La dédicace est faite par un servus actuarius, ici son intendant l8. Il n'est pas impossible que
ces domaines se soient étendus aussi, dans le voisinage d' Uzelis, sur des terres situées à une assez grande altitude, exposées
au Nord, et où l'on pratiquait la culture des céréales 19.
11. Praedia, propriétaire inconnu (AAA.f. 17, 38-39), au sud-ouest de Mileu.
Ce domaine est mentionné par des employés appartenant à la famille de Q. Statius Caecilius Butra qui y ont vécu et travaillé
longtemps20. On peut se demander s'il n'appartenait pas à Caelia Maxima car il est voisin du précédent.
12. Vicus Phosphori ou plutôt Phosphorianus (AAA.f. 18, 163) au nord-nord-ouest de Gadiaufala (IIe siècle)21.
Il s'est implanté dans une région de vastes domaines ruraux où les centres urbains sont rares. Dans l'histoire de l'Afrique du
Nord le vicus apparaît au moins au IIe siècle22 et on a là, à cette époque, le témoignage d'une mise en valeur agricole de
la zone des Hauts plateaux au sud-est de Cirta23. Dernièrement, J. Desanges a apporté des éléments nouveaux, tout à
fait convaincants, pour déterminer le nom du propriétaire du domaine et faire un rapprochement entre ce vicus et le saltus
Poctanensis Phosphorianus appartenant aux Antistii de Thibilis2*. Il penche pour une hypothèse qui nous paraît fondée :
le nom de ce domaine proviendrait du cognomen du père de Q. Antistius Adventus et de L. Antistius Mundicius Burrus,
un Antistius Phosphorus. L'inscription serait daté alors, à notre avis, de la première moitié du IIe siècle. On notera enfin
que le vicus est placé sous la protection de Caelestis à qui Phosphorus a édifié et dédié un sanctuaire25.
lulii ~Geminii
Antistii
DPactumeii?1
Thibilis
21 ILAlg, II, 6225 ; Shaw (B.-D), art. cité, Ant. Afric, t. 17, 1983, p. 62-63.
22 Pavis-D'Escurac (H.), Lámbese et les vétérans de la legio III Augusta, Mélanges A. Grenier, Bruxelles, 1962,
p. 577-579, indique que Verecunda ou vicus Augustorum Verecundens(ium) est constitué, en 149, par des possessores.
23 Voir le débat sur l'étendue du vicus entre Carcopino (J.) et Toutain (J.), B.C.T.H. 1914, p. 566-576 ; 1916, p. 62-69 ;
1918, p. 232-237. On mettra en parallèle le texte de cette inscription mentionnant le vicus et des nundinae avec l'inscription de
M'Chira, CIL, VIII, 8280 = 20 077 dans laquelle il est rappelé qu'Antonia Saturnina a fondé un vicus et des nundinae (n° 2
de notre liste) ; voir Nolle (J.), op. cit., Der vicus Phosphorus, p. 135-143.
24 Voir n° 8 de notre inventaire ; Desanges (J.), Saltus et vicus P(h)osphorianus en Numidie, L'Africa romana, Atti del
VI Convegno di Studio, Sassari, 16-18 dèe. 1988, Sassari, 1989, p. 283-291.
25 II y a là un argument supplémentaire en faveur de notre proposition de restitution pour l'inscription, CIL, VIII, 6351.