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Interview de Damiano Michieletto (metteur en scène), sur Cavalleria rusticana & Pagliacci

pour notre magazine MMM n°40.

Vous avez réalisé cette production en 2015 pour Covent Garden en coproduction avec la
Monnaie. Qu’est-ce qui a inspiré le concept à la base de votre mise en scène ?
Je veux rendre les personnages crédibles et créer un environnement qui leur permet de
prendre vie. D’emblée, il me semblait évident que ces deux histoires ne relevaient pas de
mondes différents et je souhaitais donc plonger le public dans un seul et même univers. Ces
oeuvres se déroulent toutes deux dans la même région – l’Italie du Sud – et traitent toutes
deux d’un triangle amoureux. De plus, la présence de la religion et la position de la femme y
sont comparables, et les deux intrigues tournent au drame… On peut également observer des
similitudes musicales entre les deux opéras, qui contiennent notamment l’un et l’autre un
intermezzo symphonique.

Et vous avez donc renforcé ce lien ?


Mascagni et Leoncavallo ne pouvaient pas deviner que leurs opéras allaient devenir un
diptyque inséparable. Et c’est en effet un choix personnel de ma part de raconter les deux
opéras comme s’il s’agissait d’une seule et même histoire, afin d’offrir une expérience de
théâtre musical plus forte. Cavalleria rusticana commence par exemple avec l’arrivée des
comédiens qui donneront par la suite une représentation théâtrale dans Pagliacci – les deux
histoires s’entremêlent ainsi

Où se situe la force de ces opéras si simples en apparence ?


L’intrigue de Cavalleria est peut-être un peu maigre, mais c’est aussi la simplicité qui fait la
force des opéras véristes de ce genre, qui sont tout sauf conceptuels et symbolistes. Ce «
réalisme » évoque le cinéma. Pensez par exemple au début de Pagliacci, où le personnage du
Prologue met en évidence qu’il s’agit ici de personnages en chair et en os. L’histoire de
Pagliacci est plus complexe car elle se déroule à deux niveaux. Mais elle s’appuie sur une
situation analogue à celle de Cavalleria, et une mort violente en constitue également le
dénouement. C’est là une ressemblance supplémentaire entre les deux oeuvres : la présence de
la violence primitive.

Que signifie le terme « verismo » pour vous en tant que metteur en scène d’opéra ?
Comme forme d’art, l’opéra est éloigné de la réalité : raconter des histoires en chantant est
tout sauf réaliste ! Mais l’essence de l’opéra consiste aussi à transmettre des émotions à
travers le chant et la musique. Le verismo en musique est lié au verismo littéraire d’auteurs
comme Giovanni Verga, qui s’est fait connaître grâce à des histoires populaires simples. Pour
moi, le verismo traite d’histoires tirées de la vraie vie et de personnages humains crédibles,
interprétés par des chanteurs qui entrent vraiment dans l’histoire tout en étant capables de
transmettre des émotions.

« C ’EST LA SIMPLICITÉ QUI FAIT LA FORCE DES OPÉRAS VÉRISTES DE CE


GENRE, QUI SONT TOUT SAUF CONCEPTUELS ET SYMBOLISTES. »

- Damiano Michieletto

Est-ce que cela se traduit aussi dans le décor très élaboré ?


Notre décor contient de nombreux détails « réalistes », mais il est avant tout conçu pour tenir
compte des changements rapides – présents dans les deux oeuvres – entre de grandioses
scènes chorales et des moments intimes. Notre histoire se déroule sur la grand-place d’une
petite ville. Grâce à un plateau tournant, on peut rapidement « zoomer » et « dézoomer ». Au
centre, il y a la boulangerie de Mamma Lucia, un personnage un peu plus âgé. Je m’imagine
qu’elle a déjà connu dans le passé des situations analogues, avec cette même violence... C’est
un endroit auquel sont associés plein de souvenirs, un endroit très « humain » aussi, où on
travaille de ses mains. L’intérieur de la boulangerie peut être utilisé, mais également
l’extérieur pour des festivités ou le passage d’une procession religieuse... Il est important pour
moi que cet espace puisse aider l’intrigue à se déployer.

Vous avez évoqué la violence inhérente à cette histoire. De manière générale, comment
portez-vous la violence à la scène ?
Je n’ai pas de règles pour cela... J’essaie juste d’aborder l’histoire avec honnêteté. Parfois on
choisit de souligner la violence si cela peut étayer le concept du spectacle. Si on aborde
Pagliacci avec un regard actuel, Canio devrait se retrouver en prison. C’est un monstre : il tue
une femme par jalousie ! Cependant, dans ce cas, mon objectif ultime n’est pas de montrer ce
meurtre ; au contraire, je veux travailler sur les relations humaines et la tension qui découle
des parallélismes entre la vie des comédiens et la pièce qu’ils interprètent : ce que cela suscite
dans l’esprit de Canio et comment cela le rend fou.

Qu’est-ce que cela représente pour vous de reprendre cette production avec deux
nouvelles distributions ?
Lors d’une reprise, de nombreux éléments sont déjà déterminés, mais comme je le disais, ce
répertoire exige que les chanteurs puissent transmettre des émotions authentiques. Il est donc
important que les chanteurs et le nouveau chef aient la liberté d’apporter quelque chose de
personnel, quelque chose en quoi ils croient. J’essaie moi-même de découvrir de nouveaux
aspects sur base de leur personnalité, de leur imagination, de leur physique… À partir de là,
un échange créatif est possible – et c’est cela qui me rend heureux dans ce métier.

Propos recueillis par Marie Mergeay

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